SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE SUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE DE LA FAO
PROGRAMME ALIMENTAIRE MONDIAL |
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À la demande du Ministère de l'agriculture et des coopératives du Népal, une Mission conjointe FAO/PAM d'évaluation des récoltes et des disponibilités alimentaires s'est rendue dans le pays du 20 mars au 8 avril 2007. L'évaluation avait pour objectif global de mieux comprendre l'insécurité alimentaire chronique et transitoire (suite à des catastrophes, de courte durée) en tenant compte de la récolte des céréales d'hiver de 2007, des disponibilités vivrières actuelles, de l'accès aux marchés et de la consommation alimentaire dans le pays aux niveaux national, sous-national et des ménages, afin que le gouvernement et la communauté internationale puissent prendre les mesures voulues pour réduire au minimum l'impact de l'insécurité alimentaire potentielle.
La Mission a rencontré des représentants d'institutions pertinentes, notamment organismes publics, organismes internationaux, donateurs, organisations non-gouvernementales (ONG) et secteur privé; elle a passé en revue les données et les renseignements disponibles sur la sécurité alimentaire émanant de diverses sources. Les visites de terrain ont couvert 20 districts situés dans quatre régions de développement et trois zones écologiques (Teraï, collines et montagnes), et se sont concentrées sur les zones les plus exposées à l'insécurité alimentaire des collines et des montagnes du centre-ouest (où l'insécurité alimentaire est chronique) et de l'est et du centre du Teraï (touchées par la sécheresse et les inondations de 2006).
La Mission a observé les conditions de végétation et évalué les rendements dans différentes catégories ainsi que l'impact de la sécheresse et des inondations de 2006 sur les approvisionnements vivriers. Les membres de la mission se sont entretenus longuement avec des agriculteurs, des minotiers, des fonctionnaires locaux, des instituts de recherche agronomique, des fournisseurs de semences et d'engrais et des ONG locales au sujet de la production à court et long terme et des problèmes d'approvisionnement.
La Mission s'est également rendue dans des postes de douane le long de la frontière avec l'Inde et a interrogé des fonctionnaires, des négociants (céréales, légumes, bétail et intrants) à Katmandou et sur les marchés locaux, ainsi que des minotiers et des agriculteurs dans les champs, de manière à recueillir des renseignements de première main sur les échanges formels et informels de produits alimentaires et d'intrants agricoles, et sur leur impact sur la sécurité alimentaire.
De longs entretiens ont été conduits avec des ménages, afin d'obtenir des renseignements sur la consommation alimentaire, la nutrition et la santé et sur leurs stratégies d'adaptation (envois de fonds de l'étranger, activités non agricoles, modification des habitudes alimentaires, aide du gouvernement, du PAM, d'ONG, etc.). En outre, la Mission a parlé au téléphone avec des fonctionnaires situés dans les districts où elle n'a pas pu se rendre. Avant son départ pour les zones rurales, la Mission a fait le bilan avec les autorités publiques et les organismes des Nations Unies à Katmandou.
Avec l'aide de l'Unité d'enquête sur les ménages du Bureau central de statistiques (BCS), la Mission a effectué des analyses, au niveau des ménages, de la consommation alimentaire, de la pauvreté, de la sous-alimentation, à l'aide des données de la deuxième enquête du BCS sur les niveaux de vie au Népal (2003/04), qui couvrait plusieurs domaines.
La composition de l'équipe de la FAO était la suivante: M. Cheng Fang, M. Ramesh Sharma et M. Raphy Favre. L'équipe du PAM incluait M. Siemon Hollema. Deux consultants de la FAO recrutés localement, M. Rajendra Pratap Singh et M. Govind Pandey, ont participé aux visites de terrain et ont contribué à la collecte et à l'analyse des données. En outre, M. Subhash Singh et Mme Kanta Kanal, du PAM, ont aidé à organiser les visites de terrain.
La Mission souhaite remercier le Ministère de l'agriculture et des coopératives de son ferme soutien, ainsi que le Bureau central de statistiques pour les données mises à disposition. Elle tient à exprimer sa reconnaissance à M. Ram Hari Gaihre, chargé de la section des enquêtes sur les ménages du BCS ainsi que M. Ravi Kumar Dangol et Mme Purna Laxmi Rajbhandari, du Programme de promotion du secteur de l'agro-alimentaire du Ministère de l'agriculture et des coopératives, qui ont tous apporté une aide précieuse.
Cette Mission a été rendue possible grâce à l'aide financière du ministère du Développement international (DFID) du Royaume-Uni. Les points de vue exprimés dans le présent rapport ne reflètent d'aucune manière l'avis officiel du DFID, du Ministère de l'agriculture et des coopératives ou du BCS.
Le Népal se caractérise par un faible niveau de développement humain et des bas revenus. Selon le rapport du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) sur le développement humain pour 2006, il se classe 138ème sur 177 pays pour ce qui est de l'Indice du développement humain et 156ème pour le PIB par habitant en parité du pouvoir d'achat. Ces deux indicateurs placent le Népal au tout dernier rang parmi ses voisins.
Le Népal a connu une situation socio-économique mouvementée pendant les onze années d'insurrection qui ont coûté la vie à 13 000 personnes environ et causé des dégâts physiques, psychologiques, sociaux et économiques. L'accord historique conclu en novembre 2006 entre l'Alliance des sept partis et le Parti communiste népalais (les maoïstes) laisse entrevoir la promesse d'instaurer une paix durable et de s'attaquer aux causes profondes du conflit. Il ouvre aussi des possibilités dans le domaine de l'agriculture et du développement rural.
L'agriculture est le pilier de l'économie: elle assure la subsistance de plus de 80 pour cent de la population et représente quelque 40 pour cent du produit intérieur brut (PIB). Les activités industrielles se rapportent essentiellement à la transformation de produits agricoles, notamment le jute, la canne à sucre, le tabac et les céréales.
Le Népal est exposé à plusieurs types de catastrophes naturelles: sécheresse, inondations, glissements de terrain, tempêtes de vents, giboulées, vagues de froid, maladies épidémiques, crues soudaines des lacs glaciaires, incendies et séismes. La sécheresse, les giboulées, les inondations et les glissements de terrain sont de loin les plus graves et aussi celles qui reviennent le plus souvent, et elles provoquent chaque année des dégâts matériels importants et de nombreuses pertes de vies humaines.
La Mission a évalué la production de blé et d'orge de 2007, dont la récolte était en train en certains endroits du pays en mars et avril. Pour ces deux cultures, les perspectives sont favorables, et selon les prévisions, la production devrait être supérieure à la moyenne, des précipitations étant tombées au moment opportun et en quantités suffisantes pendant la campagne d'hiver de 2006/07, tandis que les giboulées ou autres catastrophes n'ont pas causé de dommages significatifs. En tout, la production de blé et d'orge devrait augmenter de plus de 7 pour cent. Toutefois, une sécheresse localisée et des giboulées ont durement touché la production en plusieurs endroits des zones de collines et de montagnes de l'extrême-ouest et du centre-ouest.
En 2006, de mauvaises conditions climatiques ont gravement compromis la production céréalière du Népal, en particulier à l'est et au centre du Teraï, qui a souffert de la sécheresse. Globalement, la production de riz, (principale culture céréalière du pays) aurait diminué, selon les estimations, de 13 pour cent à l'échelle nationale, et de 20 à 50 pour cent dans certains districts de l'est et du centre. Les estimations établissent la production céréalière totale (riz, maïs, mil, blé et orge) de 2006 à 5,96 millions de tonnes, soit 4,5 pour cent de moins que l'année précédente et 1,7 pour cent de moins que la moyenne des cinq années précédentes. Par région, la production céréalière totale de 2006 est estimée en recul de 16 pour cent dans l'est du Teraï, de 9 pour cent dans le centre du Teraï et de 5,3 pour cent dans les zones de montagnes de l'ouest. Les districts les plus touchés comprennent Saptari (moins 30 pour cent) et Siraha (moins 28 pour cent) dans l'est du Teraï, ainsi que Mahottari (moins 21 pour cent), Dhanusha (moins 20 pour cent), Rautahat (moins 12 pour cent) et Sarlahi (moins 12 pour cent) dans le centre du Teraï.
Le déficit céréalier (y compris les pommes de terre en équivalent céréales) de 2006/07 (novembre/octobre) au niveau national est estimé à 225 000 tonnes, contre 23 000 tonnes l'année précédente. Les importations commerciales devraient s'élever à 110 600 tonnes pour couvrir en partie les déficits dans les zones urbaines et dans le Teraï. Les besoins d'aide alimentaire sont estimés au total à 114 400 tonnes, dont 1 400 tonnes dans la zone des montagnes de l'ouest, 19 200 tonnes dans la zone des montagnes du centre-ouest, 31 000 tonnes dans la zone des montagnes de l'extrême-ouest et 62 800 tonnes dans la zone des collines de l'extrême-ouest. Les importations d'aide alimentaire par la Nepal Food Corporation (NFC) et le PAM, qui devraient atteindre 101 800 tonnes, couvriront la plupart du déficit restant.
Le manque d'accès à la nourriture est le principal facteur d'insécurité alimentaire à long terme dans les zones de collines et de montagnes à l'extrême-ouest et au centre-ouest du pays, en raison du très faible pouvoir d'achat et des prix très élevés pratiqués sur les marchés. Dans ces zones, les déficits vivriers ne conduiront pas automatiquement à une augmentation des importations privées et ils ne devraient pas être totalement comblés par la NFC ou le PAM, les coûts de transport étant exorbitants, ce qui rend impossible le transport de quantités suffisantes de vivres dans ces zones déficitaires.
Sur les 114 400 tonnes de déficit non couvert, le PAM devrait fournir 8 864 tonnes au titre de ses opérations d'urgence, 33 517 tonnes au titre de son programme de pays et 39 405 tonnes au titre de l'aide alimentaire aux populations touchées par le conflit. La NFC a fourni 38 000 tonnes en 2006, tandis que les distributions subventionnées devraient avoisiner 20 000 tonnes en 2007.
En termes de quantité, la région centrale est la plus déficitaire (281 000 tonnes dans la zone des collines du centre et 113 000 tonnes dans le centre du Teraï), en raison de la forte urbanisation de la vallée de Katmandou. Par habitant, les zones déficitaires en céréales alimentaires sont concentrées dans la zone des collines de l'extrême-ouest (142 kg/personne), des montagnes de l'extrême-ouest (143 kg/personne), des montagnes du centre-ouest (158 kg/personne), et des montagnes de l'ouest (165 kg/personne). Les importations de céréales alimentaires dans ces zones sont en général limitées à des distributions subventionnées de riz par l'intermédiaire de la NFC, à l'aide alimentaire et à de petites quantités portées par les travailleurs migrants de retour au foyer. La production vivrière locale joue donc un rôle essentiel pour la sécurité alimentaire dans ces zones. Les pertes de récolte locales dues à la sécheresse, aux giboulées ou aux glissements de terrain peuvent gravement compromettre les disponibilités vivrières et provoquer des crises alimentaires aiguës.
Selon les estimations, au total 42 des 75 districts seraient en déficit vivrier en 2006/07, parmi lesquels 13 districts ont une production céréalière par habitant de moins de 150 kg. Ces districts sont, par ordre décroissant de gravité du déficit vivrier, les suivants: Katmandou, Humla, Lalitpur, Bajura, Achham, Dolakha, Bhaktapur, Mahottari, Kalikot, Baitadi, Bajhang, Dolpa et Rautahat. En outre, dans 14 autres districts, la production céréalière par habitant est comprise entre 150 kg et 180 kg, ce qui est bien moins que la moyenne nationale et que les besoins minimums.
Les marchés céréaliers dans la plupart des zones du Teraï et des collines sont intégrés avec les marchés indiens, les prix des denrées de base étant essentiellement déterminés par ces derniers. Toutefois, dans la zone des montagnes, les prix du riz sont constamment beaucoup plus élevés, et les marchés vivriers sont très isolés. Les prix mensuels sur trois ans, de mai 2004 à avril 2007, montrent que sur les marchés de la zone des montagnes, le riz coûtait en moyenne 177 pour cent de plus que sur les marchés du Teraï au centre-ouest et 123 pour cent de plus que dans l'est.
La pauvreté rurale est un facteur clé qui influe sur la sécurité alimentaire dans les régions du centre-ouest et de l'extrême-ouest, où l'incidence de la pauvreté est de respectivement 46,4 pour cent et 45,6 pour cent, selon les estimations du BCS, du PAM et de la Banque mondiale. Sur la base des estimations de la Mission, les populations qui vivent dans les montagnes consacrent (en moyenne) plus de 65 pour cent de leur revenu à la nourriture, alors que la moyenne nationale est de 36,9 pour cent.
L'incidence de la sous-alimentation, mesurée par un apport calorique insuffisant, est très élevée au Népal. Au niveau national, selon les estimations de la Mission, le pourcentage de la population sous-alimentée est estimé à 40,7 pour cent, compte tenu d'un apport minimum de 2 124 kilocalories par jour fixé par le BCS. Il n'est guère étonnant de constater que dans les zones rurales de l'extrême-ouest et du centre-ouest, l'apport énergétique est beaucoup plus faible (respectivement 2 250 kcal et 2 310 kcal, contre 2 405 kcal à l'échelle nationale) et donc l'incidence de la sous-alimentation plus élevée (environ 50 pour cent). En toute logique, la part de la population qui présente les plus graves carences en apport énergétique alimentaire, si l'on considère que le seuil est de 1 910 kcal/personne/jour et de 1 810 kcal/personne/jour, est aussi nettement plus élevé que parmi la population rurale des zones situées à l'est, au centre et à l'ouest du pays.
La Mission est préoccupée par les niveaux de malnutrition très élevés constatés au Népal, en particulier dans les zones de collines et de montagnes de l'extrême-ouest et du centre-ouest, où en général plus de 60 pour cent des enfants présentent un retard de croissance et 50 pour cent souffrent d'insuffisance pondérale, ainsi que dans le Teraï, où en moyenne 17,7 pour cent des enfants de moins de cinq ans souffrent de malnutrition aiguë.
L'insécurité alimentaire dans les zones excédentaires du Teraï et des basses collines est avant tout une question d'accès économique. Bien que l'incidence de la pauvreté dans ces zones soit en général plus faible que dans les collines et les montagnes de l'extrême-ouest et du centre-ouest, la concentration de la pauvreté (exprimée par le nombre de pauvres par kilomètre carré) est très élevée. Il ressort des observations de la Mission que l'inégalité des revenus est probablement plus marquée dans le Teraï que dans les collines et les montagnes. Les communautés vulnérables, telles que les Dalits, Adivasi Janajatis et Kamayas (main-d'oeuvre asservie) ont souvent du mal à accéder à suffisamment de nourriture. De ce fait, le Teraï se caractérise par des taux de cachexie très élevés, bien supérieurs au seuil d'alerte. Parmi les autres facteurs à l'origine de l'insécurité alimentaire et de la malnutrition dans le Teraï, on peut citer une connaissance limitée de la nutrition, une mauvaise hygiène et des pratiques de soin incorrectes, ainsi que l'inégalité des sexes au sein du ménage, qui place la femme en situation d'infériorité.
Un rapport de la FAO (2004) sur les groupes vulnérables au Népal a identifié plus de 9 millions de personnes vulnérables, en fonction de leurs moyens de subsistance (agriculteurs, ouvriers agricoles, castes des services ruraux, porteurs et urbains pauvres). Les ménages d'exploitants marginaux dans les collines et le Teraï représentent le groupe vulnérable le plus important; viennent ensuite les castes des services ruraux, les ouvriers agricoles du Teraï, les ménages d'exploitants marginaux des montagnes, les porteurs et les ménages urbains pauvres. Au sein de ces catégories de subsistance, les femmes, les enfants, les populations autochtones et les membres des basses castes (Dalit et Janajatis) sont le plus exposés à l'insécurité alimentaire.
La sécurité à long terme demeure difficile à atteindre au Népal. L'accroissement de la production agricole n'a pas suivi la croissance démographique, et les rendements moyens sont faibles par rapport à ceux enregistrés dans des pays voisins. Il est urgent d'investir dans la recherche semencière et l'approvisionnement en semences ainsi que dans l'expansion des ouvrages d'irrigation. L'augmentation de la production agricole aura un effet d'entraînement en amont et en aval dans les zones rurales du pays, ce qui fera apparaître toute une gamme d'activités rurales non agricoles qui sont très prometteuses, à en juger par les tendances récentes.
Il est indispensable d'améliorer sans tarder la sécurité alimentaire et les conditions de travail pour assurer le succès du processus de paix. La Mission souhaite souligner que, alors que l'insécurité alimentaire chronique touche la plupart du pays, des progrès considérables et généralisés en matière de sécurité alimentaire sont une condition préalable à l'instauration d'une paix durable. Elle insiste en outre sur le fait qu'il est important de suivre étroitement les facteurs de vulnérabilité qui pourraient compromettre le processus de paix.
Le présent rapport a été établi par Cheng Fang, Ramesh Sharma et Raphy Favre (FAO); et Siemon Hollema (WFP), sous la responsabilité du Secrétariat de la FAO à partir d'informations provenant de sources officielles et officieuses. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s'adresser aux soussignés pour un complément d'informations, le cas échéant. |
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Anthony Banbury Directeur régional, ODB PAM Fax: 0066-2-2881046 Mél:[email protected] |
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