CARACTÉRISTIQUES DE LA RÉGION
La région[78] du Moyen-Orient et de lAfrique du Nord comprend 14 pays ou territoires de revenus bas à moyen; elle sétend de lIran au Maroc (voir carte). Sa population est de 296 millions dhabitants dont 120 millions vivent en zone rurale. Parmi ceux-ci, 84 millions dépendent de lagriculture - y compris de la pêche et de lélevage. La région possède des sites historiques habités de longue date et une longue histoire démigration à partir dautres zones. Le Moyen-Orient constitue un important site archéologique de lagriculture sédentaire des premiers âges, il est le centre de lorigine et de la diversification de plusieurs céréales majeures et de légumineuses, ainsi que le centre de la domestication des moutons et des chèvres.
Cette région fut aussi une zone importante dinnovation en agriculture entre le IVe et le XIe siècle, lorsque de nombreuses nouvelles cultures et technologies furent introduites dExtrême-Orient.
Les modèles doccupation des terres dépendent de lhistoire et des changements politiques; les populations augmentent dans les grandes cités et se concentrent dans les villages les plus importants des zones rurales. La région comprend un grand nombre déleveurs nomades qui se déplacent selon les saisons entre les régions de basse altitude et montagneuses et entre des zones humides et la steppe sèche. La longue histoire du peuplement humain, linégal accès à la terre et lurbanisation croissante ont conduit à une dégradation sérieuse des sols et des ressources forestières dans la plus grande partie de la région.
La superficie de la région est de 1 100 millions dhectares. Elle comprend une grande diversité denvironnements. Cependant, les zones arides et semi-arides aux pluviométries faibles et variables prédominent. Les zones les plus humides ont un climat méditerranéen, caractérisé par des étés longs et secs et des hivers doux et humides. Ces zones modérément humides représentent moins de 10 pour cent de la superficie mais elles abritent presque la moitié de la population, tandis que les zones plus sèches représentent presque 90 pour cent des terres mais abritent moins de 30 pour cent de la population. Ces ensembles comprennent des centres de population souvent dispersés, situés dans des zones très irriguées à lintérieur de zones arides et semi-arides. De plus, les grands périmètres irrigués - qui couvrent seulement 2 pour cent de la terre - regroupent 17 pour cent de la population agricole.
Les cultures pluviales sont pratiquées pendant la période la plus humide de lhiver, alors que les zones irriguées sont cultivées toute lannée. Les principales cultures pluviales sont le blé, lorge, les légumineuses, les olives, le raisin, les fruits et le maraîchage. Une large gamme de cultures subtropicales, y compris fruits et légumes, est aussi pratiquée sous irrigation pendant les mois dété. Le bétail, surtout les moutons et les chèvres, représente une composante importante de nombreux systèmes dexploitation agricole; il permet de relier entre eux les différents systèmes - du pastoralisme extensif aux feedlots périurbains.
Le Moyen-Orient et lAfrique du Nord ne sont pas des zones particulièrement pauvres comparées aux autres régions en développement. Le développement précoce des civilisations basé, dans une grande partie de la région, sur les systèmes dirrigation a posé les fondements des systèmes de production intensive encore en usage aujourdhui. De plus, des preuves historiques indiquent quà lépoque romaine la quasi-totalité de lAfrique du Nord bénéficiait dune pluviométrie suffisante pour permettre couramment la culture pluviale des céréales et dautres productions végétales. Les conditions climatiques et la couverture végétale du sol semblent sêtre détériorées depuis lors.
Historiquement, les périodes de malnutrition en zones rurales ont été principalement dues aux pertes de récoltes résultant de sécheresses, de ravageurs, ou de la faiblesse des crues annuelles dans la vallée du Nil. La croissance rapide de la population, en liaison avec lamélioration des taux de survie des enfants et la diminution de la mortalité en général, menace maintenant cet équilibre. Les villes en expansion attirent de nombreux jeunes, les taux de chômage en zones urbaines sont élevés. On estime à environ 2 pour cent seulement la proportion de la population totale vivant en dessous du seuil de pauvreté internationale de 1 dollar EU par jour; toutefois, quelque 9 pour cent (soit 33 millions de personnes)[79] sont sous-alimentées, elles vivent principalement en zones rurales.
La pauvreté est beaucoup plus répandue dans les zones rurales quen ville. Une forte proportion de ménages pauvres se rencontre chez les agriculteurs ou les éleveurs qui dépendent de lagriculture comme première source dalimentation et de subsistance. La pauvreté est due, avant tout, au manque daccès aux ressources limitées en terres et en eau et à la faible productivité, aggravée par une pluviométrie très irrégulière, des options de culture et délevage relativement peu nombreuses, ainsi quune continuelle dégradation des ressources naturelles. Laccès des familles, de plus en plus nombreuses, à la terre devient déjà un problème majeur dans beaucoup de pays. La propriété foncière est très inégalement répartie: un petit nombre dagriculteurs possède de grandes quantités de terres de la meilleure qualité. De plus, la fragmentation de nombreuses exploitations conduit à des pratiques inefficaces de gestion de la terre. Les marchés ruraux sont généralement peu développés et de nombreuses mesures politiques sont orientées vers les besoins urbains - la plupart en faveur dune mise à disposition de nourriture bon marché. Les céréaliers et les éleveurs sont particulièrement vulnérables aux impacts des subventions sur les grains importés.
Principaux systèmes de production - MOYEN ORIENT ET AFRIQUE DU NORD
Déni de responsabilité de la FAO
Les dénominations utilisées et les informations figurant sur les cartes n'impliquent de la part de la FAO aucun jugement concernant le statut légal ou constitutionnel d'un pays, territoire ou étendue maritime ni aucune approbation ou acceptation de ses frontières
Notes:
Projection = Géographique
(Lat/Long)
Historiquement, lagriculture a joué un rôle essentiel dans le développement de nombreuses économies du Moyen-Orient et de lAfrique du Nord; dabord avec la production de céréales et lélevage, ensuite avec le développement de la production fruitière, maraîchère et de cultures de rente dans les périmètres totalement ou partiellement irrigués. En 1997, lagriculture contribuait à 13 pour cent du PIB régional et représentait 19 pour cent des exportations et 50 pour cent des emplois dans la région. Cependant, il existe de grandes variations entre pays selon limportance relative du revenu non agricole dans leur économie. Laccès à leau, à la fois en terme de quantité et de qualité, demeure un problème majeur pour les économies agricoles et nationales. De nombreuses économies ont dû, du fait du potentiel relativement faible daugmentation de la production en labsence dirrigation, se tourner vers dautres solutions pour leur croissance économique, dont le pétrole, les mines, les manufactures, les activités de commerce international et autres.
PRINCIPAUX SYSTÈMES DEXPLOITATION AGRICOLE DU MOYEN-ORIENT ET DE LAFRIQUE DU NORD
Les critères présentés au premier chapitre 1 ont permis didentifier et de délimiter grossièrement huit principaux systèmes dexploitation agricole. Leur liste est présentée au tableau 3.1 et leur localisation géographique est indiquée sur la carte correspondante.
Système dexploitation agricole irrigué
Etant donné la nature aride et semi-aride de la plupart des régions dAfrique du Nord et du Moyen-Orient, le système dexploitation agricole irrigué a toujours été dune importance cruciale pour fournir une bonne partie de la production agricole régionale. Ce système comprend à la fois des grands et des petits périmètres irrigués. Le système des grands périmètres couvre 8,1 millions dha de terres irriguées et une population agricole de près de 16 millions[80] de personnes, entraînant de fortes densités de population et généralement des exploitations de petite taille. La présence de la pauvreté dans ces deux sous-systèmes est modérée.
Traditionnellement, les zones à lintérieur du sous-système des grands périmètres irrigués ont bénéficié dapprovisionnement permanents en eau de surface, tels que les vallées du Nil et de lEuphrate, mais lintensification des systèmes traditionnels karez ou qanat a aussi conduit à lévolution des grandes superficies irriguées partout où leau souterraine est abondante. Plus récemment, les technologies récentes de forage et pompage ont permis le développement de nouvelles zones à partir de nappes aquifères souterraines. Les grands périmètres se trouvent dans toutes les zones et produisent des cultures de rente et dexportation de grande valeur ainsi que des fruits et légumes cultivés intensivement. Les modèles dutilisation de leau sont très variés mais, dans toute la région, des politiques inappropriées du prix de leau et des systèmes de gestion centralisée font que leau est rarement utilisée de façon efficace. Lutilisation excessive de nappes aquifères non rechargeables a eu des répercussions économiques et environnementales importantes. De plus, dans un certain nombre de cas, lapplication excessive deau dirrigation a entraîné la remontée de la nappe phréatique et des problèmes de salinisation et de sodisation des sols.
Le sous-système de la petite irrigation se rencontre dans toute la région; bien que moins important que celui des grands périmètres en terme de nombre de personnes impliquées ou de production de cultures vivrières et autres cest un élément important de survie pour de nombreuses personnes des zones arides et montagneuses éloignées. Ce sous-système, qui peut être très ancien, se développe généralement le long des petits cours d'eau permanents et dans les oasis ou dans les endroits où lirrigation de crue est possible. Il tire parfois leau de nappes aquifères peu profondes et de forages, bien que ceux-ci soient rarement aussi profonds que ceux rencontrés dans les grands périmètres. Les principales cultures pratiquées avec la petite irrigation sont les céréales, les fourrages et le maraîchage. On rencontre aussi dans ces zones des centres dactivité socioéconomique, mais la concurrence pour lutilisation des ressources limitées en eau entre les petits agriculteurs et les autres usagers devient de plus en plus forte. Le sous-système de la petite irrigation nest pas répertorié sur la carte à cause de son caractère très dispersé, mais les zones importantes de petite irrigation à lintérieur dautres systèmes de production sont indiquées par des hachures sur la carte régionale.
Système dexploitation agricole mixte des hautes terres
Le système dexploitation agricole mixte des hautes terres est, avec 27 millions de personnes engagées dans lagriculture, le plus important de la région en terme de population; il ne recouvre toutefois que 74 millions dhectares (7 pour cent) des superficies, conduisant ainsi à des densités de population relativement élevées. La superficie des terres cultivées est de 22 millions dhectares dont presque cinq millions sont irrigués. Elle comprend deux sous-systèmes qui parfois se superposent.
Le premier est dominé par les cultures pluviales de céréales et de légumineuses, des cultures arboricoles, des arbres fruitiers et des oliviers en terrasses, associées à la vigne. Au Yémen, ce sous-système comprend les cultures de café et de qat qui sont traditionnellement les cultures arbustives les plus importantes des régions montagneuses. Le deuxième sous-système est basé en premier lieu sur lélevage (principalement moutons) sur des terres gérées de façon communautaire. Dans certains cas, le bétail et les éleveurs sont transhumants, migrant de façon saisonnière entre les basses terres de steppe plus humide en hiver et les hautes terres pendant la saison sèche. Ce type délevage est encore important en Iran et au Maroc. La pauvreté est très fréquente dans ce système; les marchés sont souvent éloignés, linfrastructure peu développée et la dégradation des ressources naturelles y constitue un sérieux problème.
Système dexploitation agricole mixte pluvial
Le système dexploitation agricole mixte pluvial abrite presque 18 pour cent de la population agricole mais noccupe que 2 pour cent des terres, ce qui entraîne une forte densité de population. Les terres cultivées sétendent sur 14 millions dhectares, y compris les cultures arboricoles et la vigne; on y trouve environ huit millions danimaux.
Bien que ce système soit, par définition, principalement pluvial, une zone de plus en plus grande (actuellement environ 0,6 millions dhectares) bénéficie de techniques de forage et de pompage, qui permettent une irrigation de supplément en hiver sur le blé et une irrigation totale en été sur les cultures de rente[81]. On y trouve des pâturages de saison sèche pour les moutons migrant des zones de steppe. Les zones les plus humides (600 à 1 000 mm de pluviométrie annuelle) sont caractérisées par des cultures arboricoles (olives et fruits), les melons et les raisins. On y rencontre aussi des cultures[82] protégées avec irrigation de complément (pommes de terre, maraîchage et fleurs). Les cultures les plus courantes sont le blé, lorge, lavoine, le pois chiche, les lentilles et les cultures fourragères, les vesses et les luzernes. La pauvreté est modérée, mais serait plus forte sans les revenus hors exploitation des travailleurs migrants saisonniers.
Système dexploitation agricole mixte des terres sèches
Le système dexploitation agricole mixte des terres sèches se trouve dans les zones sèches subhumides qui reçoivent une pluviométrie annuelle entre 150 et 300 mm.
Ce système abrite une population agricole de 13 millions de personnes et couvre 17 millions dhectares de terre cultivée. La densité de population y est généralement plus faible que dans les autres principaux systèmes de culture et la taille moyenne des exploitations y est plus grande. Les principales céréales pluviales cultivées sont lorge et le blé dans une rotation incluant une année ou deux de jachère, mais le risque de sécheresse est grand et linsécurité alimentaire très importante. Lélevage compte six millions de bovins et un plus grand nombre de petits ruminants; son interaction avec la production de céréales et de fourrages est forte. Les bonnes années, lorge pluviale est cultivée pour son grain, mais lorsque la pluviométrie est insuffisante pour permettre sa maturation, il nest pas rare de la voir consommée comme fourrage par le bétail. Les variétés locales dorge sont particulièrement bien adaptées à ce système. Le développement de cultures de plus forte valeur, tels que les fruits et le maraîchage a été limité non seulement par la faiblesse de la pluviométrie, mais aussi par les difficultés de commercialisation. La pauvreté est fréquente chez les petits agriculteurs.
Tableau 3 Les principaux systèmes dexploitation agricole du Moyen-Orient et dAfrique du Nord
Systèmes d'exploitation agricole |
Superficie (% de la région) |
Pop. agricole (% de la région) |
Principales activités |
Fréquence de la pauvreté |
Irrigué |
2 |
17 |
Fruits, légumes, cultures de rente |
Moyenne |
Mixte des hautes terres |
7 |
30 |
Céréales, légumineuses, moutons, travail hors exploitation |
Importante |
Mixte pluvial |
2 |
18 |
Arboriculture, céréales, légumineuses, travail hors - exploitation |
Moyenne(pour les petits agriculteurs) |
Mixte des terres sèches |
4 |
14 |
Céréales, moutons, travail hors exploitation |
Importante(pour les petits agriculteurs) |
Pastoral |
23 |
9 |
Moutons, chèvres, orge, travail hors exploitation |
Importante (pour les petits gardiens troupeaux) |
Dispersé (aride) |
62 |
5 |
Chameaux, moutons, travail hors exploitation |
Faible |
Basé sur la pêche côtière artisanale |
1 |
1 |
Pêche, travail hors exploitation |
Moyenne |
Urbain |
>1 |
6 |
Horticulture, volaille, travail hors exploitation |
Faible |
Source: données FAO et avis dexperts.
Système dexploitation pastoral
Le système pastoral, qui comprend surtout des moutons et des chèvres mais aussi quelques bovins et des chameaux, se rencontre sur près dun quart de la superficie de la région, équivalent à environ à 250 millions dhectares. Il est localisé sur de larges zones de steppe semi-aride et est caractérisé par des densités de populations faibles, relativement plus fortes autour des périmètres irrigués. On compte environ 2,9 millions dha de terres agricoles irrigués dispersés dans tout le système, augmentant ainsi la population agricole - qui atteint environ huit millions de personnes - et permettant la présence de 2,5 millions de têtes de bétail. Les mouvements danimaux - pâturage saisonnier des troupeaux dans les zones les plus humides et vente danimaux aux grands feedlots des régions urbaines - créés des liens étroits avec les autres systèmes. La migration saisonnière, particulièrement importante pour minimiser les risques, dépend de la disponibilité en herbe, en eau et en résidus de récolte des systèmes dexploitation agricole voisins. De nos jours, les troupeaux des nomades sont souvent partiellement contrôlés et financés par le capital urbain. Lorsque leau est disponible, les familles déleveurs cultivent de petites superficies pour supplémenter leur régime alimentaire et accroître leurs revenus. Cependant, de tels sites sont peu nombreux et la pauvreté est importante dans ce système de production.
Système dexploitation agricole dispersé (aride)
Le système dexploitation agricole dispersé (aride) couvre plus de 60 pour cent de la région et comprend de vastes zones désertiques. Quelque quatre millions de personnes (environ 5 pour cent de la population agricole de la région) vivent dans ce système; elles sont concentrées dans les oasis et un certain nombre de périmètres irrigués (particulièrement en Tunisie, Algérie, Maroc et Libye). Environ 1,2 millions dhectares de terres irriguées sont utilisées pour la production de dates, dautres palmiers, de fourrage et de maraîchage. De plus, on estime à 2,7 millions de têtes le nombre de bovins. Les éleveurs de ce système ont aussi des chameaux, des chèvres et des moutons. Le système fournit des possibilités de pâturage pour les troupeaux des éleveurs, lors des rares orages et en bonne saison. La frontière entre les pâturages des éleveurs et les systèmes de production dispersés est floue et dépend des conditions climatiques. La pauvreté à lintérieur de ce système est généralement faible car la pression démographique y est limitée.
Système dexploitation basé sur la pêche côtière artisanale
Les petits pêcheurs artisanaux ont vécu le long des côtes de la Méditerranée et de locéan Atlantique pendant des milliers dannées, supplémentant leur revenu de la vente de poissons par la production végétale à petite échelle et lélevage. On estime la population de ce système à environ un million de personnes, il sétend sur quelque 11 millions dhectares. Limportance du système de pèche artisanale a diminué avec lextension de la pêche industrielle.
Système dexploitation agricole urbain
Dans toute la région, une fraction de la population urbaine, estimée à moins de 6 millions de personnes, se consacre à la production à petite échelle de produits horticoles et délevage - surtout fruits, maraîchage et volaille. La contribution de ce système au PIB agricole est actuellement faible; toutefois, on peut sattendre à la croissance des feedlots pour le bétail, de la production des fruits et des cultures maraîchères intensives au cours des prochaines décennies. Ce système entretient parfois des liens étroits avec les systèmes de production périurbains et ruraux.
GRANDES TENDANCES AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD
Cette section décrit les grandes tendances de la région en termes de: i) population, faim et pauvreté; ii) ressources naturelles et climat; iii) science et technologie; iv) libéralisation du commerce et développement des marchés; v) politiques, institutions et biens collectifs; et vi) information et capital humain. A la fin de la section, quatre systèmes parmi ceux décrits précédemment sont étudiés plus en détail et analysés.
Population, faim et pauvreté
Il est prévu que la population de la région qui est actuellement de 296 millions de personnes[83], soit pratiquement multipliée par deux dici à 2030. Cet accroissement de la population pourrait avoir un impact très négatif dans les zones où les sols sont fragiles ou vulnérables et les terres en pente; il aura dimportantes répercussions sur les ressources en eau dans toute la région. Les zones autour des principaux centres de population vont probablement souffrir de formes variées de dégradation de lenvironnement et de manque deau.
Bien que quelques progrès aient été réalisés depuis 1970, on estime que 33 millions de personnes de la région étaient encore sous-alimentés en 1995-1997[84].
Ce nombre ne devrait pas changer beaucoup dici à 2030; toutefois, le pourcentage de la population sous alimentée diminuera. La consommation moyenne journalière de calorie est aujourdhui de 2 980 kcal - soit 13 pour cent supérieure á la moyenne de lensemble des pays en développement et la plus haute parmi les six régions de cette étude. Elle reflète le haut niveau de consommation de céréales (20 pour cent plus élevé que la moyenne du monde en développement) et de viande, et laccès à lalimentation supérieur à la moyenne dans les pays riches en pétrole de la région.
Cependant, cette moyenne masque lexistence de groupes vulnérables à lintérieur de certains pays et des différences importantes entre les pays exportateurs de pétrole et les pays non exportateurs.
La croissance globale de la consommation calorique estimée à six pour cent est faible, mais la région aura atteint en 2030, un niveau de consommation journalière de 3 170 kcal, bien supérieur à celui de la moyenne du monde en développement, estimé à 3 020 kcal. Laugmentation devrait provenir surtout de la croissance continue de la consommation de viande (60 pour cent). Dans de nombreuses zones rurales, la qualité de la nutrition est mauvaise, particulièrement pour les personnes les plus pauvres des zones les plus sèches et des systèmes dexploitation les plus dispersés. Bien que laccès à la viande et aux céréales soit relativement bon, les produits maraîchers et les fruits sont plutôt rares et chers. La figure 1.3 du premier chapitre montre quil y a eu une réduction de la pauvreté estimée en dollars dans la région au cours de la dernière décennie.
Ressources naturelles et climat
Depuis 1961, laccroissement des surfaces cultivées a été de 14 pour cent, tandis que lintensité de culture a augmenté de 13 pour cent pendant la même période. Le total des surfaces cultivées est aujourdhui de 65 millions dhectares, soit 76 pour cent du total estimé. Ces chiffres indiquent que la majorité des terres est déjà exploitée et quil existe peu de possibilité dexpansion. Néanmoins, on sattend à ce que le pourcentage des surfaces cultivées atteigne 82 pour cent en 2030. Toutefois, les contraintes agricoles sur les terres nouvellement mises en culture seront souvent importantes (contraintes climatiques, fortes pentes et sols pauvres). Laccès à la terre deviendra de plus en plus difficile au cours des prochaines années - particulièrement pour les personnes les plus pauvres - et laccroissement prévisible de la mise en culture des terres marginales conduira à une dégradation importante de lenvironnement.
Actuellement, plus de 20 millions dhectares de terres sont irrigués - représentant 32 pour cent du total des terres cultivées et 60 pour cent des terres potentiellement irrigables. Lefficacité moyenne de lirrigation est de 50 pour cent, un peu plus élevée que la moyenne de 43 pour cent pour lensemble des pays en développement. Les ressources hydrologiques exploitées de la région représentent 1,4 pour cent du total des ressources en eau renouvelables du monde en développement. En raison de laridité de la région l'irrigation est le principal moyen dintensification agricole et de diversification. En dehors des grands périmètres irrigués, les besoins agricoles en eau ont traditionnellement été couverts par lexploitation de leau souterraine peu profonde et le goutte-à-goutte à petite échelle. Le XXe siècle a vu la construction de plusieurs grands barrages pour fournir leau dirrigation de grands périmètres couvrant de nombreux kilomètres carrés. De plus, leau souterraine a été progressivement utilisée pour pallier le manque deau, ce qui a entraîné, pour de nombreux pays, une demande dépassant souvent les capacités réelles.
Des calculs faits à partir des surfaces irriguées et de lefficacité de lirrigation, montrent que 58 pour cent de leau disponible de la région sont utilisés pour lirrigation. Quatre pays de la région (Jordanie, Libye, Arabie Saoudite et Yémen) utilisent déjà des volumes deau qui dépassent les capacités de recharge. En raison des demandes croissantes deau, à la fois pour les villes et pour les systèmes intensifs de production agricole, la diminution des ressources en eau deviendra probablement un problème aigü dans de nombreux endroits. Durant la période 2000-2030, la superficie totale irriguée de la région devrait, selon les prévisions, saccroître de 20%. Ainsi, le total des terres irriguées représentera 77 pour cent de lensemble des terres potentiellement irrigables. Lensemble des besoins en eau dirrigation devrait augmenter de 14 pour cent et lefficacité de leau utilisée devrait atteindre 65 pour cent.
En tenant compte des prévisions dexpansion des surfaces irriguées, leau utilisée pour lirrigation devrait représenter 67 pour cent des ressources en eau renouvelables de la région. Ces données moyennes cachent des situations beaucoup plus sérieuses dans un certain nombre de lieux où le prélèvement de leau souterraine dépasse la capacité de recharge, épuisant ainsi des réserves stratégiques. La compétition économique pour les ressources limitées en eau renouvelable de la région saccentue. Les conflits sur les droits dusage de leau et lallocation des ressources entre secteurs et entre pays sintensifient alors que les limites économiques de captage sont atteintes. Dans ces circonstances, le développement de lirrigation dépend de plus en plus des réalités socioéconomiques et environnementales, au point que la gestion de la demande en leau et des services dirrigation devient maintenant impérative.
Science et technologie
La croissance de la production végétale dici à 2030 est estimée à 1,7 pour cent par an (comparée à 1,6 pour cent par an pour lensemble des pays en voie de développement). Pendant la période 1961-1997, la production végétale sest accrue grâce à lexpansion des terres cultivées (29 pour cent) et à laccroissement des rendements (71 pour cent). Le blé domine la production céréalière. En 2000, la région a produit 23 millions de tonnes de blé avec un rendement moyen de 1,4 tonne/ha - représentant une augmentation annuelle de rendement de 1,8 pour cent depuis 1970 (voir tableau 3.2). Bien que lorge occupe la deuxième place pour les surfaces cultivées, elle est dépassée par le maïs et le riz pour la production. La production dolive, qui représente une valeur importante dexportation, était de 2,8 millions de tonnes avec un rendement moyen de 2 tonnes/ha. Pendant la dernière décennie, la région a été témoin dune croissance rapide de la production dolive en termes à la fois de superficie (2,1 pour cent par an) et de rendement (5,5 pour cent par an). De nouvelles augmentations substantielles de rendement sont attendues au cours des trois prochaines décennies.
La consommation actuelle dengrais représente 7,2 pour cent du total de lensemble des pays en développement. Toutefois, laccroissement de la consommation dengrais de la région a été faible au cours de la dernière décennie, comparé au 3,5 pour cent daugmentation annuelle pour le monde en développement. Cependant, on prévoit un accroissement graduel de la consommation pour les trois prochaines décennies.
La région possède 197 millions de têtes de moutons et de chèvres (voir tableau 3.3) soit environ un septième de la population totale de ces animaux des pays en développement. Il existe une grande variété de systèmes de production pour les moutons et les chèvres: systèmes pastoraux extensifs, exploitation saisonnière des résidus de récolte dans les systèmes de culture et feedlots dans les zones urbaines les plus importantes. Plusieurs de ces systèmes sont étroitement associés entre eux.
Le nombre de volailles (900 millions en 2000) sest accru au cours des dernières décennies à un rythme de 6 pour cent par an (pratiquement le double de celui de lensemble des pays en développement). Ce taux de croissance devrait diminuer pendant la période 2000-2030[85].
Dans de nombreux pays la production est dominée par quelques grandes unités qui limitent les possibilités dentrer sur le marché pour les petits éleveurs. Pendant la dernière décennie, les nombres de bovins et de buffles se sont accrus de 0,6 pour cent par an. Bien que les conditions de la région conviennent assez mal à la production bovine, cet accroissement devrait se poursuivre jusquen 2030. La production annuelle totale de viande est actuellement proche des 6 millions de tonnes, elle devrait continuer à croître dici à 2030. La production laitière est actuellement de 17 millions de tonnes, son taux de croissance est de 3,4 pour cent par an depuis 1970. Toutefois, le taux de croissance pour la période 2000-2030 devrait être plus faible[86].
Tableau 3.2 Tendances de lévolution des superficies des cultures, des rendements et des productions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 1970-2000.
Culture |
Superficie récoltée 2000 (m ha) |
Rendements 2000 (tonnes/ha) |
Production 2000 (m tonnes) |
Variation annuelle moyenne 1970-2000 (%) |
||
|
|
|
|
Superficie |
Rendement |
Production |
Riz |
1 |
6,2 |
9 |
1,3 |
1,3 |
2,6 |
Blé |
16 |
1,4 |
23 |
0,4 |
1,8 |
2,2 |
Maïs |
1 |
6,1 |
8 |
0,3 |
3,3 |
3,6 |
Orge |
7 |
0,6 |
4 |
0,0 |
-0,7 |
-0,7 |
Légumineuses |
2 |
0,8 |
2 |
0,8 |
0,0 |
0,8 |
Oléagineux |
4 |
0,3 |
1 |
0,8 |
1,8 |
2,7 |
Maraîchers |
3 |
17,9 |
44 |
2,3 |
1,7 |
4,0 |
Fruits |
3 |
9,3 |
30 |
3,0 |
1,0 |
4,1 |
Source: FAOSTAT.
Libéralisation du commerce et développement des marchés
La libéralisation du commerce a favorisé les grands producteurs de la région, alors que de nombreux petits opérateurs sont sortis de la production agricole et de son commerce. Les petites entreprises agro-industrielles ont de plus en plus de mal à être compétitives et il y a peu de domaines où elles ont encore un avantage comparatif. Le niveau de développement des petites industries agroalimentaires de transformation est faible dans presque tous les pays. Le développement des petites entreprises a généralement été réalisé par un individu ou une famille et non pas par le mouvement coopératif ou par des organisations de producteurs.
Labsence de crédit pour les petits producteurs et le manque dinformation commerciale concernant les marchés éloignés ont contribué à limiter le développement de la production.
Cependant, de nombreux ménages agricoles ont, souvent grâce à des liens familiaux, diversifié leurs sources de revenu en développant des activités hors exploitation comme le tourisme, la restauration ou dautres activités de services.
Cette tendance devrait continuer au cours des 30 prochaines années et le revenu hors exploitation prendra de plus en plus dimportance, spécialement pour les ménages pauvres.
Tableau 3.3 Tendances de lévolution des populations animales et des productions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, 1970-2000
Espèce |
Millions de têtes 2000 |
Variation annuelle moyenne 1970-2000 (%) |
Bovins |
21 |
0,8 |
Moutons |
143 |
1,6 |
Chèvres |
54 |
1,5 |
Chameaux |
1 |
0,3 |
Volaille |
905 |
5,8 |
Produit |
Production 2000 (millions de tonnes) |
Variation annuelle moyenne (%) |
Total viande |
6 |
4,5 |
Total lait |
17 |
3,4 |
Total oeufs |
2 |
5,4 |
Source: FAOSTAT.
Le développement des marchés au cours des prochaines décennies dépendra étroitement des relations entre la région et lUnion européenne (UE). La croissance des revenus dans les pays méditerranéens de lUE augmentera la demande pour les produits dAfrique du Nord et du Moyen-Orient et attirera sans doute des investissements européens. Néanmoins, les politiques des gouvernements en matière de développement des entreprises privées affecteront fortement la vitesse de réponse à ces opportunités.
Politiques, institutions et biens collectifs
Les politiques de développement et dinvestissement en biens collectifs ont favorisé le milieu urbain pendant de nombreuses décennies. Beaucoup dinstitutions publiques ont, dans un passé récent, été extrêmement centralisées et les politiques de développement ont eu tendance à favoriser une alimentation bon marché pour les habitants des zones urbaines. Les investissements dans les infrastructures ont aussi favorisé les principaux centres de population, surtout en ce qui concerne laccès à leau potable, les services de base et les communications. Le développement des systèmes routiers a généralement servi la sécurité nationale ou des objectifs urbains, plutôt que le développement rural; en réalité, leur construction est parfois entrée en conflit avec les besoins agricoles. De même, une grande quantité de terres de bonne qualité a été perdue en bordure des villes en raison du manque de réglementation et de planification. Les conflits sur la répartition de leau de pompage sont déjà très préoccupants dans les centres urbains et autour de ceux-ci, ils devraient sintensifier dans le futur.
La réforme foncière, même dans les pays layant déjà entrepris, demeure un des problèmes les plus difficiles à résoudre car, en labsence de tout processus de rationalisation et de regroupement des terres, beaucoup de personnes tiennent à leur propriété morcelée. La migration des jeunes gens vers les villes montre bien quil nexiste pas une réelle volonté de changer le présent système dattribution et dhéritage. Les seules places où lon observe des changements majeurs sont celles où les opérateurs ont pu racheter des petites exploitations. On saccorde à reconnaître que la réorganisation des petites propriétés est un préalable à lintroduction des technologies de conservation des sols et de leau à long terme.
Les politiques nationales pour lélevage ont eu tendance à aggraver les problèmes de surpâturage, par lencouragement de limportation de céréales bon marché et par le manque de contrôle du nombre de têtes de bétail. Les progrès technologiques dans le transport du bétail et de leau et le rôle du capital privé ont contribué à maintenir une très forte pression sur les ressources naturelles des pâturages. Le manque de réglementation a sapé le pouvoir des anciennes institutions et le système de gestion communale des pâturages qui avaient été élaboré pour gérer les ressources dune manière durable.
Le haut degré de centralisation des systèmes de planification et limposition rigide dobjectifs de production ont détruit linnovation et la diversification dans de nombreux endroits - particulièrement dans les grands périmètres irrigués. La recherche sest rarement intéressée aux problèmes pratiques des producteurs en zones à risque ou à lutilisation plus efficace de leau. La recherche de marché pour les petits producteurs a été minimale. La vulgarisation a souvent été imposée den haut, laissant peu de place aux initiatives des agriculteurs ou aux possibilités de partenariat.
Information et capital humain
Bien que certains pays aient adopté une politique restrictive de déplacement, les communications entre les capitales de la région et lEurope sont, depuis de nombreuses années, relativement bonnes. Cependant, labsence de voies de communications dans les zones rurales a empêché les agriculteurs de nombreux pays de répondre aux nouvelles opportunités du marché international. Cette situation devrait changer avec les récentes avancées de la technologie de linformation, dont les satellites et les téléphones cellulaires, qui ouvrent de nouvelles possibilités de communication.
Les services gouvernementaux de vulgarisation de plusieurs pays de la région étaient forts jusquà maintenant; toutefois, ils se sont surtout intéressés aux zones à fort potentiel et à la réglementation et au contrôle de lutilisation des terres et des pratiques de production. Les zones agricoles et pastorales avec de faibles densités de population ont toujours manqué dinformations techniques et commerciales appropriées. Cependant, durant ces dernières années, certains pays ont utilisé linformatique pour disséminer linformation concernant la gestion agricole. La formation des agriculteurs est restée en retard par rapport à dautres régions, ce qui a eu pour effet de freiner ladoption de nouvelles technologies et lefficacité de agriculture. Cette absence de formation a aussi empêché les populations agricoles de développer leur aptitude à des emplois hors exploitation.
La reconnaissance dun certain nombre duniversités de la région durant les 25 dernières années a permis à lenseignement agricole universitaire de se mettre au niveau international. Toutefois, durant ces dernières années, les institutions denseignement agricole nont, pour la plupart, pas modernisé leur enseignement et son mode de diffusion (recours au télé-enseignement par exemple). Cependant, de nombreuses universités pourraient saméliorer très rapidement. Beaucoup dentre-elles devraient pouvoir se moderniser durant les prochaines décennies.
Sélection des systèmes dexploitation agricole
Quatre des huit systèmes de productions décrits précédemment ont été, sur la base de leur potentialité à réduire la pauvreté ou à favoriser la croissance agricole ainsi quen raison de leur importance démographique et économique, choisis pour une analyse plus détaillée:
Le système dexploitation agricole irrigué;
le système dexploitation agricole mixte des hautes terres;
le système dexploitation agricole mixte pluvial;
le système dexploitation agricole mixte des terres sèches.
Le système pastoral a aussi été inclus dans cette étude en raison de son importance pour les autres systèmes de production de la région. En effet, bien que son importance démographique soit faible et quil offre peu de possibilité de réduire la pauvreté, le système pastoral représente un réservoir de bétail qui alimente les autres systèmes de production - soit dune manière saisonnière, soit sous forme danimaux pour lengraissement - lui conférant ainsi une importance régionale.
[78] Voir lannexe 3
pour la liste des pays de la région. La Turquie nen fait pas
partie, elle a été incluse dans la région de lEurope
de lEst et de lAsie centrale. [79] FAO 2000a. [80] Ces estimations de terre et de population correspondent au sous-système des grands périmètres. La terre et la population des petits périmètres irriguées dispersés sont incluses dans les totaux des autres systèmes de production. [81] Rodríguez et al., 1999. [82] Principalement en utilisant des tunnels de polyéthylène. [83] FAO (2000a) prévoit une croissance de la population de la région de 1,9 pour cent par an pour la période 1995/1997-2015 et 1,4 pour cent par an pour la période 2015-2030, comparée à 1,4 et 1,0 pour cent pour lensemble des pays en développement. [84] FAO, 2000a. [85] FAO 2000a. [86] FAO 2000a. |