1. Qu'entend-on par secteur informel alimentaire?

Paysannes dans la Vallée Humza, Nord du Pakistan (photo: O. Argenti)

Le «secteur informel» est multiforme. Il regroupe aussi bien des petites entreprises de production que des petits commerçants ou prestataires de services, des activités légales ou non, des petits métiers... Les domaines d'activité eux-mêmes sont très variés: bâtiment, réparation automobile, transport, artisanat, agro-alimentaire, etc.

Donner une définition univoque de la notion de «secteur informel» est difficile tant celle-ci recouvre des activités et des métiers variés. Il en va de même pour le terme «informel alimentaire». Ce guide se limitera donc à relever un certain nombre d'éléments récurrents et des caractéristiques attachées à ce secteur.

Les activités les plus visibles de l'informel alimentaire sont:

la production alimentaire (urbaine et périurbaine);
la restauration et le transport;
la vente au détail de produits frais ou préparés (par exemple: l'alimentation de rue, fixe ou ambulante) (voir tableau 1).

Dans la plupart des villes, toutes ces activités sont présentes même si l'importance de chacune varie que ce soit dans l'approvisionnement et la distribution alimentaires des villes ou dans l'emploi total, et ce même d'un quartier à l'autre.

Le secteur informel alimentaire est caractérisé par (voir aussi tableau 2):

l'absence de spécialisation: le commerce informel se développe davantage par la diversification des produits vendus;
un capital d'investissement très bas;
l'articulation des unités de production et de consommation: le commerce informel alimentaire peut être simultanément producteur et consommateurs de biens et de services alimentaires;
la non-tenue de comptabilité et le non-paiement total ou en partie des taxes;
la possibilité de s'articuler avec le secteur alimentaire formel afin de s'adapter à des demandes et à des clientèles variées. Il s'adresse, dans la majorité des cas, à des ménages et à de très petites entreprises ayant un pouvoir d'achat limité et variable;
des innovations plus sociales que techniques. Le secteur informel, par les relations qu'il entretient souvent avec le milieu rural parvient à fournir des matières premières à moindre coût. Les réseaux sociaux peuvent, en outre, lui fournir une main-d'œuvre quasi-gratuite (apprentis, membres de la famille nourris mais peu ou pas rémunérés).

Migration rurale-urbaine

La majorité des vendeurs ambulants des grandes villes sont issus de l'émigration rurale. Ainsi, toute tentative d'organiser et d'intégrer ces activités informelles doit-elle prendre en compte le processus d'exode rural. Il convient donc d'adopter une approche non pas locale, mais régionale voire nationale.

Source: Rungroekrit, 2001, p. 57.

Marché au détail de fruits et légumes, Lahore, Pakistan (photo: O. Argenti)

Marché informel, Sikasso, Mali (photo: S. Farolfi)

Tableau 1
Catégorisation des vendeurs
de rue à Bangkok
(Thailande)

Caractéristiques	Groupe menant une activité de survie	Groupe meneant une activité avec potentiel de croissance
Type de vente	vente ambulante ou semi-ambulante	vente en lieu fixe
Statut de l'entreprise	illégal	légal
Type de logement	logement de location situé dans les bidonvilles	maison située en ville
Niveau de compétences	pas de formation formelle, peu ou pas de formation informelle	formation en tous genres (cuisine, sécurité alimentaire)
Niveau d'enseignement	enseignement primaire	enseignement secondaire
Capital de départ	nouvel émigré rural	originaire de la ville ou émigré rural de longue date
Résidence	très bas (entre 300 et 400 Bahts/jour)	plus élevé (autour de 3000 Bahts/jour)
Salaire	très bas (1000 Bahts*, perche à paniers)	plus élevé (voiture, location d'un étal)

Source: Rungroekrit, 2001, p. 36-37.

(*) Le «Baht» est la monnaie nationale thaïlandaise (US$ 1 = 43.79 Bahts en mars 2002).

Tableau 2
Activités de l'informel alimentaire par sexe

L'informel alimentaire, comme d'autres secteurs, voit ses activités se partager entre homme et femme.

Les femmes sont globalement majoritaires dans la petite restauration et dans l'alimentation de rue. Traditionnellement compétentes dans ces activités, elles disposent déjà des ustensiles de cuisine nécessaires et les plats cuisinés leur permettent également de nourrir leur famille à moindre coût.

Dans la vente au détail, la spécialisation sexuelle dépend parfois:

du produit commercialisé: en Afrique de l'Ouest, les grillades de viandes sont proposées par les hommes, tandis que les femmes vendent des plats préparés. A Dar es Salaam, les femmes prenant part aux activités informelles se concentrent dans la restauration (Mamantilie). Les hommes, quant à eux, s'occupent du commerce de biens de première nécessité ainsi que des produits de luxe (téléphonie mobile, cigarettes et horlogerie);
de la ville: à Calcutta, les hommes tiennent la majorité des 130 000 étals proposant des biens et services alimentaires; à Bangkok par contre, les deux tiers des vendeurs sont des femmes.