L'amélioration des systèmes de distribution
alimentaire des villes africaines n'est pas un objectif en soi. Il
s'intègre dans une stratégie plus globale d'amélioration de
la sécurité alimentaire des populations. Dans le contexte
d'urbanisation rapide et de crise économique que connaissent les pays
africains, plusieurs objectifs de ces stratégies peuvent être
cités:
- Améliorer l'accès à l'alimentation des populations
défavorisées, tant en milieu rural que urbain.
- Accompagner le rôle d'entraînement que joue la croissance
urbaine sur le développement agricole local, en particulier
par le biais des filières vivrières. L'urbanisation constitue
en effet à la fois un risque et une opportunité pour l'économie
agricole de ces pays: risque d'une dépendance croissante par un recours
privilégié aux importations alimentaires pour nourrir les villes;
opportunité par le fait que les villes constituent un débouché
croissant pour la production vivrière. Celle-ci passe ainsi d'un statut
de production pour l'autoconsommation à celui de production de rente.
- Favoriser la création et la durabilité des emplois
et donc des revenus, tant en ville qu'en milieu rural. Ceci permet
ainsi d'accroître le pouvoir d'achat et contribue alors à la
sécurité alimentaire de la population.
Le cas de Cotonou et du Bénin, par rapport aux autres
pays africains constitue à la fois un cas particulier et un exemple
intéressant d'analyse. L'alimentation de cette capitale, d'aujourd'hui
près d'un million d'habitants, se caractérise en effet par une
forte dynamique des filières locales d'approvisionnement vivrier. La
consommation en ville de produits importés reste limitée
comparée à d'autres pays. Le cas de Cotonou prouve de façon
exemplaire qu'une ville africaine peut se nourrir à partir de sa
production agricole locale et que les filières vivrières
permettent à la fois d'assurer un rôle d'intermédiation
entre ville et campagne et de largement contribuer à la création
d'emplois et de revenus.
Dans la perspective de concevoir des programmes d'action
visant à améliorer les systèmes de distribution alimentaire
des villes, les conclusions de cette étude de cas conduisent à
formuler quelques recommandations.
- En premier lieu, il apparaît primordial de reconnaître
la diversité et la complémentarité des structures de
distribution. Ces structures ne peuvent être conçues
simplement comme des chaînes d'opérateurs commerciaux ayant pour
seule fonction d'assurer la circulation des produits de leurs zones de production
jusqu'aux consommateurs. La prise en compte du mode de fonctionnement spécifique
des acteurs est une condition indispensable pour la réussite de tout
programme d'actions qui les concernerait. Cette prise en compte nécessite
de porter autant d'attention aux fonctions commerciales que ces acteurs assurent,
qu'aux relations non strictement commerciales qu'ils entretiennent et qui
permettent le fonctionnement du système. Une stratégie visant
à améliorer le système de distribution ne peut donc s'appuyer
seulement sur un modèle conçu comme optimal du point de vue
économique; modèle qui conduirait à imaginer une structuration
des acteurs et des lieux selon le seul point de vue de leur utilité
et performance commerciale. Divers exemples dans les pays du monde ont montré
les limites de telles approches souvent trop réductrices: création
de marchés de gros désertés par les commerçants,
décalage entre le fonctionnement espéré ou prévu
des circuits et le fonctionnement réel des acteurs.
- Une meilleure connaissance des modes de fonctionnement des acteurs
est nécessaire pour leur prise en compte dans des programmes
d'actions. Mais cette prise en compte passe aussi et surtout par une participation
de ces acteurs à la conception et à la mise en oeuvre des programmes,
par une concertation voire une négociation sur leurs orientations et
leurs modalités d'exécution. L'expertise, aussi fine soit-elle,
ne peut se substituer à ce nécessaire dialogue. Mais pour que
celui-ci s'instaure, il ne faut pas sous-estimer la difficulté inhérente
au caractère diffus des structures de distribution. La multitude d'agents
individuels et leur faible niveau de représentation organisée
vis-à-vis des autorités ne rendent pas ce dialogue facile à
organiser. Les réflexions sur l'établissement d'espaces de concertation
avec le secteur des commerçants et des artisanes de l'alimentation
semblent aujourd'hui insuffisantes. Elles pourraient pourtant utilement bénéficier
des expériences acquises dans de nombreux pays africains sur le dialogue
avec les producteurs agricoles établit par le biais des organisations
paysannes.
- Dans la plupart des pays africains, la connaissance des styles alimentaires
des populations urbaines défavorisées et de leurs conditions
d'accès à l'alimentation reste insuffisante. Une telle connaissance
est pourtant nécessaire pour orienter et évaluer l'effet de
programmes d'actions par rapport à l'objectif d'amélioration
de la sécurité alimentaire de ces populations. On connaît
ainsi encore mal comment se traduisent des actions telles que la réorganisation
de marchés de gros, la réglementation du commerce ou de la qualité,
l'aménagement de lieux de vente, sur l'accès à l'alimentation
de ces populations.
L'exemple de Cotonou révèle enfin
l'importance à accorder aux activités de transformation des
produits. Leur développement peut contribuer à atteindre
l'objectif de mieux connecter la demande alimentaire urbaine à l'offre
agricole locale. Si ces activités ne peuvent être
considérées, à strictement parler, comme des
activités de distribution, leur rôle est primordial dans
l'accès des citadins à des produits locaux adaptés à
leur mode de vie. Les opérateurs de ce secteur agro-alimentaire et en
particulier la multitude d'artisanes sont rarement pris en compte dans les
stratégies alimentaires. Le rôle prépondérant de ce
secteur dans la valorisation des produits agricoles locaux et son importante
contribution à la création de valeur ajoutée, d'emplois et
de revenus tant en ville qu'à la campagne dans les filières
vivrières méritent pourtant que son développement soit
appuyé. C'est dans la perspective de favoriser le rôle
d'entraînement que l'urbanisation peut jouer sur le développement
agricole que ce secteur agro-alimentaire doit être
développé. Les demandes de ces opératrices sont nombreuses
et ne trouvent actuellement que peu de réponses appropriées:
besoins de crédit, de conseils techniques, organisationnels et
commerciaux, etc.