Ce livre a passé en revue les tendances et les défis auxquels doivent faire face les systèmes dexploitation agricoles des six régions en développement du monde. Il propose des priorités stratégiques pour la réduction de la pauvreté, laccroissement de la sécurité alimentaire et la croissance agricole. Puisque la moitié de la population des régions en développement - et une majorité de pauvres et daffamés - sont des agriculteurs et leur famille, la mise en uvre réussie de ces recommandations contribuerait grandement à atteindre les objectifs internationaux de développement de réduire de moitié la faim et la pauvreté dici à 2015.
Ce dernier chapitre commence par souligner les principaux résultats présentées au chapitre 8. Il examine ensuite les implications des priorités proposées pour les rôles des principales parties prenantes ainsi que les différentes façons de poursuivre ces analyses aux niveaux nationaux et au niveau mondial. Ce chapitre se termine par une note qui tente de montrer les principaux changements que ladoption des recommandations entraînerait dans les pratiques de développement.
SOURCES DE RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ AGRICOLE
Une partie de la pauvreté la plus pitoyable du monde concerne les communautés agricoles. De nombreux agriculteurs, femmes, enfants et hommes, dépendent dun équilibre précaire de multiples moyens de subsistance; la faim fait partie du quotidien de leur vie; laccès aux services de base, éducation, santé et eau, est pour eux encore plus difficile que pour les pauvres des centres urbains. Contrairement à ce que lon pense généralement, une majorité des familles agricoles pauvres vit dans des zones où la pluviométrie est moyenne à élevée et où il existe un potentiel de développement agricole important. La pauvreté est aussi très forte dans les zones sèches et isolées qui ont un faible potentiel de développement agricole; toutefois, les densités de population y sont beaucoup plus faibles. Très souvent, le monde rural des pauvres est concentré dans les zones à forte densité de population, où les exploitations sont de petite taille et où le niveau dintensification des productions vivrières est faible à moyen. Le revenu hors exploitation représente souvent une part importante des moyens de subsistance de ces ménages.
Lanalyse présentée dans les chapitres 2 à 7 a montré combien les changements dans les populations, les marchés, les technologies, les politiques, les institutions et les flux dinformation font à la fois peser de nouvelles pressions sur les communautés des petits agriculteurs et leur ouvrent de nouvelles possibilités. Lorsque la terre est disponible, la croissance de la population et la demande du marché entraînent une expansion des terres cultivées, malheureusement pas toujours dans des zones capables de supporter une agriculture durable. Toutefois, dans la plupart des endroits la terre est rare et les incitations à une bonne gestion des ressources sont absentes; les sols sont en train de sépuiser, la taille des exploitations diminue et les agriculteurs senfoncent de plus en plus dans la pauvreté. Aussi les familles dagriculteurs doivent-elles avoir de plus en plus recours à la migration saisonnière puis permanente pour rechercher des moyens de subsistance de remplacement. Mais, lorsque des structures dappui existent et que les politiques font la promotion dune gestion efficace des ressources, les petits agriculteurs réussissent à intensifier et à diversifier leur production, à renforcer leurs ressources de base et à augmenter leurs revenus hors exploitation au moyen demplois familiaux dans les agro-industries locales.
Limportance relative de ces stratégies varie dune catégorie de système à lautre. Dans le but de faciliter la formulation des politiques et des programmes nous avons indiqué dans le tableau 9.1, pour chaque catégorie de système agricole, les trois stratégies les plus importantes de réduction de la pauvreté. En général, la contribution à la réduction de la pauvreté des améliorations au niveau de lexploitation (diversification, intensification et accroissement de taille) est plus importante que celle provenant des activités hors exploitation (augmentation des revenus hors exploitation et sortie de lagriculture). Dans le contexte des améliorations au niveau de lexploitation, la diversification est une stratégie essentiel de réduction de la pauvreté dans les huit catégories de systèmes, tandis que lintensification est importante dans les systèmes à fort potentiel, notamment les systèmes irrigués et dualistes. Laugmentation de la superficie, de la taille du troupeau ou des activités commerciales nest importante que pour les systèmes dualistes et urbains.
Encadré 9.1 Stratégies des ménages pour réduire la faim et la pauvreté · Intensification des modèles de production agricole existants. · Diversification de la production, par une orientation de la production de plus en plus marquée vers les marchés et par des activités après récolte porteuses de valeur ajoutée. · Accroissement de la taille des exploitations, par le regroupement des exploitations existantes ou par lextension vers des terres neuves. · Augmentation des revenus hors exploitation pour complémenter les activités agricoles. · Sortie de lagriculture, impliquant le départ des zones rurales. |
Tableau 9.1 Principales stratégies de réduction de la pauvreté par catégorie de système de exploitation
Stratégies de réduction de la pauvreté |
Périmètres irrigués (petits propriétaires) |
A base de riz aquatique |
Pluvial humide |
Pluvial des hautes terres |
Pluvial sec/froid |
Dualiste (grand/petit) |
Pêche artisanale côtière |
Urbain |
Intensification |
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Diversification |
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Augmentation de la taille des exploitations |
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Augmentation des revenus hors exploitation |
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Sortie de lagriculture |
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Note:Voir le tableau 8.2 pour les détails. Les stratégies sont classées premières, secondes ou troisièmes pour chaque catégorie de système.
Des millions dagriculteurs devraient pouvoir échapper à la pauvreté en augmentant leurs revenus hors exploitation. Cette stratégie est, pour sept des huit catégories de système, la deuxième meilleure stratégie de réduction de la pauvreté, après la diversification. La sortie de lagriculture devrait devenir un phénomène de plus en plus courant, particulièrement pour les petits agriculteurs des systèmes à faible potentiel, hautes terres et systèmes secs/froids.
Nous avons montré quil existe des complémentarités importantes entre les stratégies de réduction de la pauvreté. En fait, de nombreux agriculteurs simultanément intensifient et diversifient leurs productions. Lintensification et la diversification agricoles créent les conditions facilitant le développement de léconomie hors exploitation et laccroissent des revenus hors exploitation qui, à son tour, stimule la croissance agricole. Petit à petit, les ménages agricoles les plus pauvres pourront progressivement augmenter leurs activités hors exploitation jusquà ce quils abandonnent tout à fait lagriculture.
STRATÉGIE MONDIALE DE RÉDUCTION DE LA FAIM ET DE LA PAUVRETÉ
Le chapitre 8 a défini les éléments les plus courants pour une stratégie mondiale de réduction de la faim et de la pauvreté. Ces éléments sont résumés dans les paragraphes suivants et dans lencadré 9.2.
Encadré 9.2 Eléments dune stratégie mondiale de réduction de la faim et de la pauvreté RECENTRER LES INSTITUTIONS, LES POLITIQUES ET LES BIEN PUBLICS
TIRER PROFIT DE LA LIBÉRALISATION DU COMMERCE ET DU DÉVELOPPEMENT DES MARCHÉS
RENFORCER LINFORMATION AGRICOLE ET LE CAPITAL HUMAIN
UTILISER LA SCIENCE ET LA TECHNOLOGIE POUR RÉDUIRE LA PAUVRETÉ
ARRIVER À UNE UTILISATION PLUS DURABLE ET PLUS PRODUCTIVE DES RESSOURCES NATURELLES
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Recentrer les institutions, les politiques et les biens publics
La création et la fourniture effective de biens publics internationaux, nationaux et locaux en faveur des pauvres, dans un environnement où la loi et lordre règnent et où les politiques et les institutions fonctionnent est le défi majeur à relever pour permettre la réduction de la faim et de la pauvreté des ménages agricoles. Les petits agriculteurs ont besoin de droits dusage des ressources équitables, sûres, transférables et souples et dinfrastructures durables - comprenant les routes et les structures dappui à lirrigation gérée par eux-mêmes. Pour pouvoir gérer leurs ressources de façon durable tout en bénéficiant de la libéralisation économique, les agriculteurs ont besoin dinstitutions locales et de niveau intermédiaire plus fortes et dune collaboration efficace entre toutes les parties prenantes. Les pauvres continueront à avoir besoin de filets de protection ciblée afin de surmonter les catastrophes naturelles; ces filets serviront aussi à aider les petits agriculteurs incapables de sadapter suffisamment rapidement aux changements des conditions du marché mondial.
Tirer profit de la libéralisation du commerce et du développement des marchés
La réduction de la pauvreté rurale dépend pour une grande part de lhabileté des petits agriculteurs à répondre effectivement aux changements apportés par la libéralisation du commerce et par le développement des marchés locaux. Ces changements peuvent être bénéfiques à de nombreux petits agriculteurs pour échapper à la pauvreté sils se concentrent sur des activités à travail intensif pour lesquelles ils ont un avantage comparatif. Les agriculteurs incapables de sadapter peuvent eux aussi bénéficier de ces changements grâce aux emplois créés par les acteurs de la transition. Dans les deux cas, il est crucial de préserver la sécurité alimentaire des ménages durant le processus dajustement. Il est important de veiller à ce que lenvironnement soit favorable au développement des marchés grâce à des mesures dencouragement aux petites entreprises rurales qui représentent souvent les principales sources pour les marchés et pour les emplois des ménages de petits agriculteurs. Il sera aussi nécessaire de mettre en place des mécanismes afin déviter les faillites commerciales, spécialement face aux monopoles et aux importations.
Il existe dans les pays en développement un sentiment général que la libéralisation internationale du commerce na pas été un processus réciproque, car de nombreux marchés agricoles et non agricoles essentiels des pays industrialisés demeurent très protégés. De leur côté, les agriculteurs du monde industrialisé - souvent généreusement subventionnés - utilisent la libéralisation du commerce pour approvisionner les marchés urbains des pays en développement. Léchec de la communauté internationale à trouver une solution à ce déséquilibre pourrait avoir des conséquences très négatives sur la réduction de la pauvreté et menacer lensemble du processus de libéralisation.
Renforcer linformation agricole et le capital humain
Une information largement accessible est nécessaire aux petits producteurs et aux entreprises pour leur permettre déchapper à la faim et à la pauvreté. Les groupes pauvres et vulnérables - dont les femmes chefs de ménage agricole - ont besoin dassistance pour pouvoir bénéficier de la révolution de linformation.
Ce processus ne sera durable quavec la participation du secteur privé. Dautre part, il ne sera possible de tirer le maximum davantages de la disponibilité de linformation quen renforçant le capital social et humain des familles agricoles pauvres grâce à léducation rurale et la formation des agriculteurs. De nombreux enfants ruraux nentreront jamais dans lagriculture et leur formation doit les préparer à leur futur emploi dans lindustrie et les services. Seuls les pays qui sauront investir dans les formations appropriées des techniciens et des cadres de lagriculture et les actualiser pourront bénéficier du potentiel de la révolution de linformation.
Améliorer la technologie et la gestion des ressources naturelles
Il est important davoir pleinement conscience du fait que les différents systèmes dexploitation agricole ont des besoins technologiques très différents. La productivité de la terre et la diversification des exploitations sont les deux stratégies capables de promouvoir la croissance dans les zones à forte densité démographique; par contre, dans les zones à faible potentiel et à faible densité de population, les technologies permettant daugmenter la productivité du travail sont à préconiser. La biotechnologie devrait avoir des retombées très importantes en matière de sélection des plantes et des animaux, et de contrôle des maladies; toutefois, il est nécessaire de sassurer que les biotechnologies offrent suffisamment de garanties pour que les pauvres puissent bénéficier de ces changements. La réduction de lécart entre les rendement des zones à fort et à faible potentiel est possible; cette réduction pourra bénéficier aux pauvres dont les rendements sont généralement en dessous de la moyenne.
La révolution de la technologie agricole qui sest produite au cours des dernières décennies a permis à un certain nombre de petits agriculteurs daméliorer leurs moyens de subsistances; toutefois, elle a laissé de côté un grand nombre dentre eux. Certaines nouvelles technologies - particulièrement les nouvelles variétés - ne sont pas liées à la taille de lexploitation, mais dautres, telles que de nombreux types de machines agricoles, nont aucun intérêt pour les petits agriculteurs des pays en développement. Le fait que les technologies tiendront de plus en plus compte de la complexité des systèmes dexploitation agricole auxquels elles seront destinées, entraînera une tendance de plus en plus marquée vers des pratiques de production intégrée et une participation de plus en plus importante des agriculteurs à leur propre développement et au processus dadoption. Il est nécessaire daider les communautés rurales afin quelles soient capables de prendre en main la planification, la mise en uvre et lévaluation des activités de développement agricole. Cependant, les gouvernements doivent veiller à assurer un juste équilibre entre les objectifs à court terme des agriculteurs pour des lieux spécifiques et les investissements à long terme dans des biens publics nécessaires au bien-être des générations futures (préservation de la biodiversité, captation du carbone).
La gestion durable des ressources sera à la base de la réduction à long terme de la pauvreté au cours des décennies à venir. La fertilité des sols et lamélioration de la gestion des ressources en eau deviennent des domaines essentiels. Finalement, toute stratégie de réduction de la pauvreté serait incomplète si elle ne mettait pas en place des mécanismes permettant daccroître la capacité internationale et locale à gérer et à répondre aux changements climatiques, qui devraient avoir des impacts substantiels sur de nombreuses zones agricoles pauvres au cours des prochaines décennies.
La réduction de la faim et de la pauvreté rurales dépend en dernier lieu des décisions et des actions de 500 millions de ménages agricoles qui constituent la communauté agricole des régions en développement. Cependant, il est évident quen labsence dun environnement socioéconomique qui sollicite, encourage, soutient et protège leurs aspirations, leurs idées et leurs initiatives, leurs contributions ne pourront se réaliser complètement. La présence dun secteur privé fort est la composante essentielle de cet environnement; sa création est la pièce maîtresse dun grand nombre defforts récents de promotion de la croissance agricole. Néanmoins, en dépit de tout ce qui a été écrit au sujet de la nécessité de réduire linfluence du gouvernement dans le processus du développement rural, nous sommes convaincus que la fourniture de biens publics appropriés est encore lélément essentiel du processus de développement. Un développement réel basé sur les agriculteurs exigera la participation dune grand nombre dacteurs: les agriculteurs pauvres et leurs communautés, le secteur privé et la société civile, les gouvernements locaux et nationaux et les agences internationales. Le recentrage des rôles de chacune de ces parties prenantes est discuté dans les sections suivantes, et résumé dans lencadré 9.3.
Libérer le potentiel des agriculteurs pauvres et de leurs communautés
La capacité de prise de décision, le savoir-faire technique, le travail physique, laccumulation de capital, linitiative et la créativité des communautés agricoles est à la base de tout programme réussi de réduction global de la pauvreté. Cependant, les conditions socioéconomiques spécifiques des différentes communautés affectent grandement leurs relations avec les autres acteurs - secteur privé, gouvernement et société civile.
A une extrémité de léventail, les communautés agricoles tournées vers les productions commerciales, dépendent fortement du secteur privé. Néanmoins, elles continuent de dépendre du gouvernement pour la mise en place dun environnement politique favorable - dont les réglementations - et pour une bonne partie du développement technologique et de linformation agricole nécessaire à lamélioration de lefficacité des opérations. A lautre extrémité de léventail, se situent les communautés qui ont de faibles ressources en terre et en financement, et très peu de relations avec les marchés. La fourniture de biens publics à ces zones pourrait accélérer considérablement leur développement et rendre la participation du secteur privé plus attractive. Pour ces agriculteurs, le rythme du futur développement dépend beaucoup de lappui du gouvernement aux infrastructures, à la recherche agricole, à la diffusion de linformation et au développement des marchés, et de la fourniture de filets de sécurité en ce qui concerne les catastrophes naturelles ou économiques.
Encadré 9.3 Recentrage des contributions des parties prenantes dans la réduction de la pauvreté LES AGRICULTEURS PAUVRES ET LEURS COMMUNAUTÉS
ORGANISATION DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
COMMERCE ET AFFAIRES
GOUVERNEMENTS LOCAUX ET NATIONAUX
AGENCES INTERNATIONALES
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La participation et les actions des communautés dépendent beaucoup des conditions socioéconomiques. Les communautés les plus avantagées mettent plutôt laccent sur lenvironnement et la gestion des ressources naturelles. En revanche, les communautés désavantagées sattacheront probablement plus au développement des infrastructures sociales de base. Les communautés capables didentifier les contraintes locales et de planifier ensuite leur propre développement rural sont particulièrement intéressantes. Cependant, la participation des communautés agricoles des régions en développement à la planification du développement rural est faible. Lencouragement de comités de gestion communautaires dans lesquels les parties prenantes locales, dont le gouvernement et le secteur privé, sont représentées et la mise à disposition de ces communautés des outils dont il ont besoin pour identifier, formuler et mettre en uvre les actions capables daccélérer leur développement sont de véritables défis. La gestion locale des ressources est aussi un domaine dans lequel les communautés peuvent prendre leur part de responsabilité. Lintérêt des décisions des agriculteurs sur la gestion des ressources - nonobstant le fait que les décisions des agriculteurs sont à plus court terme que celles des gouvernements - est quelles tiennent mieux compte des conditions locales. Il peut être utile de mettre en place des mécanismes de gestion conjointe lorsque lintérêt national est assez divergeant des intérêts locaux.
Un autre rôle des communautés pauvres est de mettre en place des mesures capable de réduire systématiquement les risques, particulièrement en matière de vulnérabilité aux catastrophes naturelles et économiques des ménages agricoles pauvres. Cest probablement dans le domaine de linnovation, du développement technologique et de sa diffusion que le rôle des communautés agricoles a été jusquà maintenant le plus limité. Les possibilités sont considérables dans ce domaine; elles ont été mises en évidence par de nombreuses expériences de recherches sur les systèmes dexploitation agricole ou de développement participatif de technologies au niveau du terrain. Ce type dinitiative pourrait être à lorigine dun développement technologique efficace du secteur public et privé.
La capacité des agriculteurs à accumuler de lépargne et à financer le développement - même dans les zones de grande pauvreté - est souvent sous-estimée. Le financement basé sur lépargne a généralement démontré son efficacité au niveau microéconomique; il devrait être promu partout où cela est possible. De cette manière, les initiatives locales peuvent devenir des noyaux autonomes de systèmes financiers ruraux, reliés aux institutions financières extérieures. De tels mécanismes sont à lorigine dune plus large participation des agriculteurs pauvres dans la transformation et le commerce des produits agricoles.
AIDER LES PARTENAIRES DE LA SOCIÉTÉ CIVILE À SENGAGER
Quand on interroge les agriculteurs pauvres, ils répondent souvent quune caractéristique importante de la pauvreté est la difficulté quils ont à se faire entendre. Dans de nombreux pays en développement, les ONG ont traditionnellement joué un rôle important dans lexpression claire des besoins des agriculteurs pauvres et dautres groupes vulnérables. Les organisations dagriculteurs prétendent souvent représenter aussi les agriculteurs pauvres, mais dans beaucoup de pays les agriculteurs tournés vers les productions commerciales ont habituellement dominé les débats et les activités de ces groupes. Renforcer la capacité des ONG et des organisations de petits agriculteurs pour leur défense et la fourniture de services, comme le font le FIDA et la FAO en Afrique du Sud, est aujourdhui prioritaire.
Les ONG et les organisations dagriculteurs ont fait leurs preuves dans une grande variété de domaines de développement au niveau du terrain; leur rôle principal, en matière de réduction de la pauvreté devrait se concentrer sur le renforcement du capital social (par exemple, groupes et réseaux dagriculteurs, associations de petites entreprises), afin de catalyser lesprit dentreprise et de diffuser linformation publique. Lamélioration du capital social, renforcement des groupes dagriculteurs et des organisations communautaires, est à la base de nombreux aspects du développement agricole du futur. Quelques organisations de la société civile peuvent elles aussi y contribuer par leurs innovations en matière de développement. Un grand nombre des meilleures pratiques actuelles de développement agricole ont été initiées par des ONG; de tels efforts devraient être systématiquement étendus.
FAVORISER LA COMPÉTIVITÉ DE LAGRO-INDUSTRIE ET DU COMMERCE, INSTRUMENT DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ
Le futur rôle du secteur privé devrait couvrir les activités suivantes: commercialisation, transformation et autres formes de valeur ajoutée, création demploi, financement, transfert de technologie et diffusion de linformation. Lexpérience en particulier montre, que le secteur privé peut, dans le cadre dactivités commerciales et des associations, étendre son rôle à des activités telles que linspection phytosanitaire, linformation sur les marchés et la vulgarisation - qui furent considérés à une certaine époque comme du seul ressort du secteur public. Néanmoins, en dépit de leur variété, les initiatives privées doivent se dérouler dans un cadre législatif, politique et fiscal mis en place par le secteur public. Le secteur privé peut alors être responsable dun accroissement de la pauvreté chez les petits agriculteurs lorsque les normes et réglementations sont inexistantes ou non appliquées et lorsque des acteurs économiques se permettent délever des barrières à lentrée de nouveaux venus sur les marchés. La situation idéale est la réalisation de profits grâce à laccélération de la réduction de la pauvreté.
Lorsque les exploitations sont très petites et principalement orientées vers la subsistance, les sociétés privées importantes sont peu incitées à sengager dans la commercialisation, car le volume et la variété des produits agricoles à commercialiser sont très limités. Dans ces zones, les commerçants locaux et les petites entreprises - parfois créées par les agriculteurs eux-mêmes - opéreront probablement avec plus de succès; elles pourront traiter des petits volumes et souvent pratiquer des avances pour lachat des intrants nécessaire à la production. Même dans ces cas, les entreprises locales agiront souvent comme agents dentreprises régionales ou nationales plus importantes, qui, elles, auront les capacités financières et techniques pour la fourniture des intrants nécessaires ou pour la commercialisation des produits agricoles sur les marchés urbains et internationaux. En raison de la complexité et des restrictions imposées par les législations et les politiques des gouvernements, les entreprises de petite taille doivent trop souvent opérer à la limite du secteur formel. La suppression des obstacles aux activités des petites entreprises aiderait beaucoup les petits producteurs à développer des liens commerciaux.
Des grandes sociétés ont directement investi dans la production agricole (cultures industrielles) de certains systèmes dexploitation agricole. Cependant, les restrictions politiques et légales sur la propriété foncière, les risques et les revenus relativement bas du capital, ont de, plus en plus, conduit les grandes sociétés à se désengager de leurs activités de production et à se concentrer principalement sur un rôle dintermédiaire. Ce retrait du secteur privé a souvent été utilisé pour justifier les investissements importants du secteur public dans des équipements de transformation pour des activités conduites auparavant par des entreprises internationales. Dans un certain nombre de pays, les gouvernements maintiennent encore de telles entreprises gérées par létat, dans la transformation, la commercialisation, lapprovisionnement en intrants ou dans dautres domaines. Ces entreprises se sont montrées inefficaces et monopolistiques; leurs pertes ont entraîné de lourdes ponctions dans les caisses des gouvernements. Beaucoup dentre elles ont été privatisées ces dernières années; les gouvernements doivent achever le processus de transfert de ces entreprises inefficaces au secteur privé.
AUGMENTER LEFFICACITÉ DES ACTIONS LOCALES ET NATIONALES DES GOUVERNEMENTS EN FAVEUR DE LA RÉDUCTION DE LA PAUVRETÉ
Les agriculteurs, la société civile et le secteur privé sont appelés à jouer un rôle de plus en plus important dans la réduction de la pauvreté, toutefois la contribution des gouvernements au niveau local et national demeurera cruciale. Cette contribution doit créer un environnement favorable pour les parties prenantes et doit permettre la fourniture de biens publics aux agriculteurs pauvres, dans le domaine des connaissances, en particulier technologie et éducation. Ces points seront examinés dans la section suivante. Les apports de biens publics et de services ont souvent été des échecs; nous aborderons aussi ce sujet dans une prochaine section.
Priorité des biens publics en matière de réduction de la pauvreté agricole
Le terme biens publics est souvent employé pour désigner des infrastructures telles que les routes, les hôpitaux et les ports. Cependant, il existe un ensemble très important de biens publics immatériels associés à la création dun environnement favorable au développement et à létablissement de la capacité nécessaire à la mise en place de services publics efficaces. Ces biens sont: i) la sécurité publique; ii) les réglementations telles que les quarantaines et le contrôle sanitaire des aliments; iii) les mécanismes efficaces pour encourager la concurrence et la résolution des conflits; iv) léducation et la formation; v) la recherche et la diffusion de linformation; et vi) les filets de sécurité.
Le rôle du gouvernement en matière de réduction de la pauvreté rurale devrait être de faciliter et de complémenter, et non de contrôler et de donner des ordres. La décentralisation des services gouvernementaux vers les régions permettra de mieux adapter les programmes de développement aux besoins locaux. Le gouvernement a aussi limportante responsabilité de créer des accords entre les parties prenantes au niveau local et daider au développement des capacités locales, pour la planification et la mise en uvre des actions - soit directement, soit indirectement au moyen de contrats avec les ONG. La mise à disposition des biens publics se fera mal si les organisations sont paralysées par des manques de financement ou par des procédures bureaucratiques qui limitent leur capacité de soutien efficace des services publics aux zones rurales.
Deux tâches du secteur public sont essentieles: assurer la régulation du fonctionnement des entreprises privées dans un cadre normatif approprié; et mettre en place un système dadministration des terres capable de garantir aux agriculteurs pauvres lusufruit de leur travail, de faire fonctionner le marché de la terre et de faciliter le regroupement des terres. De la même façon, le secteur privé et la société civile doivent jouer un rôle essentiel dans la diffusion de linformation, et les gouvernements doivent créer un environnement favorable et sassurer que linformation nécessaire atteint les groupes vulnérables.
Un enseignement primaire et secondaire de qualité est certainement le bien public le plus important que peut fournir un gouvernement. Léducation, dans le cadre des processus participatifs et dapprentissage conduit par les agriculteurs eux-mêmes, leur donne la capacité de devenir des partenaires dynamiques du développement, plutôt que des bénéficiaires passifs. La plupart des études montrent que le niveau scolaire est fortement corrélé avec ladoption des technologies, le développement local des moyens de subsistance de remplacement et la migration vers des emplois plus rémunérateurs. Léducation rurale doit tenir compte du fait que de nombreux enfants ruraux gagneront leur vie en dehors du secteur agricole; elle doit donc leur fournir une formation professionnelle capable de leur faciliter laccès à des emplois hors de lexploitation.
Fourniture efficace de biens publics
La réduction de la pauvreté dépend non seulement du financement adéquat des biens publics, mais aussi de la façon dont ils sont mis à disposition; lencadré 9.4 liste certaines modalités efficaces de mise à disposition. Une approche intégrée est souvent un facteur de succès, aussi bien pour les systèmes dexploitation agricole intensifs et complexes des zones à fort potentiel que pour les systèmes sujets à des risques dans des environnements de plus faible potentiel. Des réussites récentes avec des approches très participatives et de nombreuses parties prenantes montrent quun nouveau modèle de mise à disposition de services intégrés peut être particulièrement intéressant, alors que les projets de développement rural intégré mis en uvre durant les années 70 et 80 se sont avérés institutionnellement difficiles à gérer et ont donné peu de résultats à long terme. Les succès observés démontrent que lamélioration des moyens de subsistance des ménages et la gestion des ressources demande une coordination des actions.
Lorsque la décentralisation permet un meilleur contrôle local sur les ressources et le renforcement des capacités locales, elle peut rendre le niveau de décision plus proche des ménages agricoles et assurer ainsi la pertinence de la planification et de la fourniture de biens publics. Un système décentralisé peut être mieux adapté aux divers besoins des systèmes dexploitation agricole locaux. Cependant, la réussite de la décentralisation exige des ressources appropriées et une bonne expertise au niveau local; les responsabilités et la gestion des budgets correspondants doivent alors être données aux autorités régionales et locales. Il est très important de veiller à ce que les élites locales ne sapproprient pas les ressources et les services.
Encadré 9.4 Quelques caractéristiques de modalités efficaces de mise à disposition de biens publics · faciliter et
complémenter; |
Lallocation de ressources extérieures pour complémenter des financements réalisés par les bénéficiaires eux-mêmes représente un autre mécanisme prometteur pour assurer que les biens publics répondent aux besoins locaux. Les bénéficiaires napporteront leurs propres ressources que sils sont daccord avec lintervention prévue. En même temps, ces allocations sont un moyen de canaliser les ressources vers des priorités publiques bien définies établies par catégories spécifiques de financement. Les contributions des bénéficiaires représentent aussi des ressources additionnelles, qui nauraient pas été disponibles en labsence de ce type de programme. Les critères transparents et le procédé de sélection conduisent à des propositions qui permettent généralement daboutir à une gamme améliorée dactivités. Lémulation apportée peut renforcer lefficacité de ce système.
Les ménages agricoles ont une grande capacité dexpérimentation, dapprentissage et déchange dexpérience; ce type dinnovation et détude est au cur de lévolution des systèmes dexploitation agricole. Linvestissement dans laide systématique à tous les types dapprentissage conduits par les agriculteurs eux-mêmes offre de grandes possibilités, par exemple pour le testage et ladaptation des technologies et la vulgarisation directe dagriculteur à agriculteur. Il est évident quil nest pas possible de planifier le développement dinnovations spécifiques; toutefois, un certain nombre de mesures peuvent accélérer ce processus. Parmi ces mesures, nous pouvons mentionner: lencouragement à létude pour les adultes, les cercles dinnovations, les prix et autres formes de reconnaissance, le renforcement de lévaluation systématique et de la documentation des innovations.
La création dassociations ou de groupes dagriculteurs pauvres ou de petits commerçants peut leur permettre de renforcer leur pouvoir économique - spécialement face à des agents économiques puissants tels que les grands commerçants ou les sociétés de lagro-industrie. Les associations peuvent contribuer à diminuer les barrières à lentrée et les coûts dopération, et peuvent faciliter le développement des capacités endogènes telles que: lidentification et ladoption de technologies, laccès au financement, ou simplement lamélioration de la connaissance des conditions du marché et des besoins. De tels groupes représentent aussi des points dentrée pour planifier et concevoir une large gamme de biens publics.
Une grande partie de la diversité existant à lintérieur des systèmes dexploitation agricole est due aux différences dans la composition des familles. Les ménages dont le chef dexploitation est une femme ont souvent moins dactifs et moins de disponibilité en travail, ils représentent souvent et de façon chronique un nombre disproportionné de pauvres. On devrait reconnaître, au cours de la réalisation des programmes, que les femmes sont souvent confrontées à des contraintes plus sévères que les hommes dans les mêmes situations, et quelles ont un accès plus limité aux institutions rurales traditionnelles. On saperçoit aussi aujourdhui que le rôle de la jeunesse et des enfants doit souvent être étudié avec beaucoup dattention.
ACCROÎTRE LE ROLE DES BIENS PUBLICS INTERNATIONAUX
Les institutions publiques régionales et mondiales ont un rôle crucial à jouer dans le développement agricole durable et la réduction de la pauvreté. Dans le contexte actuel de changement rapide des politiques et des problèmes de développement, les agences internationales peuvent agir comme un bureau central dinformations et dexpériences permettant de créer une prise de conscience publique mondiale et de tenir les principales parties prenantes informées des problèmes cruciaux qui apparaissent. La mondialisation a augmenté le besoin de modes de conduite internationalement reconnus et de normes pouvant contribuer à la justice, à la transparence et à la sécurité dans les relations commerciales internationales. Létablissement de codes de conduite internationaux dans des domaines tels que les pêches est un progrès; il en va de même de laccord sur lobtention de lassentiment préalable en ce qui concerne le marché des organismes génétiquement modifiés et des pesticides. Le travail de la commission du Codex alimentarius sur les standards alimentaires est aussi de première importance pour sauvegarder la qualité sanitaire des aliments et pour fournir des normes qui puissent être appliquées aux produits commercialisés, réduisant ainsi les coûts de transaction. La nécessité de développer la portée et létendue de tels forums et de tels accords devrait se développer assez rapidement. La mise au point dun code de bonne pratique agricole pourrait bien être une de ces contributions.
Lun des plus grands défis de demain sera de créer des moyens pratiques de médiation transnationaux et des mécanismes mondiaux en matière de ressources, de gestion des ravageurs et des maladies - par exemple pour la mouche méditerranéenne, lonchocercose et la mouche tsé-tsé. La mise en place de mesures pour inciter les agriculteurs à adopter des pratiques de gestion plus durable de la terre pourrait inclure la capture des gaz à effet de serre grâce à des modifications des méthodes de travail du sol et à la reforestation. Le mécanisme pour un développement propre propose des moyens qui pourraient savérer attractifs pour accroître les transferts entre pays développés et pays en développement; toutefois, le développement de méthodes de vérification sûres et bon marché savère difficile.
Les dispositions pour diminuer les risques de conflit au niveau international, comme par exemple le financement daccords sur le partage des ressources en eaux internationales, représentent une des séries de mesures capables de réduire la vulnérabilité des populations rurales aux catastrophes. Ces mesures comprennent aussi: i) lamélioration des systèmes davertissement en matière dévènements climatiques dangereux; ii) les interventions en temps voulu pour empêcher la propagation transfrontalière de maladies et de ravageurs des animaux et des cultures; et iii) les accords sur les mesures capables dassurer une productivité durable des écosystèmes marins et agricoles partagés.
La création du Fonds pour lenvironnement mondial (FEM) est une reconnaissance de la nécessité de mobiliser des ressources internationales afin dencourager les pays à entreprendre, en accord avec les objectifs des conventions internationales (sur le développement durable, la biodiversité, etc.), des actions bénéfiques pour lenvironnement au-delà de leurs propres frontières et de compenser les coûts marginaux entraînés par de telles actions. Les résultats de cette organisation sont toutefois très modestes comparés à létendue des menaces sur lenvironnement. Il est aussi nécessaire de fournir une assistance technique et daugmenter la capacité du suivi mondial des ressources naturelles, en particulier la situation des océans et des forêts, et de sassurer que les constatations peuvent se traduire en mesures efficaces pour la limitation des dégâts.
Les efforts de la recherche internationale impliquent aujourdhui de nouveaux partenariats pour le partage des coûts et des expériences en matière de développement technologique. La biotechnologie va sans doute engendrer une grande variété de modèles de partenariat public-privé aux niveaux national et international. La définition des priorités de recherche régionales et mondiales nécessitera aussi des partenariats de recherche internationale, peut-être axés sur des problèmes communs aux systèmes dexploitation agricole présentés dans ce livre.
Aujourdhui, les flux dinvestissement direct étranger vers les pays à revenu moyen sont en augmentation; certains sont alloués à la production agricole (comme par exemple la production intensive de volaille) et aux services agricoles (création de variétés, approvisionnement en intrants et transformation). Toutefois, il semble, que dans lensemble, limpact des investissements directs étrangers sur la sécurité alimentaire ou sur la réduction de la pauvreté soit assez limité. Les institutions financières peuvent jouer dans lavenir un rôle important en encourageant de nouveaux flux de capitaux étrangers vers les pays les moins développés dans des investissements au profit des agriculteurs pauvres.
Lanalyse contenue dans ce livre est basée sur une grande variété davis dexperts, de données secondaires sélectionnées et sur les dernières données disponibles en matière de population, dutilisation des ressources et de climat. Le cadre analytique est en accord avec les prévisions mondiales récentes généralement largement admises. Cependant, ces prévisions pourraient être radicalement modifiées par des événements mondiaux inattendus. Les facteurs les plus importants apparus au cours de ces dernières années ont été les changements de climat, le SIDA et la mondialisation.
Le consensus entre le grand nombre dexperts qui participèrent aux évaluations est remarquable en ce qui concerne les aspects qualitatifs; les donnés quantitatives ont été, par contre, beaucoup plus difficiles à rassembler. Les zones agroécologiques de la FAO et les bases de données statistiques ont fourni un excellent point de départ pour cette analyse. Les données sur les ressources naturelles, les populations, le climat et lirrigation proviennent en grande partie des images satellites et des bases de données regroupées aujourdhui disponibles. Linformation concernant les systèmes dexploitation agricole analysés en détail a été tirée détudes locales et des zones administratives représentatives pour être ensuite extrapolée à tout le système. Cependant, la qualité des données locales disponibles varie grandement dune région à lautre; il a été pratiquement impossible davoir accès aux données des pays de lex-Union soviétique.
Fait étonnant, il sest avéré invariablement impossible de trouver des données statistiques locales ou des bases de données du système dinformation géographique (SIG) pour cartographier au niveau national létendue de la pauvreté ou de la faim[253] dans le monde en développement; cest probablement là la plus importante lacune à laquelle les auteurs aient été confrontés. Face à ces insuffisances, lavis des experts fut, dans le cadre des données locales et nationales disponibles, considéré comme la meilleure estimation de la pauvreté. Les données géographiques concernant les populations animales ne furent disponibles que pour certaines régions.
Des bases de données géographiques précises sur la faim, la pauvreté, les populations humaines et animales et les superficies des cultures devraient être disponibles dici deux à trois ans. La mise à jour de cette analyse à léchelle mondiale fournira alors une image plus détaillée des nouvelles tendances et problèmes et des priorités stratégiques. Ces analyses pourraient être ensuite enrichies par la modélisation dynamique des systèmes dexploitation agricole sélectionnés, permettant ainsi aux planificateurs de comprendre limpact probable des principaux paramètres (revenus des ménages, rendements et prix des produits agricoles essentiels, etc.) sur la faim, la pauvreté et les taux de croissance économique. Un certain nombre danalyses utiles supplémentaires pourraient déjà être conduites à partir des données existantes. Ces analyses pourraient concerner limpact des changements climatiques mondiaux, de la capture du carbone à différents niveaux, des priorités de la recherche ou du renforcement des institutions locales sur la sécurité alimentaire et la pauvreté.
Lanalyse conduite dans ce livre a été menée au niveau régional et mondial. Lapproche analytique appliquée au niveau des systèmes dexploitation agricole enrichirait grandement ce travail aux niveaux national et infranational. La structure des objectifs pourrait être exprimée avec plus de précision au niveau national; dautre part, de nombreuses données biophysiques et socioéconomiques supplémentaires sont disponibles. Il est possible denrichir le nombre réduit de systèmes dexploitation agricole régionaux en définissant des sous-systèmes à lintérieur des frontières naturelles (de préférence en consultation avec les pays voisins, de façon à éviter la duplication et les contradictions dans les définitions) afin de les utiliser pour affiner les priorités nationales et locales.
Dautres perfectionnements dans la description des systèmes régionaux dexploitation agricole mentionnés dans ce livre pourraient savérer utiles. Au cours des dernières années un nombre croissant dinvestissements pour le développement rural ont été réalisés sur plusieurs pays à la fois; il serait utile de reconnaître limportance des systèmes dexploitation agricole dans la détermination du modèle dutilisation des ressources et de la croissance économique. Ceci est particulièrement important en ce qui concerne lutilisation de leau pour les pays qui dépendent étroitement des crues saisonnières des fleuves et de la recharge des nappes phréatiques. Certains des problèmes les plus litigieux du Moyen-Orient et de Asie du sud concernent les ressources transnationales. Le pastoralisme a aussi un caractère transnational dans un certain nombre de zones - spécialement en Afrique. Finalement, certaines zones particulièrement importantes pour lesquelles on prévoit une croissance agricole au cours des prochaines décennies sont transnationales - cest le cas des savanes humides de lAfrique de lOuest, des Llanos du nord-ouest de lAmérique du Sud et des plaines fertiles de tchernoziom de lex-Union soviétique.
Le message le plus important de ce livre est que lamélioration des systèmes dexploitation agricole des petits agriculteurs pourrait grandement contribuer à réduire la faim et la pauvreté. Non seulement la pauvreté et la faim sont beaucoup plus fréquentes dans les zones rurales que dans les zones urbaines, mais le nombre des pauvres est plus élevé dans les zones à haut potentiel que dans les systèmes dexploitation agricole disposant de peu de ressources et peu tournées vers les marchés. Le potentiel daccroissement de la productivité existe, aussi les objectifs internationaux de diminuer de moitié la faim et la pauvreté sont-ils tout à fait réalisables si la volonté politique et les ressources nécessaires au financement des grandes stratégies et des investissements sont au rendez-vous.
Lanalyse des différents systèmes dexploitation agricole a montré la grande diversité des défis à relever. De plus, les modèles de moyens de subsistance des ménages varient, non seulement entre systèmes dexploitation agricole, mais aussi dune zone à lautre dun même système et même dun ménage à lautre. Cependant, cette diversité peut être une grande force que les gouvernements peuvent utiliser au cours de la réalisation des programmes de développement rural. Les agriculteurs, femmes et hommes, prendront les décisions qui conviennent pour favoriser la croissance agricole, lutilisation durable des ressources naturelles et la réduction rapide de la faim et de la pauvreté, si les gouvernements se montrent capables de mettre en place des politiques appropriées et des environnements institutionnels ainsi que la fourniture effective de biens publics. Ceci implique de donner la direction du développement rural aux agriculteurs pauvres et à leurs communautés, et de garantir une participation locale de qualité dans le cadre de systèmes sappuyant sur un partenariat entre les parties prenantes publiques et privées. Ceci nécessitera, à son tour, un financement national et international des biens publics.
La réduction rapide de la faim et de la pauvreté est la première étape incontournable pour permettre un développement durable de lagriculture et des sociétés rurales en général. Il sagit non seulement déradiquer la faim et la pauvreté mais aussi dassurer aux communautés agricoles la sécurité daccès à lalimentation, à leau, au revenu et à linformation. Dans un tel futur idéal, les agriculteurs seront bien éduqués et pourront jouir des mêmes services de base que les populations urbaines. La diversification des moyens de subsistance et lexistence de filets de sécurité sociale, permettront de minimiser leur vulnérabilité aux catastrophes climatiques et aux crises économiques. Bien que dans la plupart des pays en développement la taille des exploitations devrait généralement rester petite à moyenne, les agriculteurs auront à leur disposition un beaucoup plus grand nombre de technologies pour la production et pour la gestion durable des ressources; ils les enrichiront de nouvelles technologies provenant de lapprentissage actif, de linnovation et des échanges entre agriculteurs. Ils recevront, comme cela a commencé à se faire dans les pays industrialisés, des compensations pour leurs services en faveur de lenvironnement et dautres biens publics. Lamélioration des infrastructures et la mécanisation rendront le travail des femmes moins pénible. Les communautés rurales auront à leur disposition des mécanismes efficaces et équitables pour permettre la gestion durable des biens communs; les ménages participeront activement et sur une base plus égalitaire, aux prises de décisions publiques, aux processus démocratiques et aux négociations avec les institutions et les entreprises commerciales. En outre, les communautés agricoles prendront la direction de la planification, de la réalisation et de lévaluation des activités de développement local.
Cette vision des systèmes dexploitation agricole durables, sans pauvreté, avec des agriculteurs ayant des moyens de subsistance sûrs pour leurs ménages, devrait guider la formulation des stratégies de développement rural à tous les niveaux.
[253] Un travail innovateur
entrepris par la Banque mondiale et la FAO a conduit à la mise au point
de techniques de statistique afin de combler ce manque de données; les
études nont été, jusquà maintenant,
réalisées que sur un nombre relativement restreint de pays.
LAtlas de la pauvreté du sud de lAfrique, financé par
la Banque mondiale, est le premier ouvrage de ce type à fournir des
données sur la pauvreté avec des références
géographiques complètes. |