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Les tendances actuelles de la recherche scientifique dans le domaine sylviculture et des produits forestiers

PIERRE AUGER

Une Etude sur les tendances principales de la recherche dans le domaine des sciences exactes et naturelles, la diffusion des connaissances scientifiques et leur application à des fins pacifiques vient d'être publiée conjointement par l'Organisation des Nations Unies, New York, et l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), Paris, sous le titre Tendances actuelles de la recherche scientifique. Ce volume, qui non seulement est le premier de ce genre, mais qui sera probablement l'un des plus importants ouvrages scientifiques fondamentaux des dix années à venir, contient les renseignements suivants sur les tendances de la recherche dans le domaine de la sylviculture et des produits forestiers.

Application des sciences naturelles à la sylviculture

LES ÉTUDES en cours sur les facteurs du milieu sont essentielles pour l'exploitation judicieuse des ressources du sol, de l'eau, des forêts et des pâturages. Elles portent notamment sur les rapports entre les différents sols en vue de déterminer les caractéristiques des forêts, de la brousse et des pacages qui affectent leur hydrologie et leur stabilité, compte tenu tout spécialement de l'infiltration des eaux, de la conservation de l'humidité et des processus de percolation et d'érosion. Pour étudier les divers éléments des climats locaux en fonction des types de végétaux, des conditions de végétation et des modifications qui interviennent, on mesure la température du sol et de l'air, les précipitations, la vitesse du vent, la conservation de la neige l'humidité, l'évaporation et l'énergie radiante dans des lieux de topographie et de situation géographique variables et pour diverses conditions de végétation naturelle et artificielle. Les pertes dues à l'évaporation et à la transpiration font l'objet de recherches qui donnent des résultats particulièrement satisfaisants. L'acclimation, le développement et le rendement des herbes, des arbustes et des arbres sont étudiés en fonction de ces facteurs climatiques. Les résultats obtenus sont utilisés pour d'autres recherches touchant la protection et l'amélioration des sols et des végétaux et visant à assurer leur conservation grâce à une utilisation judicieuse des terres et des eaux et à empêcher l'érosion excessive et la formation d'alluvions dans les cours d'eau.

Récemment, l'emploi des radio-isopotes a permis d'acquérir des connaissances utiles sur la physiologie des arbres et des arbustes en ce qui concerne leurs besoins en principes nutritifs et la circulation de l'eau. La floraison, la production des fruits et des graines ainsi que les effets des substances favorisant la croissance font l'objet de recherches qui donnent de bons résultats. Les études sur l'efficacité de la photosynthèse et sur la sensibilité photopériodique des arbres des forêts ont permis de mieux comprendre les besoins en lumière pour la croissance, compte tenu notamment de la concurrence qui existe entre les arbres d'une forêt.

Des progrès considérables ont été réalisés dans les recherches génétiques sur la variation et la sélection des espèces ainsi que sur le mode de transmission et l'importance de l'hérédité pour des facteurs économiquement importants tels que la longueur et l'épaisseur des fibres, ainsi que dans la réalisation de croisements interspécifiques et intraspécifiques en vue d'obtenir des caractéristiques supérieures pour ce qui est de la forme, de la rapidité de croissance et de la résistance aux parasites.

Les études sur les relations phylogénétiques entre les espèces se poursuivent; dans le cas des pins, par exemple, on se fonde sur les oléorésines. L'identification, la classification et la distribution des plantes fourragères des végétaux constituant les pâturages et des arbres des forêts donnent lieu à des travaux méthodiques, très importants bien que peu spectaculaires.

La plantation, la croissance et le développement des arbres et des forêts font l'objet de recherches locales qui servent de fondement aux pratiques des sylviculteurs. On s'efforce en particulier d'étudier l'effet de pratiques telles que l'éclaircissage et le brûlage contrôlé ou prescrit sur la productivité des sols des forêts.

Le souci de protéger les forêts et les pâturages contre le feu, les maladies et les insectes parasites est à l'origine de recherches dans les domaines suivants: a) «comportement»au feu, évaluation des dangers d'incendie, facteurs psychologiques expliquant les motifs et les habitudes des gens en ce qui concerne la prévention des incendies, utilisation de l'aviation, produits chimiques servant à combattre les incendies, emploi utile du feu, prévention de la foudre et projection de substances sur les nuages; b) pathologie des feuilles, rouilles, chancre, dépérissement, altération et maladies des racines, résistance génétique, technique de l'étude des maladies, agents pathogènes des graines et des semences, pourriture du bois en cours de transport, entreposage, traitement et utilisation, incidence et comportement des scolytes, des tenthrèdes, du ver du bourgeon de sapin, des charançons et des papillons et rapports entre les insectes et les maladies comme, par exemple, dans le cas de la nécrose de l'orme, de la maladie de l'orme-liège et du dépérissement du chêne. On accorde une attention spéciale à la prévision des épidémies et aux méthodes chimiques et biologiques de lutte contre les maladies et les insectes parasites.

Science forestière proprement dite

L'aménagement des forêts et des pacages en vue d'obtenir au moment voulu en quantité requise des produits de la qualité désirée est fonction des recherches concernant les méthodes de contrôle de la végétation. On étudie donc les procédés d'exploitation propres à assurer la régénération des espèces et le maintien ou l'accroissement de la productivité du sol. Il faut à cette fin connaître la composition par espèces, la densité de peuplement et la distribution par classe d'âge pour chaque type principal de forêt dans des conditions variables. Les pratiques culturales telles que l'élagage, l'éclaircissage et l'emploi d'arboricides et de moyens mécaniques pour l'amélioration par élimination des espèces indésirables et des individus de forme inférieure font l'objet de recherches locales de caractère pratique.

Le contrôle du pâturage dans les forêts et dans les pacages en vue d'obtenir un approvisionnement continu en fourrage nutritif et une bonne production animale au niveau maximum, compte tenu de la conservation des sols et des eaux, exige une étude approfondie d'éléments tels que les saisons, l'intensité et le système de pâturage, la valeur du fourrage des différents terrains (rendement en herbe, éléments nutritifs digestibles ou propriétés indésirables), les critères permettant d'évaluer les conditions existantes et la productivité de certains types de pacages, l'efficacité et le coût des aliments ou des minéraux d'appoint, et l'approvisionnement en eau. On poursuit en outre des recherches concernant l'amélioration des conditions alimentaires et autres dans l'habitat des animaux de chasse.

La création de forêts artificielles par plantation d'arbres suscite un vif intérêt. On effectue donc des recherches approfondies sur la sélection et le traitement des semences, l'exploitation des pépinières, la préparation du terrain et les méthodes directes de semis et de plantation, ainsi que des études de caractère plus fondamental sur l'adaptabilité des espèces, indigènes et étrangères, la production de semences venant de lignées ou d'individus supérieurs dans les vergers et l'écartement nécessaire par rapport à l'élagage et à l'éclaircissage pour certains produits.

Le problème particulier que pose la plantation d'arbres pour protéger les récoltes donne lieu à des études très poussées sur les rideaux d'arbres et les brise-vent, particulièrement dans des régions et dans des conditions peu favorables à la croissance des arbres. On procède à des essais touchant les espèces indigènes et étrangères, les méthodes de plantation et d'exploitation et la forme, la dimension et l'orientation des rideaux d'arbres en vue de modifier le régime des vents et d'empêcher une évaporation excessive à partir des récoltes et du sol.

Des recherches mathématiques systématiques se poursuivent en ce qui concerne l'estimation du volume, la prévision de la croissance, de la mortalité, des défauts et du rendement, les sondages visant à déterminer le cubage des grumes et des arbres sur pied et les méthodes d'inventaire aux fins d'évaluation et d'exploitation.

On se livre à d'importants travaux de recherche appliquée pour adapter les techniques de la culture mécanisée et les caractéristiques des machines et du matériel aux besoins de l'exploitation forestière et des opérations culturales en forêt. Bien que cette question relève plutôt de la mécanique, c'est des considérations propres aux sciences naturelles appliquées à la sylviculture que s'inspirent les études faites en vue de rendre les opérations forestières plus rentables du point de vue de la main-d'œuvre et moins destructives du point du vue biologique.

Produits forestiers primaires

Des recherches se poursuivent touchant la structure et l'identification des essences, leurs propriétés physiques et mécaniques, les facteurs qui influent sur la résistance du bois, les caractéristiques en ce qui concerne le travail du bois, le finissage, l'encollage, le placage, le séchage, les traitements ignifuges, la conservation, les propriétés chimiques, les possibilités d'emploi pour la fabrication de pâte et de papier et l'hydrolyse.

Récemment, on a accordé une attention accrue aux travaux sur les propriétés électriques du bois, la résistance aux vibrations et les effets de la température sur la résistance, éléments importants pour l'amélioration du séchage au four et de la conservation.

Les variations dans la structure, la composition et les propriétés chimiques suivant les conditions de croissance, et notamment les propriétés du sol, l'espacement des arbres et leur âge, l'altitude, l'exposition et le climat des plantations, ainsi que les effets de l'éclaircissage, de l'élagage, des coupes intermédiaires et de l'hérédité représentent un vaste champ d'études.

Des progrès considérables ont été réalisés dans la mise au point de nouveaux produits du bois: panneaux de fibres, panneaux agglomérés et combinaisons de matériaux ainsi reconstitués avec du contre-plaqué et du papier. Cela a nécessité des recherches approfondies sur l'effet des dimensions, de la qualité et de la forme des particules, les adhésifs et les procédés à utiliser.

On cherche à améliorer la fabrication, à mettre au point de nouveaux produits de la pâte et du papier et à découvrir la microstructure chimique du bois.

Les recherches poursuivies dans le domaine de la chimie colloïdale (chimie de surface) du bois ont ouvert de nouvelles possibilités grâce à des études sur: a) l'absorption de la vapeur d'eau à différentes températures pour calculer l'énergie de liaison; b) la fixation d'alcalis concentrés par la cellulose (emploi de traceurs radioactifs); c) la diffusion des matières dans le bois; d) la grandeur maximum des molécules qui peuvent pénétrer dans les parois cellulaires et les gonfler, e) les modifications du poids moléculaire de la cellulose qui accompagnent l'hydrolyse; f) la distribution par tailles des pores qui contrôlent la circulation à travers le bois.

De même, on s'efforce de modifier les propriétés du bois destiné à des usages spéciaux, et notamment de stabiliser les dimensions grâce au traitement par le furfurol, dérivé du bois qui se transforme en résine à l'intérieur de la masse; on traite également le bois par imprégnation de résine en vue du moulage.

La chimie des substances préservatrices qui servent à prolonger la vie des bois utilisés fait l'objet d'une attention de plus en plus grande, particulièrement en ce qui concerne leur toxicité à l'égard des agents destructeurs du bois.

Les résultats de ces recherches joints aux renseignements obtenus dans le domaine de la sylviculture permettront certainement d'obtenir une plus grande variété de produits commercialisables et d'assurer une exploitation plus profitable et plus efficace de la végétation forestière, particulièrement dans les régions forestières sous-développées.


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