* Chapitre 8 de l'application de l'analyse des risques dans le domaine des normes alimentaires, Rapport de la Consultation mixte d'experts FAO/OMS, Genève, Suisse, 13-17 mars 1995 (WHO/FNU/FOS/95.3).
8.1 Généralités
La Consultation a reconnu que les normes, lignes directrices et autres recommandations élaborées par le Codex devaient répondre à des exigences de plus en plus strictes des points de vue scientifique, juridique et politique. Cela résulte en partie des facteurs suivants:
· intérêt accru des consommateurs pour la salubrité des aliments
· accords SPS et OTC de l'OMC
· initiatives en vue d'une meilleure harmonisation
· recherche d'une plus grande rigueur scientifique
· nécessité d'une plus grande transparence
· réduction des moyens dont disposent les organismes nationaux de réglementation.
Pour répondre à ces nouvelles exigences, il est essentiel que le processus de prise de décision du Codex fasse une plus large place à l'évaluation des risques. Toutefois, le cadre général d'évaluation des risques décrit ici représente un objectif structurel qu'il n'est pas toujours possible d'exploiter de façon optimale pour certaines classes de dangers alimentaires, par exemple les dangers d'origine biologique. A cet égard, la Consultation a reconnu que le Codex ne doit pas se contenter de suivre la technologie, mais s'efforcer de la faire évoluer pour obtenir les données nécessaires.
Un principe important est la séparation fonctionnelle entre l'évaluation et la gestion des risques. Toutefois, pour que l'évaluation des risques soit systématique, une certaine interactivité est essentielle, notamment en ce qui concerne le classement des dangers par ordre d'importance lors de leur identification et les politiques d'évaluation des risques. Lorsque les problèmes de gestion des risques peuvent avoir une incidence sur l'évaluation, le processus de prise de décision doit être transparent.
L'application au sens large de la méthode d'évaluation des risques aux problèmes de salubrité des aliments recouvre une large gamme d'activités, en dehors de l'élaboration des normes, lignes directrices et autres recommandations. On peut citer à titre d'exemples la conception des systèmes d'inspection des importations et des exportations, les critères d'acceptation ou de rejet des denrées alimentaires, les programmes de contrôle et de surveillance, l'élaboration des informations nécessaires pour formuler des stratégies de gestion efficaces, ainsi que l'affectation générale des moyens de réglementation aux différentes classes de dangers. Dans le futur plan stratégique d'utilisation de la méthode d'évaluation des risques, le Codex devra prendre en compte tous ces aspects chaque fois que les circonstances l'exigeront.
Enfin, les participants à la Consultation ont reconnu que d'autres consultations devraient être organisées pour traiter de certains aspects spécifiques de l'évaluation des risques, ainsi que des questions générales de gestion et de communication. Néanmoins, ils ont conclu que la mise en oeuvre de leurs recommandations aura un effet important sur l'aptitude du Codex à assumer ses responsabilités qui sont de protéger les consommateurs et de faciliter le commerce international des denrées alimentaires en assurant une plus grande cohérence et une plus grande transparence.
Recommandations
8.1.1 L'évaluation scientifique des risques doit être à la base des décisions du Codex en matière de gestion des risques qui touchent les aspects santé et sécurité des normes alimentaires. Un principe important à cet égard est la séparation fonctionnelle entre l'évaluation et la gestion des risques, étant entendu qu'une certaine interactivité est essentielle pour aborder l'analyse des risques de façon pragmatique.8.1.2 En ce qui concerne les dangers chimiques, le Codex doit assurer l'harmonisation des méthodes d'évaluation des risques présentés par les additifs alimentaires, les contaminants, les résidus de pesticides et les résidus de médicaments vétérinaires, notamment en ce qui concerne l'évaluation de l'exposition.
8.1.3 Le Codex doit encourager le développement de l'évaluation des risques d'origine biologique tout en reconnaissant que l'état actuel des connaissances scientifiques ne permet pas dans la plupart des cas de procéder à une évaluation quantitative.
8.1.4 Pour s'acquitter de ses obligations dans le cadre de l'Accord SPS, le Codex doit faire évoluer la technologie pour obtenu les informations scientifiques nécessaires à l'évaluation des risques d'origine chimique et biologique.
8.2 Dangers chimiques
L'évaluation des dangers d'origine chimique dans les aliments se traduit généralement par des choix en matière de gestion des risques visant à garantir que les aliments ne présentent pas de risques appréciables pour les consommateurs (risque théoriquement égal à "zéro"). Cette approche de la salubrité des aliments doit être examinée avec soin afin de voir si elle est compatible avec l'esprit de l'Accord SPS et avec les notions de "risque acceptable" et d'équivalence. Pour ce qui est des dangers chimiques qui ne sont pas évalués à l'aide d'un modèle véritablement quantitatif, les questions d'équivalence peuvent prendre la forme d'une comparaison entre marges de sécurité équivalentes par rapport au niveau de base pour lequel le risque est théoriquement égal à "zéro".
Recommandations
8.2.1 L'évaluation de l'exposition aux additifs alimentaires, aux contaminants et aux résidus de pesticides et de médicaments vétérinaires doit être considérée comme faisant partie intégrante de la procédure Codex d'évaluation des risques présentés par ces substances. Etant donné qu'il s'agit avant tout d'un travail scientifique, le JECFA et/ou la JMPR devraient continuer à s'en charger. Le cas échéant, l'évaluation de l'exposition devrait être élargie pour tenir compte des différences d'habitudes alimentaires, tant au niveau national qu'international, et comporter des estimations des quantités absorbées par les groupes particulièrement vulnérables.8.2.2 La CAC devrait demander à tous les Etats Membres de lui soumettre les données dont ils disposent sur l'exposition d'origine alimentaire, y compris des informations sur les concentrations de produits chimiques dans différents aliments et la consommation de ces aliments par la population. Si ce type de renseignements n'est pas disponible, la CAC devrait encourager les pays à établir des programmes appropriés de surveillance de la contamination des aliments en accord avec les priorités nationales et à obtenir des informations sur la consommation alimentaire pour la population générale et, si possible, pour des sous-groupes présentant un intérêt particulier.
8.2.3 La méthodologie et les lignes directrices actuellement utilisées pour prédire l'absorption de résidus de pesticides présents dans les aliments devraient être réexaminées en vue d'obtenir des estimations plus exactes de l'exposition humaine.
8.2.4 Il y aurait lieu d'utiliser chaque fois que possible des scénarios d'exposition pour évaluer les effets néfastes aigus et chroniques lors de l'évaluation des risques présentés par les résidus de médicaments vétérinaires.
8.2.5 Dans le cas des contaminants sur lesquels on dispose de données suffisantes et pour lesquels il ne peut être établi de seuil pour les effets néfastes sur la santé, il faudrait demander au JECFA de fournir une estimation quantitative des risques associés à des niveaux d'absorption déterminés, avec mention de l'incertitude entourant cette estimation.
8.2.6 Le processus utilisé par la JMPR pour calculer les LMR devrait être plus transparent.
8.2.7 Afin de favoriser la transparence et la crédibilité du processus d'évaluation des risques et de faciliter en cas de besoin l'examen des méthodes utilisées, il est recommandé que les décisions fassent l'objet d'une documentation complète et que toutes les données et autres informations importantes sur lesquelles sont fondées ces décisions soient archivées. Ces informations devraient être mises à la disposition des Etats Membres et des organisations internationales compétentes.
8.2.8 Afin de favoriser la qualité et la cohérence des données toxicologiques ou autres, la FAO et l'OMS devraient encourager l'utilisation des protocoles d'essais normalisés et le respect des conditions minimales en matière de données qui ont été ou seront recommandées par des groupes d'experts internationaux reconnus.
8.2.9 L'OMS devrait examiner les critères appliqués pour établir les facteurs de sécurité, les doses de référence et les facteurs de correspondance généraux inter-espèces, en tenant compte des efforts faits en ce domaine par d'autres groupes internationaux.
8.2.10 Des données scientifiques sont souvent nécessaires pour s'affranchir des hypothèses par défaut, notamment dans l'évaluation du risque de cancérogénicité. Le Codex devrait encourager les efforts visant à élaborer des critères scientifiques pour résoudre les différences concernant les données demandées et leur interprétation.
8.3 Dangers biologiques
Les dangers d'origine biologique présents dans les aliments continuent de faire courir des risques importants et de retenir l'attention au niveau international. Il y a lieu de réduire ces risques au minimum techniquement rálisable en pratique. Les normes et directives internationales élaborées à cet effet doivent être transparentes et viser l'efficacité. Pour faciliter la réalisation de cet objectif, des techniques d'évaluation des risques doivent être appliquées pour déterminer la signification des dangers et être utilisées comme moyen d'évaluation des stratégies de gestion des risques, telles que la méthode HACCP. L'utilisation des techniques d'évaluation des risques pour estimer les effets néfastes potentiels sur la santé sera un élément essentiel du processus d'élaboration des politiques commerciales internationales. Il faudra disposer d'informations supplémentaires pour faciliter l'approche quantitative de l'évaluation des risques présentés par les agents biologiques. Cependant, dans l'état actuel des connaissances, cette évaluation ne peut se faire que de façon qualitative. La CAC devra donc établir une stratégie et un plan de mise en oeuvre globaux pour donner suite aux recommandations ci-après.
Recommandations
8.3.1 Les normes, procédés et méthodes relatifs aux dangers biologiques qui figurent dans les normes et codes d'usages du Codex devront s'appuyer autant que possible sur des principes scientifiques solides et sur une évaluation quantitative des risques. Cela suppose une analyse des dangers biologiques individuels dans un large éventail de denrées alimentaires plutôt que l'étude de risques multiples associés à des aliments déterminés.8.3.2 Lorsque le Codex établit des normes ou des codes d'usages contenant des procédés et des modes opératoires, le résultat prévu de ces procédés ou modes opératoires du point de vue de la salubrité des aliments doit être clairement indiqué.
8.3.3 Des indications doivent être fournies pour permettre l'évaluation de procédés ou de modes opératoires équivalents aboutissant au résultat recherché.
8.3.4 II faudrait trouver un moyen de comparer le risque relatif des différentes options envisagées pour maîtriser un danger déterminé. L'objectif devrait être une réduction générale des risques d'effets néfastes et la CAC devrait considérer non seulement les risques relatifs d'origine biologique mais tous les risques potentiels.
8.3.5 II faudrait entreprendre une évaluation des analyses de risques fondées sur l'utilisation de plans d'échantillonnage à deux et trois classes pour les spécifications microbiologiques des produits finis, notamment à la lumière d'une utilisation plus généralisée du système HACCP et de l'amélioration des contrôles en cours de production qui en résulte.
8.3.6 La CAC devrait encourager les recherches spécifiques visant à identifier et à caractériser les dangers biologiques posant un problème, afin de permettre une évaluation plus quantitative des risques.
8.3.7 Des méthodes quantitatives d'évaluation des risques doivent être mises au point pour les dangers biologiques afin de faciliter et d'améliorer l'application du système HACCP.
8.4 Incertitude et variabilité
Le processus d'évaluation des risques d'origine alimentaire pour la santé humaine comporte de nombreuses sources d'incertitude et de variabilité. Celles-ci devront être considérées explicitement dans le processus d'évaluation afin de pouvoir être prises en compte dans la formulation des politiques de gestion des risques.
Recommandations
8.4.1 Les limites des méthodes de caractérisation des risques présentées ici montrent clairement que les responsables de la gestion des risques doivent être conscients des incertitudes qui entourent les estimations et en tenir compte dans leurs décisions et dans l'information du public.8.4.2 Cette situation doit amener à considérer avec attention les incertitudes relatives aux hypothèses et aux données d'entrée des modèles afin d'axer les efforts sur les éléments qui contribuent le plus à la variance globale des prédictions.
L'analyse des risques est la méthode que l'on utilise pour élaborer des normes de salubrité des aliments. Elle comprend trois volets étroitement lies: l'évaluation des risques, la gestion des risques et la communication des risques. Le présent document fournit les conclusions de la Consultation d'experts sur l'application de la gestion des risques aux questions ayant trait a la salubrité des aliments, qui s'est tenue a Rome du 27 au 31 janvier 1997. Gestion des risques et salubrité des aliments fait partie d'une série de publications FAO/OMS consacrées a ce sujet. On y indique les bases de la gestion des risques ainsi que les principes généraux de cette gestion appliquée a la salubrité des aliments. |