Le présent chapitre est fondé sur 32 rapports de pays concernant le financement des forêts, établis entre 2000 et 2002 par des experts nationaux africains à partir d’un projet conjoint Commission européenne/FAO sur la gestion durable des forêts en Afrique (FAO, 2001, 2002a) (voir encadré pour la liste des pays couverts). Il présente les récentes tendances en matière de dépenses publiques consacrées à la forêt et de perception de taxes forestières, puis décrit quelques innovations dans les régimes fiscaux. Il propose en conclusion une manière d’améliorer ces régimes et émet des observations sur le débat de portée plus large concernant le financement de la gestion durable des forêts.
Pays ayant participé à l’étude de la FAO sur le financement des forêts en Afrique |
|||||||
Afrique du Sud |
Kenya |
République centrafricaine |
Les dépenses publiques consacrées à la foresterie sont sans doute le principal moyen de mettre en place un mode de gestion durable des forêts en Afrique. Même si des fonds publics financent l’aménagement de zones protégées et de quelques petites forêts de production, la plupart des dépenses publiques servent à surveiller et contrôler les activités d’exploitation du secteur privé. C’est dans ce dernier domaine qu’un accroissement des dépenses publiques apparaît particulièrement nécessaire si l’on veut améliorer la gestion des forêts sur le continent africain.
Les dépenses publiques consacrées à la foresterie proviennent généralement de deux sources principales: le financement national, notamment les recettes publiques perçues sous forme de droits fiscaux, ainsi que les emprunts d’Etat; et, dans le cas des pays en développement, le financement international sous forme de subventions et de prêts. En outre, les prélèvements effectués sous forme de droits, taxes et redevances constituent une composante importante du financement intérieur dans certains pays.
Confrontés à de nombreuses demandes de prise en charge par l’Etat de différents services, la plupart des gouvernements attribuent un degré de priorité peu élevé au financement du secteur forestier. En fait, plusieurs rapports de pays ont fait apparaître que les dépenses publiques consacrées à la foresterie représentaient moins de 1 pour cent du total, et tel semble être le cas dans toute l’Afrique. Sur la base de 24 rapports de pays, il a été estimé qu’en 1999 les dépenses publiques consacrées à la foresterie s’élevaient en moyenne à 0,82 dollar EU par hectare (FAO, 2002a). Cependant, la part du financement international a représenté environ 45 pour cent, de sorte que le niveau moyen de financement intérieur n’était que de 0,45 dollar EU par hectare.
La figure 7 montre les dépenses publiques par hectare consacrées à la foresterie dans les pays pour lesquels on dispose d’informations. Les pays où ces dépenses étaient le plus élevées sont des pays dont le couvert forestier est relativement réduit (Lesotho et Burundi). Parmi les pays où ces dépenses étaient élevées, figuraient le Niger, l’Ethiopie, la Côte d’Ivoire et le Ghana. Au Niger, cette situation s’explique par les niveaux élevés du financement international, mais tel n’est pas le cas en Ethiopie ni en Côte d’Ivoire. En général, il n’y guère de corrélation entre les dépenses publiques consacrées à la foresterie et le niveau de financement international.
Pour environ la moitié des pays examinés, l’étude contenait aussi des informations sur les récentes tendances observées dans l’évolution des dépenses publiques consacrées à la foresterie. Comme le montre le tableau 11, ces dépenses ont augmenté dans tous les pays, sauf deux. Cependant, les augmentations intervenues dans la majorité d’entre eux ont été inférieures au taux d’inflation, de sorte qu’en termes réels les dépenses publiques consacrées à la foresterie n’ont augmenté que dans cinq pays.
FIGURE 7 Dépenses publiques consacrées à la foresterie par hectare dans des pays d’Afrique, 1999 |
|
Moyenne des dépenses publiques consacrées au secteur forestier, en dollars EU par hectare: |
plus de 2 $EU/ha |
1$EU-2$EU/ha |
|
moins de 1$EU/ha |
TABLEAU 11 Tendances des dépenses publiques consacrées à la foresterie dans certains pays d’Afrique |
|||
Pays |
Période |
Augmentation annuelle moyenne des dépenses publiques
consacrées à la foresterie pendant la période indiquée |
|
Prix courants |
Prix constants |
||
Burkina Faso |
1996–1999 |
- 6 |
- 11 |
Burundi |
1990–2000 |
+ 4 |
- 5 |
République centrafricaine |
1996–2000 |
+ 8 |
- 11 |
Tchad |
1991–2000 |
+ 10 |
+ 1 |
Côte d’Ivoire |
1990–1999 |
+ 5 |
- 4 |
Ethiopie |
1997–1999 |
+ 3 |
- 5 |
Gambie |
1995–2000 |
+ 1 |
- 3 |
Ghana |
1990–1999 |
+ 37 |
+ 8 |
Kenya |
1995–2000 |
- 7 |
- 18 |
Malawi |
1990–1999 |
+ 26 |
- 4 |
Mali |
1992–1999 |
+ 16 |
+ 6 |
Maurice |
1996–2000 |
+ 6 |
- 3 |
Niger |
1991–1999 |
+ 8 |
+ 1 |
Nigéria |
1993–1999 |
+ 16 |
- 18 |
Sénégal |
1990-1999 |
+6 |
0 |
Zimbabwe |
1996–2000 |
+ 59 |
+ 25 |
Source: FAO, 2001, 2002a. |
Le tableau 12 apporte des précisions sur les sources de financement des dépenses publiques consacrées à la foresterie en Afrique. Même s’il fait apparaître de grandes différences sur le plan du financement international, les pays concernés se répartissent globalement en trois catégories.
TABLEAU 12 Sources de dépenses publiques consacrées au secteur forestier dans certains pays d’Afrique, 1999 |
|||||||
Pays |
Taxes forestières |
Dépenses publiques (milliers de dollars EU)a |
Origine des fonds (%) a |
||||
Financement intérieur |
Financement extérieur |
Total |
Taxes forestières |
Etat (nets) |
Extérieurs |
||
Burkina Faso |
780 |
2 201 |
2 328 |
4 530 |
17 |
31 |
51 |
Burundi |
50 |
193 |
1 198 |
1 391 |
4 |
10 |
86 |
République centrafricaine |
5 566 |
1 030 |
n.d. |
1 030 |
541 |
n.d. |
n.d. |
Tchad |
60 |
471 |
3 960 |
4 431 |
1 |
9 |
89 |
Côte d’Ivoire |
41 561 |
32 971 |
7 566 |
40 538 |
103 |
-21 |
19 |
Congo, Rép. dém. du |
803 |
1 277 |
0 |
1 277 |
63 |
37 |
0 |
Ethiopie |
2 283 |
21 345 |
3 865 |
25 209 |
9 |
76 |
15 |
Gambie |
225 |
242 |
445 |
686 |
33 |
2 |
65 |
Ghana |
12 559 |
31 294 |
n.d. |
31 294 |
<40 |
n.d. |
n.d. |
Guinée |
902 |
7 362 |
8 551 |
15 913 |
6 |
41 |
54 |
Kenya |
1 845 |
17 407 |
1 054 |
18 461 |
10 |
84 |
6 |
Lesotho |
44 |
521 |
119 |
639 |
7 |
75 |
19 |
Libéria |
3 100 |
7 317 |
0 |
7 317 |
42 |
58 |
0 |
Madagascar |
2 734 |
4 385 |
7 255 |
11 641 |
23 |
14 |
62 |
Malawi |
110 |
3 992 |
n.d. |
3 992 |
<3 |
n.d. |
n.d. |
Mali |
321 |
4 830 |
9 896 |
14 726 |
2 |
31 |
67 |
Maurice |
770 |
5 603 |
0 |
5 603 |
14 |
86 |
0 |
Namibie |
68 |
2 548 |
2 787 |
5 335 |
1 |
46 |
52 |
Niger |
351 |
773 |
6 612 |
7 385 |
5 |
6 |
9 |
Nigéria |
2 572 |
12 580 |
8 241 |
20 821 |
12 |
48 |
40 |
Sénégal |
1 579 |
2 835 |
10 578 |
13 413 |
12 |
9 |
79 |
Ouganda |
763 |
1 282 |
2 386 |
3 668 |
21 |
14 |
65 |
Tanzanie, Rép.-Unie de |
2 763 |
7 567 |
31 773 |
39 340 |
7 |
12 |
81 |
Zimbabwe |
908 |
2 132 |
1 254 |
3 386 |
27 |
36 |
37 |
n.d.: non disponible. |
La part moyenne en pourcentage du financement international dans les dépenses publiques consacrées à la foresterie a été de 41 pour cent en 1999. Selon les informations limitées dont on dispose sur les tendances observées dans le financement international depuis 1990, il apparaît que ce chiffre a varié dans une fourchette comprise entre 35 et 40 pour cent au cours des 10 dernières années et qu’il a chuté, passant d’une valeur de 132 millions de dollars EU en 1995 à 110 millions de dollars en 1999, baisse conforme aux tendances générales enregistrées dans le monde par Madhvani (1999) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE, 2000).
Outre leur montant, un aspect important des dépenses publiques est la contribution qu’elles apportent à la gestion durable des forêts. A la lumière des informations communiquées par 17 pays, on peut émettre les remarques générales ci-après.
Comme les dépenses publiques couvrent une vaste gamme d’activités dans le secteur forestier, la plupart des pays n’ont pas été en mesure d’indiquer avec précision les sommes consacrées à la gestion durable des forêts. La foresterie communautaire et la gestion des zones protégées sont les seuls éléments qu’ils aient pu distinguer. Les activités le plus souvent citées pour avoir fait l’objet d’investissements étaient des projets d’aménagement d’infrastructures et de reboisement, réalisés au titre de la foresterie communautaire, de la foresterie commerciale et de la lutte contre la désertification.
Lorsque les forêts appartiennent à l’Etat, l’un des moyens proposés pour augmenter les dépenses publiques consiste à accroître les recettes fiscales forestières. Cependant, il ressort d’un certain nombre d’études que les taxes forestières perçues sont modiques dans de nombreux pays (FAO, 1983; Repetto et Gillis, 1988; Grut, Gray et Egli, 1991). Non seulement elles représentent une faible part des recettes et des dépenses publiques, mais elles envoient aussi au marché des signaux trompeurs quant à la valeur des forêts et des bois. De tels messages ne favorisent pas la gestion durable des forêts, dans la mesure où des prix peu élevés peuvent entraîner une exploitation excessive et une sous-évaluation de la ressource, provoquant une déforestation et une dégradation des forêts.
L’analyse des données concernant l’Afrique fait apparaître ce qui suit.
Les taxes moyennes perçues par mètre cube ont été calculées en divisant le montant total des recettes par le volume total de production. Si l’on prend la production de bois d’œuvre, l’impôt perçu en Afrique était en moyenne de 0,19 dollar EU par mètre cube en 1999. Cependant, si l’on fait abstraction de la production de bois de feu, on obtient un chiffre de 2,42 dollars par mètre cube.
Ces résultats montrent peu d’amélioration dans le domaine considéré. Les taxes forestières restent faibles, compliquées et difficiles à recouvrer. Certains pays ont proposé diverses explications, notamment la pénurie de personnel, le manque de motivation des agents, la révision trop espacée des taux et la mauvaise gouvernance. Cependant, dans certains cas, le faible taux de taxation traduit une politique délibérée des gouvernements qui, pour des raisons sociales, subventionnent la consommation de bois, notamment comme combustible.
Etant donné le niveau des finances publiques, de nombreux pays d’Afrique expérimentent des méthodes nouvelles et novatrices pour trouver et maintenir des moyens de financement. On peut citer notamment une tendance à une plus grande décentralisation et à l’autonomie financière des administrations forestières, des expériences de partage des coûts et avantages avec les parties prenantes, l’utilisation accrue de fonds forestiers et la privatisation des ressources forestières.
La plupart des pays d’Afrique FAO/19344 |
En matière de décentralisation fiscale, la plupart des pays d’Afrique ont appliqué l’un des trois modèles ci-après.
A un récent atelier sur le financement du secteur forestier, qui s’est déroulé à Abuja, au Nigéria (FAO, 2002a), des pays ont indiqué que la tendance actuelle à la décentralisation suscitait quelques inquiétudes quant à l’avenir du financement des forêts. En bref, ils ont estimé que, si les autorités locales et régionales recouvraient les impôts et étaient habilitées à dépenser les recettes fiscales, on se soucierait encore moins de consacrer des dépenses publiques à la foresterie.
Une autre innovation de plus en plus fréquente consiste à octroyer une plus grande autonomie financière aux organismes forestiers. Des administrations forestières plus indépendantes et dotées, dans certains cas, d’une capacité d’autofinancement, ont été créées ou sont envisagées dans plusieurs pays, notamment au Ghana, en Ouganda et en Zambie. Un certain nombre de pays ont également expérimenté une formule selon laquelle les organismes forestiers, régionaux ou nationaux, conservent un pourcentage des recettes fiscales pour les consacrer à la mise en œuvre de projets et programmes forestiers locaux.
De nombreux pays ont signalé des problèmes d’accès aux crédits budgétaires alloués par le Trésor public. Une telle autonomie dans le recouvrement des impôts et l’utilisation des recettes peut améliorer l’administration des finances publiques dans ce secteur. Cependant, il est trop tôt pour dire si ces systèmes seront efficaces.
Etude prospective du secteur forestier en Afrique |
L’Etude prospective du secteur forestier en Afrique (FOSA), réalisée récemment, met en perspective le développement de ce secteur dans les 20 années à venir et propose un cadre de planification à long terme. Les principaux documents produits sont une vue d’ensemble, ainsi que cinq rapports sous-régionaux traitant de questions concernant l’Afrique australe, l’Afrique centrale, l’Afrique de l’Est, l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest. Ces rapports définissent les facteurs de progrès, décrivent les politiques et les scénarios institutionnels, en évaluent l’impact sur l’avenir de la foresterie et indiquent des moyens d’accroître la contribution du secteur au développement durable. L’essentiel des résultats obtenus et des constats dressés est résumé ci-après. FACTEURS AYANT UNA INCIDENCE SUR LA FORESTERIE Les facteurs qui devraient avoir un impact sur le secteur forestier au cours des 20 prochaines années sont les suivants:
L’environnement institutionnel général se caractérise par la capacité insuffisante et en nette diminution des institutions publiques, un mécanisme de marché faiblement développé incapable d’instituer des règles équitables, et un secteur informel en pleine croissance qui, bien qu’étant d’une importance capitale comme source de moyens d’existence, est inapte à la gestion durable des ressources. En outre, la plupart des acteurs n’ont pas les moyens d’agir, de sorte qu’ils ne sont pas libres d’apporter des changements positifs. IMPACTS En l’absence de tout changement profond, la situation de la foresterie en Afrique présentera les caractéristiques suivantes:
PRIORITÉS ET STRATÉGIES Il convient de modifier en profondeur les priorités et stratégies pour les 20 années à venir si l’on veut inverser les tendances actuelles, de manière à:
Il faut à cet effet responsabiliser les principales parties et multiplier les mesures volontaristes:
Les rapports de l’Etude prospective exposent la façon dont ces priorités et stratégies pourraient être adaptées à chaque sous-région. Les activités de suivi consisteront principalement à incorporer les conclusions dans les programmes forestiers nationaux. Une attention particulière sera accordée à l’amélioration des capacités de planification stratégique aux niveaux national et sous-régional. Les textes sont disponibles dans leur version intégrale sur Internet:www.fao.org/forestry/outlook. |
Treize pays ont indiqué qu’ils avaient élaboré ou mis en œuvre divers mécanismes pour accroître la participation des communautés locales à la gestion des forêts, y compris le partage des coûts et des avantages de l’exploitation forestière.
Quelques pays ont conféré aux communautés un contrôle total sur les ressources forestières, y compris la responsabilité de collecter les taxes (par exemple, la Gambie). En revanche, ces communautés doivent reverser une part des recettes à l’administration forestière et, dans certains cas, en consacrer une partie à la gestion des forêts. Cependant, la plupart des pays ont introduit des systèmes plus simples dans le cadre desquels l’administration forestière garde le contrôle et verse une partie des recettes fiscales aux communautés ou à l’autorité locale.
La plupart de ces systèmes ont été introduits récemment, dans le cadre de projets pilotes spécifiques qui étaient financés et administrés par des donateurs. Aussi la capacité institutionnelle à inscrire ces systèmes dans la durée fait-elle souvent défaut. Parmi les autres difficultés signalées dans les rapports, on peut citer l’identification des parties appelées à bénéficier du partage des recettes fiscales; le manque de compétence des communautés en matière de gestion des fonds; les difficultés d’accès aux fonds détenus à l’échelon central; le manque d’intérêt du public; et l’absence de rapports, de suivi et d’obligation de rendre compte. Comme pour la décentralisation, il est peut-être encore trop tôt pour dire si les arrangements en matière de partage des coûts et des avantages contribueront notablement à améliorer le financement d’une gestion durable des forêts.
De nombreux pays d’Afrique
ont UNITé DE LA FORESTERIE COMMUNAUTAIRE
DE LA |
Impact du VIH/SIDA sur la foresterie |
Etant donné que l’on estime à 40 millions le nombre de personnes infectées par le VIH/SIDA dans le monde et à 3 millions le nombre de personnes qui y ont succombé en 2001 (ONUSIDA et OMS, 2001), le fléau est devenu l’un des principaux obstacles au développement dans tous les secteurs, y compris dans le secteur forestier. L’Afrique subsaharienne a été durement touchée, puisqu’elle représente 70 pour cent du nombre des personnes infectées dans le monde. Dans les pays où plus de 20 pour cent des adultes sont infectés, l’espérance de vie a considérablement diminué (ONU, 2001). A ce jour, le SIDA a tué environ 7 millions de paysans dans les 25 pays d’Afrique les plus touchés. D’ici à 2020, 16 autres millions de personnes pourraient également en être victimes (FAO, 2002b). Même si ses effets en général sont bien documentés (OIT, 2000), aucune étude complète n’a été consacrée aux répercussions directes et indirectes du VIH/SIDA sur les forêts et la foresterie. Toutefois, le nombre croissant de personnes qui succombent à la maladie souligne de plus en plus la gravité du problème. Les conséquences de cette situation sont notamment les suivantes:
La pénurie de main-d’œuvre consécutive aux décès causés par le SIDA a déjà entraîné une exploitation accrue des forêts et des systèmes agroforestiers. On sait qu’il existe des exemples d’un retour à une utilisation de ressources vierges et incultes en Afrique subsaharienne (Barany et al., 2001). Au Malawi, une étude a fait apparaître que le VIH/SIDA entraînait une diminution du nombre des microentreprises et des petites entreprises, y compris dans le secteur forestier (National Statistical Office, Malawi, 2000). Le secteur forestier élabore des stratégies globales face au problème du VIH/SIDA, et des possibilités de collaboration avec d’autres secteurs ont été identifiées. Si les possibilités d’agir sur les problèmes à court terme de production agricole et de nutrition sont limitées, il est en revanche possible, avec des régimes fonciers sûrs et des systèmes de production extensifs, et en privilégiant certaines plantes médicinales et certaines essences, d’apporter de précieuses contributions pour le long terme. La formation et l'éducation dans le domaine forestier,y compris l'éducation des jeunes et la formation contuinue, ont également un rôle á jouer dans la prise de conscience du fléau du VIH/SIDA, la promotion de mesures de sécurité et l'amélioration des possibilités de revenu pour les jeunes travailleurs, les femmes et les enfants.
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Les fonds forestiers en Afrique FAO/17996/P. JENKIN |
Les fonds forestiers sont le troisième moyen par lequel les pays ont récemment tenté d’améliorer le financement de la gestion durable des forêts. Ils peuvent être organisés de diverses manières (Rosenbaum et Lindsay, 2001), mais il s’agit généralement de contributions provenant de sources spécifiques, et utilisées uniquement à des fins bien définies.
Les fonds forestiers sont souvent alimentés par des taxes et redevances forestières spéciales, même si, dans certains cas, d’autres sources viennent en complément. En Afrique, les fonds forestiers sont utilisés à des fins diverses: développement de l’industrie forestière; surveillance des activités forestières; recherche, formation et éducation; conservation; achat d’équipements; gestion de la faune et de la flore sauvages. Comme on l’a vu plus haut, des fonds plus généraux ont aussi été créés en faveur du partage des recettes fiscales et des administrations forestières financièrement autonomes.
Quinze pays ont signalé qu’ils avaient au moins un fonds forestier. Cependant, la plupart d’entre eux ont indiqué que ces fonds n’avaient guère contribué au déblocage en temps opportun de fonds publics suffisants pour le financement d’exploitations. Cette conclusion est confirmée par une analyse statistique des tendances en matière de perception de taxes et de dépenses publiques consacrées à la foresterie, dont il ressort que, dans les pays ne disposant pas de fonds forestiers, environ 52 pour cent de recettes fiscales supplémentaires ont été reversés aux administrations forestières sous la forme d’une hausse des financements publics d’origine nationale. Dans les pays dotés de fonds forestiers, ce chiffre n’était que légèrement supérieur, à savoir 56 pour cent, ce qui conduit à penser que les fonds forestiers ne contribuent guère à renforcer le lien entre la perception de taxes forestières et les dépenses publiques consacrées à ce secteur (O.I. Ajewole, en préparation).
Un certain nombre de pays d’Afrique envisagent de privatiser des parties du domaine forestier public, qui se compose davantage de plantations forestières que de forêts naturelles. C’est une option examinée notamment en Afrique australe, par l’Afrique du Sud, le Malawi et la Zambie. De nombreux pays préconisent des formes nouvelles et novatrices de gestion privée également pour les forêts naturelles.
L’un des principaux arguments en faveur de la privatisation est sans doute l’inefficacité du secteur public en ce qui concerne la gestion de nombre de ces zones. Plusieurs pays ont indiqué que les recettes qu’ils tirent de la vente des produits forestiers ne leur permettaient pas de gérer et de reconstituer leurs plantations forestières. De ce fait, le défrichement forestier illicite et l’abattage sélectif des arbres les plus précieux appauvrissent ces ressources. Si les tentatives de privatisation actuelles portent leurs fruits, d’autres pays d’Afrique pourraient suivre cet exemple. Ou bien, si les circonstances sont favorables, les pays peuvent défricher leurs plantations forestières pour louer la terre ou la donner à bail à des sylviculteurs privés, comme cela s’est fait en Ouganda (voir encadré ci-dessous).
Location des terres forestières pour promouvoir les plantations forestières en Ouganda |
Le système consistant à donner à bail des terres forestières défrichées a été introduit dans des zones périurbaines, le gouvernement attribuant des concessions à des particuliers, des institutions et des organisations pour qu’ils y plantent des arbres aux fins de la production de poteaux et de bois de feu destinés aux zones urbaines. A l’origine, ce système a été mis en place parce que le Département des forêts de l’Ouganda manquait de ressources pour reboiser ces zones, mais par la suite on y a vu la possibilité de faire participer des exploitants privés à la plantation d’arbres. Selon ce système, les exploitants reçoivent chacun une concession de 5 ha, sur laquelle ils plantent généralement des eucalyptus. Le Département des forêts fournit les conseils techniques pour la plantation et les opérations culturales, mais l’exploitant prend à sa charge les frais de main-d’œuvre et de matériel, et verse un loyer foncier annuel de 1 500 shillings ougandais (0,85 dollar EU) par hectare. Lorsque les arbres sont abattus, l’exploitant garde tous les bénéfices de la vente des poteaux et du bois de feu. La demande de tels produits dans les zones urbaines est telle que l’on trouve aujourd’hui de vastes plantations d’eucalyptus privées dans de nombreuses zones périurbaines. Le même système est actuellement étudié pour la production d’essences industrielles à croissance rapide, et certains investisseurs ont déjà manifesté leur intérêt. |
Il importe aussi de noter que la superficie des forêts privées en Afrique est extrêmement faible, à l’exception de l’Afrique du Sud, de l’Ouganda et de quelques autres pays qui comptent de vastes exploitations privées. Quelques pays affirment que toutes les forêts sont des forêts domaniales. Cependant, dans la plupart, le régime de propriété et de contrôle demeure flou et incertain.
Les dépenses publiques consacrées à la foresterie sont plus modestes en Afrique que dans d’autres régions et, si le continent manque de ressources financières, il ne faut pas y escompter une gestion durable des forêts dans un avenir prévisible. Les propositions qui peuvent être faites pour améliorer cette situation sont énumérées ci-après.
Première et seconde Conférences des ministres des forêts de l’Afrique centrale |
A la suite du Sommet des chefs d’Etat de l’Afrique centrale de 1999 sur la conservation et la gestion durable des forêts, et de l’adoption de la Déclaration de Yaoundé, les ministres chargés des forêts se sont réunis dans cette ville en décembre 2000, puis de nouveau en juin 2002. Ils ont adopté des statuts portant création de la Conférence des ministres des forêts de l’Afrique centrale (COMIFAC), organe chargé de donner des orientations et de prendre des décisions sur les initiatives relatives aux forêts dans la région. Les ministres ont aussi adopté des résolutions sur le financement à moyen et à long terme, un plan d’action pour la mise en œuvre de la Déclaration de Yaoundé, une position commune à l’égard du Sommet mondial pour le développement durable, ainsi qu’une résolution invitant les partenaires du développement à aider au financement des zones protégées et à promouvoir d’autres moyens de subsistance pour les populations pénalisées par l’établissement de telles zones. Les ministres ont aussi approuvé le Secrétariat exécutif de la COMIFAC et clarifié les liens avec la Conférence sur les écosystèmes de forêts denses et humides d’Afrique centrale. La prochaine session de la COMIFAC doit se tenir en juin 2004 à Libreville, au Gabon. |
Dans le débat de portée mondiale sur le financement d’une gestion durable des forêts, le financement intérieur et privé est privilégié par rapport au financement international et public (ONU, 2000). Les résultats de la présente analyse donnent à penser qu’il est peu probable que l’un ou l’autre de ces objectifs soit réalisé dans un proche avenir en Afrique, l’une des régions les moins bien équipées pour relever ces défis.
Il y a une grande différence entre pays développés et pays en développement en ce qui concerne la mise en œuvre d’une gestion durable des forêts, essentiellement à cause de la disparité de revenus et, en conséquence, des niveaux de financement public et privé. Bien que les dépenses publiques consacrées à la foresterie soient très similaires en pourcentage dans les deux groupes de pays, en termes absolus elles sont négligeables dans les pays en développement, où le niveau des dépenses publiques est nettement inférieur. S’il existe une volonté authentique dans de nombreux pays en développement de mettre en œuvre à grande échelle une gestion durable des forêts, il faut accroître le financement international du secteur public.
C’est de la rentabilité du secteur forestier que dépend le niveau de financement par le secteur privé d’une gestion durable des forêts. Dans les rares pays d’Afrique qui comptent des exploitations privées d’une certaine taille et bien développées (par exemple, les pays d’Afrique de l’Ouest et l’Afrique du Sud), il est sans doute possible d’encourager le secteur privé à financer une partie importante de l’investissement requis à cette fin. Cependant, dans la plupart des pays, la production est assurée essentiellement par des petits producteurs, des producteurs du secteur informel et des exploitants produisant pour leur propre consommation. Il n’est donc pas réaliste d’attendre de leur part qu’ils financent dans une proportion notable la gestion durable des forêts. Ainsi, il est probable que le secteur public continuera de jouer un rôle important dans la mise en œuvre d’une gestion durable des forêts et en restera la principale source de financement.
FAO. 1987. Systèmes de revenus forestiers dans les pays en développement, par J.W. Gray. Etude FAO: Forêts n° 43. Rome.
FAO. 2001, 2002. Régime fiscal forestier et dépense de l’Etat en faveur du secteur financier au... 32 rapports de pays. Document de travail sur les aspects financiers des forêts. Rome (également disponible sur www.fao.org/forestry/finance).
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FMI. 2000. Nigeria: statistical appendix. IMF Staff Country Report No. 00/06. Washington, Fonds monétaire international (FMI) (également disponible sur www.imf.org/external/pubs/cat/longres.cfm?sk=3393.0).
Grut, M., Gray, J.W. & Egli, N. 1991. Forest pricing and concession policies: managing the high forests of West and Central Africa. World Bank Technical Paper No. 143. Washington, Banque mondiale.
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