Définir les rôles
Obtenir des informations générales
Définir des objectifs nutritionnels
Choisir les activités forestières et nutritionnelles
Utiliser des indicateurs nutritionnels pour le suivi et l'évaluation des projets
La première partie du présent manuel a décrit les liens théoriques entre foresterie et nutrition. La deuxième partie abordera une série de questions telles que: comment les forestiers peuvent-ils intégrer la nutrition dans les projets? De quelle manière établissent-ils un lien entre leurs connaissances techniques et le bien-être nutritionnel des villageois?
Les directives suivantes fournissent une approche permettant d'incorporer la nutrition dans des projets forestiers lorsque le bien-être nutritionnel est l'un des buts généraux du projet. Les étapes à suivre sont au nombre de cinq: définir les rôles; obtenir des informations générales; identifier des objectifs spécifiques; choisir les activités; suivre et évaluer le projet. Les étapes ne forment pas une séquence et il faudra les adapter aux cas individuels. Par exemple, on devra parfois établir les buts et les objectifs du projet avant de définir les rôles en fonction des objectifs nutritionnels. Il faudra, dans bien des cas, revenir à certaines étapes, comme la collecte d'informations, à plus d'une reprise au cours du déroulement du projet. Enfin, on devra tenir compte du fait que les étapes ne peuvent être considérées isolément. En d'autres termes, on ne pourra les compléter en ignorant les autres éléments du processus. Il sera sans doute nécessaire de réexaminer les objectifs à la lumière des limitations de temps et de personnel. Les fiches de travail contribueront à définir l'approche.
Un élément essentiel de cette méthodologie est la participation active des membres de la collectivité à tous les aspects du projet. En insistant, dans tous les projets forestiers - et pas seulement dans les projets de foresterie communautaire - sur les besoins locaux et sur les différentes utilisations des arbres, la foresterie pourra exercer une influence positive sur le bien-être nutritionnel.
Si le projet ne fait pas appel à un nutritionniste, à qui incombera la responsabilité de ces aspects nutritionnels? Si un nutritionniste est présent sur le projet, à quel stade et à quel niveau interviendra-t-il? La fiche de travail A propose une liste de questions qui aideront à définir les rôles individuels au sein du projet.
Fiche de travail A Objectif: identifier les personnes qui interviendront dans la composante nutrition du projet et le rôle que joueront, le cas échéant, les nutritionnistes. Responsables: le planificateur du projet, le personnel et la collectivité. Questions 1. Quel est le rôle des considérations nutritionnelles dans le projet? 2. Combien de temps et de personnes faut-il pour s'acquitter des tâches associées aux aspects nutritionnels du projet forestier? 3. Quelle est la composition de l'équipe? 4. Si l'équipe comprend un nutritionniste, quelle est sa fonction? 5. Engagera-t-on un nutritionniste comme consultant? Si tel est le cas, quelles sont les tâches qui lui incomberont? 6. Y a-t-il un nutritionniste capable d'agir en qualité de spécialiste? Dans ce cas, quelles informations pourra-t-il fournir? 7. Dans quelle mesure les membres de la collectivité sont-ils à même de fixer des buts et des objectifs, de mettre en uvre le plan et d'en suivre le déroulement? 8. Si l'équipe du projet ne comprend pas de nutritionniste, à qui incomberont les aspects nutritionnels? |
Identifier les sources d'information et collecter les données
Analyser les informations de base
L'obtention d'informations générales est un processus continu. Les membres de l'équipe doivent identifier les sources, y compris les populations locales, l'origine des informations existantes et les méthodes servant à s'en procurer de nouvelles. Par la suite, de concert avec la collectivité, l'équipe analyse les informations de base et/ou rassemble des données additionnelles concernant les caractéristiques physiques et socio-économiques, les considérations nutritionnelles ou de sécurité alimentaire et l'utilisation de la forêt et des arbres dans la zone du projet. Les annexes 1 et 2 contiennent une liste de sources et de questions générales détaillées.
De nombreux individus sont des sources potentielles d'information. Les entrevues fournissent des renseignements précieux sur les personnes ayant accès aux ressources et sur la façon dont les populations locales définissent une mauvaise alimentation. Parmi les sources clés d'information, on peut citer les agents de santé, le personnel du projet, les vulgarisateurs, les membres d'ONG (y compris les organisations religieuses), les enseignants, les chefs d'association ou de villages et les nutritionnistes locaux.
En ce qui concerne la nutrition, il est particulièrement important de rencontrer les groupements de femmes car c'est généralement d'elles que dépendent l'alimentation et les soins de la famille. Souvent ces groupes sont en mesure de fournir des informations concernant la nourriture, les médicaments et l'état de santé de la collectivité. En outre, ils seront à même de proposer des objectifs et des indicateurs nutritionnels qui intéressent la population locale. Les directeurs et les planificateurs de projet souhaiteront peut-être s'entretenir avec un nombre restreint de paysans et de paysannes soigneusement choisis et appartenant à différentes couches sociales, ainsi qu'avec des paysans sans terre, et aborder avec eux des questions liées aux cultures, aux revenus et aux utilisations des arbres et de leurs produits. Une fois que les sujets nutritionnellement vulnérables auront été identifiés, ils pourront eux-mêmes fournir des informations valables sur leur propre situation, ses raisons d'être et la manière dont ils souhaiteraient voir affronter leurs problèmes.
Diagnostic rural rapide dans le nord-est de la Thaïlande En faisant appel à des techniques de diagnostic rapide, Somnasang et al., ont étudié l'emploi des aliments naturels dans le nord-est de la Thaïlande. Plus précisément, les chercheurs voulaient connaître l'origine des aliments, leurs quantités et disponibilité, les facteurs influençant leur volume et leur source, les systèmes d'acquisition, les méthodes de préparation et de cuisson, le rôle du goût, des attitudes et des croyances. Ces informations ont servi à évaluer les effets sur la nutrition de changements dans les systèmes agricoles. Les techniques utilisées pour la collecte des informations consistaient essentiellement en entrevues semi-structurées, observation directe et photographie. Les méthodes étaient rapides, ouvertes et adaptées à la préparation d'une étude plus détaillée. Se servant d'un schéma préétabli pour les entrevues, en 1984-85 les chercheurs ont visité huit villages dans trois provinces, à raison d'une visite par saison agricole. Quinze jours au total ont été consacrés à la section de l'étude portant sur les recherches de terrain (Somnasang et al., 1988). |
Outre les entrevues, il est souvent utile de faire appel à des inspections visuelles. L'observation directe et les photographies d'activités forestières courantes fourniront des informations tant sur les utilisateurs des terres que sur leurs objectifs. Des photographies d'enfants peuvent mettre en évidence des problèmes nutritionnels graves.
Une autre source valable est le matériel imprimé. Une recherche sur la zone, au travers de textes décrivant les différences de classe/caste et les systèmes d'utilisation des ressources en termes de propriété et d'accès, fournira des renseignements sur la nutrition et les utilisations forestières. La recherche devra s'effectuer dans le cadre de diverses disciplines, y compris l'histoire, les sciences politiques, l'économie, l'anthropologie et l'ethnobotanique. Elle permettra de déterminer les groupes qui paraissent vulnérables sur le plan nutritionnel, ceux qui tirent profit d'activités liées à des ressources spécifiques et, dans la mesure du possible, les diverses utilisations des forêts et des arbres. Des études sur la santé (y compris les pratiques sanitaires traditionnelles) et des rapports sur des cas de malnutrition et de maladies permettront de connaître les problèmes nutritionnels locaux. Des enquêtes nutritionnelles et des études sur les causes de la malnutrition dans la zone fourniront des informations supplémentaires sur l'état nutritionnel des villages intéressés par le projet. On trouvera à l'annexe 1 une liste de sources d'information et, au tableau 1 de la première partie, différents types de renseignements permettant de déterminer le bien-être nutritionnel.
En identifiant les sources à exploiter pour obtenir des informations valables, les planificateurs devront toujours tenir compte du personnel, du temps et des moyens financiers disponibles. Par exemple, il pourrait être déconseillé d'envisager l'emploi d'équipement photographique ou vidéo du fait de leur coût ou de l'impossibilité de les trouver sur place. En outre, il conviendra de définir le niveau de compétence nécessaire des enquêteurs, et le temps et l'énergie que le projet entend consacrer à leur formation en techniques de collecte d'informations.
On devra également tenir compte du type d'informations vraiment nécessaires. Il est tentant, mais souvent inutile, d'essayer d'avoir accès à toutes les sources potentielles disponibles. La seule information ayant une valeur réelle est celle qui peut être et qui sera utilisée. Certaines informations revêtiront une importance extrême, comme celles recueillies avant le démarrage d'un projet, car elles fournissent des renseignements de base pour le suivi et L'évaluation, et pour en déterminer l'efficacité.
Enfin, dernier facteur important, il faudra tenir compte des moyens dont on dispose pour analyser les données avant de décider quelles informations recueillir. S'il est plus simple d'envisager la collecte de toutes les données pertinentes disponibles, il n'est souvent ni possible ni souhaitable de le faire.
Fiche de travail B Objectifs: identifier les sources d'information, y compris les populations locales, le matériel imprimé et autres. Responsables: membres de l'équipe et collectivité Questions 1. Quels sont les besoins d'information du projet à ce stade? 2. Quelles sont les sources d'information existantes concernant la collectivité, ainsi que les femmes et les hommes qui y vivent (voir également Annexe 1)? Par exemple: · population locale 3. Parmi ces sources, lesquelles sont accessibles? 4. Est-il nécessaire de disposer d'informations complémentaires provenant d'autres sources? Si tel est le cas, le diagnostic rural rapide est-il une méthode appropriée? Une entrevue serait-elle préférable? Ou des photos? 5. Sur quelle quantité de main-d'uvre peut-on compter pour collecter et analyser les informations (au sein du personnel ou de la collectivité)? Quel est le niveau de compétence des enquêteurs? Sont-ils en mesure d'effectuer une recherche et une collecte appropriées? Le projet entend-il former des enquêteurs ou des analystes? |
Une fois que les besoins d'information et les sources optimales de données ont été établis, la collecte proprement dite peut démarrer. Quels sont les problèmes spécifiques de la collectivité et quels sont les groupes vulnérables? Quels critères utilise-t-on pour déterminer la vulnérabilité nutritionnelle? Par exemple, s'agit-il de ménages qui affrontent des situations d'insécurité alimentaire saisonnière ou d'enfants de moins de cinq ans? Les renseignements provenant de la collectivité sont particulièrement importants car l'évaluation du projet faite par cette dernière, en fonction de ses propres besoins, devrait servir de base aux forestiers pour estimer la durabilité des initiatives du projet. On pourra incorporer les besoins d'information des populations locales à ceux du projet. L'information doit circuler dans les deux sens entre la collectivité et les planificateurs du projet.
Il faudra rassembler des informations sur les utilisations des arbres et de la forêt, qui sont directement ou indirectement liées à la nutrition de la communauté. Quels sont les aliments forestiers consommés et qui en sont les consommateurs? Quelle est la teneur en éléments nutritifs de ces aliments? Observe-t-on des variations saisonnières dans les régimes et les disponibilités alimentaires? Il est également indispensable de savoir qui sont les consommateurs d'en-cas et quels sont les produits vendus ou achetés. L'annexe 2 fournit une liste de questions qui facilitera la collecte de ces informations.
Une fois ces informations rassemblées, il faudra les analyser. Elles contribueront à la définition des objectifs et des activités du projet. Par exemple, si l'on s'aperçoit que la cécité entraînée par le manque de vitamine A constitue un problème local, le projet pourra se fixer pour objectif de réduire cette carence en fournissant à la collectivité un choix de plantes pérennes appropriées. Certaines de ces dernières sont d'excellentes sources de carotène (6) et on pourra les fournir aux pépinières dans un programme de jardins scolaires. Il pourrait s'avérer difficile d'évaluer les variations dans l'incidence de la cécité à court terme. Cependant, les planificateurs de projets forestiers peuvent surveiller les sources d'aliments riches en carotène accessibles aux familles ou aux groupes souffrant de cette carence.
6 L'organisme transforme, on l'a vu, le carotène en vitamine A. Il existe différentes sortes de carotène; l'une d'entre elles, le carotène bêta, est la source la plus importante de vitamine A dans les régimes alimentaires africains (Latham 1979)
En collectant les données, il faudra également tenir compte du fait que les besoins d'informations sont susceptibles de varier. Celles obtenues après le démarrage d'un projet sont souvent plus pertinentes (7) que les renseignements généraux et peuvent même les compléter. L'information concernant l'utilisation locale des forêts et des arbres et les problèmes de nutrition aidera à modifier ou à élargir la portée des objectifs et/ou des activités du projet. Par ailleurs, on pourra consulter un nutritionniste à n'importe quel stade du déroulement du projet afin d'obtenir des renseignements supplémentaires.
7 Les avantages potentiels de l'information recueillie au cours du projet sont les suivants:1. Fiabilité majeure des données recueillies par l'équipe elle-même.2. Meilleure actualisation des données par rapport à celles fournies précédemment.
3. Possibilité de vérifier la fiabilité des données générales en les comparant aux données collectées par l'équipe.
Fiche de travail C Objectifs: · identifier les problèmes nutritionnels et les sujets vulnérables au plan nutritionnel · définir les différentes utilisations des ressources forestières · obtenir des informations de base sur les caractéristiques physiques et socio-économiques de la collectivité · créer une base d'informations permettant de mesurer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs Responsables: · un nutritionniste ou la personne chargée de la composante nutrition du projet, en collaboration avec la communauté Questions 1. Quels sont les problèmes de nutrition et de sécurité alimentaire de la collectivité? 2. Comment utilise-t-on les ressources forestières dans la zone? 3. Quels sont les sujets vulnérables sur le plan nutritionnel (par exemple, les paysans sans terre, certaines familles dans une zone donnée, les femmes enceintes, les nourrissons, etc.). 4. Quelles sont les caractéristiques physiques, socio-économiques et culturelles de la zone? 5. En fonction de l'information recueillie, que faudrait-il savoir de plus? Comment peut-on obtenir ces informations supplémentaires? |
Après avoir collecté les données générales, on devra définir clairement les objectifs nutritionnels (8). Ils pourront l'être soit à court terme soit à long terme. On peut citer à titre d'exemples d'objectifs possibles: l'amélioration, grâce à des sources forestières, de la disponibilité d'éléments nutritifs absents de l'alimentation d'origine non forestière, ou bien, la fourniture de nutriments destinés à combler une carence spécifique. La réduction des pénuries alimentaires saisonnières pourrait également constituer un objectif nutritionnel: les pépinières et les plantations fournissent souvent des arbres susceptibles de produire des aliments ou du fourrage pendant la soudure ou la saison sèche. Un autre objectif envisageable serait d'atténuer les éventuels effets négatifs du projet sur la disponibilité d'un élément nutritif spécifique, en offrant à la population une compensation pour la réduction de ses possibilités d'accès aux ressources forestières. Parmi les objectifs potentiels, citons encore l'augmentation des vivres disponibles ou des rentrées d'argent pour la famille, l'accroissement du temps dont disposent les femmes pour la garde des enfants et la préparation des repas, ainsi que l'amélioration de l'environnement ou du niveau de vie.
8 Il importe de faire la distinction entre buts et objectifs du projet. Tel que défini dans le présent manuel, le but d'un projet est une amélioration d'ordre général comme la nutrition. L'objectif du projet, lui, est une amélioration spécifique, par exemple la disponibilité accrue d'aliments riches en carotène dans le cadre du but qui est l'augmentation du bien-être nutritionnel.
Les objectifs nutritionnels spécifiques d'un projet forestier dépendront de ses buts généraux, de la durée prévue du projet et des désirs de la collectivité. Il est très important que les membres de celle-ci contribuent à définir les objectifs. Les nutritionnistes collaboreront en fournissant une vue d'ensemble des problèmes nutritionnels et de leurs causes (ou des moyens de les atténuer).
Dans le cas de projets forestiers qui ont déjà démarré ou sont en voie de réalisation, on pourra intégrer un objectif nutritionnel. Il consistera par exemple, au niveau du suivi du projet, à s'assurer que le projet n'affecte pas négativement l'état nutritionnel de la collectivité.
Restauration des forêts dans le nord-est de la Thaïlande Lors de la formulation d'un projet multidisciplinaire et diversifié de restauration forestière dans le nord-est de la Thaïlande (conçu davantage comme un projet de développement rural intégré, où la foresterie est l'activité de base, que comme un projet sectoriel), il était prévu que la plantation d'arbres, de parcelles boisées, de haies et de rideaux-abris ait un impact favorable sur les activités des femmes, la fertilité des sols, la production agricole et l'emploi, et que cet impact contribue au bien-être nutritionnel des membres de la collectivité (voir figure 1). La production agricole devait augmenter grâce à la plantation de légumineuses fixatrices de l'azote et le projet, à fort coefficient de main-d'uvre, devait fournir des emplois à 200 personnes chaque jour (Thompson 1984; voir également FAO, Forestland for the people). |
Fiche de travail D Objectif: définir les objectifs nutritionnels et les bénéficiaires en fonction du diagnostic initial de la zone (fiche de travail C) Responsables: nutritionniste ou personnes chargées de la composante nutrition, en collaboration avec la collectivité. Questions 1. Comment les ruraux, hommes et femmes, perçoivent-ils les besoins nutritionnels de la collectivité? Quelles priorités accordent-ils à ces besoins? 2. Quels problèmes nutritionnels additionnels a-t-on identifié (le cas échéant)? 3. Les besoins nutritionnels sont-ils liés: à la sécurité alimentaire de la famille? 4. Si le besoin nutritionnel identifié est satisfait, qui seront les bénéficiaires? Toutes les familles de la communauté ou un type particulier de ménages (femmes chef de famille, chômeurs, paysans sans terre, petits agriculteurs ou une autre catégorie de déshérités)? Privilégiera-t-on les familles vivant dans une zone particulière; des individus particuliers (par exemple, ceux souffrant de carences nutritionnelles, les enfants, les femmes enceintes, les personnes âgées, ou d'autres encore)? 5. Comment la forêt et les arbres peuvent-ils améliorer la situation nutritionnelle de la zone du projet? Quels types d'activités arboricoles la collectivité aimerait-elle entreprendre pour améliorer son état nutritionnel? |
Disponibilités alimentaires
Activités lucratives
Conditions environnementales
Temps dont disposent les femmes
Le pas suivant consiste à choisir les activités forestières qui peuvent contribuer à la réalisation des objectifs nutritionnels. Il existe de nombreuses activités forestières liées à la nutrition: l'aménagement des forêts naturelles ou artificielles pour fournir à la population locale les produits vivriers dont elle a besoin; l'appui fourni aux activités qui maximisent les bénéfices en faveur des pauvres; une meilleure diversification des réalisations du projet afin de minimiser les risques et d'optimiser les avantages nutritionnels.
Il faudra consulter les membres de la communauté, les chefs de village, les agents de santé et les enseignants. Il est évident que les activités liées à la nutrition varieront d'un projet à l'autre. Les membres de la collectivité, les planificateurs du projet et les nutritionnistes devront dès lors choisir les activités du projet en fonction des objectifs et des ressources disponibles.
Dans les pages qui suivent (voir l'annexe 3) sont proposées des idées d'activités forestières liées à la nutrition, qui portent spécifiquement sur les disponibilités alimentaires, la création de revenus, l'environnement et l'emploi du temps des femmes.
Choisir les activités appropriées Lorsque l'on choisit les activités les plus appropriées pour atteindre les buts et les objectifs nutritionnels d'un projet, on devra tenir compte de divers facteurs importants: 1. Faire participer la collectivité aux efforts visant à relier les activités aux objectifs: "(L'une des) raisons principales de l'incompatibilité fréquente entre intervention et besoins... réside dans le manque de communication avec les agriculteurs et leurs familles (Arnold 1991:22)". 2. Evaluer les possibilités d'effets imprévus dus au projet: Dans un projet d'irrigation au nord du Nigeria les objectifs principaux visés étaient, entre autres, l'augmentation des disponibilités alimentaires nationales, la création d'emplois et l'amélioration des conditions de vie. Malheureusement, les activités du projet ont produit plusieurs effets néfastes inattendus. L'irrigation a favorisé la multiplication des adventices et des ravageurs lesquels ont augmenté les besoins de main-d'uvre agricole, apporté des modifications aux systèmes de production et diminué la diversité des cultures. En outre, la régression des espaces boisés due à la mise en place de chantiers de construction a obligé les femmes à consacrer plus de temps à la collecte de bois de feu, ce qui a modifié les rythmes quotidiens et réduit le temps disponible pour les activités lucratives (DAWN 1985). 3. Concevoir des activités compatibles avec le contexte social: "Dans la quasi-totalité des cas, les arbres et les produits forestiers font intimement partie de systèmes sociaux et d'exploitation des ressources qui sont souvent d'une grande complexité...Aussi importante qu'elle sort, la foresterie communautaire ne pourra jamais être plus qu'un élément mineur du système rural. Il est illusoire de penser que les projets et programmes de foresterie communautaire peuvent accélérer les changements sociaux ou institutionnels qui ont lieu au sein même de la société. Pour qu'ils réussissent, il faudra que ces projets et programmes soient compatibles avec le cadre plus général dans lequel ils se situent...Les initiatives auront beaucoup plus de chances d'aboutir si elles respectent des pratiques et des droits profondément ancrés...(Arnold 1991:23) |
Fiche de travail E Objectifs: choisir des activités forestières et évaluer leur effet sur le bien-être nutritionnel. Responsables: nutritionniste, ou personne chargée des aspects nutritionnels, forestiers, collectivité. Questions 1. Quelles sont les activités envisagées? (Voir annexe 3 pour des exemples d'activités). 2. Les activités portent-elles sur: · la sécurité alimentaire de la famille? 3. Quels sont les intrants requis (crédits, main-d'uvre, etc.) et les quantités ou niveaux nécessaires? 4 Les activités auront-elles un effet négatif sur la nutrition? Par exemple, en réduisant l'accès à la forêt de ceux qui dépendent le plus de ses ressources, en diminuant la production vivrière, ou en accroissant le temps que les femmes consacrent à une activité donnée (par exemple, la collecte du bois de feu). 5. Quels sont les autres compromis possibles d'ordre social, culturel, économique ou autre? Les avantages pour les personnes concernées les compensent-ils? |
Si l'objectif d'un projet est d'augmenter les disponibilités de vivres non achetés, les activités du projet porteront, par exemple, sur la production vivrière, la récolte d'aliments, l'aide alimentaire ou le stockage des vivres. Les projets peuvent viser la production en forêt de champignons, de miel, de noix, de feuilles, de fruits, de racines ou d'animaux sauvages, ou tâcher d'améliorer l'accès à ces ressources. C'est ainsi que la plantation d'arbres produisant des fruits ou des baies, en bordure de route ou dans les jardins familiaux, constituerait une activité de projet envisageable. Les activités forestières fournissent un apport nutritionnel direct lorsqu'elles sont axées sur le choix d'essences donnant des produits comestibles compatibles avec les habitudes alimentaires locales durant la morte-saison. En outre, en utilisant le matériel de construction tiré de la forêt pour bâtir des silos, on contribuera à étaler les disponibilités alimentaires sur toute l'année.
Les projets forestiers peuvent améliorer indirectement les régimes alimentaires s'ils intensifient la production de fourrage et de médicaments à usage vétérinaire. Ces améliorations permettront d'augmenter la production de lait et de viande, ainsi que l'énergie animale disponible, ce qui à son tour favorisera la production agricole. L'introduction de techniques de conservation des aliments telles que le séchage/fumage et la fermentation aura également des effets bénéfiques sur la collectivité. La production de bois de feu permettra d'augmenter la quantité des aliments préparés et consommés ou de réduire l'incidence des maladies dues à la contamination d'aliments mal cuits. Les activités forestières devraient s'efforcer de satisfaire les besoins alimentaires locaux, en particulier lorsque la satisfaction de ces besoins est menacée par des utilisations concurrentielles de la forêt comme la production de bois d'uvre pour l'industrie ou pour l'exportation, ou l'utilisation de la forêt à des fins récréatives. Les activités forestières qui contribuent à la production vivrière pourraient être orientées vers les groupes vulnérables de la collectivité.
A court terme, un important bénéfice nutritionnel indirect lié à la forêt découle de la possibilité d'en tirer des revenus. De ce fait, un projet forestier pourrait avoir pour objectif d'augmenter le bien-être nutritionnel grâce à des activités lucratives. La vente de fruits, de champignons, de médicaments, de bois de feu et d'autres produits forestiers fournit un revenu aux femmes et aux groupes défavorisés. Il a été observé, au cours d'une enquête, que plus de 50 pour cent des villageois d'une collectivité philippine dégageaient des revenus de la vente de bois d'uvre et de rotin (Siebert et Belsky 1985). Les petits ateliers d'ameublement représentent également une source de revenu familial dans de nombreux pays, dont l'Egypte (Mead 1982).
Fruits forestiers Au Swaziland, Ogle et Grivetti ont observé que les fruits sauvages se consomment principalement comme en-cas durant le travail ou les déplacements. En outre, les enfants mangent souvent ces fruits sauvages qui fourniraient la majeure partie de l'acide ascorbique (vitamine C) durant les mois d'hiver (Ogle et Grivetti, 1985). |
Cependant, la promotion d'activités génératrices de revenus pour les populations rurales pauvres requiert une analyse attentive du contexte local. Les projets forestiers, dont l'objectif est d'améliorer la nutrition moyennant l'accroissement des revenus monétaires, aboutissent parfois à la dégradation du bien-être nutritionnel, notamment pour les sujets les plus vulnérables ou dépendants. Tel peut être le cas, par exemple, lorsque la commercialisation d'un produit donné, tel le bois de feu ou un aliment forestier, en prive ceux qui y avaient traditionnellement accès. L'état nutritionnel peut aussi se dégrader si la vente d'aliments forestiers détermine une fluctuation de la disponibilité ou des prix des denrées alimentaires, ou encore si ces fluctuations obligent certains individus (les femmes en particulier) à consacrer davantage de temps à des activités de subsistance qu'à la génération de revenus (FAO 1989b). Par ailleurs, le développement de plantations forestières accroît parfois la dépendance des habitants vis-à-vis des produits vivriers venant de l'extérieur. Ceci, combiné avec l'irrégularité des transports, peut entraîner une déstabilisation des disponibilités alimentaires locales, qui pourrait à son tour provoquer une augmentation des prix des vivres dont les répercussions frapperaient davantage les plus pauvres de la collectivité (et sans doute les plus vulnérables au plan nutritionnel). Bien qu'on ne dispose pas de données pertinentes sur le rapport entre cultures de rente et nutrition, plusieurs études indiquent que, sans une planification soignée, les cultures de rente (y compris les plantations forestières) risquent de compromettre l'état nutritionnel (von Braun et Kennedy 1986).
Des revenus tirés des forêts de Zambie La pauvreté reste le facteur qui contribue le plus à la malnutrition. En Zambie, de nombreuses familles pauvres destinent de 70 à 80 pour cent de leur revenu à l'achat de vivres. Les petites entreprises forestières offrent des occasions à ces ménages. La fabrication de charbon de bois, la fabrication de meubles, la collecte du miel, la vente d'aliments et la production de boissons sont des activités très répandues. De plus, de nombreux individus, notamment des femmes, gagnent de l'argent en vendant des chenilles, des champignons, des fruits et du miel. En général, les revenus gérés par les femmes servent davantage à nourrir la famille que ceux gérés par les hommes. Il est, dès lors, important de mieux comprendre comment les femmes accèdent au crédit, aux marchés et au commerce, et comment elles organisent leur temps et leur travail. En Zambie, le Ministère des coopératives et de la commercialisation, l'Organisation pour le développement des petites industries et les organisations non gouvernementales (telles que les services des entreprises villageoises) fournissent ce type d'informations (Ogle 1987). |
Il faudra prévoir les éventuels effets négatifs d'un projet de manière à planifier les ajustements voulus, et en évaluer l'impact sur les disponibilités alimentaires. Si le projet risque de les réduire, il devra assurer à la population suffisamment de revenus pour compenser cette diminution. En outre, il sera nécessaire que les marchés soient approvisionnés en vivres. Il est également très important d'identifier dans la collectivité les individus qui souffriront le plus des effets négatifs du projet et d'envisager des activités propres à les dédommager.
Il existe trois catégories d'activités forestières liées aux aspects environnementaux et qui sont en rapport avec le bien-être nutritionnel. En premier lieu, les activités de protection de l'environnement permettent de régulariser la production vivrière et fourragère. Ensuite, les activités visant la protection des bassins versants peuvent améliorer les ressources en eau et réduire la propagation des maladies transmises par l'eau. Enfin, les produits forestiers servent à construire des maisons.
A long terme, les activités spécifiques visant à améliorer les conditions de l'environnement jouent un rôle crucial dans l'amélioration de la nutrition. Les systèmes de production agricole durables nécessitent souvent des apports forestiers, notamment dans les régions de collines, les zones surexploitées ou celles menacées d'érosion. Par exemple, les graminées, les arbustes ou les arbres jouent un rôle de premier plan dans la culture en courbes de niveau, l'établissement de brise-vent ou la formation de litières de feuilles.
Moringa oleifera, un dépolluant de l'eau Au nord du Soudan, les villageois cultivent un arbre polyvalent, Moringa oleifera, de la famille des moringacées (qui comprend un seul genre et dont les représentants sont des arbustes et des arbres), pour en tirer un coagulant capable de purifier l'eau. Non seulement les femmes utilisent ses feuilles pour en faire des sauces, mais elles s'en servent pour dépolluer les eaux troubles du Nil. Selon la qualité de l'eau non traitée, de 30 à 200 mg de graines par litre transforment en deux heures l'eau trouble du fleuve en une eau aussi claire que celle du robinet. L'élimination de la turbidité s'accompagne d'une diminution d'environ 99 pour cent de la flore bactérienne. L'Indonésie a lancé des projets de purification de l'eau fondés sur l'emploi des graines de cette essence (Jahn et al., 1986). |
Des molluscicides provenant des forêts camerounaises Certaines plantes cultivées et sauvages du Cameroun contiennent des ingrédients phytochimiques molluscicides. Les éléments actifs les plus communs de ces plantes, à savoir les saponosides et les saponines, se dégradent rapidement et, à la différence des pesticides artificiels, perdent leur toxicité en quelques jours. Introduit directement dans l'eau ou incorporé au savon de lessive, cet extrait végétal pourrait intervenir dans la lutte contre la schistosomiase. Parmi les arbres et arbustes qui ont des propriétés molluscicides on peut citer Acacia nilotica, Balanites aegyptiaca, Croton macrostachyus, Dichrostachys glomerata, Jatropha gossypiifolia, J. curcas et Phytolacca dodecandra (Thomas et Tobias 1987). |
S'attaquer au problème de la disponibilité et de la qualité des ressources hydriques à partir de la protection des bassins versants peut constituer un aspect important des projets forestiers. Les projets pourraient se fixer comme objectifs la mise en place de puits en tant que composante d'activités liées aux pépinières, la protection des bassins versants, la mise au point de mesures de lutte contre l'érosion et la collecte de l'eau. L'emploi de molluscicides tirés des produits forestiers peut contribuer à rendre l'eau potable. En réduisant, de ce fait, le taux d'infection due à la schistosomiase, on agira aussi sur la malnutrition. Par ailleurs, les coagulants naturels tirés des arbres permettent de purifier l'eau.
Les projets forestiers peuvent aussi avoir pour objectif d'augmenter la disponibilité de matières premières servant à la construction d'habitations. En installant des latrines à proximité de celles-ci, on contribue de façon significative à diminuer les maladies et, partant, à augmenter le bien-être nutritionnel.
Les activités qui visent à augmenter le temps dont disposent les femmes, à l'aide de techniques permettant des économies de main-d'uvre, leur laissent plus de temps pour la transformation et la préparation des aliments, la production vivrière, la garde des enfants, les loisirs et, le cas échéant, les activités lucratives. Les projets qui accroissent la disponibilité de l'eau, du fourrage ou du combustible permettent de réduire le temps que les femmes consacrent à la collecte de ces produits. Certes, le choix des activités devra tenir compte des priorités des femmes et des exigences du système de production vivrière de la famille.
Les femmes ne tirent pas toujours bénéfice des activités lucratives. Ces activités peuvent parfois entraîner des transferts de responsabilités au niveau de la production et des revenus dégagés. Dans certains cas, ce sont les femmes qui travaillent et les hommes qui contrôlent les revenus. En outre, les femmes ne disposent souvent que d'un temps limité à consacrer à la production, la préparation et le traitement des aliments. C'est pourquoi, au cours du processus de planification, il faudra veiller à éviter les effets négatifs que les activités du projet pourraient avoir sur le temps dont disposent les femmes.
Les projets forestiers et ceux de nutrition ont chacun leur propre système de suivi et d'évaluation. La foresterie s'intéresse normalement aux réalisations concrètes (à savoir le nombre déjeunes plants ou de pépinières établis). La nutrition, quant à elle, fait souvent appel à des mesures anthropométriques. Dans un projet forestier qui prend en compte des aspects nutritionnels mais ne dispose pas de nutritionniste, il pourrait être nécessaire de mettre au point de nouvelles mesures. Celles portant sur le bien-être nutritionnel et les indicateurs servant au suivi/évaluation devraient concerner exclusivement les domaines propres au projet. C'est ainsi qu'en l'absence de nutritionnistes, les examens cliniques, les tests de laboratoire et les mesures anthropométriques ne constituent pas les indicateurs les plus aptes à mesurer le bien-être nutritionnel dans des projets forestiers. Ces mesures exigent un personnel bien formé et/ou un équipement approprié. En outre, il est difficile de déterminer les effets spécifiques des activités forestières sur le bien-être nutritionnel en se servant de ces techniques. Ainsi, les variations du poids des enfants pourraient être imputables à des variations dans la distribution des aliments au sein même de la famille, facteur sur lequel la foresterie ne peut agir. Le but est de mesurer l'impact des activités du projet sur le bien-être nutritionnel de la population cible.
Pour évaluer l'incidence d'un projet forestier à l'aide d'indicateurs nutritionnels, il faudra faire preuve d'imagination, car il n'existe pas d'indicateurs qui s'adaptent à tous les cas. Le choix dépendra des ressources et des compétences des individus concernés. Les indicateurs choisis devront refléter les objectifs du projet tels que la collectivité les aura définis. Les nutritionnistes qui participent au projet pourront concourir à ce choix. Si le projet se propose d'augmenter l'emploi, on pourra utiliser comme indicateur servant au suivi/évaluation le nombre d'emplois offerts aux sujets vulnérables sur le plan nutritionnel. Dans les projets agroforestiers qui cherchent à introduire des techniques visant à augmenter la productivité agricole, à mieux échelonner les travaux en fonction des saisons ou à accroître la production fourragère, on évaluera de quelle manière les réalisations contribuent à la disponibilité de denrées alimentaires tout au long de l'année. Ainsi les indicateurs de ces projets fourniraient une estimation des approvisionnements alimentaires sur l'année. On peut citer parmi les mesures possibles la disponibilité saisonnière de vivres (notamment pour les groupes cibles), la variété du régime alimentaire, la quantité et la durée des réserves alimentaires. Pour évaluer l'impact de projets qui visent à améliorer la nutrition en augmentant la disponibilité en temps des femmes (en utilisant des technologies qui économisent la main-d'uvre ou en augmentant les ressources en eau et en bois de feu), on pourra calculer le temps que la femme consacre à la garde des enfants et le nombre de repas quotidiens de la famille.
Le choix d'indicateurs appropriés pourrait commencer par un examen de la manière dont la collectivité évalue sa propre situation alimentaire et nutritionnelle. Il est important de savoir quels sont les problèmes nutritionnels ou d'approvisionnement alimentaire qui préoccupent le plus les différents membres de la communauté (hommes et femmes), et comprendre comment ils souhaiteraient les résoudre. On pourra choisir certains indicateurs en fonction de la façon dont les populations locales définissent le succès ou l'échec du projet. Quelques propositions d'indicateurs fondés sur les suggestions d'Ogle (1987) figurent à l'annexe 4. us sont groupés en catégories basées sur des objectifs nutritionnels potentiels et devront être adaptés aux diverses situations.
Fiche de travail F Objectifs: choisir des indicateurs fondés sur les objectifs du projet, qui soient susceptibles de mesurer l'impact des activités sur le bien-être nutritionnel et d'en permettre le suivi et l'évaluation. Responsables: nutritionniste ou personne chargée de la composante nutrition. Questions: 1. Quel est l'objectif nutritionnel? 2. Quels sont les critères auxquels recourt la collectivité pour définir le succès ou l'échec du projet? Existe-t-il déjà des systèmes locaux d'évaluation? 3. Quels sont les indicateurs permettant de mesurer la situation actuelle et future par rapport aux facteurs suivants (voir Annexe 4 pour une liste d'indicateurs potentiels): · sécurité alimentaire de la famille 4. Avec quelle fréquence doit-on mesurer les indicateurs? 5. Dans quelle mesure le projet et la collectivité sont-ils à même de réaliser le suivi et l'évaluation? |