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Résumé

Cet ouvrage a pour objectif de décrire synthétiquement la manière dont différentes disciplines sont liées à l’analyse des systèmes d’approvisionnement et de distribution alimentaires (SADA). Cet objectif est atteint en montrant les outils conceptuels et méthodologiques des disciplines impliquées. La liste des approches est bien sûr incomplète et la description synthétique.

Le but de cette description est double: d’une part, chercher à individualiser, pour chaque discipline, le(s) domaine(s) qui lui sont propres et qui participent à la problématique des SADA; d’autre part, recouper pour chaque discipline les rôles spécifiques que chacune peut jouer dans une démarche de recherche interdisciplinaire sur les SADA. Des questions d’ordre général ont conduit la recherche: quelles disciplines se sont intéressées au sujet? Apartir de quels fondements l’approchent-elles? Quelles méthodologies utilisent-elles? A quel type de résultats aboutissent-elles? Sont-elles alternatives ou complémentaires? Aquel(s) niveau(x) sont-elles efficaces? Certaines parties de cet ouvrage ont été compilées sur la base de documents rédigés dans cette intention, produits par des spécialistes (approches géographique, nutritionnelle et juridique) et intégrés dans un travail personnel. Les approches retenues sont les suivantes: économiques (néoclassique et de filière), historique, géographique, nutritionnelle et juridique. Al’intérieur de l’approche filière, on a retenu une approche socio-économique et géographique. Le sens de cet essai de description méthodologique ne se trouve pas dans la lecture de chaque approche, mais dans sa juxtaposition avec d’autres. Les approches décrites, relevant d’ailleurs de domaines scientifiques éloignés, se trouvent réunies dès l’instant où l’on considère les SADA, non pas comme une activité abstraite, mais comme la résultante des dynamiques qui se dégagent à partir d’un milieu donné d’un territoire, à un moment donné de son devenir, géré par des agents avec des finalités spécifiques.

L’approche économique aux SADA n’est pas uniforme. Le souci commun des différentes démarches est l’analyse du niveau d’efficacité de la distribution. Les différences sont à replacer par rapport aux méthodologies utilisées qui découlent, en amont, de l’acceptation des différents fondements scientifiques. L’approche néoclassique relève de l’acceptation des fondements de l’équilibre général néoclassique, basé sur la confrontation à tous les niveaux de l’offre et de la demande. Il s’accompagne aussi d’autres outils conceptuels, dont la fonction est de nuancer, modifier ou rejeter certaines hypothèses néoclassiques, afin de saisir des réalités complexes, en dehors de la simple logique de marché (Marketing Channels, Industrial Organization, Theory of the Firm, Institutional Economics).

Le prix est le moyen par lequel des agents économiques sont informés sur la rareté relative des produits/services, ce qui influe sur leur comportement. Le prix est aussi le moyen qui coordonne les différents marchés: entre eux (de la production à la consommation), dans le temps et dans la forme (stockage et transformation), et dans l’espace (transport).

L’efficacité du marché est liée à des hypothèses sur l’environnement économique. Un système de marché est efficace dans la mesure où la concurrence y est parfaite, l’accès libre, les informations disponibles pour tous et à un coût zéro, les agents réagissant aux variations de prix de façon économiquement rationnelle. L’analyse des marchés réels entraîne toujours la comparaison avec ce modèle théorique: dans la mesure où ils s’écartent de ce dernier, ils manifestent des imperfections qui relèvent du domaine et des limites des politiques d’intervention. Au niveau de la recherche opérationnelle, l’efficacité des marchés est évaluée à l’aide de l’analyse structure-comportement-performance, qui a eu et a encore nombre d’applications en milieu africain.

Dans l’approche filière, l’agent est un acteur (ou un groupe) économique qui se caractérise par:

Dans cette approche, il existe un évident effort d’aller au-delà des données de l’économie et d’en expliquer la dynamique en utilisant des concepts spécifiques à la filière, c’est-à-dire les stratégies des acteurs. Ce sont en effet les acteurs, par leurs stratégies, qui donnent une structuration et une signification économique à l’espace où ils agissent qui, autrement, ne serait que l’expression de potentialités physiques sans autres spécifications. De même, la recherche des liens entre l’économique et le social relève de la nécessité de prendre en considération les déterminants du comportement des acteurs en dehors de leurs activités économiques.

L’élargissement du domaine d’enquête au social implique l’utilisation de données, non plus seulement quantitatives mais qualitatives, obtenues à travers des enquêtes ou des entretiens concernant des types d’acteurs de la filière. Ces histoires de vie sont des témoignages privilégiés de l’évolution sociale, c’est-à-dire de la dynamique par laquelle ces acteurs changent, accroissent ou réduisent leurs rôles et leur pouvoir dans la filière.

L’approche historique vise à déplacer l’interprétation des phénomènes liés à l’approvisionnement alimentaire du particularisme disciplinaire vers un point de vue plus général où la performance du système de distribution est analysée par rapport à son devenir dans un territoire physique, économique, social et politique. Deux remarques sont utiles pour en comprendre les spécificités:

La réponse au besoin de globalité interprétative est donnée par le biais d’un parcours méthodologique lié au choix du niveau géographique de l’analyse, c’est-à-dire la ville, le lieu et le niveau auxquels il faut observer les problèmes de la crise alimentaire africaine. Comme la distribution alimentaire n’est pas simplement une question technique, il s’agit de replacer et assembler les différents parcours disciplinaires dans un cadre conceptuel structuré qui soit en mesure de réunir les aspects technico-économiques de la distribution avec la dynamique de l’environnement social et politique dans lequel ils opèrent. L’utilisation de l’histoire sociale des villes dans ce processus implique, d’une part, l’individuation de périodes homogènes sous l’aspect socio-institutionnel et l’individuation des moments-clés qui ont marqué le passage d’une période à l’autre. On se réfère, dans ce cas, aux crises d’adaptation à des changements importants dans le cadre politique et économique de la ville/région ou de l’environnement mondial.

En géographie, le concept d’espace revêt un sens scientifique et analytique dès le moment où il se différencie et se concrétise en structures articulées, en formes, fonctions et relations enracinées dans un espace physique. Le processus de différenciation et ses dérivés font l’objet privilégié de l’observation du géographe. Les domaines d’étude sont les relations entre l’espace urbain et le ravitaillement des populations urbaines. Parler d’espace signifie parler d’une ressource rare et limitée. Le géographe en explique les modalités d’organisation, les logiques propres et spécifiques, la manière d’en optimiser l’utilisation en relation aux multiples besoins. Il dispose d’un appareil conceptuel qui se prête à être appliqué au point de vue très spécifique du ravitaillement urbain. Il s’agit des principes classiques d’organisation économique et spatiale des modèles urbains. La croissance urbaine est un processus critique dans le développement de la ville. Dans les pays économiquement en retard, elle possède des aspects pathologiques, et procède indépendamment de l’évolution des activités productives. Cela amène à des phénomènes de malaise urbain, analysés par le géographe même dans leur retombées immédiates sur les SADA. La question est donc de connaître les conséquences de la dynamique de la structure urbaine sur les modalités d’approvisionnement de la ville. La réponse se trouve dans nombre de situations très typiques des SADA: ségrégation, isolement, surcharge des espaces marchands, agriculture urbaine et périurbaine, etc.

La relation entre nutrition et SADA est évidente, la consommation alimentaire étant le but propre aux SADA et une déterminante essentielle de l’état nutritionnel. De plus, n’importe quelle politique d’intérêt alimentaire ne saurait faire abstraction des modèles de consommation et des exigences nutritionnelles. En parlant des SADA, on limite généralement les domaines de pertinence à deux aspects, celui de l’approvisionnement/commercialisation et celui de l’état nutritionnel souhaitable. Le problème est: de quelle manière les SADA peuvent-ils véhiculer des messages nutritionnels à travers les structures qui sont propres à leur logique de fonctionnement? Au niveau des actions d’amélioration, de quelle manière repérer des synergies entre le développement des SADA et celui de l’état nutritionnel?

Les activités qui se déroulent à l’intérieur des SADA, ainsi que celles qui l’entourent, font référence à un cadre de règles. Qu’elles soient écrites ou coutumières, elles ont des effets structurants sur les SADA. Ce cadre fait l’objet d’étude de la discipline juridique et définit les règles du jeu, valables pour les acteurs. Du point de vue juridique, les SADA sont un objet très articulé et complexe qui échappe à une définition simpliste. Cela amène à considérer le droit des SADA comme un droit composite et ouvert. Son explication est possible à l’aide de disciplines adonnées à l’analyse du domaine social (anthropologie, sociologie). L’application de la méthodologie juridique aux SADA consiste à identifier d’abord les sources du cadre réglementaire en vigueur, puis à reconnaître les différents droits sectoriels qui participent aux SADA. Les éléments de ce cadre ne sont pas forcement en accord. Son fonctionnement comporte des situations de conflit qui nécessitent des pratiques de réglementation sociale. Cette contradiction donne lieu à des relations spécifiques qui sont aussi des phénomènes bien connus dans la réalité africaine (corruption, informel, etc.) et parfois sources d’inefficacité. A ce propos, il faut remarquer que l’approche juridique introduit dans l’analyse des SADA une nouvelle dimension de l’efficacité, celle qui relève de la cohérence du cadre réglementaire et de sa continuité avec les traditions locales.

Les conclusions sont présentées de manière thématique pour faire ressortir les sujets qui franchissent de manière horizontale les différentes disciplines. On trouve alors le concept d’efficacité, qui acquiert des significations spécifiques à travers les approches décrites, l’importance des choix de délimitation du domaine concernant les SADA, que ce soit au niveau physique, économique ou temporel, ainsi que le besoin d’intégrer la complexité de la réalité au-delà des limites scientifiques et méthodologiques imposées par les visions traditionnelles. L’ensemble des questions qui se posent, la complexité du sujet, le besoin de comprendre sa totalité, réclament une approche globale, qui trouve ses références méthodologiques dans la logique même du système et dans l’approche interdisciplinaire.

Le texte de cet ouvrage peut être importé gratuitement au site Web:

www.fao.org/ag/sada.htm


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