SYSTEME MONDIAL D'INFORMATION ET D'ALERTE RAPIDE SUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE DE LA FAO
PROGRAMME ALIMENTAIRE MONDIAL |
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Suite à la requête du gouvernement de Côte d’Ivoire, la FAO et le PAM ont mené une mission d’évaluation des cultures et des disponibilités alimentaires en Côte d’Ivoire du 15 novembre au 12 décembre 2003. L’objet de la mission était d’analyser les disponibilités alimentaires dans le contexte socioéconomique du moment, d’évaluer les conditions de commercialisation des principales cultures, d’apprécier les conditions de production des cultures en 2003, d’effectuer une analyse disponibilités/besoins des denrées de base pour la campagne 2004 et de faire des recommandations pertinentes pour la réhabilitation du secteur agricole.
La mission était assistée par des consultants nationaux et par du personnel du Ministère de l’agriculture et du Ministère des productions animales et des ressources halieutiques. Outre des séances d’information dans ces ministères, la mission a visité d’autres services gouvernementaux, particulièrement les Ministères du commerce, de l’économie et des finances, de la solidarité et de la sécurité sociale. Des séances de travail ont également eu lieu auprès des représentations du PNUD et de la Banque mondiale, ainsi qu’à la Banque centrale régionale (Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. Des visites sur le terrain pendant lesquelles la mission a rencontré les communautés villageoises, les commerçants, les cadres des agro-industries et les fonctionnaires, ont été menées du 18 au 28 novembre et du 9 au 12 décembre 2003. Parmi les endroits visités, Yamoussoukro, Daloa, Bouake, Sakassou dans la zone de transition; Korhogo dans le Nord; Man, Touba, Guiglo, Bin-Houyé, Grabo et Tabou dans l’Ouest et le Sud-Ouest; et Bondoukou et Bouna dans le Nord-Est.
Les informations recueillies ont été utilisées dans l’analyse de la situation actuelle de l’agriculture du pays et des perspectives pour 2004. Des problèmes nés du conflit, notamment les déplacements massifs des populations qui ont aggravé la pénurie de main-d’œuvre, l’absence de services d’appui agricole dans les localités du pays occupées par les Forces Nouvelles (FN), la segmentation des marchés et les perturbations du commerce des produits agricoles, et l’insécurité et les coûts de transport excessifs résultants des charges énormes pratiquées aux barrages routiers, sont tous facteurs qui ont négativement affecté la production agricole en 2003. Il a été estimé que, par rapport à la moyenne des cinq années précédant la crise, la production du riz aura chuté d’environ 15 pour cent, celle du maïs de 16 pour cent, celle des mil et sorgho de 23 à 27 pour cent, celle de l’igname de plus de 8 pour cent, celles du manioc et du plantain d’environ 6 pour cent. De même; l’exportation de cacao devrait chuter de 14 pour cent, celle du café de 29 pour cent et celle du coton de 25 pour cent par rapport à 2002. La production des petits ruminants, les élevages porcins et avicoles, de même que les étangs piscicoles ont été anéantis dans les zones frappées par le conflit. Le gros bétail dans le Nord a été en général épargné, mais le programme régulier de santé animale, qui comprend les campagnes de vaccinations, les services de quarantaine et les mesures sanitaires au niveau des abattoirs, s’est presque complètement arrêté par manque d’infrastructures et de personnel qualifié.
Pour relever la production céréalière, il est urgent de fournir des semences de riz et de maïs de qualité et d’outils agricoles essentiels non seulement dans les localités affectées par la guerre dans l’Ouest et le Sud-Ouest, mais également dans la zone de transition et dans le Nord où les compagnies cotonnières ont cessé leur appui à la production agricole. Les ménages agricoles ont instamment besoin d’un programme comprenant un service de vulgarisation re-dynamisé appuyé par le redémarrage de multiplication des semences.
Pour les cultures de rente telles que le cacao, le café et l’huile de palme, la pénurie de main d’œuvre est la contrainte majeure, liée aux problèmes fonciers et des travailleurs immigrés qui ont été contraints de quitter le pays. Si la recherche de solutions durables à ces problèmes figure présentement parmi les priorités du gouvernement et des agences de développement, les communautés autochtones visitées par la mission se prononcent en faveur du retour des travailleurs immigrés dans des conditions d’entente mutuelle appuyées par l’administration locale.
À moyen et long terme, les cacaoyères vieillissantes devront être replantées. L’introduction de variétés résistant aux foreurs ponctues de la canne à sucre s’avère indispensable à l’augmentation de la production sucrière. La formation de personnel sera nécessaire dans ce domaine.
Pour une circulation efficiente des produits agricoles des zones de production aux lieux de consommation, il est impérieux de supprimer les barrages routiers inutiles et de rétablir la sécurité dans l’ensemble du système de transport. Les pistes rurales doivent également être entretenues régulièrement.
Des mesures doivent être prises pour mener les campagnes de vaccination et rétablir les services vétérinaires dans les zones occupées par les troupes rebelles. La réhabilitation de la production animale et piscicole dans les localités où elle a été anéantie devrait être une priorité de premier ordre avec des financements adéquats. Et pour le secteur agricole dans son ensemble, un système de crédit institutionnel s’avère nécessaire.
Bien que les effets d’une situation alimentaire de plus en plus précaire ne soient pas encore apparents dans la plupart des couches de la population, une unité de suivi de la sécurité alimentaire a été établie suivant les propositions énoncées dans un document de projet élaboré par le PAM en février 2003.
La crise politique qui mine la Côte d’Ivoire depuis 1999 a eu des effets dévastateurs sur son économie, jadis fleuron de prospérité en Afrique sud-saharienne. Alors que le pays était bien engagé dans une phase de relance stimulée par la dévaluation du FCFA en 1994 avec des taux de croissance du PIB de 5 pour cent en moyenne pendant les années subséquentes, le coup d’État de décembre1999 a enclenché une forte baisse de l’activité économique. Le taux de croissance a en effet chuté de 4,7 pour cent en 1998 à 1,6 pour cent puis à -2,5 pour cent en 1999 et 2000 respectivement. La légère reprise en 2001 (0,5 pour cent) a été suivie d’un repli de 1,8 pour cent en 2002, en raison essentiellement de la rébellion de septembre 2002 et du blocage politique qui s’est ensuivi, avec la partition du pays en deux zones: le Sud sous contrôle gouvernemental et le Nord occupé par les ex-rebelles ou FN depuis les accords de LINAS-Marcoussis en février 2003. Les délais dans l’application de cet accord qui est censé résoudre la crise politique, ont entravé le rétablissement des conditions requises pour inverser la dégradation économique. De fait, les estimations de la croissance du PIB en 2003 sont généralement négatives: -1,9 pour cent selon la Banque centrale régionale (BCEAO) et environ -4 pour cent d’après la Banque mondiale. Seul le Ministère de l’économie et des finances estime qu’un taux de croissance de 0,5 pour cent aurait pu être réalisé en 2003.
Les contractions du PIB reflètent la piètre performance des secteurs économiques clés. Ainsi, après avoir connu une croissance annuelle moyenne de 3,4 pour cent dans les années 1990, le secteur agricole a enregistré une croissance de 0,5 pour cent en 2001 et un repli de 2,6 en 2002, en raison notamment des déficits de production et d’exportation des cultures telles que le café, le coton, les produits du palmier et, dans une moindre mesure, le cacao. De même, la production industrielle a reculé de 4,2 pour cent en 2001 et de 3,2 pour cent en 2002; la Banque centrale estime à 5,6 pour cent la contraction du secteur pour les dix premiers mois de 2003, alors que les données de l’Institut national des statistiques indiquent une chute de 12 à 14 pour cent à la fin de l’année. Secteur le plus dynamique dans les années 1990 avec des taux de croissance moyens annuels de 7 pour cent, les services ont affiché une croissance modeste de 2,1 pour cent en 2001 et une contraction de 1,2 pour cent en 2002. Bien que, selon les estimations des fonctionnaires du Ministère de l’économie et des finances, le secteur n’ait régressé que de 0,4 pour cent en 2003, la Banque centrale souligne qu’il est de ceux qui ont été le plus secoués par la crise avec la perte de beaucoup d’emplois et du pouvoir d’achat afférent, notamment dans les domaines du tourisme, des transports et du commerce.
Contrastant avec cette tendance baissière, le secteur minier aura connu, selon la Banque centrale, une croissance de 26 pour cent en 2003 grâce à l’exploitation de nouveaux puits de pétrole et des réserves de gaz naturel. Les exportations de pétrole brut ont atteint 151 millions de dollars en 2001 et 155 millions de dollars en 2002. Mais ces exportations restent négligeables au regard des produits traditionnels tels le cacao, dont les exportations avaient procuré 1,8 milliards de dollars en 2002.
L’indice de prix à la consommation s’est maintenu au-dessous de la moyenne mensuelle de 4 pour cent pour la période de janvier à octobre 2003, grâce aux règles strictes de la Banque centrale, institution régionale qui gère le FCFA de l’Afrique de l’Ouest commun à six autres pays. Mais cet indice global ne devrait pas occulter des situations spécifiques résultant de la guerre et que l’on rencontre dans certaines localités. À la période où s’est déroulée la mission, les prix des produits agricoles avaient tendance à être plus déprimés dans les zones occupées par les FN que dans celles sous contrôle gouvernemental. Dans les premières, le système bancaire n’était plus opérationnel et le manque de liquidités paralysait tant les agriculteurs et les commerçants que les fonctionnaires locaux. De plus, avec la partition de facto du pays, il avait été demandé aux employés du gouvernement de quitter les zones occupées par les FN pour Abidjan jusqu’à la fin de la crise. Ces zones sont ainsi restées avec peu de pouvoir d’achat pendant que la demande effective disponible se concentrait à Abidjan, où les prix des denrées alimentaires locales sont plus élevés. En effet, ces denrées sont devenues relativement rares à Abidjan à cause de la guerre et de l’impasse politique qui perdure.
Parce que le FCFA est arrimé à un taux fixe à l’euro (656 FCFA = 1 euro) et que l’euro s’est apprécié d’environ 20 pour cent par rapport au dollar en 2000/03, les exportations de la Côte d’Ivoire sont devenues moins compétitives particulièrement dans les zones non euro. Aussi, bien que les cours mondiaux de cacao, libellés en dollars, soient restés élevés en 2003 (s’établissant en moyenne à 79 cents US la livre contre 80 cents en 2002), les producteurs et les commerçants de la filière cacao se plaignaient des bas prix en monnaie locale au moment de la mission. Le prix bord champ recommandé pour la campagne 2002/03 était de 625 FCFA/kg contre 350 FCFA/kg en 2003/04. Mais en raison des divers prélèvements non officiels au niveau des barrages routiers et les coûts élevés de transport, les prix bord champ du cacao variaient de 200 FCFA/kg à 250 FCFA/kg. À ces prix les producteurs affirmaient ne guère pouvoir payer la main-d’œuvre pour l’entretien de leurs cacaoyères.
Nonobstant le déclin économique dépeint ci-dessus, la Côte d’Ivoire a réussi à réaliser des surplus pour sa balance commerciale en 2001 (928 millions de dollars) et en 2002 (2 090 millions de dollars), de même que des montants appréciables de réserves de change: 729 millions de dollars et 870 millions de dollars respectivement. La dette globale du pays se maintient à quelque 16 milliards de dollars depuis deux ans et le service de la dette par rapport aux exportations a baissé d’environ 20 pour cent en 2001 à 15 pour cent en 2002, taux habituellement considéré comme acceptable s’agissant du paiement de la dette. De fait, la Côte d’Ivoire a jusqu’à présent honoré ses engagements concernant le service de la dette conformément à l’accord conclu avec le Club de Paris en avril 2002.
La discipline fiscale observée par le gouvernement a contribué à instaurer une situation budgétaire confortable, les déficits budgétaires étant estimés à 0,9 pour cent du PIB en 2001, 1,1 pour cent en 2002 et 0,4 pour cent en 2003. Ces résultats sont dus à l’absence des dépenses d’investissement et au fait que les services gouvernementaux n’ont pas encore été redéployés dans les zones occupées par les FN. Il convient de souligner que l’investissement interne a chuté de 24,7 pour cent en 2001 et de 4,4 pour cent en 2002, phénomène qui a été accompagné d’innombrables fermetures d’entreprises et de pertes d’emplois, particulièrement dans les zones occupées par les FN. S’agissant de la pauvreté, il est à craindre que la dégradation de la situation économique en 2003 selon les estimations de la Banque centrale et de la Banque mondiale n'ait aggravé davantage l’incidence de la pauvreté, qui avait déjà crû d'environ 34 pour cent en 1998 à 38 pour cent en 2002 (avant la rébellion de septembre 2002 et les bouleversements économiques qui s’en sont suivis).
Le gouvernement et la Banque centrale, de même que la Banque mondiale prévoient une modeste croissance d’environ 1 pour cent pour 2004 avec comme précondition un processus de réconciliation réussi, qui mettrait fin à la crise et qui rétablirait l’autorité et les services de l’État sur toute l’étendue du territoire national. Ce sont en effet des priorités de premier ordre tant pour le gouvernement que pour les organisations internationales. La mise en oeuvre de la Stratégie pour la réduction de pauvreté parrainée par les donateurs devait débuter vers fin 2002, mais elle a été mise en veilleuse en raison de l’impasse politique persistante. Il est attendu que le document soit mis à jour et présenté à une conférence des bailleurs de fonds une fois le conflit résolu. En attendant, la situation humanitaire des milliers de personnes qui ont perdu leurs sources de revenus à cause de la crise pourrait demeurer critique en 2004 si ces personnes ne reçoivent pas les moyens nécessaires pour redémarrer leurs activités et retrouver leur pouvoir d’achat. Pour les agriculteurs qui se trouvent dans cette situation et qui ont cependant accès à la terre, ceci signifierait faciliter l’acquisition des semences requises, des engrais et produits de traitement, ainsi de l’outillage simple (y compris la traction animale au besoin). La suppression des barrages routiers inutiles et des prélèvements illégaux afférents aurait des effets bénéfiques immédiats tant sur les prix aux producteurs que sur les prix aux consommateurs.
L’agriculture a longtemps été le fondement de l’économie ivoirienne. Ainsi en 2002, l’agriculture représentait 25.7 pour cent du PIB et environ 60 pour cent des recettes d’exportation; elle occupait près de 68 pour cent de la main-d’œuvre. Le pays s’étend sur 322 460 km², dont 75 pour cent sont propres à l’agriculture; cependant, 30 pour cent seulement sont effectivement cultivés. Il existe trois zones agro-écologiques dont une zone côtière tropicale humide au sud, une région relativement sèche au Nord et, entre les deux, une zone de transition. Une gamme importante de cultures peut être pratiquée dans le pays grâce à cette diversité géographique.
Cependant, comme signalé plus haut, la crise qui perdure a mis à mal les secteurs clés de l’économie dont l’agriculture. La mission a en effet constaté que toutes les communautés rurales ont été affectées bien qu’à des degrés divers. Ainsi, les communautés qui sont restées sous contrôle gouvernemental pendant la crise ont généralement pu réaliser des niveaux de production agricole normaux, car elles ont eu accès aux intrants nécessaires et aux services d’appui gouvernementaux. Il a été cependant signalé que la rareté de main-d’œuvre agricole demeurait la contrainte majeure, particulièrement pendant la période de préparation des sols en février et mars 2003 quand dans certaines localités les jeunes agriculteurs étaient appelés au front pour protéger leurs communautés ou des villages voisins contre les attaques des rebelles. Les communautés dans les zones sous contrôle des FN ont aussi pu maintenir un certain niveau de production agricole en privilégiant néanmoins les cultures vivrières par rapport aux cultures d’exportation de manière générale, et sans bénéficier d’intrants commerciaux ni de services d’appui gouvernementaux. C’est notamment le cas des producteurs de coton dans la partie septentrionale du pays dont la plupart n'ont pas encore été payés pour la campagne 2001/02.
Les communautés qui ont été le plus durement touchées sont celles situées en zones de combat ou celles qui ont été simplement envahies par des éléments des parties en conflit: les habitants ont dû fuir, laissant derrière des biens qui ont été pillés ou détruits; souvent toute la saison culturale 2002/03 a été ratée. Des cacaoyères, caféières et palmeraies n’ont pas été entretenues, d’où les maigres récoltes pour la campagne 2003/04. Les agriculteurs interviewés par la mission dans l’Ouest et le Sud du pays ont déclaré que hormis le manioc, ils n’avaient pas de cultures vivrières à récolter et la production de leurs cultures d’exportation allait chuter de 30 à 50 pour cent en 2002/03. Cette situation se reflète également au niveau national, s’agissant notamment des cultures d’exportation. Ainsi la production de cacao, pour laquelle la Côte d’Ivoire tient la première place mondiale avec 1,2 millions de tonnes et 40 pour cent du marché en 2002, aurait diminué de 130 000 tonnes en 2003 selon la Banque centrale. La Bourse du café-cacao à Abidjan estime qu’environ 470 000 tonnes de cacao seulement auraient été disponibles pour l’exportation fin décembre 2003, contre 675 000 tonnes à la même période l’année précédente. Les exportations de café étaient prévues à la baisse à 106 000 tonnes à fin 2003 contre 147 840 tonnes en 2002. De même, les prévisions pour les exportations de coton étaient de 103 146 tonnes en 2003 contre 137 528 tonnes en 2002. Un cadre supérieur de la filière coton à Abidjan a informé la mission que les trois grandes compagnies cotonnières – Compagnie Ivoirienne pour le développement des Textiles (CIDT), Ivoire coton et la Compagnie cotonnière Ivoirienne (LCCI) – ont décidé de réduire par quelque 90 000 ha les superficies consacrées au coton dès la campagne 2003/04. En outre, ces compagnies ont mis fin à leur programme d’appui à la production vivrière par les producteurs de coton. Ce programme d’une valeur de 200 millions de FCFA consistait en la production et distribution de semences améliorées de maïs et de riz.
Les exportateurs des produits tels que le coton et le café ont aussi été confrontés à d’autres problèmes, notamment le fléchissement des cours mondiaux; leurs déboires ont été exacerbés par les coûts élevés des transports et par l’insécurité liée à la crise. Les compagnies telles que LCCI ont déclaré que leurs entrepôts en zone cotonnière avaient été pillés par des éléments armés et que leurs cargaisons de coton avaient été confisquées et détournées vers le Mali ou le Burkina Faso.
Des troupeaux de petits ruminants, des élevages porcins, avicoles et piscicoles ont été ravagés dans les localités affectées par la guerre. Dans la zone septentrionale sous contrôle gouvernementale, la production animale est entravée par le manque de maïs et de tourteaux de coton qui venaient habituellement du Centre et du Nord du pays. Bien que le gros bétail ait été relativement épargné dans le Nord pendant la crise, le programme régulier de santé animale, qui comprend les campagnes de vaccination, les services de quarantaine et d’hygiène relative à la viande, n'a pas été exécuté parce que les infrastructures ont été pillées et que le personnel qualifié s’est replié au Sud sous contrôle gouvernemental depuis le début de la crise.
De même, les infrastructures de recherches et de vulgarisation agricole dans les zones de combat ou les localités occupées par les FN ont été pillées ou saccagées, ce qui implique que le redéploiement du personnel gouvernemental à ces endroits devra être appuyé par de nouveaux investissements dans la construction et l’équipement, et dans des souches animales et végétales performantes.
Les conditions climatiques ont, à certains endroits, aggravé les problèmes causés par la guerre concernant la production agricole en 2003. Dans des localités de la zone de transition et de la région septentrionale, les pluies sont arrivées tard pour le temps des semis (février–avril) et se sont prolongées au-delà de la période ou commence normalement la saison sèche (vers fin novembre). Ainsi, la préparation du sol s’est avérée plus difficile et la croissance des plants a été retardée, alors qu’une partie de la récolte céréalière a été endommagée par de longues pluies.
Depuis le dix-neuvième siècle, la Côte d’Ivoire dépend de la main-d’œuvre migratoire surtout du Burkina Faso et du Mali pour sa production agricole, particulièrement dans le secteur des cultures d’exportation. Ces travailleurs itinérants non ivoiriens, connus sous l’appellation d’allochtones, sont en grand nombre et beaucoup qui vivent dans le pays depuis des générations revendiquent les terres qu’ils cultivent. Ces problèmes, de même que la question de leur octroyer la citoyenneté ivoirienne, ont déclenché la crise actuelle, provoquant des sentiments de méfiance envers les allochtones dans beaucoup de communautés. Par conséquent, beaucoup de travailleurs immigrants qui ont fui vers leur pays d’origine ne sont pas encore revenus pour entretenir leurs exploitations ou reprendre leurs occupations antérieures. D’où la grave pénurie de main-d’œuvre que connaissent les communautés que la mission a visitées dans les zones de production de cacao, café et huile de palme dans le Centre, l’Ouest et le Sud du pays. Certains propriétaires d’exploitations que la mission a rencontrés ont déclaré qu’avant la crise, ils employaient jusqu’à cinq travailleurs sur une base régulière, mais qu’ils ne pouvaient plus en engager un seul. Les quelques travailleurs qu’on pouvait trouver étaient devenus très exigeants, demandant qu’il leur soit accordé la moitié à deux tiers de la récolte lieu d’un tiers comme auparavant lorsqu’ils travaillent pour un propriétaire d’exploitation pendant une saison entière.
Si l’on pouvait dire que la crise a apporté quelque chose de positif, ce serait que la population autochtone s’est rendue compte à quel point l’apport économique des immigrants était important pour leurs communautés et pour la nation dans son ensemble. Ceci est particulièrement manifeste dans des localités telles que la préfecture de Tabou dans le Sud-Ouest où plus de 80 pour cent des cacaoyères sont tenues par les allochtones, qui fournissent également l’essentiel de la main-d’œuvre des plantations de palmiers et d’hévéa. Comme la méfiance vis-à-vis des allochtones s’estompe dans la plupart des localités suite aux initiatives de réconciliation prises au niveau politique, la population autochtone souhaite le retour des immigrants, pas nécessairement de ceux qui étaient là avant le conflit, et surtout pas de ceux qui ont commis des crimes contre la communauté.
Les conditions de retour des immigrants de même que celles des allogènes (c’est-à-dire des Ivoiriens cultivant des terres dans une région qui n’est pas celle de leur naissance) doivent garantir dans la durée une confiance mutuelle et la sécurité tant pour les travailleurs que les communautés autochtones hôtes. À cette fin, une approche participative impliquant toutes les parties concernées est requise, dont les consultations et les conclusions seraient avalisées par l’administration locale. L’on devrait cependant s’assurer que cette approche, qui connaît des succès à la préfecture de Tabou comme mesure transitoire à tout le moins, n'est pas en porte-à-faux avec la politique foncière nationale publiée en 1999.
La Côte d’Ivoire a longtemps été le moteur économique de la zone CFA de l’Afrique de l’Ouest, contribuant pour 40 pour cent à son PIB. Un des faits les plus patents de la crise est la mise en évidence non seulement de l’interdépendance des régions du pays, mais aussi du degré avancé de l’intégration économique avec les pays voisins avant la crise militaire de septembre 2003, notamment en matière des transports, du commerce et de la main-d’œuvre. Il est donc impératif que les conditions de vie normales soient rétablies en Côte d’Ivoire pour son peuple et pour la sous-région de l’Afrique de l’Ouest dans son ensemble.
3.1.1 Zones agro-écologiques
La Côte d’Ivoire est divisée en trois grandes zones agro-écologiques, à savoir les zones: guinéenne (50 pour cent), soudano-guinéenne (19 pour cent) et soudanaise (31 pour cent).
La zone guinéenne localisée au Sud est la plus pluvieuse et comprend pratiquement toute la région forestière. Elle est caractérisée par quatre saisons: une grande saison sèche (décembre à mars), une grande saison de pluies (mars à juin), une petite saison sèche (juillet à août) et enfin une petite saison de pluies (septembre à novembre). La moyenne de la pluviométrie annuelle y dépasse les 1 800 mm.
La zone soudano-guinéenne est une zone de transition entre la zone forestière et celle du Nord. Elle est caractérisée par quatre saisons dont une grande saison sèche (novembre à février), une grande saison de pluies (mars à juin), une petite saison sèche (juillet à août) et une petite saison de pluies (septembre à octobre).
La zone soudanaise est située plus au nord. Il y pleut moins qu’ailleurs dans le pays, avec essentiellement deux saisons: une saison de pluies courte et une saison sèche bien marquée. Une végétation du type Savannah est prédominante.
3.1.2 Moyens de production et intrants agricoles
Selon une communication du Centre national de recherches agronomiques (CNRA) en mars 2003 intitulée « Situation actuelle du secteur agricole et perspectives du développement », 86,9 pour cent des exploitations utilisent une main-d’œuvre familiale. L’agriculture est essentiellement manuelle; seulement 4,4 pour cent des exploitations utilisent la traction animale, surtout dans le Nord. Moins de 1 pour cent des exploitations disposent d’un tracteur ou d’un motoculteur; 8 pour cent possèdent des pulvérisateurs. La même source indique une utilisation des fumures sur 18 pour cent des parcelles dont 14 pour cent reçoivent de la fumure minérale. Le CNRA estime que 40 pour cent des exploitations agricoles comportent un élevage, généralement de type traditionnel.
3.1.3 La campagne agricole 2002/03
Bien qu’il y ait eu des décalages de début des pluies à certains endroits, les conditions climatiques générales et les systèmes de production n’ont pas connu de changements majeurs par rapport à la campagne précédente. Le déclenchement du conflit en septembre 2002 a eu divers effets négatifs sur les cultures et les récoltes selon la région administrative concernée. Les situations suivantes ont été observées: récoltes abandonnées dans les champs à cause de l’insécurité; des greniers pillés; petit bétail et volaille décimés; pertes de biens, destructions des infrastructures sociales et économiques; arrêt des activités bancaires, d’épargne et de crédit dans les zones ayant connu la guerre; difficultés de circulation des marchandises à cause des tracasseries aux multiples barrages routiers. Dans les zones occupées par les FN ainsi que le long de la ligne de front dans la zone tampon, seule l’agriculture de proximité peut être pratiquée en raison des conditions d’insécurité. Le pays peut être divisé en cinq zones selon les déplacements des populations ainsi que l’importance et les conditions de réalisation des activités agricoles.
Localités du Nord sous occupation des FN
l’administration et les encadreurs ont quitté la région pour rejoindre l’administration centrale dans le Sud;
les sociétés cotonnières, qui apportent l’appui le plus important à l’activité agricole de la région, ont accumulé des impayés sur les achats de coton des campagnes précédentes, et la fourniture d’intrants agricoles aux paysans n’a pas suivi le rythme normal;
les communautés rurales ont été vidées de leurs bras valides et ont manqué de l’encadrement technique nécessaire;
beaucoup de jeunes ont intégré la rébellion, abandonnant ainsi les travaux champêtres.
Zone tampon sous contrôle gouvernemental
grande concentration des populations déplacées de toutes les régions, principalement la population rurale;
fortes pressions sur les réserves alimentaires et même sur les semences;
poursuite des récoltes selon l’accessibilité des champs;
assistance agricole du gouvernement (Programme riz pour tous, Programme maïs) des agences des Nations Unies et des ONG.
Zone sud sous contrôle gouvernemental
population agricole généralement sur place;
arrivée des personnes déplacées de toutes les régions;
pression sur les réserves alimentaires et même sur les semences;
poursuite normale de l’encadrement technique;
assistance agricole du gouvernement (Programme riz pour tous), des agences des Nations Unies et des ONG.
Localités de l’Ouest sous contrôle des FN
attaques violentes répétées avec déplacements très importants des populations rurales;
retour très tardif des populations (même après mai 2003);
reprise très difficile des activités de production;
amplification du conflit entre communautés, principalement dans la région du Moyen Cavally, qui a entraîné de nouveaux déplacements des populations allogènes et allochtones au cours du deuxième semestre 2003.
Zone du Sud-Ouest sous contrôle gouvernemental
des villages ont connu des attaques armées répétées;
présence de réfugiés libériens;
très peu de reprise des activités agricoles;
population allogène déplacée abandonnant les champs;
manque considérable de main-d’œuvre dans les plantations industrielles et dans les champs des cultures vivrières.
Les superficies cultivées ont été estimées sur base des données du Recensement national de l’agriculture de 2001. Les chiffres des productions, auxquels ont été incorporés des facteurs de tendance, proviennent de la FAO et des sources gouvernementales. Ces facteurs de tendance tiennent compte de l’importance relative de chaque région au niveau national s’agissant des superficies consacrées à une culture donnée. La perte ou l’augmentation de la production de cette culture dans une région telle que déclarées par les agriculteurs et les informateurs avertis ont ensuite été pondérées pour estimer la perte ou l’augmentation globale de la production au niveau national sous forme de pourcentages. L’analyse effectuée sur quelques cultures principales sur base des superficies cultivées et de leur importance économique amène à la description ci-après (voir le tableau 1, ci-après).
3.2.1 Cultures vivrières
De manière générale, les cultures vivrières se sont développées normalement. Cependant, la période des récoltes a été fortement perturbée par les combats de septembre 2002. Les exploitations n’ont pu être entretenues convenablement en raison des déplacements massifs des populations et de l’insécurité.
Le riz. La perte totale des récoltes pour la campagne 2002/03 a été estimée à 13 pour cent par rapport à la campagne de 2001/02; puisque plus de 60 pour cent des superficies cultivées se sont retrouvées dans les zones ayant connu les combats et les déplacements des populations. Le riz est cultivé principalement dans les régions de Savanes (23 pour cent des superficies cultivées), Montagnes; Moyen Cavally, Worodougou, Bafing et Denguele; qui sont entièrement dans la zone actuellement sous occupation des FN. Les régions de Montagnes et de Moyen Cavally ont connu des déplacements des populations agricoles de plus longues durées. La Région de Savanes a vu beaucoup de ses bras valides intégrés les FN, abandonnant ainsi les travaux champêtres. Les récoltes ont été insuffisamment réalisées et des pertes ont été enregistrées à cause des ravageurs de tout genre (oiseaux, pourritures, etc.).
Le maïs. Les grandes zones de production de maïs sont situées au Nord sous occupation des FN, notamment dans les régions de Savanes (62 pour cent de la production ivoirienne du maïs), Denguele, Worodougou, Vallée du Bandama, Zanzan et une partie du Haut Sassandra. Les récoltes de maïs pourront connaître des pertes estimées à 11 pour cent par rapport aux résultats de 2002. Les principales causes des pertes sont l’insuffisance de manque de main-d’œuvre ou des conditions d’insécurité, ce qui a entraîné des pourritures en plein champ.
Le mil. Pratiquement la totalité de la production du mil provient du Nord du pays. Les régions de Savanes, Zanzan et Denguele totalisent à elles seules plus de 95 pour cent des superficies cultivées. Elles sont toutes sous contrôle des FN. Les pertes ont été estimées à 21 pour cent par rapport aux résultats de 2002.
Le sorgho. Les régions de Savanes et de Zanzan totalisent à elles seules plus de 83 pour cent des superficies cultivées. L’insuffisance des récoltes estimées à 20 pour cent par rapport aux récoltes de 2002 est expliquée par des déplacements des populations et au départ des jeunes pour rejoindre les rangs des milices.
L’igname. La zone de transition et le sud comporte la plus grande superficie consacrée à la production de l’igname. Les régions de la Vallée de Bandama, des Lacs et d’Agnéby représentent plus de 50 pour cent des superficies cultivées. La région de la Vallée de Bandama a été fortement affectée par la guerre, mais en général, les productions d’igname n’ont pas beaucoup souffert car les récoltes sont échelonnées et, dans une certaine mesure, les productions se conservent relativement bien. Toutefois, des pertes dues à des mauvaises conditions de conservation peuvent être estimées à 7 pour cent par rapport aux récoltes de 2002. La région de Zanzan (Bondoukou), où l’enclavement a durée plus longtemps, a connu des pertes plus importantes évaluées à environ 50 pour cent.
Le manioc. L’essentiel de la production du manioc est réalisé au Sud et à l’Ouest du pays. Les régions des Lagunes, Vallée du Bandama, Bas Sassandra, Sud Comöe et Montagnes représentent pratiquement 80 pour cent des superficies cultivées. Les récoltes de manioc n’ont pas connu beaucoup de pertes. Les populations qui retournent dans leurs villages les récoltent et les consomment ou le vendent, là où c’est possible. Quelques pertes dues à des pourritures au champ peuvent être estimées à environ 5 pour cent par rapport aux récoltes de 2001/02.
L’arachide. L’arachide est produite dans les régions de Savanes (72 pour cent de la production nationale), Denguele, Worodougou, Bafing et N’zi Comöe qui totalisent plus de 95 pour cent des superficies cultivées. L’arachide n’a pas subi beaucoup de pertes. Quelques récoltes tardives ont connu des pourritures ou des germinations en plein champ. Ces pertes sont estimées à 5 pour cent par rapport aux récoltes de 2002.
La banane plantain. La banane plantain est notamment produite dans les régions d’Agnéby, Lacs, Vallée du Bandama, Sud Bandama, Lagunes, Moyen Comöe et Haut Sassandra; les récoltes sont échelonnées. Même s’il n’y a pas eu beaucoup de pertes, quelques pourritures et des pertes par manque d’entretien peuvent néanmoins être évaluées à 5 pour cent par rapport aux récoltes de 2001/02.
1998 | 1999 | 2000 | 2001 | 2002 | 2003 |
Moyen- ne 1998– 2002 |
2003/02 (%) |
2003/ moyen- ne (%) |
|
Riz | 938 | 976 | 1 036 | 1 055 | 976 | 847 | 996 | -13.22 | -14.96 |
Maïs | 605 | 675 | 631 | 615 | 587 | 523 | 623 | -10.90 | -16.05 |
Mil | 80 | 76 | 75 | 73 | 69 | 55 | 75 | -20.29 | -26.67 |
Sorgho | 32 | 30 | 30 | 31 | 30 | 24 | 31 | -20.00 | -22.58 |
Igname | 2 921 | 2 944 | 2 950 | 2 938 | 2 874 | 2 674 | 2 925 | -6.96 | -8.58 |
Manioc | 1 692 | 1 681 | 1 691 | 1 688 | 1 658 | 1 576 | 1 682 | -4.95 | -6.30 |
Plantain | 1 410 | 1 402 | 1 418 | 1 410 | 1 395 | 1 322 | 1 407 | -5.23 | -6.04 |
Sources: Base de données de la FAO (1998–2001); estimations de la Mission (2002–2003).
3.2.2. Cultures d’exportation
Les exportations agricoles ont longtemps été le soutien de la croissance économique ivoirienne, contribuant pour environ 60 pour cent aux recettes d’exportation. Le cacao est la principale culture d’exportation, et la Côte d’Ivoire en est le premier producteur mondial avec 1,2 millions de tonnes en 2002 représentant 40 pour cent du marché. D’autres cultures de rente comprennent le café, le coton, le palmier à huile, l’hévéa, l’anacarde, le cocotier et la canne à sucre. Le Tableau 2 présente les tendances en exportations agricoles. On prévoit que les exportations de fèves de cacao en 2003 chutent de 142 347 tonnes, soit environ 14 pour cent par rapport à 2002. De même, les exportations de café devraient chuter par 42 212 tonnes, ou 29 pour cent, et celles de coton par 34 382 tonnes, soit 25 pour cent.
Le cacao. Suivant le Recensement national de l’agriculture de 2001, 1 777 550 ha de cacao étaient cultivés (représentant plus de 99 pour cent des superficies cultivées), notamment dans les régions suivantes: Bas Sassandra, Haut Sassandra, Sud Bandama, Agnéby, Moyen Comöe, Moyen Cavally, Fromagers, Lagunes, Marahoue, Lacs, Sud Comöe, Montagnes et N’zi Comöe. Les conditions d’insécurité générale ont entravé la récolte du cacao, surtout dans le Sud-Ouest qui a souffert du départ massif des communautés étrangères (Burkinabé, Libériens). La préfecture de Vavoua, dans le Haut Sassandra s’est pratiquement vidée de ses bras valides et l’accès aux plantations reste toujours difficile en raison des conditions d’insécurité. Un nombre important de planteurs se trouvant actuellement à Daloa ont abandonné leurs plantations. La zone est sous le contrôle des FN. Les régions de Montagnes et de Moyen Cavally s’étaient vidées à plus de 50 pour cent de leurs populations qui ne rentrent que progressivement. Ainsi les cacaoyères dans ces zones n'ont pas été entretenues convenablement, d’où des pertes considérables occasionnées par des cabosses pourries en plein champ. La perte globale de la récolte du cacao est estimée à 30 pour cent par rapport aux résultats de la campagne 2001/02. La production de la campagne 2002/03 initialement estimée à 1 315 000 tonnes, ne pourrait plus être que de 920 000 tonnes.
Le café. 602 075 ha de café étaient cultivés en 2001. Les grandes zones de production se présentent dans l’ordre décroissant suivant: Haut Sassandra, Montagnes, Moyen Cavally, Bas Sassandra, Sud Comöe, Agnéby, Sud Bandama, Lagunes, Moyen Comöe, Fromagers, Lacs, Marahoue et N’zi Comöe. La majeure partie de la récolte a été perdue en raison des déplacements des paysans dans les régions qui ont connu des combats, du départ des populations étrangères des zones sous contrôle gouvernemental, ainsi que de l’insécurité générale qui a empêché les acheteurs de collecter les productions entreposées. La perte de la récolte du café est estimée à 35 pour cent par rapport aux résultats de 2001/02 qui ont été de 156 520 tonnes selon le Ministère de l’agriculture. La moyenne de la production annuelle des quatre dernières années a été de 270 000 tonnes, suivant la même source. Le déclin de la production de même que celui des superficies cultivées (25 pour cent) tient aussi à la faiblesse des cours internationaux.
Le coton. Pendant la campagne 2001/02, la superficie consacrée au coton était évaluée à 280 115 ha, contre une moyenne de 270 000 ha pour les quatre dernières années. Les principales régions productrices sont: Savanes, Worodougou, Denguele, Vallée du Bandama, Marahoue et Haut Sassandra. La perte de production est estimée à 10 pour cent suite aux avaries causées par les mauvaises conditions de conservation. Les sociétés cotonnières n’ont pas pu enlever à temps les productions de la campagne, et même les productions enlevées sont restées impayées.
Le palmier à huile. Selon le ministère de l’agriculture, 194 790 ha de palmiers étaient cultivés en 2001/02 pour une production de 1 144 741 tonnes de régimes. Les quatre régions productrices sont les Lagunes (36 pour cent), Bas Sassandra, Sud Comöe et Sud Bandama. La région du Bas Sassandra a été la plus affectée par le départ important de la main d’œuvre itinérante libérienne et burkinabé. Quelque 40 pour cent des plantations sont de type villageois. La perte de la production totale est estimée à 10 pour cent par rapport à 2001/02, en partie à cause du vieillissement des arbres.
L’hévéa. En 2001/02, l’hévéa était cultivé sur 116 050 ha pour une production de 116 752 tonnes de latex. Cette production est concentrée dans les régions des Lagunes (57 pour cent de la production totale), Bas Sassandra, Sud Comoë, Fromagers et Moyen Cavally. Si les plantations apparaissent suffisamment bien entretenues, la mission n’a pas pu obtenir suffisamment d’information lui permettant d’évaluer la performance de cette culture.
L’anacarde. Culture en cours d’expansion, l’anacarde couvrait 133 273 ha en 2001 répartis comme suit: région de Zanzan, Vallée du Bandama, Savanes, Denguele et Worodougou. Les statistiques de production ne sont pas disponibles, mais les déplacements massifs des populations et les conditions d’insécurité générale dans les zones de guerre ont favorisé des pertes importantes. Cette perte est évaluée entre 30 et 50 pour cent selon les endroits.
Le cocotier. Le Recensement national de l’agriculture de 2001 relève que 29 663 ha de cocotiers étaient cultivés cette année-là. Les zones de production sont: le Sud Comöe (67 pour cent), Lagunes et Agnéby. Les statistiques antérieures n’ont pas été disponibles, ce qui n’a pas permis d’évaluer de manière acceptable les tendances de la production.
La canne à sucre. Bien que cette culture n’ait pas fait l’objet du Recensement national de l’agriculture de 2001, le Ministère de l’agriculture estime que la production a chuté à 123 562 tonnes en 2000/01 contre 151 388 tonnes en 1998/99 et 179 600 tonnes en 1999/00. Les réalisations de 2001/02 n’ont pas été disponibles. La moyenne de production des trois campagnes précédentes a été de 151 487 tonnes de sucre. La production de sucre, avec la rareté de la main-d’œuvre et l’insécurité générale créée par la guerre, entraînera des pertes de production estimées à 10–20 pour cent.
1998 | 1999 | 2000 | 2001 | 2002 (E) | 2003 (P) | |
Cacao (fèves) | 895 729 | 1 113 177 | 1 114 330 | 1 025 954 | 1 006 285 | 863 938 |
Cacao usiné | 159 127 | 174 575 | 184 332 | 221 085 | 247 673 | 260 057 |
Café (fèves) | 237 804 | 117 635 | 342 763 | 226 529 | 147 840 | 105 628 |
Café (soluble) | 9 277 | 10 473 | 9 248 | 9 161 | 10 601 | 9 541 |
Cotton (fibre) | 122 337 | 131 208 | 160 652 | 112 626 | 137 528 | 103 146 |
Huile de palme | 101 660 | 101 009 | 72 191 | 74 535 | 65 022 | 68 663 |
Bananes | 206 462 | 241 618 | 243 049 | 255 582 | 256 000 | 237 824 |
Ananas | 149 356 | 201 787 | 187 836 | 195 236 | 173 829 | 172 265 |
Source: Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Abidjan.
E = Estimations
P = Prévisions
L’insuffisance de la main d’œuvre dans les zones sous contrôle des FN et dans celles récemment récupérées par le gouvernement comme le moyen Cavally et l’ouest de la région des Montagnes ne permettra guère l’exploitation de grandes superficies. En outre, dans les zones sous contrôle des FN, la rareté ou le manque de semences et d’autres intrants agricoles ainsi que le manque d’encadrement technique, l’absence de circuit bancaire et de crédit agricole, sont autant de facteurs contraignants. Cependant, grâce à l’assistance que le gouvernement assure dans la zone sous son contrôle, les baisses importantes pour certaines cultures dans les zones du Nord et de l’Ouest, connaîtront une atténuation au niveau national.
3.3.1 Cultures vivrières
Le tableau 3 montre les perspectives pour la production des cultures vivrières pour 2003/04, avec les régions à risque et les pertes estimées par rapport aux niveaux de production de 2002/03.
Riz | Maïs | Mil | Sorgho | Igname | Manioc | Anacarde | Plantains | |
Niveau national | -13.2 | -11.0 | -20.8 | -20.2 | -7.0 | -4.9 | -20.3 | -5.3 |
Bafing | -17.5 | -17.5 | ||||||
Bas Sassandra | -11.3 | |||||||
Denguele | -20.0 | -20.0 | -20.0 | |||||
Haut Sassandra | -22.5 | -22.5 | -22.5 | -22.5 | ||||
Montagnes | -22.5 | -22.5 | ||||||
N’zi Comöe | -12.5 | -12.5 | ||||||
Savannes | -22.5 | -22.5 | -22.5 | -22.5 | ||||
Sud Bandama | -12.5 | |||||||
Vallée du Bandama | -22.5 | -21.3 | -21.5 | -21.3 | ||||
Worodougou | -22.5 | -22.5 | -22.5 | -22.5 | ||||
Zanzan | -16.3 |
3.3.2 Cultures d’exportation
La production de cacao a connu une baisse d’environ 10 pour cent par rapport à la campagne 2002/03, et se serait située autour de 800 000 tonnes malgré la bonne tenue des cours mondiaux. La production du café, quant à elle, ne devra pas dépasser les 150 000 tonnes réalisées en 2001/02 en raison du fléchissement des cours mondiaux.
Selon les sociétés cotonnières, les superficies de coton auront baissé d’environ 20 pour cent par rapport aux campagnes précédentes. Le manque de confiance aux acheteurs de coton du fait de l’irrégularité des payements aux producteurs, la diminution des avantages que les sociétés cotonnières accordaient aux coopératives de leurs filières (crédit en nature tel que semences des cultures vivrières, intrants agricoles) auront durement affecté la production cotonnière. La Compagnie cotonnière de Côte d’Ivoire (LCCI) estime que le rapport superficies de coton/superficies des cultures vivrières qui était auparavant de 48 pour cent baissera à 40 pour cent pendant la campagne 2003/04. Ceci pourra se traduire par une baisse de 27 pour cent de la production du coton. Par ailleurs, les sociétés cotonnières ne pourront plus mobiliser les fonds nécessaires à l’achat des intrants d’appui aux producteurs de coton estimés à 200 millions de francs CFA.
La production d’huile de palme souffre surtout de l’absence de main-d’œuvre. Celle-ci était à 80 constituée de libériens dont la plupart sont partis. Bien que les autochtones commencent à les remplacer, la société PALM-CI à Gbape, dans le Bas Sassandra, ne tournait qu’à 60 pour cent de sa capacité au moment de la mission. Pour la fin de la campagne 2003/04, une baisse de 15 pour cent est attendue par rapport aux résultats de 2002/03.
En raison de l’instabilité de la main-d’œuvre dans le Bas Sassandra et des retards dans les opérations de saignées, la production du latex devra diminuer de 20 pour cent. L’entretien des plantations d’anacarde est quasi inexistant ou très insuffisant dans les zones sinistrées du Nord et Nord-Est du pays. Une baisse d’environ 30 pour cent de la production est estimée pour la campagne 2003/04. Outre la pénurie de main-d’œuvre, les foreurs ponctues de la canne à sucre affectent durement la production de la canne à sucre, qui devra chuter de plus de 20 pour cent.
Les secteurs de l’élevage et des pêches contribuent à la sécurité alimentaire non seulement en termes de protéines animales, mais également par la création d’emplois et d’activités génératrices de revenus. En 2001, la Côte d’Ivoire comptait 1 440 000 bovins, 2 649 000 ovins et caprins, 346 000 porcins et 30 millions de volailles. La production de viande s’élevait à 56 800 tonnes, couvrant environ 57 pour cent des besoins nationaux estimés à 6 kg/personne/an. La production halieutique atteignait 70 000 tonnes soit 35 pour cent des 200 000 tonnes requises pour une consommation annuelle de 12 kg par habitant.
Ainsi, la Côte d’Ivoire accuse un déficit structurel en protéines animales qui doit être compensé par des importations. Ce déficit devra se creuser avec la croissance démographique et l’expansion urbaine. La crise déclenchée par la rébellion militaire en septembre 2002 a aggravé le déficit en entravant la production et le commerce des produits d’élevage et de pêche à travers le pays. Ceci est illustré par les observations de la mission.
Dans la zone dite de transition ou d’accueil (Daloa, Sakassou, Tabou), la production de poisson a pratiquement cessé, les pêcheurs burkinabé et maliens étant partis suite à la crise. Ainsi, quatre poissons se vendaient pour 200 FCFA au moment de la mission contre dix pour le même montant avant la crise. Dans les environs de Daloa, la demande excessive de viande par les militaires entrave le développement de l’élevage bovin.
Il est à noter que le marché de gros des céréales de Daloa, qui recevait le maïs de la zone de Vavoua et l’expédiait aux usines de provende dans d’autres parties de la Côte d’Ivoire ainsi qu’au Mali et au Burkina Faso, ne fonctionne plus en raison de l’insécurité et des tracasseries aux barrages routiers. Ceci a particulièrement été préjudiciable à la production avicole dans la région d’Abidjan.
Dans les zones sous contrôle des FN, les effets de la crise ont varié selon la localité et le type d’élevage. Dans la région de Korhogo dans le Nord, les bovins n’ont guère été affectés mais les prix ont chuté de moitié, passant à 100 000 FCFA pour un bœuf sur pied. Les campagnes de vaccination habituelles contre les principales épizooties telles que la pleuropneumonie n’ont pas été menées dans les deux dernières années. Entre-temps, les mouvements inter frontaliers des animaux se sont poursuivis sans surveillance sanitaire, augmentant le risque de contamination des troupeaux locaux. De même, les mesures d’hygiène relatives à la viande ne sont plus guère appliquées, car la quasi-totalité des vétérinaires employés par le gouvernement ont quitté les localités concernées.
Dans la région de Man à l’Ouest, les unités d’élevage et de pisciculture financées par les projets BAD-ELEVAGE et BAD-OUEST ont toutes été saccagées. Soixante dix-sept éleveurs ont perdu 8 000 porcs et leurs étangs piscicoles ont été vidés. Les éleveurs du département de Danané ont subi le même sort.
Dans les zones sous contrôle gouvernemental mais antérieurement envahies par les FN telles les sous-préfectures de Bin-Houyé et Zouen-Hounien, pratiquement tous les animaux d’élevage (bovins, petits ruminants, volailles et porcins) ont été tués et la pisciculture saccagée. Dans la localité de Tabou, la pêche est en déclin suite au départ des pêcheurs étrangers. Quelques autochtones se livrent encore à la pêche, mais ils manquent d’une formation de base et d’équipement nécessaire (pirogues avec moteurs hors bord, filets et lignes améliorés).
Les centres de recherches en production animale et des troupeaux expérimentaux de bovins et d’ovins améliorés ainsi que les étangs pour la production des alevins ont été pillés à maints endroits. C’est le cas des Bovins industriels de Noroningué, du Centre national ovin de Béoumi, du Programme national de sélection bovine de Bouake, de la Ferme semencière de Badikaha, du Ranch de Sipilu et du Centre d’alevinage de Dompleu dans les environs de Man.
Selon le Ministère de la production animale et halieutique, la production du secteur baissera de 10 à 20 pour cent en 2003 et restera stagnante en 2004. Il est recommandé comme mesures d’urgence, le lancement de campagnes de vaccination, surtout dans le Nord; la fourniture des produits vétérinaires et le rétablissement des services de santé animale, y compris le réseau de surveillance des épizooties, dans les zones concernées; la reprise du commerce du maïs pour la production de provende en rétablissant la sécurité dans les zones de production, et en démantelant les barrages routiers inutiles.
Avant la crise, la Côte d’Ivoire bénéficiait d’un système de commercialisation relativement efficace et d’un réseau de transport permettant l’acheminement des denrées des zones de production aux centres de consommation à des coûts et à un temps raisonnables. Une concurrence serrée parmi les commerçants garantissait des prix équitables tant aux producteurs qu’aux consommateurs. La rébellion militaire de septembre 2002 qui a entraîné l’insécurité, les déplacements de populations et la partition de facto du pays avec comme corollaire le contrôle excessif du système de transport, a durement affecté le système de commercialisation des produits agricoles. La segmentation des marchés qui en a résulté a touché tous les acteurs de la chaîne de production à la consommation, et ce à des degrés divers dépendant des localités. Ainsi par exemple, la mission a observé que certaines zones de production éloignées des grands marchés d’Abidjan ne trouvaient guère d’acheteurs pour leurs récoltes, qu’elles bradaient à des prix minables aux quelques commerçants qui arrivaient de temps à autre. C’était le cas dans les localités occupées par les FN aux environs de Bouake, Korhogo et Touba, de même que dans les villages de la zone de Daloa sous contrôle gouvernemental. De manière générale, les prix bord champs observés pendant la mission pour des produits tels que les plantains étaient de l’ordre de 500 FCFA pour trois régimes contre 2 000 FCFA à la même période avant la crise; riz paddy: 250 FCFA/5 kg contre 550 FCFA; maïs: 150 FCFA/5 kg contre 500 FCFA; viande de boeuf (zone de Korhogo): 500 FCFA/kg contre 1 000 FCFA auparavant. L’igname ne semblait pas être bradée même bord champ. Ceci tient au fait que les ignames sont prisées par les villageois et qu’elles peuvent généralement se conserver pendant plusieurs mois après la récolte.
Les producteurs ont déclaré qu’en moyenne et en temps normal, ils vendaient environ un tiers de leur production vivrière, gardant le reste pour la consommation domestique. Mais beaucoup ont affirmé que depuis le début de la crise, ils pouvaient à peine vendre 10 pour cent de leur production vivrière. Cependant, des producteurs de céréales dans les environs de Korhogo dans le Nord et à Touba dans le nord-ouest, toutes zones occupées par les FN, craignaient de manquer de riz et de maïs vers janvier 2004, puis qu'ils devaient vendre leurs récoltes à des prix très bas pour faire face à des urgences telles que des soins de santé ou des obligations sociales traditionnelles. Les céréales ainsi vendues de même que d'autres produits agricoles étaient acheminés vers les pays voisins. Des ventes à de très bas prix signifiaient que les agriculteurs n’auraient pas suffisamment d’épargnes pour acheter de la nourriture pendant la période de soudure. D’où l’idée de créer des banques de céréales à l’instar d’une coopérative de femmes basée à Tiro et bénéficiant de l’appui d’une ONG financée par le Canada. Avec un fonds de roulement, une banque de céréales pourrait acheter des céréales des agriculteurs à des prix assez élevés leur permettant de faire face à leurs obligations financières d’urgence. Pendant la période de soudure, les agriculteurs pourraient racheter ces céréales à des prix raisonnables.
Aux marchés de gros à Daloa et Bouake, les commerçants ont dû s’adapter à la demande déprimée en achetant très peu de leurs fournisseurs en gardant peu de stocks. Ainsi, un marchand de Bouake qui d’habitude achetait et revendait dix cargaisons d’ignames par semaine avant la crise ne pouvaient plus en traiter que cinq ou six de 10 tonnes chacune, vendant le kg à 75 FCFA pour un profit de 5 FCFA contre 15 FCFA un an auparavant. Un commerçant de riz du même marché conservait depuis trois semaines 4 tonnes de paddy qui ne trouvaient preneur même bradés à 60 FCFA/kg, ce qui, confia-t-il, lui infligerait une lourde perte. Un négociant de maïs à Daloa préférait, quant à lui, attendre dans son magasin pour que les agriculteurs des environs lui apportent le maïs qu’ils voulaient vendre, ceci à cause de l’insécurité et des frais de voyage exorbitants auxquels il devait faire face s’il s’aventurait à aller chercher les produits dans les zones de production telles que Vavoua. Par conséquent, il n’avait que 2,8 tonnes de maïs à vendre, soit dix fois moins qu’à pareil moment avant la crise, dit-il, soulignant que les gros prélèvements effectués aux multiples barrages routiers, qui dans ce cas s’élevaient à 100 000 FCFA pour un chargement de maïs de 3,5 tonnes sur une distance de 15 km, bridaient le commerce des produits agricoles dans la région.
Dans la zone de Bouna-Bondoukou qui continue d’approvisionner Abidjan en ignames, les commerçants font face à des difficultés semblables. Des marchés ruraux dans les environs de Bouna ont été fermés pour des raisons de sécurité; le coût de la collecte des produits bord champ a doublé, passant à 10 FCFA/kg, et celui du transport a triplé pour atteindre 35 FCFA/kg. Pour acheminer 20 tonnes d’ignames de Bouna à Abidjan, les grossistes doivent d’abord s’acquitter d’un laissez-passer de 40 000 FCFA, puis payer 200 000 FCFA à quelque 40 barrages routiers qui ont été dressés le long de la route de 420 km. Avant le conflit, les frais de route sur cette distance n’étaient que de 20 000 FCFA environ. Des commerçants ont déclaré que la situation actuelle les avait obligés à réduire de 50 pour cent leurs cargaisons d’ignames à destination d’Abidjan. Cette situation trouve son pendant au niveau des exploitations. Ainsi en 2002 au village de Koutouba, les deux-tiers des ignames destinées à la vente ne trouvaient pas preneurs.
À cause des problèmes de transport liés à la guerre ainsi que de l’insécurité, le prix des noix d’anacarde, culture de rente de premier plan dans la zone de Bondoukou, a baissé à 180-250 FCFA/kg contre 400-500 FCFA environ une année auparavant. Une partie de la récolte d’anacarde a été vendue au Ghana voisin où les prix sont plus intéressants (l’équivalent de 35 à 50 FCFA/kg ou plus). L’acheminement y est aussi facile, avec seulement trois barrages routiers entre Bondoukou et la ville ghanéenne la plus proche.
À l’inverse des marchés provinciaux et des zones rurales où les prix des denrées alimentaires sont très bas par rapport à la période avant le conflit, les prix à Abidjan ont connu de fortes hausses, reflétant ainsi la réduction de l’offre de la plupart des produits. Les représentantes de COCOVICO, coopérative de femmes commerçantes basée au marché d’Angre, ont déclaré à la mission qu’avant la crise, elles s’approvisionnaient à partir de toutes les grandes zones de production du pays, ainsi que du Burkina Faso et du Niger pour la tomate fraîche et les ognons. Mais à présent que les routes sont devenues dangereuses et le transport très cher, elles ne reçoivent que des quantités réduites de produits alimentaires qu’elles doivent vendre à des prix élevés pour rentrer dans leurs coûts. Ainsi, le riz usiné de Vavoua se vendait à 300-350 FCF/kg au moment de la mission contre 200 FCFA un an auparavant; les ignames de Bondoukou à 200-250 FCFA/kg contre 100-125 FCFA/kg, et le plantain 1 000 FCFA le régime contre 700-800 FCFA avant la crise.
Les marchants de céréales au marché d’Adjame à Abidjan ont fait état d’expériences semblables. Leurs coûts de transport de Vavoua à Abidjan ont augmenté de 1 000 FCFA à 5 000 FCFA le sac de 100 kg de maïs. Si l’on pouvait alors acheter la même quantité de maïs à Vavoua à 3 500-4 000 FCFA contre 8 000 FCFA avant la crise, on la revendait à 12 000 FCFA contre 9 000 FCFA un an auparavant. Un commerçant a confié à la mission qu’il traitait mensuellement quelque six chargements de maïs de 40 tonnes chacun, contre un chargement seulement au moment de la mission.
Les prix ont aussi augmenté au marché de bétail de Port-Bouët à Abidjan, essentiellement approvisionné à partir du Burkina Faso. Plutôt que de passer par Bouake comme avant la crise, les cargaisons de moutons transitent par le Ghana au coût de 1 500 000 FCFA chacun, contre 800 000 FCFA un an auparavant. En conséquence le prix d’un bélier est passé de 17 000 FCFA à 27 000 FCFA, les nombres vendus chutant à 60 pour cent des niveaux d’avant crise. La réouverture du trafic ferroviaire entre Abidjan et le Burkina Faso en septembre 2003 a quelque peu réduit les coûts de transport, qui s’établissaient à 1 200 000 FCFA par wagon de 200 moutons contre 650 000 FCFA avant la crise. Le prix du bœuf a été, quant à lui ramené de 1 700 FCFA/kg à 1 200 FCFA/kg du fait de la reprise du transport ferroviaire.
Les prévisions de la demande et de l’offre des denrées alimentaires pour 2003/04 résumées au Tableau 3 ci-après sont fondées sur les paramètres et hypothèses suivants:
En 2004, la population atteindrait 17,8 millions d’habitants, si l’on retient les estimations du FNUAP d’une population de 16,69 millions en 2001 et un taux de croissance annuel de 2,14 pour cent. Mais on notera que quelque 500 000 travailleurs itinérants et d’autres étrangers ont quitté la Côte d’Ivoire en 2002 suite à la crise et que la plupart d’entre eux ne sont pas encore revenus. Ainsi la population est estimée à 17,3 millions d’habitants.
Les estimations de la production alimentaire pour 2003, sur la base du riz usiné, sont de 1,11 millions de tonnes pour les céréales et environ 1,5 million de tonnes pour les principales cultures non céréalières (racines et tubercules, plantain) en équivalent céréales (les facteurs de conversion en équivalent céréales sont spécifiés dans la note 1 du tableau 4). Mais comme indiqué dans les sections précédentes, les problèmes liés à la crise ont durement affecté la commercialisation des produits agricoles. Ainsi, le surplus commercialisable de beaucoup de zones de production n’est pas disponible pour les consommateurs dans les zones déficitaires.
En début de saison, les stocks détenus par le secteur privé sont de l’ordre de 335 000 tonnes de céréales. Ces stocks comprennent 300 000 tonnes de riz, 15 000 tonnes de blé et 20 000 tonnes de mil. Il est admis que les agriculteurs et les commerçants avaient des stocks négligeables de maïs ou d’autres denrées en raison de la rébellion et de la crise politique qui s’est ensuivie.
Selon les estimations de la FAO, sur la base d’une consommation apparente, les consommations annuelles par personne de céréales de base sont de 129 kg, dont 18 kg de blé, 75 kg de riz, 30 kg de maïs, 1,9 kg de sorgho et 4,2 kg de mil. Il n’y a cependant pas de données fiables sur la consommation de manioc, ignames et plantain. Se basant sur le Bilan de FAOSTAT des approvisionnements par personne, et tenant compte de possibles substitutions entre les différentes racines, tubercules et plantains, on estime la consommation moyenne au niveau national à 315 kg de matière fraîche (manioc 90 kg, ignames 150 kg et plantains 75 kg)2, soit l’équivalent de 84 kg de céréales. Ce niveau de consommation de manioc, igname et plantain combinés devrait fournir environ 30% des besoins journaliers caloriques (2 595 kcal), en sus des 45% dérivant des céréales principales.
L’utilisation des semences est basée sur la densité de semis recommandée et les superficies cultivées. D’autres usages comprennent l’alimentation du bétail et les pertes.
Depuis la crise, il y a eu des exportations non enregistrées de maïs, de riz, de sorgho et d’autres produits alimentaires vers les pays voisins. Mais les niveaux des exportations sont tout de même beaucoup plus bas qu’avant la crise.
Les stocks à la fin de la campagne de commercialisation 2003/04 sont estimés à 15 000 tonnes de blé et 300 000 tonnes de riz essentiellement importé. Comme expliqué antérieurement, l’absence de récoltes à maints endroits et le fait que les agriculteurs étaient obligés de vendre leurs produits à des prix très bas pour faire face à des urgences implique qu’ils ne conserveraient guère de stocks.
Blé | Riz | Maïs | Sorgho | Mil |
Total Céréa- les |
Total autres cultures en é.c. |
Autres principales cultures en é.c. 1/ |
|||
Manioc | Igname |
Plan- tain |
||||||||
Disponibilités domestiques |
15.0 | 808.5 | 523.0 | 23.6 | 74.7 | 1 444.8 | 1 490.4 | 504.3 | 695.2 | 290.8 |
Prél. sur stocks | 15.0 | 300.0 | 0.0 | 0.0 | 20.0 | 335.0 | ||||
Prod. en 2003 incl. riz usiné |
0.0 | 508.5 | 523.0 | 23.6 | 54.7 | 1 109.8 | 1 490.4 | 504.3 | 695.2 | 290.8 |
Utilisations totales |
331.1 | 1 725.0 | 658.0 | 39.1 | 84.0 | 2 837.2 | 1 500.5 | 512.2 | 694.2 | 293.7 |
Cons. alimentaire | 311.1 | 1 297.5 | 518.5 | 32.9 | 72.7 | 2 232.7 | 1 500.5 | 512.6 | 694.2 | 293.7 |
Semences & autres |
5.0 | 127.5 | 134.5 | 6.2 | 11.3 | 284.5 | ||||
Exportations | 0.0 | 0.0 | 5.0 | 0.0 | 0.0 | 5.0 | ||||
Stocks fin saison | 15.0 | 300.0 | 0.0 | 0.0 | 0.0 | 0.0 | ||||
Besoinsd’impor- tations en 2004 |
316.1 | 916.5 | 135.0 | 15.5 | 9.3 | 1 392.4 | 10.1 | 8.3 | -1.0 | 3.0 |
Estimation des importations commerciales |
300.0 | 900.0 | 2.0 | 5.0 | 0.0 | 1 207.0 | ||||
Déficit à couvrir | 16.1 | 15.4 | 133.0 | 10.1 | 9.9 | 184.4 |
1/ En utilisant le facteur équivalent céréales (é.c.) : 32% pour le manioc, 26% pour l’igname et 22% pour les plantains (sur la base du contenu calorique dans les tables de la FAO).
Les besoins d’importation de céréales sont estimés à environ 1,4 millions de tonnes, comprenant 916 500 tonnes de riz, près de 316 000 tonnes de blé et 160 000 tonnes de céréales secondaires. Les importations de blé et de riz devront se situer parmi les niveaux atteints ces dernières années. Du total des besoins d’importation, l’on s’attend à ce que 1 207 000 tonnes environ soient procurées commercialement, alors que quelque 184 400 tonnes proviendraient de l’assistance extérieure. Les promesses d’aide alimentaire actuellement connues s’élèvent à environ 50 000 tonnes de céréales (26 622 tonnes du PAM pour l’aide alimentaire d’urgence, le reste provenant du Japon et d’autres bailleurs de fonds. Le déficit restant - 134 400 tonnes - devra donc être comblé par le Gouvernement et la communauté internationale sous forme d’importations alimentaires.
De manière générale, la situation alimentaire s’est améliorée ces dernières semaines dans la plupart des zones affectées par la guerre, alors qu’elle est demeurée stable dans le reste du pays.
La situation nutritionnelle dans l’ensemble du pays s’est améliorée. Dans les localités accessibles aux organismes humanitaires et où des programmes d’alimentation supplémentaire et thérapeutique sont en place, la malnutrition est contenue et plus ou moins conforme aux taux de la malnutrition structurelle qui existaient avant la crise. Plus récemment, une enquête UNICEF/OMS a révélé que la malnutrition aiguë avait fortement diminué 3 dans l’Ouest (régions de Man, Danane et Toulepleu), bien que la situation dans cette zone ait été jugée particulièrement inquiétante voilà seulement quelques mois.
L’arrivée des récoltes et la stabilité relative ont quelque peu adouci la situation. De plus, nombre de personnes déplacées intérieurement (PDI) rentrent graduellement à leur place d’origine alors que d’autres, qui ont été hébergées pendant plusieurs mois dans les zones d’accueil, ont pu développer des stratégies de survie. Cependant, malgré ces faits encourageants, la situation alimentaire de beaucoup de ménages continue à être fragilisée par l’anéantissement des moyens d’existence. Les petits producteurs des cultures de rente en particulier sont en train de subir des pertes de revenus considérables.
Les populations partout où la mission est passée se sont plaintes du manque d’accès au marché pour les cultures de rente. Le manque de mobilité à l’intérieur et entre les zones contrôlées par le gouvernement constitue un handicap pour les agriculteurs. Des gens d’affaires peu scrupuleux qui peuvent se permettre de payer les deux côtés exploitent les agriculteurs qui ne peuvent guère voyager facilement. Les prix du café et du cacao ont chuté à tel point que certains agriculteurs menacent d’en cesser la production tout simplement si les autorités gouvernementales n’interviennent pas rapidement en leur faveur. Et les tensions entre les autochtones et les travailleurs itinérants (allochtones, allogènes, étrangers) sont encore vives à certains endroits, ce qui entrave l’accès aux exploitations et empêche la reprise des travaux agricoles.
En conséquence, des groupes spécifiques sont confrontés à un risque élevé d’insécurité alimentaire. Ce sont en particulier des personnes revenant à leur lieu d’origine le long de la frontière libérienne où de violents combats ont eu lieu au début de 2003, et qui font face à des sérieuses difficultés en essayant de rétablir une existence basée sur des activités agricoles. Ceux qui ont perdu leurs récoltes de 2002 pendant les affrontements signalent que les récoltes de la campagne 2003 ne sont pas prometteuses puisque les semis ont eu lieu trop tard à maints endroits. De fait, beaucoup de ceux qui sont revenus à Bin-Houe, Zouan-Hounien et Toulepleu sont arrivés trop tard pour planter leur culture de base, le riz pluvial, et n’ont rien récolté en octobre. Bien que certains d’entre eux aient bénéficié de la distribution des semences de riz irrigué (Programme agricole d’urgence FAO/PAM) et aient probablement récolté en décembre-janvier, la situation de la sécurité alimentaire pourra être critique au début de la prochaine campagne agricole (à partir de mai/juin). L’effondrement de l’économie des cultures de rente affecte aussi durement ces agriculteurs qui les produisent essentiellement. Les prix de cacao étaient extrêmement bas à Bin-Houye (aussi bas que 125 FCFA/kg, c’est-à-dire le troisième des prix recommandés) comparé à la période avant la crise et aussi par rapport aux prix enregistrés dans d’autres localités. Ceci est dû aux problèmes d’accès tels que l’insécurité et le harcèlement aux barrages routiers de même qu’au nombre restreint de négociants qui opèrent dans la zone.
Les prix du café se sont effondrés pendant plus de deux années consécutives. Les revenus provenant de cultures de rentes servent généralement à faire face à la période de soudure, étant utilisés pour l’achat de nourriture quand les stocks propres des ménages sont épuisés.
Dans les zones de clivage ethnique Yacouba/Guéré, l’on enregistre encore des disputes sporadiques et l’insécurité demeure une préoccupation qui empêche les agriculteurs de se rendre à leurs champs.
Par conséquent, des poches de vulnérabilité subsistent (à Bangolo et Zou, dans la préfecture de Guiglo et Bin Houyé et Zouan Hounien dans la préfecture de Danané). L’effondrement de l’économie des cultures de rentes affecte aussi durement ces agriculteurs.
De même, la situation reste précaire dans la région orientale de Bouna. Cette préfecture située dans l'une des régions les plus pauvres du pays a été durement touchée par la crise, car les agriculteurs n’ont pas été en mesure de faire face à la baisse de la production et des ventes d’ignames. Ils sont en effet en train de perdre leur principale source de revenu.
Les habitudes de consommation ont changé suite à la crise. Tant les quantités que la qualité de la nourriture ont baissé. Dans certaines familles, on ne prend plus qu’un ou deux repas par jour. La nourriture ne comprend plus la viande ou le poisson (source habituelle de protéines) dans la plupart des cas, et les repas sont composés d’aliments de basse qualité ou les moins préférés.
Au Nord dans la zone de Korhogo, les marchés sont encore bien approvisionnés suite à de bonnes récoltes en 2002/03. Mais en dépit de cette abondance relative, l’on est fondé d’être préoccupé par la prochaine période de soudure puisque les stocks semblent disparaître rapidement. En effet, le manque de liquidités dans le Nord oblige les agriculteurs à brader leurs récoltes. Ainsi, 5 kg de maïs sont vendus à 150 FCFA, contre 500 FCFA, et 5 kg de riz à 250 FCFA contre 600 FCFA avant la crise. Le manque de liquidité est essentiellement dû au non-paiement de la récolte du coton pendant deux années consécutives. Le conflit et les fermetures de frontières qui ont suivi ont davantage paralysé le secteur. Les producteurs de coton n’ont pas encore été payés pour la campagne 2001/02 et beaucoup sont en train d’augmenter leur production vivrière au détriment de la culture de coton.
Il a été signalé par endroits que les zones rurales se dépeuplaient: les jeunes quittent leur village et vont chercher du travail comme stratégie de survie.
Le PAM a approuvé trois opérations d’urgence en Côte d’Ivoire depuis le début de la crise. EMOP 10243, qui a couvert les premiers mois de la crise, a fourni une aide alimentaire de secours aux personnes déplacées qui fuyaient la les zones de combat. EMOP 10244 a couvert la période de novembre 2002 à avril 2003. L’opération actuelle, EMOP 102444.1 qui couvrait initialement huit mois (mai–décembre 2003), a été prolongée jusqu’en décembre 2004.
Dans le cadre de EMOP 10244.1, le PAM cible des personnes touchées par les déplacements de même que d’autres populations vulnérables dans le Nord et l’Ouest. Les personnes déplacées à l’intérieur (PDI) et les réfugiés dans les camps recevront des rations entières. D’autres PDI, des personnes récemment rentrées à leur place d’origine et d’autres populations touchées par la crise (par exemple les producteurs de cultures de rente) reçoivent des rations générales ou, de plus en plus, des rations de vivres contre travail (VCT) qui viennent en appui à la production agricole et la protection des semences (en collaboration avec les programmes de distribution des semences appuyés par la FAO). Les groupes vulnérables tels que les enfants gravement amaigris et des malades hospitalisés reçoivent de l’assistance du PAM par le biais des ONG à vocation médicale. Le PAM fournit aussi de l’assistance de type VCT à des travailleurs qui dispensent des services sociaux essentiels dans le Nord et l’Ouest. Enfin, l’un des volets majeurs du EMOP actuel est l’expansion des cantines scolaires, particulièrement dans le Nord.
L’assistance du PAM en 2004 s’orientera davantage vers un appui destiné à reconstituer les moyens d’existence (dans l’Ouest), par opposition à la fourniture de l’aide humanitaire par la distribution des rations générales. Les PDI et les réfugiés dans les camps où les abris temporaires continueront à être assistés avec des rations générales. De concert avec le HCR - au total 16 000 réfugiés ont été identifiés comme pouvant bénéficier des rations générales - une augmentation par rapport aux prévisions de 13 000 du EMOP en cours (augmentation due essentiellement au nombre accru des libériens au centre de transit de Tabou et ses environs).
Une présentation détaillée des bénéficiaires ciblés et des besoins alimentaires par type d’intervention figure au tableau 5.
Type d’intervention |
Nombre de bénéficiaires |
Besoins alimentaires (en tonnes) |
Total (céréales et non-céréales) Besoins alimentaires en tonnes |
Distribution générale | 94 000 | 7 177 | 9 429 |
Réfugiés | 16 000 | 2 423 | 3 146 |
Personnes déplacées | 8 000 | 1 226 | 1 621 |
Personnes qui retournent à leur place d’origine |
70 000 | 3 528 | 4 662 |
Filets de sauvetage | 580 000 | 19 244 | 24 407 |
Cantines scolaires d’urgence | 345 000 | 6 728 | 8 746 |
Vivre-contre-travail1 | 225 000 | 10 800 | 13 635 |
Alimentation institutionnelle | 10 000 | 1 533 | 2 026 |
Ration complémentaire (transit) | |||
Alimentation ciblée | 14 000 | 383 | 1 117 |
Thérapeutique | 500 | 0 | 27 |
Supplémentaire | 11 000 | 0 | 584 |
Ration à emporter après l’alimentation thérapeutique1 |
2 500 | 383 | 506 |
Total | 688 000 | 26 622 | 34 953 |
1 Ration familiale pour des familles de cinq personnes. Normalement, les enfants déchargés d’un centre d'alimentation thérapeutique devraient être transférés à des programmes d’alimentation supplémentaire (PAS); Comme ces programmes n’existent pas à certains endroits de Côte d’Ivoire, les enfants sont déchargés par MSF avec une ration familiale.
5.4.1 Intervention d’urgence par le biais d’une ration générale entière ou réduite
Les réfugiés et les PDI dans les camps et ceux qui retournent à leur place d’origine. Ceux qui ont été déplacés suite aux affrontements armés ou par intimidation, la majorité desquels sont des femmes et des enfants, recevront une ration complète de 2 100 kcal/jour. Ceux qui disposent d’autres moyens recevront une ration réduite de 1 830 kcal/jour. Les personnes déplacées revenant à leur place d’origine bénéficieront généralement d’une assistance pendant quatre mois. À des fins de planification, et d’accord parties avec le HCR, le PAM a gardé au total 26 000 réfugiés dans des camps qui devraient recevoir une aide alimentaire en 2004. Mais au début de l’année 2004, les deux agences of dû faire face à un influx de réfugiés libériens à Bin Houyé et Danané. Cette zone a connu des combats intenses et des pillages pendant la crise, et des familles sont restées cachées dans la forêt pendant plusieurs mois. L’assistance alimentaire vise quelque 7 000 réfugiés accueillis dans les villages, et les premières distributions vont couvrir leurs besoins jusqu’à la fin de février 2004. Bien que le HCR n’envisage pas de rapatriement assisté en 2004, il pourrait y avoir des retours spontanés importants comme les conditions de stabilité reviennent au Libéria. Si ces conditions s’avèrent favorables à leur retour, le PAM et le HCR l’encourageront. D’autres réfugiés libériens ont été installés pendant plusieurs années en dehors du Libéria (notamment en Côte d’Ivoire et au Ghana), et on s’attend à ce qu’ils ne reviennent pas peu importe le niveau de sécurité. Les plans pour une élimination graduelle de l’assistance alimentaire à cette catégorie de réfugiés - dont beaucoup ont été intégrés aux communautés locales et ne recevaient pas d’aide alimentaire avant la crise ivoirienne - seront développés en 2004.
5.4.2 Intervention d’urgence par le biais d’alimentation sélective: alimentation thérapeutique, et santé de la mère et de l’enfant
Enfants gravement ou légèrement mal nourris. Quand les cas de malnutrition seront diagnostiqués par les partenaires d’exécution du domaine médical ou de la nutrition, le PAM fournira des rations thérapeutiques et supplémentaires aux enfants et à leur famille (ou à l’adulte accompagnateur dans le cas de l’alimentation thérapeutique). Le PAM appuiera les programmes MCH du gouvernement et ceux gérés par les ONG dans les localités vulnérables dès que de tels programmes seront mis en place.
5.4.3 Interventions de rétablissement d’urgence par le biais de programmes de filet de sauvetage tels que VCN, alimentation institutionnelle pour les groupes vulnérables, et cantines scolaires d’urgence
Petits exploitants de cultures de rente, personnes qui retournent à leur place d’origine, personnes déplacées installées dans des communautés d’accueil par le biais du programme VCT/Agriculture. Les petits producteurs de coton dans le Nord dépendent énormément des liquidités pour la sécurité alimentaire de leurs ménages. Ceux qui opèrent à travers des coopératives cotonnières sont particulièrement vulnérables et très endettés. Comme stratégie de survie, ils privilégient les cultures vivrières (maïs et riz). Le manque de semences, d’outils et d’engrais constitue une contrainte à la réalisation de récoltes qui, à terme, pourraient atténuer les pénuries alimentaires. En collaboration avec la FAO et les ONG locales - et à travers les comités villageois - le PAM ciblera les communautés sur le critère de vulnérabilité (dépendance des cultures de rentes, sécheresse, accueil d’un grand nombre de personnes déplacées, etc.). Les bénéficiaires seront sélectionnés sur la base de la superficie de leur parcelle de coton et de la taille et composition de leur famille (la priorité étant accordée aux femmes chefs de famille). Le rôle de l’aide alimentaire est de maintenir l’état nutritionnel pendant les mois de soudure et d’effectuer un transfert de revenus – protéger les réserves de semences et libérer les revenus agricoles pour l’investissement - dans le but d’aider les ménages à réaliser une production alimentaire durable. Le PAM ciblera aussi les communautés où ceux qui reviennent reconstituent leurs sources de revenus agricoles (dans l’Ouest) et dans les communautés rurales où des personnes déplacées vulnérables commencent à s’installer de façon plus permanente (dans les villages aux alentours des villes du Nord, et le long de la zone démilitarisée Nord/Sud.) Si nécessaire, les familles d’accueil pourront aussi bénéficier d’une assistance. Dans l’Ouest, le PAM lancera le programme VCT pour la réhabilitation des infrastructures communautaires (écoles, points d’eau, installations sanitaires, services de santé). Les femmes des comités villageois ont le rôle crucial d’identifier les besoins d’infrastructures de leur communauté.
Des travailleurs qui offrent des services sociaux essentiels. Dans le Nord et dans l’Ouest, des écoles et des institutions sociales antérieurement assistées par le gouvernement tels que les centres de santé, les hôpitaux, les services d’hygiène, etc. ne sont plus financées et/ou n’ont plus de personnel. Par le biais des VCT fournis au personnel et aux volontaires, le PAM intéressera ces travailleurs à maintenir les services sociaux essentiels à la population. En 2004, si possible, le PAM mettra graduellement fin à cette assistance à mesure que les structures gouvernementales seront rétablies sur l’ensemble du territoire national.
Élèves du primaire. Dans le Nord et l’Ouest, les cantines scolaires d’urgence encourageront la réouverture des écoles, rétablissant par là une certaine normalité et fournissant un minimum d’activités structurées pour le développement psychologique des enfants. Dans le Centre et le Sud, ESF assistera les systèmes scolaires dans les localités à forte concentration des populations déplacées. Au plan national, l’intervention d’ESF bénéficiera des structures de gestion déjà en place du programme de cantines scolaires de Côte d’Ivoire présentement interrompu. ESF oeuvrera aussi à maintenir les cantines scolaires jusqu’à ce que rétablissement du projet devienne possible. Au Mali et au Burkina Faso, le programme du PAM des cantines scolaires pour le développement sera élargi, en ajoutant un plan d’émergence qui devra couvrir certaines zones (le sud dans les deux pays) et donc bénéficiant le grand nombre de personnes qui retournent à leur place d’origine et qui ne sont pas bénéficiaires au moment actuel.
Groupes vulnérables dans les institutions sociales. Les personnes hospitalisées de façon permanente, les handicapés et les orphelins dans les institutions du Nord sont devenus presque complètement dépendants de l’assistance extérieure pour leurs besoins alimentaires. En outre, le PAM appuiera l’alimentation dans les institutions sociales qui dispensent une aide psychopédagogique et de la formation professionnelle aux ex-enfants soldats et aux femmes et filles maltraitées ou exploitées pendant le conflit. Le PAM apportera aussi son appui aux institutions dispensant une formation de sensibilisation au VIH/SIDA.
5.5.1 Programmation de l’assistance
Pour maximiser son impact, l’assistance alimentaire du PAM doit arriver à point nommé. Les semences doivent arriver avant la fin du mois de mars pour commencer la campagne agricole à temps, et les produits alimentaires doivent être reçus avant le mois de mai pour la période de soudure (juin–septembre dépendant de l’endroit), quand les prix du marché sont élevés et les personnes vulnérables affamées.
Le PAM continuera à prévoir dans son budget des produits essentiels non alimentaires pour compléter son apport alimentaire. Les instruments agricoles et les semences viendront compléter les intrants fournis par la FAO dans le cadre du programme VCT/Agriculture.
Le présent rapport a été préparé par MM B. Badjeck, M. Abdalla et Mlle N. Labidi sous la responsabilité des secrétariats de la FAO et du PAM à partir d'informations provenant de sources officielles et officieuses. La situation pouvant évoluer rapidement, prière de s'adresser aux soussignés pour un complément d'information le cas échéant. |
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Henri Josserand Chef, SMIAR, FAO, Rome Télécopie: 0039-06-5705-4495 Mél:[email protected] |
Gemmo Lodesani Coordinateur régional Bureau régional humanitaire de coordination et d’appui PAM, Abidjan Fax: 225-20226349 Mél: [email protected] |
Veuillez noter que le présent Rapport spécial peut être obtenu sur l’Internet dans le site Web de la FAO à l’adresse URL ci-après: http://www.fao.org/giews Les Alertes spéciales et les Rapports spéciaux peuvent aussi être reçus automatiquement par courrier électronique dès leur publication, en souscrivant à la liste de distribution du SMIAR. A cette fin, veuillez envoyer un courrier électronique à la liste électronique de la FAO à l’adresse suivante: [email protected] sans remplir la rubrique sujet, avec le message ci-après: subscribe SMIARAlertes-L Pour être rayé de la liste, envoyer le message: unsubscribe SMIARAlertes-L Veuillez aussi noter qu’il est possible de s’inscrire à des listes régionales pour recevoir des rapports spéciaux par région : Afrique, Asie, Europe, Amérique latine (GIEWSAlertsAfrica-L, GIEWSAlertsAsia-L, GIEWSAlertsEurope-L et GIEWSAlertsLA-L). Vous pouvez vous inscrire à ces listes de la même façon que pour la liste mondiale. |