L'un des objectifs fondamentaux de la FAO est la mise au point et l'amélioration des statistiques sur l'agriculture et le développement rural notamment dans les pays en développement (FAO, 1986b).
A l'aide de crédits de l'assistance technique, la FAO a entrepris de réunir des données dans le domaine alimentaire et agricole en coopération avec des pays. Le premier projet d'assistance technique de la FAO date de 1951. Depuis lors, l'Organisation a fourni des services consultatifs et du matériel technique aux pays dépourvus de ressources. Elle encourage en outre périodiquement la mise en place de programmes nationaux à long terme intégrés pour améliorer les statistiques sur l'alimentation et l'agriculture.
L'élaboration et l'amélioration des statistiques doivent porter sur les secteurs considérés comme étant les principaux domaines d'intérêt de la FAO. A cet égard, il convient de rappeler quelques grandes étapes de la définition de la stratégie et des objectifs de la FAO au cours des dernières années.
En 1979, la Conférence mondiale sur la réforme agraire et le développement rural (CMRADR) a adopté un programme d'action (FAO, 1979), qui indique que les objectifs principaux du développement rural sont d'éliminer la misère, la faim et la malnutrition. La CMRADR a également défini plusieurs autres objectifs concernant l'augmentation de la production, l'amélioration des services publics et l'élargissement des possibilités d'emploi.
Pour réaliser ces objectifs, le programme d'action de la CMRADR a défini six domaines que la FAO a utilisé comme cadre pour concevoir et établir des indicateurs socio-économiques pertinents. Ces six domaines sont les suivants:
a) accès à la terre, à l'eau et aux autres ressources naturelles;
b) accès aux facteurs de production, aux marchés et aux services;
c) participation populaire;
d) intégration des femmes dans le développement rural;
e) expansion des activités rurales non agricoles;
f) enseignement, formation et vulgarisation.
Le programme d'action énonce des recommandations précises concernant l'amélioration du recueil des données et la mise au point d'indicateurs appropriés pour la surveillance et l'évaluation de la réforme agraire et du développement rural.
Dans les Directives concernant les indicateurs socio-économiques (FAO, 1988b), la nécessité d'améliorer la portée et la couverture des programmes statistiques nationaux est soulignée. Il s'agit en particulier d'étendre cette portée aux secteurs prioritaires définis par le programme et de couvrir toutes les exploitations agricoles.
Dans une étude sur la mise au point d'indicateurs sociaux et de statistiques au sein de la FAO, les centres d'intérêt de l'Organisation étaient classés en trois grands domaines correspondant aux principales raisons d'être de l'Organisation (FAO, 1978b)1:
- production agricole
- alimentation et nutrition
- développement rural
1 Voir également annexe B.
Interdépendants, ces trois domaines représentent des priorités différentes et, surtout, ne recouvrent pas nécessairement les mêmes catégories de population. Le développement agricole est une question de rendement et d'efficacité de la production agricole. Le second domaine porte sur les niveaux nutritionnels et la distribution des vivres. Quant aux questions de développement rural elles débordent les préoccupations spécifiques du secteur agricole. Le développement rural est considéré comme un secteur essentiel, comme une dimension spatiale de développement qui transcende les deux autres domaines. Il a trait aux statut et conditions d'existence de la population rurale et recouvre à la fois activités agricoles et non agricoles.
Des instruments statistiques différents sont nécessaires pour ces trois systèmes. Les données sur la production agricole sont fournies par les recensements de l'agriculture, les enquêtes périodiques sur la production agricole, les études sur la gestion des exploitations, les enquêtes sur les pertes après récoltes et les études sur les établissements de services agricoles. Les données sur l'alimentation et la nutrition proviennent d'enquêtes sur la consommation alimentaire, d'études sur la nutrition (y compris les études spécialisées sur la nutrition des enfants et des mères) et des enquêtes sur les pertes après récolte. Enfin, les statistiques sur le développement rural doivent couvrir une gamme plus large des aspects socio-économiques de l'existence des populations rurales. Elles peuvent provenir des recensements de l'agriculture et de la population, des études périodiques sur la production agricole et des enquêtes nationales sur les ménages (main-d'oeuvre, nutrition, revenus et dépenses des ménages ruraux, etc.).
La nécessité d'améliorer les statistiques et indicateurs concernant spécifiquement la situation de la femme a été reconnue pour la première fois à l'échelle internationale dans le Plan d'action mondial adopté par la Conférence mondiale de l'Année internationale de la femme en 1975, puis par les résolutions des mois de mai 1977 et mai 1981 du Conseil économique et social des Nations Unies. Elle a été réaffirmée dans la Conférence mondiale de la Décennie des Nations Unies pour la femme tenue en 1980 et dans les stratégies prospectives adoptées par la Conférence mondiale en 1985.
Les statistiques officielles ne donnent pas une idée fidèle des rôles et contributions effectifs des femmes dans toutes les sphères d'activité. La question de la différenciation des deux sexes dans la société comporte deux aspects essentiels: les rôles que jouent les femmes et les hommes et l'impact différent du développement sur les unes et sur les autres.
Des statistiques décomposées d'après le sexe sont nécessaires pour comprendre ces différences et ces inégalités, mieux faire prendre conscience de la situation des femmes et de l'étendue des inégalité, jeter les base, de politiques tenant compte des aspects du développement relatifs aux spécificités de chaque sexe et évaluer et suivre l'incidence sur les femmes et les hommes des politiques et des programmes.
La production et l'utilisation de statistiques relatives aux spécificités de chaque sexe posent des problèmes que l'on retrouve dans la quasi-totalité des pays, quel que soit leur niveau de développement. Ces problèmes peuvent être résumés ainsi:
Absence de concepts. de définitions et de méthodes qui tiennent compte des différents rôles et apports des femmes et des hommes dans la société
Etant donné les rôles multiples joués par les femmes en tant que productrices, mères et ménagères, les notions et définitions classiques ne permettent pas d'appréhender ou de mesurer convenablement tous les aspects du travail et de la condition des femmes. De nouvelles notions et définitions types et des méthodologies adaptées ont été étudiées et, dans certains cas, adoptées à l'échelle internationale. Néanmoins, les pays ne les utilisent pas encore de façon courante. De plus, certains problèmes conceptuels n'ont toujours pas été réglés.
Facteurs culturels et religieux. stéréotypes et coutumes locales tendant à occulter le rôle des femmes et à empêcher recenseurs et déclarants de fournir des informations correctes et fiables
Les facteurs culturels et religieux ont une grande incidence sur la fiabilité des données collectées. Ces facteurs doivent être pris en considération dans la conception des questionnaires et la formulation des questions, l'adoption des définitions, la formation des recenseurs et la sélection du personnel. Cette remarque s'applique particulièrement à certains aspects de la vie des femmes tels que leur participation aux activités économiques.
Sous-utilisation des données décomposées d'après le sexe existantes
Dans certains domaines, des données décomposées d'après le sexe sont déjà réunies régulièrement dans la plupart des pays. Or, elles sont souvent inexploitées. Il n'est pas tenu compte du sexe des personnes dans les tableaux ou si des données ventilées existent, elles ne sont pas aisément accessibles aux utilisateurs. De plus, il faut diffuser les données disponibles pour atteindre les responsables qui en ignorent l'existence.
Manque de communication entre producteurs et utilisateurs de données
Souvent, les aspects liés à la spécificité des sexes ne sont pas pris en considération dans les programmes de collecte de données, car leur importance n'est pas connue des producteurs de statistiques. Ceux-ci sont généralement peu sensibles à ces questions et ne savent rien des objectifs, des plans et des problèmes liés aux préoccupations des femmes que la collecte des données est censée mettre en relief. Par ailleurs, les responsables et autres utilisateurs ne coopèrent pas suffisamment avec les services nationaux de la statistique pas plus qu'ils n'expriment clairement leurs besoins de données sur les spécificités de chaque sexe.
La FAO a manifesté son intérêt pour les données relatives aux spécificités de chaque sexe dans un certain nombre de consultations internationales depuis les années 1970. Les activités qu'elle a menées en matière de statistiques sociales et de statistiques spécifiques à chaque sexe sont passées en revue à l'annexe B. La conception et l'amélioration de données sur le rôle des femmes dans l'agriculture ont été reconnues comme une priorité dans la politique et la stratégie de la FAO. A cet égard, le Plan d'action pour l'intégration des femmes dans le développement (FAO, 1988c) souligne la nécessité d'obtenir des données sur le rôle des femmes dans l'agriculture et fixe des objectifs précis dans ce domaine:
- améliorer dans les domaines de l'agriculture, de l'alimentation et du développement rural, les notions et méthodes statistiques destinées à permettre la collecte de données décomposées d'après le sexe;
- accélérer la collecte de données fiables, complètes et impartiales;
- décomposer en fonction du sexe les données types réunies dans le cadre des programmes et projets de la FAO.
Les recensements de l'agriculture sont l'une des principales sources de données sur l'agriculture et le développement rural. En tant que source de données sur le développement rural, les recensements n'ont cependant pas été suffisamment exploités. Les principales carences tiennent à l'exclusion de certains groupes d'exploitations et au manque d'informations sur les ressources humaines. Certaines de ces carences sont liées à la nature du recensement lui-même, dénombrement d'exploitations agricoles, qui, comme nous le verrons dans les sections suivantes, en limite d'une certaine façon l'utilisation comme moyen d'acquérir des données sur les ressources humaines. Par contre, on ne peut améliorer sensiblement l'utilité de cette dimension des recensements agricoles en adoptant et en utilisant des notions et des méthodes adaptées.
Les objectifs fondamentaux et le champ d'application des recensements agricoles se sont modifiés au fil des années. Par rapport au programme de 1950, ceux de 1960 et 1970 ont progressivement élargi le cadre des recensements. De nouvelles entrées ont été ajoutées et de nouvelles notions - comme celles de "type d'exploitation" - introduites (FAO, 1965). Dans le Programme du recensement mondial de l'agriculture de 1980, le recensement est reconnu comme la principale source d'information quantitative sur la structure et les autres caractéristiques de l'agriculture nécessaires à la planification du développement, à la formulation de politiques socio-économiques et à la fixation de priorités nationales (FAO, 1976).
Le Programme de 1990 a introduit certaines limitations en ce qui concerne les objectifs et le champ d'application du recensement, certains pays ayant rencontré les difficultés à respecter un cadre jugé trop vaste compte tenu de leurs ressources limitées. L'accent a été mis sur la collecte d'informations concernant les aspects de la production agricole qui évoluent peu au cours des années (FAO, 1986c). Toutefois, en ce qui concerne les ressources humaines (travailleurs salariés et membres du ménage) aucune restriction importante n'a été introduite.
Dans les recensements de l'agriculture, la collecte des données se fait sur la base de l'exploitation. Habituellement, des données sont également réunies sur le ménage de l'exploitant et l'on peut regrouper les informations obtenues en deux séries:
- exploitations agricoles;
- membres du ménage de l'exploitant.
Toutes les informations sur la structure de l'unité et sur les ressources agricoles productives doivent être réunies pour l'ensemble des exploitations. Il est à rappeler que les indicateurs qu'on peut normalement obtenir dans ce domaine sont calculés sur la base de l'exploitation. Il n'est donc pas possible de présenter sous forme de tableaux des données sur la main-d'oeuvre salariée - quand la même main-d'oeuvre peut être employée sur plus d'une exploitation - sans qu'il y ait comptage en double.
Par contre, les informations sur le ménage de l'exploitant peuvent être mises en tableaux par "individu" et peuvent donc inclure des caractéristiques socio-démographiques. Toutefois, les ménages n'étant pris en considération que dans le cadre d'une exploitation, il est impossible de couvrir toute la population rurale. La catégorie de population englobée dans les données est appelée "population agricole". L'expression a été utilisée (FAO, 1978a) pour inclure les membres du ménage de l'exploitant qu'ils vivent sur l'exploitation ou pas. La population vivant dans les zones rurales mais ne faisant pas partie du ménage d'un exploitant ne sera prise en compte que s'il s'agit de "travailleurs salariés" employés sur une exploitation. Toutefois, le degré de couverture des travailleurs agricoles qui ne font pas partie du ménage d'un exploitant sera moindre, les caractéristiques sociodémographiques des "travailleurs salariés" n'étant pas analysées dans le cadre des recensements agricoles.
Du point de vue de la population concernée, les deux catégories d'information ne sont pas complètes et doivent être intégrées à d'autres sources de données. De plus, il y a superposition de deux catégories de population (travailleurs salariés et membres du ménage), les membres du ménage d'un exploitant pouvant travailler sur des exploitations sans lien avec le ménage auquel ils appartiennent.
Lorsqu'on définit la portée et le degré de couverture du recensement, il convient de tenir compte de tout ce qui précède. Les informations relatives aux aspects socio-démographiques de la population agricole ne peuvent être obtenues que pour les membres du ménage de l'exploitant, qui représentent un sous-ensemble de la population rurale.
L'établissement du présent rapport est le résultat d'une coopération entre le Service de la promotion des femmes dans l'agriculture et le développement rural et le Service de développement statistique du Département des politiques économiques et sociales de la FAO, qui s'inscrit dans le cadre des activités complémentaires à la Consultation interinstitutions sur les statistiques et bases de données relatives aux spécificités de chaque sexe dans le développement agricole et rural (Rome, 1991).
Le principal objectif de ce rapport est de suggérer des moyens d'améliorer la collecte de données décomposées d'après le sexe dans l'agriculture et le développement rural en se servant du recensement de l'agriculture. Le rapport examine les notions et définitions utilisées dans le Programme de 1990 et les problèmes correspondants en ce qui concerne la collecte de données décomposées d'après le sexe. L'analyse porte sur les aspects liés aux ressources humaines et aux caractéristiques démographiques et socio-économiques des personnes vivant sur les exploitations. Certains des problèmes examinés ne comportent pas de solutions immédiates et nécessitent une analyse plus approfondie. Toutefois, certains moyens d'améliorer la production de données pour décrire la situation réelle des femmes et des hommes dans l'agriculture et le développement rural sont suggérées.
Les divers problèmes et aspects méthodologiques qui doivent être traités par les recensements de l'agriculture sont approximativement présentées selon la structure adoptée dans la publication "Programme du recensement mondial de l'agriculture de 1990" (FAO, 1986c). Les concepts et les méthodes ont été remaniés d'après les recommandations de la Consultation interinstitutions et d'autres suggestions émises récemment par les consultations et réunions internationales organisées par la FAO dans ce domaine.2
2 Voir annexe B.
Certains questionnaires ainsi que des notions et définitions connexes utilisées dans les recensements nationaux de l'agriculture ont également été analysés.
Les suggestions proposées reposent sur les principes suivants:
- la charge de travail représentée et, dans certains pays, les ressources limitées disponibles limitent parfois la portée du recensement;
- les recensements de l'agriculture ne doivent représenter qu'un aspect d'un ensemble intégré de sources de données (FAO, 1976 et FAO, 1986c) et, en cela, ne constituent pas la seule source de données sur les ressources humaines dans l'agriculture.
