VINGT-SIXIÈME CONFÉRENCE RÉGIONALE DE LA FAO POUR L’ASIE ET LE PACIFIQUE

Katmandou (Népal), 13-17 mai 2001

PRÉPARATIFS EN VUE DU SOMMET MONDIAL DE L’ALIMENTATION: CINQ ANS APRÈS – DIMENSIONS RÉGIONALES

Table des matières

Paragraphes

I. INTRODUCTION                                                                              1 - 5

II. PROGRÈS RÉALISÉS DANS LA RÉDUCTION
DU NOMBRE
DES PERSONNES SOUS-ALIMENTÉES                     6 - 12

III. DIFFÉRENCES DE RÉSULTATS: QUELQUES
EXEMPLES                                                                                       
13 - 40

IV. MESURES VISANT À RENFORCER LES PLANS
D’ACTION AFIN DE REMPLIR LES ENGAGEMENTS
ET D’ATTEINDRE LES OBJECTIFS DU SMA                                
41 - 71


 

I.                  INTRODUCTION

1.                     En novembre 1996, 185 délégations gouvernementales de haut niveau avaient participé au Sommet mondial de l’alimentation (SMA) pour proclamer leur «engagement commun et national de parvenir à la sécurité alimentaire pour tous». Elles se sont engagées «… à éradiquer la faim dans tous les pays» et ont adopté la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire et le Plan d’action du Sommet mondial de l’alimentation afin «… dans l’immédiat, de réduire de moitié le nombre des personnes sous-alimentées d’ici à 2015 au plus tard».

2.                     Pour atteindre cet objectif, il faudrait que le nombre des personnes sous-alimentées baisse de 20 millions chaque année. De récentes évaluations de la situation montrent que si le nombre des personnes sous-alimentées a baissé depuis le SMA, la réduction n’est que de quelque 6 millions par an, moins d’un tiers du nombre requis pour atteindre l’objectif fixé. Le taux de réduction dans la région Asie et Pacifique a également été lent et il est inférieur aux 13 millions requis.

3.         Les résultats varient considérablement d’un pays et d’une sous-région à l’autre. Ils sont meilleurs en Asie de l’Est et du Sud-Est qu’en Asie du Sud. Le fossé entre les pays performants et sous-performants est également large: il peut s’expliquer par des différences de capacité ainsi que par les approches, politiques et programmes adoptés.

4.                     Dans ce contexte, la FAO prévoit de tenir en juin 2002 le Sommet mondial de l’alimentation: cinq ans après (SMA: cinq ans après), au cours duquel les dirigeants mondiaux auront l’occasion d’examiner les progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations du Plan d’action du Sommet mondial de l’alimentation. Ils pourront mettre en lumière les obstacles rencontrés et explorer les moyens de mobiliser les ressources nécessaires à la mise en application des engagements.

5.                     Dans le cadre des préparatifs du SMA: cinq ans après, le présent document a pour objet d’évaluer la baisse de la sous-alimentation dans la région Asie et Pacifique, d’identifier les causes probables des différences de résultats et de suggérer des mesures de renforcement des plans d’action pour permettre à la région de remplir les engagements et d’atteindre les objectifs du Sommet mondial de l’alimentation.

II.              PROGRÈS RÉALISÉS DANS LA RÉDUCTION
DU NOMBRE
DES PERSONNES SOUS-ALIMENTÉES

6.                     Près de trois décennies de croissance rapide accompagnées de la Révolution verte ont permis de réduire considérablement le problème de la faim dans la région Asie et Pacifique. Entre 1969/71 et 1996/98, les pourcentages des personnes sous-alimentées dans les pays en développement de l’Asie de l’Est et du Sud-Est et de l’Asie du Sud sont tombés de 43 et 38 à 13 et 23 pour cent respectivement. Les résultats de ces sous-régions ont aussi contribué sensiblement à la réduction du pourcentage des personnes sous-alimentées dans le monde en développement (de 37 à 17 pour cent) au cours de la même période.

7.                     Les dernières analyses de la FAO indiquent que le nombre des personnes sous-alimentées dans les pays en développement de la région est tombé de 565 millions en 1990/92 à 497 millions en 1997/99. L’apport alimentaire énergétique par habitant est passé de 2 530 à 2 710 kcal/jour et la part de la région dans le pourcentage des personnes sous-alimentées des pays en développement est tombée de 69 à 64 pour cent.

8.                     En dépit des progrès réalisés dans la région au plan de la réduction de l’incidence de la faim au cours des années 1990, 16 pour cent de la population, soit une personne sur six, reste sous-alimentée, ce qui représente près des deux tiers des personnes sous-alimentées des pays en développement. La baisse de 12 pour cent en chiffres absolus se traduit par une baisse de 4 pour cent de la proportion des personnes sous-alimentées au cours de la même période. Les progrès réalisés jusqu’à présent montrent que la région Asie et Pacifique aura besoin de beaucoup plus de temps que prévu lors du Sommet mondial de l’alimentation pour réduire de moitié le nombre des personnes sous-alimentées.

9.                     Les réussites varient considérablement d’un pays à l’autre. Entre 1990/92 et 1997/99, le nombre des personnes sous-alimentées a baissé en Asie de l’Est et du Sud-Est de 36 et 12 pour cent respectivement. En Asie du Sud, le pourcentage des personnes sous-alimentées est tombé de 26 à 24 pour cent, mais en chiffres absolus, leur nombre a augmenté de 5 pour cent.

10.                    Toutes les sous-régions ont fait des progrès en termes d’apport alimentaire énergétique par habitant mais le fossé s’est creusé entre elles ces dernières années. Les chiffres pour l’Asie du Sud-Est et du Sud par rapport à ceux de l’Asie de l’Est sont tombés de 91 à 88 et de 86 à 79 pour cent, respectivement. Les progrès en Asie du Sud sont lents et la sous-région est devenue un des points chauds mondiaux de l’insécurité alimentaire.

11.                    Au niveau des pays, entre 1990/92 et 1997/99, la Chine, la Thaïlande et le Viet Nam ont réduit le nombre de leurs citoyens sous-alimentés de plus de un pour cent par an et, à ce titre, ils sont considérés par la FAO comme appartenant au groupe des douze pays les «plus performants».  Inversement, deux des pays de la région sont aussi parmi les dix pays «les moins performants».

12.                    La Chine s’est singularisée en faisant de loin la plus forte contribution (76 millions de personnes ou 66 pour cent) à la réduction de la sous-alimentation au cours de la période allant de 1990/92 à 1997/99. En fait, ce résultat spectaculaire dans la lutte contre la faim explique la bonne performance d’ensemble de l’Asie de l’Est. Le nombre des sous-alimentés a aussi baissé au Pakistan et à Sri Lanka au cours de la même période, mais il a augmenté en Afghanistan, au Bangladesh, en Inde, en RDP de Corée et en Mongolie. Au Bangladesh et en Inde, bien que le pourcentage des personnes sous-alimentées ait baissé, leur nombre absolu a augmenté, du fait de la croissance démographique rapide. Des catastrophes tant naturelles que provoquées par l’homme ont causé d’importantes pénuries alimentaires en Afghanistan, en RDP de Corée et en Mongolie.

III.                     DIFFÉRENCES DE RÉSULTATS: QUELQUES EXEMPLES

13.                    Plusieurs facteurs expliquent les différences de résultats. À l’intérieur des pays, elles s’expliquent par la rapidité et la distribution de la croissance économique et agricole, la réduction de la pauvreté, la croissance démographique, l’expansion de l’accès à la nourriture, l’amélioration des conditions d’hygiène et de santé, des politiques publiques favorables et la paix et l’ordre dans la société. Beaucoup de ces facteurs ont également été influencés par les catastrophes naturelles et la conjoncture économique et politique externe. Les principaux facteurs responsables des différences de résultats sont analysés ci-après.

Croissance économique et réduction de la pauvreté

14.                    En Chine, en Thaïlande et au Viet Nam, la croissance économique soutenue, la stabilité macroéconomique et des programmes de lutte contre la pauvreté ont contribué à réduire la faim.  En Chine, en milieu rural, le nombre des personnes vivant en dessous du seuil officiel de pauvreté est tombé de 42 millions (4,8 pour cent de la population rurale) en 1998 à 26 millions (3,1 pour cent) en 2000.

15.                    L’expérience de la Chine montre qu’une forte croissance économique en milieu rural est la clé de la réduction de la pauvreté absolue. Les progrès dans l’agriculture fondés sur des avancées technologiques, des changements institutionnels, l’amélioration des incitations et le développement rural ont contribué à renforcer la sécurité alimentaire en dépit des contraintes liées aux ressources naturelles. Grâce à la diversification de la production et à l’expansion des entreprises dans les villages et les agglomérations rurales, les revenus des fermiers ont augmenté et le niveau de vie rurale s’est amélioré. Les entreprises au niveau des villages et des agglomérations rurales représentaient plus des trois quarts de la valeur brute de la production rurale en 1996 et elles dominaient dans de nombreux secteurs, dont les textiles, les machines et le matériel agricole, les autres machines simples, les matériaux de construction, le traitement des produits alimentaires et divers biens de consommation. Leur développement dans les zones rurales n’a pas seulement créé des emplois mais a relevé les revenus des fermiers, encouragé le développement des marchés et stimulé des changements structurels dans l’économie rurale.

16.                    Ces activités productives, des réserves adéquates de céréales, de bons programmes de lutte contre les catastrophes naturelles et d’importants programmes de «Vivres contre travail» ont énormément contribué à stabiliser la production vivrière et à faciliter l’accès des pauvres aux approvisionnements alimentaires. La pauvreté urbaine a également été réduite grâce à des créations d’emplois dans les petites et moyennes entreprises et à la mise en place de réformes instituant des dispositifs de sécurité sociale. L’expérience chinoise montre l’importance de la croissance économique, de la stabilité sociale et politique et de la sécurité alimentaire dans un grand pays dont l’économie évolue rapidement.

17.                    Entre 1995 et 2000, le produit intérieur brut (PIB) du Viet Nam a augmenté au rythme moyen de 7 pour cent par an et celui du secteur agricole de 4 pour cent. Cette croissance liée aux progrès dans la lutte contre la pauvreté a fait tomber le pourcentage des personnes sous-alimentées de 25 pour cent en 1990/92 à 15 pour cent en 2000. Les réformes axées sur le marché après le lancement du programme doi moi (rénovation) en décembre 1986 ont permis de stimuler le développement économique, de contrôler l’inflation, de promouvoir les exportations et d’attirer l’investissement étranger. Les apports de capitaux étrangers et de technologie et la plus grande interaction économique avec l’extérieur ont facilité le développement d’une nouvelle classe d’entrepreneurs vietnamiens. Entre 1991 et 1999, près de 10 millions de nouveaux emplois ont été créés, dont 90 pour cent dans le secteur non étatique.

18.                    Les réformes du secteur agricole ont facilité la croissance économique. Parmi celles qui ont aidé aux transformations économiques et renforcé la sécurité alimentaire, citons: l’octroi de droits à long terme d’utilisation des terres, la décentralisation des pouvoirs locaux, la libéralisation du commerce intérieur, la réforme des coopératives, les investissements dans l’irrigation et l’infrastructure rurale et la fourniture de crédits agricoles. Depuis le lancement des réformes doi moi, la production alimentaire augmente de 2,5 à 3 fois plus vite que la population et elle est passée de 281 kg par habitant et par an en 1987 à 398 kg en 1997. Le pays, qui importait en moyenne un million de tonnes de riz par an, est devenu le deuxième exportateur mondial de ce produit. Cela veut dire que même en année de grandes catastrophes naturelles comme 1999, la sécurité alimentaire est dans une grande mesure préservée.

19.                    Parallèlement à l’amélioration sensible de la sécurité alimentaire, on a vu une baisse de l’incidence de la pauvreté. Elle est tombée de 70 pour cent au milieu des années 1980 à 37 pour cent en 1998. Le pourcentage des personnes vivant avec moins d’un dollar par jour a chuté de 50,8 pour cent en 1990 à 9,1 pour cent en 2000. Aujourd’hui, la pauvreté n’existe plus que parmi les minorités ethniques vivant dans les collines et dans les groupes les plus vulnérables de la population. Environ 40 pour cent des enfants de moins de cinq ans restent sous-alimentés. L’expérience du Viet Nam montre la nécessité de renforcer encore les programmes qui ciblent les groupes vulnérables.

20.       La Thaïlande a réussi à réduire la malnutrition de manière spectaculaire grâce à un programme de développement rural à base communautaire intégré à une politique nationale d’amélioration de la nutrition et donc de réduction de la pauvreté. Lancé en 1982 dans 286 districts identifiés comme les plus pauvres du pays, il a ensuite été mis en œuvre dans tout le pays en 1984. Il comprenait la mise en œuvre de mesures multisectorielles intégrées destinées à améliorer l’état nutritionnel dans tout le pays. Création d’emplois, élaboration de projets villageois, couverture complète de services communautaires de base et expansion de la production alimentaire faisaient partie intégrante du programme qui mettait l’accent sur l’amélioration du régime alimentaire.

21.                    L’investissement dans le capital humain a été un des principaux facteurs qui ont permis à la Thaïlande d’éradiquer la malnutrition modérée ou grave en une seule décennie (1982-1991). Un partenariat s’est développé entre le gouvernement et les collectivités, nourri par des stratégies de mobilisation sociale à grande échelle. Dans chaque collectivité, des bénévoles aidaient à faciliter l’accès aux services de base et à mettre en œuvre des services de nutrition axés sur la collectivité. Un ensemble d’indicateurs avait été élaboré pour aider les individus à identifier leurs problèmes de nutrition et à œuvrer à les éliminer.

22.                    Les performances sous-régionales en matière de réduction de l’incidence de la pauvreté sont très semblables à celles obtenues dans le domaine de la réduction du nombre des personnes sous-alimentées, indice d’un lien étroit entre les deux phénomènes. La proportion des pauvres a brutalement chuté dans la région Asie et Pacifique, de 27,6 pour cent en 1990 à 15,3 pour cent en 1998. En Asie du Sud, bien que leur proportion soit tombée de 44 à 40 pour cent, le nombre absolu des pauvres a augmenté de 495 à 522 millions. Le rythme de réduction de la pauvreté s’est considérablement ralenti dans certains pays en dépit de la forte croissance du PIB par habitant, ce qui semble indiquer que la croissance n’était peut-être pas suffisamment favorable à la lutte contre la pauvreté.

Stabilité macroéconomique

23.                    La crise financière asiatique a interrompu la croissance économique et par suite la réduction de la pauvreté en Asie de l’Est et du Sud-Est. L’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, la République de Corée et la Thaïlande ont été touchées de plein fouet par la crise dès le milieu de 1997. Tous ces pays ont connu une croissance négative en 1998 mais la reprise y a été plus rapide que prévu en 1999 et 2000. Un ralentissement économique brutal a suivi en 2001.

24.                    La croissance négative de 1998 est allée jusqu’à 13 pour cent dans certains pays.  Les conséquences de la crise financière ont été amplifiées par les effets préjudiciables d’El Niño/la Niña sur le secteur agricole qui ont déprimé la production alimentaire. La perte d’opportunités d’emploi liée à la hausse importante des prix des produits alimentaires a érodé l’épargne et les actifs des groupes à faible revenu. Nombre de personnes sont tombées en dessous du seuil de pauvreté. En outre, du fait des liens entre le commerce et l’investissement, toute la sous-région a souffert de la crise, même si elle s’est moins fait sentir au Viet Nam, au Laos et au Myanmar. La Chine a préservé ses taux de croissance élevés et le PIB des pays de l’Asie du Sud n’a été que marginalement affecté.

25.                    Une évaluation de la Banque mondiale a montré que la crise a bloqué la réduction du taux de pauvreté dans toute la région. Par exemple, en Thaïlande, le taux de pauvreté qui avait régulièrement baissé, pour passer de 32,6 en 1988 à 11,4 pour cent en 1996, était remonté à 14,2 pour cent en 2000. Certains des pays le plus touchés devront peut être attendre 2002 ou plus tard avant de retrouver les taux de 1996.

Contrôle démographique

26.                    Dans les pays d’Asie du Sud, la croissance démographique est un problème majeur. Entre 1990/92 et 1997/99, la population de la sous-région a augmenté de 14,3 pour cent, contre 12,8 pour cent en Asie du Sud-Est et 7,3 pour cent en Asie de l’Est. Bien que la proportion des personnes sous-alimentées ait baissé de 2 pour cent au Bangladesh et en Inde, leur nombre absolu a augmenté respectivement de 5 et 11 millions du fait de la forte croissance démographique. Le contrôle de la croissance démographique est un préalable à l’éradication de la sous-alimentation.

27.                    Au Népal, le nombre et la proportion des personnes sous-alimentées ont augmenté du fait de la réduction de l’apport alimentaire par personne. Outre que l’accès aux produits alimentaires est inégal, la croissance de la production alimentaire du pays est moins rapide que celle de la population.

Croissance agricole

28.                    Une étude de la FAO a montré que les succès au plan de la diminution de la malnutrition dépendaient des taux de croissance démographique et agricole. Elle comparait les taux de croissance de la population, des disponibilités alimentaires et de la production dans deux groupes de pays – ceux dans lesquels le nombre des personnes sous-alimentées avait considérablement diminué entre 1990/92 et 1997/99 et ceux dans lesquels il avait augmenté. Dans les pays de la région Asie et Pacifique, comme on s’y attendait, dans le premier groupe de huit pays, la croissance démographique était sensiblement plus lente et la disponibilité des produits alimentaires par habitant sensiblement plus élevée que dans le groupe des neuf pays où le nombre des personnes sous-alimentées avait augmenté. De plus, les taux de croissance de la production agricole et de la production alimentaire par habitant étaient beaucoup plus élevés dans le premier groupe que dans le second.

État de préparation contre les catastrophes naturelles

29.                    La région Asie et Pacifique est très sujette aux catastrophes naturelles et leur incidence s’est accrue ces dernières années. Pendant les années 90, entre 150 et 263 catastrophes ont été enregistrées chaque année. Les sécheresses, tempêtes, inondations, glissements de terrain, tsunamis, tremblements de terre, incendies de forêt, éruptions volcaniques et autres catastrophes naturelles se sont succédés, causant plus de dégâts au cours de la dernière décennie qu’au cours d’aucune autre dans l’histoire de la région.

30.                    Le Bangladesh, le Cambodge, la Chine, l’Inde, la République démocratique populaire lao, le Népal, la Thaïlande et le Viet Nam ont été les plus touchés par ces calamités. Au Cambodge, les pires inondations des 40 dernières années ont causé plusieurs centaines de morts et la destruction à grande échelle des cultures, des infrastructures, des propriétés et des lignes de communication. En Inde, elles ont dévasté les États d’Himachal Pradesh, de Bihar, du Bengale occidental et d’Assam et dans l’État de Gujurat, un tremblement de terre a causé des dizaines de milliers de morts.

31.                    À la fin de 2001, d’importantes zones de l’Iran, de l’Inde, du Pakistan et de l’Afghanistan entraient dans leur deuxième ou troisième année consécutive de sécheresse. L’Afghanistan était aux prises à des conflits civils interminables et a souffert d’une grave crise alimentaire après trois années de sécheresse qui ont détruit les récoltes et le cheptel partout dans le pays. La situation a été encore aggravée par les événements qui ont suivi les attaques terroristes du 11 septembre contre les États-Unis. Au Pakistan, la sécheresse continue dans certaines parties du pays a détruit le cheptel et gravement compromis la production de fruits et de céréales en culture non irriguée. La RPD de Corée fait face à un déficit vivrier de 1,47 million de tonnes (jusqu’en octobre 2002), causé par les conditions météorologiques défavorables et des problèmes économiques: il ne pourra être comblé que par l’aide alimentaire. En Mongolie, les conditions météorologiques défavorables de ces dernières années ont progressivement réduit la production de l’agriculture et de l’élevage. Les derniers hivers, particulièrement durs, ont détruit plus de 3,6 millions de têtes de bétail – soit plus de 10 pour cent du cheptel – intensifiant d’autant l’insécurité alimentaire des pasteurs nomades.

32.                    L’insécurité alimentaire causée par les catastrophes naturelles s’est trouvée aggravée par les calamités provoquées par l’homme pendant la période qui a suivi le Sommet mondial de l’alimentation. Les conflits civils se sont poursuivis dans diverses parties de l’Asie alors que des incidents frontaliers et d’autres troubles éclataient dans d’autres avec leurs séquelles de détournement des rares fonds de développement à des fins militaires et de reconstruction d’après guerre, le tout amenant d’immenses pertes économiques et la réduction des réserves et de l’accessibilité des produits alimentaires. Les répercussions à long terme de la guerre et des conflits civils sur la sécurité alimentaire sont évidentes dans certaines parties de la région où d’importantes parcelles de terres agricoles restent inaccessibles aux exploitants parce qu’elles sont truffées de mines.

Mondialisation: maximiser les avantages et minimiser les pertes

33.                    L’intégration plus poussée de la région dans l’économie mondiale est un des facteurs importants influant indirectement sur sa sécurité alimentaire. Au cours de la dernière décennie, le commerce des marchandises, les apports bruts de capital privé et l’investissement étranger direct brut, exprimés en pourcentage du PIB, ont sensiblement augmenté. La part de la région dans les échanges mondiaux de produits agricoles est aussi en hausse. Cependant, au cours des deux dernières décennies, la part des produits alimentaires et agricoles dans le commerce des marchandises de la région a baissé du fait de la plus grande diversification des exportations. La part des exportations agricoles tombant plus rapidement que celle des importations, entre 1990/92 et 1997/99, les importations nettes de produits agricoles et de l’élevage sont passées de 25,7 à 35 milliards de dollars E.-U. Vu sa part croissante dans les échanges mondiaux de produits agricoles et sa dépendance accrue vis-à-vis des importations, la stabilité et l’équité des cours mondiaux des produits agricoles et l’accès aux marchés d’exportation revêtent désormais une importance accrue pour la région.

34.                    En principe, le libre-échange et les flux d’investissement et de capital doivent bénéficier aux pays en développement jouissant d’avantages comparatifs pour les produits à forte intensité de main-d’œuvre, y compris de nombreux produits agricoles de base. De nombreuses études menées dans des pays asiatiques appuient la conclusion qu’une stratégie d’ouverture débouche sur des taux plus élevés de croissance économique et de réduction de la pauvreté. D’un autre côté, l’expérience de la crise financière asiatique montre à l’évidence que la mondialisation accroît les risques de volatilité aux dépens des pauvres.

35.                    De plus, la mondialisation peut marginaliser certains pays parce que leur dotation en ressources, leur situation géographique, leur taille ou leur manque de compétences ou d’infrastructure les empêchent d’être compétitifs sur les marchés mondiaux et les rendent peu attrayants pour les investisseurs. Cela se voit à l’évidence dans le fait que les flux nets de capitaux privés vont vers les pays économiquement plus riches: entre 1990 et 1998, les flux vers l’Asie de l’Est sont passés de 18 720 à 67 249 millions de dollars E.-U., alors que ceux vers l’Asie du Sud ne progressaient que de 2 174 à 7 580 millions de dollars E.-U.

36.                    Il n’existe aucun consensus sur les avantages que les pays en développement, et plus spécifiquement les petits exploitants pauvres en ressources, ont tiré de la mondialisation. Une étude de la Banque mondiale a montré qu’au cours de la période allant de 1985 à 1994, la part de l’agriculture dans les exportations des pays en développement vers les pays de l’OCDE était tombée de 19 à 14 pour cent. Contrairement aux objectifs de libéralisation des échanges agricoles du Cycle d’Uruguay, les pays riches continuent à subventionner leur agriculture. Par exemple, le soutien total accordé par les pays de l’OCDE à leurs agriculteurs se montait à 356 milliards de dollars E.-U. pour la seule année 1999, soit 11 000 dollars pour chaque agriculteur de l’OCDE alors que l’ouvrier agricole d’un pays en développement recevait uniquement 4,30 dollars E.-U. d’aide publique au développement (APD). Au sein de l’Union européenne, le taux moyen de la protection agricole est passé de 32 pour cent en 1997 à 37 pour cent en 1998.

Investissements dans l’agriculture

37.                    La survie à l’ère de la mondialisation ne requiert pas seulement que les termes de l’échange soient justes, elle exige aussi le renforcement de la compétitivité en termes de prix et de qualité. Les investissements dans l’agriculture sous forme de capital social jouent un rôle important dans ce domaine. Une analyse de la FAO a montré qu’entre 1990/92 et 1997/99, les pays dans lesquels le nombre des personnes sous-alimentées avait sensiblement baissé avaient aussi vu leur capital social net par exploitant agricole augmenter; inversement, ceux où le nombre des personnes sous-alimentées avaient augmenté avaient enregistré une baisse de leur capital social net.

38.                    L’investissement public dans la recherche est à la baisse. On compte de plus en plus sur le secteur privé pour les nouvelles technologies, mais l’investissement du secteur privé dans les nouvelles technologies ne représente qu’une petite fraction de l’investissement total dans la recherche-développement. De plus, il ne répond pas aux besoins des petits exploitants ni à ceux qui souffrent d’insécurité alimentaire chronique.

39.                    Même si le rôle du secteur public dans l’activité économique a diminué après une décennie de réformes structurelles, ses dépenses n’en restent pas moins indispensables à la promotion du secteur agricole. En fait, le niveau de l’investissement dans les exploitations dépend dans une grande mesure de l’existence de biens collectifs: infrastructure rurale, recherche et vulgarisation, informations sur le marché et autres services de soutien. Alors que les revenus et la sécurité alimentaire des pays pauvres sont très tributaires de l’agriculture, une étude de la FAO a montré que les dépenses publiques consacrées à l’agriculture, mesurées en pourcentage du PIB agricole ou de la main-d’œuvre agricole, sont les plus faibles dans les pays où l’on enregistre la plus forte incidence de personnes sous-alimentées.

40.                    L’aide publique au développement et les engagements des bailleurs de fonds pour le développement agricole stagnent ou sont en baisse. Au niveau mondial, les engagements des bailleurs de fonds ont fondu de 14 066 millions de dollars en 1990/92 à 13 674 millions de dollars en 1997/99 (en dollars constants de 1995). La part de l’agriculture dans le montant total de l’aide aux pays en développement a tourné autour de 17 pour cent pendant cette même période, alors qu’elle était supérieure à 33 pour cent en 1982. Si l’aide par travailleur a baissé dans tous les pays, elle a été plus prononcée dans les pays où le nombre des personnes sous-alimentées a augmenté entre 1990/92 et 1997/99. Dans la région, la part des prêts au secteur agricole octroyés par la Banque asiatique de développement (BAsD), la source la plus importante d’aide multilatérale au secteur, a chuté de 31 à 9 pour cent entre 1990 et 1999.

IV.           MESURES VISANT À RENFORCER LES PLANS D’ACTION AFIN DE REMPLIR LES ENGAGEMENTS ET
D’ATTEINDRE LES OBJECTIFS DU SMA

41.       Les pays de la région Asie et Pacifique doivent accélérer la mise en œuvre des mesures destinées à réduire leur population sous-alimentée pour atteindre l’objectif de diminuer leur nombre de moitié d’ici 2015. L’éradication de la faim est une nécessité impérieuse non seulement pour des raisons éthiques ou morales mais aussi pour arriver à une croissance durable. La faim a des coûts économiques qui pèsent lourdement sur les individus, les familles et la société. Dans certains pays, les pertes de productivité des adultes causées par les carences nutritionnelles représentent chaque année quelque 3 pour cent du PIB.

42.                    L’expérience des pays de la région peut constituer un point de départ à l’élaboration et/ou au renforcement de politiques, stratégies et plans d’action destinés à lutter contre la plaie de la faim et de la malnutrition. Plusieurs pays ont les ressources nécessaires pour préparer et mettre en œuvre des programmes stratégiques pour réduire le nombre des personnes sous-alimentées. Les autres sont en mesure de réorienter judicieusement certaines de leurs dépenses et/ou de solliciter l’aide internationale. Ce qui importe avant tout, c’est de les voir renouveler leur engagement et de réitérer leur volonté politique de réussir. Les paragraphes qui suivent présentent quelques leçons tirées des expériences régionales qui pourraient aider à formuler des plans d’actions nationaux pour atteindre les objectifs visés.

43.                    Dans la lutte incessante contre la sous-alimentation, les grandes priorités sont la poursuite d’une croissance économique rapide et la lutte contre la pauvreté. Les réussites de certains pays montrent que ces deux facteurs sont les bases de l’amélioration de la sécurité alimentaire des ménages. Dans la période qui a suivi le Sommet mondial de l’alimentation (de 1999 à la fin de la première moitié de 2000), la majorité des pays de la région ont connu une forte croissance économique. Mais à partir de la seconde moitié de 2000, le ralentissement de l’économie mondiale a érodé les performances et les perspectives de croissance de la région et la situation s’est encore dégradée après le 11 septembre.

44.                    L’activité économique et les performances à l’exportation de nombre de pays se sont trouvées sensiblement ralenties, ce qui a déprimé leurs perspectives de croissance. Le Fonds monétaire international et la BAsD ont revu à la baisse leurs prévisions de croissance pour les pays en développement de la région Asie et Pacifique pour 2001. Cependant, la région devrait rebondir et connaître une croissance plus rapide en 2002 et plus encore en 2003 avec l’amélioration de la conjoncture extérieure à partir de la deuxième moitié de l’année en cours.

45.                    Un taux de croissance plus faible se traduit par des pertes d’emploi dans les sous-secteurs orientés vers l’exportation tant dans l’agriculture qu’ailleurs. Cela a des répercussions socio-économiques à long terme: disparition de l’épargne, vente en catastrophe des actifs à des prix bradés, retrait des enfants de l’école. Des mesures correctives permettant de résorber ces effets et de relancer la croissance doivent être prises d’urgence de manière à protéger les pauvres des effets délétères de la contraction économique. La disponibilité et la production de denrées alimentaires doivent être accrues par une combinaison judicieuse d’ajustements des politiques et de mesures pratiques répondant aux besoins locaux. Les programmes ciblés sur les groupes vulnérables peuvent être d’importance capitale pour soulager les épreuves causées par les bouleversements à court terme des moyens d’existence.

46.                    Les nations doivent renforcer leurs propres capacités de suivre et d’évaluer l’évolution de la conjoncture et d’ajuster leurs politiques, leurs institutions et leurs technologies pour réduire les risques d’instabilité macroéconomique. Elles doivent notamment instaurer des politiques et des règles monétaires souples pour encourager les bonnes pratiques financières dans les secteurs de la banque et des finances.

47.                    Deux des sept engagements du Sommet mondial de l’alimentation soulignaient la nécessité d’éradiquer la pauvreté. La lenteur des progrès dans ce domaine est une des principales causes de l’incapacité de nombreux pays d’atteindre les objectifs annuels de réduction de la sous-alimentation fixés par le SMA. La réduction de la pauvreté fondée sur la croissance doit être au cœur de toutes les stratégies de développement dans les régions où l’insécurité alimentaire est la principale manifestation de la pauvreté. Il faut élaborer des politiques qui reconnaissent que la faim est à la fois cause et conséquence de la pauvreté et que tant que son élimination ne sera pas prioritaire, il ne sera guère possible de faire des progrès dans l’éradication de la pauvreté. Il est aussi nécessaire d’élargir le Programme d’action contre la pauvreté pour y inclure les questions de la vulnérabilité, des dotations en ressources naturelles et économiques, des emplois et de la nutrition.

48.                    Les pays, avec l’aide des organismes internationaux et du secteur privé, doivent renouveler leurs engagements de mettre en œuvre les mesures qu’ils avaient avalisées, il y a plus de cinq ans, lors du Sommet mondial de l’alimentation. Ils doivent donc exprimer clairement leurs préoccupations en matière de sécurité alimentaire et les incorporer dans leurs Documents de stratégie par la réduction de la pauvreté (DSRP) qui constituent la base de l’aide concessionnelle des institutions financières internationales. L’expérience a montré que s’il est quelquefois nécessaire de procéder à des ajustements macroéconomiques sectoriellement neutres, des mesures d’accompagnement pour la redistribution des avoirs économiques et naturels et des revenus sont souvent requises pour protéger les ruraux pauvres. Tout changement de la politique macroéconomique doit être évalué dans l’optique de son impact sur les groupes vulnérables.

49.                    Soixante-quatre pour cent de la population de l’Asie de l’Est et du Sud-Est et 72 pour cent de celle de l’Asie du Sud vivent en zones rurales où la pauvreté est endémique. Dans ces sous-régions, les ouvriers agricoles représentent 62 et 59 pour cent de la main-d’œuvre et produisent 18 et 26 pour cent du PIB, respectivement. Si leur part dans les exportations agricoles est en  baisse, elle n’en reste pas moins considérable. Dans les pays où l’on trouve une importante population sous-alimentée, l’agriculture est, directement ou non, la principale source d’emplois, de production économique et de recettes d’exportation.

50.                    Dans les pays en développement, l’augmentation de la productivité agricole a un effet marqué sur la réduction de la pauvreté de par son impact aux niveaux des exploitations, des zones rurales et du pays. Les pauvres dépendent de l’agriculture pour produire la nourriture qu’ils consomment ou pour générer des revenus grâce à des emplois dans des activités rurales non agricoles. Les revenus de l’agriculture servent à acheter des marchandises produites localement et cette demande est indispensable pour la survie du secteur rural non fermier. En outre, la baisse du coût des produits alimentaires qui accompagne le relèvement de la productivité améliore la sécurité alimentaire et nutritionnelle des pauvres.

51.                    La croissance agricole doit donc être un élément central de toutes les stratégies de réduction de la pauvreté. Or, plusieurs DSRP intérimaires ne lui accordent pas l’importance qu’elle mérite. Les DSRP sont une des clés de l’accès à la Facilité de croissance et de lutte contre la pauvreté du FMI et aux crédits de l’Association internationale de développement (IDA). Les ministères de l’alimentation, de l’agriculture et du développement des pays intéressés doivent participer à la formulation des DSRP pour garantir que les préoccupations sectorielles appropriées reçoivent la priorité voulue au stade de l’identification des stratégies et programmes.

52.                    La FAO a aidé nombre de pays à mener des analyses sectorielles et à formuler des stratégies et des politiques-cadres dans le contexte de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la pauvreté. Chaque fois que cela a été possible, les résultats des études ont été directement utilisés pour formuler des plans à moyen terme et des DSRP intérimaires. Les États Membres qui le souhaitent peuvent donc demander l’assistance de la FAO dans ce domaine.

53.                    Les méthodes de lutte contre la pauvreté doivent être adaptées au contexte précis du pays. L’expérience montre que des investissements relativement modestes combinés à de simples changements de technologie peuvent amener des progrès sensibles dans la productivité de la terre et de la main-d’œuvre lorsqu’il existe des marchés appropriés pour écouler la production supplémentaire. Les activités pilotes réalisées dans 11 pays, dans le cadre de la phase I du Programme spécial de la FAO pour la sécurité alimentaire, l’ont prouvé.

54.                    Les stratégies de développement agricole ne doivent surtout pas oublier le rôle des femmes dans l’agriculture. Elles représentent plus de 40 pour cent de la main-d’œuvre agricole de la région et elles produisent souvent les marchandises n’entrant pas dans le circuit commercial, mais importantes pour la sécurité alimentaire des ménages. Le faible niveau d’instruction de ces femmes, principalement en Asie du Sud, est un obstacle à leur devenir, surtout dans le contexte de systèmes d’agriculture de plus en plus fondés sur le savoir. Leurs salaires sont moins élevés et, d’une manière générale, les ménages ayant une femme à leur tête sont plus pauvres que ceux dirigés par un homme. Pour assurer une croissance agricole rapide et généralisée, il faut montrer aux femmes des zones rurales comment tirer parti des opportunités émergentes et améliorer leur accès aux services de soutien. Lors de la préparation de programmes de formation de ce genre, il faut néanmoins garder à l’esprit que les travaux agricoles sont historiquement divisés en fonction des sexes et donc que les renseignements, conseils et besoins technologiques des femmes seront différents de ceux des hommes. Les technologies portant sur l’irrigation, les variétés à fort rendement, les engrais et les machines agricoles contribuent à accroître la productivité des hommes: elles doivent être complétées par celles portant sur les opérations d’après récolte où les femmes jouent un rôle dominant.

55.                    Les stratégies de réduction de la pauvreté doivent utiliser le vaste potentiel des partenariats collectivités-État dans des approches multisectorielles capables de donner aux individus, ménages et collectivités les moyens de développer leur autonomie et leur auto-assistance. Pour être efficace, toute collaboration entre les secteurs privé et public et les organisations non gouvernementales (ONG) doit se fonder sur une bonne définition du rôle de chaque partie et sur ses avantages comparatifs. Le Réseau du CAC sur le développement rural et la sécurité alimentaire fournit une tribune au niveau national par le biais de ses groupes thématiques qui rassemblent des représentants du gouvernement, des organismes de l’ONU, de la société civile et du secteur privé. Ce genre de coopération permet de mieux utiliser les synergies au plan des ressources et des actions pour s’attaquer à un nombre de variables directes et indirectes de la sécurité alimentaire. Il faut encourager le secteur privé à commercialiser les intrants et la production agricoles, à vendre et à entretenir les machines agricoles et à investir dans les petites entreprises qui offrent des emplois rémunérés et de nouvelles compétences aux individus. Les interventions visant à améliorer l’état nutritionnel doivent cibler en priorité les femmes enceintes et les mères allaitantes, ainsi que les enfants de moins de 5 ans.

56.                    Les ONG et les organisations de la société civile (OSC) jouent un rôle de plus en plus important dans la mobilisation et la sensibilisation des collectivités en matière d’agriculture et de développement rural, d’utilisation durable et de conservation des ressources, et de responsabilisation des femmes et des groupes désavantagés. Elles sont maintenant des partenaires de valeur pour les gouvernements et les organismes bailleurs de fonds tant au plan du dialogue politique qu’à celui de la mise en œuvre de programmes. Consciente de ceci, la FAO a lancé plusieurs initiatives pour renforcer la collaboration ONG-OSC et ainsi assurer le suivi approprié des engagements du Sommet et du Plan d’action. Elle a publié sa Politique et stratégie de collaboration avec les ONG et les OSC et organisé en 2000, à l’occasion de sa vingt-cinquième Conférence régionale, une consultation avec les organisations actives dans la région. Les conclusions de la Consultation ont été communiquées à la Conférence, en plénière, et elles ont servi de base de travail pour le Comité sur la sécurité alimentaire mondiale, les organisations concernées ayant réaffirmé leur engagement d’œuvrer avec la FAO pour s’attaquer aux problèmes liés à la sécurité alimentaire de la région.

57.                    Dans le contexte des préparatifs du Sommet mondial de l’alimentation: cinq ans après et afin de faciliter le Forum parallèle de la FAO, trois ONG/OSC actives dans les domaines d’intervention de la FAO ont été nommées membres du Comité international de planification ONG/OSC. Elles ont été chargées de faciliter/organiser des consultations nationales, sous-nationales et régionales pour consolider les évaluations et positions régionales en matière de sécurité alimentaire, moyennant le dialogue entre ONG/OSC, ou avec les autres parties prenantes, notamment les pouvoirs publics concernés. Une consultation régionale des ONG/OSC s’est tenue en Thaïlande en août 2001 pour examiner les progrès réalisés dans la mise en œuvre du Plan d’action du SMA. Des consultations nationales et sous-nationales des ONG/OSC l’avaient précédé.

58.                    Une Consultation régionale des ONG/OSC est prévue les 11 et 12 mai 2002, parallèlement à la vingt-sixième Conférence régionale: elle examinera les rapports sur les questions mondiales dans une perspective régionale. Les organisations envisagent de présenter à la Conférence une synthèse des conclusions de la Consultation et ils prévoient également un dialogue avec les représentants des États Membres y participant. La FAO est persuadée que de telles présentations des points de vue des ONG/OSC et le dialogue avec elles peuvent fournir d’importantes informations en retour aux États Membres et encourager une plus grande coopération dans la lutte contre l’insécurité alimentaire.

59.                    Il importe de renverser la tendance à la diminution des flux de ressources vers le secteur de l’agriculture et de l’alimentation. Bien qu’une grande partie des investissements agricoles soient mobilisés par les exploitants eux-mêmes, le secteur public a un double rôle à jouer: il doit créer un environnement favorable à l’investissement et assurer la disponibilité adéquate des biens publics. Les gouvernements doivent garantir la poursuite de leur soutien essentiel à l’agriculture et compenser les pénuries de ressources en mobilisant des financements internationaux pour des programmes prioritaires.

60.                    Les conclusions de la Conférence internationale sur le financement du développement tenue à Monterrey (Mexique) du 18 au 22 mars 2002 auront des répercussions importantes sur la mobilisation des ressources pour l’agriculture, la sécurité alimentaire et le développement rural. Elle est le premier Sommet convoqué par les Nations Unies sur les questions financières et autres liées au développement mondial et elle mettra l’accent sur la manière dont sont générées et attribuées les ressources pour le développement. Six grands thèmes ont été identifiés: ils couvrent la mobilisation des ressources financières internes, l’investissement étranger direct et les autres flux privés, le commerce international, l’aide publique au développement, l’allégement de la dette et les systèmes monétaires, financiers et commerciaux internationaux. Les discussions qui ont eu lieu en octobre 2001 sur le projet de Déclaration ont fait apparaître d’importantes divergences de vues entre les représentants des pays développés et des pays en développement. Un document remanié a été élaboré et au moment de la rédaction du présent rapport, la quatrième session du comité préparatoire était en cours (14-25 janvier 2002).

61.                    Un système commercial multilatéral fondé sur des règles est indispensable à la promotion de l’agriculture, de la sécurité alimentaire et de la lutte contre la pauvreté. Les contributions à la sécurité alimentaire que l’on attendait de la libéralisation du commerce, dans le cadre de l’Accord sur l’agriculture du Cycle d’Uruguay, ne se sont pas matérialisées. Au plan qualitatif, l’Accord a libéralisé les échanges agricoles dans la plupart des pays de la région mais il n’a guère amené de changement dans les exportations agricoles des pays en développement, sa mise en œuvre n’ayant pas sensiblement amélioré leur accès aux marchés. Les marchés agricoles des pays de l’OCDE sont toujours protégés et les importations de nombreux produits agricoles primaires et transformés se heurtent toujours à des obstacles: droits de douane élevés et progressifs,  normes sanitaires et phytosanitaires strictes, protection de la sécurité sanitaire des produits alimentaires et soutien interne massif à l’agriculture.

62.       De plus, les pays en développement n’ont pas profité du traitement spécial et différentié qui leur était accordé vu les difficultés de mise en œuvre de ses dispositions. La «Décision sur les mesures concernant les effets négatifs possibles du programme de réforme sur les pays les moins avancés et les pays en développement importateurs nets de produits agricoles» n’a pas eu d’effets, faute de mécanisme efficace de mise en application. Elle peut avoir favorisé certains flux d’aide alimentaire, l’octroi de conditions plus favorables de crédit pour les exportations agricoles et l’assistance technique et financière destinée à améliorer la productivité agricole dans le cadre de programmes d’assistance bilatérale, mais elle n’a mis en place aucun mécanisme de financement à court terme permettant aux pays les plus pauvres de protéger leurs consommateurs des hausses brutales des prix des produits alimentaires importés.

63.       Cette situation a amené la FAO, dans sa Déclaration à la quatrième Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à Doha, à demander à la communauté internationale d’incorporer des dispositions précises dans le programme envisagé de réforme du commerce agricole, qui vise à améliorer la productivité agricole et la compétitivité dans les pays en développement. Cette déclaration mettait l’accent sur la nécessité d’instituer des mesures protégeant les petits exploitants pauvres en ressources et les ouvriers agricoles des conséquences néfastes des augmentations temporaires des importations. Il fallait aussi prendre des mesures pour améliorer l’accès des exportations agricoles des pays en développement. Elle demandait instamment, tant que la protection et le soutien accordés à l’agriculture dans les pays en développement n’auraient pas été sensiblement réduits, qu’il ne soit pas demandé aux pays en développement de réduire plus encore leurs tarifs consolidés ou leurs subventions internes.

64.                    La Conférence ministérielle de Doha a permis d’arriver à un certain nombre de mesures positives, favorisant un système juste et équitable d’échanges de produits agricoles. Premièrement, les pays membres de l’OMC peuvent poursuivre leurs négociations en vue de mettre en place un système commercial ouvert au niveau mondial, y compris des réductions du soutien que les pays riches accordent à leurs agriculteurs. Dans la Déclaration finale adoptée à Doha, les pays participants se sont engagés à entamer des négociations générales visant à améliorer sensiblement l’accès aux marchés; à réduire, et à terme d’éliminer, toutes les formes de subventions à l’exportation et à réduire sensiblement les mesures de soutien intérieur qui faussent les échanges. Deuxièmement, depuis Doha, les réformes tarifaires sont plus probables dans la mesure où la déclaration affirme l’intention de lancer des négociations concernant la réduction et la progressivité des tarifs. Troisièmement, la Déclaration reconnaissait que la sécurité alimentaire et le développement rural constituaient des préoccupations légitimes pour les pays en développement tandis que jusqu’alors, ils n’entraient que dans les préoccupations non agricoles et n’étaient pas spécifiquement reconnus. Quatrièmement, il a été décidé de faciliter l’élaboration de mécanismes multilatéraux efficaces destinés à lutter contre les effets négatifs possibles de la libéralisation du commerce sur les pays les moins développés et les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires. Un conseil interinstitutions composé d’experts en matière de financement et de produits de base de la FAO, de la Banque mondiale, du FMI, du Conseil international des céréales et de la Conférence des Nations unies sur le commerce et de développement (CNUCED) a été créé avec pour mission d’explorer les moyens de donner accès aux pays souffrant d’insécurité alimentaire à des «facilités et programmes multilatéraux» leur permettant de faire face à des hausses brutales et à court terme des prix, y compris grâce à la création d’un fonds autorenouvelable.

65.                    Pour être efficace, la Déclaration ministérielle de Doha doit se traduire en actions concrètes. Les pays en développement de la région doivent veiller à ce que les principes convenus soient mis en application. Les négociations commerciales doivent porter sur la mise en œuvre des accords et des engagements de Marrakech et de Doha sur l’amélioration de l’accès aux marchés et l’élimination des subventions et autres mécanismes qui faussent les échanges. Les pays en développement doivent demander un traitement spécial et différencié approprié, ciblé et concret. De plus, le nouveau cycle de négociations portera aussi sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) qui peuvent affecter les droits des exploitants sur les matériels génétiques, et sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) qui concernent les questions de santé et de sécurité sanitaire des aliments.

66.                    Les pays de la région doivent continuer à renforcer leurs capacités à traiter des questions liées à l’OMC dans le contexte de la libéralisation des échanges. La FAO les a aidés à renforcer leurs capacités nationales dans trois ateliers sous-régionaux qui ont rassemblé 138 participants de 30 pays et organisations régionales. Ces ateliers faisaient partie d’une série de 14 qui ont couvert quelque 160 pays de par le monde. Ils avaient avant tout pour objet de familiariser les participants avec les dispositions de l’Accord du Cycle d’Uruguay sur l’agriculture, mais ils couvraient aussi des questions émergentes et des sujets liés aux négociations agricoles ainsi que des questions d’intérêt régional et subrégional spécifiques. Les États Membres qui le souhaitent peuvent demander à bénéficier du soutien continu de la FAO pour renforcer leurs capacités nationales, analyser les questions liées à la mise en œuvre, formuler et mettre à jour leur législation, et améliorer la coopération régionale/sous-régionale en matière de partage d’information et de facilités techniques pour la valorisation des ressources humaines. En dernière analyse, les vrais bénéfices ne se feront sentir que lorsque les pays pourront offrir leurs produits sur des marchés non soumis à distorsions, à des prix concurrentiels. Il importe donc de poursuivre l’investissement public et privé pour promouvoir l’efficacité de la production et de la commercialisation.

67.        Le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, adopté en novembre 2001, permettra de promouvoir un accès équitable aux cultures importantes pour la sécurité alimentaire et de transférer les profits tirés de leur commercialisation aux agriculteurs. Il prend en compte leurs besoins particuliers ainsi que ceux des obtenteurs et vise à garantir la disponibilité et le partage équitable des diverses ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture. Le Traité, dont l’élaboration a été lancée par la FAO en 1994, est le résultat de négociations intergouvernementales visant à réviser l’Engagement international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture. Il reconnaît que les droits des agriculteurs complètent ceux des obtenteurs.

68.                    Cet accord international a force de loi et il entrera en vigueur lorsqu’il aura été ratifié par au moins 40 nations. Il constitue un cadre garantissant l’accès aux ressources phytogénétiques, aux connaissances et technologies connexes et au financement international. Il donne aussi au secteur agricole un outil multilatéral de promotion de la coopération et des synergies avec les autres secteurs, surtout ceux du commerce et de l’environnement. Il rappelle l’importance des technologies traditionnelles et modernes au service de l’humanité, notamment pour la lutte contre la faim et pour la promotion du développement durable dans les pays en développement. Les gouvernements devraient donner la plus haute priorité à sa ratification ainsi qu’à l’adoption des mesures d’application appropriées afin de protéger équitablement les droits des obtenteurs et des agriculteurs.

69.                    Les changements climatiques ont des répercussions graves sur l’agriculture et la sécurité alimentaire. La productivité des cultures alimentaires les plus importantes de la région pourrait baisser sensiblement du fait des changements climatiques. Le réchauffement de la température lié aux émissions de gaz carbonique et autres gaz à effet de serre, peut compromettre la floraison et la germination de cultures indispensables, telles que le riz, le maïs et le blé. De nombreuses cultures tropicales ont déjà atteint ou sont près d’atteindre leurs limites thermiques et elles auraient du mal à supporter toute nouvelle hausse de température. De nouvelles études montrent que toute augmentation de température d’un degré centigrade en zone tropicale s’accompagne d’une baisse de rendement de 10 pour cent. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime que la température moyenne des zones tropicales pourrait augmenter de trois degrés centigrades d’ici 2100. Les résultats pourraient être catastrophiques lorsqu’on leur ajoute les autres phénomènes potentiellement dévastateurs du changement climatique, tels que l’augmentation des ravageurs et la baisse de la pluviosité.

70.                    Dans ce contexte, en novembre 2001, la Conférence de Marrakech des Parties à la Convention des Nations unies sur le changement climatique a mis au point les détails opérationnels du Protocole de Kyoto à des fins de ratification par les gouvernements, en vue d’accélérer son entrée en vigueur. Les directives donnent des précisions sur la mesure des émissions et leur réduction, etc. et contiennent des règles visant à garantir leur observation. Le Protocole de Kyoto de 1997 entrera en vigueur et aura force de loi dès qu’il aura été ratifié par au moins 55 des Parties à la Convention, y compris des pays industrialisés qui représentent au moins 55 pour cent du total des émissions de dioxyde de carbone de ce groupe en 1990. À ce jour, 40 pays l’ont ratifié dont un pays industrialisé (la Roumanie). Nombre de gouvernements sont en faveur de son entrée en vigueur en 2002.

71.                    Les pays doivent s’attaquer aux problèmes de l’insécurité alimentaire temporaire et chronique de la région. Dans le premier cas, il faut disposer de systèmes fiables d’alerte rapide et les pays sont encouragés à renforcer ces systèmes de manière à mieux se préparer aux catastrophes. Les systèmes d’information et de cartographie sur l’insécurité alimentaire et la vulnérabilité (SICIAV) sont utiles pour s’attaquer à l’insécurité alimentaire chronique. Des informations exactes permettent de donner une base solide aux programmes d’action dans les zones et les collectivités prioritaires. Les États Membres sont invités à soutenir au maximum les SICIAV et à les adapter à leurs propres besoins. S’ils le souhaitent, ils peuvent aussi demander à la FAO de les aider à établir ou à renforcer leurs SICIAV nationaux.