Rome, février 2003
Une résolution renforcée pour lutter contre la faim
Les nouvelles demandes dans le cadre du PSSA
L’amélioration de la capacité de réponse de la FAO
Ce rapport retrace l’évolution du Programme spécial pour la sécurité alimentaire (PSSA) au cours des huit dernières années. Il indique que le PSSA est resté une expérience pilote dans la plupart des pays où il fonctionne (plus de 70). Ce rapport attire toutefois l’attention sur l’accroissement récent du nombre de pays en développement qui s’apprêtent à se lancer dans des programmes de sécurité alimentaire à l’échelle nationale, conformément à leurs engagements, renouvelés au Sommet mondial de l’alimentation : cinq ans après. Cette nouvelle génération de PSSA, comprenant toute la gamme d’activités recommandées par le Programme de lutte contre la faim (PLCF) se traduit par un élargissement de la gamme de services demandés à l’Organisation. Le rapport suggère de quelle manière la FAO pourrait répondre à ces demandes, en partenariat avec d’autres organismes qui se sont engagés à éliminer la faim.
La FAO a lancé le PSSA en 1994, deux ans avant le Sommet mondial de l’alimentation de 1996, comme un programme-phare qui lui permettrait d’aider les pays membres en développement à supprimer l’incidence de la faim et de la malnutrition. La conception du PSSA reposait sur l’hypothèse que les petits agriculteurs des pays en développement pourraient accroître de façon appréciable leur production en opérant des changements technologiques relativement simples, peu coûteux et durables. De cette manière, non seulement ils amélioreraient leur niveau de vie et stimuleraient la croissance dans leur zone rurale, mais ils généreraient des excédents contribuant à la sécurité alimentaire du pays. Le programme était destiné initialement aux pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV), mais depuis, d’autres pays en développement ont également adopté l’approche du PSSA. Bien que le PSSA ait été approuvé au Sommet mondial de l’alimentation, certaines réserves ont été exprimées à ce moment-là sur le rôle attribué aux petits agriculteurs dans l’amélioration du revenu des ménages et de la sécurité alimentaire au niveau national.
Le PSSA a été conçu pour être mis en oeuvre en deux temps. Dans une première phase, il travaillait avec des groupes d’agriculteurs dans le cadre d’une formule expérimentale, sur quelques sites sélectionnés dans chaque pays participant, le but étant d’étendre progressivement l’expérience pilote à toutes les grandes régions agro-écologiques (extension de la phase I). Le programme devait commencer, tout d’abord, par encourager de simples changements technologiques relatifs à un meilleur usage de l’eau, à une intensification des cultures et à une diversification des systèmes de culture. Le programme comprenait également un volet d’identification et d’analyse des difficultés rencontrées par les agriculteurs procédant à de telles améliorations, dans le but de garantir que ces difficultés, par exemple celles liées à l’approvisionnement et au financement des intrants, à la commercialisation et à l’accès à la terre, seraient abordées lorsqu’elles se présenteraient, grâce à un élargissement de la portée du programme. Lorsque le PSSA aura donné des preuves de succès convaincantes au niveau expérimental, il rentrera dans une seconde phase (la phase II) et changera d’échelle, pour s’étendre à tout le pays et accorder une attention particulière aux réformes politiques et institutionnelles qui s’attaqueraient aux problèmes identifiés et créeraient l’environnement favorable à un accroissement de la production des petits agriculteurs.
Le PSSA a connu un développement rapide, le nombre de pays participants passant de 15 en 1995 à plus de 70 en 2002, et le montant des fonds disponibles progressant de 3,5 millions de dollars E-U à plus de 500 millions de dollars E-U, dont plus de la moitié ont été engagés par des pays en développement. Le Programme a progressivement évolué d’une formule parfois perçue comme inspirée par la technologie et directive, intervenant dans un cadre relativement étroit, vers une formule de plus en plus axée sur l’être humain et plus globale. A présent, le PSSA encourage vivement l’application de procédures participatives de diagnostic et d’apprentissage, dans le but de permettre aux participants d’exprimer clairement leurs demandes de services et de devenir plus autonomes. On est en train d’acquérir une expérience très précieuse dans la gestion d’un programme novateur de Coopération sud-sud (CSS), qui place actuellement des personnes disposant de fortes compétences pratiques dans 30 pays bénéficiaires à un coût bien inférieur à celui de la coopération technique classique.
Le PSSA a fait l’objet en 2001/2002 d’une évaluation externe indépendante, qui a approuvé l’approche du programme et noté ses points forts spécifiques :
Cependant, dans presque tous les pays, même si le PSSA bénéficie d’une grande visibilité politique et d’une réussite reconnue au niveau local, il reste limité à une expérience pilote, fonctionnant sur des sites assez peu nombreux, avec des coûts relativement élevés pour l’agriculteur. Sa portée est encore très restreinte, comparativement aux problèmes globaux d’insécurité alimentaire que connaissent les pays où il est en place. Il n’y a pas jusqu’à présent de pays qui ait un programme ayant atteint la phase II, fonctionnant à l’échelle nationale. Ceci s’explique en particulier par la difficulté de changement d’échelle, inhérente à la plupart des programmes expérimentaux. Par ailleurs, le PSSA et d’autres programmes similaires ont été victimes de la faible importance accordée, dans les années 90, par de nombreux pays en développement et par les bailleurs de fonds internationaux, à l’investissement dans le développement agricole et rural, ainsi qu’à la réduction de la faim.
Il existe des signes encourageants de l’amorce d’un retournement de tendance. La communauté internationale s’est fixée des Objectifs de développement pour le millénaire (ODM), avec l’objectif de réduire la faim de moitié, établissant un cadre qui permette une action nationale et internationale en vue de créer d’ici 2015 une société mondiale plus juste. De nombreux pays en développement se sont lancés dans la préparation de Documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) dans lesquels ils définissent les mesures qu’ils vont prendre, eux et leurs partenaires pour le développement, afin d’atteindre les ODM. Les Nations Unies sont en train de mettre en place des systèmes de contrôle global qui fonctionnent bien, afin de suivre les progrès dans la réalisation des ODM ainsi que l’exécution des engagements pris à la Conférence internationale de Monterrey sur le financement du développement.
Par ailleurs, on admet de plus en plus, bien que tardivement, le rôle clé que le développement de l’agriculture doit jouer dans le développement économique et la réduction de la pauvreté dans la plupart des pays en développement. Cela se traduit par un renouvellement des engagements de la Banque mondiale et des autres organismes de financement internationaux, et de plusieurs donateurs bilatéraux, d’accroître leur soutien du développement agricole et rural. Cette tendance apparaît très clairement dans les propositions émises pour le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD). L’important est que tous ces intervenants reconnaissent à présent le rôle déterminant des petits agriculteurs dans la production agricole, la sécurité alimentaire, la réduction de la pauvreté et l’utilisation durable des ressources naturelles. Sous cet aspect, il est possible de prétendre que l’un des objectifs initiaux du PSSA a été réalisé, celui de convaincre les donateurs et les gouvernements des pays en développement qu’il est pertinent de concentrer les efforts de développement sur les petits agriculteurs.
Le Sommet mondial de l’alimentation : cinq ans après (SMA : caa) a abouti à l’engagement réaffirmé par tous les gouvernements participants d’arriver à réduire de moitié d’ici 2015 le nombre de personnes sous-alimentées dans le monde. En exposant le premier projet de Programme de lutte contre la faim (PLCF) lors du SMA: caa, l’Organisation s’est concentrée sur les actions nécessaires pour parvenir à ce résultat. Elle a examiné les problèmes de la faim dans une perspective à la fois humanitaire et économique, en évoquant l’argument selon lequel la réduction de la faim ne répond pas seulement à un impératif moral mais va aussi dans le bon sens au point de vie économique et en déclarant que la faim, lorsqu’elle prend d’importantes proportions, limite les potentialités de croissance économique. Ayant recours à l’argument que la faim est aussi bien une cause qu’un effet de la pauvreté, le PLCF a souligné les mérites d’une double approche, afin d’atteindre l’objectif du SMA. Cette double démarche conjugue des actions en vue d’améliorer les performances des petits agriculteurs et des mesures facilitant l’accès à la nourriture, donnant aux plus pauvres la possibilité de produire ou d’acheter des quantités suffisantes de nourriture. Le PLCF a noté que les mesures facilitant l’accès des pauvres à la nourriture transformeraient un besoin en demande effective, laquelle, à son tour, pourrait favoriser un développement de la production des petits agriculteurs. De cette manière, les deux volets de l’approche se renforceraient mutuellement.
Le PLCF a fait remarquer que les connaissances et les moyens existaient, permettant à chacun dans le monde d’avoir suffisamment de nourriture, pourvu qu’on veuille effectivement y parvenir. Il a proposé la création d’une Alliance internationale contre la faim, qui réunirait toutes les parties intéressées afin qu’elles rassemblent leurs forces en vue de réaliser l’objectif du Sommet.
Plusieurs pays sont en train de se lancer dans des programmes ambitieux de réduction de la faim, qui correspondent à leurs engagements pris dans le cadre du SMA et aux approches préconisées par le PLCF. La plupart de ces pays cherchent à bâtir des programmes fondés sur des concepts forgés par le PSSA. La FAO est confrontée à un défi. D’une part, elle doit répondre avec cohérence aux désirs de ces pays, qui souhaitent bénéficier d’un soutien de sa part pour la conception et la mise en oeuvre de ces programmes nationaux plus globaux de sécurité alimentaire. D’autre part, la FAO doit aider, en même temps, d’autres pays à progressivement changer d’échelle dans les activités qui ont démarré avec le PSSA et d’autres programmes et projets aux objectifs similaires.
Au cours de ces deux dernières années, plusieurs pays en développement, en particulier l’Algérie, la République dominicaine, la Jordanie, le Mexique, le Nigéria, l’Afrique du sud et le Venezuela, ont demandé à la FAO de les aider à concevoir et mettre en œuvre des projets de sécurité alimentaire d’importance moyenne ou de grande envergure, financés essentiellement sur leurs propres ressources. Ces projets sont basés sur le modèle du PSSA et comprennent généralement des essais pilotes de systèmes améliorés de production pour les petits agriculteurs sur un grand nombre de sites, parfois aussi la fourniture d’assistance pour l’approvisionnement en intrants, la commercialisation et la création d’une infrastructure rurale améliorée, selon les demandes des communautés participantes. À l’exception du cas de l’Afrique du Sud, ces programmes n’ont pas encore cherché à s’attaquer aux contraintes politiques et constitutionnelles au niveau national. Leur domaine d’intervention correspond en gros au stade d’extension de la phase I.
Plus récemment, cependant, deux pays, le Brésil et la Sierra Leone, se sont fixés l’objectif d’éradiquer la faim en quatre et cinq ans respectivement et ils ont demandé à la FAO un soutien dans le cadre du PSSA, bien qu’ils n’aient pas participé auparavant à ce programme. Ces deux pays ont fait de la réduction de la faim une grande priorité et ils adoptent pour cette tâche une approche fondée sur les droits de l’homme. Leurs programmes sont très voisins des démarches préconisées par le Programme de lutte contre la faim, du fait qu’ils partent de l’engagement pris au SMA de réduire de moitié d’ici 2015 au plus tard le nombre de personnes chroniquement sous-alimentées et qu’ils prévoient tout un ensemble d’actions requises pour atteindre cet objectif, sur une période plus courte. Ils conjuguent des mesures d’augmentation de la production avec des interventions visant à garantir l’accès de tous à une alimentation suffisante. Ils s’attaquent également à la réforme, nécessaire et fondamentale, des politiques et des institutions, en liaison avec les stratégies nationales de réduction de la pauvreté. Ces deux pays comprennent l’intérêt d’engager des expériences pilotes novatrices, en vue d’améliorer la sécurité alimentaire, allant de pair avec l’application à grande échelle de solutions éprouvées. Ils n’adoptent pas l’approche séquentielle de formule expérimentale et de changement d’échelle comme le prévoyait à l’origine le PSSA. Tant le Brésil que la Sierra Leone appellent également les pouvoirs publics, la société civile et les donateurs à s’engager pleinement dans la lutte contre la faim, conformément au concept d’Alliance nationale contre la faim, figurant dans le PLCF, tel qu’il est envisagé pour la phase II du PSSA.
Le projet du Brésil “Faim Zéro”, dont le coût est estimé provisoirement à quelques 3 milliards de dollars E-U par an, est destiné à environ trois millions de petits agriculteurs pauvres et de nouveaux colons dans le cadre de la réforme agraire, et à quelques 44 millions de consommateurs dont les revenus quotidiens sont inférieurs à 1 dollar E-U. Le projet a une caractéristique particulièrement intéressante: il prévoit que la production des petits agriculteurs permettra de faire face à l’essentiel du supplément de demande généré par les dispositifs de sécurité alimentaire. Par ailleurs, le maintien de l’accès à des cartes de retrait de liquide pour l’aide alimentaire, au bénéfice de personnes non indigentes, est conditionné par la participation de ces personnes à des programmes de formation (alphabétisation des adultes, formation à l’agriculture et à d’autres techniques, etc.) destinés à accroître leurs chances d’obtenir un emploi et leur offrant ainsi une stratégie pour sortir de la dépendance. Le projet “Faim Zéro” comprend d’autres éléments fondamentaux, des mesures concernant la sécurité sanitaire des aliments, l’éducation en matière de nutrition et l’alimentation scolaire.
En Sierra Leone, l’accent a été mis sur la réalisation rapide de l’autonomie communautaire en s’attaquant à l’insécurité alimentaire engendrée par les ravages de la guerre civile, en reconnaissant qu’historiquement, la faim a été pour une bonne part un problème de disettes saisonnières. Alors que se poursuit la recherche de cet objectif, le gouvernement est par ailleurs engagé dans une action parallèle de réforme de la politique agricole et de développement institutionnel, qui est liée à l’élaboration d’un Document national de stratégie pour la réduction de la pauvreté et à la concrétisation des concepts de droit de l’homme à la nourriture.
D’autres pays tels que la Colombie, le Ghana, l’Indonésie, le Kenya, le Mozambique, le Pérou, le Sénégal et la Tanzanie se sont déclarés déterminés à s’attaquer à l’insécurité alimentaire à l’échelle nationale. Il apparaît réaliste de s’attendre à ce qu’en 2003 au moins dix pays adoptent la même attitude en précisant leur réponse au SMA : caa, le plaidoyer de plus en plus pressant en faveur du processus de PLCF et des ODM appelant une réponse. On espère également que de nombreux pays seront tentés de suivre l’engagement déterminé du Brésil d’éliminer la faim.
Ces pays attendent de la FAO un soutien proportionnellement beaucoup plus étendu et important que celui recherché par un pays lorsqu’il se lançait dans la mise en œuvre de formules expérimentales dans le cadre de la phase I du PSSA (et de l’extension de cette phase I). Ils demandent généralement à la FAO :
Au niveau multinational et mondial, on attend de la FAO qu’elle:
La FAO doit continuer à se faire le défenseur déterminé et obstiné de la lutte contre la faim. Cela peut tourner autour du concept, exprimé dans le PLCF, d’Alliance internationale contre la faim, qui a été forgé à partir d’alliances analogues, constituées au niveau national. Cela nécessite par ailleurs une forte présence de l’Organisation dans les groupes de travail pertinents mis en place par le Secrétaire général des Nations Unies afin de suivre les progrès accomplis dans la réalisation des ODM, particulièrement dans le Groupe de travail contre la faim. Le rapport annuel de la FAO sur l’état de l’insécurité alimentaire dans le monde (SOFI), qui recense les progrès obtenus par rapport à l’objectif du SMA restera un élément important des programmes de la FAO. Des rapports périodiques du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) sur la réalisation de l’objectif du SMA, ainsi que les résultats du Groupe de travail intergouvernemental pour l’“Élaboration d’un ensemble de directives volontaires à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation suffisante”, vont aussi permettre de continuer à assurer la sensibilisation du public.
Toutefois, la FAO doit en même temps renforcer sa capacité opérationnelle afin de répondre à des demandes grandissantes de soutien émanant de pays qui s’engagent dans des actions d’élimination de la faim et afin d’inciter d’autres donateurs à participer à cet effort. Il est peu probable que les fonds du Programme ordinaire de la FAO destinés au PSSA augmentent nettement, ce qui signifie qu’il faudra faire un meilleur usage des ressources existantes, attirer d’autres partenaires et mobiliser des financements supplémentaires afin d’appuyer les programmes nationaux. Il est possible en particulier :
Devant les demandes croissantes qui lui sont adressées afin d’appuyer des programmes nationaux de sécurité alimentaire de grande envergure, recevant des financements de diverses sources, la réponse de la FAO sera guidée par les principes suivants :