La situation des forêts du monde 2024

Chapitre 4 Dix-huit études de cas pour illustrer les différentes voies par lesquelles l’innovation du secteur forestier peut amorcer un changement positif

4.2 Des approches innovantes favorisent la restauration des terres dégradées et développent l’agroforesterie

Quelque 75 pour cent des terres émergées de la planète, notamment des forêts, des terrains de parcours et des zones humides, ont été dégradées et transformées, et ce chiffre devrait dépasser les 90 pour cent dans les 30 prochaines années207. Les pertes économiques annuelles liées à la dégradation des écosystèmes sont comprises, selon les estimations, entre 4 300 milliards de dollars et 20 200 milliards de dollars, et ont des répercussions néfastes sur 3,2 milliards de personnes208.

Face à ce défi, une attention de plus en plus marquée est portée à la restauration des forêts et des paysages, comme en témoigne la déclaration de la Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes (2021-2030) par l’Assemblée générale des Nations Unies. La restauration des forêts et des paysages porte généralement sur des paysages entiers, caractérisés par des interactions entre de nombreuses utilisations des terres, et son objectif est de rétablir la productivité biologique des zones dégradées et de créer des puits de carbone durables dans les sols et la végétation ainsi remis en état. Selon le Partenariat mondial sur la restauration des forêts et des paysages, plus de 2 milliards d’hectares de paysages déboisés et dégradés dans le monde pourraient bénéficier du processus de restauration des forêts et des paysages. Au niveau mondial, le potentiel d’atténuation par le reboisement et le boisement d’ici à 2050 est estimé à 3,9 gigatonnes de CO2 par an209.

La restauration par l’agroforesterie peut résoudre différents défis à l’échelle mondiale. Les systèmes agroforestiers résistent en général mieux que l’agriculture classique aux chocs environnementaux et aux effets du changement climatique. Selon leur type et les conditions locales, ils peuvent abriter entre 50 pour cent et 80 pour cent de la biodiversité de forêts naturelles comparables210, améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition en jouant le rôle de filet de sécurité, et augmenter la productivité des cultures. On observe un regain d’intérêt pour l’agroforesterie en tant que solution porteuse de transformation à la crise climatique, comme le montre son intégration, au titre de l’atténuation et de l’adaptation, dans les contributions déterminées au niveau national de 40 pour cent des Parties non visées à l’annexe I de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques211, 212. Par ailleurs, plus de la moitié des 73 pays en développement disposant de stratégies REDD+ considèrent l’agroforesterie comme un moyen de lutter contre la déforestation211. Dans son sixième rapport d’évaluation, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat fait spécifiquement mention de l’agroforesterie comme une solution efficace d’adaptation au changement climatique213.

Les six études de cas ci-après présentent des exemples d’innovations en matière de restauration des forêts et paysages et d’agroforesterie susceptibles d’être reproduites à plus grande échelle.

ÉTUDE DE CAS N° 7ÉLABORATION D’UNE NOUVELLE POLITIQUE NATIONALE ET RENFORCEMENT DE L’ENVIRONNEMENT FAVORABLE POUR DÉVELOPPER L’AGROFORESTERIE

Lieu: Inde

Partenaires: Ministère de l’agriculture et du bien-être des agriculteurs (Inde), Centre de recherche forestière internationale – Centre mondial d'agroforesterie (CIFOR-ICRAF).

Pondération des types d’innovation

Le contexte. L’agroforesterie est un système de gestion des terres utilisé depuis longtemps en Inde, et le pays participe activement à la recherche dans ce domaine depuis au moins 50 ans. Les estimations établies par le passé de la superficie des terres exploitées en agroforesterie étaient comprises entre 17,4 millions d’hectares et 23,2 millions d’hectares214. Toutefois, jusqu’à récemment, l’agroforesterie n’a pas bénéficié d’un appui exhaustif, ni sur le plan technique ni sur le plan institutionnel, et n’a encore jamais été intégrée dans le mandat d’un ministère. L’agroforesterie en tant que domaine d’action est donc généralement passée entre les mailles du filet – un problème qui n’est pas propre à l’Inde et qui reflète le caractère multiforme de ce système qui se situe à l’intersection entre l’agriculture, la foresterie, l’environnement et le développement rural. Elle requiert des compétences techniques variées en matière de gestion des arbres, des cultures et de l’élevage. Le manque de services de vulgarisation abordant tous les aspects de l’agroforesterie rend l’adoption de celle-ci par les agriculteurs complexe; en outre, les connaissances détenues par les agriculteurs locaux sur ces pratiques étant mal reconnues par les services publics de vulgarisation, il est difficile d’améliorer les pratiques existantes et de favoriser l’innovation dans ce domaine. Les autres obstacles sont notamment des incitations et des cadres réglementaires inadéquats (et, dans certains cas, une réglementation restrictive), le manque de financement institutionnel et de filets de sécurité pour les agriculteurs, l’absence de plants de grande qualité et un accès insatisfaisant aux marchés. Ces problèmes, parmi d’autres, sont à l’origine d’un environnement peu favorable à l’expansion de l’agroforesterie en Inde.

L’innovation. Face à ces problèmes structurels, le Gouvernement indien, par l’intermédiaire du Ministère de l’agriculture et du bien-être des agriculteurs et avec l’aide du CIFOR-ICRAF, a élaboré en 2014 une politique nationale intersectorielle relative à l’agroforesterie. Cette politique vise à remédier aux goulets d’étranglement dans le développement de l’agroforesterie et à lever les obstacles à son utilisation de manière systémique. Les buts sont d’augmenter la productivité au moyen de l’agroforesterie et de répondre à la demande croissante de bois d’œuvre, de nourriture et de produits forestiers autres que le bois d’œuvre. Cette politique est également essentielle pour atteindre l’objectif du Gouvernement indien d’augmenter la couverture forestière de 33 pour cent à l’échelle nationale, lequel relève de la contribution déterminée au niveau national du pays. L’objectif global est de contribuer à améliorer les moyens d’existence des populations agricoles rurales, à assurer la sécurité alimentaire et à protéger les écosystèmes.

Cette politique est la première dans le monde à promouvoir l’agroforesterie à une échelle nationale. En reliant les différents domaines de la gestion des ressources naturelles, elle a permis la convergence, le renforcement et l’expansion des mandats et programmes existants en matière d’agroforesterie et a simplifié la réglementation relative à la récolte et au transport des arbres que les agriculteurs font pousser sur leurs terres. Une base de données cadastrale et un système d’information sur les marchés ont été créés au titre de la politique pour offrir une sécurité foncière et un accès aux marchés. Une plateforme commune a été mise en place pour permettre à l’ensemble des parties prenantes de planifier et de définir des priorités et des stratégies; pour accroître la coordination interministérielle, la convergence programmatique et la mobilisation de ressources financières; et pour mettre à profit le renforcement des capacités, l’appui technique et l’appui en matière de gestion.

Résultats et impact. De nombreuses incitations, monétaires et non monétaires, ont été mises en place au titre de la politique nationale relative à l’agroforesterie pour promouvoir cette dernière dans le pays; en 2016, par exemple, le Gouvernement indien a approuvé son premier budget pour l’agroforesterie, d’un montant de 150 millions de dollars. La politique a contribué à accroître le nombre d’arbres hors forêt: un an après l’entrée en vigueur de celle-ci, l’inventaire forestier de l’Inde indiquait une augmentation de 88,7 millions de m3 du volume total d’arbres hors forêt. D’après l’estimation la plus récente, l’agroforesterie est maintenant pratiquée sur plus de 28,4 millions d’hectares en Inde214, et 65 pour cent du bois d’œuvre du pays et près de la moitié de son combustible ligneux proviennent d’arbres qui poussent sur des exploitations agricoles; le potentiel est cependant encore bien plus vaste215.

L’existence de cet appui politique fort est à l’origine d’un investissement dans les technologies d’appui à la pratique de l’agroforesterie: de nombreuses applications mobiles, par exemple, viennent combler des lacunes dans les services de vulgarisation, et permettent aux agriculteurs de tirer parti des technologies et d’adapter les techniques d’agroforesterie à leur situation particulière. L’État d’Odisha, par exemple, a lancé en 2021 une application d’agroforesterie (élaborée avec l’aide du CIFOR-ICRAF) qui propose, sur une plateforme unique, des informations complètes sur les arbres et les cultures ainsi que sur des ensembles de pratiques. L’application permet aux agriculteurs et aux agents de vulgarisation de l’État de déterminer les espèces agroforestières appropriées pour les exploitations, et leur fournit des informations détaillées sur les systèmes d’agroforesterie intégrée, la disponibilité de plants et semences, et l’emplacement des pépinières. Il suffit de saisir les principaux paramètres (district, saison, topographie, utilisation des terres et type d’intervention) dans l’application pour obtenir des recommandations sur les cultures, les arbres et les pratiques agronomiques adaptés ainsi que des suggestions d’associations bénéfiques arbres-cultures. L’application a été téléchargée dans plus de 120 pays (alors qu’elle était destinée à l’origine à l’État d’Odisha uniquement), ce qui indique clairement l’existence d’une demande pour ce type d’appui.

Potentiel de reproduction à plus grande échelle. La politique nationale d’agroforesterie mise en place en Inde a ouvert la voie à des processus similaires dans d’autres pays, qui ont désormais élaboré leur propre politique ou stratégie dans ce domaine, notamment l’Afrique du Sud, les États-Unis d’Amérique, la Gambie, le Kenya, le Népal, la République populaire démocratique de Corée et le Rwanda; le Népal a fondé sa politique nationale (en 2019) sur l’expérience de l’Inde. L’élaboration de politiques et stratégies nationales est un axe essentiel de la mise en place d’environnements favorables et du développement de l’agroforesterie.

Les applications viennent en complément de ces innovations en matière de politiques et sont importantes pour combler les lacunes dans les services de vulgarisation et permettre aux agriculteurs de tirer parti des technologies et d’adapter l’agroforesterie à leur contexte. Une application mondiale d’agroforesterie pourrait être développée à partir des bases de données existantes, et être conçue de manière à pouvoir être adaptée aux contextes locaux dans le cadre de partenariats nationaux. Une telle application permettrait une amélioration continue grâce aux nouvelles données ainsi qu’un suivi, une conception et une mise en œuvre renforcés.

Travailleur s’occupant de jeunes plants dans un système d’agroforesterie de la pépinière de l’Institut de recherche forestière d’Uttarakhand (Inde).
© FAO/Giuseppe Bizzarri

ÉTUDE DE CAS N° 8INTÉGRATION DES OBJECTIFS SOCIOÉCONOMIQUES ET DES BESOINS NUTRITIONNELS DES COMMUNAUTÉS LOCALES DANS LES MESURES DE RESTAURATION VISANT À LUTTER CONTRE LA DÉSERTIFICATION

Lieu: Burkina Faso, Érythrée, Éthiopie, Gambie, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria, Sénégal et Soudan

Partenaires: FAO, agences nationales et unités de coordination de l’initiative Grande muraille verte du Sahara et du Sahel, communautés villageoises, Agence Panafricaine de la Grande muraille verte.

Pondération des types d’innovation

Le contexte. L’Union africaine a lancé l’initiative Grande muraille verte du Sahara et du Sahel en 2007 pour apporter une réponse en urgence aux effets néfastes de la désertification, de la sécheresse et du changement climatique dans le Sahel. Cependant, rares sont les mesures de restauration de grande envergure mises en place dans le cadre de l’initiative qui visent à répondre aux difficultés socioéconomiques auxquelles font face les populations vivant dans des zones arides, telles que l’insécurité alimentaire, la malnutrition et la pauvreté, ce qui participe au faible taux de réussite global de ces actions. En revanche, la dégradation des terres et la perte de biodiversité qu’elle entraîne, associées aux conditions environnementales de plus en plus difficiles, contribuent à la persistance de la malnutrition aiguë dans la région, et de nombreuses personnes souffrent de périodes prolongées de famine. Les interventions internationales menées dans le Sahel ne prennent pas en compte de manière adéquate la possibilité de lutter contre la malnutrition dans le cadre des mesures de restauration, en particulier avant le «seuil de l’exploitation» – c’est-à-dire par des modes de consommation qui optimisent l’utilisation de la diversité des espèces végétales locales pour améliorer les résultats en matière de nutrition.

L’innovation. Eu égard aux liens étroits entre les paysages et les moyens d’existence, l’équipe du programme Action contre la désertification216 de la FAO a élaboré un plan de restauration à grande échelle qui intègre la résilience climatique et nutritionnelle dans ses interventions. La principale innovation a consisté à mettre les connaissances des végétaux et les intérêts des communautés rurales au cœur du processus d’intervention, en donnant la priorité aux espèces que ces dernières plantent de préférence ainsi qu’à leurs besoins socioéconomiques. Un tiers des plus de 200 espèces sauvages privilégiées par les communautés sont des plantes alimentaires, qui ont par ailleurs une grande valeur marchande. Beaucoup d’espèces végétales sauvages, notamment nombre de celles utilisées pour l’alimentation humaine, sont riches en micronutriments et ont une valeur nutritive très élevée116, 117.

Cinq grandes chaînes de valeur ont également été développées pour les PFNL issus de plantes sauvages afin d’augmenter les revenus et d’inciter ainsi à préserver l’agrobiodiversité locale tout en apportant une aide économique immédiate aux ménages (en particulier aux femmes et aux jeunes). Une attention particulière a été portée aux espèces fruitières arborescentes et aux fruits à coque, compte tenu des évaluations réalisées par la FAO dans l’État de Sokoto (Nigéria), qui ont montré que 86 pour cent des ménages en consomment.

Outre la nécessité de planter des espèces adéquates au bon moment, il est crucial, dans le cadre des interventions de restauration, de fournir des semences d’arbre de haute qualité qui soient diversifiées sur le plan génétique. Une évaluation de la mobilisation du matériel génétique menée dans six pays de l’initiative Grande muraille verte du Sahara et du Sahel par la FAO en collaboration avec des institutions de recherche au Ghana et au Kenya en 2019 a montré qu’on ne pouvait pas s’appuyer uniquement sur les systèmes semenciers publics (centres semenciers nationaux, par exemple) dans le cadre d’interventions de restauration de grande ampleur du fait de goulets d’étranglement dans l’approvisionnement. Le modèle innovant mis au point par la FAO pour favoriser la participation et la formation des communautés rurales qui vivent à proximité des peuplements semenciers naturels permet à ces dernières non seulement de sélectionner les espèces qu’elles préfèrent et de définir leurs objectifs en matière de restauration, mais aussi d’assurer directement des fonctions de récupération des semences et des soins culturaux. Des coopératives dirigées par des femmes ont fourni les semences (et autres matériels génétiques) nécessaires pour atteindre les cibles en matière de restauration. Ces coopératives sont des innovations sociales qui permettent aux communautés de mettre en œuvre et de développer les techniques scientifiques de sélection, de récolte et de propagation des semences.

Résultats et impact. Pendant six ans, la FAO a collaboré avec plus de 100 000 ménages dans 600 villages pour récolter 150 000 kg de semences de 110 espèces sélectionnées de plantes ligneuses et herbacées locales sur plus de 100 000 hectares de terres agrosylvopastorales dégradées. Des évaluations indépendantes des taux de reverdissement et de croissance, réalisées par télédétection, ont mis en évidence des effets favorables, notamment une augmentation – inattendue – de la végétation dans un rayon d’un kilomètre en moyenne autour des parcelles restaurées, ce qui a permis aux communautés de commencer rapidement à récolter des plantes herbacées fourragères pour le bétail. Le processus consultatif et participatif s’est révélé essentiel pour répondre au besoin urgent de revégétation eu égard à la nutrition, à la santé et aux moyens d’existence. L’insécurité alimentaireaa a considérablement reculé – de 46 pour cent à 15 pour cent au Sénégal, de 69 pour cent à 58 pour cent au Niger et de 90 pour cent à 25 pour cent au Nigéria. D’après les estimations, les interventions ont permis de stocker un volume compris entre 0,384 et 1,27 million de tonnes équivalent CO2 de gaz à effet de serre. Les communautés se sont mobilisées pour gérer le large éventail d’espèces plantées, ce qui a contribué à un taux moyen de survie des jeunes plants de 60 pour cent en moyenne et à des taux de croissance impressionnants après trois saisons humides218, 219.

Potentiel de reproduction à plus grande échelle. L’objectif de l’initiative Grande muraille verte du Sahara et du Sahel est de restaurer 100 millions d’hectares de terres dégradées dans le Sahel entre 2021 et 2030, ce qui représente une occasion sans précédent de développer des paysages alliant biodiversité, résilience et nutrition. La réussite du programme Action contre la désertification de la FAO découle d’innovations sociales et organisationnelles qui couvrent les secteurs de l’agriculture, des forêts et de la santé et comprennent des comités de restauration dirigés par des femmes, des procédures consultatives de plantation et des mesures de restauration tenant compte des enjeux nutritionnels. Associées à des innovations technologiques telles que la préparation mécanisée des terres en vue d’une récupération efficiente de l’eau de pluie, ces innovations sont désormais des composantes essentielles de la restauration, de l’action climatique, de la conservation de la biodiversité et de l'utilisation durable des ressources dans la région220-224. Étant donné que l’initiative Grande muraille verte du Sahara et du Sahel est loin d’avoir atteint son objectif de restauration de 100 millions d’hectares, il est impératif de trouver des moyens efficaces de passer à la vitesse supérieure. Les innovations décrites ici offrent des possibilités de le faire en donnant les moyens aux communautés locales d’utiliser la restauration dans leur propre intérêt; leur potentiel est également important dans d’autres systèmes agrosylvopastoraux des zones arides, notamment en Afrique australe et en Asie centrale.

Récolte de fonio sauvage (Panicum laetum) dans des parcelles en restauration dans le cadre du programme Action contre la désertification au Burkina Faso lors de la première année de plantation.
© FAO/Moctar Sacande

ÉTUDE DE CAS N° 9ÉLABORATION DE LA PLATEFORME DU CADRE DE SUIVI DE LA RESTAURATION DES ÉCOSYSTEMES, FACILITÉE PAR LA COLLABORATION ET L’INTEROPÉRABILITÉ DES DONNÉES

Lieu: Monde entier

Partenaires: FAO, PNUE, Convention sur la diversité biologique (CDB), Équipe spéciale chargée du suivi, Équipe spéciale chargée des meilleures pratiques, autres organisations partenaires.

Pondération des types d’innovation

Le contexte. L’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la décennie 2021-2030 «Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes» dans le but d’appuyer et de renforcer les efforts visant à éviter, enrayer et inverser la dégradation des écosystèmes dans le monde entier. Codirigée par la FAO et le PNUE, la mise en œuvre de la Décennie est facilitée par une collaboration étroite avec les pays, les organismes des Nations Unies et les organisations partenaires. Pour rationaliser cette mise en œuvre, cinq équipes spéciales ont été créées dans la structure de gouvernance de la Décennie; la FAO dirige celle chargée des meilleures pratiques et celle chargée du suivi.

Des données, des plateformes et des outils efficaces sont nécessaires pour améliorer l’accès aux données, informations et indicateurs relatifs à la restauration et pour guider la prise de décisions et le suivi des progrès accomplis. Pour répondre à ce défi, l’une des principales mesures est le processus collaboratif d’élaboration d’une plateforme dénommée Cadre de suivi de la restauration des écosystèmes grâce aux efforts conjoints des équipes spéciales dirigées par la FAO.

Les parties à la CDB ont adopté une cible ambitieuse en matière de restauration, la cible 2 du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal: «Veiller à ce que, d’ici à 2030, au moins 30 pour cent des zones d’écosystèmes terrestres, d’eaux intérieures et d’écosystèmes marins et côtiers dégradés fassent l’objet de mesures de remise en état efficaces, afin d’améliorer la biodiversité, les fonctions et services écosystémiques, ainsi que l’intégrité et la connectivité écologiques.» En tant qu’organisme chef de file de l’Équipe spéciale chargée des meilleures pratiques et de l’Équipe spéciale chargée du suivi, la FAO doit aider le secrétariat de la CDB et les Parties à élaborer la méthode de suivi et de communication d’informations pour l’indicateur de la cible 2, qui porte sur la superficie en cours de restauration. La mise en place effective du Cadre de suivi de la restauration des écosystèmes est cruciale pour aider les pays à recueillir et communiquer des données sur les zones en cours de restauration.

L’innovation. Le Cadre de suivi de la restauration des écosystèmes, qui tire parti des toutes dernières technologies géospatiales, est la plateforme officielle de suivi des progrès accomplis à l’échelle mondiale et de diffusion des bonnes pratiques sur toute la Décennie des Nations Unies. Au titre de la cible 2, il aide également les pays à suivre les zones en cours de restauration et à communiquer les informations y afférentes.

Le Cadre de suivi de la restauration des écosystèmes vient appuyer et complétér les procédures mondiales, régionales et nationales de présentation de rapports, et s’inscrit dans le droit fil de leurs objectifs, cibles, critères et indicateurs. Le but poursuivi en rassemblant ces activités dans un cadre unifié est de réduire la charge que constitue la communication d’informations pour les pays en permettant aux personnes, aux communautés et aux pays d’accéder aux données géospatiales, directives méthodologiques et outils de suivi dont ils ont besoin pour déterminer les progrès accomplis grâce aux initiatives de restauration des écosystèmes.

Le Cadre de suivi de la restauration des écosystèmes fonctionne sur le principe de l’interopérabilité, en tirant parti des mesures mises en place pour cartographier et surveiller les zones en cours de restauration et communiquer des informations exhaustives sur ces activités. Le réseau de collaboration constitué grâce aux équipes spéciales dirigées par la FAO permet de travailler avec des partenaires et des plateformes tels que le FEM, Restor, la plateforme du baromètre de restauration de l’Union internationale pour la conservation de la nature, la plateforme d’information sur la neutralité en matière de dégradation des terres de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, l’Accélérateur de la Grande muraille verte, la plateforme d’engagement pour la nature PNUE-Centre mondial de surveillance pour la conservation, et l’Observatoire brésilien de la restauration pour cartographier les données qu’ils collectent au moyen de paramètres communs, faciliter le partage de données et le contrôle de la qualité, et déterminer des possibilités d’harmonisation.

L’intégration et l’interopérabilité des outils et des plateformes de suivi peuvent améliorer et simplifier leur utilisation par les spécialistes de la restauration. Le Cadre de suivi de la restauration des écosystèmes intègre ainsi les projets et les données du FEM dans le cadre de suivi de la Décennie des Nations Unies. Des efforts sont actuellement déployés pour rassembler, partager et intégrer les données d’autres plateformes, et les organisations travaillent aux fonctionnalités d’échange de données et à l’interopérabilité avec le Cadre de suivi de la restauration des écosystèmes.

Résultats et impact. Le Cadre de suivi de la restauration des écosystèmes comprend:

  • Une plateforme géospatiale qui permet de visualiser les progrès accomplis et fournit des indicateurs et des données essentiels pour suivre la restauration des écosystèmes. Elle est interactive et peut produire des données et des cartes ainsi que des descriptifs convaincants sur les effets de la restauration. Grâce aux données géospatiales obtenues par télédétection et aux séries statistiques chronologiques, elle facilite l’analyse des données de sources publique et privée relatives à la restauration aux niveaux mondial, régional, national et infranational.

  • Un registre qui rationalise la collecte et l’harmonisation par zone géographique de données sur les initiatives, projets et programmes de restauration des écosystèmes, et simplifie les échanges de données grâce à une interopérabilité avec d’autres plateformes. Il permet en outre de répertorier les bonnes pratiques dans les initiatives visées. En février 2024, la plateforme comptait 355 utilisateurs inscrits issus de 80 institutions; 150 initiatives avaient été répertoriées dans 57 pays; et 20 bonnes pratiques avaient été soumises. Le registre servira de point d’entrée officiel pour les rapports des pays relatifs à la cible 2.

  • Un moteur de recherche qui diffuse les méthodes recommandables en matière de restauration, répertoriées à partir de quatre plateformes de collaboration, dont le registre du Cadre de suivi de la restauration des écosystèmes, et permet ainsi aux parties prenantes d’accéder à plus de 1 500 bonnes pratiques (au mois de février 2024). Les utilisateurs peuvent rechercher, filtrer et consulter facilement un large éventail de bonnes pratiques de restauration, en fonction de leurs besoins.

Le Cadre de suivi de la restauration des écosystèmes permet de collecter des données sur le terrain à l’aide de dispositifs portatifs.
© FAO/Maryia Kukharava

Potentiel de reproduction à plus grande échelle. En tant que plateforme officielle de suivi de la Décennie des Nations Unies et de la cible 2 du Cadre mondial de la biodiversité de Kunming-Montréal, le Cadre de suivi de la restauration des écosystèmes sera renforcé au fil du temps et en fonction des besoins des pays, des Parties à la CDB et des spécialistes de la restauration.

La FAO travaille avec des organisations partenaires à l’harmonisation des données et à l’interopérabilité pour améliorer les fonctionnalités du Cadre de suivi de la restauration des écosystèmes. Des études de cas sur les échanges de données proposeront des informations et des exemples de pratiques efficaces et d’innovations. Un tableau de bord rassemblera des données sur la restauration des écosystèmes et des informations détaillées sur les progrès accomplis au regard des engagements, les zones en cours de restauration (ventilées par pays, écosystème et initiative) et les bonnes pratiques. Ces différents éléments seront présentés à partir de données géospatiales, et des cartes interactives permettront de visualiser les informations et d’accéder au moyen de liens aux bases de données nationales, ce qui renforcera la transparence. Ces fonctionnalités seront accessibles aux niveaux mondial et national.

ÉTUDE DE CAS N° 10RENFORCEMENT DE LA RÉSILIENCE DES JARDINS DE TARO INONDÉS TRADITIONNELS À VANUATU PAR L’INTÉGRATION DE NOUVELLES TECHNOLOGIES, PRATIQUES ET VARIÉTÉS VÉGÉTALES

Lieu: Vanuatu

Partenaires: FAO, Département de l’agriculture et du développement rural de Vanuatu (Ministère de l’agriculture, de l’élevage, des forêts, de la pêche et de la biosécurité).

Pondération des types d’innovation

Le contexte. La continuité des services écosystémiques forestiers à Vanuatu est cruciale pour faire face aux défis de la sécurité alimentaire. Le taro est un légume-racine qui constitue un produit alimentaire de base à Vanuatu. Il faut assurer un approvisionnement en eau continu à tous les stades de sa production si l’on veut préserver les rendements et soutenir le développement de la plante, notamment durant les saisons sèches. Dans les jardins de taro inondés, pratique traditionnelle d’agroforesterie dans le pays, les fonctions de régulation des quantités de nutriments et d’eau assurées par les forêts sont exploitées pour produire du taro et d’autres cultures. Ces jardins présentent la capacité de se relever rapidement des catastrophes et des chocs et stress climatiques et jouent un rôle important dans la préservation de la sécurité alimentaire locale en cas de perturbation des chaînes d’approvisionnement. La détérioration des forêts limite cependant la capacité à fournir de l’eau pour les jardins, et menace la viabilité de ce système d’agroforesterie ainsi que la sécurité alimentaire et les moyens d’existence locaux.

L’innovation. Des consultations ont été menées par le Département de l’agriculture et du développement rural de Vanuatu auprès des peuples autochtones, des communautés locales, des organismes publics et autres parties prenantes pour définir les problèmes, les besoins et les possibilités en matière d’amélioration de la productivité et de la résilience des jardins de taro inondés. Grâce à l’appui technique et financier accordé par la FAO dans le cadre de ses activités en faveur des systèmes agroforestiers résilients, une analyse a été réalisée pour déterminer l’adéquation des emplacements des jardins en vue de leur extension, ainsi que les lacunes dans les connaissances, les intrants et les technologies. Un ensemble d’approches innovantes a ensuite été mis en place sur cette base pour renforcer la durabilité des jardins de taro inondés face au changement climatique. Des variétés de taro climato-résilientes ont ainsi été introduites, et des programmes de formation ont été établis. De nouvelles pratiques et technologies ont été utilisées en complément: irrigation au goutte-à-goutte; construction de petits barrages améliorés, techniques de déviation des eaux et de collecte des eaux pluviales; pratiques agricoles économes en eau telles que l’aquaponie.

Résultats et impact. Cet ensemble d’approches a permis d’améliorer l’efficacité de l’utilisation des ressources en eau et d’augmenter les disponibilités de ces dernières tout au long de l’année. Il convient de souligner que les approches améliorées en matière de gestion durable des forêts, notamment en ce qui concerne la conservation de la biodiversité, ont contribué à préserver la fonction de recharge des sources d’eau pour les champs de taro.

La fourniture d’outils et de matériel pour la construction et la maintenance des jardins a également contribué à remédier à des problèmes tels que l’érosion des sols. Les jardins de taro sont souvent situés sur des pentes abruptes, ce qui augmente le risque d’érosion des sols en cas de fortes pluies. Pour prévenir ce risque, des techniques agroécologiques existantes, mais qui n’avaient jusque-là pas été largement employées par les agriculteurs à Vanuatu, ont été introduites, telles que les cultures en courbes de niveau, l’aménagement de terrasses, et l’utilisation de cultures de couverture comme des légumineuses, des graminées et de l’engrais vert. Les agriculteurs ont également tiré parti d’approches reposant sur les connaissances traditionnelles pour améliorer la productivité et la résilience des systèmes de jardins de taro inondés. Parmi ces approches figurent le compagnonnage des plantes pour limiter les organismes nuisibles, le paillage, le compostage et la rotation des cultures.

Vue aérienne d’un paysage traditionnel de jardins de taro inondés.
© FAO

Une série d’innovations a permis aux agriculteurs de Vanuatu de préserver la viabilité de leurs systèmes de jardins de taro inondés; en 2023, la superficie totale consacrée à cette culture a atteint 419 hectaresab. Il s’agit d’un point important compte tenu du rôle que jouent ces systèmes en assurant la stabilité des chaînes d’approvisionnement alimentaire locales, comme cela a été le cas après les deux cyclones successifs en mars 2023. Ces innovations permettent aussi aux agriculteurs d’augmenter les rendements, de réduire leur vulnérabilité face au changement climatique et d’améliorer leurs moyens d’existence.

Un autre résultat important est l’amélioration des pratiques de gestion de l’eau. Les activités menées pour renforcer la durabilité des jardins de taro inondés ont fait prendre conscience aux communautés de la nécessité de conserver et de gérer les ressources hydriques de manière efficiente. Elles ont débouché sur une diminution des gaspillages d’eau et une amélioration globale de la qualité de l’eau, notamment grâce à une réduction du ruissellement, une utilisation plus efficiente de l’eau, un moindre lessivage d’engrais et de produits chimiques, et une érosion moins importante des sols.

Outre ces avantages, les jardins de taro inondés contribuent à la préservation des connaissances et pratiques traditionnelles. La culture du taro tient une place importante dans l’héritage culturel de Vanuatu, et le développement continu des jardins inondés a contribué à garantir la transmission de ces connaissances aux générations futures.

Potentiel de reproduction à plus grande échelle. À Vanuatu, la culture inondée du taro pourrait être étendue grâce à la remise en état de jardins abandonnés d’une superficie totale de quelque 1 033 hectares d’ici à 2030. Les projections indiquent que la production de taro pourrait atteindre 14 500 tonnes par anac, soit environ trois fois plus qu’en 2023, du fait de l’accroissement de la superficie cultivée et de l’augmentation des rendements par hectare liée à une meilleure gestion. Une enquête a mis en évidence une large adhésion des communautés, les innovations étant utilisées par plus de 50 pour cent des agriculteurs à Vanuatu. La reproduction à plus grande échelle nécessitera des compromis entre la culture du taro et d’autres activités économiques telles que le tourisme et le développement des infrastructures..

ÉTUDE DE CAS N° 11AMÉLIORATION DE LA GOUVERNANCE LOCALE DES RESSOURCES FORESTIÈRES AU PROFIT DE L’AGRICULTURE ET DE LA RESTAURATION DES FORÊTS

Lieu: Maroc et Tunisie

Partenaires: FAO, Centre international de recherche agricole dans les zones arides.

Pondération des types d’innovation

Le contexte. Dans de nombreuses zones arides d’Afrique du Nord, les politiques relatives aux forêts et aux parcours encouragent des initiatives de restauration qui empiètent sur les terres de pacage des communautés pastorales. Le pâturage est une pratique répandue qui peut avoir des incidences négatives sur les forêts, notamment lorsque les troupeaux sont trop nombreux, en cas d’abandon des pratiques traditionnelles et en l’absence d’engagement des communautés. Lorsqu’il est mené de manière durable, en revanche, dans le cadre d’une pratique appelée sylvopastoralisme, qui l'intègre à la culture d’arbres et à la restauration, il n’est pas incompatible avec cette dernière.

La promotion du sylvopastoralisme dans le cadre de politiques relatives aux forêts et aux parcours s’accompagne d’avantages importants pour les activités de restauration comme pour les communautés pastorales. Cette pratique peut améliorer la qualité de vie ainsi que l’environnement et l’économie au niveau local, une situation qui bénéficie à toutes les parties prenantes.

L’innovation. En Tunisie, le projet de restauration sylvopastorale durable pour la promotion des services écosystémiques mis en œuvre par la FAO, le Centre international de recherche agricole dans les zones arides et la Direction générale des forêts de Tunisie a été axé sur l’amélioration de la productivité et de la résilience des systèmes sylvopastoraux grâce à des pratiques durables. L’équipe du projet a notamment eu recours à une approche innovante consistant à ressemer du saifoin (Hedysarum coronarium) dans les écosystèmes; cette légumineuse locale est une source importante de biomasse dans les pâtures et contribue à la conservation des sols et de l’eau. L’équipe a également évalué la régénération de divers arbustes et arbres, tels que l’arroche, le caroubier, la luzerne arborescente et le figuier de Barbarie, pour appuyer les moyens d’existence tout en apportant de l’ombre pour les cultures et du fourrage pour les animaux.

Pour que les systèmes sylvopastoraux prospèrent, il faudra des politiques plus inclusives et une bonne gouvernance qui créeront un environnement propice aux pâturages et aux arbres. Le Maroc a mis en place un programme innovant de rémunération au moyen d’un cadre juridique établi en 2002, en vertu duquel l’État propose des incitations financières aux utilisateurs des forêts – organisés en associations locales de pâturage – qui acceptent de respecter les mesures d’interdiction de pacage sur les sites en restauration. Par l’intermédiaire de leurs associations, les communautés répondent de la protection de leurs terres; elles planifient les temps de pâturage pour éviter la surcharge des parcours et permettre aux terres de se reposer.

Résultats et impact. La protection et la remise en état des sols font partie des effets importants du programme. En Tunisie, les évaluations ont mis en évidence que le rendement en biomasse sur les sites de réensemencement de sainfoin était dix fois supérieur à celui du site témoin, ce qui montre l’importance des systèmes sylvopastoraux qui augmentent la valeur pastorale des écosystèmes naturels. Le coût de l’alimentation du bétail s’élevait à 0,35 dinar (0,12 dollar environ) par tête et par jour sur le site restauré, contre 0,90 dinar (0,30 dollar environ) sur le site témoin. Cette réduction du coût met en avant l’un des grands avantages du système sylvopastoral, à savoir qu’il offre une approche plus durable et plus efficiente sur le plan économique de la gestion de l’élevage.

Au Maroc, le nombre d’associations de pâturage a augmenté régulièrement depuis le début du programme de rémunération, de même que le nombre de leurs membres. En 2019, plus de 175 associations de pâturage locales avaient été créées, et 101 000 hectares de forêt en zone aride avaient été fermés au pâturage; les membres des associations ont été rémunérés en échange de leurs efforts de conservation. Cette augmentation a coïncidé avec une amélioration des taux de reboisement et une diminution sensible des infractions en lien avec le pâturage.

Potentiel de reproduction à plus grande échelle. Deux enseignements tirés de ces activités peuvent appuyer leur reproduction à plus grande échelle. Le premier est l’importance de l’utilisation multifonctionnelle des terres dans les projets de restauration. Au Maroc, l’intégration du pâturage et d’autres utilisations des terres apporte des avantages pour l’environnement et pour les communautés locales. Le second enseignement est qu’une bonne gouvernance, qui fait participer les communautés locales aux prises de décisions des ministères, est vitale pour assurer une utilisation des terres durable dans le temps. Au Maroc, la cocréation du programme de rémunération par les pouvoirs publics, les collectivités locales et les groupes d’éleveurs pastoraux est l’un des facteurs fondamentaux de sa réussite; il convient de noter que le dispositif est financé au moyen de droits sur les importations de bois, ce qui a facilité son élargissementad.

Moutons sur un site de pâturage amélioré en Tunisie.
© ICARDA/Mounir Louhaichhi

En Tunisie, les organisations locales se sont révélées être une composante essentielle de la réussite du projet sylvopastoral. Des accords entre la communauté sylvopastorale et les autorités locales ont été élaborés par l’intermédiaire de ces organisations en vue de contrôler le pâturage en fonction de la disponibilité de fourrage et des besoins du bétail, à partir d’estimations précises de la capacité de charge de l’écosystème.

Le renforcement de la participation des communautés a fait ressortir l’importance des connaissances locales pour la gestion des systèmes sylvopastoraux. Il est indispensable que les politiques publiques tiennent compte de ces connaissances et qu’elles les associent aux recherches scientifiques pour étayer les prises de décisions.

ÉTUDE DE CAS N° 12ASSOCIATION D’UNE INITIATIVE D’AGROFORESTERIE D’UNE DURÉE DE 20 ANS AU MARCHÉ DES DROITS D’ÉMISSION DE CARBONE POUR FAVORISER DES PRATIQUES DURABLES

Lieu: Mozambique

Partenaire: FAO.

Pondération des types d’innovation

Le contexte. Les régions rurales du Mozambique font face à de nombreux défis environnementaux. Le changement climatique est à l’origine de précipitations irrégulières, de sécheresses prolongées et d’inondations destructrices. Des épisodes de sécheresse et des inondations peuvent se produire au cours d’une même campagne agricole, et avoir des effets dévastateurs sur la sécurité alimentaire, les moyens d’existence et la viabilité socioéconomique des ménages de petits exploitants et des communautés. Les petits exploitants, qui représentent presque la totalité (98,7 pour cent) des 4,3 millions d’agriculteurs au Mozambique225, utilisent pour la plupart des pratiques traditionnelles telles que l’agriculture nomade qui, en dépit de leurs avantages, peuvent contribuer à la dégradation des ressources naturelles et condamner les petits paysans à la pauvreté. L’agroforesterie est en train de s’imposer au Mozambique comme une solution durable pour l’environnement et le bien-être des petits exploitants agricoles.

L’innovation. La première année de mise en œuvre d’une initiative pilote de la FAO destinée à développer l’agroforesterie au Mozambique, par l’intermédiaire du programme PROMOVE Agribiz financé par l’Union européenne, a été engagée. Les modèles d’agroforesterie mis en place sont adaptés aux différentes zones agroécologiques du pays et reposent sur les innovations suivantes:

  • Diversification – La diversification de la production agricole passe par l’élargissement de l’éventail de produits et de sources de revenus, parallèlement au renforcement de la sécurité alimentaire ainsi qu’à l’atténuation du changement climatique et à l’adaptation à ses effets. Des produits supplémentaires sont associés à des chaînes de valeur existantes.

  • Projet à longue échéance et partenariats avec le secteur privé – Le projet sera exécuté sur 17 à 20 ans (durée habituelle des projets générateurs de crédits carbone enregistrés), soit une durée bien supérieure à celle des projets financés en général par les donateurs (3 à 5 ans). Le projet comprend un partenariat étroit avec des acteurs du secteur privé, notamment Acorn (un programme de la Rabobank), Plan Vivo, Farm Tree, et des acheteurs d’unités d’élimination du carboneae, ce qui renforce la durabilité et facilitera in fine le transfert de la gestion des activités à une entité privée une fois le projet achevé.

  • Budget du projet investi dans des incitations – Les fonds des donateurs sont utilisés comme capital initial pour générer des revenus par la vente d’unités d’élimination du carbone (valeur minimale de 20 euros par unité). D’après les projections, la contribution de 2,5 millions d’euros de l’Union européenne devrait générer 10,7 millions d’euros grâce aux échanges de droits d’émission de carbone dans le cadre du projet. Les petits exploitants devraient bénéficier de la vente d’unités d’élimination du carbone par l’intermédiaire du projet; des avancées technologiques permettront de mesurer le stock de carbone sur de très petites zones (à partir de 0,25 hectare). On s’attend à ce que 80 pour cent des unités d’élimination du carbone produites soient payées aux petits exploitants à l’issue de la troisième année, par des crédits ou d’autres avantages (renforcement des capacités, par exemple).

  • Passage au numérique et technologies – Les technologies de l’information accessibles aux petits exploitants leur permettent de recevoir des transferts monétaires et d’enregistrer leurs unités agricoles au moyen d’un téléphone portable. Des subventions pour l’achat d’intrants agricoles (notamment de jeunes plants) sont accordées au moyen de bons électroniques. Les stocks de carbone sont mesurés et vérifiés, et communiqués en temps réel.

  • Renforcement des capacités – La méthode des écoles pratiques d’agriculture a été adaptée à l’agroforesterie.

Résultats et impact. Dans le cadre du projet, quelque 22 000 petits exploitants ont bénéficié d’une formation aux pratiques d’agroforesterie (grâce à 700 écoles pratiques d’agriculture et 700 parcelles consacrées à l’apprentissage) et 5 000 devraient participer à l’initiative pilote d’agroforesterie pour la génération de droits d’émission de carbone. Quelque 120 000 arbres ont été plantés aux fins des formations, et 37 pépinières communautaires ont été créées dans le réseau des écoles pratiques d’agriculture.

D’ici à la fin du projet, les 5 000 bénéficiaires de l’initiative devraient avoir planté 1,7 million d’arbres sur une superficie de 5 000 hectares environ. Les petits exploitants pourront fixer jusqu’à 4 unités d’élimination du carbone par hectare et par an sur les 17 à 20 années que doit durer le projet, et les paiements, fondés sur le carbone stocké, commenceront la troisième année.

Plantation d’arbres par des facilitateurs agricoles en vue de la mise en place d’un système d’agroforesterie dans le cadre d’une formation dans le district d’Angoche de la province de Nampula (Mozambique), en septembre 2023.
© FAO/Bianca Sipala

Ces activités ont été intégrées dans les manuels des écoles pratiques d’agriculture. Les petits exploitants participant au projet se sont lancés avec enthousiasme dans l’agroforesterie, ce qui a favorisé une transition vers des méthodes agricoles durables et climato-résilientes. On constate un changement de paradigme de l’agriculture traditionnelle vers l’agriculture durable, qui met l’accent sur une consommation minimale d’intrants (engrais organiques uniquement, par exemple); l’amélioration de la nutrition (diversification alimentaire) et des revenus des ménages (accroissement estimé à 20 pour cent); l’optimisation des éléments nutritifs des sols; la conservation des réserves d’eau; la promotion de la biodiversité; et le renforcement de la résilience des exploitations face au changement climatique.

Potentiel de reproduction à plus grande échelle. Le modèle d’agroforesterie PROMOVE Agribiz commence à être utilisé dans un autre projet (financé par le Gouvernement italien et mis en œuvre par la FAO) au Mozambique. Sous réserve de la mise à disposition des financements nécessaires, il pourrait être élargi afin d’intégrer les 17 000 autres membres des écoles pratiques d’agriculture dans le projet PROMOVE Agribiz.

Un appui continu et un renforcement des capacités sont nécessaires pour donner aux agriculteurs les moyens de mettre en place et de maintenir des activités d’agroforesterie sur le long terme. Un autre défi est de veiller à l’intégrité en ce qui concerne les unités d’élimination du carbone enregistrées ainsi qu’à l’exactitude et au rapport coût-efficacité des mesures réalisées.

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