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Evaluation et utilisation des ressources en fibres pour la fabrication de pâte

F.H. Phillips

F.H. Phillips est directeur de recherches à la Division de chimie et technologie du bols de l'Organisation de la recherche scientifique et industrielle du Commonwealth (CSIRO) à Clayton, Victoria (Australie). Cet article est adapté d'une communication présentée au Colloque sur la chimie du bois et des pâtes à papier, qui s'est tenu en mai 1983 à la Cité des sciences de Tsukuba (Japon).

Rétrospectivement, l'industrie de la pâte à papier se caractérise surtout par le changement dans les matières premières utilisées. Pourtant, paradoxalement, cette industrie se montre de nos jours bien trop lente à adopter de nouvelles ressources fibreuses, alors que tout donne à penser que des ressources potentielles jusque-là négligées, notamment les eucalyptus et certains résidus agricoles, ont un brillant avenir.

· Les matières premières employées dans l'industrie de la pâte et du papier se sont considérablement modifiées au cours des années, mais cette évolution se poursuit et il convient de bien évaluer les possibilités qu'offrent les nouvelles ressources fibreuses afin d'en tirer le meilleur parti. Cette évaluation doit comporter les phases suivantes: préparation d'un inventaire, collecte et étude d'échantillons, comparaison avec les matières premières déjà en usage. Les forêts tropicales prennent une importance croissante pour la fourniture de nouvelles matières fibreuses et méritent à cet égard une attention particulière.

En général, l'industrie papetière a été lente à tirer parti de ressources autres que les matières premières traditionnelles. Néanmoins, à mesure que celles-ci se raréfiaient ou que la consommation de produits s'accroissait, l'industrie papetière se tournait vers d'autres produits à pâte. Cette tendance se maintiendra, et il faudra traiter une plus ample diversité de matières premières pour répondre aux besoins.

MEULE DE BAGASSE A CUBA: la bagasse acquiert une importance nouvelle comme source de fibres

De fortes raisons militent en faveur d'une plus grande coopération entre pays intéressés à l'utilisation de ressources ligneuses et non ligneuses pour la fabrication de pâte et de papier. Les pays doivent améliorer leurs compétences techniques et étudier sérieusement les possibilités d'implanter des industries locales à l'échelle de régions tout entières, indépendamment des éventuelles difficultés politiques. Des chercheurs et des techniciens, conscients de la nécessité de mieux exploiter les ressources disponibles, ont mis au point de nouvelles méthodes pour fabriquer de la pâte à partir de quantités croissantes de déchets de bois et autres résidus.

A l'heure actuelle, on utilise relativement peu de matières premières provenant de cultures annuelles ou de résidus agricoles et autres sources de fibres, dont beaucoup sont souvent facilement disponibles. Avant l'emploi des bois à pâte, les cultures et résidus agricoles jouaient un rôle important dans l'industrie papetière, fournissant souvent des produits de haute qualité. De nos jours, ces sources de fibres sont réservées presque exclusivement à la fabrication à petite échelle. Cependant, on vient d'expérimenter en Inde un mélange d'espèces de bambous du genre Ochlandra comme source de pâte à fibres longues pour papier journal, et on a entrepris aux Philippines la production de pâte de qualité supérieure à partir de fibres d'abaca; en Thaïlande, une usine a été installée pour la fabrication de pâte à base de kénaf. Avec la bagasse et la paille, ces matières premières pourraient prendre de l'importance à l'avenir.

LA RÉCOLTE DE LA CANNE A SUCRE A CUBA: la bagasse deviendra ensuite papier

Adapter les procédés aux ressources

Les techniques manuelles utilisées autrefois pour transformer l'écorce de papyrus les peaux d'animaux ou les tiges de bambous battues en feuilles qui servaient de support d'écriture étaient tout à fait différentes de celles imaginées plus tard pour fabriquer du papier à partir de chiffons de lin et de coton, de tiges de lin et autres fibres végétales. Une nouvelle étape, qui ouvrit la voie à une fabrication moins coûteuse et à grande échelle, fut le développement de techniques de séparation des fibres cellulosiques du bois par des procédés mécaniques aussi bien que chimiques.

Ces exemples illustrent tant la nécessité que la possibilité d'adapter les méthodes de production à la matière première dont on dispose. Cependant, à mesure que se développait l'industrie papetière, on a eu tendance à considérer les bois résineux comme la seule matière première satisfaisante pour la production de papiers de haute qualité convenant à une large gamme d'utilisations. Les techniques de fabrication tout comme les spécifications des produits étaient conçues de manière à s'adapter aux résineux. Les industries des pays en développement reconnaissent désormais l'importance des matières à fibres courtes et admettent comme économiquement nécessaire et écologiquement souhaitable d'utiliser les déchets de scierie, les résidus de coupe et les jeunes bois non écorcés provenant d'éclaircies, mais elles doivent aussi se préparer à utiliser des quantités croissantes de bagasse, paille, kénaf et autres matières lorsqu'il y en a suffisamment.

Pâte d'eucalyptus. On sait qu'à l'origine les eucalyptus d'Australie étaient considérés comme impropres à la fabrication de pâte. Les longues recherches - qui ont conduit à la production commerciale, à partir de ce bois, de pâte mécanique pour papier journal, de pâte à la soude pour papier d'écriture et d'impression, de pâte kraft pour papier d'emballage - ont été relatées en détail (Benjamin, 1959). Comme il arrive souvent avec de «nouvelles» matières premières, les tentatives initiales de mise en pâte selon les mêmes méthodes que pour les bois résineux produisirent une pâte inacceptable, de faible rendement et de qualité médiocre. Il fallut modifier les procédés de mise en pâte pour les adapter aux particularités de cette nouvelle matière première avant que les eucalyptus ne puissent être utilisés à l'échelle industrielle.

Bien que la pâte d'eucalyptus ne soit pas de qualité comparable à celle obtenue à partir de matières premières traditionnelles, elle est devenue, Utilisée en mélange avec d'autres pâtes, la base d'une gamme étendue de produits (Higgins, 1970). Les méthodes employées comprennent le mélange des compositions de fibres de nature à répondre aux plans de fabrication et aux spécifications de qualité, et la mise au point de nouveaux types de pâte en vue d'améliorer la qualité et de réduire la dépendance vis-à-vis des importations. Il convient de citer par exemple la composition de fabrication de certaines qualités de papier d'emballage: environ 70 pour cent de pâte kraft d'eucalyptus à faible degré de raffinage pour donner une bonne résistance mécanique, et 30 pour cent de pâte à fibres longues raffinée légèrement pour conserver la résistance à la déchirure. Autre exemple, celui du papier journal, qui était autrefois fabriqué en Australie à partir de pâte mécanique d'eucalyptus avec une certaine proportion de pâte kraft à fibres longues importée, et qui est maintenant produit au moyen d'un mélange de pâte mécanique et de pâte mi-chimique à la soude à froid provenant d'eucalyptus et de pâtes thermo-mécanique et kraft de pin de Monterey.

Personne n'aurait pu prédire il y a une trentaine d'années que l'application du procédé mi-chimique au sulfite neutre à des bois provenant d'eucalyptus surâgés donnerait une pâte excellente pour les cannelures, ou encore que la pâte obtenue par le même procédé à partir de bois de taillis d'eucalyptus, avec un rende ment de plus de 60 pour cent, pourrait se substituer à la pâte kraft pour les couvertures de cartons ondulés et autres produits.

La plupart des autorités reconnaissent maintenant l'intérêt des pâtes de feuillus, comme celles d'eucalyptus, dans la composition des papiers d'écriture et d'impression offrant les caractéristiques de surface souhaitées par les imprimeurs. Même aux Etats-Unis on constate une nette progression de l'utilisation de feuillus pour la pâte. Avant 1950, les feuillus n'intervenaient que pour 15 pour cent dans la production totale de bois à pâte de ce pays, mais en 1979 ce chiffre était monté à 26 pour cent (McGovern, 1981). Une forte augmentation de l'emploi de feuillus comme bois à pâte apparaît également dans l'industrie japonaise. Selon les chiffres publiés par la Japan Paper Association (1982), les feuillus représentaient 36 pour cent du volume total de bois à pâte consommé en 1960, tandis qu'en 1980 ils y entraient pour 50 pour cent.

Le développement de l'industrie australienne de la pâte, qui se basait sur l'utilisation de bois d'eucalyptus, a révélé certaines difficultés spécifiques: les pâtes kraft adhèrent sur la presse (Jeffreys, 1947; Farmer, 1949); des matières extractibles telles que l'acide ellagique influent sur les caractéristiques d'évaporation et de combustion des liqueurs noires (Hillis et Carle, 1959; Baklein, 1960); enfin, les tanins contenus dans les eucalyptus âgés donnent aux pâtes mécaniques une coloration anormale (Lethlean, 1949; Neale et al., 1949; Tardif, 1959). Ce ne sont là que quelques-unes des difficultés rencontrées et surmontées, et avec d'autres nouvelles matières premières fibreuses on peut s'attendre à de nombreux problèmes d'ordre différent.

Toutefois, en raison de certaines caractéristiques propres aux bois d'eucalyptus, leur utilisation dans l'industrie papetière a par ailleurs apporté certains avantages à cette dernière: diminution de la quantité de produits chimiques nécessaire pour la mise en pâte; meilleure utilisation de la capacité des lessiveurs; obtention plus rapide des qualités de résistance de la pâte lors du raffinage; production de papiers présentant une meilleure formation de la feuille, une surface plus lisse et une plus grande opacité, et de cartons plus résistants à l'écrasement.

L'industrie a réalisé d'autres progrès: modification du procédé à la soude à froid pour la production de pâte à partir d'eucalyptus rebelles au défibrage (Somerville et Pearson 1958); production de pâte mécanique à partir de rondins imprégnés (Elder et al., 1967); application de l'oxydation à l'air humide pour récupérer les produits chimiques dans les usines de pâte (Morgan et Saul, 1968). Ces innovations, et bien d'autres, ont été décrites par Watson (1969) dans un article circonstancié sur la fabrication de pâte d'eucalyptus dans divers pays.

Il est un aspect important de l'utilisation des eucalyptus comme bois à pâte qui est souvent perdu de vue. Sur les nombreuses espèces d'eucalyptus existantes, seules quelques-unes sont à l'heure actuelle utilisées pour la fabrication de pâte, et leurs propriétés varient largement tant entre espèces qu'à l'intérieur d'une même espèce. On ne peut donc pas être trop catégorique quant aux possibilités d'emploi des eucalyptus pour la production de pâte et de papier sans avoir une certaine connaissance des caractéristiques physiques et chimiques de la matière première, ni sans posséder de données sur la fabrication effective de pâte.

Pâte de feuillus tropicaux. Les caractéristiques des feuillus tropicaux, tout comme celles des eucalyptus, varient selon les essences et les conditions de croissance. Les forêts tropicales renferment de nombreuses essences feuillues, et les ressources ligneuses existant dans les diverses régions des tropiques sont très différentes.

Il a été démontré qu'on pouvait, à partir d'un mélange d'essences feuillues de forêts tropicales, produire des pâtes kraft ayant de bonnes caractéristiques de résistance, et obtenir des pâtes blanchies à degré élevé de brillant sans les séparer par essences (Logan et Phillips, 1975; Phillips et Logan, 1977; Phillips et al., 1975,1979). En outre, il est possible de produire des pâtes mi-chimiques au sulfite neutre convenant pour les cannelures et pour des produits de plus haute qualité tels que couverture kraft pour cartons ondulés (Phillips et Logan, 1977). On ne peut obtenir une production satisfaisante de pâte mi-chimique au sulfite neutre en cuisson rapide avec une charge chimique qui conviendrait par exemple pour les feuillus japonais indigènes. Avec un tel procédé on aurait un indice kappa élevé et une proportion inacceptable de refus d'épuration. En revanche, on y parviendra en observant des conditions plus strictes de température et de durée de cuisson, et en ajoutant davantage de produits chimiques. Naturellement, il faut alors se contenter d'un rendement en pâte plus faible.

EUCALYPTUS AUSTRALIENS ils acquièrent droit de cité parmi les essences papetières

Eucalyptus grandis

Eucalyptus melliodora

Eucalyptus mannifera

Eucalyptus bridgesiana

Des études ont montré par ailleurs que les jeunes bois de nombreuses essences feuillues tropicales à croissance rapide fournissent des pâtes kraft aux caractéristiques extrêmement satisfaisantes, dont une résistance élevée. Par contre, beaucoup de ces essences conviennent moins bien pour les pâtes à haut rendement telles que les pâtes chimico-thermo-mécaniques et les pâtes mi-chimiques à la soude à froid (Phillips et al., 1980; Logan, 1981).

Les eucalyptus ont un brillant avenir dans l'industrie papetière naissante de nombreux pays en développement

Matières premières non ligneuses. Du fait que les matières fibreuses non ligneuses se comportent lors des opérations de mise en pâte et de fabrication du papier de manière différente des matières plus couramment utilisées, les techniciens des pays industrialisés méconnaissent souvent leurs potentialités. Il faut une innovation s'appuyant sur une connaissance des propriétés technologiques des matières premières considérées. Nous n'en discuterons pas ici en détail, mais signalerons quelques progrès récents:

· l'installation en Thaïlande d'une usine pour la production annuelle de 70000 tonnes de pâte à base de kénaf (Niyomwan, 1980);

· l'emploi de bagasse pour la production de pâte mécanique et chimique pour papier journal, par un procédé qui comporte une fermentation microbienne visant à empêcher la détérioration de la bagasse stockée en vrac (Aguero-Torres, 1980);

· un projet de mise en briquettes des excédents de bagasse de canne à sucre, afin d'avoir un produit plus dense se prêtant mieux au transport et pouvant être exporté comme matière première pour la pâte et le papier (Rawlins et al., 1982);

· la mise au point d'une machine pour l'extraction en continu des fibres d'abaca, avec un rendement en fibres de 50 à 60 pour cent supérieur à celui obtenu avec d'autres procédés d'extraction (Tamolang et Escolano, 1980);

· l'application d'une technique d'éclatement par la vapeur, pour l'obtention de pâtes à indice kappa inférieur à 30 à partir d'écorce et de bois de kénaf, de paille de riz ou de blé et de bagasse préimprégnés, offrant une prompte méthode de production à partir de plantes annuelles et à croissance rapide (Mamers et al., 1979)

On a récemment fait valoir qu'il y avait lieu de revenir sur notre prévention à l'égard des matières premières fibreuses autres que le bois. Si des produits tels que la paille, le kénaf ou la bagasse ne peuvent être utilisés économiquement qu'à petite échelle, il y a de bonnes raisons pour modifier les processus de fabrication admis afin de les adapter à ces matières premières, ce qui vaudrait mieux que de les condamner comme étant impropres et d'utiliser pour une fabrication à grande échelle d'autres sources de fibres plus coûteuses et peut-être rares.

Méthodes d'évaluation

Les principaux points à considérer dans l'évaluation de la qualité d'un bois à pâte ont été exposés en détail par Higgins et Phillips (1973), Phillips et Harries (1975) et Balodis (1980).Il faut tout d'abord déterminer - de préférence au moyen d'un inventaire - toute ressource potentielle et choisir la matière première. Dans les opérations commerciales intégrées, il s'agira en général des bois restant après extraction des grumes de sciage et de placage de plus grande valeur, et qui pourront comprendre des petits arbres, des essences non marchandes, des arbres ou parties d'arbres défectueux, des résidus de coupe et des déchets de scierie. Une fois déterminées les quantités disponibles, il importe d'étudier avec soin quels sont les types de produits demandés et de savoir s'il y a suffisamment de matière première pour les fabriquer. Aucune des étapes suivantes, qui sont coûteuses, ne devra être amorcée tant que cette estimation n'aura pas été faite.

Une fois la composition établie, on recueillera un échantillon pour essais. Les techniques de sondage adoptées doivent viser à fournir un échantillon aussi représentatif que possible au coût minimal. Le sondage aléatoire est à éviter car il amène à récolter plus d'arbres qu'il ne convient. Balodis et James (1980) ont montré que dans une foret naturelle un échantillon aléatoire, même de grande taille, ne garantit pas que les différentes essences et classes de dimension sont représentées dans les justes proportions. On obtient un meilleur échantillonnage par stratification, procédé qui prend également en compte le coût de l'opération pour chaque produit (Balodis, 1980). Le nombre d'arbres à échantillonner dans chaque strate - dans chaque classe de diamètre, par exemple - doit être proportionnel au volume que la strate représente dans l'ensemble de la ressource et inversement proportionnel au coût d'échantillonnage par arbre.

Utilisant des données relatives à des feuillus tempérés de taille marchande, Balodis a montré que le gain de précision pour le rendement en pâte, l'une des caractéristiques les plus importantes à considérer, diminue rapidement au-delà de 15 à 20 arbres. Par conséquent, si l'on échantillonne quatre classes de diamètre pour chaque essence, cinq arbres par classe devraient être suffisants. Par ailleurs, le nombre optimal de rondins échantillons par arbre dépend du coefficient de variation du rendement moyen en pâte, des coûts d'échantillonnage et de la taille des arbres. D'après Balodis (1980), dans une zone où le transport est coûteux, le sondage est beaucoup plus satisfaisant si l'on prend un seul échantillon de bois à un emplacement aléatoire de l'arbre, tandis que dans une zone facilement accessible il peut être justifié de prendre deux ou trois échantillons de grands arbres.

Le choix de la méthode d'évaluation des échantillons est tout aussi essentiel que celui de la méthode de sondage. Les facteurs entrant en jeu sont: la composition spécifique de la matière première qui sera utilisée - une seule essence ou un mélange d'essences; le procédé de fabrication; et les types de produits finis souhaités. On procède trop souvent à des essais poussés sur une seule essence, déterminant toutes ses caractéristiques physiques et chimiques possibles, à partir d'échantillons recueillis sur des arbres isolés dans une forêt qui ne peut être utilisée que sous forme d'un mélange d'essences. Si l'on ne peut définir les exigences de l'utilisation finale, il faut employer une large gamme de types d'échantillons et de procédés de mise en pâte, afin de déterminer les facteurs de qualité en vue des décisions à prendre quant à la gestion des ressources et des possibilités d'utilisation finale.

Au laboratoire, on peut, à partir d'une collection d'échantillons bien conçue et bien réalisée, préparer une série de mélanges variés de copeaux, représentant toutes les combinaisons d'utilisation commerciale possibles. A moins que la matière première ne soit destinée à une fabrication donnée, il faut effectuer des essais de réduction en pâte avec une gamme de procédés chimiques, mi-chimiques et mécaniques. On effectue des analyses morphologiques et chimiques, au besoin pour chaque essence principale dans les mélanges de bois à pâte, pour en faciliter la meilleure utilisation. L'information ainsi acquise peut aider à identifier, et éventuellement à écarter, les essences qui causent des difficultés. Cependant, dans toute évaluation d'une ressource comprenant des essences diverses, il faut donner la priorité à la mise en pâte d'un échantillon représentant le mélange à utiliser commercialement. Une fois déterminées les caractéristiques de réduction en pâte et les qualités papetières des nouvelles ressources fibreuses, le meilleur moyen d'en apprécier les utilisations possibles consiste à les comparer avec des pâtes préparées au laboratoire à partir de bois à pâte de qualité marchande.

Vers une meilleure utilisation

En laboratoire. En Australie, et ailleurs, l'utilisation rationnelle des eucalyptus pour réduction en pâte a nécessité une évaluation des caractéristiques papetières des diverses espèces, la reconnaissance des différences entre pâtes d'eucalyptus et d'autres bois précédemment employés, et la mise sur pied de méthodes adaptées aux différentes matières premières. Au Japon, par exemple, l'emploi des copeaux d'eucalyptus importés d'Australie a connu plus de succès dans certaines usines que dans d'autres. En général, la réussite semble tenir au fait que l'on a reconnu les différences entre cette nouvelle matière première et les feuillus indigènes normalement utilisés au Japon, et la nécessité d'adopter de nouveaux équipements ou d'autres programmes de fabrication.

La même démarche s'impose pour parvenir à une utilisation optimale des feuillus tropicaux et autres nouvelles sources de fibres. Dans une forêt tropicale mélangée, de nombreuses essences sont reconnues impropres à la fabrication de pâte. Certaines, par exemple, ont une teneur trop élevée en matières extractibles, sont trop denses pour être pénétrées par la lessive ou sont trop foncées. Leur séparation du mélange peut être difficile et non économique. L'emploi de tout le mélange d'essences provenant d'une coupe à blanc pourrait être la solution la plus rationnelle aux stades de l'exploitation, de la mise en copeaux et de la réduction en pâte. L'évaluation de la nouvelle ressource doit donc se faire sur des échantillons représentatifs du mélange de bois à pâte dont on disposera effectivement pour les futures fabrications.

Deux exemples tirés de récentes études de la CSIRO illustrent ce point. Le premier se rapporte à une zone forestière de Papouasie-Nouvelle-Guinée, où 566 échantillons de bois à pâte, représentant 106 genres et diverses classes de diamètre de 15 à 50 cm et au-dessus, ont été recueillis pour la préparation de mélanges en vue d'essais de mise en pâte et de fabrication de papier. D'après les résultats, le mélange représentatif convenait pour une large gamme de produits (Phillips et al., 1975). Cependant, les données rassemblées sur les 10 genres botaniques présents en plus forte proportion, qui comptaient pour environ 50 pour cent du volume de bois, indiquaient des différences notables entre les caractéristiques papetières de chacun d'eux. La densité basale allait de 261 à 757 kg/m3, et certaines essences étaient tout à fait impropres à être utilisées isolément pour diverses raisons, telles que faible rendement, besoins élevés en alcali et mauvaises caractéristiques papetières (Logan et al., 1978).

Le second exemple se situe au Sarawak (Malaisie), où l'on disposait pour la mise en copeaux de volumes considérables de bois de Shorea albida provenant de diverses sources. L'échantillon préparé aux fins d'essais de réduction de pâte, selon les justes proportions en volume, comprenait du bois de fût sans valeur marchande, des chutes de sciage et des houppiers provenant de coupes. D'autre part, les deux variétés de ce bois, alan batu (densité élevée) et alan bunga (densité faible à moyenne), étaient également bien représentées compte tenu des estimations sur les disponibilités (Phillips et al., 1979). La nécessité d'une préparation minutieuse de l'échantillon a été confirmée par la constatation des différences de caractéristiques entre les divers composants du mélange destiné à la fabrication de pâte. Leur densité basale variait entre 482 et 624 kg/m3, et leurs besoins en alcali pour la conversion en pâte présentaient des différences marquées. D'après les résultats des essais de fabrication, on serait arrivé à une évaluation erronée des potentialités de la matière première si l'on avait pris un échantillon isolé plutôt qu'un échantillon composite pleinement représentatif de l'ensemble de la ressource disponible (Logan et al., 1977).

Pour beaucoup de ressources nouvelles, il convient d'étudier divers choix possibles afin de tirer le meilleur parti de chacune d'elles. Cette exigence est illustrée par l'exemple d'études effectuées récemment à la CSIRO sur des bois de Papouasie-Nouvelle-Guinée (Logan et Phillips, 1975; Phillips et al., 1975). De nombreux mélanges de copeaux ont été préparés afin de tenir compte des points suivants: régime de coupe à blanc dans la zone d'exploitation; composition spécifique des différents types de peuplements; et mélange de bois à pâte excluant les parties de grands arbres de certaines essences destinées au sciage. Il sera désormais possible d'organiser les opérations d'exploitation de manière plus rationnelle, pour les raisons suivantes:

· Bien que l'on ait constaté des différences entre les divers cantons de la forêt - notamment en ce qui concerne les types de peuplements, la répartition par classes de diamètre et la composition spécifique, les caractéristiques de la pâte ne variaient pas considérablement.

· L'exclusion des grands arbres de certaines essences de sciage et des petits arbres, ou l'utilisation exclusive d'essences de montagne ou de plaine, avait peu d'influence sur la qualité de la pâte.

· Le nombre élevé d'essences dans le mélange n'engendrait pas de difficultés, et la séparation de certaines essences n'était pas nécessaire pour la production d'une pâte blanche à haut degré de brillant.

Les principaux facteurs influant sur l'utilisation varient dans chaque cas. Il faut étudier avec soin les bases de l'évaluation qualitative de la ressource avant d'entreprendre une coûteuse collecte d'échantillons, des essais en laboratoire ou à l'échelle expérimentale. En outre, si d'autres ressources existent, on devrait examiner également la possibilité d'y avoir recours en même temps.

Au niveau industriel. La possibilité d'importer de grandes quantités de copeaux a été démontrée. Etant donné que plusieurs pays connaîtront dans un avenir prévisible une pénurie de bois à pâte locaux, l'importation de copeaux pourrait devenir pratique courante pour d'autres pays, y compris ceux qui ont été dans le passé exportateurs nets de produits forestiers. Par ailleurs, certains pays, bien que manquant de ressources fibreuses suffisantes, souhaitent peut-être créer une industrie de la pâte. MI leur faut alors considérer attentivement si, parmi d'autres possibilités, l'importation de copeaux représente ou non la meilleure solution. Il se pourrait que d'autres matières premières, non ligneuses par exemple, soient disponibles localement et permettent l'établissement d'une industrie de la pâte à petite échelle, ce qui serait économiquement et socialement plus acceptable que d'importer la matière première pour une grande usine dans un pays où existent une main-d'œuvre abondante, de bas niveaux de salaire, des possibilités de protection douanière et autres incitations. En outre, de nombreuses fibres non ligneuses sont de cuisson relativement facile, n'exigent qu'un équipement simple et ne rendent peut-être pas nécessaire la récupération des produits chimiques.

DEMONSTRATION DE PLANTATION D'EUCALYPTUS: des arbres i usages multiples pour un avenir plus riche

Ces avantages, associés à l'emploi de machines d'occasion moins rapides, de fonctionnement et d'entretien commodes, pourraient aboutir à un modèle de développement approprié. Nombre de ces points sont évoqués dans les communications présentées à une récente réunion d'experts internationaux qui s'est tenue à Manille (Benzinger et Opderbeck, 1980; Hackl, 1980; Kalyanasundaram, 1980; et Keswani, 1980).

La recherche sur la chimie de la mise en pâte et du blanchiment est indispensable pour l'utilisation rationnelle des ressources fibreuses par l'industrie de la pâte et du papier. Il y a cependant d'autres exigences tout aussi importantes auxquelles on accorde souvent trop peu d'attention. Il s'agit entre autres de dresser un inventaire sérieux des ressources en matières premières, permettant d'apprécier si les disponibilités sont suffisantes pour le développement envisagé; d'établir un plan de sondage rationnel pour recueillir du matériel en vue d'études ultérieures; d'évaluer de façon approfondie la matière première disponible pour en apprécier toutes les possibilités dans l'industrie des pâtes et papiers; d'utiliser rationnellement chaque nouvelle matière première, pure ou en mélange, et non simplement de l'adopter sans modifier les procédés existants; et d'orienter le développement jusqu'au stade et à l'échelle souhaitables pour garantir la protection de l'environnement et l'exécution de toutes les opérations au mieux des intérêts futurs des populations locales.

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