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La conservation forestière et l'affranchissement du besoin

DEPUIS deux ou trois ans, le problème économique le plus grave qui se pose pour le monde est celui des pénuries alimentaires. En conséquence, de concert avec les Etats Membres et les autres organisations internationales, la FAO s'est tout spécialement préoccupée de lui trouver une solution. On pourrait croire, à en juger par l'attention qu'elle lui accorde, que le domaine de la production et de la répartition des vivres est le seul dans lequel s'exercent les activités de la FAO. Il n'en est pas ainsi. L'Acte constitutif de la EAO est très explicite à ce sujet. La tâche de la FAO est de relever les niveaux de vie des populations du globe - c'est-à-dire de les «affranchir du besoin». Or, on n'affranchira pas l'homme du besoin en mettant à sa disposition des vivres en quantité suffisante; il faut aussi le vêtir et le loger pour qu'il puisse vivre heureux, bien portant et prospère. Voilà pourquoi les pays du monde, en constituant la EAO, ont compris parmi ses activités les questions relatives aux forêts et produits forestiers. En appliquant avec succès les méthodes de la sylviculture, en utilisant judicieusement les produits forestiers, on contribuera non seulement de façon très importante à la production des logements et des vêtements dont le monde a besoin, on conditionnera aussi à longue échéance la production alimentaire du monde.

Directeur général Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'Agriculture

LA part que la FAO doit prendre dans le développement de l'économie mondiale est définie par sa Constitution. Les Etats Membres ont entendu en faire l'instrument qui libérera l'homme des pénuries matérielles qui pèsent sur lui et qui, depuis les temps les plus reculés, le livrent en proie aux quatre cavaliers de l'Apocalypse: la Guerre, la Famine, la Maladie et la Mort.

L'homme, dès qu'il accède à un degré de civilisation, si faible soit-il, a certes d'autres besoins que des besoins purement matériels. Mais il lui faut d'abord la nourriture, le vêtement et l'abri, et ces besoins élémentaires sont encore très loin d'être satisfaits pour tous les êtres humains.

La Constitution de la FAO reconnaît que son but ne peut être atteint que par l'utilisation rationnelle des terres et des eaux du globe. Elle considère aussi que l'une des fonctions essentielles de l'Organisation est de promouvoir

la protection des ressources naturelles et l'adoption des techniques nouvelles de production agricole.

Elle met ainsi l'accent sur l'étroite solidarité qui lie tous les sols et sur la nécessité, pour atteindre son objectif, de tirer de tous un rendement soutenu et maximum en produits indispensables à l'homme: aliments pour le nourrir, fibres pour le vêtir, bois pour l'abriter.

Cet objectif est encore bien loin d'être réalise. Partout des méthodes abusives d'exploitation détruisent, sans souci du lendemain et pour des rendements infimes, les sols forestiers, pastoraux et agricoles desquels l'application de techniques cependant dès maintenant connues permettrait de tirer indéfiniment d'abondantes ressources.

Le groupement dans un seul corps, à l'intérieur de la FAO de toutes les activités qui visent à la satisfaction des besoins élémentaires de l'humanité marque bien l'étroite relation qui unit toutes les terres dont la conservation et le traitement rationnels sont indispensables pour assurer cette satisfaction. La pleine utilisation et la conservation de sols agricoles qui fournissent le pain quotidien de millions d'êtres humains dépend, en effet, de la protection et de la sage exploitation, peut-être à cent lieux de là, de massifs boises.

Ainsi le rôle de la FAO n'est pas seulement d'aider les gouvernements à améliorer leur production agricole - ou le rendement de leur élevage - ou le volume de bois qu'ils tirent de leur forêt. Il est essentiellement de les aider à faire de toutes les parcelles de leur sol l'usage le plus utile, à en tirer par l'application des techniques modernes le rendement le plus élevé, tout en assurant également leur maintien en parfait état de productivité. Aux résultats obtenus, comparés aux buts que chaque Nation doit se fixer, on connaîtra les fruits du travail effectué et on mesurera les progrès qui restent à réaliser.

Le premier objectif que se sont assignés au sein de l'Organisation les forestiers habitués à de semblables méthodes de travail, a été la détermination approximative des potentialités de production de ce vaste secteur du globe qu'occupent les forêts, si toutes étaient soumises à des méthodes d'exploitation rationnelle. Cette estimation a permis de montrer que les forêts existantes pourraient, dans ces conditions (malheureusement fort loin d'être réalisées). subvenir pour leur part aux besoins de l'humanité. De semblables déterminations pour les produits de la mer, des terres agricoles et des terres pastorales, estimations qui n'ont jamais été tentées. fixeront à la FAO ses possibilités et par suite ses buts.

Ce sont ces possibilités, définies nation par nation, qui permettront à l'humanité de dire si, comme l'affirme le néo-malthusianisme, son sort est sans recours ou si, comme le suggère le résultant obtenu par les forestiers, elle peut, à force d'intelligence et de travail, surmonter son destin et jouir enfin de l'abondance. Si la chose est possible, elle ne sera sans doute ni simple, ni facile, mais en démontrant ces possibilités, ou aura déjà fait beaucoup pour rallier les volontés, ébranlées par l'accoutumance à un perpétuel régime de privations.

A la lumière des considérations qui précèdent, il semble qu'on puisse, comme il suit, mettre de nouveau en relief les grands principes directeurs de la FAO:

a) L'application de techniques dès maintenant connues permet probablement de satisfaire les besoins élémentaires de l'homme en produits de toute nature tirés du sol et des eaux.

b ) Mais ce résultat ne peut être atteint qu'en exploitant la terre et les eaux non comme une mine qu'on épuise, mais en en tirant le revenu maximum compatible avec la conservation de leur capacité de production.

c) La politique rationnelle à suivre pour atteindre ce résultat est la suivante:

obtenir une connaissance précise des ressources dont dispose le monde, connaissance globale aussi bien que par catégories de produits;

fixer sur la base de cette connaissance, les objectifs de production à atteindre;

aider les gouvernements à réaliser leurs programmes de développement;

favoriser l'investissement de vastes capitaux dans ces entreprises;

enfin dispenser aux producteurs les leçons et les conseils qui leur permettront d'appliquer les techniques modernes de l'utilisation du sol et de la culture de ses produits.

d) Tant que l'économie du monde reste une économie de disette bien plutôt que d'abondance, la plus grande attention doit être naturellement accordée aux questions relatives a la répartition, aux prix et aux facteurs économiques.

e) Mais bien plus importante est la tâche de construire un monde où les besoins essentiels de l'homme seront largement satisfaits de façon permanente' Les obstacles qui s'y opposent ne sont ni si grands ni si complexes qu'il ne puissent être surmontés.

Cet objectif est d'une réalisation malaisée. La où déjà un déséquilibre profond s'est établi entre les terres productives et les hommes qu'elles nourrissent, seules de strictes et sévères mesures de conservation peuvent restaurer la balance nécessaire. Ailleurs, seul le développement des ressources inutilisées, telles que les forêts inexploitées, peut assurer le relèvement des niveaux de vie.

Les forêts et les produits forestiers jouent d'ailleurs dans un tel plan un rôle essentiel. Non seulement elles doivent fournir leur part des matières premières indispensables à la satisfaction des besoins de l'humanité, mais encore doivent elles assurer la protection des sols, l'écoulement correct des eaux et l'équilibre des climats locaux, tous éléments essentiels à la productivité continue des terrains agricoles. Elles sont la clef de voute de l'œuvre la FAO.

Une équipe de l'inventaire des forêts nationales au travail. le terrain et le matériel qu'il renferme sont relevés dans une zone de 20 métres de large perpendiculairement à la corde tendue par le géomètre.


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