(Article 9.3 du Code)
"Les Etats devraient conserver la diversité génétique et maintenir l'intégrité des communautés et écosystèmes aquatiques grâce à un aménagement approprié. Ils devraient notamment s'efforcer de réduire au minimum les effets nuisibles de l'introduction dans les eaux d'espèces non indigènes ou de stocks génétiquement modifiés utilisés en aquaculture, y compris la pêche fondée sur l'élevage, spécialement lorsqu'il existe une forte probabilité que ces espèces non indigènes ou ces stocks génétiquement modifiés se propagent dans les eaux appartenant à la fois à la juridiction de l'Etat d'origine et à celle d'autres Etats. Les Etats devraient, chaque fois que possible, favoriser la prise de mesures qui réduisent au minimum les effets négatifs génétiques, sanitaires et autres que peuvent faire courir aux stocks naturels les poissons d'élevage au cas où ceux-ci s'échapperaient."
(Article 9.3.1 du Code)
Préservation de la diversité génétique par un aménagement approprié. Les pratiques aquacoles peuvent avoir un effet sur la diversité génétique, et cela à l'échelle de l'espèce, de la communauté, de l'écosystème ou du site. En fait, l'aquaculture sert à transformer le site ou l'écosystème en un autre qui sera plus productif. Comme nous l'avons déjà mentionné, tout aménagement destiné à protéger les ressources génétiques aquatiques nécessite une évaluation et un suivi des risques (réf. 75), ce qui suppose que l'on dispose d'informations sur les ressources génétiques "sauvages" pour pouvoir établir un repère permettant d'évaluer l'impact. Des efforts devraient être consentis pour réunir des renseignements sur les ressources génétiques utilisées en aquaculture ainsi que sur les ressources génétiques aquatiques naturelles. Il peut s'avérer nécessaire de créer des bases de données sur les ressources génétiques aquatiques et leur distribution, qu'il s'agisse d'espèces aquatiques d'élevage ou d'espèces sauvages. De plus, au sein d'une exploitation, il est possible de gérer les stocks utilisés en aquaculture ou pour la pêche fondée sur l'élevage de façon à:
Il est possible de conserver les niveaux naturels de diversité génétique en limitant les déplacements de populations génétiquement différentes à l'intérieur d'un pays. Il faut en particulier s'efforcer d'éviter les transferts d'ufs, d'alevins ou d'adultes d'un bassin lacustre ou d'un grand plan d'eau à un autre. Les écloseries ont eu recours par le passé à des transferts d'ufs sur de grandes distances et il est clair que bon nombre de ces ufs transférés, une fois introduits dans leur nouvel environnement, ne donnent pas d'aussi bons résultats que les stocks locaux. Cela est de la plus grande importance pour la pêche fondée sur l'élevage. En milieux fermés, le mélange de stocks génétiquement différents donne souvent lieu à une amélioration des résultats d'élevage. Toutefois, dans le cas d'hybrides interspécifiques, il arrive que l'amélioration ne se manifeste que chez les specimens issus du croisement de première génération et qu'elle ne se manifeste plus chez les générations ultérieures de la population hybride.
Des techniques génétiques peuvent aussi être utilisées pour réduire le risque d'impact génétique de stocks cultivés sur des stocks sauvages. Par exemple, l'élevage d'animaux qui ne se reproduisent pas (par exemple populations d'organismes stériles, triploïdes ou monosexes) atténue le risque d'une reproduction de ces animaux dans le milieu naturel. Il peut être nécessaire de sensibiliser le public aux questions touchant la sécurité et l'éthique en matière de techniques génétiques, de sorte que les consommateurs acceptent mieux les produits aquacoles.
On préconise souvent d'utiliser des espèces indigènes plutôt que d'introduire des espèces exotiques pour développer l'aquaculture. Les espèces exotiques sont souvent préférables d'un point de vue économique (meilleur prix, possibilités d'exportation, etc.), alors qu'il n'est pas toujours possible de domestiquer les espèces locales. Les espèces indigènes peuvent être préférées localement, risquent moins d'introduire des maladies et peuvent avoir une meilleure croissance en présence des conditions locales. Cependant des espèces indigènes, lorsqu'elles sont prélevées dans le milieu sauvage, puis domestiquées ou soumises à d'autres modifications génétiques, peuvent aussi constituer une menace pour le reste des stocks sauvages, tant du point de vue génétique que du point de vue sanitaire.
Encadré 8. Il existe plusieurs moyens de
réglementer l'usage d'organismes génétiquement
modifiés et d'espèces introduites en aquaculture. S'agissant des
espèces introduites, le Code de conduite du CIEM/CECPI
(réf. 76, 77), le Nuisance Species Protection
Act (États-Unis, réf. 78) ainsi que les
législations nationales de nombreux pays régissent l'utilisation
et le transport des espèces hors de leur aire de distribution naturelle.
Pour ce qui est des organismes génétiquement modifiés
(OGM), ce sont les Directive de l' Union européenne
(réf. 79), les Performance Standards de l'USDA
(réf. 80) ainsi que le Code de conduite du CIEM qui
régissent leur utilisation, leur transport et leur introduction dans
l'environnement. La Convention sur la diversité biologique a pour mission
de préparer des protocoles de prévention des risques
biotechnologiques pour une utilisation sûre des organismes
génétiquement modifiés (principalement des plantes
à ce stade). Jusqu'à ce que ces protocoles aient fait
l'objet de négociations, la Conférence des parties à la
Convention a recommandé que soient appliquées les Directives
techniques internationales du PNUE concernant la prévention des risques
biotechnologiques (réf. 81). Les bases de
données sur les introductions internationales d'animaux aquatiques
(réf. 82) et sur les pathogènes d'animaux
aquatiques (réf. 83) constituent des sources
d'information que l'on peut consulter pour déterminer quels risques
présente une introduction envisagée. Ces bases de données
sont continuellement enrichies et mises à jour. |
(Article 9.3.2 du Code)
Codes internationaux de pratique et de procédures. Il existe plusieurs codes de pratique internationaux concernant l'utilisation d'espèces introduites et d'organismes génétiquement modifiés, qui ont été adoptés sous diverses formes par la communauté internationale. Ces codes représentent un des meilleurs moyens de protéger le milieu aquatique et les communautés humaines qui lui sont associées. Ils ont été élaborés dans les pays développés des latitudes tempérées. Il est donc nécessaire de les adapter aux zones rurales et en développement du reste du monde. Au nombre des éléments de base des codes de pratique tels que celui du CIEM figurent:
L'aptitude d'un pays à mettre en application les éléments du code dépend de l'état des connaissances, de ses communautés humaines et aquatiques ainsi que des ressources financières et humaines dont il dispose. On peut éventuellement se fonder sur des enquêtes intéressant la faune et la flore des écosystèmes aquatiques locaux pour identifier les espèces locales susceptibles d'être affectées par le développement aquacole et celles qui peuvent être utilisées à la place d'espèces exotiques importées. Les données socio-économiques sur le secteur de la pêche et les consommateurs de poisson permettront aussi de savoir qui tire profit du développement de l'aquaculture et qui risque d'en pâtir. De plus, des études de marché peuvent faciliter la détermination, pour un projet d'introduction donné, de l'efficacité par rapport au coût et du groupe cible de consommateurs.Une fois l'introduction approuvée, les gouvernements devraient demander aux aquaculteurs:
- d'élaborer un programme de gestion sanitaire des poissons, avec quarantaine et diagnostic des maladies;
- de contrôler et d'évaluer les effets sur l'écosystème et les effets socio-économiques;
- d'informer de cette introduction les organisations internationales concernées et les Etats voisins.
"Les Etats devraient, afin de réduire au minimum les risques de transmission de maladies, ainsi que d'autres effets nuisibles, aux stocks naturels et à ceux des élevages, encourager l'adoption de pratiques appropriées pour l'amélioration génétique des stocks de reproducteurs et l'introduction d'espèces non indigènes, et pour la production, la vente et le transport des ufs, des larves ou du fretin, des reproducteurs ou autre matériel vivant. Ils devraient faciliter à cet effet l'établissement et la mise en uvre de procédures et codes de pratique nationaux appropriés."
(Article 9.3.3 du Code)
Garanties apportées en matière de qualité, de performance et d'innocuité écologique des géniteurs et des produits de leur reproduction. Les Etats et les autorités aquacoles qu'ils ont mises en place devraient encourager l'adoption de pratiques responsables pour l'amélioration génétique des stocks de géniteurs ainsi que pour la production, la vente et le transport d'ufs, de larves ou d'alevins, de géniteurs ou d'autres organismes vivants. Seules des pratiques d'écloserie éprouvées permettent de procéder à une amélioration génétique tout en évitant les difformités et autres problèmes d'origine génétique résultant d'une reproduction en consanguinité excessive. L'adoption de ces pratiques est également indispensable pour réduire au minimum la propagation de maladies (réf. 84, 85, 86). Par ailleurs, lorsqu'il s'agit de pêcher et de répartir un stock d'alevins sauvages, il faut veiller avec soin à ce qu'aucun spécimen d'une autre espèce ne soit inclus dans ce stock (réf. 87). Les Etats devraient élaborer, selon le besoin, des directives ou des règlements définissant les techniques génétiques et les pratiques de reproduction acceptables. Par exemple, certains Etats interdisent l'hybridation non autorisée entre espèces; de plus, beaucoup d'Etats limitent la production d'organismes transgéniques, alors que d'autres imposent une réglementation stricte aux écloseries et exploitations qui élèvent ce genre d'organismes (réf. 88). Les codes de pratique internationaux mentionnés ci-dessus peuvent fournir un cadre adéquat pour la formulation de directives et de procédures nationales. Comme cela a été mentionné précédemment, les Etats devraient réglementer l'utilisation et le transport des espèces aquacoles à l'intérieur de leurs frontières.
"Les Etats devraient promouvoir l'utilisation de procédures appropriées pour sélectionner les reproducteurs et produire des ufs, des larves et du fretin."
(Article 9.3.4 du Code)
Sélection des géniteurs. La sélection des géniteurs devrait se fonder, entre autres, sur la performance du poisson en cours d'élevage, le programme de reproduction souhaité, le profil génétique des géniteurs ainsi que diverses considérations économiques et environnementales. La production d'ufs, de larves et d'alevins dépendra d'une gestion avisée de l'écloserie et de la gestion en cours d'engraissement, après sélection de géniteurs appropriés.
Reproduction et amélioration génétique. Bien que les programmes de reproduction et de sélection génétique aient permis d'apporter des améliorations considérables aux stocks élevés, très peu d'aquaculteurs ont la formation et l'expérience requises pour accomplir ces tâches avec efficacité et sans perte notable de valeur adaptative. C'est pourquoi, il est judicieux d'établir des installations spécialisées pour la production de stocks améliorés et de matériel d'empoissonnement. En cas d'impossibilité, les aquaculteurs devraient s'efforcer, pour conserver une forte diversité génétique (réf. 89),:
Une baisse du taux d'éclosion ou de la fécondité, une augmentation des difformités ou des maladies, une diminution du taux de survie sont autant de signes possibles d'une reproduction en consanguinité et d'une perte de diversité génétique. Ces signes peuvent cependant aussi être l'indice d'autres problèmes. C'est pourquoi il est nécessaire de maintenir des relevés détaillés, afin de pouvoir déterminer la ou les causes les plus probables des problèmes en question. Dans la mesure du possible, les Etats devraient aussi demander aux aquaculteurs de tenir des registres sur la reproduction et les maladies de leurs stocks. Cela facilitera l'échange de géniteurs et de produits de la reproduction à l'échelle du pays et cela permettra de disposer d'informations fort utiles en cas d'exportation d'une espèce.
"Les Etats devraient, lorsqu'il y a lieu, promouvoir la recherche et, lorsque c'est possible, la mise au point de techniques d'aquaculture pour protéger, régénérer et accroître les stocks d'espèces menacées d'extinction, en tenant compte de la nécessité impérieuse de conserver la diversité génétique des espèces menacées d'extinction."
(Article 9.3.5 du Code)
Protection des espèces menacées d'extinction. Les pratiques propres à l'aquaculture peuvent contribuer à protéger et à améliorer les stocks d'espèces menacées d'extinction. Les Etats devraient envisager sérieusement d'appuyer la mise au point de techniques d'élevage appropriées à ces espèces. L'utilisation d'écloseries et d'installations aquacoles destinées à assurer la protection temporaire et la reproduction des espèces menacées d'extinction est considérée comme un aspect important de la conservation ex situ. Bien qu'il soit souvent nécessaire de recourir à ce type de conservation pour pallier la menace immédiate pour l'environnement et le risque d'une disparition possible d'espèces ou de ressources génétiques fort précieuses, on opte cependant plus volontiers pour la méthode de conservation in situ, c'est-à-dire pour la régénération des habitats et l'atténuation des menaces qui pèsent sur les espèces.
Reproduction d'espèces menacées d'extinction. Les programmes de propagation d'espèces menacées d'extinction ont pour objet de produire des organismes qui puissent être relâchés dans la nature une fois écartée la menace auxquels ils sont exposés (réf. 90). Ils devraient donc viser à optimiser la variabilité génétique naturelle de l'espèce considérée. A cet effet, il importe de:
Les techniques génétiques peuvent servir à:
Lorsqu'on dispose des informations et des moyens d'intervention voulus, il convient d'étudier les espèces qui risquent d'être rapidement menacées d'extinction et de s'employer à atténuer les menaces qui pèsent sur leurs habitats naturels. Par mesure de prudence, il est possible de conserver ex situ du sperme ou des spécimens vivants, tout en s'efforçant d'améliorer les chances de survie des espèces dans la nature. La capture de spécimens d'une espèce donnée pour une telle conservation ex situ ne devrait pas menacer la viabilité de la population naturelle.