FO:AFWC/2004/5

COMMISSION DES FORÊTS ET DE LA FAUNE SAUVAGE
POUR L’AFRIQUE

QUATORZIÈME SESSION

Accra (Ghana), 18 - 21 février 2004

LES FORÊTS ET L’EAU EN AFRIQUE: LEURS LIENS AVEC LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE ET LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ

Note du Secrétariat

INTRODUCTION

1. La dégradation des ressources naturelles compromet gravement le développement agricole durable dans de nombreux pays pauvres. Le manque d’eau, en particulier, entrave considérablement la réalisation de la sécurité alimentaire et la réduction de la pauvreté. Une meilleure gestion de l’eau est donc essentielle pour atteindre les objectifs internationaux visant à réduire de moitié, d’ici 2015, le nombre de personnes qui n’ont pas accès à l’eau potable.

2. Dans plus de 40 pays, 1,1 milliard de personnes n’ont pas suffisamment d’eau potable et 2,4 milliards ne bénéficient pas d’installations sanitaires adéquates. Si les prévisions actuelles se concrétisent, d’ici 2050, une personne sur quatre au moins vivra dans un pays souffrant de pénuries d’eau douce, chroniques ou répétées. En Afrique, où la disponibilité d’eau douce est un facteur essentiel du développement, on prévoit que 25 pays connaîtront des pénuries d’eau plus ou moins graves dans les 20 ou 30 années à venir.

3. La gestion et l’utilisation durables des ressources naturelles, y compris la gestion des bassins versants, dans le cadre d’une approche intégrée, d’un système juridique favorable et d’un processus participatif, sont considérées comme des composantes essentielles des programmes ruraux visant à lutter contre la pauvreté. En fait, comme l’aménagement des bassins versants intègre divers aspects de la foresterie, de l’agriculture, de l’hydrologie, de l’écologie, des sols, de la climatologie physique et d’autres sciences, il permet d’indiquer d’autres méthodes de gestion acceptables.

4. Le lien entre les forêts et l’eau est complexe et varie considérablement en fonction de facteurs tels que les précipitations, la déclivité, les conditions du sol, la végétation et l’ampleur et l’intensité de l’utilisation des terres. Une forêt bien exploitée permet d’améliorer la qualité de l’eau et de réguler les flux saisonniers. Toutefois, les forêts consomment aussi de l’eau et influent par conséquent sur sa disponibilité pour d’autres usages. Il faut parvenir à un équilibre entre régulation de l’eau et utilisation de l’eau par les forêts, pour pouvoir faire des choix économiques acceptables.

LE CONTEXTE AFRICAIN

5. L’eau douce est un des facteurs les plus importants dans le développement économique, pourtant la quantité d’eau douce disponible par habitant en Afrique ne représente guère que 75 pour cent de la moyenne mondiale. Bien que ce continent recèle 23 pour cent des terres émergées, il ne possède que 9 pour cent des ressources en eau douce et celles-ci varient considérablement en raison des conditions climatiques et pluviométriques extrêmes. Par exemple, l’Afrique du Nord et l’Afrique australe ne reçoivent que 9 pour cent et 12 pour cent des précipitations, respectivement. En revanche, le bassin versant du fleuve Congo, avec 10 pour cent de la population africaine, rassemble 30 pour cent des eaux de ruissellement. Un tiers des habitants vivent dans des zones inondables et, compte tenu de la croissance démographique prévue – de 794 millions d’habitants en 2000 à 1 milliard 231 millions en 2020 – la demande d’eau devrait augmenter considérablement.

6. Dans beaucoup de pays d’Afrique, la population se concentre sur les hautes terres productives qui sont aussi d’importantes sources d’eau. Par exemple, 80 pour cent de la population éthiopienne vit sur les hautes terres où la pression démographique intense entraîne une utilisation inappropriée des ressources qui s’accompagne d’une grave érosion des sols. La situation est similaire au Kenya, en Érythrée et ailleurs. Des études reposant sur une succession d’images prises par satellite indiquent un fort recul du niveau des eaux dans le lac Turkana et un élargissement du delta du fleuve Omo qui se jette dans le lac. Le débit réduit et le fort taux d’évaporation ont augmenté considérablement la salinité de l’eau du lac, ce qui a eu des conséquences négatives pour les communautés locales. Le périmètre de Gezira, qui est le plus grand réseau d’irrigation en Afrique, connaît de graves difficultés en raison de l’envasement important du Nil. Les canaux d’irrigation qui étaient désenvasés tous les quatre ans le sont à présent tous les deux ans, ce qui a une forte incidence sur le revenu des communautés d’agriculteurs. Dans certains cas les réseaux d’irrigation n’ont duré que la moitié de la période qui était prévue au moment de leur construction, compromettant ainsi la production vivrière.

7. Étant donné l’augmentation du nombre de pays qui connaîtront des pénuries d’eau dans les vingt prochaines années, les conflits s’aggraveront si la gestion de l’eau ne s’améliore pas sensiblement. Vu les nombreux bassins versants internationaux qui existent en Afrique, si l’on ne parvient pas à élaborer des mécanismes efficaces de partage des eaux entre les pays riverains, les conflits pourraient s’aggraver. On s’efforce donc de mettre en place des politiques et des mesures cohérentes pour gérer les ressources hydriques, par exemple, l’Initiative du bassin du Nil, le programme de gestion du bassin du fleuve Niger, le programme de mise en valeur du lac Victoria, le programme de gestion des hautes terres de Fouta Djallon et le Protocole relatif aux cours d’eau transfrontières de la Communauté du développement de l’Afrique australe (SADC). Le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) peut également constituer un cadre important de coopération régionale pour améliorer la gestion des ressources hydriques, à des fins de sécurité environnementale, économique et sociale.

POURQUOI LES FORÊTS ET L’EAU?

8. La survie de millions de personnes est menacée par le manque d’accès à l’eau et aux services d’assainissement. Quatre aspects sont particulièrement importants: l’eau à des fins de production et d’activités rémunératrices; l’eau, l’assainissement et l’hygiène pour la santé; la gestion durable de l’environnement et la vulnérabilité aux catastrophes dues à l’eau.

9. Lorsque l’accès à l’eau est garanti, permettant le développement socio-économique, par exemple en Inde, l’incidence de la pauvreté dans les districts bénéficiant de l’irrigation est de 60 pour cent inférieure à celle des districts dépourvus de systèmes d’irrigation (Banque mondiale). De même, l’amélioration de la gestion des ressources hydriques dans le bassin du Nil a un effet bénéfique sur la réduction de la pauvreté. En Afrique où les niveaux de pauvreté sont généralement beaucoup plus élevés que dans les autres régions du monde, les inondations et les sécheresses récentes ont des répercussions absolument catastrophiques. De plus, les utilisateurs et les gouvernements agissent souvent dans l’urgence ce qui encourage les pratiques non durables et amplifie les effets négatifs sur la gestion des bassins versants.

10. L’expérience tirée des programmes d’aménagement des bassins versants qui ont donné de bons résultats montre que la population et les collectivités sont les mieux placées pour juger de ce qui est nécessaire et acceptable à long terme financièrement. Par exemple, les pratiques durables adoptées par les agriculteurs situés en amont permettent d’effectuer des économies d’eau en aval. De même, les projets de conservation en amont donnent de bons résultats lorsque les agriculteurs locaux bénéficient de mesures d’incitation pour les poursuivre. L’argent nécessaire peut être fourni par les utilisateurs en aval qui investissent dans ces projets. En d’autres termes, les interventions de conservation des ressources en eau douce doivent tenir compte des utilisateurs à la fois en amont et en aval.

RÔLE DES FORÊTS ET DES BASSINS VERSANTS BOISÉS

11. La perte du couvert forestier et la conversion des terres à d’autres usages peuvent compromettre les ressources en eau douce et aggraver les catastrophes résultant des conditions hydrométéorologiques extrêmes.

12. Il est donc important de comprendre le rôle des arbres dans le débit de l’eau; dans l’économie locale de l’eau; dans les brise vents et rideaux d’arbres, notamment en ce qui concerne la teneur en humidité et la protection contre le vent et dans la régulation des rivières et des fleuves.

13. L’amélioration de la gestion des forêts et des eaux a un rôle essentiel dans la sécurité alimentaire car elle permet de produire davantage de cultures vivrières grâce à l’irrigation et de fournir d’autres aliments comme du poisson, du gibier, du fourrage, des champignons, du miel, des feuilles et des racines comestibles et des fruits. Elle permet aussi d’atténuer la pauvreté en offrant un environnement sain à la population urbaine et rurale, ainsi que des sources de revenus, des débouchés commerciaux et des emplois. Étant donné que les bassins versants fournissent environ les deux tiers de l’eau douce dans le monde, l’application de bonnes pratiques d’aménagement des forêts et des eaux contribuera sensiblement à améliorer la sécurité alimentaire et à atténuer la pauvreté.

ATOUTS ET LACUNES DE L’AMÉNAGEMNT DES FORÊTS ET DES BASSINS VERSANTS

14. De nombreux programmes d’aménagement des forêts et des bassins versants ont échoué en raison de la portée limitée des projets; du manque d’attention accordée aux activités humaines et aux besoins des populations; des cadres institutionnels inadaptés et de l’absence de droits d’accès et de propriété sur les ressources naturelles. De nouveaux concepts et approches accordant une attention particulière aux aspects sociaux et économiques ont donc été mis en place pour enrayer la dégradation et améliorer le développement agricole et rural.

15. Beaucoup de pays d’Afrique ont adopté récemment de nouvelles politiques de gestion de l’eau et de l’environnement mais ces initiatives doivent être harmonisées au niveau des pays et avec les autres secteurs. Par ailleurs, l’aménagement des bassins versants doit bénéficier d’une priorité accrue dans les programmes d’action nationaux et être lié plus étroitement à la mise en valeur de l’eau et des zones rurales ainsi qu’aux stratégies de réduction de la pauvreté. La mise en œuvre de ces politiques nécessite également un renforcement des capacités institutionnelles et des mécanismes de financement et d’application.

16. Il est possible d’instaurer un partage des concepts et des enseignements entre les pays, les scientifiques de disciplines différentes, les responsables politiques et les utilisateurs des ressources. Le Maroc et la Tunisie, par exemple, fournissent des exemples intéressants d’aménagement des bassins versants au niveau local et les pratiques agroforestières appliquées au Kenya améliorent les caractéristiques des bassins versants. Toutefois, peu de pays d’Afrique ont adopté de bonnes pratiques d’aménagement des bassins versants au niveau local.

QUESTIONS D’ACTUALITÉ

17. La Commission est invitée à prendre note des aspects suivants concernant les liens entre les forêts, l’eau et la réduction de la pauvreté en Afrique:

QUESTIONS SOUMISES À L’ATTENTION DE LA COMMISSION

18. Les questions ci-après sont soumises à la Commission, pour examen:

MESURES DE SUIVI POTENTIELLES

19. Les mesures de suivi ci-après sont soumises à la Commission pour examen: