Point de l’ordre du jour 5d PEC 01/11   

Conférence paneuropéenne sur la sécurité sanitaire et la qualité des aliments

Budapest, Hongrie, 25 – 28 février 2002

DOCUMENT DE TRAVAIL

INFORMATION ET PARTICIPATION DES CONSOMMATEURS À LA COMMUNICATION INTERACTIVE ENTRE CONSOMMATEURS SUR LA SÉCURITÉ SANITAIRE, LES RISQUES ET LA QUALITÉ DES ALIMENTS.

Jim Murray,
Directeur,
BEUC, l’Organisation européenne des consommateurs
Contact: [email protected]


  1. Introduction
  2. Une information plus complète
  3. Les risques et la confiance des consommateurs
  4. Le rôle de la science
  5. La science mieux comprise
  6. Les allégations du marketing
  7. Recommandations

1. Introduction

Les organisations indépendantes de consommateurs sont des éléments essentiels du processus de communication interactive entre les consommateurs sur la sécurité sanitaire, les risques et la qualité sanitaire des aliments. À l’intérieur de l’Espace économique européenne, tout au moins, ces organisations jouissent d’un niveau élevé de confiance de la part du public et des consommateurs, par rapport aux autres sources de renseignements et de conseils. Les organisations de consommateurs sont considérées comme dignes de confiance par la majorité des européens (55%), devançant de peu la profession médicale (53%), et les organisations de protection de l’environnement (45%), mais loin devant les universités (26%), les organisations de protection des animaux (25%), la télévision et la presse (20%), les institutions internationales (17%), les autorités publiques nationales (15%), les associations d’exploitants agricoles (15%) et les organisations religieuses (9%), d’après les résultats du sondage de l’Eurobaromètre en 2000.

Ailleurs en Europe, à quelques exceptions près, les organisations indépendantes de consommateurs ont des origines relativement récentes mais sont bien placées pour gagner la confiance du public, si le soutien voulu leur est accordé. Elles doivent être soutenues (et leur indépendance protégée) comme contribution fondamentale à la préoccupation publique et au processus décisionnel en matière d’aliments et de politiques alimentaires.

Le public est fréquemment davantage influencé par les mauvaises nouvelles que persuadé par les bonnes. Si l’influence des organisations de consommateurs peut être quelque peu asymétrique, c’est également le cas pour les autres ONG, les médias, politiciens et autres. Les mauvaises nouvelles voyagent plus rapidement et plus loin que les bonnes. Quoiqu’il en soit, les organisations indépendantes de consommateurs jouent un rôle fondamental auprès de la perception du public des risques sanitaires et de la qualité des aliments. Par conséquent, la participation des organisations de consommateurs à l’élaboration des politiques est essentielle.

2. Une information plus complète

Un certain nombre de développements récents a provoqué la nécessité d’augmenter l’information aux consommateurs en matière d’aliments, de production alimentaire et d’ingrédients alimentaires.

2.1 Marché intérieur, élargissement, mondialisation
Par suite du marché unique, de l’élargissement progressif et de la mondialisation, les aliments et les ingrédients alimentaires peuvent provenir de davantage de pays qu’auparavant , et emprunter davantage de voies différentes pour arriver à l’ultime consommateur. Le fait que les aliments soient manipulés par un nombre croissant d’acteurs avant d’atteindre le consommateur final augmente les possibilités de contamination, à moins de contrôles stricts. Qui plus est, les marchés mondiaux signifient aussi que nous sommes exposés à des dangers pour la santé qui proviennent du monde entier. Il pourrait également y avoir des problèmes de conformité aux normes de la Communauté pour les produits qui proviennent de l’extérieur de la Communauté, comme de certains pays candidats à l’entrée dans l’UE. En ce qui concerne les aspects vétérinaires et phytosanitaires du processus d’élargissement, le taux de conformité aux règles de l’UE est faible, d’après David Byrne, Commissaire de la protection des consommateurs.

2.2 Habitudes alimentaires
Les changements dans les habitudes alimentaires correspondent à un passage vers une commodité plus grande. Les consommateurs vont plus souvent vers des aliments davantage traités, manipulés et emballés qu’auparavant.

2.3 Changements dans la production
Pour de nombreuses raisons, la production et la transformation des aliments sont en perpétuelle évolution. Dans beaucoup de cas, la production devient plus intensive et plus industrialisée, avec des apports plus nombreux au stade de la production, comme les pesticides et les engrais.

2.4 Changements dans la distribution
De nos jours, même des entreprises très petites peuvent fournir les ingrédients d’une très grande gamme de produits alimentaires de pays différents.

2.5 Changements dans la composition
Les consommateurs font consommation d’une gamme plus grande d’aliments, d’ingrédients alimentaires et d’additifs alimentaires qu’auparavant.

2.6 L’état d’esprit des consommateurs
En Europe, la confiance des consommateurs dans la sécurité sanitaire est de plus en plus volatile. Les facteurs environnementaux et autres prennent de l’importance.

Dans des marchés uniques tels l’EEE et l’UE agrandie, les contrôles aux frontières intérieures n’existent pas. Les consommateurs doivent placer leur confiance dans la production, la transformation et la réglementation des autres pays.

3. Les risques et la confiance des consommateurs

Je vais maintenant considérer certains facteurs qui pourrait contribuer à inspirer la confiance des consommateurs en matière d’évaluation des risques et de gestion des risques, et aussi la meilleure façon de communiquer (et d’être à l’écoute) des consommateurs dans ce processus. La condition nécessaire mais pas suffisante est que les consommateurs doivent avoir le droit d’être informés sur les prises des décision qui les affectent, et d’y participer. La participation est fondamentale à la communication. L’accès à l’information est également fondamental, en ce qui concerne non seulement le contenu des décisions, mais aussi les processus et procédures dont elles sont le résultat. Cela pourrait inclure l’accès en temps utile aux arguments et documents soumis par tous les groupes d’intérêts. Cela doit être accompli avant les prises des décisions, de sorte que les soumissions faites par n’importe quel groupe d’intérêts aient pu être étudiées et contestées dans le cadre juridique requis. Les audiences publiques et les autres procédés permettant de comparer entre eux des points de vue différents sont aussi des éléments essentiels du processus d’élaboration des politiques.

La Commission européenne s’efforce d’améliorer la participation et l’accès à l’information des consommateurs mais elle entre toujours trop fréquemment et séparément en consultation privée avec des groupes d’intérêts différents. Les propositions concernant la nouvelle Agence européenne de sécurité sanitaire témoignent d’un engagement prometteur à l’égard de la transparence mais il est essentiel que le public ait accès à toutes les soumissions faites à l’Agence.

(Naturellement, les mêmes considérations spécifiques et générales devraient s’appliquer aux autres organisations comme la FAO et l’OMS, et le Codex Alimentarius).

Il est évidemment impossible de faire participer chaque consommateur à l’élaboration des politiques. Quelles sont les consommateurs et les organisations de consommateurs qui devraient participer ? Des questions de légitimité et de « représentativité » peuvent être posées et doivent être traitées en termes concrets, selon le cas, mais là encore, l’élément clé est , d’une manière générale, le degré de transparence du processus décisionnel.

L’appartenance à des comités consultatifs de telle ou telle organisation de consommateurs n’est pas suffisante en soi. La participation à ces comités est essentielle mais ne confère probablement pas beaucoup d’influence. Il faut s’adresser à la totalité du processus concernant la formulation des politiques et la prise des décisions. Le processus de consultation et de formulation des politiques doit lui-même être suffisamment ouvert et transparent pour permettre à un grand nombre d’individus et de groupes différents qui représentent des intérêts différents de contribuer, si tel est leur souhait.

Par dessus tout, il est essentiel d’éviter d’émettre l’hypothèse implicite ou explicite que la politique alimentaire n’est qu’une affaire réservée aux officiels et aux experts (et industriels). Les consommateurs entretiennent une relation complexe avec leur alimentation et n’accepteront pas facilement que quelqu’un puisse savoir mieux qu’eux.

De nouveau, la totalité du processus d’élaboration des politiques peut avoir une influence importante sur la gestion des crises, problème qui a pris de l’importance au cours des dernières années. Bien sûr, il est conseillé d’améliorer la gestion des crises, mais la capacité à gérer les crises dépendra énormément de ce qui aura été fait avant la crise, plutôt que de ce qui sera fait pendant la crise.

4. Le rôle de la science

Le processus décisionnel doit se baser sur la bonne science (sinon, sur quoi ?) mais cela ne suffit pas. Les consommateurs n’ont guère confiance dans les scientifiques dans ce domaine. D’après un sondage récent de l’Eurobaromètre1 , la confiance porté par les consommateurs aux scientifiques est quelque peu ambivalente. Parmi les personnes interrogées, 42,8% ont approuvé et 42,3% ont réfuté la proposition suivante : « les scientifiques sont responsables de l’usage détourné de leurs découvertes par d’autres».

Certes, les deux concepts se chevauchent et sont interdépendants, mais il faut à juste titre faire la distinction entre l’évaluation des risques et la gestion des risques. La gestion est considérée comme une affaire politique ou de politique, alors que l’évaluation est plutôt une question scientifique. L’évaluation des risques devrait s’appuyer sur la (bonne) science, mais pas seulement sur la science ; ce n’est pas un sujet que seuls peuvent traiter les scientifiques. Là aussi, les consommateurs et leurs représentants doivent participer.

Les représentants des consommateurs devraient-ils siéger de droit dans les comités consultatifs scientifiques ? L’expérience du Royaume-Uni est positive, mais ailleurs, les pratiques sont différentes. Certes, concernant tout processus d’évaluation des risques, les organisations de consommateurs voudront les réponses aux question suivantes :

  1. Comment le problème a-t-il été cerné ?


  2. Quels facteurs ont été pris en compte pendant l’évaluation?


  3. Comment le processus d’évaluation a-t-il été géré?


  4. Comment certaines incertitudes ont-elles été identifiées, mesurées ou traitées?


  5. Comment les discussions internes se sont-elles poursuivies dans le groupe d’évaluation ?


  6. Qui sont les membres du groupe d’évaluation, comment sont-ils nommés, quelle est leur formation?

Les questions 1 et 2 ci-dessus sont particulièrement pertinentes; il faut trouver les moyens de faire participer les organisations de consommateurs et autres aux examens de ces questions, ainsi qu’au processus de sélection des membres qui siègent dans ces comités scientifiques.

5. La science mieux comprise

Si les avis et opinions des scientifiques doivent être communiqués aux consommateurs et aux organisations de consommateurs, on a besoin d’une meilleure compréhension entre les scientifiques et les consommateurs. Avec le soutien de la Commission européenne, l’Organisation européenne des consommateurs lance un projet basé sur le consensus, qui comportera une série de dialogues structuraux entre les experts des consommateurs, les scientifiques et les autres groupes d’intérêts. Le but est d’accroître la compréhension mutuelle et aussi d’identifier ( et d’élargir?) les questions pour lesquelles il existe un large consensus.

6. Les allégations du marketing

Dans la communication avec les consommateurs concernant les aliments, l’étiquetage, l’emballage et la publicité jouent un rôle critique. Les changements survenus dans la composition des aliments et dans leur distribution, et l’évolution des attitudes et des habitudes des consommateurs signifient par dessus tout que l’étiquetage devient de prime importance.

Manifestement, les étiquettes ne devraient jamais être trompeuses; bien au contraire, elles devraient fournir de l’information claire et intelligible sur, entre autres, des éléments comme la quantité, la composition, la valeur nutritive, les instructions relatives à la conservation et l’utilisation, les allergènes, et les produits et processus novateurs (notamment les modifications génétiques). Tant il est que la source primaire d’information à l’intention des consommateurs devrait être l’étiquetage, il existe maintenant des possibilités nouvelles, grâce à l’utilisation des sites web et autres moyens technologiques, pour accéder à des informations supplémentaires.

La perception des consommateurs ne se forme pas seulement à partir de l’étiquetage, mais aussi à partir des allégations du marketing. Celles-ci semblent proliférer et la pression d’en autoriser davantage s’exerce avec force (par ex., des allégations fonctionnelles et nutritionnelles, des allégations concernant les aliments enrichis et les suppléments nutritifs etc.). Pendant que les efforts se poursuivent pour assurer que chacune de ces allégations ne soient pas mensongères, très peu se sait sur l’effet cumulatif global de ces allégations de marketing sur la perception des consommateurs et leur sensibilisation à tout ce qui touche à l’alimentaire. Spéculativement parlant, il se peut qu’elles produisent un effet cumulatif inverse en matière d’information, et je voudrais recommander une étude approfondie de la question. FIN

7. Recommandations

7.1 La confiance des consommateurs dans la sécurité sanitaire et la qualité des aliments ne peut se faire que par l’intermédiaire d’une approche globale et intégrée des politiques alimentaires qui comprennent, entre autres :

  • La représentation de toutes les parties prenantes, en mettant un accent particulier sur les consommateurs, et non seulement les officiels, les scientifiques, les décideurs politiques et les représentants de l’industrie.
  • La transparence de la consultation spécifique avec le public dans son ensemble, et avec les organisations de consommateurs qui le représente.
  • L’introduction d’ "autres facteurs légitimes" comme les questions éthiques et religieuses, le désir de promouvoir des pratiques de production alimentaire plus durable, et beaucoup d’autres facteurs qui sont prisés par les consommateurs, qui risquent d’affecter indirectement la santé des consommateurs, ….qui préoccupent les consommateurs pour ce qui est de l’élaboration des politiques.
  • Le dialogue interactif avec les scientifiques, les gestionnaires des risques, les consommateurs et les organisations de consommateurs, afin de favoriser une meilleure compréhension mutuelle et une meilleure communication en matière de risques.
  • Une compréhension plus grande de la science par le public, au travers d’initiatives visant à communiquer et diffuser les résultats directement aux consommateurs si nécessaire.
  • La transparence totale dans la consultation scientifique et le processus d’élaboration des politiques.
  • Une communication dans les deux sens entre les consommateurs et leurs organisations de façon continue (et non pas seulement en cas de problèmes).

7.2 Les comités consultatifs scientifiques, leur processus d’élaboration des politiques et les résultats doivent faire état de la plus grande intégrité: les procédures doivent être ouvertes, transparentes, et responsables devant les consommateurs et les organisations qui les représentent, notamment pour :

  • la sélection et la nomination de ses membres
  • les procédures et les pratiques de travail
  • cerner le problème et les facteurs à prendre en compte dans le processus décisionnel.

Question à débattre: Les comités de consultation scientifique devraient-ils inclure des représentants des consommateurs, peut-être sous la forme d’experts nommés par les organisations de consommateurs ou en tant qu’autres membres de ces comités pour l’intérêt du public ou des consommateurs?

7.3 Les gouvernements devraient soutenir le développement d’organisations de consommateurs indépendantes et fortes comme support essentiel de la préoccupation publique et voix déterminante (parmi d’autres) du processus décisionnel.

7.4 Les documents soumis aux organismes publics sur des questions de politique devraient toujours être publiés dès leur réception, et surtout en temps utile pour permettre aux autres groupes d’intérêts de faire leurs commentaires.

7.5 Le rôle global joué par les allégations publicitaires à sensibiliser les consommateurs aux questions alimentaires et à tromper leur confiance, doit être instamment examiné par les organismes compétents.


Les organisations indépendantes de consommateurs sont des éléments essentiels du processus de communication avec les consommateurs sur les aliments et les risques alimentaires. Le processus de communication a pris de l’importance au cours des dernières années en raison des changements survenus dans la production, la composition, la distribution, la transformation et l’origine des aliments, associés aux changements des habitudes et attitudes des consommateurs. L’efficacité de la communication interactive en matière d’évaluation et de gestion des risques dépendra de la transparence globale de l’évaluation, de la prise de décision et du processus scientifique. Des efforts doivent également être faits vers une plus grande compréhension entre les consommateurs et les scientifiques. La communication avec les consommateurs se poursuit dans un climat d’allégations publicitaires; il sera nécessaire d’examiner plus à fond l’effet cumulatif global de ces allégations sur la sensibilisation et la confusion des consommateurs en matière alimentaire.


1 http://europa.eu.int/comm/dg10/epo/eb/eb55/eb552_sctech_key_en.pdf