Point 4.1 a) de l'ordre du jour GF/CRD RDCongo-1   

Forum mondial FAO/OMS
des responsables de la sécurité sanitaire des aliments

Marrakech (Maroc), 28 - 30 janvier 2002

URGENCES SANITAIRES NATIONALES ET TRANSFRONTIERES LIEES A L'ALIMENTATION

Par Hubert ALI RAMAZANI
Délégué de la République Démocratique du Congo

Document proposé par la République Démocratique du Congo



INTRODUCTION

La sécurité alimentaire constitue depuis plus d'une décennie une des préoccupations internationales surtout dans les Etats dits en voie de développement, lesquels sont pour la plupart, confrontés à l'épineux problème de la démographie croissante et à l'insécurité conséquente aux différentes guerres et aux troubles politiques.

De par sa position géographique au centre de l'Afrique et sa situation socio -politique la République Démocratique du Congo est confrontée à plusieurs urgences sanitaires liées à l'alimentation.

En effet, la République Démocratique du Congo est située en zones équatoriale et intertropicale où sévissent de nombreuses pathologies tant humaines que animales susceptibles de contaminer l'homme (zoonoses)

Sa situation socio-politique actuelle caractérisée notamment par la guerre fait que les structures étatiques de contrôle et de surveillance de la qualité des denrées alimentaires n'ont pas toujours les moyens logistiques et financiers pour effectuer les examens et tests requis.

Les urgences découlant de cet état de choses peuvent être regroupées autour des axes suivants :

  1. les urgences liées au processus de production ;
  2. les urgences découlant de l'importation des denrées alimentaires ;
  3. les risques occasionnés par les conditions de distribution et conservation du produit.

LES URGENCES LIÉES AU PROCESSUS DE PRODUCTION

Des risques non négligeables sont liés au processus de production de denrées alimentaires tant d'origine végétale que animale. Pour les produits d'origine végétale, il s'agit de contaminations dues à l'usage incontrôlé de pesticides et des engrais chimiques. Ces risques concernent surtout la production maraîchères, notamment les légumes et aussi les fruits produits dans les centres urbains et qui sont récoltés souvent avant la fin du délai d'attente pour satisfaire les demandes pressantes et alléchantes de la clientèle.

L'eau potable étant un luxe dans le contexte de crise économique, le producteur nettoie sa récolte parfois avec de l'eau de puits de qualité incertaine (contamination par les fosses septiques ou par les résidus des engrais chimiques et pesticides) ou avec les eaux de ruissellement charriant aussi bien les microbes que les produits chimiques de toutes sortes (dioxine, raticide, métaux lourds dont le plomb, etc.).

Le manioc constitue un aliment de base de plus de 70 % de la population congolaise. Suite à la forte demande de ce produit, le temps de rouissage est raccourci. Il est passé de 3 jours à environ 1 jour et demi. Ceci a pour conséquence une mauvaise élimination de l'acide cyanhydrique contenu naturellement dans ces tubercules entraînant des maladies telle que la paralysie connue sous le nom locale de KONZO et autres cas pathologiques.

Quant aux produits animaux, on n'est jamais sûr de la nature de certains additifs utilisés dans les produits de charcuterie de fabrication artisanale. En ce qui concerne la viande de gibier, la provenance de ces produits, les pratiques utilisées de capture, d'abattage et de conservation ne sont pas maîtrisées pour cette catégorie de denrées très prisées par une frange importante de la population. Toujours concernant les gibiers, il existe aussi plusieurs cas de fraudes très nocifs, notamment le boucanage et la vente des animaux trouvés morts ou empoisonnés (cas d'Ebola).

Les poissons pêchés dans les eaux du fleuve Congo, en aval des usines et ateliers de l'agglomération de la ville de Kinshasa, ne sont pas toujours exempts de certains produits toxiques (dioxine). On est d'autant fondé à l'affirmer que certains poissons dégagent l'odeur de mazout ( poisson mazouté).

Les produits laitiers ne sont pas plus rassurants. Les yoghourts et autres crèmes très prisés dans le milieu populaire n'offrent pas toutes les garanties de sécurité sanitaire eu égard à la qualité de l'eau et des récipients utilisés lors de reconstitution et conditionnement de ces produits.

Enfin il y a le phénomène 'l'eau en sachet' largement vendue dans le milieu urbain qui est un véhicule de beaucoup de germes. Ce système consiste à mettre de l'eau, non stérilisée, souvent d'origine douteuse et mise en sachets non alimentaires et placés au congélateur pour être vendus pendant les heures chaudes de la journée par les enfants de la rue.

LES URGENCES DÉCOULANT DE L'IMPORTATION DE DENRÉES ALIMENTAIRES.

La République Démocratique du Congo importe une large gamme de produits alimentaires dont la qualité n'est pas toujours garantie. Il y a quelques années une cargaison de riz contaminé par la PVC a été saisie et détruite au Port de Matadi. Ce type 'd'accident' arrive très souvent lorsque le riz en vrac est transporté à coté des produits ayant l'aspect physique identique à celui des denrées alimentaires.

Il y a peu d'éléments qui prouvent que la viande issue de la vache folle ne se trouve pas dans les boîtes de conserve de viande, surtout dans les différents labels apparus dans la foulé de la crise de l'ESB.

Il existe aussi peu d'éléments pour exclure que les poulets qui proviennent d'Europe ou d'Amérique n'ont pas été nourris aux farines animales tant décriées.

La fraude est presque inhérente au commerce. Mais notre drame vient de notre faiblesse au niveau de la production interne et de l'insuffisance de notre appareil de contrôle et de répression de fraude.

Le comble est que nous devons nous adresser aux laboratoires des pays de provenance ou de leurs voisins pour nous assurer de la qualité des denrées alimentaires suspectes.

Signalons ici que pendant la crise du 'poulet à la dioxine', notre pays a pris de mesures jugées par certains très sévères pour faire analyser plusieurs centaines d'échantillons de poulets qui sont arrivés avec toutes les garanties de pays producteurs. Les examens effectués par deux laboratoires européens ont confirmé plusieurs résultats positifs parmi les échantillons prélevés et expédiés. Ceci confirme notre préoccupation soulevée ci-haut.

LES RISQUES OCCASIONNÉS PAR LES CONDITIONS DE DISTRIBUTION ET DE CONSERVATION

Les conditions de distribution et de conservation sont de nature à contaminer ou à détériorer la qualité des aliments produits dans les limites aseptiques satisfaisantes. Le gel et dégel de viandes, leur découpe en plein air dans la poussière et dans les proximités de fumée de véhicules ou encore près de décharges publiques, la vente de lait en poudre également en plein air, sous un soleil accablant sont autant de facteurs de risque pour la santé publique. Et que penser de ces viandes grillées à ciel ouvert sur des braseros de fortunes devant les débits de boissons ou dans les parkings de véhicules.

Il convient de signaler ici les difficultés pour mettre en place les structures de répression efficace en vue de lutter contre ces pratiques dangereuses, en ce qui concerne la production, la conservation et la commercialisation de denrées alimentaires. Kinshasa est une ville conçue pour habiter pas plus de trois million d'habitants en temps normal.

Or actuellement, Kinshasa ne vit pas en temps normal suite à l'agression de la part de trois voisins de la République Démocratique du Congo. Il s'en est suivi de déplacement massif des populations dont plus de quatre se sont ajoutées aux quatre millions de Kinshasa.

Dès lors, pour la survie de plus de huit million d'habitants, l'informel s'est établi en maître, et toute rigueur est vite mal interprétée et pourrait conduire à des situations dramatiques de la part des inspecteurs sanitaires.

CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Les urgences sanitaires liées à l'alimentation sont réelles et nombreuses en République Démocratique du Congo.

Elles concernent les maladies anciennes (toxi infections dues aux entérobactéries, aux vibrions cholériques et autres), les maladies émergentes (virus d'Ebola, ESB...) et les intoxications.

Elles sont liées au contexte de paupérisation : faibles revenus, accès limité à l'eau potable, détérioration de l'hygiène publique, etc.

Elles menacent tant la population nationale que celle de pays voisins et autres du fait de la grande mobilité du genre humain suite au progrès récent dans le domaine du transport.

Le pays possède l'expertise nécessaire pour l'identification des risques courus, mais il manque cruellement des ressources logistiques (équipements de laboratoire), de consommables de laboratoire et aussi de la remise en niveau (formation continue du personnel technique).

Etant donné le caractère partagé du risque, il faudra que la Communauté internationale à travers le Système des Nations Unies prenne ce problème à cœur.

Concrètement, il serait souhaitable de doter la République Démocratique du Congo des unités d'analyse rapide et performantes aux principaux postes d'entrées et de sorties de produits alimentaires.

Les équipements et réactifs à fournir viseraient principalement les maladies et intoxications émergentes (ESB, dioxine...). Mais la solution durable passé par le retour de la paix et la relance du processus de développement général pour l'amélioration de conditions de vie. Personne n'est mieux placé que les Nations Unies pour soutenir les efforts nationaux dans ce sens.