F. C. HUMMEL
Forestry Commission du Royaume-Uni
DANS LES PAYS OU les reboisements ont été réalisés sur une grande échelle, le volume de la production forestière susceptible d'être mis sur le marché augmentera rapidement et se modifiera en qualité. En particulier, les éclaircies fourniront de grandes quantités de produits de petites dimensions pour lesquels il se peut qu'il n'existe aucun marché à proximité. L'installation de nouvelles industries du bois peut être requise, mais un plan soigneusement élaboré est nécessaire si l'on veut que ces industries prospèrent et qu'un prix suffisant soit payé pour la matière première. Il faut choisir le type et la dimension d'usine qui conviennent et celle-ci doit être installée à l'endroit et à l'époque appropriés Il n'est possible d'élaborer soigneusement ce plan que si l'on dispose de solides prévisions sur la production.
La présente étude 1 traitera du problème des prévisions relatives au volume des produits d'éclaircie et montrera comment ce problème est abordé au Royaume-Uni où les conditions forestières sont quelque peu particuliers.
[1 Cet article est adapté d'une communication intitulée Yield Regulation and Forecasts of Production présentée a la réunion de l'Association britannique pour l'avancement des sciences, tenue à Dublin en septembre 1957.]
La superficie totale boisée au Royaume-Uni s'élève à 1 600 000 hectares, soit 7 pour cent de la superficie totale du territoire; l'administration des forêts gère 400 000 hectares, tandis que la plupart des 1 200 000 hectares restant appartiennent à des propriétaires privés. Il n'y a qu'un petit nombre de grands massifs forestiers et la majeure partie de la superficie boisée est constituée par un grand nombre de petits peuplements très dispersés dans tout le pays mais facilement accessibles par la route. La majorité des forêts appartenant à l'Etat comprend des arbres de moins de 40 ans, parmi lesquels dominent les conifères. Les forêts appartenant à des particuliers, d'autre part, comprennent une proportion importante de vieux peuplements, surtout d'essences feuillues, et aussi des superficies importantes qui ne sont pas pleinement productives par suite des abattages effectués pendant la guerre. A l'heure actuelle l'Administration des forêts plante 20 à 25 000 hectares par an, en principe sur des terrains qui n'étaient pas boisés auparavant et avec des essences résineuses, sauf dans les zones relativement restreintes où les essences feuillues peuvent se développer dans des conditions favorables. Les propriétaires privés, sont au nombre d'environ 40 000 et reboisent entre 10 et 12 000 hectares par an, principalement sur des terrains autrefois boisés.
L'Etat met à leur disposition assistance technique et aide financière mais conserve un droit de regard sur le volume des abattages.
Pour le boisement privé comme pour le boisement réalisé par l'Etat, les essences les plus employées sont le pin sylvestre, le pin laricio de Corse, l'épicéa de Sitka, l'épicéa commun, le mélèze du Japon, le mélèze d'Europe, le Douglas, mais d'autres essences, telles que Tsuga heterophylla, Abies brandis et Pinus contorta, deviennent de plus en plus populaires.
Différentes méthodes préconisées
D'une manière générale, il existe trois grandes méthodes d'établissement des prévisions de la production forestière.
La première est celle du plan d'abattage, c'est-à-dire du programme fixant un certain volume de bois à abattre chaque année. On peut fixer cette quantité en fonction des besoins des industries, des facteurs sylvicoles et autres facteurs pertinents, mais l'essentiel est que le volume exact des abattages soit arrêté à l'avance. Pour l'ensemble d'un pays, cette méthode n'est possible que si l'économie est rigoureusement dirigée. L'U.R.S.S. a établi des prévisions de production de ce type.
La deuxième méthode possible consiste à prévoir la demande du consommateur. On a récemment établi aux Etats-Unis une prévision de ce type qui prend en considération des facteurs tels que les modifications probables de la densité de la population et du niveau de vie ainsi que les progrès techniques pouvant entraîner de nouvelles utilisations du bois ou, au contraire, son remplacement par d'autres matériaux. Cette méthode convient particulièrement aux pays dans lesquels l'autorité forestière centrale n'a qu'un droit de regard faible ou nul sur le volume des abattages.
La troisième méthode - et c'est celle-ci qui intéresse essentiellement le Royaume-Uni - consiste à prendre, comme point de départ, le potentiel forestier, c'est-à-dire à évaluer les quantités de bois que l'on pourra abattre avec un traitement sylvicole donné.
La différence essentielle entre cette méthode et celle du plan d'abattage est que, dans ce cas, on commence par prescrire le traitement sylvicole pour évaluer ensuite la production résultant de son application, tandis que, dans le plan d'abattage, c'est le volume des abattages qui est fixé à l'avance et le traitement sylvicole qui peut devoir être adapté en conséquence.
Méthode employée au Royaume-Uni
Pour déterminer le potentiel forestier d'une forêt ou d'un pays il est nécessaire d'être renseigné sur:
1. La superficie, le volume et l'accroissement; cela implique une estimation du matériel sur pied.2. Le traitement sylvicole.
3. Les statistiques sur le rendement exploitations antérieures.
Le rassemblement et la mise au point de ces renseignements constituent peut-être le côté le plus difficile et le plus pénible de l'établissement des prévisions; il faut donc étudier ce problème un peu plus en détail.
Le premier point ne présente de difficultés ni dans les forêts privées ni dans les forêts appartenant à l'Etat à condition que l'on puisse obtenir la permission de pénétrer sur les propriétés privées pour y rassembler les éléments nécessaires. Par contre, les renseignements sur le traitement sylvicole futur et, les statistiques sur le rendement des exploitations antérieures ne peuvent souvent être obtenues que pour les forêts appartenant à l'Etat. Toutefois, si les renseignements sur le matériel sur pied sont rassemblés de la même manière dans toutes les forêts, quel que soit leur régime de propriété, les prévisions concernant les forêts privées peuvent être établies en prenant les forêts appartenant à l'Etat comme norme de comparaison et comme indication. C'est pour cette raison que notre inventaire forestier national tient compte tant des forêts appartenant à l'Etat que des forêts appartenant à des particuliers.
Inventaire du matériel sur pied
Bien qu'il y ait eu quelques estimations antérieures, nous pouvons prendre comme point de départ, dans le contexte qui nous intéresse, le recensement de tous les massifs boisés de plus de 2 hectares qui a été effectué entre 1947 et 1949 2. Le premier stade des travaux consistait à aller voir tous les massifs boisés de plus de 2 hectares et à classer chaque peuplement à l'intérieur de ceux-ci suivant son régime, son âge, la forme de ses arbres, son matériel et les essences constitutives. Un recensement complet de tous les massifs boisés n'était pas nécessaire pour obtenir une estimation satisfaisante des superficies occupées par chaque essence et chaque catégorie d'âge permettant d'établir des prévisions de production; il aurait suffit d'estimer un échantillonnage convenablement choisi représentant 5 à 10 pour cent de la superficie totale. Le recensement complet a cependant été effectué pour nous permettre de mettre en pratique la politique générale tendant à encourager une gestion efficace des forêts de propriétés privées.
[2 Forestry Commission, Report on the Census of Woodlands 1947-49, H.M.S.O., 1952.]
Le deuxième stade des travaux consistait à estimer le volume. On n'a pas essayé d'estimer le volume sur pied de chaque peuplement ou même de chaque forêt pris individuellement, mais pour chaque région importante on a obtenu des estimations basées sur l'inventaire de parcelles échantillon et donnant le volume moyen par hectare et les volumes globaux par essence et par classe d'âge. Les parcelles-échantillon étaient des placettes circulaires de 0,04 hectare et il y en avait une par 80 hectares, ce qui donnait un pourcentage d'échantillonnage de 1 pour 2 000. L'échantillonnage était stratifié par comté, essence et classe d'âge, mais à l'intérieur de chaque strate, le choix des peuplements où devaient être pris les échantillons et la désignation de placettes-échantillon à l'intérieur de ces peuplements étaient faits au hasard. Cette méthode d'échantillonnage avait pour but de fournir une estimation objective d'une précision convenable, la moins coûteuse possible, et une estimation approximative de cette précision. En tout, 7 000 placettes environ ont été mesurées.
Le troisième stade comportait l'estimation de l'accroissement courant. A l'époque, aucune estimation très précise n'a été considérée comme nécessaire étant donné que le volume des abattages et des éclaircies ne serait pas grandement influencé, au cours d'un grand nombre d'années à venir, par l'accroissement courant. Cela est dû en partie à la très anormale répartition des classes d'âge dans les forêts du Royaume-Uni, et en partie à la nécessité, qui existait immédiatement après la guerre, d'augmenter les stocks, fâcheusement affaiblis, de bois sur pied en restreignant les abattages à un minimum, sans se soucier de l'accroissement. L'estimation de l'accroissement reposait, non sur les mensurations prises au cours de l'inventaire forestier national, mais sur les renseignements dérivant des études à long terme d'accroissement et de production réalisées dans les places d'expériences permanentes de la Forestry Commission. Lorsque pour des essences importantes on disposait d'un nombre insuffisant de chiffres tirés des places d'expérience permanentes, des analyses de tige effectuées sur plusieurs centaines d'arbres ont fourni des renseignements complémentaires sur le taux d'accroissement.
Les études à long terme sur l'accroissement et la production constituent un domaine où la coopération entre pays voisins se révélera sans doute particulièrement utile. La coopération permet une économie de temps et peut épargner des efforts. Par exemple, les études faites au Royaume-Uni sur des essences telles que l'épicéa de Sitka pourraient offrir une indication préliminaire utile sur les possibilités d'accroissement des jeunes peuplements de cette essence en Irlande, et servir de point de départ à des études locales plus détaillées dans ce pays; à l'inverse, le Royaume-Uni pourrait tirer un grand profit des expériences irlandaises en ce qui concerne Pinus contorta (pin de Murray).
Le recensement de 1947-49, qui a coûté un peu moins de 2 shillings 6 pence par hectare, a été suivi en 1951 par un inventaire par sondage des boqueteaux isolés, arbres de haies, arbres de parcs qui, au Royaume-Uni, constituent plus de 20 pour cent de l'ensemble du bois sur pied et sont un des traits caractéristiques et agréables du paysage, particulièrement dans la partie sud du pays. Un rapport détaillé a été publié sur cet inventaire et sur les méthodes employées (Forestry Commission, 1953 3).
[3 Forestry Commission, Census Report No. 2, Hedgerow and Park Timber and Woods under Five Acres, 1951. H.M.S.O., 1953.]
Les renseignements sur la superficie et le volume de nos bois sont maintenant tenus à jour grâce à un système de révision continue du recensement par lequel quelques comtés sont estimés à nouveau chaque année. Cette révision a été entreprise à partir de 1953; elle s'applique aux arbres de haies et de parcs, ainsi qu'aux massifs boisés plus importants, aux forêts de l'Etat aussi bien qu'aux forêts des particuliers. Les méthodes employées pour la révision du recensement sont très semblables à celles employées pour le recensement original, si l'on excepte quelques améliorations peu importantes dont une seulement mérite d'être mentionnée ici. Pour chaque placette dans laquelle on mesure le volume, on note quelle proportion de ce volume pourrait être enlevée par des éclaircies à l'époque où ces mensurations sont faites, le but étant d'aider à déterminer les possibilités d'éclaircies. Cette méthode n'a pas été employée assez longtemps au Royaume-Uni pour qu'on juge de ses mérites, mais elle s'est révélée utile ailleurs, par exemple en Finlande, en Suède et à Chypre; or, elle ne donne que peu de travail supplémentaire. L'estimation des experts désignant combien d'arbres, et lesquels, peuvent être abattus, est obligatoirement subjective, mais une certaine uniformité de normes est maintenue par le fait que ces experts ont tous effectué des mesures et des éclaircies dans les places d'expériences permanentes de la Forestry Commission.
Effets du traitement sylvicole
Il convient maintenant de considérer comment, étant donné un certain matériel sur pied, la production sera affectée par le traitement sylvicole. A longue échéance, la production d'une forêt sera égale à l'accroissement, et l'expérience a montré que le traitement sylvicole n'a que des effets limités sur l'accroissement total, bien qu'il ait une grande influence sur le type et les dimensions des produits obtenus, l'époque à laquelle ils sont mis sur le marché, et la proportion relative des produits obtenus par les éclaircies et par la coupe définitive. Il s'ensuit qu'il est nécessaire de mieux connaître le traitement sylvicole qu'on se propose d'appliquer, si les prévisions doivent porter sur les seuls produits d'éclaircie et non pas sur la production totale, et si les prévisions sont à court plutôt qu'à long terme.
La production des éclaircies est, avant tout, affectée par la qualité et la fréquence des éclaircies, et à un degré moindre par la durée de la révolution.
Dans les régions où le reboisement est effectué sur une grande échelle, comme au Royaume-Uni, la production totale des éclaircies et des coupes peut aussi être affectée de manière importante, pendant une certaine période, par des mesures tendant à améliorer la répartition très anormale par classe d'âge qui peut exister quand une forêt tout entière n'a été plantée que pendant une fraction de la révolution prévue. Le problème consistant à trouver comment améliorer une répartition anormale des classes d'âge afin d'assurer une production soutenue a été exposé dans deux études récentes 4.
[4 F. C. Hummel, A Note on the Improvement of Abnormal Age Class Distribution. Union internationale des instituts de recherche forestière, 66/25/16.F. C. Hummel et A. J. Grayson, «The Achievement of Sustained Yield by Varying Thinning Treatment and Rotation». Forestry, XXX, 2, 1967.]
Il existe cinq méthodes permettant de réaliser un progrès dans le sens d'une production soutenue:
1. Grouper, de manière temporaire ou définitive les forêts proches les unes des autres de façon à former une seule série d'exploitation;2. Planter en sous-étage ou remplacer les plantations qui ne sont pas satisfaisantes ou ont échoué;
3. Profiter du fait que certaines essences croissent plus vite que d'autres et que le taux d'accroissement pour une même essence variera selon la station;
4. Réaliser un peuplement avant ou après l'époque où il serait normalement considéré comme exploitable, et, enfin,
5. Varier les modalités des éclaircies.
Cliché: Olivet Lad., Londres
Fotocraft Co. Chester
On s'est rendu compte que la conversion en vue d'assurer un rendement soutenu ne présente aucune difficulté technique particulière et ne demande que peu ou pas de sacrifice d'accroissement, à condition que le plan soit élaboré à temps et qu'une longue période de conversion soit permise. Le principal résultat de ces recherches en ce qui concerne les prévisions de production est que la conversion entraîne généralement des éclaircies fortes et des exploitations avant la fin de la révolution; cela signifie qu'un volume considérable de produits peut être mis sur le marché, plus tôt que s'il n'y avait pas eu conversion.
Statistiques sur le rendement des exploitations antérieures
S'il est possible d'établir des prévisions uniquement en connaissant le matériel sur pied et le traitement futur, ces prévisions seront beaucoup plus sûres si l'on dispose, comme indication, des statistiques sur le rendement exact d'exploitations antérieures. Il est donc souhaitable de se préoccuper de bonne heure du rassemblement des statistiques d'exploitation lorsqu'on élabore un plan de reboisement à long terme et qu'on peut s'attendre à ce que la production des plantations nouvelles soit très différente des forêts constituées depuis longtemps.
En rassemblant des statistiques sur la production, il convient de prendre particulièrement en considération trois points:
1. Les statistiques doivent être aussi simples que possible. On peut être tenté, dans un effort pour atteindre la perfection, de mettre au point un système trop compliqué de documents qu'il est difficile de tenir rigoureusement à jour, or, des documents inexacts peuvent être pires qu'inutiles car ils peuvent induire en erreur.2. Les documents doivent être établis de façon uniforme. La foresterie est compliquée par une multiplicité d'unités et de systèmes de mesure. On peut vendre le bois au volume ou au poids; sur ou sous écorce; le volume peut signifier le volume «brut» d'un arbre ou le volume «net» de ce qui est considéré comme commercialisable dans des conditions particulières. Même quand ces complications sont inévitables, les statistiques doivent toutes être ramenées à une unité commune par l'emploi de facteurs de conversion appropriés. Au Royaume-Uni, c'est le bois de tige sur écorce, cubé à un diamètre au fin bout de 7,5 centimètres qui a été adopté comme base pour nos dossiers d'exploitation, et les volumes sont exprimés en hoppus feet, un hoppus foot étant égal à 1,27 cubic foot, soit à 0,036 mètre cube. On peut difficilement justifier la convention archaïque de cette mesure «hoppus» à l'aide d'arguments rationnels, mais elle est tellement employée en pratique qu'elle a naturellement été choisie comme unité standard.
3. Comme il a déjà été mentionné, il est désirable que les statistiques s'appliquant aux forêts appartenant à des particuliers puissent être comparées aux statistiques concernant les forêts de l'Etat. Au Royaume-Uni, toutes les éclaircies et les coupes importantes à effectuer dans des propriétés privées doivent être autorisées par l'Etat, de sorte qu'il n'est pas difficile d'établir des documents exacts.
Le travail de prévision
Une fois les renseignements disponibles sur le matériel sur pied, le traitement futur, et le rendement des exploitations antérieures rassemblés, le travail de prévision proprement dit peut commencer.
Au Royaume-Uni, on a trouvé utile, aussi bien pour les forêts appartenant à l'Etat que pour les forêts appartenant à des particuliers de distinguer entre les prévisions à long terme, applicables à des périodes de 5 à 30 ans, les prévisions à moyen terme, valables pour des périodes de 2 à 5 ans, et les prévisions à court terme, relatives à l'année à venir.
Prévisions à long terme
Lorsqu'on établit des prévisions à long terme pour les forêts appartenant à l'Etat, la première chose à faire est de déterminer la superficie globale qui en est au stade de l'éclaircie à l'époque de l'estimation, et de calculer ce que sera cette superficie globale dans 5, 10, 15, 20 ans. Dans chaque forêt, les superficies sont calculées séparément pour les principaux groupes d'essences et de types de stations, mais l'expérience a montré que si la différenciation est poussée trop loin, cela peut donner beaucoup de mal sans que la prévision en soit plus exacte. Pour obtenir la superficie globale, il faut connaître l'âge moyen auquel on effectue les premières éclaircies: dans les conditions existant au Royaume-Uni, cet âge est généralement de 15 à 20 ans. De cette superficie globale il faut déduire les superficies «retardataires» (superficies oh l'accroissement anormalement lent oblige à différer les premières éclaircies) ainsi que les pertes possibles dues, par exemple, aux tempêtes et aux incendies, et encore, dans le cas d'anciennes classes d'âge, les coupes définitives correspondant au plan d'exploitation.
Quand on a déterminé la superficie nette pour chaque catégorie d'essence et de station, il convient alors de déterminer la production annuelle moyenne de produits d'éclaircie pour cette superficie. Au Royaume-Uni, celle-ci est habituellement d'environ 4 à 7 mètres cubes par hectare et par an pour les résineux, et d'un peu moins de la moitié de ce chiffre pour les feuillus. Ces chiffres sont habituellement établis a partir de documents anciens relatifs à la forêt considérée, mais, pour les forêts plantées récemment pour lesquelles on ne dispose pas de documents de cette nature, l'estimation repose soit sur des documents relatifs à d'autres forêts comparables, soit sur une estimation de l'accroissement établie à l'aide de tables de production. La production des éclaircies varie tant soit peu avec l'âge du peuplement. Toutefois, on s'est rendu compte que déterminer séparément, par classe d'âge, cette production, n'améliorait pas sensiblement les prévisions du volume total des produits d'éclaircie, mais facilitait, par contre, la décomposition de ce total en classes de dimensions ou de produits.
Tous les cinq ans, les prévisions à long terme sont étendues à cinq années supplémentaires et l'on revisse les prévisions pour la période intermédiaire.
Les prévisions à long terme relatives aux forêts appartenant à des particuliers sont établies de manière similaire mais moins détaillée. La superficie «brute» au stade de l'éclaircie est déterminée d'après le recensement des forêts mais est calculée pour des régions entières et non pour des forêts prises isolément. Les déductions qu'il faut faire pour obtenir la superficie «nette» sont estimées d'après l'expérience acquise dans les forêts de l'Etat. Les prévisions de la production annuelle moyenne à l'hectare des éclaircies sont fondées en partie sur l'expérience acquise dans les forêts d'Etat, expérience qui indique les possibilités sylvicoles, et en partie sur le volume des produits d'éclaircie dans les propriétés privées car, sauf exceptions mineures, un particulier voulant effectuer des éclaircies sur une plantation qui lui appartient doit auparavant en demander l'autorisation en mentionnant le volume à enlever.
Prévisions à moyen terme
Les prévisions à moyen terme qui s'étendent sur une période de 2 à 5 ans sont, à certains points de vue, plus difficiles à établir que les prévisions à long terme, car la production peut être temporairement réduite ou augmentée par des changements relativement sans importance des habitudes sylvicoles ou de la situation économique. Alors que la production à long terme est en grande partie déterminée par les possibilités d'accroissement d'une station, on peut faire varier grandement la quantité de bois abattu pendant une période s'étendant sur un petit nombre d'années. Prévoir dans quelle mesure vont être exploitées les ressources forestières joue donc un rôle important dans l'établissement des prévisions à court et à moyen terme.
Des prévisions sûres à moyen terme ne sont possibles que là où il existe des programmes définis d'éclaircies comme nous en trouvons pour toutes les forêts de l'Etat et quelques propriétés privées. Ces règlements d'exploitation des éclaircies sont basés sur une rotation des éclaircies qui est habituellement de 3 à 4 ans pour les plantations jeunes et de 6 à 8 ans pour les plantations plus anciennes; ils prescrivent la superficie à éclaircir chaque année et, dans quelques cas, les parcelles même dans lesquelles ces éclaircies devront être effectuées. Il est particulièrement important de prendre des mesures visant les périmètres qui atteignent le stade des premières éclaircies au cours de cette période. La superficie sur laquelle les éclaircies devront être effectuées est multipliée par le volume escompté de production à l'hectare, c'est-à-dire, normalement, 20 à 40 mètres cubes. Cette production escomptée à l'unité de superficie est estimée, soit à partir de documents anciens, soit d'après une évaluation de chaque peuplement. Sauf circonstances spéciales, les estimations basées sur des documents anciens relatifs à la forêt dans son ensemble se sont révélées aussi sûres que des estimations, parcelle par parcelle plus détaillées. Pour les forêts appartenant à des particuliers, au sujet desquelles les programmes d'éclaircies sont inexistants ou inconnus de l'administration forestière, on établit les prévisions à moyen terme en prenant la production connue de l'année précédente et la prévision de la première année à long terme, c'est-à-dire de cinq ans plus tard, et l'on interpole pour les années intermédiaires, tout en laissant toute la marge qui peut sembler souhaitable pour les modifications devant intervenir dans le marché, par exemple, l'établissement de nouvelles industries du bois, et d'autres facteurs pertinents. Chaque année, les prévisions à moyen terme sont étendues à une année supplémentaire et l'on revisse les prévisions pour les années intermédiaires.
Prévisions à court terme
Les prévisions à court terme pour l'année à venir sont établies de façon très détaillée. Pour les forêts de l'Etat, elles sont calculées d'après le programme des travaux, parcelle par parcelle, et les estimations financières pour l'année en question. Pour les forêts appartenant à des particuliers, lorsque ces données ne sont pas disponibles, on part des chiffres de la production de l'année précédente et l'on tient compte des prévisions du marché, etc.
A l'origine, au Royaume-Uni, c'est la section de cubage de la station de recherches qui était chargée d'établir les prévisions d'éclaircies; mais, peu à peu, une proportion de plus en plus grande de ce travail est échue aux conservateurs des forêts locaux. Cette tendance va sans doute s'accentuer étant donné que l'exactitude des prévisions établies sur place augmentera régulièrement au fur et à mesure que deviendront plus nombreux les renseignements tirés des documents locaux relatifs à la gestion des forêts de l'Etat ainsi que des forêts appartenant à des particuliers.
Enseignements tirés de l'expérience au Royaume-Uni
Les méthodes de prévisions qui sont employées au Royaume-Uni ont peu de chances d'être appliquées telles quelles dans des pays où les conditions sont différentes, mais il peut être utile de terminer cette étude en citant quelques enseignements tirés de l'expérience et qui peuvent être intéressants pour d'autres. La plupart de ces points ont été exposés ou il y a au moins été fait allusion au cours de cette étude.
1. En matière de prévisions le meilleur guide est l'expérience; pour qu'elle soit utilisable, il est indispensable d'avoir des documents convenablement établis. Les documents relatifs à la production forestière ne sont généralement sûrs que s'ils sont simples et que si les unités de mesure (par exemple sur ou sous écorce) sont uniformes et clairement définies.2. Il est souhaitable de conserver la même structure générale aux statistiques des forêts de l'Etat et à celles des forêts appartenant à des particuliers, de façon à pouvoir établir des comparaisons valables et à utiliser au maximum les statistiques plus détaillées dont on dispose pour les forêts de l'Etat aux prévisions de production des forêts appartenant à des particuliers.
3. Pour les prévisions à long terme, il est généralement préférable d'adopter la méthode analytique, c'est-à-dire de prendre comme unités de base pour l'estimation des forêts ou des régions dans leur ensemble et des volumes globaux, et d'en tirer soit les estimations de superficies plus restreintes, soit, en décomposant les volumes globaux, les volumes de certains groupes d'essences ou de certaines catégories de produits. Le même principe s'applique aux prévisions à court et à moyen terme pour lesquelles on ne dispose ni d'indications détaillées ni de programmes définis d'éclaircies. Pour simplifier à l'extrême, disons que s'il est nécessaire d'établir une hypothèse, une hypothèse unique générale, a plus de chances d'être exacte que la sommé de nombreuses hypothèses partielles - et que cela représente beaucoup moins de travail.
La méthode opposée, celle de la synthèse, qui consiste à établir l'estimation globale parcelle par parcelle, essence par essence, catégorie de volume par catégorie de volume est beaucoup plus laborieuse et ne donnera des prévisions plus sûres que si l'on dispose de tous les éléments pertinents; et si, en outre, le programme est suffisamment détaillé, comme il ne peut l'être que s'il s'applique à une période limitée. Un programme préalable d'exploitation et une tenue à jour satisfaisante des documents sont la condition sine qua non de l'exactitude des prévisions.