PERSONNEL DE LA FAO
COMME la plupart des pays méditerranéens, l'Espagne n'est guère boisée, bien que les statistiques officielles indiquent 25 millions d'hectares de forêts. Sur ces 25 millions d'hectares, 10 millions sont des maquis sans arbres, des terres à pâturages ou des pacages, 10 millions sont des forêts-parcs ou des forêts dégradées; seulement quatre millions et demi peuvent être considérés comme des forêts bien fournies. La superficie réellement boisée en Espagne est donc un peu plus du tiers de ce que donnent les statistiques, et n'atteint pas le dixième de la superficie totale du pays.
C'est seulement vers le milieu du XIXe siècle, avec la création de l'Ecole forestière et de l'Administration des forêts, que l'on commença à porter un coup de frein à la destruction progressive des forêts et à se préoccuper sérieusement de leur reconstitution. Depuis la loi de reboisement de 1867, de nombreuses mesures législatives ont été prises en vue d'encourager les propriétaires à collaborer avec l'Etat dans des travaux de boisement; mais ces mesures n'ont eu que des succès locaux dans le nord de l'Espagne. De même, la division hydrologique du service des forêts, créée en 1888 pour boiser les bassins de réception, n'a guère contribué à un programme général de boisement, malgré des succès notables dans des cas isolés.
Ce n'est qu'après 1940 que fut formulée en Espagne une politique forestière dynamique. A cette date, les importations de bois, qui en 1936 s'élevaient à 600 000 mètres cubes, ont pratiquement cessé, faute de devises, et l'administration forestière a eu à répondre à une demande accrue avec des ressources forestières déjà en voie d'épuisement. Pour éviter que la situation n'empire encore, une institution nouvelle, le Patrimonio Nacional del Estado, fut créé par la Loi des ressources forestières de l'Etat, promulguée en 1941; son objet est de restaurer, conserver et développer les ressources forestières.
Au cours de l'élaboration des plans de nouveaux barrages pour l'irrigation, l'énergie hydro-électrique et l'adduction d'eau, la nécessité d'un contrôle de l'érosion et des crues est apparue clairement. L'orographie du pays fait de chaque fleuve espagnol un torrent au débit extrêmement variable 1. Ce caractère torrentiel des rivières espagnoles a toujours provoqué des dégâts considérables 2. Une loi de 1951 rend obligatoire le boisement des bassins alimentant des réservoirs de régularisation.
[1 Le débit du Guadalquivir peut varier entre 8 m3/sec et 11 000 m3/sec, celui de la Segura entre 6 m3/sec et 2 000 m3/sec; la variation n'est guère moindre dans les autres rivières espagnoles. Des réservoirs fort grands - par conséquent très coûteux - sont donc nécessaires.2 Citons le grand réservoir de San Antonio-Tremp, dont la capacité - à l'origine 220 millions de mètres cubes - a diminué de 25 pour cent en 25 ans, ce qui implique une perte de 16 millions de kilowatt-heures par an, sans compter la perte de 800 mètres cubes de sol par kilomètre carré et par an.]
En 1952 a été promulguée une nouvelle loi pour favoriser la libre entreprise privée dans le domaine du boisement; son objectif est de compléter l'action du gouvernement en enrôlant les intérêts privés au service du reboisement grâce à un système de prêts et subventions; cette loi comporte aussi des objectifs d'ordre social.
Ces trois lois ont pour objectifs:
a) D'établir une solide réserve forestière capable de produire régulièrement des bois d'uvre et d'industrie;b) D'assurer le contrôle de l'érosion, et
c) De créer une économie forestière «paysanne», étroitement liée à l'agriculture, dont le but immédiat est de subvenir aux besoins en bois du pays.
Tel est le cadre actuel de la politique forestière espagnole.
EXÉCUTION DU PROGRAMME
L'administration n'a jamais indiqué officiellement l'objectif final des programmes de boisement. Etant donné la dimension de la tâche à accomplir par l'Etat les forestiers espagnols ont estimé qu'il serait vain dé fixer a priori les objectifs du plan. En l'absence d'un programme de développement général où soient délimités les objectifs des différents secteurs de l'économie l'Administration des forêts, en pleine conscience des difficultés qu'implique un programme de grande envergure, s'est surtout inquiétée au début de fixer des objectifs pour chaque année et d'accélérer la mise en train des travaux, sans perdre de temps à faire des plans à longue échéance. Sans doute on peut trouver des objections contre cette attitude, et certains forestiers espagnols les ont formulées; elle a cependant contribué à éveiller l'intérêt du public pour les problèmes forestiers.
Ce n'est que récemment, après avoir surmonté les difficultés du début, que l'administration a suggéré le chiffre total de 5 millions d'hectares à boiser, mais cet objectif n'est pas mis en rapport avec les facultés d'investissement du pays, et aucune limite de temps ne lui est assignée. Ces 5 millions d'hectares représentent à peu près la moitié des zones montagneuses à présent dénudées et soumises à un pâturage plus ou moins intensif. L'administration espagnole est convaincue que, moyennant l'amélioration d'un tiers seulement des pâturages, les productions de l'élevage pourront être maintenues à leur niveau actuel même si tout le reste est boisé.
Ces projets de boisement ne réduiront pas la superficie cultivée 3 car - c'est un fait généralement admis - on ne peut étendre les défrichements en Espagne. Or, si l'on atteint l'objectif cité ici, toute la structure de l'économie forestière espagnole en sera radicalement transformée, comme on le remarquera plus bas. L'Espagne pourrait en arriver presque à subvenir à tous ses besoins en bois.
[3 Aujourd'hui, 20 500 000 hectares, soit 40 pour cent de la superficie totale du pays.]
Boisements réalisés
Le tableau 1 indique la superficie boisée depuis 1940.
TABLEAU 1. - SUPERFICIE BOISÉE EN ESPAGNE DEPUIS 1940 1
Année |
Superficie boisée par la Division des forêts et des projets forestiers |
Superficie boisée par la Division des ressources forestières de l'Etat |
Total annuel |
Hectares |
|||
1939-40 |
- |
792 |
792 |
1941 |
3 000 |
7 485 |
10 485 |
1942 |
3 300 |
16 718 |
20 018 |
1943 |
4 500 |
26 341 |
30 841 |
1944 |
6 700 |
30 714 |
37 414 |
1945 |
5 151 |
43 682 |
48 833 |
1946 |
4 572 |
47 916 |
52 488 |
1947 |
5 588 |
33 551 |
39 139 |
1948 |
10 812 |
33 342 |
44 154 |
1949 |
9 841 |
34 130 |
43 971 |
1950 |
8 032 |
30 301 |
38 344 |
1951 |
11 062 |
34 728 |
45 790 |
1952 |
9 267 |
63 518 |
72 785 |
1953 |
12 053 |
99 835 |
111 888 |
1954 |
23 581 |
85 225 |
108 806 |
1955 |
12 300 |
115 118 |
127 418 |
1956 |
28 000 |
103 305 |
131 305 |
TOTAL |
157 759 |
806 701 |
964 471 |
1 Ces chiffres ne tiennent pas compte des boisements exécutés par l'entreprise privée et sans assistance de l'Etat.
Il témoigne de l'importance de l'effort fourni. Il montre aussi que le chiffre de 50 000 hectares n'a été atteint qu'au bout de cinq ans, et que c'est seulement au bout de dix ans que s'est établie une cadence de travaux en augmentation régulière. Au total, près d'un million d'hectares ont été boisés: seulement 20 pour cent du programme technique a été exécuté.
Le gros de ces travaux a été effectué entre 1940 et 1953 sur des terres appartenant à l'Etat ou aux municipalités. L'Etat a racheté des étendues considérables; il est maintenant propriétaire de 536 000 hectares (terrains boisés et terrains non boisés), soit 75 pour cent de plus qu'en 1940. Il semble que ce soit là la politique établie de l'administration forestière depuis la guerre civile. En fait, l'Etat est toujours potentiellement acheteur des terres non agricoles; une législation spéciale a même été passée pour lui permettre d'intervenir dans les transactions privées et d'acheter la terre aux mêmes termes qu'a acceptés l'acheteur éventuel.
Sur les propriétés municipales, c'est l'administration des forêts qui exécute les travaux; mais les frais font l'objet d'un remboursement à long terme. Ces terrains constituent la majeure partie des terres boisées jusqu'à présent; on n'en connaît pas exactement l'étendue, mais on peut raisonnablement admettre qu'elles représentent 80 pour cent de la superficie totale boisée.
Quant aux travaux exécutés par l'initiative privée, ils ne semblent pas dépasser 50 000 hectares.
Pour boiser 1 million d'hectares, il a fallu développer la production de graines et établir un réseau important de pépinières.
Un vaste réseau de routes et de chemins forestiers a dû aussi être construit pour permettre l'exécution des travaux: quelque 10 000 kilomètres de routes et chemins forestiers ont été construits entre 1940 et 1956. En outre, 269 logements pour les gardes forestiers ont été construits, ainsi que 569 bâtiments divers.
Les principales essences utilisées sont: des pins autochtones (pinea, halepensis, laricio, silvestris, unciniata et canariensis), Pinus radiata et Eucalyptus. Différents feuillus sont aussi employés, en particulier les peupliers, mais de façon moins extensive, car ils exigent un milieu plus favorable. On n'a pas la répartition exacte par essences, mais il semble que jusqu'à présent, tout au plus 22 pour cent de la superficie ont été plantés en espèces à croissance rapide: Pinus pinaster (écotype de Galice), Pinus radiata et Eucalyptus. Les eucalyptus, plantés sur 170 000 hectares, appellent un commentaire spécial.
L'Espagne est un pays pionnier en ce qui concerne les plantations d'eucalyptus; plus de la moitié des plantations de cette espèce existant dans la région méditerranéenne se trouvent dans ce pays. Dès le début des travaux de boisement en Espagne, on en a fait un large emploi.
Malheureusement, on n'a pas à l'heure actuelle de chiffre précis sur l'expansion de l'emploi des eucalyptus, mais il est presque certain que cet emploi s'est développé régulièrement. Ce fait est bon à noter, vu les controverses qui accompagnent souvent l'introduction de cette espèce 4. Cette tendance permet de penser que la proportion d'essences à croissance rapide est en voie d'augmentation, ce qui altérera le rapport plutôt bas qui existe actuellement.
[4 L'Espagne est en train d'acquérir une expérience précieuse sur l'emploi de l'eucalyptus pour le boisement sur sols argileux.]
Les frais
Le tableau 2 donne les sommes consacrées au programme de boisement et aux différents travaux et installations connexes, et la part représentée par l'aide des Etats-Unis. Les investissements n'ont jamais dépassé 1,7 pour cent du revenu national.
Ce tableau indique que le prix moyen du boisement est de 3 250 pesetas à l'hectare (environ 65 dollars), y compris les travaux complémentaires (logements, routes, etc.).
Le tableau 3 compare les prix des boisements, mécanisés et non mécanisés, y compris le coût des pépinières nécessaires au boisement des diverses zones, pour les trois dernières années.
Si l'on considère qu'environ le tiers de la zone boisée est soumise à des travaux hautement mécanisés, et les deux tiers sont boisés sans mécanisation, que le regarnissage correspond à 40 pour cent environ de la superficie reboisée, le coût total à l'hectare dans les trois dernières années a été le suivant:
TABLEAU 2. INVESTISSEMENTS POUR LE BOISEMENT
Année |
Affectations budgétaires et prêts garantis officiellement |
Aide des Etats-Unis |
Millions de pesetas |
||
1940 |
5,5 |
- |
1941 |
14,6 |
- |
1942 |
26,6 |
- |
1943 |
38,1 |
- |
1944 |
47,9 |
- |
1945 |
66,5 |
- |
1946 |
75,8 |
- |
1947 |
85,4 |
- |
1948 |
93,7 |
- |
1949 |
131,1 |
- |
1950 |
143,3 |
- |
1951 |
178,4 |
- |
1952 |
265,9 |
- |
1953 |
365,7 |
- |
1954 |
428,4 |
- |
1955 |
467,2 |
48,4 |
1956 |
471,8 |
176,6 |
Année |
Coût |
1955 |
3 240 pts. |
1956 |
3 589 pts. ± $89 |
1967 |
3 840 pts. ± $96 |
Les coûts ont sensiblement augmenté au cours des dernières années; mais les causes de cette augmentation ne semblent pas dépendre de la foresterie, ni être dues à des changements de méthodes ou de techniques.
La contribution américaine au programme de reboisement représente 9,4 pour cent des investissements forestiers en 1955 et 27,2 pour cent en 1956. C'est-à-dire que 12 000 hectares en 1955 et 35 700 hectares en 1956 ont été boisés grâce à cette aide: les fonds américains ont donc contribué de façon notable au maintien du rythme du reboisement en Espagne.
Les chiffres cités dans ces pages illustrent le caractère le plus frappant des travaux de reboisement espagnols: leur prix extrêmement bas. Le reboisement coûte à peu près quatre fois plus cher en Italie et en Algérie, et trois fois plus cher en France, en Turquie, au Maroc et en Grèce. Si l'on se rappelle que la majeure partie des travaux est effectuée sans mécanisation, et que plus de 80 pour cent des frais sont représentés par les salaires, on conclut que la raison de ce bas prix doit être soit que la main-d'uvre est extrêmement bon marché, soit que les techniques sont beaucoup plus simples.
Le succès des reboisements en zones arides indique clairement que les techniques espagnoles sont bonnes. On conclut donc inévitablement que les bas prix sont dus à la première raison. Et, en fait, le salaire moyen d'un manuvre forestier espagnol est de 0,80 à 1 dollar, c'est-à-dire moins que dans beaucoup de pays de la région.
Emploi de main-d'uvre
L'administration espagnole a souvent déclaré que si les objectifs principaux de sa politique sont d'augmenter la production forestière et de protéger les réservoirs et les terres cultivées, elle a un troisième objectif fondamental, qui est de donner du travail à la main-d'uvre dans les zones où le chômage est important.
TABLEAU 3. - DÉTAILS DES FRAIS DE BOISEMENT PAR HECTARE
Genre de dépenses |
1955 |
1956 |
1957 |
|
Pesetas |
||||
Reboisement non-mécanisé |
||||
|
Salaires |
2 116,20 |
2 116,20 |
2 249,00 |
|
Matériel et transports |
104,99 |
104,99 |
167,12 |
|
Assurances sociales |
95,65 |
95,65 |
112,89 |
|
Cadres |
119,04 |
119,04 |
138,72 |
TOTAL |
2 435,88 |
2 435,88 |
2 667,73 |
|
Reboisement mécanisé |
||||
|
Salaires |
675,67 |
532,24 |
710,60 |
|
Matériel et transports |
956,40 |
1 217,60 |
1 067,00 |
|
Assurances sociales |
31,19 |
35,30 |
34,57 |
|
Cadres |
93,85 |
101,03 |
103,27 |
TOTAL |
1 757,11 |
1 886,07 |
1 915,44 |
|
Pépinières |
||||
|
Salaires |
279,05 |
400,23 |
357,53 |
|
Matériel et transports |
91,05 |
76,19 |
118,39 |
|
Assurances sociales |
13,68 |
18,41 |
19,34 |
|
Cadres |
19, 89 |
27,63 |
22,81 |
TOTAL |
404,28 |
522,46 |
518,07 |
|
Regarnissage 1 |
||||
|
Salaires |
1 002,73 |
1 318,64 |
1 507,00 |
|
Matériel et transports |
57,50 |
57,09 |
69,85 |
|
Assurances sociales |
45,32 |
59,60 |
75,65 |
|
Cadres |
55,57 |
77,51 |
92,03 |
TOTAL |
1 161,12 |
1 512,84 |
1 7445,3 |
1 Le regarnissage consiste à combler par des semis ou des plants les vides laissés par les plants gui n'ont pas pris.
C'est ce désir de créer de l'emploi qui a conduit l'administration à commencer les travaux par les zones très dégradées du centre ou Levant. C'est cette raison que l'administration a toujours donnée en réponse aux critiques qui lui reprochent de donner la priorité à des zones arides alors que des terrains plus favorables restent encore déboisés. Heureusement, l'adoption progressive de meilleures techniques et l'expérience considérable acquise a permis des résultats bien plus encourageants que ce que l'on espérait à l'origine, ce qui a contribué de façon notable à affermir l'administration dans la résolution de poursuivre cette politique.
En outre, le désir d'obtenir un haut niveau d'emploi par les travaux forestiers a dans une certaine mesure favorisé l'adoption de techniques de sylviculture plus intensives, qui se sont montrées très profitables. Ainsi, la nécessité d'employer la main-d'uvre est cause que l'on a labouré des plantations d'eucalyptus en Espagne et par suite les rendements ont plus que doublé. Cette politique a aussi le résultat heureux de permettre de profiter de la concentration d'ouvriers pour leur donner une formation professionnelle et une certaine culture générale. Là où les projets de reboisement, sont vastes, la construction d'écoles pour les travailleurs figure dans les budgets au nombre des travaux d'infrastructure nécessaires; et les salaires des professeurs figurent sur la même liste que ceux des techniciens; ainsi, les chauffeurs, les mécaniciens, les forgerons nécessaires aux travaux sont choisis peu à peu dans les rangs des manuvres qui tout d'abord n'avaient aucune spécialisation 5. C'est peut-être là l'un des aspects les plus intéressants du programme de boisement en Espagne.
[5 Dans la seule province de Huelva, le service forestier avait, en 1954, construit 12 écoles et un hôpital pour les travailleurs forestiers.]
La mécanisation ne s'est développée qu'en 1950, et maintenant encore seulement un tiers des travaux se font avec des moyens mécaniques. La renaissance du commerce extérieur espagnol a permis de faire un plus grand usage des machines. L'influence des changements techniques sur l'emploi de la main-d'uvre est indiquée dans le tableau 4, où l'on peut également se rendre compte que, même dans les projets mécanisés, les frais de main-d'uvre représentent plus de la moitié du prix total.
Le tableau 5 illustre les efforts de l'administration espagnole pour maintenir un haut niveau d'emploi.
TABLEAU 4. - FRAIS DE MAIN-D'UVRE SELON LA MÉTHODE DE REBOISEMENT
Année |
Salaires |
Matériel et transports |
Assurances sociales |
Cadres |
Total |
Pourcentage |
|||||
Travaux non mécanisés |
|||||
1955 |
84,34 |
6,91 |
3,86 |
4,89 |
100 |
1956 |
85,07 |
6,13 |
3,85 |
4,95 |
100 |
1957 |
81,81 |
8,97 |
4,15 |
5,07 |
100 |
|
Travaux mécanisés |
||||
1955 |
44,20 |
48,46 |
2,08 |
5,26 |
100 |
1956 |
38,72 |
53,71 |
2,23 |
5,34 |
100 |
1957 |
43,89 |
48,71 |
2,22 |
5,18 |
100 |
|
Regarnissage |
||||
1955 |
81,89 |
9,50 |
3,78 |
4,83 |
100 |
1956 |
84,45 |
6,55 |
3,83 |
5,17 |
100 |
1957 |
82,40 |
8,32 |
4,20 |
5,08 |
100 |
PRODUCTION FUTURE DE LA ZONE BOISÉE
L'administration forestière espagnole estime que la production des forêts nouvellement plantées atteindra environ 2 millions de mètres cubes par an, dans 10 à 15 ans. Ces estimations sont basées sur des calculs très détaillés et prudents. On peut donc admettre que les travaux déjà exécutés en Espagne doivent presque suffire à couvrir les besoins en bois du pays. La Dirección General de Montes estime, dans Memoria de actividades realizadas en 1955, que les besoins en bois rond se répartissent comme suit:
TABLEAU 5. - MAIN-D'UVRE EMPLOYÉE AUX TRAVAUX DE BOISEMENT EN 1956
Période |
Journées de travail | |
Premier trimestre | ||
|
Janvier |
1 620 000 |
|
Février |
1 040 000 |
|
Mars |
1 740 000 |
TOTAL |
4 400 000 | |
Deuxième trimestre | ||
|
Avril |
1 024 390 |
|
Mai |
888 604 |
|
Juin |
887 006 |
TOTAL |
2 800 000 | |
Troisième trimestre |
| |
|
Juillet |
630 000 |
|
Août |
562 500 |
|
Septembre |
607 500 |
TOTAL |
1 800 000 | |
Quatrième trimestre | ||
|
Octobre |
1 400 000 |
|
Novembre |
1 250 000 |
|
Décembre |
1 350 000 |
TOTAL |
4 000 000 |
|
Mètres cubes | |
Industries de la cellulose |
200 000 | |
Emballages |
900 000 | |
Bois de mines |
980 000 | |
Poteaux |
40 000 | |
Grumes de sciage |
1 250 000 | |
Traverses de chemin de fer |
300 000 | |
|
TOTAL |
3 670 000 |
Ce volume représente 4 500 000 mètres cubes de bois sur pied. La production annuelle moyenne, ces dernières années, a atteint environ 3 200 000 mètres cubes 6; il reste à combler un déficit sensible de 1 300 000 mètres cubes; mais ce déficit est bien inférieur à la production prévue citée plus haut. Il est certain, toutefois, qu'avant que les nouveaux boisements soient exploitables, les besoins en bois de l'Espagne auront beaucoup augmenté.
[6 Chiffres extraits de Producción y comercio forestal, Ministerio de Agricultura, Madrid, 1957.]
La consommation actuelle de bois en Espagne est d'environ 0,12 mètre cube par habitant et par an; elle est bien inférieure à la moyenne européenne (0,45 m3). Si l'on admet un taux de croissance annuelle de la population de 7 pour mille et une consommation de bois équivalente à celle que fait actuellement l'Italie, on peut prévoir une consommation annuelle totale d'environ 7 400 000 mètres cubes dans 35 ans. Pour satisfaire cette demande, il aurait fallu que le boisement soit achevé sur un autre million d'hectares (en plus du million d'hectares déjà reboisé) et sur la même base écologique.
En fait, il est peu vraisemblable que l'on puisse dépasser de beaucoup les 3 200 000 mètres cubes que produisent annuellement les bois existants. L'administration des forêts estime qu'au cours des 15 dernières années on a prélevé un volume de 12 millions de mètres cubes de bois de sciage en excédent de la croissance normale. C'est grâce à ces coupes supplémentaires qu'on a pu faire face aux difficultés des années quarante et répondre à la demande urgente de traverses de chemin de fer, bois de mines, etc. Mais il est évident qu'il faudra combler les vides ainsi creusés.
RESULTATS DU PROGRAMME DE BOISEMENT
Il faut une analyse beaucoup plus détaillée pour donner une idée complète de l'importance du rôle du programme de boisement dans l'économie espagnole. Le rythme des travaux ne croît régulièrement que depuis 1952, et l'on n'a atteint et dépassé les 100 000 hectares par an qu'en 1953. On peut cependant choisir comme exemple la province de Huelva pour montrer certains des effets du programme.
Dans cette province, l'Etat a acheté ou acquis par contrat à peu près 84 000 hectares entre 1942 et 1956. Lors de la transaction, presque toutes ces terres étaient couvertes de broussailles et pratiquement désertes en dehors de la présence éphémère des bergers et dé quelques agriculteurs nomades, qui cherchent des terres nouvelles tous les 12 ou 14 ans. Pour tout cheptel, quelques troupeaux de chèvres, de très faible rendement. On peut dire que la zone était improductive et inhabitée. Tant le climat (avec une pluviosité ne dépassant jamais 400 mm et très irrégulièrement distribuée) que le sol (fortement alluvial et podsolisé) en étaient extrêmement défavorables.
Les boisements des dernières années couvrent 60 000 hectares, dont la moitié environ a été plantée en essences à croissance rapide, surtout eucalyptus, acacias et peupliers d'Italie; pour le reste on a utilisé des essences à croissance lente, pins surtout.
Ces travaux ont permis l'établissement de 21 nouvelles communautés avec des écoles, des centres de loisirs, etc. Elles hébergent plus de 10 000 colons. Un réseau de 260 kilomètres de routes a été construit ainsi qu'une usine de cellulose. Ainsi la région a été radicalement transformée: autrefois désert presque stérile, elle est devenue une région très productive. Et la transformation s'est inscrite dans la géographie même de la région.
Les investissements ont été à peine supérieurs à 280 millions de pesetas, y compris l'achat des terres. Or une dizaine de milliers d'hectares d'eucalyptus produisent déjà chaque année plus de 50 000 mètres cubes de bois rond d'une valeur de 25 millions de pesetas; et l'on estime que la terre ainsi mise en valeur vaut maintenant quelque 3 milliards de pesetas.
Amélioration des pâturages
La nécessité de compenser autant que possible la diminution des surfaces laissées aux pâturages a conduit l'administration forestière à dresser un plan d'amélioration des pâturages dans le cadre du plan de boisement. Cela est considéré comme une condition indispensable du progrès du boisement. L'importance du pâturage sur les surfaces boisées ou qui pourraient l'être en Espagne est illustrée par le fait que les revenus provenant du pâturage sur ces terres représentent plus de 50 pour cent des revenus provenant de la production de bois. Ainsi plus de 17 millions d'hectares, c'est-à-dire 70 pour cent de la superficie non agricole, sont soumis au pâturage chaque année 7.
[7 M. Navarro Garnica, Pastizales españoles. Ministerio de Agricultura, Madrid, 1955.]
Le plan doit avoir une double action: établissement d'une nouvelle couverture herbacée par le semis d'espèces exotiques ou d'espèces indigènes sélectionnées; et amélioration des terres de pâturages actuelles par les assolements, l'arrachage des buissons, la construction d'abreuvoirs et d'abris pour les animaux, etc. Beaucoup d'unités expérimentales ont été aménagées de la sorte - pas moins de 600 dans la seule province d'Aragon. Ces unités sont gérées conformément aux directives et aux normes établies par la FAO sous le nom de «pépinières uniformes méditerranéennes», L'expérience déjà acquise a permis d'établir 20 pépinières pour la production d'espèces pratensis, sur une superficie d'environ 4 000 hectares. Plus de 30 espèces exotiques se sont montrées particulièrement adaptées à l'aridité espagnole.
Citons différents écotypes de fétuques, de bromes, d'avoines, de cynosurus, agropyron, lotus, de poa, de luzerne, de hedysarum et de trèfle. Quelle que soit d'ailleurs la valeur des espèces herbacées exotiques, les expériences n'ont pas négligé les espèces locales: une campagne de ramassage a été organisée pour satisfaire la demande en graines. Parmi les espèces indigènes, celles qui semblent surtout valoir d'être propagées sont: Agropyron cristatum, Agrostis sp., Dactylis glomerata, Festuca rubra, Hedysarum humile, Lolium rigidum, Medicago lupulina, Medicago sativa, Poa pratensis, Sanguisorba minor, Stipa lagascae, Trifolium pratense.
Mais l'amélioration des pâturages n'en est encore qu'au stade expérimental. En 1956, on a restauré dans certaines provinces des surfaces considérables de pâturages grâce à des semis expérimentaux; il faut mentionner le travail accompli dans la province de Lugo pour le développement général des terres à pâturages dans les zones qui ont été choisies pour le reboisement. C'est ainsi que l'administration espère obtenir le reboisement sans nuire aux intérêts de l'élevage. L'administration espagnole estime qu'un tiers de la zone actuellement soumise au pâturage suffirait à assurer la production de l'élevage à son niveau actuel, pourvu que ces pâturages soient améliorés. On n'a pas de chiffres exacts pour prouver cette affirmation; mais l'administration espagnole s'appuie sur les conclusions auxquelles sont arrivés Long et Kellog. Long 8 a noté que dans certaines régions arides du Proche-Orient, où la pluviosité est de 250 à 400 mm, des pâturages tellement dégradés qu'un mouton pour 10 hectares est déjà trop, pourraient, grâce à une amélioration minimum, devenir d'excellents pâturages produisant chaque année environ un mouton par hectare. C'est dire qu'il prévoit que la productivité des pâturages pourra décupler: l'administration espagnole, qui a affaire à des conditions écologiques beaucoup plus favorables que celles que décrit Long, a certainement le droit d'espérer que la productivité triplera.
[8 G. A. Long: L'étude de la végétation et ses relations avec les problèmes dans quelques pays du Proche-Orient, FAO/56/2/1534, Rome, 1956.]
De même Kellog a noté 9 que la productivité des pâturages arides les meilleurs peut être d'environ 46 kilogrammes de mouton sur pied à l'hectare. Comme on peut admettre actuellement que les pâturages espagnols supportent, du moins dans certaines régions 10, 20 kilogrammes à l'hectare, la production indiquée par Kellog suppose une augmentation de 230 pour cent, chiffre qui ne s'éloigne pas tellement de celui qui a été accepté en Espagne.
[9 Ch. E. Kellog: «The role of science in man's struggle on arid lands». The Future of Arid Lands, American Association for the Advancement of Science, Washington, 1956.10 On n'a malheureusement pas de donnée précise sur la charge permanente d'animaux à l'hectare en Espagne; mais le chiffre donné ici est calculé à partir de Contribución al estudio pastoral del Levante español, par J. Prais Llaurado, Ministerio de Agricultura, Madrid, 1956.]
Quand le programme d'amélioration des pâturages aura atteint son plein développement, on disposera d'informations précieuses sur cette question qui est d'une grande importance dans toutes les zones montagneuses de la région méditerranéenne, en particulier en ce qui concerne les espèces à employer, les techniques, les machines - qui semblent indispensables à ce genre de travaux - les prix et le poids de bétail nourri à l'hectare.
Le programme espagnol donne l'exemple d'une action forestière dynamique dans le bassin méditerranéen. Le trait saillant en est ses dimensions et l'effet qu'il a eu sur l'emploi de main-d'uvre. Le pays a pris conscience du problème forestier et l'économie forestière espagnole a désormais un fondement. La couverture forestière a été restaurée sur un million d'hectares; une partie notable de la main-d'uvre du pays a reçu un salaire régulier et a de plus trouvé la possibilité de recevoir une formation professionnelle.
Quel est l'avenir du programme en cours? La réponse à cette question dépend des résultats d'une enquête plus générale sur l'économie espagnole. Du point de vue technique, les objectifs fixés peuvent aisément être atteints; on pourrait même boiser 200 000 hectares par an; mais la possibilité d'accomplir un tel travail dépend aussi des problèmes plus généraux de l'affectation des ressources - y compris celles que fournit l'aide étrangère - et aussi de la solution des problèmes de l'agriculture espagnole.
LA «SOCIETY OF AMERICAN FORESTERS» DÉCERNE LA MÉDAILLE GIFFORD PINCHOT
Un événement exceptionnel a marqué la dernière Conférence de la FAO. Tandis que la Society of American Foresters tenait son banquet annuel à Syracuse, New York, ses membres présents à Rome réunissaient à déjeuner tous les délégués forestiers prenant part à la Conférence. Au cours de ce déjeuner, MM. R. A. McArdle et V. L. Harper, respectivement chef et chef-adjoint du Service forestier des Etats-Unis, ont décerné à M. Henry E. Clepper, au nom de la Société, dont il a été le Secrétaire pendant les 30 dernières années, la médaille Gifford Pinchot pour services éminents rendus à la cause de la foresterie. Cette décoration, créée il y a 50 ans, n'a été décernée que quatre fois par la Société. La photo montre (au centre) M. Clepper qui vient de recevoir la médaille; à sa gauche se trouve M. Leloup, Directeur de la Division des forêts de la FAO, à sa droite M. McArdle. A l'extrême droite et à l'extrême gauche, respectivement, le Professeur Eino Saari (Finlande) et le Professeur Aldo Pavari (Italie), deux éminents membres honoraires de la Society of American Foresters, qui en compte 12 en tout.