Lagriculture constitue le pivot des économies de la plupart des pays dAfrique subsaharienne. En 1994, 69 pour cent de la population économiquement active en Afrique subsaharienne travaillaient dans le secteur agricole, contre 84 pour cent en 1961 (FAO, 1995f).
Le tableau 4 donne la production annuelle moyenne (en tonnes) et les taux de croissance des principales cultures vivrières en Afrique subsaharienne au cours de quatre périodes. Lanalyse est fondée sur des moyennes quinquennales jusquen 1985 et sur une moyenne quadriennale de 1991 à 1994, à titre dillustration des changements à long terme survenus de 1961 à 1994. Le taux de croissance de la production céréalière a progressé, passant dune moyenne de 1,3 pour cent pendant la période 1961-1965 à 3,6 pour cent pendant la période 1971-1975. Il est resté stable, au niveau de 2,5 pour cent, de la période 1981-1985 à la période 1991-1994. Parmi les céréales, la croissance de production la plus rapide a été celle du riz, mais leffet de cette croissance sur le volume total des céréales produites est resté limité parce que le riz ne représente quune petite part de la production céréalière. Il faut observer que le taux de croissance de la production des légumineuses a fortement baissé à partir des années 60 et que le taux de croissance de la production des oléagineux, après avoir accusé une chute rapide pendant les années 80, a bien remonté au début des années 90.
Pour lensemble de lAfrique subsaharienne, les exportations de céréales ont décliné, tandis que les importations ont augmenté rapidement pendant les années 70 et 80 (tableau 5). Les importations avaient presque doublé entre les années 60 et les années 70 pour tripler ensuite jusquaux années 90, reflétant à la fois les déficits alimentaires structurels résultant de la forte croissance démographique et les pénuries alimentaires dues à la sécheresse et aux désordres civils dans diverses régions dAfrique, notamment au cours des années 80 et au début des années 90. Au milieu des années 80, les importations couvraient 20 pour cent des besoins alimentaires de base de lAfrique subsaharienne.
TABLEAU 4 | ||||||||
Production alimentaire annuelle moyenne et son taux de croissance en Afrique | ||||||||
Groupes de culture | Moyenne 1961-1965 | Moyenne 1971-1975 | Moyenne 1981-1985 | Moyenne 1991-1994 | ||||
Production | Taux de croissance | Production | Taux de croissance | Production | Taux de croissance | Production | Taux de croissance | |
Blé | 900 | 3,2 | 1 300 | 1,2 | 1 500 | -3,4 | 2 200 | -0,4 |
Riz paddy | 3 600 | 3,8 | 5,2 | 4,5 | 6 600 | 2,9 | 10 800 | 3,3 |
Total céréales | 32 700 | 1,3 | 39 300 | 3,6 | 45 600 | 2,5 | 59 800 | 2,5 |
Racine et tubercules | 49 700 | 3,3 | 66 000 | 3,2 | 77 800 | 2,9 | 113 500 | 2,5 |
Légumineuses | 3 200 | 3,7 | 4 100 | 2,0 | 4 400 | -1,8 | 5 900 | 0,3 |
Oléagineux | 3 900 | 2,0 | 4 200 | 1,8 | 3 900 | -0,4 | 5 000 | 3,2 |
Source: FAO, 1995f.
TABLEAU 5 | ||||||||||||
Moyenne annuelle des exportations et des importations daliments | ||||||||||||
Groupe de cultures | Moyenne 1961-1965 | Moyenne 1971-1975 | Moyenne 1981-1985 | Moyenne 1991-1994 | ||||||||
Import. | Export. | Com. neta | Import. | Export. | Com. net | Import. | Export. | Com. net | Import. | Export. | Com. net | |
Total céréales | 2 000 | 700 | -1 300 | 3 836 | 1 906 | -2 930 | 9 254 | 646 | -8 607 | 11 667 | 671 | -10 996 |
Total légumineuses | 66 | 190 | 124 | 51 | 213 | 161 | 116 | 122 | 6 | 219 | 128 | -91 |
Graines oléagineuses | 23 | 2 383 | 2 360 | 53 | 1 308 | 1 255 | 61 | 430 | 369 | 103 | 368 | 265 |
a Com. net (commerce net) = exportations moins importations.
Source: FAO, 1995f.
Depuis les années 80, la disponibilité des aliments de base a augmenté de 30 pour cent pour les céréales et les produits céréaliers, de 40 pour cent pour les racines et tubercules, de 35 pour cent pour les légumineuses et de 33 pour cent pour les oléagineux (tableau 6).
TABLEAU 6 | ||||
Aliments disponibles pour la consommation en Afrique subsaharienne, | ||||
Groupe de cultures | Moyenne | Moyenne | Moyenne | Moyenne |
Céréales et produits céréaliers (bière incluse) | 27 920 | 34 393 | 47 046 | 60 937 |
Racines amylacées et produits dérivés | 38 935 | 50 147 | 60 693 | 85 335 |
Légumineuses et produits dérivés | 2 420 | 3 059 | 3 504 | 4 721 |
Oléagineux et produits dérivés | 1 594 | 2 269 | 3 236 | 4 294 |
Source: FAO, 1995f.
La croissance démographique est le principal facteur responsable de laugmentation des disponibilités alimentaires et des besoins énergétiques. Pour lensemble de la région, on estime à 3 pour cent environ le taux de la croissance démographique des trois dernières décennies, contre un taux de croissance de la production alimentaire totale denviron 2 pour cent et une croissance de la production céréalière de 2,5 pour cent (tableau 4). A lavenir, si lon veut éviter de dépendre des importations commerciales ou préférentielles, la production alimentaire devra croître beaucoup plus rapidement.
Les données démographiques montrent quà linverse des autres régions en développement, lAfrique subsaharienne continue daccuser des taux de croissance en augmentation. Selon les projections, le taux de croissance de la population totale entre 1990 et la fin du siècle sera de 3 pour cent plus rapide que pendant la décennie précédente. La figure 3 illustre les tendances de la population, de la production alimentaire et de la disponibilité énergétique alimentaire (DEA) entre
1961 et 1995, montrant ainsi que la production alimentaire et la DEA nont pas accompagné la croissance démographique. Bien que la figure 3 ne le montre pas (car le graphique est basé sur des indices), linformation disponible indique quavant 1973 la production alimentaire de lAfrique subsaharienne suffisait à couvrir la demande locale (FAO, 1992e). Cependant, la production par personne a décliné depuis lors.
FIGURE 3 |
Notes: Les indices expriment des valeurs par rapport à lannée de base, de valeur 100. Lindice de production alimentaire est la valeur de la production alimentaire par habitant, exprimée en dollars des Etats-Unis. La DEA est calculée à partir des chiffres de la disponibilité énergétique alimentaire en kilocalories par personne et par jour. Lindice de population se réfère à la population totale. Source: FAO, 1997b. |
Les données ci-dessus sur la production et les disponibilités alimentaires pour la consommation, exprimées en tonnes de denrées, peuvent-elles servir à évaluer la suffisance nutritionnelle des disponibilités alimentaires nationales, et comment?
Une première réponse est offerte par les bilans des disponibilités alimentaires, établis chaque année par la FAO à partir de données nationales sur la production et le commerce des produits alimentaires. Ces données, complétées par linformation disponible sur les taux densemencement, les coefficients de pertes, les mouvements de stocks et les types dutilisation (alimentation humaine, alimentation animale, etc.), servent à élaborer un bilan de disponibilité/utilisation exprimé en unités de poids pour chaque produit. Outre une information par produit, les bilans alimentaires de la FAO donnent des estimations de la disponibilité totale, par addition des parts de chaque produit réservées à la consommation humaine, après conversion en valeurs nutritionnelles. Combinées avec les données de population, ces valeurs servent à calculer les estimations de la disponibilité énergétique, protéique et lipidique par personne et par jour. A titre dexemple, un bilan alimentaire du Kenya figure au tableau 7.
La disponibilité énergétique alimentaire sexprime en kilocalories (kcal) par personne et par jour. Elle constitue un indicateur de létat nutritionnel dans la mesure où elle permet de comparer la disponibilité à lapport théorique recommandé. Ce dernier nest quune moyenne, utilisée en planification, et qui représente lapport énergétique journalier nécessaire au maintien du poids corporel en situation dactivité légère. Il correspond à 1,54 fois le métabolisme basal (MB)[2]. Quand laccès dune population à la nourriture est inférieur à ce niveau de disponibilité énergétique alimentaire, la majorité de cette population peut être considérée comme souffrant de sous-alimentation chronique, même si la distribution des approvisionnements disponibles nest pas particulièrement inégale.
Sous-alimentation chronique et carences nutritionnelles
On définit comme sous-alimentés chroniques les individus dont lapport énergétique alimentaire est insuffisant, en moyenne annuelle, pour maintenir le poids corporel et permettre une activité légère (FAO/OMS, 1992g). Lappellation «carence énergétique alimentaire chronique» ou «sous-alimentation chronique», caractérise le sort de la partie de la population dont laccès à la nourriture est insuffisant.
TABLEAU 7 |
|||||||||||||||
Bilan alimentaire du Kenya, moyenne 1990-1992 (population de 24,4 millions dhabitants) |
|||||||||||||||
Produit |
Disponibilités nationales (milliers de tonnes) |
Consommation nationale (milliers de tonnes) |
Disponibilités par personne |
||||||||||||
Production |
Importations |
Variations du stock |
Exportations |
Total |
Aliments du bétail |
Semences |
Transformation |
Déchets |
Autres usages |
Alimentation humaine |
Quantité par an |
Energie par jour |
Protéines par jour |
Lipides par jour |
|
Céréales |
2 806 |
472 |
-25 |
84 |
3 219 |
146 |
55 |
99 |
108 |
-1 |
2 812 |
115,2 |
979 |
26,0 |
9,3 |
Racines et tubercules |
1 564 |
|
|
|
1 564 |
|
37 |
|
104 |
|
1 424 |
58,3 |
157 |
1,9 |
0,2 |
Cultures sucrières |
4 499 |
|
|
|
4 499 |
|
|
4 229 |
|
|
270 |
11,1 |
8 |
0,1 |
|
Edulcorants |
484 |
96 |
20 |
1 |
559 |
|
|
24 |
|
|
535 |
21,9 |
213 |
|
|
Légumineuses |
205 |
7 |
-18 |
23 |
207 |
|
28 |
|
23 |
|
156 |
6,4 |
59 |
3,8 |
0,3 |
Noix |
13 |
|
|
4 |
9 |
|
|
|
|
|
9 |
0,4 |
1 |
|
0,1 |
Oléagineux |
101 |
3 |
|
9 |
95 |
|
4 |
59 |
5 |
|
27 |
1,1 |
12 |
0,4 |
1,0 |
Huiles végétales |
24 |
138 |
-25 |
2 |
185 |
|
|
|
|
19 |
166 |
6,8 |
163 |
0,1 |
18,4 |
Légumes |
643 |
|
|
38 |
605 |
|
|
|
64 |
|
541 |
22,2 |
15 |
0,8 |
0,1 |
Fruits (vin exclu) |
926 |
2 |
|
140 |
787 |
|
|
3 |
101 |
|
683 |
28,0 |
53 |
0,6 |
0,1 |
Cultures pour boissons |
288 |
3 |
|
261 |
31 |
|
|
|
|
|
31 |
1,3 |
2 |
0,3 |
|
Epices |
6 |
|
|
|
6 |
|
|
|
|
6 |
0,2 |
2 |
0,1 |
0,1 |
|
Boissons alcoolisées |
541 |
1 |
-1 |
5 |
538 |
|
|
|
8 |
530 |
21,7 |
33 |
0 |
|
|
Viande |
383 |
|
|
5 |
378 |
|
|
|
|
378 |
15,5 |
76 |
6,1 |
5,6 |
|
Abats |
59 |
|
|
|
59 |
|
|
|
|
59 |
2,4 |
7 |
1,2 |
0,2 |
|
Graisses animales |
14 |
7 |
|
|
21 |
|
|
|
5 |
16 |
0,7 |
15 |
|
1,7 |
|
Lait et laitages (beurre exclu) |
2 312 |
9 |
|
2 |
2 320 |
36 |
|
118 |
2 |
2 164 |
88,7 |
154 |
7,6 |
8,5 |
|
ufs |
42 |
|
|
|
42 |
|
3 |
11 |
|
28 |
1,2 |
4 |
0,3 |
0,3 |
|
Poisson, fruits de mer |
200 |
4 |
|
22 |
182 |
4 |
|
|
|
178 |
7,3 |
14 |
2,2 |
0,5 |
|
Total |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
1 967 |
51,9 |
46,4 |
|
Produits dorigine végétale |
1 691 |
34,5 |
29,7 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Produits dorigine animale |
276 |
17,4 |
16,7 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Source: FAO, 1995f.
Le tableau 8 indique la disponibilité énergétique alimentaire par personne en Afrique subsaharienne au cours de trois périodes situées entre 1969 et 1992. Le tableau 9 présente des estimations de lincidence de la sous-alimentation chronique dans les régions en développement pendant ces mêmes périodes, ainsi que des projections de la sous-alimentation jusquen 2010. Ces données montrent quen Afrique la proportion des personnes souffrant de sous-alimentation chronique sest élevée, passant de 38 à 43 pour cent entre 1969 et 1992, tandis que le nombre absolu des personnes privées dun accès suffisant à la nourriture a doublé, passant de 103 à 215 millions de personnes dans le même laps de temps. Cela nest pas surprenant, si lon tient compte de la croissance démographique rapide (qui culmine à près de 3 pour cent par an) et des sécheresses qui se sont répétées dans certains pays au cours des années 80 et au début des années 90. Fatalement, les guerres et les conflits intérieurs ont également contribué à détériorer la sécurité alimentaire.
On peut estimer le nombre des sous-alimentés chroniques dun pays en combinant les données de la DEA avec les informations disponibles sur la distribution des disponibilités alimentaires (tableau 9). Ces estimations peuvent utilement guider, au niveau national, lanalyse des tendances de la suffisance alimentaire. Il convient toutefois de se rappeler quune information de ce type peut induire en erreur, car elle nindique rien de plus quune moyenne potentielle des disponibilités énergétiques; elle ne fournit pas une évaluation directe de la consommation alimentaire des ménages ou des individus. De plus, il est probable quen raison de linéquitable distribution de la nourriture disponible entre les ménages, une importante proportion de ces derniers accuse des niveaux de consommation inférieurs aux besoins minimaux, même si la DEA par personne est supérieure au besoin énergétique par personne.
Une évaluation correcte de la proportion des ménages ou des individus sous-alimentés repose forcément sur les résultats denquêtes qui mesurent les niveaux de nutrition sur des échantillons de ménages et de personnes, cest-à-dire les enquêtes de consommation alimentaire et les enquêtes anthropométriques. Cependant, les enquêtes représentatives au niveau national coûtent cher et prennent beaucoup de temps; très peu de pays en ont réalisé. Pour estimer la prévalence de la sous-alimentation dans les pays en développement, la FAO a élaboré une méthode qui sappuie sur les données de DEA combinées avec des informations relatives aux écarts de la distribution entre les ménages, obtenues grâce aux enquêtes nationales sur les ménages (FAO, 1996a).
TABLEAU 8 | |||||
Disponibilité énergétique alimentaire par personne: | |||||
Pays | Population | DEA par habitant | Taux de croissance annuelle (%) | ||
1990-1992 | 1969-1971 | 1979-1981 | 1990-1992 | 1969-1971 à 1990-1992 | |
Afrique du Sud | 38,9 | 2 800 | 2 820 | 2 810 | 0,02 |
Algérie | 25,6 | 1 830 | 2 620 | 2 900 | 2,20 |
Angola | 9,5 | 2 110 | 2 160 | 1 840 | 0,66 |
Bénin | 4,8 | 2 160 | 2 190 | 2 520 | 0,74 |
Botswana | 1,3 | 2 150 | 2 160 | 2 320 | 0,36 |
Burkina Faso | 9,3 | 1 730 | 1 680 | 2 140 | 1,00 |
Burundi | 5,7 | 2 100 | 2 040 | 1 950 | -0,35 |
Cameroun | 11,9 | 2 320 | 2 350 | 2 040 | -0,60 |
Congo, Rép, | 2,3 | 2 060 | 2 220 | 2 210 | 0,33 |
Côte dIvoire | 12,4 | 2 420 | 2 820 | 2 460 | 0,07 |
Egypte | 53,6 | 2 510 | 3 130 | 3 340 | 1,36 |
Ethiopie | 51,4 | 1 700 | 1 810 | 1 620 | -0,26 |
Gabon | 1,2 | 2 180 | 2 400 | 2 490 | 0,64 |
Gambie | 0,9 | 2 200 | 2 030 | 2 320 | 0,26 |
Ghana | 15,5 | 2 200 | 1 910 | 2 090 | -0,25 |
Guinée | 5,9 | 2 170 | 2 260 | 2 400 | 0,47 |
Kenya | 24,4 | 2 200 | 2 150 | 1 970 | -0,53 |
Lesotho | 1,8 | 2 000 | 2 260 | 2 260 | 0,57 |
Libéria | 2,6 | 2 230 | 2 400 | 1 780 | -1,08 |
Libye | 4,7 | 2 440 | 3 440 | 3 290 | 1,43 |
Madagascar | 12,4 | 2 450 | 2 440 | 2 160 | -0,61 |
Malawi | 10,0 | 2 360 | 2 280 | 1 910 | -1,02 |
Mali | 9,5 | 2 050 | 1 800 | 2 230 | 0,42 |
Maroc | 25,7 | 2 420 | 2 720 | 3 000 | 1,02 |
Mauritanie | 2,1 | 1 940 | 2 110 | 2 610 | 1,41 |
Maurice | 1,1 | 2 320 | 2 670 | 2 780 | 0,85 |
Mozambique | 14,5 | 1 940 | 1 920 | 1 740 | -0,50 |
Namibie | 1,5 | 2 180 | 2 210 | 2 190 | 0,03 |
Niger | 8,0 | 1 990 | 2 240 | 2 190 | 0,46 |
Nigéria | 112,1 | 2 380 | 1 960 | 2 100 | -0,58 |
Ouganda | 18,1 | 2 300 | 2 130 | 2 220 | -0,15 |
République centrafricaine | 3,1 | 2 360 | 2 270 | 1 720 | -1,50 |
Rwanda | 7,3 | 2 040 | 2 090 | 1 860 | -0,44 |
Sénégal | 7,5 | 2 460 | 2 450 | 2 310 | -0,31 |
Sierra Leone | 4,3 | 2 170 | 2 110 | 1 820 | -0,82 |
Somalie | 7,7 | 1 810 | 1 870 | 1 590 | -0,62 |
Soudan | 25,9 | 2 190 | 2 260 | 2 150 | -0,08 |
Swaziland | 0,8 | 2 310 | 2 480 | 2 680 | 0,70 |
Tanzanie, Rép,-Unie | 26,9 | 1 740 | 2 280 | 2 110 | 0,90 |
Tchad | 5,7 | 2 170 | 1 680 | 1 810 | -0,87 |
Togo | 3,6 | 2 300 | 2 240 | 2 290 | -0,01 |
Tunisie | 8,2 | 2 200 | 2 810 | 3 260 | 1,69 |
Zaïre (ex-) | 38,6 | 2 160 | 2 070 | 2 090 | -0,14 |
Zimbabwe | 10,3 | 2 160 | 2 230 | 2 080 | -0,19 |
Zambie | 8,4 | 2 210 | 2 180 | 2 020 | -0,42 |
Afrique sub-saharienne | 501 | 2 140 | 2 080 | 2 040 | - |
Afrique | 656,9 | 2 220 | 2 280 | 2 290 | 0,15 |
Monde | 5 358,8 | 2 440 | 2 580 | 2 720 | 0,50 |
Source: FAO, 1995f.
TABLEAU 9 | |||
Estimations et projections de la sous-alimentation chronique dans les régions en développement | |||
Région/année | Population totale | Population sous-alimentée | |
Population totale (%) | Nombre de personnes | ||
Afrique subsaharienne | | | |
1969-1971 | 268 | 38 | 103 |
1979-1981 | 357 | 41 | 148 |
1990-1992 | 500 | 43 | 215 |
2010 | 874 | 30 | 264 |
Proche-Orient et Afrique du Nord | | | |
1969-1971 | 178 | 27 | 48 |
1979-1981 | 233 | 12 | 27 |
1990-1992 | 317 | 12 | 37 |
2010 | 513 | 10 | 53 |
Asie de lEst | | | |
1969-1971 | 1 147 | 41 | 475 |
1979-1981 | 1 393 | 27 | 378 |
1990-1992 | 1 665 | 16 | 268 |
2010 | 2 070 | 6 | 123 |
Asie du Sud | | | |
1969-1971 | 711 | 33 | 238 |
1979-1981 | 892 | 34 | 303 |
1990-1992 | 1 138 | 22 | 255 |
2010 | 1 617 | 12 | 200 |
Amérique latine et Caraïbes | | | |
1969-1971 | 279 | 19 | 53 |
1979-1981 | 354 | 14 | 48 |
1990-1992 | 443 | 15 | 64 |
2010 | 593 | 7 | 40 |
Total | | | |
1969-1971 | 2 583 | 35 | 917 |
1979-1981 | 3 228 | 28 | 905 |
1990-1992 | 4 064 | 21 | 839 |
2010 | 5 668 | 12 | 680 |
Source: FAO, 1996b.
La carence énergétique nest pas le seul paramètre de létat nutritionnel. En Afrique subsaharienne, les carences en micronutriments viennent souvent sassocier à la malnutrition protéino-énergétique. Ces carences affectent toutes les catégories de la population, à divers degrés selon lâge, létat physiologique et la situation géographique. Elles sont spécialement graves chez lenfant de moins de cinq ans et chez la femme enceinte ou allaitante.
La FAO estime quenviron 215 millions de personnes souffrent de sous-alimentation chronique en Afrique subsaharienne. Sur lensemble du continent, 206 millions dautres personnes sont atteintes danémie par carence en fer et en folate et par parasitoses. Le risque de carence en iode et en vitamine A menace respectivement 181 et 52 millions de personnes et représente un autre problème de santé publique (tableau 3). Ces aspects spécifiques de la situation nutritionnelle sont revus en détail au chapitre 8.
La malnutrition contribue pour beaucoup aux taux élevés de morbidité et de mortalité chez lenfant. On estime que le taux de mortalité chez les enfants de moins de cinq ans est 40 fois plus élevé en Afrique subsaharienne que dans les pays favorisés. Selon les estimations, le nombre annuel de décès denfants de moins de cinq ans sélève à près de 4 475 000 en Afrique subsaharienne (UNICEF, 1995), et la malnutrition serait une cause sous-jacente de près de 30 pour cent de ces décès (OMS, 1995a).
Bon nombre de politiques menées par les pays africains au cours des années 70 et 80 ont réussi à garantir la sécurité alimentaire au niveau national. Toutefois, en dépit des succès obtenus en termes de disponibilité énergétique moyenne par personne, ces pays ne sont pas arrivés à assurer à tous les individus et à tous les groupes de population présents sur leur territoire une consommation alimentaire suffisante (FAO, 1992e). Lanalyse des causes de linsécurité alimentaire qui a touché tant de personnes en Afrique au cours des trois dernières décennies dépasse le cadre du présent ouvrage, tout comme les réponses politiques quelles appellent. Néanmoins, le lecteur trouvera dans la section qui suit un bref aperçu des principaux instruments politiques mis en uvre au niveau gouvernemental pour assurer la sécurité alimentaire nationale.
Evolution des politiques africaines de sécurité alimentaire
Après leur indépendance, de nombreuses nations africaines se sont empressées de moderniser leur économie, en favorisant la croissance rapide de leur secteur industriel. Elles ont souvent privilégié les stratégies du développement urbain au détriment du secteur agricole, qui se voyait privé du support financier, structurel et politique dont il avait besoin pour se développer. A la fin des années 60, il est apparu clairement que les stratégies de lindustrialisation ne pourraient pas atteindre les objectifs établis. Linterdépendance de lagriculture et de lindustrie a alors été reconnue et, du même coup, la nécessité de développer le secteur agricole. Ce changement doptique en faveur de lagriculture sest encore accentué quand furent connues les projections démographiques en hausse et que lon eut mieux compris, au cours des années 70, à quel point les problèmes de la pauvreté rurale exigeaient que lattention soit immédiatement tournée vers les petits exploitants ruraux.
Pour satisfaire la demande intérieure, maximiser la production alimentaire et augmenter lentrée des denrées sur le marché, de nombreux pays dAfrique se sont tournés, à la fin des années 70 et au début de la décennie suivante, vers des stratégies de sécurité alimentaire centrées sur la poursuite de lautosuffisance, et menées au travers de politiques visant à maximiser la production intérieure des aliments de base. Dans les pays de la Communauté de développement de lAfrique australe (SADC) [Conférence de coordination du développement de lAfrique australe (SADCC) jusquen 1992], ces politiques comprenaient la subvention des intrants de la production agro-alimentaire, la hausse du prix à la consommation des aliments de base et la promotion de grands travaux dirrigation.
Les pays de la SADC nont pas tardé à déplacer la cible de leurs politiques alimentaires au-delà dune autosuffisance recherchée par laugmentation poussée de la production intérieure, vers laugmentation et la stabilisation de lapprovisionnement des marchés en aliments de base. Ces pays avaient constaté que la quantité des denrées commercialisées fluctuait beaucoup plus que la production totale et reconnu que cela se devait à la prédominance, dans la région, des paysans pratiquant une agriculture de subsistance Les années de faible production, ces agriculteurs retiennent des aliments pour satisfaire leurs besoins domestiques aux dépens de la fraction de récolte mise sur le marché pour la vente. Suite aux fluctuations de lapprovisionnement des marchés vérifiées dans plusieurs pays de la SADC au cours des années 70 et 80, les offices de commercialisation et les marchands privés se sont souvent retrouvés dans lincapacité de satisfaire la demande alimentaire croissante des zones urbaines toujours plus peuplées et des paysans sans terre.
Les politiques nationales visant à augmenter et à stabiliser la quantité des denrées commercialisées comportaient la hausse du prix payé au producteur, la dynamisation des activités commerciales des offices publics de commercialisation et la constitution de stocks stratégiques de céréales. Ces stratégies ont souvent réussi à augmenter la quantité des denrées commercialisées, mais ont compromis la sécurité alimentaire des personnes chaque fois que laugmentation des prix payés au producteur entraînait une hausse des prix à la consommation. Les gouvernements se sont donc trouvés dans lobligation non seulement de stabiliser les prix, mais aussi de rabaisser les prix à la consommation jusquaux prix planchers exigés par les consommateurs urbains.
Plusieurs pays ont réussi à stabiliser les prix en faisant intervenir les offices publics de commercialisation sur les marchés alimentaires. Ces offices se conforment aux prix contrôlés par le gouvernement et ont accès aux fonds publics souvent nécessaires pour subventionner les prix au producteur et au consommateur. La stabilisation des prix, couplée à la surévaluation du taux de change, a servi à maintenir au plancher les prix internes. Ce type de politique de laliment à bon marché a fini par se confondre avec une manière de subventionner les importations alimentaires et de taxer implicitement les exportations non alimentaires, tandis que les prix au producteur cessaient dêtre garantis ou, le plus souvent, trouvaient un soutien dans une augmentation des subventions au prix des intrants. Bien que la surévaluation du taux de change permette dimporter à bas prix, elle contribue aussi à maintenir les consommateurs dans la pauvreté. Les taux de change surévalués ralentissent la croissance économique, dans la mesure où les exportations deviennent trop chères pour les acheteurs de létranger. En même temps, ils découragent la production des cultures dexportation. La combinaison de ces deux facteurs réduit la demande de main-duvre non qualifiée et augmente le chômage. Dans plusieurs pays dAfrique, le coût fiscal de ce type de politique de laliment à bon marché a grevé le budget gouvernemental de lourdes charges financières, devenues insoutenables dès le début des années 80. Plusieurs pays se sont alors mis à démanteler les systèmes politiques engagés dans ces approches, dans le cadre des programmes dajustement structurel et de stabilisation macroéconomique.
Les politiques dajustement structurel et le secteur agricole
Au cours des années 80, la situation économique de nombreux pays dAfrique a été profondément affectée par la crise économique extérieure et la récession mondiale, ainsi que par les politiques intérieures favorables à la croissance rapide dun secteur public très coûteux. Le commerce extérieur forme une part considérable du produit intérieur brut de la plupart des pays dAfrique. Cependant, la chute soudaine du prix des marchandises à la fin des années 70 et la hausse des prix à lexportation qui ont suivi les crises pétrolières de 1979 ont entraîné une chute des revenus des exportations, accompagnée dun gonflement rapide de la dette contractée pour financer une dépense intérieure en expansion.
Au milieu des années 70, les importations de plusieurs pays africains ont progressé en réponse à la brève explosion de leur production. Le secteur public, en particulier, a augmenté ses dépenses de consommation et dinvestissement. Mais lors de la chute du prix des marchandises, les importations ont tardé à se contracter et on a eu recours à lemprunt extérieur pour couvrir le déficit financier. Le poids de cet emprunt a été aggravé par la hausse mondiale des taux dintérêt, et la charge de la dette est devenue très lourde. Au début des années 80, les pays africains qui avaient emprunté largement ont dû affronter simultanément une baisse de leur taux de croissance et laggravation de leur dette. Le tableau 10 montre comment la dette extérieure du Nigéria et le sevice total de cette dette se sont aggravés entre 1971 et 1987.
En réponse aux recommandations de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, de nombreux gouvernements ont adopté, au cours des années 80, des programmes dajustement structurel ayant notamment pour but de retourner les tendances défavorables à lagriculture dans les économies nationales. Les stratégies tournées vers cet objectif comportaient lélimination des subventions alimentaires, le relèvement des prix officiels au producteur et au consommateur couplé avec une libéralisation progressive des marchés, et la réduction des déficits du commerce extérieur. Parmi dautres mesures préconisées, on peut citer la dissolution des offices de commercialisation, la suppression des subventions aux intrants agricoles comme les pesticides et les engrais, et la promotion de lexportation des produits agricoles de consommation et de rapport.
TABLEAU 10 | |||||
Dette extérieure du Nigéria et service total de la dette, | |||||
Année | Total de la dette | Valeur des exportations | Service total de la dette | Taux du service de la dette | |
(millions de ) | (millions de $EU) | (millions de N) | (millions de N) | ||
1971 | 214,5 | 308,9 | 1 293,4 | 29,9 | 2,3 |
1973 | 276,9 | 420,9 | 2 369,2 | 30,8 | 1,3 |
1975 | 349,9 | 559,2 | 4 925,5 | 32,7 | 0,7 |
1977 | 496,9 | 762,9 | 7 630,7 | 25,6 | 0,3 |
1979 | 1 611,5 | 2 824,6 | 10 836,8 | 182,9 | 1,7 |
1981 | 2 331,2 | 3 667,7 | 10 470,1 | 518,6 | 5,0 |
1983 | 10 577,7 | 14 130,1 | 7 502,5 | 1 335,2 | 17,8 |
1985 | 17 290,6 | 17 997,5 | 11 214,8 | 3 718,0 | 33,2 |
1987 | 86 550,8 | 26 200,0 | 30 239,9 | 3 590,6 | 11,9 |
1988a | 146 410,0 | 29 282,0 | 26 600,5 | 6 630,5 | 30,0 |
a Estimations de la fin de 1988 (Nigerian Economist, 1989).
Source: Igbedioh, 1990. Reproduit avec lautorisation de Butterworth-Heinemann, Oxford, Royaume-Uni.
Les effets de lajustement structurel sur lagriculture
En Afrique, limpact des politiques dajustement sur la performance du secteur agricole a varié selon les pays. Dans lensemble, la performance agricole des années 80 a été jugée décevante. Entre 1980 et 1985, le taux de croissance annuel moyen na pas dépassé 0,9 pour cent, loin de lobjectif fixé à 3,9 pour cent. Ramené à la performance par habitant, ce résultat traduit un taux de croissance négatif de -2,4 pour cent (FAO, 1992e).
Le fait que lagriculture africaine nait pas répondu aux attentes des auteurs et des exécutants des politiques dajustement nimplique pas pour autant que ces politiques aient totalement échoué. Il semble plutôt que les politiques mises en uvre, faites surtout de prix privilégiés payés aux producteurs, aient été insuffisantes, car elles sont souvent passées à côté du secteur de lagriculture de subsistance. La complexité du tableau de lagriculture africaine exige plus quune réforme de la politique des prix. Il faut également intervenir sur dautres problèmes, comme les insuffisances des structures de commercialisation agricole, des infrastructures, des équipements de stockage et de transport, ainsi que sur le manque de crédit, de terre et dintrants, et sur les multiples contraintes dordre structurel et institutionnel que le secteur doit affronter. Les politiques dajustement agricole ont prêté trop peu dattention à ces problèmes; cela contribue à expliquer la performance décevante de lagriculture et sa faible capacité à procurer de lemploi et des revenus aux personnes qui tirent de lagriculture leurs moyens dexistence.
Au cours des dernières années, les pays de la SADC et plusieurs autres ont constaté que lautosuffisance alimentaire, lamélioration et la stabilisation de lapprovisionnement des marchés, ainsi que la régularisation des prix au producteur et au consommateur, ne suffisaient pas nécessairement à garantir la sécurité alimentaire des ménages. Cet objectif microéconomique est maintenant devenu le centre dintérêt de la plupart des politiques de sécurité alimentaire dans la région. Certes, la sécurité alimentaire des ménages ne saurait être assurée sans que la plupart des mesures politiques mentionnées plus haut ne soient mises en uvre, telles que les stratégies de production alimentaire et de stabilisation des approvisionnements et des prix; mais si lattention se concentrait exclusivement sur ces mesures-là, on natteindrait que rarement lobjectif ambitieux de la sécurité alimentaire pour tous.
Le dosage exact des politiques requises pour garantir la sécurité alimentaire des ménages peut varier selon les pays, mais il est désormais clair quil faudra mettre en uvre un ensemble de mesures politiques beaucoup plus vaste que naguère, y compris des politiques relatives à lemploi, à la distribution de la terre, à la croissance macroéconomique, à la redistribution des fruits de la croissance, à la croissance démographique, aux revenus et à la stabilisation des revenus. Pour ce qui est de lagriculture, il conviendra de mieux soutenir la vulgarisation, le crédit et lirrigation, et de promouvoir davantage lusage dintrants tels que les engrais et les semences améliorées.
Comme lagriculture joue un rôle primordial en tant que génératrice demplois et de revenus dans les zones rurales de toute la région, il est nécessaire de mener en Afrique subsaharienne des politiques visant à augmenter la production et la productivité agricoles, afin daméliorer la sécurité alimentaire des ménages et leur condition nutritionnelle. Cela ne signifie pas que lattention devrait être réservée exclusivement à la production daliments pour la consommation intérieure.
Certaines études conduites par des chercheurs de lInstitut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) en Gambie, au Kenya et au Rwanda ont montré que les cultures de rapport peuvent engendrer une augmentation significative du revenu des ménages et lamélioration sensible de leur sécurité alimentaire (Kennedy et Haddad, 1992). Dans ce contexte, il ne faudrait pas sintéresser uniquement au niveau du revenu, mais aussi à sa source et à son mode de contrôle, qui peuvent également influencer la sécurité alimentaire. Les chercheurs de lIFPRI et dautres chercheurs ont constaté que les revenus contrôlés par les femmes, notamment en Afrique, ont une probabilité plus grande de servir à lachat daliments. A revenu égal, les ménages où les femmes exercent un plus grand contrôle sur les revenus ont plus de chances que les autres de jouir dune bonne sécurité alimentaire. Il sensuit quun glissement du contrôle des revenus des femmes vers les hommes peut affecter négativement la sécurité alimentaire des ménages, même si leurs revenus totaux augmentent. Le chapitre 4 analyse plus en détail les effets respectifs des cultures de rapport et des cultures de subsistance sur la sécurité alimentaire des ménages.
Lenvironnement et la nutrition
La présente section analyse les interactions de lagriculture et de la nutrition selon la nature des technologies mises en uvre. Les agriculteurs et les éleveurs africains pratiquaient auparavant des systèmes dexploitation modelés selon lenvironnement. Les formes dominantes de lexploitation du sol comprenaient la culture itinérante en zone tropicale humide et le pâturage nomade en zone semi-aride. Les rendements étaient faibles; dassez vastes superficies étaient nécessaires à la subsistance dune population clairsemée. On assiste depuis peu à une croissance rapide de la population et à lexpansion accélérée des surfaces jusquaux zones marginales, dont les ressources sont exploitées jusquà leurs limites. Il sensuit une dégradation de lenvironnement, caractérisée par diverses formes dérosion, un appauvrissement de la végétation, un déclin de la fertilité du sol et lavancée du désert.
Les ménages concernés par linsécurité ne dégradent pas délibérément leur base de ressources. Au contraire, ils sont généralement conscients du risque que court leur sécurité alimentaire en cas de menace sur leur environnement.
La croissance démographique augmente directement les besoins de consommation et pousse de nombreuses familles rurales vers des zones marginales, qui devraient absolument être protégées par des pratiques dexploitation conservatrices. La FAO estime que la moitié des agriculteurs africains vivent dans des environnements où les ressources naturelles sont très vulnérables. Ces zones comprennent les terres de défriche forestière à la structure fragile, les terrains en pente abrupte et les zones sèches où la pluviosité est faible. De plus, la demande croissante de bois de feu pour la cuisine peut laisser les terres marginales complètement dénudées et sujettes à lérosion. Suite à cette baisse de productivité de la base de ressources, les approvisionnements alimentaires se réduisent inmanquablement, linsécurité alimentaire augmente et le stress nutritionnel saggrave, spécialement parmi les groupes vulnérables. Moins de bois de feu ou de temps consacré à la cuisine, puisque les femmes doivent aller chercher le bois plus loin, peut signifier moins de repas cuits ou des plats moins bien réchauffés, et donc des enfants qui mangent moins et des aliments plus exposés aux contaminations microbiennes.
Les pressions sur le sol sont encore aggravées du fait que lon tend à sécarter des modes traditionnels de concession des terres. Les agriculteurs qui perdent la certitude de conserver indéfiniment le droit de cultiver les terres communautaires hésitent à y investir du temps et de largent dans une perspective à long terme, sachant que la conservation des sols et des eaux et laugmentation de la productivité agricole exigent des apports coûteux.
Les politiques relatives à laccès à la terre et à la pérennité des concessions, ainsi que les politiques dinvestissement agraire, notamment dans lirrigation et lemploi dintrants tels que les engrais et les semences améliorées, sont une clé des gains de productivité des cultures vivrières, de laugmentation des disponibilités alimentaires et dune situation nutritionnelle satisfaisante. Dans les zones marginales, la mise en uvre de technologies agricoles appropriées peut grandement contribuer à stabiliser les approvisionnements et à ouvrir aux pauvres un meilleur accès à la nourriture.
La croissance démographique, les migrations et la nutrition
La croissance démographique rapide et lurbanisation ont été identifiées ci-dessus comme des facteurs primordiaux de la production et de la demande daliments ainsi que des tendances de la situation nutritionnelle. La figure 3, qui illustre les tendances moyennes de la population, de la production alimentaire et des apports dénergie alimentaire en Afrique subsaharienne de 1961 à 1995, montre que la production alimentaire par personne a commencé à décliner dès le début des années 70. Ce déclin a eu de sérieuses conséquences sur la croissance économique dans son ensemble, la demande de produits dimportation, les revenus du secteur agricole, les prix intérieurs des denrées alimentaires et la situation nutritionnelle.
Sagissant des facteurs démographiques, la production alimentaire et le bien-être nutritionnel ne sont pas seulement affectés par la croissance rapide de la population, mais aussi par sa structure et par les migrations.
Au cours des dernières années, les indices démographiques généraux et infantiles se sont améliorés dans certains pays dAfrique. Les figures 4 et 5 illustrent la distribution de la population par groupes dâge dans les pays respectivement moins et plus développés. Ces figures montrent clairement que limportance relative de la population non productive (base et sommet de la pyramide) et de la population productive (section centrale) diffère considérablement dun exemple à lautre.
Les pays dotés dune forte proportion de jeunes enfants font peser une charge économique plus lourde sur les tranches dâge productives. Les enfants de moins de 15 ans forment actuellement 44,2 pour cent de la population totale de lAfrique subsaharienne et les enfants de moins de 5 ans représentent à eux seuls 17,4 pour cent de cette population (ONU, 1994a). Ce taux de dépendance élevé résulte à la fois dune croissance rapide du nombre des naissances et dune baisse récente de la mortalité infantile.
La pyramide des âges actuelle indique que lAfrique a un potentiel élevé de croissance démographique continue, puisque les jeunes générations atteignent progressivement lâge davoir des enfants. Même si le taux de fertilité total tombait immédiatement au seuil de remplacement, soit à 2,2 naissances par femme, il faudrait attendre une centaine dannées avant que la population de lAfrique ne commence à se stabiliser; cette population serait alors de 80 à 100 pour cent plus nombreuse quactuellement (FAO, 1992f). Les stratégies mises en uvre aujourdhui pour augmenter durablement la production alimentaire échoueront à moins quelles ne soient combinées avec des mesures destinées à ralentir la croissance démographique et à créer de nouvelles opportunités de travail. Par ailleurs, il faut observer quune augmentation de la population pourrait se traduire par un enrichissement des ressources humaines, capables dinfluencer positivement la croissance économique et agricole, si laccès à léducation, à la santé et au travail était assuré.
FIGURE 4 |
Source: FAO, 1992f. |
FIGURE 5 |
Source: FAO, 1992f. |
Dans nombre de pays africains, la pénurie actuelle dadultes dans les tranches dâge les plus productives est exacerbée par lémigration des personnes en âge de travailler, notamment des hommes jeunes. Lémigration des ruraux vers les villes sintensifie et se trouve à lorigine dau moins la moitié de la croissance démographique des villes africaines, qui sélève à 5 pour cent au total. Selon les estimations, près de 30 pour cent de la population de lAfrique subsaharienne habitaient dans les villes et autres agglomérations urbaines en 1990 (figure 6). On estimait aussi que 27 des plus grandes villes du monde se trouveraient en 2000 dans les pays en développement (Banque mondiale, 1989).
Les motifs des migrations de la campagne vers la ville sont multiples: pression démographique sur les terres agricoles; recherche dun emploi ou dun meilleur salaire; poursuite dune éducation supérieure; attente dun plus grand confort (logement, eau, soins de santé). Quelle soit saisonnière ou permanente, lémigration ne manque pas de rejeter sur les femmes, les enfants et les personnes âgées le fardeau des tâches agricoles, tandis que la demande alimentaire urbaine ne cesse de croître. Le chapitre 4 analyse les effets de lurbanisation sur la structure de la consommation alimentaire et sur la nutrition.
FIGURE 6 |
Note: Les chiffres pour 1990 et 2000 sont des projections fondées sur des hypothèses de déclin du taux de fertilité. Source: Banque mondiale, 1989. |
Une autre catégorie de migrants, très préoccupante en Afrique, est celle des réfugiés et des personnes déplacées. Les gens deviennent des réfugiés quand ils fuient dans un pays voisin, de peur dêtre persécutés dans leur propre pays.
Ils peuvent aussi devenir des personnes déplacées dans leur propre pays ou à létranger à la suite de calamités naturelles, par exemple la sécheresse. Toutefois, ces déplacements résultent le plus souvent de désastres dorigine humaine, comme les conflits intérieurs et les guerres. Ces conflits tendent à se prolonger et à dévaster léconomie des pays concernés.
On estime quen 1990 la moitié des réfugiés du monde étaient africains. Leffectif des réfugiés, qui était en Afrique denviron 1 million en 1970, est passé à près de 18,5 millions en 1994, y compris les personnes déplacées dans leur propre pays (ONU CAC/SCN, 1994). Certains pays ayant accueilli les plus vastes contingents de réfugiés au cours des années 80 et 90, comme lEthiopie, le Malawi, la Somalie, le Soudan, lOuganda et lex-Zaïre, sont parmi les plus pauvres et dans lincapacité de nourrir suffisamment leur propre population. Dautres pays, comme le Kenya et la République-Unie de Tanzanie ont vu leur croissance économique freinée par lafflux de réfugiés.
Les pays dAfrique ont besoin dune assistance internationale sous forme de vivres, de médicaments, dabris et de soins de santé primaire pour être en mesure dassumer une certaine prise en charge des réfugiés. Même ainsi, des taux sans précédent de malnutrition et de mortalité ont été observés en Afrique subsaharienne de 1985 à 1995 au sein des populations réfugiées et déplacées, quand linsuffisance des rations alimentaires et les taux élevés des maladies transmissibles ont combiné leurs effets. Même si les populations réfugiées ou déplacées sont protégées de la famine, elles restent souvent exposées aux carences spécifiques parce quelles ne disposent que dune gamme restreinte de produits alimentaires. Ainsi, au cours de ces dernières années, des épidémies de scorbut (carence en vitamine C) se sont déclarées parmi les populations réfugiées en Somalie (1981/82), au Soudan (1985/86) et en Ethiopie (1988/89), de même quune épidémie de pellagre (carence en niacine) parmi les réfugiés mozambicains au Malawi (1990/91).
En 1995, les situations les plus tragiques ont été celles des réfugiés et autres personnes déplacées en provenance de cinq pays ou régions ou à lintérieur de ceux-ci: Rwanda et Burundi; Libéria et Sierra Leone; Mozambique; Somalie; Soudan (ONU CAC/SCN, 1995). Pour les seuls Rwanda et Burundi, on estimait à plus de 2 millions le nombre des personnes gravement malnourries en 1994 et à 3 millions le nombre des autres personnes en grand danger de malnutrition (ONU CAC/SCN, 1994). Dans des situations de ce genre, le contrôle des maladies transmissibles devient aussi crucial que la fourniture daliments en quantité suffisante ou dargent pour en acheter. Dans nombre de régions dAfrique subsaharienne, le devenir nutritionnel des populations va dépendre pour une large part de la mise en uvre de politiques et mesures destinées à apaiser les conflits locaux, et de la fourniture de ressources suffisantes pour empêcher ces situations ou atténuer leurs conséquences. Les famines pouvant résulter des conflits armés devront être prises en charge au niveau politique le plus élevé et susciter des efforts diplomatiques ininterrompus.
Le VIH/sida et son impact sur la sécurité alimentaire des ménages et la nutrition
Le complexe infection-malnutrition décrit au chapitre 3 affecte le plus souvent les enfants, mais les adultes sont également touchés. Les carences en énergie et nutriments, souvent associées aux maladies infectieuses et parasitaires altèrent les performances physiques des adultes et leur capacité de travail. La chute de productivité qui sensuit peut souvent entraîner des conséquences graves pour la sécurité alimentaire des ménages concernés. En Afrique, peu dinfections peuvent affecter aussi profondément les capacités de production alimentaire et létat nutritionnel que la déficience immunitaire acquise responsable du sida. Limpact du sida sur la production alimentaire na pas encore été mesuré précisément, car cette pathologie na pris quassez récemment des proportions épidémiques. Toutefois, les taux actuels de morbidité et de mortalité démontrent que, dans de nombreux pays, le sida a probablement un impact considérable sur la capacité des habitants à produire, transporter, vendre et acheter des denrées alimentaires.
Daprès les estimations, en zone rurale les niveaux de contamination par le VIH dépassent 30 pour cent dans certains groupes dâge. Selon certaines estimations, la mortalité liée au sida pourrait au bas mot réduire dun quart la force de travail adulte à lhorizon de 2010. Outre limpact direct sur les exploitations agricoles, les conséquences socio-économiques indirectes comprennent la disparition des structures traditionnelles dentraide familiale, la perte dune main-duvre compétente et la fonte des revenus des ménages. Le nombre des orphelins augmente rapidement dans tous les pays gravement touchés, de sorte que les stratégies traditionnelles de prise en charge - là où elles existent encore - pourraient bientôt se trouver débordées.
La physionomie de la malnutrition sera déterminée par la prévalence du VIH dans diverses communautés et par lefficacité des stratégies locales de prise en charge de ce problème. Ainsi, les zones rurales où les femmes jouent un rôle actif dans la production agricole, mais où 20 pour cent de celles qui fréquentent les consultations prénatales sont séropositives, courent inéluctablement vers un sérieux déclin de leur main-duvre adulte. Dans certaines communautés rurales de lAfrique subsaharienne, le VIH/sida est responsable dune pénurie de main-duvre pour les travaux des champs et les tâches ménagères. Outre le fait quils ne peuvent plus compter sur le travail des sidéens en raison de la maladie et de son issue fatale, les autres membres de la famille doivent consacrer une part de leur temps au soin des malades et négliger dautant leurs tâches agricoles et autres. La conséquence est la perte dun revenu potentiel. Lencadré 1 relate les difficultés rencontrées par une veuve de la Côte dIvoire.
Nombre de communautés rurales sont menacées dun recul de la production vivrière et dune altération de la sécurité alimentaire des ménages à cause de la mort de nombreux chefs de famille et de leurs épouses, emportés par le sida. Les conséquences comprennent aussi le déclin de létat de santé et de nutrition des familles dagriculteurs, déjà visible dans les communautés gravement affectées par le sida, où lon a constaté des changements dans le volume et la variété des récoltes; la baisse du niveau de formation des enfants qui sont forcés de quitter lécole; laffaissement du système social par la dissolution des familles, la multiplication des ménages dirigés par une femme seule, la croissance du nombre dorphelins et de paysans pauvres. Limpact du VIH/sida est probablement plus sévère au sein des groupes déjà rendus plus vulnérables par la malnutrition et linsécurité alimentaire. En tout état de cause, il faut évaluer soigneusement limpact du sida sur létat de nutrition des membres des ménages qui ne sont pas infectés.
Les coûts directs du traitement des sidéens en termes de médicaments, dhonoraires médicaux, dhospitalisation et autres sont énormes et dépassent de beaucoup les ressources disponibles en Afrique. Il est urgent dintroduire des mesures de prévention du sida ou de les renforcer par léducation sanitaire pour que chacun soit capable de se protéger contre cette infection. Le sida a pour autre conséquence majeure un surcroît de pression sur léconomie professionnelle du ménage. A cet égard, aucune politique, aucun programme nimporte autant que de donner aux personnes concernées les moyens de faire face à la perte de leur emploi. Une autre considération se rapporte au ciblage de lassistance sur les femmes et les enfants et, le cas échéant, sur les veufs qui élèvent leurs enfants. Enfin, il faut quun réel effort de coordination préside à tous les aspects des politiques mises en uvre.
ENCADRÉ 1 |
Partis pour la Basse-Côte en quête dun avenir meilleur, Jeanne et Roger, son mari, sont finalement revenus au village dorigine de Roger, à la suite dune maladie très débilitante dont ce dernier narrivait pas à guérir loin de chez lui. Après quelques tentatives de soins, Roger est finalement décédé au village. La coutume destinait Jeanne à un remariage avec lun des frères de Roger. Mais, confie la jeune femme, on raconte au village que je souffre du sida, la maladie qui a emporté mon mari, et les hommes me fuient. Si le fils aîné de Jeanne, qui est dâge scolaire, peut aller à lécole, cest grâce aux religieuses dune communauté catholique installée non loin du village. Pour assurer sa survie et celle de ses deux enfants, Jeanne ramasse du bois et travaille à la journée chez dautres femmes en échange de quelques bottes de riz. Il lui arrive aussi de vendre des condiments sur le marché le plus proche. Alors quauparavant Jeanne et ses enfants mangeaient régulièrement de la viande et du poisson, ce nest plus possible maintenant, à moins dun cadeau occasionnel de sa belle-famille. Le toit de sa modeste maison croule et devrait être réparé, mais aucun de ses beaux-frères na proposé ses services. Jeanne na pas les moyens dembaucher quelquun pour le faire. |
Source: FAO, 1997c. |
Notre science des actions nécessaires pour éliminer la faim et la malnutrition a progressé notablement au cours des trois dernières décennies. Le fait que la CIN se soit concentrée sur les facteurs du problème nutritionnel que constituent laliment, la santé, léducation et la prise en charge reflète lémergence dun consensus international sur les causes de la malnutrition et illustre la distance prise avec la vision plus étroite des années 60 et 70 centrée sur loffre alimentaire.
Les participants à la CIN ont examiné un large éventail de stratégies et dactions propices à la nutrition, structurées selon les principaux facteurs déterminants de la malnutrition (FAO/OMS, 1992a). Les actions analysées sétendent des politiques macroéconomiques de lagriculture et des revenus aux programmes spécifiques de nutrition et autres interventions directes. La Conférence a mis laccent sur la nécessité daffronter, dès le début de laction, les interactions nocives entre insécurité alimentaire, maladie, manque dhygiène, instruction insuffisante et sous-alimentation. Sans cela, les progrès réalisés grâce aux seules mesures agricoles ou sanitaires nauront que des effets limités sur lamélioration de la nutrition. La Déclaration mondiale sur la nutrition de la CIN est reproduite à lannexe 3.
Appuyant la CIN, la Déclaration de Rome sur la sécurité alimentaire mondiale, approuvée par le Sommet mondial de lalimentation qui sest tenu à Rome en 1996, invite tous les gouvernements à redoubler defforts et à privilégier les actions en faveur de la sécurité alimentaire et du mieux-être nutritionnel. Les paragraphes qui suivent attirent lattention sur certaines priorités daction.
Promotion dune agriculture et dune technologie alimentaire favorables à la nutrition
Lagriculture et les agriculteurs jouent un rôle évident dans la croissance économique de lAfrique. Il est urgent daugmenter lefficacité de lutilisation des ressources, tout en protégeant et, si possible, en renforçant la capacité productive de la base de ressources. La stratégie adoptée doit comprendre la planification de lutilisation du sol, suivie de la réalisation dactions respectant léquilibre entre les besoins à combler et les potentialités de la terre et de ses exploitants. La clé du succès réside dans la volonté de poursuivre une croissance économique compatible avec laccession des communautés les plus pauvres à des moyens dexistence stables et à une meilleure qualité de vie.
Dans certaines zones rurales, les problèmes nutritionnels dominants sont plus étroitement associés à la rareté de lemploi quà la pénurie de vivres. Dans les ménages défavorisés, la présence de la malnutrition est probable. La croissance du secteur de lalimentation et de lagriculture est vitale pour soulager la misère et assurer à la majorité de la population un approvisionnement alimentaire stable et suffisant. Les diverses primes versées aux producteurs et les technologies nouvelles qui augmentent la production et créent de lemploi dans le secteur agricole, notamment limplantation de petites et moyennes entreprises de transformation des aliments, peuvent contribuer à accroître les revenus, à réduire la pauvreté et à renforcer la sécurité alimentaire.
Il convient dencourager la production et sa diversification, de façon que les ruraux pauvres en tirent particulièrement profit. Parmi les mesures à prendre, figurent les interventions ciblées sur laugmentation de la productivité des petits agriculteurs, comme les primes à la production, le développement dinfrastructures efficaces de commercialisation, la recherche concernant les zones marginales et lagriculture pluviale. Limpact de tels programmes sur la nutrition peut être remarquablement rehaussé lorsquon les accompagne de services de vulgarisation efficaces, de facilités de crédit accessibles aux hommes et aux femmes et de mesures dencouragement à lemploi dengrais, de pesticides et autres intrants. Bien que les gains de productivité soient la clé du développement, il faut bien comprendre que la technologie seule ne peut pas mener très loin. Toutefois, la technologie combinée avec linvestissement dans les ressources humaines, notamment grâce à lenseignememnt aux travailleurs agricoles des deux sexes dans des matières telles que la nutrition, la santé et la population, peut être très profitable.
Lintroduction de considérations nutritionnelles dans les politiques et programmes de production peut, dune part, écarter le risque de certains effets adverses quelquefois associés aux nouvelles technologies et, dautre part, favoriser le bien-être nutritionnel. Le développement et lexpérimentation de technologies adaptées aux divers environnements agro-écologiques va sûrement représenter pour les décennies à venir une tâche majeure. On devra atténuer le risque sanitaire et nutritionnel du changement technologique (voir aussi la section relative à lagriculture irriguée au chapitre 4) en apportant beaucoup de soin à lélaboration des projets technologiques. Les personnes qui travaillent dans les secteurs de lagriculture, de la santé publique et de la nutrition, y compris les chercheurs, ont un rôle marquant à jouer dans lélaboration de meilleurs programmes agricoles.
Dans les pays fréquemment victimes de graves pénuries alimentaires, les pouvoirs publics complètent souvent les programmes du secteur agricole par des transferts alimentaires directs et des mesures en faveur de lemploi et des revenus (rations alimentaires, tickets de ravitaillement, prix subventionnés, etc.), dans le but de stabiliser la sécurité alimentaire et de protéger la situation nutritionnelle des ménages défavorisés. Une autre approche, très efficace pour son coût, mais plus lourde à gérer est possible: lintervention nutritionnelle.
Les actions nutritionnelles directes
Les actions nutritionnelles directes destinées à attaquer les problèmes nutritionnels immédiats réussissent le mieux quand elles impliquent activement les personnes concernées. Ces actions visent les problèmes liés à laccès à la nourriture (alimentation complémentaire, programmes alimentaires ciblés), les carences en micronutriments (programmes spécifiques), le savoir nutritionnel et le comportement (programmes déducation nutritionnelle), les cercles vicieux santé-nutrition (programmes de santé et dhygiène), ou une combinaison de ces problèmes. Lefficacité des interventions nutritionnelles directes a connu des progrès significatifs depuis le milieu des années 80, mais beaucoup peut encore être fait pour renforcer les meilleures pratiques de ces programmes.
Lalimentation complémentaire ciblée. Les programmes alimentaires sont généralement destinés aux personnes spécialement vulnérables à la malnutrition, comme les enfants et les femmes en âge de procréer et à faibles revenus. Les programmes alimentaires sont souvent un moyen relativement acceptable pour réaliser un transfert de revenus ciblé. Dans les pays dont le marché est mal structuré et peu efficace, ces programmes se sont révélés plus aptes à augmenter la consommation alimentaire que les transferts monétaires dimportance comparable. Les programmes dalimentation scolaire visent souvent à la fois laugmentation des taux de scolarisation et lamélioration de létat nutritionnel des écoliers. Dans de nombreux pays, ils sont combinés avec léducation nutritionnelle et le jardinage scolaire.
La protection des consommateurs par la qualité et la salubrité des aliments. La recherche dune nutrition satisfaisante exige que les aliments et leau disponibles soient sains et de bonne qualité. Le contrôle de la qualité et de la salubrité des aliments garantit le maintien des caractéristiques désirables des aliments tout au long des phases de production, manutention, transformation, emballage, distribution et préparation. Il contribue ainsi à promouvoir une alimentation saine, à réduire les pertes de denrées et à encourager le commerce intérieur et international. Le contrôle effectif de la qualité et de la salubrité des aliments est une nécessité, et les programmes correspondants peuvent comprendre un éventail de mesures allant des lois, règlements et normes aux systèmes dinspection et de surveillance, y compris les analyses de laboratoire.
Les programmes de lutte contre les carences en micronutriments. Des actions importantes ont connu le succès dans le domaine de la maîtrise des carences en micronutriments depuis le milieu des années 80. Mais il faut redoubler defforts et entreprendre des ensembles dactivités destinées à augmenter la disponibilité des aliments riches en micronutriments, à promouvoir des techniques de transformation et de conservation adéquates, à dispenser une éducation sur lalimentation et la nutrition, à favoriser la diversification des régimes alimentaires, à établir une législation et à réaliser des programmes relatifs à la fortification et à lenrichissement des aliments, enfin à appliquer des mesures appropriées de santé publique.
Promouvoir, par léducation, des régimes alimentaires et des modes de vie sains. La promotion de régimes alimentaires et de comportements plus sains est lun des aspects les plus importants de laction globale visant à améliorer la nutrition. Les gens doivent non seulement avoir accès à une nourriture variée, sans danger et abordable, mais aussi à des informations sur ce qui constitue un régime alimentaire sain et sur la meilleure manière de répondre à leurs besoins nutritionnels. Le Plan daction pour la nutrition de la CIN appelle à la réalisation de programmes déducation nutritionnelle à tous les niveaux, avec la participation des médias, des écoles primaires et secondaires, des projets de participation communautaire, des vulgarisateurs et des formateurs, par lintermédiaire desquels linformation nutritionnelle peut être communiquée. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que léducation nutritionnelle a ses limites. Pour désirables quils soient, de nombreux changements de comportement ninterviennent dans les ménages que si lon peut compter sur diverses ressources, y compris du temps.
Les programmes de nutrition/santé et les programmes intégrés de nutrition. Comme les problèmes de nutrition résultent de causes multiples, il semble logique de concevoir des politiques et des programmes à plusieurs composantes, afin dobtenir plus sûrement une amélioration de la nutrition. Une des méthodes qui se prête le mieux au choix dinterventions sanitaires et nutritionnelles et à leur ciblage consiste à surveiller la croissance des enfants. La CIN a donc demandé que les gouvernements développent et renforcent leurs systèmes de surveillance de la croissance et de soins de santé. Seule, la surveillance de la croissance ne saurait changer la situation nutritionnelle, mais elle fournit des informations utiles pour des activités comme lalimentation complémentaire, léducation nutritionnelle ou, le cas échéant, lorientation vers un service médical. Dans les projets intégrés de nutrition, la surveillance de la croissance des jeunes enfants menacés par la malnutrition et les conseils nutritionnels aux mères vont généralement de pair avec des interventions ciblées, comme les repas donnés sur place, les examens médicaux, les vaccinations ou le planning familial. Laccent est également mis sur la collaboration intersectorielle, car une approche sectorielle étroite centrée exclusivement sur la santé, lagriculture ou léducation ne pourrait pas sattaquer au problème nutritionnel de façon efficace.
La participation communautaire. Les ménages font normalement preuve du désir daméliorer la condition nutritionnelle de leurs membres les plus vulnérables et souvent aussi dune certaine maîtrise des connaissances pertinentes. Si la voie du succès reste bouchée, cest que tous les moyens nécessaires ne sont pas réunis, notamment la coresponsabilité de tous dans les décisions communautaires. Il faut donc uvrer à la reconnaissance de la coresponsabilité des groupes vulnérables en matière de nutrition communautaire. Cette reconnaissance sobtient en allouant aux femmes des ressources et des tâches de direction dans les programmes de nutrition communautaire, ou bien en aidant les membres de la communauté à se constituer en groupes qui devront posséder tout le savoir et tout le savoir-faire requis.
Sagissant du contrôle des ressources, laccès à la terre, même aux modestes lopins dont les groupements féminins ont besoin pour leurs jardins potagers, constitue encore un élément majeur de la sécurité alimentaire des ménages dans les pays à faible ou moyen revenu. Il est donc opportun dexaminer à nouveau la question du contrôle des femmes sur les ressources et sur la terre, dans la perspective de la sécurité alimentaire des ménages. Dans les pays pauvres, il est temps de favoriser laccès du plus grand nombre aux potagers familiaux à la périphérie des villes et à la campagne, ainsi que le développement des services agricoles dappui à ce sous-secteur.
Le développement des structures. Lurgence et limportance des problèmes de sécurité alimentaire et de nutritrion doivent apparaître clairement, si lon veut que les initiatives appropriées soient prises et que les appuis nationaux et internationaux leur soient assurés de manière durable. La mise en place de moyens structurels spécifiques à la nutrition est une condition fondamentale du succès des interventions nutritionnelles et de la surveillance continue de la situation nutritionnelle qui permet dévaluer les effets des politiques et des programmes et de les ajuster ensuite aux circonstances nouvelles.
Lapproche pragmatique, adoptée avec tant de succès dans certains pays, peut être considérée comme une alternative valable à la planification «parfaite» préalable à laction. Il est impératif que les structures gouvernementales, en particulier les ministères et les organisations non gouvernementales (ONG) impliquées dans les actions nutritionnelles soient bien coordonnées par un encadrement reconnu. Il est nécessaire de définir la base légale de la coordination officielle au niveau national, afin de garantir la durabilité et la cohérence des activités visant à améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition. La conquête du bien-être nutritionnel pose un défi que seul un engagement à long terme pourra relever.
[2] Le métabolisme basal se définit comme étant la dépense énergétique minimale compatible avec la vie. Il est mesuré sur un sujet au repos complet, à jeun et placé dans une ambiance à la température de 26 à 30 °C qui nactive aucun processus de production de chaleur. Son niveau dépend dun besoin physiologique variant selon le poids corporel, lâge et le sexe des individus. Le MB est une quantité théorique, puisquau sens strict il faudrait décomposer la population en catégories dâge et de sexe pour calculer leurs besoins énergétiques respectifs. Un tel effort de précision perdrait toute justification face à limprécision des données de production alimentaire qui sont souvent affectées dune marge derreur importante, sauf dans le cas des céréales. On utilise donc des facteurs de simplification pour estimer le MB moyen de la population et, par suite, ses besoins énergétiques alimentaires par personne. Les besoins énergétiques pour un niveau dactivité légère se situent entre 1 961 et 2 072 kcal par jour. |