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LA DURABILITÉ
EN ACTION

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Partie 1

SITUATION MONDIALE

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Partie 2

LA DURABILITÉ EN ACTION

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Partie 3

PERSPECTIVES ET QUESTIONS ÉMERGENTES

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BIBLIOGRAPHIE

Cette publication phare fait partie de la série L’ÉTAT DU MONDE de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture.

Référence bibliographique à citer:
FAO. 2020. La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2020. La durabilité en action. Rome.
https://doi.org/10.4060/ca9229fr

Les appellations employées dans ce produit d’information et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) aucune prise de position quant au statut juridique ou au stade de développement des pays, territoires, villes ou zones ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Les appellations employées et la présentation des données sur les cartes n’impliquent de la part de la FAO aucune prise de position quant au statut juridique ou constitutionnel des pays, territoires ou zones maritimes, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. La mention de sociétés déterminées ou de produits de fabricants, qu’ils soient ou non brevetés, n’entraîne, de la part de la FAO, aucune approbation ou recommandation desdits produits de préférence à d’autres de nature analogue qui ne sont pas cités.

Les opinions exprimées dans ce produit d’information sont celles du/des auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement les vues ou les politiques de la FAO.

ISSN 1020-5497 [IMPRIMÉ]
ISSN 2663-8371 [EN LIGNE]
ISBN 978-92-5-132755-5

© FAO 2020

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PHOTOGRAPHIE DE COUVERTURE ©FAO/Kyle LaFerriere

GHANA. Pirogues et filets de pêche dans le Canoe Basin, Tema.

En septembre 2015, l’Organisation des Nations Unies donnait le coup d’envoi du Programme de développement durable à l’horizon 2030. En adoptant ce plan remarquable en faveur de la paix et de la prospérité dans le monde, les pays ont manifesté une extraordinaire détermination à prendre des mesures audacieuses pour générer un changement profond et mettre l’humanité sur une voie plus durable et résiliente.

Pourtant, après cinq ans de progrès irréguliers et à moins de 10 ans de l’échéance fixée, il apparaît évident, en dépit des avancées réalisées dans de nombreux domaines, que le rythme et la portée des changements induits par les actions menées pour concrétiser les 17 objectifs de développement durable (ODD) sont, pour l’heure, insuffisants. Face à ce constat, le Secrétaire général de l’ONU a profité du Sommet sur les ODD de septembre 2019 pour appeler tous les secteurs de la société à se mobiliser dans le cadre d’une Décennie d’action visant à accélérer la mise au point de solutions durables aux principaux défis auxquels le monde est confronté: pauvreté et inégalités, changement climatique ou encore déficit de financement.

Le thème de «la durabilité en action» choisi pour l’édition 2020 de La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture est donc d’actualité et revêt une importance capitale. Si le secteur de la pêche et de l’aquaculture a beaucoup à apporter à la réalisation de l’ensemble des ODD, il occupe une place centrale dans l’ODD 14 «Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable». Garante de quatre des dix indicateurs associés à cet ODD, la FAO a le devoir d’accélérer le mouvement mondial en faveur de la préservation de la santé et de la productivité des océans, mouvement auquel la deuxième Conférence des Nations Unies sur les océans insufflera un élan supplémentaire.

Cette nouvelle édition de La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture met une fois de plus en avant la contribution majeure et croissante de la pêche et de l’aquaculture à l’alimentation, à la nutrition et à l’emploi, tout en soulignant les principaux enjeux auxquels il nous faudra encore faire face malgré les progrès accomplis sur plusieurs fronts. Ainsi, les faits montrent de plus en plus clairement que là où la pêche fait l’objet d’une gestion rigoureuse, les stocks de poissons se situent systématiquement au-delà des niveaux cibles ou sont en reconstitution, constat qui renforce la crédibilité des gestionnaires des pêches et des gouvernements de par le monde qui sont prêts à prendre des mesures fermes. En revanche, il ressort également du rapport que les bons résultats obtenus jusqu’à présent par certains pays et certaines régions n’ont pas suffi à renverser la tendance mondiale à la surexploitation des stocks: dans les zones où la gestion de la pêche est inefficace ou inexistante, les stocks de poissons sont en mauvais état et leur situation se dégrade. Compte tenu de ces progrès variables, il apparaît urgent de reproduire et de transposer les politiques et les mesures fructueuses en tenant compte des réalités et des besoins propres aux différentes pêcheries. Il faudra pour cela instaurer de nouveaux mécanismes qui facilitent la bonne application des politiques et règles à l’appui de la gestion durable de la pêche et des écosystèmes, unique moyen de garantir la viabilité de la pêche à travers le monde.

La FAO est une institution spécialisée qui a pour mission de combattre la faim et la pauvreté. Pourtant, alors que nous dépasserons bientôt la barre des 10 milliards d’êtres humains sur la planète, force est de constater que le nombre de personnes souffrant de sous-alimentation et de malnutrition n’a fait qu’augmenter depuis 2015. S’il n’existe pas de solution miracle à ce problème, il ne fait guère de doute que nous devrons trouver des approches novatrices pour produire davantage de nourriture, garantir l’accès à celle-ci et améliorer la nutrition. Outre la pêche de capture, qui conservera son importance, l’aquaculture joue désormais un rôle fondamental dans la sécurité alimentaire mondiale, comme en témoigne l’accroissement de sa production à raison de 7,5 pour cent par an depuis 1970. Il est impératif de concevoir de nouvelles stratégies de développement durable de l’aquaculture qui tiennent compte non seulement des capacités de croissance du secteur, mais aussi de l’ampleur des défis environnementaux qu’il faudra relever à mesure que l’on intensifie la production. Ces stratégies doivent exploiter les innovations techniques dans des domaines tels que l’alimentation animale, la sélection génétique, la biosécurité et la lutte contre les maladies, ainsi que les innovations numériques, et en particulier les évolutions en rapport avec le commerce et l’investissement. Il convient en priorité de stimuler le développement de l’aquaculture en Afrique et dans les autres régions où la croissance démographique est la plus susceptible de déstabiliser les systèmes alimentaires.

L’Initiative Main dans la main de la FAO constitue un cadre idéal pour les efforts centrés à la fois sur les tendances et les enjeux associés à la pêche et à l’aquaculture dans le contexte de la croissance bleue. Elle vise à accélérer la transformation des systèmes alimentaires en mettant en relation les donateurs et les bénéficiaires et en s’appuyant sur les meilleures données et informations disponibles. Fondée sur des éléments concrets, prise en main par les États et pilotée par ceux-ci, cette initiative privilégie les pays où les infrastructures, les capacités nationales et l’assistance internationale sont les plus limitées et où une collaboration et des partenariats productifs en matière de transfert des compétences et des technologies peuvent être particulièrement intéressants. À titre d’exemple, les effets du changement climatique sur la pêche de capture marine devraient être plus prononcés dans les régions tropicales d’Afrique et d’Asie, où l’on s’attend à ce que le réchauffement réduise la productivité. Des interventions ciblées de développement de la pêche et de l’aquaculture, compatibles avec les besoins spécifiques de ces régions en ce qui concerne l’alimentation, le commerce et les moyens d’existence, sont susceptibles d’amener le changement profond dont on a besoin pour parvenir à nourrir tous les êtres humains, où qu’ils se trouvent.

Ces interventions s’inscrivent dans une prise de conscience quant aux effets que produisent la plupart des systèmes alimentaires sur l’environnement ainsi qu’aux arbitrages qu’il est possible de faire pour améliorer la sécurité alimentaire et nutritionnelle tout en réduisant au minimum les répercussions sur les écosystèmes dont dépendent ces systèmes alimentaires. Il est intéressant de noter que le poisson et autres produits aquatiques sont reconnus comme étant à la fois parmi les denrées alimentaires les plus saines de la planète et parmi celles qui ont le moins d’influence sur le milieu naturel. Leur place dans les stratégies nationales, régionales et mondiales de sécurité alimentaire et de nutrition doit donc être renforcée, et ils doivent contribuer à la transformation en cours des systèmes alimentaires au service de l’élimination de la faim et de la malnutrition.

L’année 2020 est une étape importante dans l’histoire de la FAO. Elle marque en effet le soixante-quinzième anniversaire de sa création – la FAO est la plus ancienne institution spécialisée permanente du système des Nations Unies – ainsi que les vingt-cinq ans de son Code de conduite pour une pêche responsable, qui oriente l’élaboration des politiques halieutiques et aquacoles dans le monde entier. L’heure n’est pourtant pas à la célébration. Ces anniversaires nous rappellent notre raison d’être. Ce sont des appels à l’action, des tremplins pour le changement dans un monde qui évolue rapidement et qui a besoin de solutions novatrices et porteuses de transformation pour résoudre les problèmes récents et moins récents qui l’accablent. Alors que le présent rapport était en cours de préparation, la maladie à coronavirus (covid-19) est apparue comme l’une des plus grandes épreuves que nous ayons eu à surmonter depuis la création de la FAO. Les conséquences socioéconomiques profondes de la pandémie ne feront qu’accroître les défis posés par la lutte contre la faim et la pauvreté. La pêche et l’aquaculture comptent parmi les secteurs les plus touchés par la crise sanitaire et la FAO s’attache d’ores et déjà à tirer parti des informations de référence fournies dans le présent rapport pour mettre en place des solutions techniques et des interventions ciblées.

La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture est une publication unique en son genre qui présente, depuis plusieurs années maintenant, des analyses techniques et des informations factuelles sur un secteur indispensable à la prospérité des sociétés. Elle met en évidence, entre autres, les principales évolutions et tendances observées dans la pêche et l’aquaculture mondiales et tente de repérer les nouveaux terrains à explorer pour parvenir à une gestion durable des ressources aquatiques. J’espère que cette édition se distinguera encore plus que les précédentes, tant par la richesse que par la qualité de son contenu, et qu’elle nous sera d’une aide précieuse pour relever les défis du XXIe siècle.

Qu Dongyu
Directeur général de la FAO

TABLEAUX

1. La pêche et l’aquaculture dans le monde: production, utilisation et commerce

2. Pêche de capture marine: principaux pays et territoires producteurs

3. Production de la pêche de capture marine: principales espèces et genres

4. Production de la pêche de capture: principales zones de pêche de la FAO

5. Pêche de capture continentale: principaux pays producteurs

6. Production aquacole pour les principaux groupes d’espèces en 2018, par continent

7. Production aquacole d’algues aquatiques par grand pays producteur

8. Principales espèces aquacoles dans le monde

9. Production aquacole mondiale d’algues aquatiques

10. Production aquacole par région et dans certains des principaux pays producteurs

11. Principaux producteurs aquacoles mondiaux et régionaux pour lesquels les bivalves représentent un pourcentage relativement élevé de la production aquacole totale d’animaux aquatiques

12. Nombre d’emplois dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture dans le monde, par région

13. Nombre déclaré de navires motorisés et non motorisés, par classe de longueur, dans les flottilles de pêche d’un échantillon de pays et de territoires, en 2018

14. Pourcentage des captures mondiales de poisson dans les principaux bassins hydrologiques/fluviaux

15. Tendances de la production et contribution relative aux captures mondiales

16. Consommation apparente de poisson, totale et par habitant (par région et par groupement économique) en 2017

17. Production halieutique et aquacole: projections pour 2030 (équivalent poids vif)

18. Projections concernant le commerce du poisson destiné à la consommation humaine (équivalent poids vif)

19. Aperçu des données recherchées dans le cadre de l’étude intitulée «Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles» (Illuminating Hidden Harvests)

20. Variables utilisées pour évaluer les menaces pesant sur la pêche continentale

21. Niveaux de menace des bassins exploités par la pêche continentale

22. La chaîne de blocs dans le cadre de la chaîne d’approvisionnement du poisson

FIGURES

1. Production halieutique et aquacole mondiale

2. Utilisation et consommation apparente de poisson dans le monde

3. Contribution des régions à la production halieutique et aquacole mondiale

4. Évolution des captures mondiales

5. Pêche de capture: les 10 principaux producteurs mondiaux, 2018

6. Tendances dans les trois principales catégories de zones de pêche

7. Évolution des captures des cinq principaux pays producteurs de la pêche continentale

8. Production aquacole mondiale d’animaux aquatiques et d’algues, 1990-2018

9. Taux de croissance annuel de la production aquacole (en volume), troisième millénaire

10. Contribution de l’aquaculture à la production totale d’animaux aquatiques

11. Production aquacole d’espèces nourries et non nourries, 2000-2018

12. Grandes régions productrices et grands pays producteurs des principaux groupes d’espèces d’élevage, 2003-2018

13. Répartition par région, en pourcentage, des emplois dans la pêche et l’aquaculture

14. Données sur l’emploi dans la pêche et l’aquaculture ventilées par sexe, 2018

15. Répartition des navires de pêche motorisés et non motorisés par région, en 2018

16. Proportion des navires de pêche motorisés et non motorisés par région, 2018

17. Répartition des navires de pêche motorisés par région, en 2018

18. Répartition des navires de pêche motorisés par taille et par région, en 2018

19. Évolution de la situation des stocks de poissons marins mondiaux, de 1974 à 2017

20. Proportion des stocks exploités à des niveaux biologiquement durables et non durables, par zone statistique de la FAO, en 2017

21. Les trois modes de répartition dans le temps des débarquements de poissons, de 1950 à 2017

22. Estimation des captures de la pêche continentale dans les principales régions hydrologiques et les bassins fluviaux dans lesquelles elles ont été produites, en pourcentage du total des captures de la pêche continentale à l’échelle mondiale

23. Utilisation des produits de la pêche et de l’aquaculture dans le monde, 1962-2018

24. Utilisation des produits de la pêche et de l’aquaculture dans le monde: pays développés et pays en développement, 2018

25. Part du poisson dans les disponibilités en protéines animales (moyenne), 2015-2017

26. Consommation apparente de poisson par habitant (moyenne), 2015-2017

27. Part respective de l’aquaculture et de la pêche dans la production de poisson destiné à la consommation humaine

28. Production halieutique et aquacole mondiale et quantités destinées à l’exportation

29. Principaux exportateurs et importateurs de poisson et autres produits aquatiques (en valeur), 2018

30. Commerce du poisson et autres produits aquatiques

31. Flux commerciaux du poisson et autres produits aquatiques par continent (part du total des importations, en valeur), 2018

32. Valeur des importations et exportations de poisson et autres produits aquatiques pour différentes régions, et déficits ou excédents nets

33. Part des principaux groupes d’espèces dans le commerce de poisson (en valeur), 2018

34. Indice FAO des prix du poisson

35. Prix des poissons de fond en Norvège

36. Prix du listao en Équateur et en Thaïlande

37. Prix de la farine de poisson et de la farine de soja en Allemagne et aux Pays-Bas

38. Prix de l’huile de poisson et de l’huile de soja aux Pays-Bas

39. Cadre juridique international des pêches

40. Réponses des Membres au questionnaire de la FAO sur l’application du Code de conduite pour une pêche responsable et des instruments connexes, par région

41. Nombre de plans de gestion de la pêche mis au point pour la pêche de capture marine et continentale en application du Code, selon les informations fournies par les Membres

42. Proportion des plans de gestion de la pêche mis en œuvre pour la pêche de capture marine et continentale en application du Code, selon les informations fournies par les Membres

43. Nombre de pays disposant d’un cadre juridique pour le développement d’une aquaculture responsable conforme au Code, selon les informations fournies par les Membres

44. Proposition d’un système d’information fondé sur un registre des organismes aquatiques d’élevage

45. Structure des Directives relatives à l’aquaculture durable et contenu qui servira à leur élaboration

46. Degré moyen de mise en œuvre des instruments internationaux visant à lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, groupements régionaux pour le suivi des ODD, 2018

47. Mise en œuvre des instruments visant à faciliter l’accès des petits pêcheurs aux ressources et aux marchés, groupements régionaux pour le suivi des ODD, 2018

48. Les Directives sur la pêche artisanale et les objectifs de développement durable

49. Cycle de planification des mesures d’adaptation

50. Création des instruments internationaux juridiques, environnementaux et de gestion

51. Production halieutique et aquacole mondiale, 1980-2030

52. Taux de croissance annuel de l’aquaculture mondiale, 1980-2030

53. Production halieutique et aquacole mondiale, 1980-2030

54. Contribution de l’aquaculture à la production de poisson à l’échelle régionale

55. Production mondiale de farine de poisson, 1990-2030

56. L’importance croissante de l’aquaculture

57. Carte de la situation mondiale basée sur l’interaction de 20 pressions exercées au niveau des 34 bassins indicateurs sur lesquels repose la pêche continentale

58. Cartes des menaces à l’échelle des bassins pour de grandes pêcheries continentales

ENCADRÉS

1. Révision des statistiques de la FAO relatives à la production des pêches et de l’aquaculture

2. Pertinence des données ventilées par sexe: coup de projecteur sur les femmes participant aux activités après capture

3. Données de pêche fondées sur le Système d’identification automatique

4. Des résultats concrets confirment la contribution décisive de la gestion des pêches à l’amélioration de l’état des stocks

5. Bilans alimentaires de la FAO pour le poisson et les autres produits aquatiques

6. La base de connaissances de la FAO sur les pêches et l’aquaculture en quelques chiffres

7. Profils des pêches et de l’aquaculture par pays établis par la FAO

8. Contribution de la base de connaissances de la FAO sur les pêches et l’aquaculture à un système d’information sur les ressources génétiques aquatiques

9. Normalisation de la nomenclature sur les ressources génétiques aquatiques

10. Le Fichier mondial des navires de pêche

11. Le programme mondial de la FAO visant à appuyer la mise en œuvre de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port et des instruments internationaux complémentaires

12. Année internationale de la pêche et de l’aquaculture artisanales 2022

13. Garantir l’accès à des moyens d’existence pérennes et à un développement durable: la pêche à la palourde dans le fleuve Volta au Ghana

14. Une formation à la sécurité en mer adaptée à la situation des petits pêcheurs dans le Pacifique et les Caraïbes

15. Vers une gestion plus durable des prises accessoires en Amérique latine et dans les Caraïbes

16. L’approche aquaculture-horticulture de la FAO dans les zones reculées d’Afrique de l’Ouest

17. Assurer la viabilité de la pêche artisanale en Afrique du Nord: stimuler une forte dynamique sous-régionale

18. Évaluer les risques et déterminer les mesures de gestion à prendre en ce qui concerne les ressources vulnérables des systèmes marins

19. Adaptation aux effets du changement climatique: le Chili passe à l’action

20. Faire face aux événements extrêmes: la méthodologie axée sur les dégâts et les pertes de la FAO

21. Une place pour la pêche et l’aquaculture dans les politiques multisectorielles sur la sécurité alimentaire et la nutrition

22. Vulnérabilité des pays aux effets du changement climatique sur la pêche de capture

23. SmartForms et Calipseo – les nouveaux outils mis au point par la FAO pour contribuer à résoudre les lacunes des systèmes de données nationaux

La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2020 est l’aboutissement d’un processus de 15 mois entamé en mars 2019. Un comité de rédaction, composé de fonctionnaires du Département des pêches et de l’aquaculture de la FAO, épaulés par une équipe de direction dont faisait partie le Directeur du Département des pêches et de l’aquaculture, de cinq fonctionnaires et consultants de la Sous-Division des statistiques et de l’information et d’un représentant du Bureau de la communication de l’Organisation, a été mis sur pied. Présidé par le Directeur du Département des pêches et de l’aquaculture, le comité s’est réuni régulièrement pour organiser la structure et le contenu du document, affiner la terminologie, faire le point sur l’état d’avancement des travaux et résoudre les problèmes.

Le comité de rédaction a décidé de modifier la structure de l’édition 2020 et de ne conserver le plan et les méthodes des années précédentes que dans la première partie («Situation mondiale»). La deuxième partie, rebaptisée «La durabilité en action», aborde des sujets qui sont passés au premier plan en 2019-2020, plus particulièrement les questions liées à l’objectif de développement durable 14 et aux indicateurs de cet ODD dont la FAO est l’organisme garant au sein du système des Nations Unies. Les différentes sections traitent de divers aspects de la durabilité de la pêche et de l’aquaculture: évaluation, suivi, conception des politiques, sauvegarde, communication d’informations et contexte. Le comité de rédaction a également décidé de commencer la deuxième partie du rapport par une section spéciale sur le vingt-cinquième anniversaire du Code de conduite pour une pêche responsable (le Code) et les avancées réalisées depuis son adoption. Enfin, la troisième et dernière partie est consacrée aux prévisions (perspectives) et aux nouveaux enjeux.

La décision de modifier la structure du document s’appuie sur les avis formulés par les relecteurs internes et externes des éditions précédentes, notamment par l’intermédiaire d’un questionnaire en ligne. Le processus de modification s’est déroulé sous la conduite de la direction du Département des pêches et de l’aquaculture de la FAO, avec le concours de ses différentes sous-divisions. La structure a été approuvée par la haute direction du département.

Entre les mois d’avril et de mai 2019, le personnel du département a été invité à sélectionner des thèmes intéressants et des collaborateurs susceptibles d’apporter une contribution utile aux deuxième et troisième parties de la publication, et le comité de rédaction s’est chargé de compiler les informations et de développer une ébauche du document. Les fonctionnaires du département ont presque tous participé aux travaux, de la planification jusqu’à la révision, tandis que les membres du personnel des bureaux décentralisés ont été invités à apporter leur pierre à l’édifice en communiquant leurs expériences régionales. La modification de la structure s’est accompagnée d’un changement au niveau de la désignation des auteurs principaux de la deuxième partie, et plusieurs membres du comité de rédaction se sont vu attribuer chacun un thème comprenant au moins deux sections. De nombreux auteurs de la FAO ont apporté leur contribution (certains à de nombreuses sections), laquelle s’est ajoutée à celle de plusieurs auteurs externes (voir les remerciements).

En juin 2019, un résumé des deuxième et troisième parties a été rédigé à l’aide des éléments fournis par tous les auteurs principaux et révisé sur la base des commentaires formulés par le comité de rédaction. Soumis à l’approbation de la direction du département et de la Directrice générale adjointe (Climat et ressources naturelles) de la FAO en juin 2019, le document a ensuite servi de plan pour l’élaboration de la publication.

Les deuxième et troisième parties ont été rédigées entre septembre et décembre 2019, puis des corrections techniques et linguistiques y ont été apportées avant qu’elles ne soient soumises, en janvier 2020, à l’examen critique de la direction du Département des pêches et de l’aquaculture de la FAO, de spécialistes externes et du comité de rédaction.

Le bilan de la situation mondiale présenté dans la première partie a été établi sur la base des statistiques officielles de la FAO sur la pêche et l’aquaculture. Pour que les données statistiques utilisées soient aussi actuelles que possible, cette partie a été rédigée en février et mars 2020, à la clôture annuelle des différentes bases de données thématiques dans lesquelles elles sont incorporées. Ces statistiques ont été rassemblées dans le cadre d’un programme mis en place pour assurer la disponibilité des meilleures informations qui existent, notamment en aidant les pays à renforcer leurs capacités en matière de collecte et de communication de données conformément aux normes internationales. L’approche suivie repose donc sur un processus rigoureux de consolidation, de révision et de validation. En l’absence de rapports nationaux, la FAO peut réaliser des estimations à partir des meilleures données disponibles tirées d’autres sources ou en appliquant des méthodes standard.

Une version provisoire de la publication a été envoyée à d’autres départements et aux bureaux régionaux de la FAO en vue de recueillir leurs observations, et une version finale a été transmise pour approbation au Bureau de la Directrice générale adjointe (Climat et ressources naturelles) ainsi qu’au Bureau du Directeur général de la FAO.

Le rapport sur La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2020 a été élaboré sous la direction générale de Manuel Barange et des membres d’un comité de rédaction placé sous sa direction, à savoir Vera Agostini, Marcio Castro de Souza, Nicole Franz, Kim Friedman, Graham Mair, Julian Plummer, Marc Taconet, Raymon van Anrooy et Kiran Viparthi.

Les principaux auteurs (tous rattachés à la FAO, sauf indication contraire) qui ont contribué à la publication sont cités ci-après:

Première partie

Production des pêches de capture: James Geehan (auteur principal)

Production aquacole: Xiaowei Zhou (auteur principal)

Pêcheurs et aquaculteurs; Flottes de pêche: Jennifer Gee (auteur principal)

Situation des ressources halieutiques: Yimin Ye (auteur principal), Tarûb Bahri, Pedro Barros, Simon Funge-Smith, Nicolas Gutierrez, Jeremy Mendoza-Hill, Hassan Moustahfid, Yukio Takeuchi, Merete Tandstad, Marcelo Vasconcellos

Transformation du poisson: Stefania Vannuccini (auteur principal), Ansen Ward, Molly Ahern, Omar Riego Penarubia, Pierre Ami Maudoux

Consommation de poisson: Stefania Vannuccini (auteur principal), Felix Dent, Gabriella Laurenti

Commerce du poisson et produits halieutiques ou aquacoles: Stefania Vannuccini (auteur principal), Felix Dent

Deuxième partie

Comment le Code a-t-il facilité l’adoption de pratiques durables?: Rebecca Metzner (auteur principal), Alexander Ford, Joseph Zelasney, Nicole Franz

Progrès réalisés sur la voie de la durabilité – ce que révèle le questionnaire relatif au Code: Joseph Zelasney (auteur principal), Alexander Ford, Rebecca Metzner, Nicole Franz

Systèmes de données et d’information de la FAO sur les pêches et l’aquaculture: Marc Taconet (auteur principal), Aureliano Gentile, Stefania Savore, Riccardo Fortuna

Un système d’information sur les ressources génétiques aquatiques à l’appui d’une croissance durable de l’aquaculture: Graham Mair (auteur principal), Daniela Lucente, Marc Taconet, Stefania Savore, Tamsin Vicary, Xiaowei Zhou

Lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée: Eszter Hidas (auteur principal), Matthew Camilleri, Giuliano Carrara, Alicia Mosteiro

Légalité et origine des produits: John Ryder et Nianjun Shen (auteur principal)

Durabilité, droits fonciers, droits d’accès et droits des usagers: Rebecca Metzner (auteur principal), Amber Himes Cornell, Nicole Franz, Juan Lechuga Sanchez, Lena Westlund, Kwang Suk Oh, Ruben Sanchez Daroqui

Viabilité sociale le long des chaînes de valeur: Marcio Castro de Souza (auteur principal), Mariana Toussaint

Pratiques de pêche responsables: Raymon van Anrooy (auteur principal), Mariaeleonora D’Andrea, Carlos Fuentevilla, Amparo Perez Roda

Directives et pratiques optimales en matière d’aquaculture durable: Lionel Dabbadie (auteur principal), Rodrigo Roubach

La pêche, l’aquaculture et le Programme de développement durable à l’horizon 2030: Audun Lem (auteur principal), William Griffin

Durabilité des stocks: Yimin Ye (auteur principal)

Progrès accomplis dans la mise en œuvre des instruments internationaux visant à lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée: Matthew Camilleri (auteur principal), Giuliano Carrara, Eszter Hidas

Garantir aux petits pêcheurs l’accès aux ressources marines et aux marchés: Nicole Franz (auteur principal), Jennifer Gee, Joseph Zelasney, Valerio Crespi, Sofiane Mahjoub

Viabilité économique: Marcio Castro de Souza (auteur principal), Weiwei Wang

Prise en compte de la biodiversité dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture: Kim Friedman (auteur principal), Raymon van Anrooy, Amber Himes-Cornell, Pedro Barros, Simon Funge-Smith, Matthias Halwart, Graham Mair, Piero Mannini, Rodrigo Roubach, Vera Agostini

Durabilité dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale: Piero Mannini (auteur principal), Alejandro Anganuzzi, William Emerson

Stratégies d’adaptation au changement climatique: Florence Poulain (auteur principal), Tarûb Bahri, Felix Inostroza Cortés, Alessandro Lovatelli, Stefania Savore

Engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés, sources de pollution du milieu marin: Raymon van Anrooy (auteur principal), Ingrid Giskes, Pingguo He

Le poisson dans les stratégies relatives aux systèmes alimentaires au service de la sécurité alimentaire et nutritionnelle: Molly Ahern (auteur principal), John Ryder

Progrès de la croissance bleue: Lahsen Ababouch (expert international de la pêche et de l’aquaculture; auteur principal), Henry De Bey, Vera Agostini

Troisième partie

Prévisions relatives à la pêche et à l’aquaculture: Stefania Vannuccini (auteur principal), Pierre Maudoux, Felix Dent et Adrienne Egger

Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles: Kate Bevitt (WorldFish) (auteur principal), Nicole Franz, Giulia Gorelli, Xavier Basurto (Duke University)

Améliorer l’évaluation de la pêche continentale à l’échelle mondiale: Simon Funge-Smith (auteur principal)

Technologies nouvelles et de rupture pour des pratiques et des systèmes de données innovants: Marc Taconet (auteur principal), Nada Bougouss, Anton Ellenbroek, Aureliano Gentile, Yann Laurent, Nianjun Shen

Aquaculture et biosécurité: Melba Reantaso (auteur principal), Xiaowei Zhou

Vers une nouvelle vision de la pêche de capture au XXIe siècle: Manuel Barange

Des services de relecture externes ont également été assurés par Massimo Spagnolo (Institut pour la recherche économique dans la pêche et l’aquaculture) et Kevern Cochrane (Département de l’ichtyologie et des sciences halieutiques, Université Rhodes, Afrique du Sud). Les auteurs les remercient pour leur importante contribution. En interne, le rapport a été vérifié par Vera Agostini, Manuel Barange et le comité de rédaction, ainsi que par des collaborateurs de divisions techniques de la FAO en dehors du Département des pêches et de l’aquaculture.

Le Service de programmation et de documentation des réunions de la Division de la Conférence, du Conseil et du protocole de la FAO s’est chargé de la traduction et de l’impression.

Le Groupe de l’édition (Sous-Division des publications) du Bureau de la communication de l’Organisation a prêté un appui rédactionnel et s’est chargé de la conception et de la mise en page du document, ainsi que de la coordination de sa production dans les six langues officielles.

AEP
approche écosystémique des pêches

AMP
aire marine protégée

ASFA
Résumés des sciences aquatiques et halieutiques

ASFIS
Système d’information sur les sciences aquatiques et la pêche

CDB
Convention sur la diversité biologique

CGIAR
Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale

CITES
Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction

CODE
Code de conduite pour une pêche responsable

COVID-19
maladie du coronavirus

CSA
Comité de la sécurité alimentaire mondiale

CSITAPA
Classification statistique internationale type des animaux et plantes aquatiques

DHA
acide docosahexaénoïque

EMV
écosystème marin vulnérable

EPA
acide eicosapentaénoïque

FICHIER MONDIAL
Fichier mondial des navires de pêche, des navires de transport frigorifique et des navires de ravitaillement

FPI
indice des prix du poisson de la FAO

GESAMP
Groupe mixte d’experts chargé d’étudier les aspects scientifiques de la protection de l’environnement marin

GIES
système mondial d’échange d’information

GIZC
gestion intégrée des zones côtières

GSSI
Initiative internationale pour les produits de la mer durables

HACCP
système d’analyse des risques - points critiques pour leur maîtrise

IFFO
Organisation des ingrédients marins

INDNR
pêche illicite, non déclarée et non réglementée (pêche INDNR)

LHT
longueur hors-tout

NCA
non compris ailleurs

OCDE
Organisation de coopération et de développement économiques

ODD
objectif de développement durable

OIT
Organisation internationale du Travail

OMC
Organisation mondiale du commerce

OMD
Organisation mondiale des douanes

OMI
Organisation maritime internationale

ONG
organisation non gouvernementale

ORGP/ARGP
organisation régionale de gestion des pêches ou arrangement régional de gestion des pêches

ORP
organe régional des pêches

PEID
petit État insulaire en développement

PFRDV
pays à faible revenu et à déficit vivrier

PIB
produit intérieur brut

PMA
pays les moins avancés

PROGRAMME 2030
Programme de développement durable à l’horizon 2030

RMD
rendement maximal durable

SCS
suivi, contrôle et surveillance

SGP
Système généralisé de préférence

SH
système harmonisé de désignation et de codification de marchandises

SIA
système d’identification automatique

SIPAM
Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial

SMDD
Sommet mondial pour le développement durable

SSN
système de surveillance des navires par satellite

ZEE
zone économique exclusive

ZHJN
zones hors juridiction nationale

  • Le poisson et les autres produits aquatiques jouent un rôle essentiel dans la lutte contre la faim et la pauvreté.

    Face à la hausse de la consommation à l’échelle mondiale, et notamment dans les pays du Sud, il convient de mieux intégrer le poisson aux stratégies relatives à la sécurité alimentaire et à la nutrition dans le contexte de systèmes alimentaires durables et porteurs de changement.

  • La gestion constitue la meilleure stratégie en matière de conservation.

    Tous les écosystèmes aquatiques devraient être évalués et gérés selon l’approche écosystémique. Compte tenu des pressions exercées sur les moyens d’existence et la sécurité alimentaire dans de nombreuses régions en développement, les mesures adoptées pour faire face aux enjeux liés à la durabilité doivent aller au-delà des objectifs de protection.

  • À l’échelle mondiale, jusqu’à 10 pour cent de la population dépend de la pêche pour vivre.

    L’écrasante majorité des groupes de population concernés vit dans les pays du Sud et travaille dans le secteur de la pêche artisanale, lequel produit 50 pour cent de l’ensemble des captures de poissons.

  • Il faut renforcer les mécanismes de gouvernance régionaux et internationaux.

    Aux niveaux mondial et régional, la pêche est régie par une multitude d’instruments qui ne sont malheureusement pas toujours correctement mis en œuvre. Pour remédier à la situation, il est indispensable de prêter un appui plus soutenu aux organes régionaux des pêches et aux organisations régionales de gestion des pêches.

  • Réduire les pertes et gaspillages à la fois avant et après les opérations de capture ou de récolte est un bon moyen d’accroître la durabilité.

    Plus d’un tiers de la production de poisson et autres produits aquatiques est perdue ou gaspillée. En plus d’augmenter les quantités de nourriture disponibles, la réduction des pertes et gaspillages accroît la valeur des produits halieutiques et aquacoles dès lors que les normes de sécurité sanitaire et de qualité fixées au niveau international en ce qui concerne la transformation, la distribution et la consommation du poisson sont respectées, conformément aux règles de l’Organisation mondiale du commerce.

  • L’intégration de mécanismes fondés sur le marché contribue à la durabilité.

    Les droits d’accès, les systèmes de certification, les programmes de traçabilité et la sensibilisation du consommateur sont autant de moyens qui sont susceptibles de faire progresser la durabilité.

  • Il faut diffuser des directives destinées à promouvoir le développement durable de l’aquaculture.

    Intensification durable des activités, élaboration de politiques et de cadres de réglementation adaptés et mise en place de filières novatrices, telles sont les voies à suivre pour combler le déficit de production dans un monde en pleine croissance, en particulier dans les régions qui manquent de nourriture.

  • Il faut redoubler d’efforts pour assurer la viabilité sociale dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture.

    Il est nécessaire de promouvoir le travail décent, d’améliorer l’accès des pêcheurs et de leurs communautés aux programmes de protection sociale et de faire baisser le nombre élevé d’accidents et de décès en renforçant la sécurité en mer. Il convient par ailleurs de reconnaître le rôle des femmes et de les faire participer à la prise de décisions et à toutes les activités de la chaîne de valeur.

  • La durabilité est l’unique voie possible.

    Compte tenu des pressions exercées sur les moyens d’existence et la sécurité alimentaire dans de nombreuses régions en développement, les mesures adoptées pour faire face aux enjeux liés à la durabilité doivent aller au-delà de simples objectifs de protection de l’environnement. Les programmes coordonnés de renforcement des capacités à l’échelle mondiale visant à améliorer sensiblement la gestion durable de la pêche sont donc essentiels, et une attention particulière doit être accordée, d’une part, aux régions où l’objectif de durabilité est difficile à atteindre ou à celles dont on ne connaît pas la situation en matière de gestion durable de la pêche et, d’autre part, aux pêcheries des régions en développement pour lesquelles on dispose de données limitées.

Remarque: Au moment de la rédaction du présent document (mars 2020), la pandémie de COVID-19 a touché la plupart des pays du monde, avec de graves répercussions sur l’économie mondiale et le secteur de la production et de la distribution alimentaires, y compris la pêche et l’aquaculture. La FAO surveille de près la situation pour évaluer l’impact global de la pandémie sur la production, la consommation et le commerce des pêches et de l’aquaculture.

Vue D’ensemble

Les progrès scientifiques des 50 dernières années ont permis de mieux comprendre le fonctionnement des écosystèmes aquatiques et de sensibiliser la communauté internationale à la nécessité de les gérer de manière durable. Vingt-cinq ans après l’adoption du Code de conduite pour une pêche responsable (le Code; FAO, 1995), l’importance d’une utilisation réfléchie des ressources de la pêche et de l’aquaculture est désormais largement reconnue et considérée comme une priorité. Le Code a servi de base à l’élaboration d’instruments, de politiques et de programmes internationaux destinés à appuyer les efforts déployés en faveur d’une gestion responsable aux niveaux mondial, régional et national. Depuis 2015, on s’attache à faire converger et à hiérarchiser ces efforts afin d’aborder en priorité, selon une approche cohérente et coordonnée, l’objectif de développement durable (ODD) 14 – Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable – ainsi que d’autres ODD relatifs à la pêche et à l’aquaculture. À cette fin, il est largement accepté qu’une exigence fondamentale minimale, pour parvenir à une pêche et à une aquaculture durables, consiste à mettre en œuvre des politiques de gestion de la pêche et de l’aquaculture qui soient fondées sur la science et à les assortir de régimes prévisibles et transparents en matière d’utilisation et de commerce du poisson à l’échelle internationale. Afin d’appuyer une action fondée sur des données factuelles, la présente édition de La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture dresse un état des lieux du secteur au moyen de statistiques actualisées et vérifiées, et analyse les questions actuelles et émergentes qu’il faudra traiter ainsi que les approches à mettre en place pour intensifier les efforts qui sont menés au niveau international en vue d’atteindre l’objectif d’une pêche et d’une aquaculture durables.

On estime que la production mondiale de poisson1 a atteint, en 2018, environ 179 millions de tonnes (tableau 12 et figure 1), soit une valeur totale à la première vente évaluée à 401 milliards de dollars des États-Unis (ci-après dollars), dont 82 millions de tonnes (250 milliards de dollars) provenaient de la production aquacole. Sur ce total, 156 millions de tonnes ont été utilisées pour la consommation humaine, ce qui équivaut à une offre annuelle estimée à 20,5 kg par habitant. Les 22 millions de tonnes restantes ont servi à des fins non alimentaires, principalement pour produire de la farine de poisson et de l’huile de poisson (figure 2). L’aquaculture représentait 46 pour cent de la production totale et 52 pour cent du volume destiné à la consommation humaine. La Chine est restée un important producteur de poisson, puisqu’elle était responsable de 35 pour cent de la production mondiale en 2018. Hormis la Chine, une part importante de la production réalisée en 2018 provenait d’Asie (34 pour cent en termes de valeur), suivie des Amériques (14 pour cent), de l’Europe (10 pour cent), l’Afrique (7 pour cent) et l’Océanie (1 pour cent). Ces dernières décennies, la production totale de poisson a fortement augmenté sur tous les continents, sauf en Europe, où elle a progressivement diminué entre la fin des années 1980 (avec une légère reprise au cours des dernières années) et les Amériques (avec plusieurs oscillations depuis le pic du milieu des années 1990, principalement en raison des fluctuations des captures d’anchois), alors qu’elle a presque doublé ces 20 dernières années en Afrique et en Asie (figure 3).

TABLEAU 1
LA PÊCHE ET L’AQUACULTURE DANS LE MONDE: PRODUCTION, UTILISATION ET COMMERCE1
FIGURE 1
PRODUCTION HALIEUTIQUE ET AQUACOLE MONDIALE
FIGURE 2
UTILISATION ET CONSOMMATION APPARENTE DE POISSON DANS LE MONDE
FIGURE 3
CONTRIBUTION DES RÉGIONS À LA PRODUCTION HALIEUTIQUE ET AQUACOLE MONDIALE

La consommation mondiale de poisson destiné à l’alimentation humaine (ou poisson de consommation3) a augmenté à un taux annuel moyen de 3,1 pour cent entre 1961 et 2017, soit un taux presque deux fois supérieur à celui de la croissance démographique annuelle mondiale (1,6 pour cent) pour la même période et supérieur au taux de croissance de la consommation de tous les autres aliments à base de protéines animales (viande, produits laitiers, lait, etc.), qui s’est établi à 2,1 pour cent par an. En ce qui concerne les chiffres par habitant, la consommation de poisson destiné à l’alimentation humaine est passée de 9,0 kg (équivalent poids vif) en 1961 à 20,5 kg en 2018, soit une augmentation d’environ 1,5 pour cent par an.

Malgré des différences qui persistent dans les niveaux de consommation de poisson entre les régions et les différents États, des tendances claires se dégagent. Dans les pays développés, la consommation apparente de poisson a augmenté, passant de 17,4 kg par habitant en 1961 à un pic de 26,4 kg par habitant en 2007, avant de progressivement diminuer pour atteindre 24,4 kg en 2017. Dans les pays en développement, elle a considérablement augmenté, passant de 5,2 kg par habitant en 1961 à 19,4 kg en 2017, ce qui représente un taux de croissance annuel moyen de 2,4 pour cent. Au sein de ce groupe, les pays les moins avancés (PMA) ont vu leur consommation par habitant passer de 6,1 kg en 1961 à 12,6 kg en 2017, soit un taux d’augmentation moyen de 1,3 pour cent par an. Ce taux s’est fortement accru ces 20 dernières années, puisqu’il s’est établi à 2,9 pour cent par an en raison de l’augmentation de la production et des importations de poisson. Dans les pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV), la consommation de poisson est passée de 4,0 kg en 1961 à 9,3 kg en 2017, suivant un rythme de croissance stable d’environ 1,5 pour cent par an.

En 2017, la consommation de poisson représentait 17 pour cent de l’apport en protéines animales de la population mondiale et 7 pour cent de l’apport total en protéines. À l’échelle mondiale, le poisson fournissait à plus de 3,3 milliards de personnes 20 pour cent de leur apport moyen en protéines animales, cette proportion atteignant 50 pour cent ou plus dans des pays tels que le Bangladesh, le Cambodge, la Gambie, le Ghana, l’Indonésie, la Sierra Leone, le Sri Lanka et plusieurs petits États insulaires en développement (PEID).

En 2018, la production mondiale de la pêche de capture a atteint un niveau record de 96,4 millions de tonnes (tableau 1 et figure 1), soit une augmentation de 5,4 pour cent par rapport à la moyenne des trois années précédentes. Cette progression est principalement due à la pêche de capture marine, dont la production est passée de 81,2 millions de tonnes en 2017 à 84,4 millions de tonnes en 2018, toujours en deçà du record de prises le plus élevé depuis 1996, année où l’on avait enregistré un niveau record de 86,4 millions de tonnes. L’augmentation des captures marines s’explique essentiellement par la hausse des prises d’anchois du Pérou (Engraulis ringens) au Pérou et au Chili. En 2018, les captures de la pêche continentale ont atteint leur plus haut niveau, avec 12,0 millions de tonnes. Les sept premiers pays producteurs de la pêche mondiale de capture représentaient près de 50 pour cent des captures totales, la Chine produisant 15 pour cent du volume total des prises, suivie de l’Indonésie (7 pour cent), du Pérou (7 pour cent), de l’Inde (6 pour cent), de la Fédération de Russie (5 pour cent), des ÉtatsUnis d’Amérique (5 pour cent) et du Viet Nam (3 pour cent). Les 20 premiers pays producteurs représentaient environ 74 pour cent de la production totale de la pêche de capture.

Au fil des ans, les captures des principales espèces marines ont enregistré de fortes variations, ainsi que des fluctuations parmi les principaux pays producteurs. Les captures d’anchois du Pérou en ont fait une fois de plus l’espèce la plus importante avec plus de 7,0 millions de tonnes en 2018, après des captures relativement plus faibles enregistrées ces dernières années. Le lieu de l’Alaska (Theragra chalcogramma) s’est classé en deuxième position des espèces les plus pêchées (3,4 millions de tonnes), tandis que le listao (Katsuwonus pelamis) est arrivé au troisième rang pour la neuvième année consécutive avec 3,2 millions de tonnes. Les poissons ont représenté 85 pour cent de la production totale, les petits pélagiques formant le groupe principal, suivis des gadiformes et des thonidés et espèces apparentées. Les captures de thon ont continué d’augmenter, atteignant en 2018 leur niveau le plus élevé, soit environ 7,9 millions de tonnes, en grande partie grâce à la progression des prises dans le Pacifique occidental et central (3,5 millions de tonnes en 2018, contre 2,6 millions de tonnes au milieu des années 2000). Au sein de ce groupe d’espèces, le listao et l’albacore représentaient environ 58 pour cent des captures. Les prises de céphalopodes ont diminué pour atteindre, en 2017 et 2018, environ 3,6 millions de tonnes, un chiffre en recul par rapport au pic de 4,9 millions de tonnes atteint en 2014, mais qui demeure toutefois élevé.

Les prises mondiales opérées dans les eaux continentales représentaient 12,5 pour cent de la production totale des pêches de capture. Leur importance varie également fortement parmi les principaux producteurs, puisqu’elles comptent pour moins de 1 pour cent des captures totales pour les ÉtatsUnis d’Amérique, le Japon et le Pérou, contre 44 pour cent et 65 pour cent pour le Myanmar et le Bangladesh, respectivement.

Les prises en eaux continentales sont plus concentrées que les prises marines, tant géographiquement que par pays. Seize pays ont produit plus de 80 pour cent des captures continentales, l’Asie représentant les deux tiers de la production mondiale depuis le milieu des années 2000. Les prises continentales sont également importantes pour la sécurité alimentaire en Afrique, le continent étant responsable de 25 pour cent des prises continentales mondiales, alors que les captures combinées de l’Europe et des Amériques représentent 9 pour cent.

En 2018, l’aquaculture a produit dans le monde 82,1 millions de tonnes de poissons, 32,4 millions de tonnes d’algues aquatiques et 26 000 tonnes de perles et de coquillages d’ornement, ce qui porte le total à un niveau historique de 114,5 millions de tonnes. La production halieutique d’élevage était dominée par les poissons (54,3 millions de tonnes, dont 47 millions provenant de l’aquaculture continentale et 7,3 millions de l’aquaculture marine et côtière), mollusques, principalement les bivalves (17,7 millions de tonnes) et les crustacés (9,4 millions de tonnes).

En 2018, la contribution du secteur aquacole mondial à la production totale de poisson a atteint 46,0 pour cent, contre 25,7 pour cent en 2000, et celle du secteur aquacole mondial hors Chine s’est chiffrée à 29,7 pour cent, contre 12,7 pour cent en 2000. Au niveau régional, l’aquaculture représentait 17,9 pour cent de la production totale de poisson en Afrique, 17 pour cent en Europe, 15,7 pour cent en Amérique et 12,7 pour cent en Océanie. En 2018, en Asie (à l’exclusion de la Chine), la part de l’aquaculture dans la production de poisson a atteint 42,0 pour cent, contre 19,3 pour cent en 2000 (figure 3). L’aquaculture continentale a produit la plupart des poissons d’élevage (51,3 millions de tonnes, soit 62,5 pour cent du total mondial), principalement en eau douce, contre 57,7 pour cent en 2000. La part des espèces ichtyques dans la production a progressivement diminué, passant de 97,2 pour cent en 2000 à 91,5 pour cent (47 millions de tonnes) en 2018, tandis que celle d’autres groupes d’espèces s’est accrue, notamment grâce à l’élevage, en Asie, de crustacés d’eau douce, notamment de crevettes, d’écrevisses et de crabes.

En 2018, les mollusques décortiqués (17,3 millions de tonnes) représentaient 56,3 pour cent de la production de l’aquaculture marine et côtière. Les poissons à nageoires (7,3 millions de tonnes) et les crustacés (5,7 millions de tonnes) pris ensemble représentaient 42,5 pour cent, tandis que le reste était constitué d’autres animaux aquatiques.

L’aquaculture avec alimentation d’appoint (57 millions de tonnes) a dépassé celle pratiquée sans apport de nourriture. Cette dernière représentait 30,5 pour cent de la production aquacole totale en 2018 contre 43,9 pour cent en 2000, bien que sa production annuelle ait continué d’augmenter en termes absolus pour atteindre 25 millions de tonnes en 2018, dont 8 millions de tonnes de poissons filtreurs élevés en eaux continentales (principalement des carpes argentées et des carpes à grosse tête) et 17 millions de tonnes d’invertébrés aquatiques (essentiellement des mollusques bivalves marins).

L’aquaculture est dominée par l’Asie, qui a produit 89 pour cent du total mondial en volume ces 20 dernières années. Sur la même période, les parts de l’Afrique et des Amériques ont progressé, tandis que celles de l’Europe et de l’Océanie ont légèrement reculé. En dehors de la Chine, plusieurs grands pays producteurs (Bangladesh, Chili, Égypte, Inde, Indonésie, Norvège et Viet Nam) ont, à des degrés divers, consolidé leurs parts dans la production aquacole mondiale ces deux dernières décennies. Depuis 1991, la Chine a produit plus d’aliments issus d’animaux aquatiques d’élevage que le reste du monde réuni. Cependant, en raison des politiques gouvernementales mises en place depuis 2016, la croissance de l’aquaculture n’a été que de 2,2 pour cent et 1,6 pour cent en 2017 et 2018, respectivement. La part de la Chine dans la production aquacole mondiale est passée de 59,9 pour cent en 1995 à 57,9 pour cent en 2018 et devrait encore s’amenuiser dans les années à venir.

On estime qu’en 2018, 59,51 millions de personnes étaient employées (à temps plein, à temps partiel ou occasionnellement) dans le secteur primaire de la pêche de capture (39 millions de personnes) et de l’aquaculture (20,5 millions de personnes), soit une légère augmentation par rapport à 2016. Les femmes représentaient 14 pour cent de la main-d’œuvre totale, avec des parts de 19 pour cent dans l’aquaculture et de 12 pour cent dans les pêches de capture. Les personnes employées dans la production primaire se trouvent, pour la plupart, dans des pays en développement et sont des petits pêcheurs et des travailleurs de l’aquaculture. Les plus grands nombres de travailleurs se trouvent en Asie (85 pour cent), suivie de l’Afrique (9 pour cent), des Amériques (4 pour cent), de l’Europe et de l’Océanie (1 pour cent chacune). Si l’on prend en compte les opérations après capture/récolte, on estime qu’un travailleur sur deux, dans le secteur, est une femme.

En 2018, le nombre total de navires de pêche – des petits bateaux non pontés et non motorisés aux grands navires industriels – était estimé à 4,56 millions, soit une baisse de 2,8 pour cent par rapport à 2016. Malgré une diminution du nombre de navires, l’Asie possédait toujours, en 2018, la plus grande flotte de pêche, estimée à 3,1 millions de navires, soit 68 pour cent du total. La part des navires de l’Afrique et des Amériques s’élevait à 20 et 10 pour cent de la flotte mondiale, respectivement. Quant aux flottes d’Europe et d’Océanie, elles représentaient plus de 2 pour cent de la flotte mondiale pour la première et moins de 1 pour cent pour la seconde, malgré l’importance de la pêche dans ces deux régions. Le nombre total de navires motorisés à l’échelle mondiale est demeuré stable, s’établissant à 2,86 millions de navires, soit 63 pour cent de la flotte totale. Cette stabilité masque les tendances régionales, notamment les baisses depuis 2000 en Europe et 2013 en Chine en raison des efforts de réduction de la taille des flottes. L’Asie possédait en 2018 près de 75 pour cent (2,1 millions de navires) de la flotte motorisée déclarée, suivie de l’Afrique avec 280 000 navires. Le plus grand nombre de navires non motorisés se trouvait en Asie (947 000), suivie de l’Afrique (un peu plus de 643 000), avec des nombres moindres en Amérique latine et dans les Caraïbes, en Océanie, en Amérique du Nord et en Europe. Ces navires non motorisés non pontés avaient pour la plupart une longueur hors-tout (LHT) inférieure à 12 m. La FAO estime qu’il y avait dans le monde, en 2018, environ 67 800 navires de pêche d’une LHT d’au moins 24 m.

Selon le suivi des stocks évalués qui est effectué de longue date par la FAO, l’état des ressources halieutiques marines a continué de se dégrader. La proportion des stocks de poissons qui se situent à un niveau biologiquement durable est passée de 90 pour cent en 1974 à 65,8 pour cent en 2017 (en recul de 1,1 pour cent depuis 2015), avec 59,6 pour cent des stocks classés comme étant exploités au niveau durable maximal et 6,2 pour cent comme étant sous-exploités. Les stocks exploités au niveau durable maximal ont diminué de 1974 à 1989, avant de remonter pour atteindre 59,6 pour cent en 2017, ce qui est en partie le fruit d’une application plus rigoureuse des mesures de gestion. En revanche, le pourcentage de stocks exploités à des niveaux biologiquement non durables est passé de 10 pour cent en 1974 à 34,2 pour cent en 2017. Enfin, on estime que 78,7 pour cent des débarquements actuels de poissons marins proviennent de stocks biologiquement durables.

En 2017, parmi les principales zones de pêche de la FAO, c’est en Méditerranée et en mer Noire que l’on observait la plus forte proportion (62,5 pour cent) de stocks pêchés à des niveaux non durables; venaient ensuite le Pacifique Sud-Est (54,5 pour cent) et l’Atlantique Sud-Ouest (53,3 pour cent). En revanche, le Pacifique Centre-Est, le Pacifique Sud-Ouest, le Pacifique Nord-Est et le Pacifique Centre-Ouest étaient les zones qui présentaient les taux les plus bas (13 à 22 pour cent). Les autres zones enregistraient des taux variant entre 21 et 44 pour cent en 2017.

Parmi les stocks des dix espèces les plus débarquées entre 1950 et 2017 – anchois du Pérou, lieu de l’Alaska, hareng de l’Atlantique, morue de l’Atlantique, maquereau du Pacifique, chinchard du Chili, pilchard du Japon, listao, pilchard sud-américain et capelan – 69 pour cent étaient, en 2017, pêchés dans des limites biologiquement durables. Parmi les sept principales espèces de thon, 66,6 pour cent des stocks étaient, en 2017, pêchés à des niveaux biologiquement durables, soit une augmentation d’environ 10 points par rapport à 2015. D’une manière générale, il est de plus en plus évident que les pêcheries gérées de manière intensive ont vu leur pression de pêche moyenne diminuer et leur biomasse moyenne augmenter, nombre d’entre elles atteignant ou maintenant des niveaux biologiquement durables, tandis que les pêcheries dont les systèmes de gestion sont moins développés. Ces progrès inégaux mettent en évidence le besoin urgent de reproduire et d’adapter les politiques et les mesures qui ont fait leurs preuves à la lumière des réalités de certaines pêcheries, et de s’employer à créer des mécanismes qui permettent effectivement d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques et une réglementation dans les pêcheries dont la gestion laisse à désirer.

En 2018, environ 88 pour cent de la production mondiale de poisson (156 millions de tonnes) a servi à la consommation humaine directe. Les 12 pour cent restants (22 millions de tonnes) ont été exploités à des fins non alimentaires, dont 82 pour cent (soit 18 millions de tonnes) pour la production de farine et d’huile de poisson (figure 2). La proportion de poisson destinée à la consommation humaine directe a fortement augmenté par rapport aux 67 pour cent des années 1960. La plus grande partie est commercialisée sous forme de poisson vivant, frais ou réfrigéré (44 pour cent), cette catégorie de produits – souvent la plus prisée et la plus chère – étant suivie du poisson congelé (35 pour cent), du poisson préparé et mis en conserve (11 pour cent) et du poisson salé, séché et fumé (10 pour cent).

Une part croissante de la farine et de l’huile de poisson, comprise entre 25 et 35 pour cent, provient de sous-produits de la transformation du poisson qui souvent jusqu’ici étaient mis au rebut, servaient à nourrir directement les poissons d’élevage ou étaient ensilés ou transformés en engrais. D’autres organismes aquatiques, notamment des algues marines et des plantes aquatiques, font l’objet d’expérimentations et de projets pilotes prometteurs en vue de leur utilisation en médecine, en cosmétique, dans le traitement de l’eau, dans l’industrie alimentaire et comme biocarburants.

Le poisson et les produits halieutiques et aquacoles restent parmi les denrées alimentaires les plus échangées dans le monde. En 2018, 67 millions de tonnes, soit 38 pour cent de la production totale des pêches et de l’aquaculture, ont fait l’objet d’échanges internationaux. Au total, 221 États et territoires ont fait état d’une activité de commerce du poisson, environ 78 pour cent des produits aquatiques étant ainsi exposés à une concurrence commerciale internationale. Après une forte chute en 2015, le commerce a rebondi en 2016, 2017 et 2018, avec des taux de croissance annuels respectifs de 7 pour cent, 9 pour cent et 5 pour cent en valeur. Dans l’ensemble, de 1976 à 2018, la valeur des exportations mondiales de poisson est passée de 7,8 milliards de dollars à 164 milliards de dollars, avec un taux de croissance annuel de 8 pour cent en valeur nominale et de 4 pour cent en valeur réelle (corrigée de l’inflation). Pendant la même période, le volume des exportations mondiales, initialement de 17,3 millions de tonnes, a progressé à un taux de 3 pour cent par an. Les exportations de poisson et autres produits aquatiques représentent environ 11 pour cent de la valeur des exportations de produits agricoles (à l’exclusion des produits forestiers).

En plus d’être le principal producteur de poisson, la Chine est le principal exportateur depuis 2002; le pays figure également, depuis 2011, au troisième rang des importateurs. La Norvège est le deuxième exportateur depuis 2004, suivie du Viet Nam (depuis 2014), de l’Inde (depuis 2017), du Chili et de la Thaïlande. Les pays en développement ont vu leur part dans le commerce international du poisson augmenter: en effet, entre 1976 et 2018, leur part des exportations mondiales est passée de 38 pour cent à 54 pour cent en valeur et de 34 pour cent à 60 pour cent en volume.

En 2018, l’Union européenne4 était le plus grand marché d’importation de poisson (34 pour cent en valeur), suivie des États-Unis d’Amérique (14 pour cent) et du Japon (9 pour cent). En 1976, ces parts étaient respectivement de 33 pour cent, 22 pour cent et 21 pour cent.

Alors que les marchés des pays développés dominent toujours les importations de poisson, l’importance des pays en développement en tant que consommateurs ne cesse de croître. L’urbanisation et le développement d’une classe moyenne consommatrice de poisson y ont alimenté la croissance de la demande, qui a dépassé celle des pays développés. En 2018, les importations de poisson et autres produits aquatiques des pays en développement représentaient 31 pour cent du total mondial en valeur et 49 pour cent en volume, contre 12 pour cent et 19 pour cent, respectivement, en 1976. L’Océanie, les pays en développement d’Asie et la région Amérique latine et Caraïbes restent de solides exportateurs nets de poisson. L’Europe et l’Amérique du Nord présentent, en la matière, un déficit commercial. L’Afrique est importatrice nette en termes de volume, mais exportatrice nette en termes de valeur. En Afrique, les importations de poisson, principalement des petits pélagiques et du tilapia vendus à des prix abordables, représentent une importante source de nutrition, en particulier pour des populations qui, autrement, dépendent d’une diversité limitée d’aliments de base.

Production des péches de capture

La tendance de fond suivie par la pêche de capture à l’échelle mondiale est relativement stable depuis la fin des années 1980, avec des volumes qui oscillent généralement entre 86 et 93 millions de tonnes par an (figure 4). L’année 2018 a cependant vu la production atteindre 96,4 millions de tonnes, volume le plus élevé jamais enregistré, soit une augmentation de 5,4 pour cent par rapport à la moyenne des trois années précédentes (tableau 1).

FIGURE 4
ÉVOLUTION DES CAPTURES MONDIALES

Cette hausse est essentiellement due à la pêche de capture marine, dont la production est passée de 81,2 millions de tonnes en 2017 à 84,4 millions de tonnes en 2018, tandis que les captures de la pêche continentale atteignaient elles aussi un niveau record à plus de 12 millions de tonnes. La Chine demeure le premier pays producteur malgré une récente révision à la baisse de ses captures pour la période allant de 2009 à 2016 (encadré 1) et un recul des captures déclarées en 2017-2018. Sa production représentait environ 15 pour cent des captures mondiales en 2018, soit un volume supérieur aux prises cumulées des deuxième et troisième plus grands producteurs mondiaux. Les sept principaux producteurs de la pêche de capture, à savoir la Chine, l’Indonésie, le Pérou, l’Inde, la Fédération de Russie, les États-Unis d’Amérique et le Viet Nam (figure 5), ont réalisé près de 50 pour cent des captures mondiales, proportion qui monte à près de 74 pour cent si l’on s’intéresse aux 20 plus grands producteurs.

FIGURE 5
PêCHE DE CAPTURE: LES 10 PRINCIPAUX PRODUCTEURS MONDIAUX, 2018

Les tendances observées en mer et dans les eaux continentales, sources, respectivement, de 12,6 et 87,4 pour cent de la production mondiale au cours des trois dernières années, sont exposées plus en détail ci-dessous.

Production de la pêche de capture marine

La production mondiale de la pêche de capture marine est passée de 81,2 millions de tonnes en 2017 à 84,4 millions de tonnes en 2018, mais elle est restée en deçà du record de 86,4 millions de tonnes atteint en 1996. L’essentiel de la hausse enregistrée en 2018 est imputable à l’augmentation des captures d’anchois du Pérou (Engraulis ringens) déclarées par le Pérou et le Chili après plusieurs années marquées par des volumes relativement faibles.

Même si l’on tient compte des prises d’anchois du Pérou qui, bien qu’elles soient souvent élevées, connaissent de fortes variations sous l’influence des épisodes El Niño, on constate que les captures marines sont restées relativement constantes à partir de la moitié des années 2000, oscillant entre 78 et 81 millions de tonnes par an, après avoir accusé un recul par rapport aux pics de la fin des années 1990.

Malgré la relative stabilité des captures de la pêche marine, on observe au fil des ans des fluctuations importantes dans les volumes des principales espèces ainsi que dans les prises de plusieurs grands pays producteurs. C’est notamment le cas de l’Indonésie, où la production est passée de moins de 4 millions de tonnes au début des années 2000 à plus de 6,7 millions de tonnes en 2018, bien qu’une amélioration des méthodes de collecte et de communication des données explique partiellement cette progression.

En 2018, les sept principaux producteurs ont réalisé plus de 50 pour cent de l’ensemble des captures marines, dont 15 pour cent pour la Chine (tableau 2), 8 pour cent pour le Pérou, 8 pour cent pour l’Indonésie, 6 pour cent pour la Fédération de Russie, 6 pour cent pour les États-Unis d’Amérique, 4 pour cent pour l’Inde et 4 pour cent pour le Viet Nam.

TABLEAU 2
PêCHE DE CAPTURE MARINE: PRINCIPAUX PAYS ET TERRITOIRES PRODUCTEURS

Si la Chine reste le premier producteur mondial, ses captures marines sont en retrait puisque, de 13,8 millions de tonnes par an en moyenne entre 2015 et 2017, elles sont passées à 12,7 millions de tonnes en 2018. Le maintien d’une politique de réduction des prises au-delà de son treizième plan quinquennal (2016-2020) devrait se traduire par de nouvelles diminutions dans les années à venir (voir la section «Projections relatives à la pêche et à l’aquaculture»).

La Chine a déclaré environ 2,26 millions de tonnes de captures en eaux lointaines en 2018, mais elle n’a donné de précisions sur les espèces pêchées et les zones de pêche que pour les débarquements commercialisés en Chine (environ 40 pour cent de l’ensemble des prises effectuées en eaux lointaines). En l’absence de données plus complètes, les captures restantes (1,34 million de tonnes) ont été inscrites dans la base de données de la FAO comme «poissons de mer non compris ailleurs» dans la zone de pêche principale 61 (Pacifique Nord-Est), ce qui pourrait donner lieu à une surestimation des captures dans cette zone.

Ainsi, si les estimations des captures totales de la Chine qui figurent dans la base de données de la FAO sont généralement considérées comme étant complètes, des améliorations s’imposent pour attribuer plus précisément les prises en eaux lointaines du pays aux différentes zones et les ventiler par espèce.

La base de données de la FAO sur les captures de la pêche marine à l’échelle mondiale contient des informations sur les captures de plus de 1 700 espèces (y compris les catégories «non compris ailleurs»). Le poisson représente environ 85 pour cent de l’ensemble de la production, et les groupes les plus représentés sont les petits pélagiques, suivis des gadiformes et des thonidés et espèces apparentées.

En 2018, les captures d’anchois du Pérou ont atteint un niveau tel qu’il s’agissait à nouveau de l’espèce la plus pêchée (plus de 7,0 millions de tonnes par an) après quelques années marquées par des volumes relativement plus faibles. Le lieu de l’Alaska (Theragra chalcogramma) est arrivé en deuxième place, avec 3,4 millions de tonnes pêchées, tandis que le listao (Katsuwonus pelamis) a conservé sa troisième place pour la neuvième année consécutive, avec 3,2 millions de tonnes (tableau 3).

TABLEAU 3
PRODUCTION DE LA PêCHE DE CAPTURE MARINE: PRINCIPALES ESPèCES ET GENRES

Les prises de quatre groupes parmi ceux qui présentent le plus de valeur – thonidés, céphalopodes, crevettes et homards – ont soit atteint un nouveau record en 2017 et 2018, soit connu une légère diminution par rapport aux pics enregistrés au cours des cinq années précédentes:

  • Les captures de thonidés et d’espèces apparentées ont poursuivi leur augmentation en glissement annuel et atteint leur niveau le plus élevé en 2018 (plus de 7,9 millions de tonnes), principalement grâce à la hausse constatée dans le Pacifique central et occidental, où elles sont passées d’environ 2,6 millions de tonnes au milieu des années 2000 à plus de 3,5 millions de tonnes en 2018; le listao et l’albacore (Thunnus albacares) représentaient quelque 58 pour cent des captures pour ce groupe d’espèces.

  • Après avoir atteint un pic de 4,9 millions de tonnes en 2014, les captures de céphalopodes ont chuté à quelque 3,6 millions de tonnes en 2017 et 2018, en conservant toutefois le niveau relativement élevé qui caractérise leur croissance presque continue depuis 20 ans. Les céphalopodes forment un groupe d’espèces à croissance rapide qui sont très sensibles aux changements environnementaux, ce qui explique probablement les fluctuations observées dans les volumes pêchés, et en particulier le recul récent des captures des trois principales espèces d’encornet: l’encornet géant (Dosidicus gigas), l’encornet rouge argentin (Illex argentinus) et le toutenon japonais (Todarodes pacificus).

  • Les captures de crevettes ont atteint de nouveaux sommets en 2017 et 2018, totalisant plus de 336 000 tonnes, essentiellement en raison de la reprise des captures de salicoque rouge d’Argentine (Pleoticus muelleri) qui se poursuit grâce aux mesures de gestion efficaces appliquées par les autorités nationales argentines. Cette hausse a compensé les déclins observés au niveau des autres principales espèces de crevette, notamment la chevrette akiami (Acetes japonicus) et la crevette-archer (Trachypenaeus curvirostris).

  • S’agissant du homard, les volumes déclarés sont restés constants, à plus de 300 000 tonnes, après avoir atteint leur niveau le plus élevé (316 000 tonnes) en 2016. Les captures de homard américain (Homarus americanus) connaissent une croissance continue depuis 2018 et représentent maintenant plus de la moitié des prises totales dans ce groupe. Cette hausse compense également le recul accusé par la langoustine (Nephrops norvegicus), deuxième espèce la plus importante.

Le tableau 4 présente les statistiques de capture dans les principales zones de pêche de la FAO pour les cinq dernières années ainsi que les captures de ces dernières décennies. Des tendances claires se dégagent lorsque les zones de pêche sont réparties dans les catégories suivantes (figure 5):

  • zones tempérées (zones 21, 27, 37, 41, 61, 67 et 81);

  • zones tropicales (zones 31, 51, 57 et 71);

  • zones de résurgence (zones 34, 47, 77 et 87);

  • zones arctique et antarctique (zones 18, 48, 58 et 88).

TABLEAU 4
PRODUCTION DE LA PêCHE DE CAPTURE: PRINCIPALES ZONES DE PêCHE DE LA FAO

Dans les zones tempérées, les captures continuent d’osciller entre 37,5 et 39,6 millions de tonnes par an depuis les deux niveaux record de l’ordre de 45 millions de tonnes enregistrés entre 1988 et 1997. Les variations observées sont en partie dues au fait que les captures de «poissons de mer non compris ailleurs» de la Chine sont attribuées à la zone 61 (Pacifique Nord-Ouest), dont une part importante des prises correspond au poisson capturé par des pays pêchant en eaux lointaines dans d’autres zones.

Dans l’ensemble, les volumes pêchés dans les autres zones tempérées sont restés stables au cours des 10 dernières années, avec toutefois une diminution récente dans les zones 41 et 81 (Atlantique Sud-Ouest et Pacifique Sud-Ouest) qui s’explique en partie par un recul marqué des captures des pays qui pêchent en eaux lointaines et ciblent les céphalopodes dans l’Atlantique Sud-Ouest et des espèces diverses dans le Pacifique Sud-Ouest.

Dans les zones tropicales, la tendance à la hausse des captures s’est poursuivie en 2017 et 2018: dans l’océan Indien (zones 51 et 57) et l’océan Pacifique (zone 71), elles ont atteint respectivement 12,3 et 13,5 millions de tonnes, soit leurs niveaux les plus élevés.

Dans l’océan Indien, les volumes de capture augmentent de manière constante depuis les années 1980, en particulier dans la zone 57 (océan Indien Est), où la hausse est principalement attribuable aux captures de petits pélagiques, de grands pélagiques (thons et marlins) et de crevettes.

Dans la zone 71 (Pacifique Centre-Ouest), les thonidés et espèces apparentées sont les principaux responsables de l’augmentation des captures; celles du listao, en particulier, sont passées de 1,0 million de tonnes à plus de 1,8 million de tonnes au cours des 20 dernières années. En comparaison, les captures des autres principaux groupes d’espèces sont restées stables ou, dans le cas des petits pélagiques, diminuent depuis quelques années.

Dans la zone 31 (Atlantique Centre-Ouest), les volumes sont relativement stables et continuent de fluctuer entre 1,4 et 1,6 million de tonnes par an depuis le milieu des années 2000. L’évolution de la production totale est déterminée dans une large mesure par les captures de menhaden écailleux (Brevoortia patronus) réalisées par les États-Unis d’Amérique. Ce clupéidé, qui est transformé en farine et huile de poisson, représente 35 pour cent de l’ensemble des prises.

Dans les zones de résurgence, les captures se caractérisent par une forte variabilité d’une année à l’autre. Le total des captures (figure 6) dépend fortement des volumes pêchés dans la zone 87 (Pacifique Sud-Est), où les conditions océanographiques liées au phénomène El Niño influent considérablement sur l’abondance de l’anchois du Pérou, dont les captures représentent 50 à 70 pour cent du total attribué à la zone 87.

FIGURE 6
TENDANCES DANS LES TROIS PRINCIPALES CATéGORIES DE ZONES DE PêCHE

Dans cette zone, la tendance de fond est à la baisse des captures depuis la moitié des années 1990, même si l’on tient compte de la fluctuation des volumes de capture de l’anchois du Pérou. Les prises annuelles sont passées de plus de 20 millions de tonnes en 1994 à 7 à 10 millions de tonnes ces dernières années, principalement en raison d’un recul des captures des deux espèces les plus importantes, à savoir l’anchois du Pérou et le chinchard du Chili (Trachurus murphyi). Cependant, les captures à forte valeur d’encornet géant continuent de croître de manière notable depuis les années 2000, compensant ainsi partiellement la baisse constatée au niveau des autres espèces.

Dans la zone 34 (Atlantique Centre-Est), les captures ont progressé de façon presque continue, atteignant en 2018 le volume record de 5,5 millions de tonnes. La tendance inverse a été observée dans la zone 47 (Atlantique Sud-Est), où les captures diminuent progressivement depuis le pic de 3,3 millions de tonnes enregistré en 1978, avec toutefois une reprise par rapport à 2009, lorsqu’elles étaient à leur niveau le plus bas (1,2 million de tonnes).

Dans la zone 77 (Pacifique Centre-Est), les volumes sont restés globalement stables, allant de 1,6 à 2 millions de tonnes par an.

Les zones de pêche de l’Antarctique (zones 48, 58 et 88) ont déclaré 331 000 tonnes de captures; il s’agit des volumes les plus élevés enregistrés dans ces zones depuis le début des années 1990. Le krill antarctique (Euphausia superba), dont les prises sont passées de moins de 100 000 tonnes à la fin des années 1990 à 313 000 tonnes en 2018, après un recul au début des années 1990, est de loin l’espèce la plus représentée. Enfin, les captures de légine australe (Dissostichus eleginoides), deuxième espèce la plus importante, sont restées relativement stables autour de 10 500 à 12 200 tonnes par an.

Production de la pêche de capture continentale

Les captures mondiales dans les eaux continentales affichent une augmentation constante en glissement annuel. Leur volume total pour 2018 (12 millions de tonnes) est le plus élevé jamais enregistré. De même, la part des captures provenant des eaux continentales à l’échelle mondiale est passée de 8,0 pour cent à la fin des années 1990 à 12,5 pour cent en 2018, hausse qui compense le déclin des captures marines constaté depuis la fin des années 1990.

Il convient néanmoins de noter que cette tendance à la hausse continue de la production de la pêche de capture continentale peut être trompeuse, car elle ne tient pas uniquement à une augmentation de la production et s’explique en partie par l’amélioration des démarches d’évaluation et de communication des données au niveau national. Bon nombre de systèmes de collecte de données sur la pêche continentale manquent encore de fiabilité ou sont, dans certains cas, tout simplement inexistants, tandis que le perfectionnement des méthodes en matière de communication d’informations peut également occulter les tendances qui sont à l’œuvre dans les différents pays.

Les captures en eaux continentales sont restées relativement stables en Chine, premier producteur mondial, avec une moyenne d’environ 2,1 millions de tonnes par an depuis 20 ans, et l’augmentation des captures totales de la pêche continentale est imputable, dans une large mesure, à plusieurs grands pays producteurs, dont l’Inde, le Bangladesh, le Myanmar et le Cambodge (figure 7). La plupart des pays ayant signalé un recul des captures pèsent relativement peu dans la production mondiale, bien que certains d’entre eux (en particulier le Brésil, la Thaïlande et le Viet Nam) apportent une contribution locale importante aux régimes alimentaires nationaux et régionaux.

FIGURE 7
ÉVOLUTION DES CAPTURES DES CINQ PRINCIPAUX PAYS PRODUCTEURS DE LA PêCHE CONTINENTALE

Les captures de la pêche continentale sont, par comparaison avec celles de la pêche marine, davantage concentrées dans les principaux pays producteurs dotés de grandes étendues d’eau ou d’importants bassins fluviaux: en 2018, 80 pour cent des captures en eaux continentales ont été produites par 16 pays, contre 25 pays pour les captures de la pêche marine.

Pour cette même raison, les grands producteurs de la pêche continentale sont aussi plus concentrés géographiquement et apportent une contribution particulièrement élevée à la production totale des pêches de capture en Asie, où les prises en eaux continentales constituent une source de nourriture importante pour de nombreuses communautés locales. Depuis la moitié des années 2000, l’Asie représente systématiquement deux tiers de la production mondiale de la pêche continentale (tableau 5); les six principaux producteurs se trouvent sur ce continent et représentaient 57 pour cent de l’ensemble des captures en 2018.

TABLEAU 5
PêCHE DE CAPTURE CONTINENTALE: PRINCIPAUX PAYS PRODUCTEURS

L’Afrique produit de son côté 25 pour cent des captures mondiales en eaux continentales, captures qui sont essentielles à la sécurité alimentaire, en particulier dans les pays sans littoral et à faible revenu. Ensemble, les volumes déclarés pour l’Europe et les Amériques représentent 9 pour cent des captures de la pêche continentale, tandis que les prises de l’Océanie sont négligeables.

Quatre grands groupes d’espèces assurent quelque 85 pour cent des captures de la pêche continentale. Le premier groupe, celui des «carpes, barbeaux et autres cyprinidés», croît de manière constante: de 0,6 million de tonnes par an au milieu des années 2000, ses captures sont passées à plus de 1,8 million de tonnes en 2018. Il est en grande partie responsable de l’augmentation récente des captures en eaux continentales. Les captures du deuxième groupe le plus important, celui des «tilapias et autres cichlidés», ont continué de fluctuer entre 0,7 et 0,85 million de tonnes par an, tandis que les volumes de capture de crustacés et de mollusques d’eau douce, qui ont connu une période de recul après les sommets de la moitié des années 1990 et du début des années 2000, sont restés relativement stables, autour de 0,4 à 0,45 million de tonnes par an.

Sources de données et qualité des statistiques de la FAO relatives aux captures

Les rapports nationaux sont la principale – mais pas la seule – source de données utilisée pour alimenter et maintenir à jour les bases de données sur la pêche de capture de la FAO. La qualité des statistiques de l’Organisation est donc largement tributaire de l’exactitude, de l’exhaustivité et de la communication en temps voulu des données qui sont recueillies par les institutions nationales responsables de la pêche et qui lui sont transmises chaque année.

Les données présentées sont bien souvent incomplètes, incohérentes ou non conformes aux règles internationales en matière d’établissement de rapports, et la FAO s’efforce de les gérer, dans la mesure du possible, en collaboration avec les pays. Si le nombre d’espèces déclarées (indicateur de qualité en ce qui concerne la communication des captures) a doublé entre 1996 (1 035 espèces) et 2018 (2 221 espèces) grâce aux efforts de la FAO, une part importante des captures n’est toujours pas déclarée au niveau de l’espèce, en particulier s’agissant de groupes tels que les requins, les raies et les chimères pour ce qui est de la pêche de capture marine.

La qualité et l’exhaustivité des données varient également selon qu’il est question de captures en eaux continentales ou de captures marines, et les données ventilées par espèce sont généralement plus complètes dans le cas de la pêche marine. Par ailleurs, certaines informations ne sont pas communiquées en temps voulu ou ne le sont tout simplement pas, ce qui empêche la FAO de réaliser des estimations complètes et de qualité au sujet de la pêche de capture. L’envoi tardif des questionnaires complétés complique les tâches de traitement, de validation et d’examen des statistiques relatives à la pêche de capture qui incombent à la FAO, en particulier pour l’année la plus récente, et qui doivent être accomplies avant la publication officielle des données, généralement tous les ans à la mi-mars. En l’absence de rapports nationaux ou si les données transmises présentent des incohérences, la FAO peut réaliser des estimations sur la base des meilleures données disponibles à partir d’autres sources d’information officielles (notamment les données publiées par les organisations régionales de gestion des pêches [ORGP]) ou au moyen de méthodes standard.

Le fait que certains pays n’aient pas répondu au questionnaire de la FAO depuis plusieurs années pose problème. En 2018, les captures effectuées par plusieurs grands producteurs, comme le Brésil, l’Indonésie et le Myanmar, ont dû être partiellement estimées en raison du manque de fiabilité des données communiquées à la FAO ou de leur absence pure et simple:

  • Le Brésil n’ayant rien déclaré sur sa production officielle (pêche de capture et aquaculture) à la FAO depuis 2014, les statistiques correspondantes, à l’exception des données obtenues auprès des ORGP sur les thonidés et espèces apparentées, ont dû être estimées.

  • L’Indonésie a lancé l’initiative One Data en mai 2016 en vue d’uniformiser les procédures relatives à la collecte et au traitement des données sur la pêche ainsi qu’au libre accès à celles-ci et, partant, d’améliorer la qualité des informations. Depuis sa mise en œuvre, on observe d’importantes discordances au niveau des captures officielles déclarées par l’Indonésie; la FAO a donc partiellement estimé les captures du pays pour 2017 et 2018. Il sera peut-être nécessaire de corriger les volumes enregistrés pour les années précédentes en collaboration avec les autorités nationales afin de renforcer la fiabilité des tendances passées.

  • Partant de 2015 pour remonter jusqu’à 2006, la FAO a considérablement revu à la baisse les volumes de capture de la pêche marine et de la pêche continentale du Myanmar en s’appuyant sur les estimations de la capacité de pêche, jugées plus fiables que les statistiques de capture officielles fondées sur les niveaux cibles. La FAO poursuit ses démarches, en estimant les captures des dernières années, tout en collaborant avec les autorités du pays pour améliorer la collecte des données sur la pêche dans la région de Yangon. Si elle porte ses fruits, cette méthode pourra par la suite être appliquée à l’ensemble du pays.

La qualité globale des informations relatives aux captures qui figurent dans les bases de données mondiales de la FAO ne pourra être renforcée que si les pays étoffent leurs systèmes nationaux de collecte de données, de façon à produire des informations plus fiables qui pourront éclairer les décisions en matière de politique et de gestion aux plans national et régional (voir «Approche de la FAO pour l’amélioration de la qualité et de l’utilité des données relatives à la pêche de capture» [FAO, 2018a, pp. 105-111]). L’Organisation continue d’apporter son concours aux initiatives visant à perfectionner les systèmes nationaux de collecte de données, comme les programmes d’échantillonnage basés sur des analyses statistiques solides, l’échantillonnage dans les sous-secteurs de la pêche où cela ne se faisait pas auparavant et l’harmonisation des activités d’échantillonnage sur les sites de débarquement.

Production aquacole

Situation générale de la production et croissance

Les dernières statistiques mondiales sur l’aquaculture établies par la FAO révèlent que la production aquacole mondiale a atteint un nouveau record en 2018, avec 114,5 millions de tonnes en équivalent poids vif (figure 8) d’une valeur commerciale à la sortie de l’exploitation estimée à 263,6 milliards de dollars des États-Unis (ci-après dollars), qui se répartissent comme suit: 82,1 millions de tonnes d’animaux aquatiques (250,1 milliards de dollars), 32,4 millions de tonnes d’algues aquatiques (13,3 milliards de dollars) et 26 000 tonnes de coquillages d’ornement et de perles (179 000 dollars). Le poisson occupait une place prédominante dans l’élevage d’animaux aquatiques (54,3 millions de tonnes et 139,7 milliards de dollars) et provenait de l’aquaculture continentale (47 millions de tonnes et 104,3 milliards de dollars) ainsi que de l’aquaculture marine et côtière (7,3 millions de tonnes et 35,4 milliards de dollars). Viennent ensuite les mollusques (17,7 millions de tonnes et 34,6 milliards de dollars) – essentiellement des bivalves –, les crustacés (9,4 millions de tonnes et 69,3 milliards de dollars), les invertébrés marins (435 400 tonnes et 2 milliards de dollars), les tortues aquatiques (370 000 tonnes et 3,5 milliards de dollars) et enfin les grenouilles (131 300 tonnes et 997 millions de dollars).

FIGURE 8
PRODUCTION AQUACOLE MONDIALE D’ANIMAUX AQUATIQUES ET D’ALGUES, 1990-2018

La production mondiale d’animaux aquatiques d’élevage affichait une croissance moyenne de 5,3 pour cent par an entre 2001 et 2018 (figure 9), mais de seulement 4 et 3,2 pour cent en 2017 et 2018, respectivement. Cette faible progression trouve son origine dans le ralentissement des activités en Chine, premier producteur mondial, où la croissance n’a été que de 2,2 pour cent en 2017 et 1,6 pour cent en 2018, alors qu’elle s’est maintenue à un niveau modéré dans le reste du monde, plus précisément à 6,7 et 5,5 pour cent, respectivement, ces deux mêmes années.

FIGURE 9
TAUX DE CROISSANCE ANNUEL DE LA PRODUCTION AQUACOLE (EN VOLUME), TROISIèME MILLéNAIRE

La production mondiale d’algues aquatiques cultivées, essentiellement des algues marines, a connu ces dernières années un essor relativement modeste, accusant même une baisse de 0,7 pour cent en 2018. Ce changement est principalement lié à la croissance modérée des volumes de production des algues marines tropicales et au recul observé en Asie du Sud-Est, alors que la culture d’espèces de zone tempérée et d’eau froide a continué de se développer.

Le sous-secteur de la sélection et de l’élevage d’animaux aquatiques et de plantes aquatiques d’ornement est une activité économique bien établie et largement répandue dans le monde entier. Dans certains pays, les crocodiles, les alligators et les caïmans sont également élevés pour leur cuir et leur viande à des fins commerciales. S’agissant de la production d’espèces aquatiques d’ornement, en revanche, les données sont insuffisantes. Les informations disponibles sur les crocodiles et d’autres espèces d’élevage, qui concernent une partie des pays producteurs, sont exprimées en nombre d’animaux et non en poids; elles ont donc été exclues de la présente analyse.

Les taux de croissance annuelle élevés qu’affichait la production mondiale d’animaux aquatiques dans les années 1980 et 1990 (respectivement 10,8 et 9,5 pour cent) ont progressivement ralenti au cours du troisième millénaire, s’établissant en moyenne à 5,8 pour cent entre 2001 et 2010 et à 4,5 pour cent entre 2011 et 2018 (figure 9).

Malgré cet essoufflement mondial, plusieurs pays ont continué d’enregistrer des taux de croissance élevés entre 2009 et 2018, notamment de grands producteurs comme l’Indonésie (12,4 pour cent), le Bangladesh (9,1 pour cent), l’Égypte (8,4 pour cent) et l’Équateur (12 pour cent).

Contribution à la production totale de poisson

Les séries chronologiques de données sur les principaux groupes d’espèces montrent que la production aquacole mondiale a progressivement dépassé celle de la pêche de capture. Plus précisément, ce virage s’est produit en 1970 pour les algues aquatiques, en 1986 pour les poissons d’eau douce, en 1994 pour les mollusques, en 1997 pour les poissons diadromes et en 2014 pour les crustacés. Pourtant, malgré cet accroissement de la production aquacole mondiale, il y a peu de chances que l’élevage de poissons de mer finisse un jour par dépasser la pêche de capture marine.

La part de l’aquaculture dans la production mondiale de poisson n’a fait que progresser, atteignant 46,0 pour cent en 2016-2018 (contre 25,7 pour cent en 2000). Sans la Chine, premier producteur mondial, cette proportion s’élève à 29,7 pour cent pour le reste du monde en 2018, contre 12,7 pour cent en 2000. À l’échelle régionale, l’aquaculture représentait 16 à 18 pour cent de la production totale de poisson en Afrique, sur le continent américain et en Europe, et 12,7 pour cent en Océanie. La contribution de l’aquaculture à la production de poisson en Asie (hors Chine) est passée de 19,3 pour cent en 2000 à 42 pour cent en 2018 (figure 10).

FIGURE 10
CONTRIBUTION DE L’AQUACULTURE à LA PRODUCTION TOTALE D’ANIMAUX AQUATIQUES

Dans 39 pays, situés dans toutes les régions sauf l’Océanie, l’élevage a produit davantage d’animaux aquatiques que la pêche en 2018. Ces pays, qui rassemblent environ la moitié de la population mondiale, ont produit 63,6 millions de tonnes de poisson d’élevage et réalisé 26 millions de tonnes de captures. En dehors de ce groupe, l’aquaculture comptait pour moins de la moitié, mais plus de 30 pour cent, de la production totale de poisson dans 22 pays en 2018, dont plusieurs grands producteurs tels que l’Indonésie (42,9 pour cent), la Norvège (35,2 pour cent), le Chili (37,4 pour cent), le Myanmar (35,7 pour cent) et la Thaïlande (34,3 pour cent).

En l’absence de données nationales pour 35 à 40 pour cent des pays producteurs et en raison de la qualité et de l’exhaustivité insuffisantes des informations communiquées, la FAO n’est pas en mesure de dresser un bilan précis et plus détaillé de la situation et des tendances de l’aquaculture mondiale. L’Organisation a reçu 119 rapports de données nationaux en 2018, ce qui correspond à 87,6 pour cent (71,9 millions de tonnes, hors plantes aquatiques) de la production totale de poisson de consommation en volume. Parmi les pays qui n’ont rien communiqué, plusieurs publient régulièrement des rapports sur la pêche et l’aquaculture. À la lumière de ces documents, la FAO a estimé que les pays qui n’avaient pas présenté de rapport contribuaient à la production totale à hauteur de 12,4 pour cent (10,1 millions de tonnes). Les données restantes sont des statistiques officielles recueillies de manière ponctuelle auprès de quelques pays qui n’ont pas répondu officiellement à la demande de communication de données nationales émise par la FAO.

S’agissant des 10 pays qui affichaient les plus grands volumes de production d’espèces d’élevage et d’espèces sauvages en 2018, l’aquaculture représentait plus de la moitié de la production totale de poisson dans quatre pays, à savoir la Chine (76,5 pour cent), l’Inde (57 pour cent), le Viet Nam (55,3 pour cent) et le Bangladesh (56,2 pour cent); elle était cependant bien en dessous de la barre des 50 pour cent dans la plupart des six pays restants, c’est-à-dire au Pérou (1,4 pour cent), dans la Fédération de Russie (3,8 pour cent), aux États-Unis d’Amérique (9 pour cent), au Japon (17 pour cent) et en Norvège (35,2 pour cent).

Aquaculture continentale

L’aquaculture continentale produit la plupart des animaux aquatiques d’élevage. Étant donné que cette activité se fait principalement en eaux douces, les dénominations «aquaculture continentale» et «aquaculture d’eau douce» sont utilisées de manière interchangeable dans la plupart des pays producteurs. Parfois, le secteur de l’aquaculture continentale utilise également une eau saline-alcaline dans laquelle sont élevées des espèces locales qui sont par nature adaptées à ce milieu ou des espèces introduites, y compris des espèces marines, qui supportent ces conditions et dont la productivité est à la hauteur des attentes des aquaculteurs.

Les méthodes et pratiques d’élevage, les installations et l’intégration avec d’autres activités agricoles varient énormément d’un système à l’autre. Les étangs en terre restent l’installation la plus répandue dans l’aquaculture continentale, bien que les bassins de type raceway, les réservoirs hors-sol, les enclos et les cages soient aussi souvent utilisés lorsque les conditions locales le permettent. La rizipisciculture demeure importante dans les régions où elle revêt un caractère traditionnel et se popularise rapidement, en particulier en Asie. Cependant, l’amélioration des systèmes d’élevage intégrés dans l’aquaculture continentale a rapidement et considérablement progressé ces dernières années et s’est non seulement traduite par une plus grande productivité et une utilisation plus efficace des ressources, mais aussi par une atténuation des répercussions de ces activités sur l’environnement.

En 2018, l’aquaculture continentale a produit 51,3 millions de tonnes d’animaux aquatiques, soit 62,5 pour cent de la production mondiale de poisson et autres animaux aquatiques d’élevage destinés à la consommation, contre 57,9 pour cent en 2000. Les poissons, qui occupent une place dominante dans le secteur, ont vu leur importance diminuer progressivement: alors qu’elle était de 97,2 pour cent en 2000, leur part a baissé à 91,5 pour cent (47 millions de tonnes) en 2018, recul qui témoigne du fort développement de l’élevage d’autres groupes d’espèces, et en particulier des crustacés en eau douce (crevettes, écrevisses et crabes) en Asie (tableau 6). L’aquaculture continentale de crevettes produit des volumes élevés d’espèces marines telles que la crevette pattes blanches, élevée en eau douce et, dans certaines régions arides, dans une eau saline-alcaline, comme c’est le cas dans le désert de Gobi, dans la province de Xinjiang (Chine), l’endroit le plus éloigné de la mer sur la planète.

TABLEAU 6
AQUACULTURE PRODUCTION OF MAIN SPECIES GROUPS BY CONTINENT IN 2018

Aquaculture et mariculture côtières

L’aquaculture côtière contribue énormément aux moyens d’existence, à l’emploi et au développement de l’économie locale au sein des communautés côtières de nombreux pays en développement. Elle est pratiquée dans des structures entièrement ou partiellement artificielles dans des zones situées le long des côtes, comme des étangs côtiers et des lagunes protégées. Dans le cas d’une aquaculture côtière en eau saline, la salinité est moins stable que dans la mariculture en raison de la pluie ou de l’évaporation, selon le lieu et la saison. Bien que l’on trouve des étangs côtiers d’aquaculture, modernes ou traditionnels, dans presque toutes les régions du monde, leur concentration est bien plus importante en Asie du Sud, en Asie du Sud-Est et en Asie de l’Est ainsi qu’en Amérique latine, où ils sont consacrés à l’élevage de crustacés, de poissons, de mollusques et, dans une moindre mesure, d’algues marines. Si de nombreux pays d’Asie et, plus récemment, d’Amérique latine, d’Europe et d’Amérique du Nord ont développé leur savoir-faire et mis sur pied des institutions qui soutiennent l’aquaculture marine et côtière, la plupart des pays africains accusent un retard important malgré des projections ambitieuses aux plans régional et national. La promotion de l’aquaculture marine en Afrique passe par des politiques et des plans adéquats ainsi que par la mise en place d’un environnement favorable à la création d’infrastructures, à l’acquisition de compétences techniques et à l’investissement.

La mariculture, ou aquaculture en eau marine, est pratiquée dans la mer, en eau salée. Pour certaines espèces, dont la production dépend des semences qui s’y trouvent naturellement, l’ensemble du cycle de production se déroule en mer. En revanche, pour les espèces qui utilisent des semences provenant d’écloseries ou d’alevinières, même en eau douce, la mariculture correspond à la phase de croissance du cycle de production.

Étant donné que les pays regroupent généralement la production de l’aquaculture côtière et celle de la mariculture dans les données qu’ils communiquent à la FAO, il est difficile de séparer les chiffres pour ces deux activités. C’est particulièrement vrai dans le cas des poissons produits dans des étangs côtiers et dans des cages installées dans la mer, notamment en Asie. Contrairement à ce qui se fait sur ce continent, le poisson élevé en eau salée est essentiellement produit dans la mer, sauf dans quelques pays, comme l’Égypte, et dans le cas de certaines espèces, comme le turbot en Europe (tableau 7).

TABLEAU 7
PRODUCTION AQUACOLE D’ALGUES AQUATIQUES PAR GRAND PAYS PRODUCTEUR

Au total, la mariculture et l’aquaculture côtière ont produit 30,8 millions de tonnes (l’équivalent de 106,5 milliards de dollars) d’animaux aquatiques en 2018. Malgré les avancées techniques réalisées dans le domaine de l’élevage de poissons marins, l’aquaculture marine et côtière produit actuellement beaucoup plus de mollusques que de poissons et de crustacés: en 2018, les mollusques à coquille (17,3 millions de tonnes) représentaient 56,2 pour cent de la production, tandis que le poisson (7,3 millions de tonnes) et les crustacés (5,7 millions de tonnes) en représentaient ensemble 42,5 pour cent.

Production aquacole avec ou sans alimentation

La production aquacole avec apport de nourriture s’est développée plus rapidement que le sous-secteur de l’élevage d’espèces non nourries dans l’aquaculture mondiale. La contribution de ce dernier à la production mondiale d’animaux aquatiques d’élevage a continué de baisser, passant de 43,9 pour cent en 2000 à 30,5 pour cent en 2018 (figure 11), alors que sa production annuelle a continué de croître en valeur absolue. En 2018, la production totale d’espèces non nourries a atteint 25 millions de tonnes, dont 8 millions de tonnes de poissons filtreurs issus de l’aquaculture continentale (essentiellement la carpe argentée [Hypophthalmichthys molitrix] et la carpe à grosse tête [Hypophthalmichthys nobilis]) et 17 millions de tonnes d’invertébrés aquatiques qui sont pour la plupart des mollusques bivalves marins élevés dans la mer, dans des lagunes et dans des étangs côtiers.

FIGURE 11
PRODUCTION AQUACOLE D’ESPèCES NOURRIES ET NON NOURRIES, 2000-2018

Dans la polyculture, l’alimentation destinée aux espèces nourries peut également, selon son type et sa qualité, être récupérée par les espèces filtreuses. Dans le même temps, l’alimentation élaborée spécialement pour ces activités est produite à des fins commerciales et utilisée par certains aquaculteurs pour nourrir les carpes à grosse tête, dans le sud de la Chine, les couteaux, dans les provinces côtières du nord-est du pays, et les cythérées, dans la province chinoise de Taïwan. En Europe, on voit apparaître une nouvelle pratique qui consiste à conserver les juvéniles d’huîtres dans des réservoirs intérieurs jusqu’à ce qu’ils atteignent leur taille commerciale et à les nourrir d’espèces spécifiques de microalgues produites de façon artificielle dans des étangs extérieurs.

Pratique courante en Asie, en Europe centrale et orientale et en Amérique latine, la conservation de carpes filtreuses dans des systèmes de polyculture rassemblant plusieurs espèces stimule la productivité globale grâce à une nourriture naturelle et à l’amélioration de la qualité de l’eau dans le système de production. Il y a quelques années, une autre espèce de poisson filtreur, la spatule d’Amérique (Polyodon spathula), a fait son apparition dans la polyculture dans plusieurs pays, en particulier en Chine, où son volume de production est estimé à plusieurs milliers de tonnes. Outre les poissons filtreurs, les bivalves d’eau douce, y compris les espèces élevées aux fins de la production de perles d’eau douce, sont maintenant utilisés dans le traitement des effluents aquacoles dans les exploitations individuelles et dans les systèmes d’exploitations groupées en milieu communautaire.

Les bivalves marins, organismes filtreurs qui se servent de la matière organique présente dans l’eau pour croître, et les algues marines, qui se développent par photosynthèse en absorbant les nutriments dissous, sont parfois qualifiés d’espèces extractives. Lorsqu’elles sont élevées au même endroit que des espèces nourries, elles améliorent le milieu d’élevage en éliminant les déchets, y compris ceux des espèces nourries, réduisant ainsi la charge en nutriments. L’élevage d’espèces extractives et d’espèces nourries sur le même site de mariculture est encouragé dans les programmes de développement et de zonage de l’aquaculture dans l’Union européenne et en Amérique du Nord. En 2018, les espèces extractives représentaient 57,4 pour cent de la production aquacole mondiale.

Espèces aquatiques élevées

L’importante variété des conditions climatiques et environnementales que présentent les sites d’aquaculture du monde entier a conduit à l’utilisation d’une grande diversité d’espèces dans le cadre de différents modes de production aquacoles dans des milieux d’eau douce, d’eau saumâtre, d’eau marine et d’eau saline continentale.

En 2018, la FAO a recensé un total de 622 unités, appelées «catégories d’espèces» pour les besoins de la statistique, dans la production aquacole des pays et territoires qui lui avaient communiqué des données, dont 466 espèces individuelles, 7 poissons hybrides interspécifiques, 92 groupes d’espèces identifiés au niveau du genre, 32 groupes d’espèces identifiés au niveau de la famille et 25 groupes d’espèces identifiés au niveau de l’ordre ou au-dessus.

Il convient néanmoins de noter que le nombre de «catégories d’espèces» peut être considéré à tort par beaucoup comme étant équivalent au nombre total d’espèces aquatiques élevées. Dans la base de données de la FAO, par exemple, aux informations sur la production du bar européen (Dicentrarchus labrax) et du bar tacheté (Dicentrarchus punctatus) s’ajoutent des données de production sur le «bar non compris ailleurs» (Dicentrarchus spp.), catégorie employée lorsque le pays concerné n’a pas pu identifier précisément l’espèce. On se retrouve donc avec trois catégories d’espèces alors que le genre Dicentrarchus ne compte que deux espèces.

Les chiffres susmentionnés ne tiennent pas compte des espèces produites dans le cadre d’expériences de recherche menées dans l’aquaculture, de celles qui sont élevées en tant qu’aliments vivants dans le cadre d’activités d’alevinage, ni des animaux aquatiques d’ornement produits en captivité. Le nombre total de catégories d’espèces élevées à des fins commerciales recensées par la FAO a augmenté de 31,8 pour cent, passant de 472 en 2006 à 622 en 2018, grâce à des recherches plus approfondies et à l’amélioration de la communication des données par les pays producteurs. Pourtant, ces chiffres ne reflètent pas la diversification réelle des espèces dans le secteur de l’aquaculture. Bon nombre d’espèces distinctes figurant dans les statistiques officielles de toute une série de pays correspondent en réalité à plusieurs espèces et, parfois, à des hybrides. La FAO n’a recensé que cinq poissons hybrides dans la production commerciale, mais il en existe beaucoup plus.

En 2018, on savait que 200 à 300 espèces supplémentaires, dont des hybrides, étaient élevées en plus des 466 espèces et des sept hybrides mentionnés plus haut. Le fait qu’elles ne figurent pas dans les statistiques de la FAO sur la production mondiale s’explique par les difficultés rencontrées dans la collecte de données sur le terrain, par le niveau de groupement très agrégé de ces espèces dans la liste standard des espèces des systèmes de statistiques nationaux ainsi que par la confidentialité des données dans la législation nationale.

En dépit de la grande diversité des espèces élevées, la production aquacole en volume est dominée par une poignée d’espèces ou de groupes d’espèces «de base» aux niveaux national, régional et mondial. Le sous-secteur de l’élevage de poissons, le plus diversifié, produit 27 espèces et groupes d’espèces qui comptaient pour plus de 90 pour cent de la production totale de poissons en 2018; les 20 espèces les plus importantes en représentaient 83,6 pour cent (tableau 8). En comparaison, les aquaculteurs élèvent moins d’espèces de crustacés, de mollusques et d’autres animaux aquatiques.

TABLEAU 8
PRINCIPALES ESPèCES AQUACOLES DANS LE MONDE

Algues aquatiques

En 2018, les algues marines de culture représentaient 97,1 pour cent, en volume, de la production totale de 32,4 millions de tonnes d’algues aquatiques cultivées ou recueillies en milieu naturel. La culture d’algues marines est pratiquée dans un nombre relativement réduit de pays, et les principaux producteurs se trouvent en Asie de l’Est et du Sud-Est. La production mondiale de macroalgues marines, ou algues marines, a plus que triplé, passant de 10,6 millions de tonnes en 2000 à 32,4 millions de tonnes en 2018 (tableau 9). Malgré le ralentissement de la croissance ces dernières années, le développement rapide de la culture d’espèces d’algues marines tropicales (Kappaphycus alvarezii et Eucheuma spp.) en tant que matière première pour l’extraction de la carraghénane en Indonésie, a été le principal facteur déterminant de la hausse de la production d’algues marines ces 10 dernières années. La production indonésienne est en effet passée de moins de 4 millions de tonnes en 2010 à plus de 11 millions de tonnes en 2015 et 2016, et se situait toujours à un niveau similaire en 2017 et 2018.

TABLEAU 9
PRODUCTION AQUACOLE MONDIALE D’ALGUES AQUATIQUES

En raison des règles de confidentialité, les données relatives à la culture artisanale d’algues marines sont limitées et proviennent de quelques pays producteurs en Europe et en Amérique du Nord. Cependant, de plus en plus de voix s’élèvent pour que la culture d’algues marines soit mise en avant et fasse l’objet d’un suivi dans le cadre du développement d’une bioéconomie respectueuse du climat et de l’environnement.

Sur les 32,4 millions de tonnes d’algues marines produites en 2018 (tableau 9), certaines espèces (par exemple Undaria pinnatifida, Porphyra spp. et Caulerpa spp., cultivées en Asie de l’Est et du Sud-Est) sont principalement destinées à la consommation humaine, bien que certains produits de faible qualité et déchets issus des usines de traitement soient utilisés à d’autres fins, notamment pour nourrir les ormeaux d’élevage.

Si la définition largement acceptée de l’aquaculture englobe la culture de microalgues, cette dernière est généralement soumise à des règles et à un suivi spécifiques et rigoureux aux niveaux national et local. Bien que la culture de microalgues ait été prise en compte dans un recensement national mené récemment dans le secteur aquacole d’un pays figurant parmi les 20 principaux pays producteurs, elle n’a pas encore sa place dans le système national de collecte et de communication de données sur l’aquaculture.

Sur les 87 000 tonnes de microalgues cultivées comptabilisées par la FAO pour 11 pays en 2018, 86 600 tonnes ont été déclarées par la Chine. La culture de microalgues telles que Spirulina spp., Chlorella spp., Haematococcus pluvialis et Nannochloropsis spp., qu’il s’agisse de production familiale ou de production commerciale à grande échelle, est bien établie dans de nombreux pays et sert, entre autres, à élaborer des suppléments nutritionnels destinés à la consommation humaine. Les données de la FAO sous-estiment pourtant l’importance réelle de la culture de microalgues au niveau mondial, car aucune donnée n’est disponible pour de grands pays producteurs tels que l’Australie, les États-Unis d’Amérique, la France, l’Inde, l’Islande, Israël, l’Italie, le Japon, la Malaisie, le Myanmar et la Tchéquie.

Répartition de la production aquacole et principaux producteurs

Comme l’indiquent les données reprises dans le tableau 10, la répartition inégale de la production et du développement aquacoles entre les pays et les régions du monde reste, dans l’ensemble, inchangée. De nombreux pays en développement nourrissent de grandes ambitions quant à un essor soutenu d’une aquaculture capable de nourrir leur population en croissance rapide, aspirations qui ne se concrétiseront qu’à condition de mobiliser la volonté politique nécessaire pour promouvoir des politiques et des stratégies adaptées, des investissements publics et privés et une coopération entre ces deux secteurs qui soit clairement axée sur l’accroissement durable de la production.

TABLEAU 10
PRODUCTION AQUACOLE PAR RéGION ET DANS CERTAINS DES PRINCIPAUX PAYS PRODUCTEURS (milliers de tonnes1; pourcentage du total mondial)

Les animaux aquatiques élevés par l’industrie aquacole proviennent essentiellement d’Asie, continent dont la part dans la production mondiale s’élève à 89 pour cent depuis environ deux décennies. Au cours de la même période, l’Afrique et le continent américain ont vu leurs parts respectives augmenter, tandis que celles de l’Europe et de l’Océanie ont légèrement diminué. Parmi les principaux pays producteurs, l’Égypte, le Chili, l’Inde, l’Indonésie, le Viet Nam, le Bangladesh et la Norvège ont, dans différentes mesures, consolidé leur contribution à la production régionale ou mondiale ces 20 dernières années. Parallèlement à l’Égypte, le Nigéria a considérablement augmenté sa production jusqu’à devenir le deuxième plus grand producteur du continent africain, lequel ne représente pourtant encore que 2,7 pour cent environ de l’aquaculture mondiale.

La Chine a produit davantage d’aliments issus d’organismes aquatiques d’élevage que tous les autres pays du monde réunis depuis 1991. Les politiques actuelles, en vigueur depuis 2016, visent à refaçonner le secteur national de l’aquaculture afin de l’orienter vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement, d’améliorer la qualité des produits, de garantir une utilisation plus efficace et performante des ressources et de renforcer son rôle dans le développement économique rural et l’atténuation de la pauvreté dans les régions ciblées. Le taux de croissance annuelle de l’aquaculture n’était donc que de 2,2 et 1,6 pour cent en 2017 et 2018, respectivement. La part de la Chine dans la production mondiale est passée de 59,9 pour cent en 1995 à 57,9 pour cent en 2018 et devrait poursuivre son recul dans les années à venir. La faiblesse des prix du marché dont ont fait état ces dernières années d’autres grands pays producteurs pour les espèces de base témoigne de la saturation, au moins saisonnière et locale, du marché pour ces espèces produites à grande échelle.

La figure 12 montre que si le niveau de développement global de l’aquaculture varie fortement entre les régions géographiques et au sein de celles-ci, la production de certains groupes d’espèces reste le fait de quelques grands producteurs. La production aquacole continentale de poisson est principalement assurée par des pays en développement tels que la Chine, l’Inde et l’Indonésie, tandis qu’une poignée d’États membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques, dont la Norvège, le Chili, le Japon, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, le Canada et la Grèce, sont de grands producteurs d’espèces de poissons marins, en particulier de salmonidés d’eau froide. Plusieurs pays en développement d’Asie de l’Est et du Sud-Est privilégient l’aquaculture côtière pour la production de poisson d’élevage plutôt que la mariculture en mer, en particulier ceux qui sont frappés chaque année par des typhons, comme la Chine, les Philippines et le Viet Nam.

FIGURE 12
GRANDES RéGIONS PRODUCTRICES ET GRANDS PAYS PRODUCTEURS DES PRINCIPAUX GROUPES D’ESPèCES D’éLEVAGE, 2003-2018

Les crevettes d’eau de mer occupent une place prépondérante dans la production de crustacés généralement élevés dans l’aquaculture côtière et sont une source importante de recettes en devises pour un certain nombre de pays en développement d’Asie et d’Amérique latine.

Si la quantité de mollusques marins produite par la Chine éclipse celle de tous les autres producteurs, certains pays, dont le Japon, la République de Corée, l’Espagne, la France et l’Italie, produisent des quantités non négligeables de bivalves (tableau 11).

TABLEAU 11
PRINCIPAUX PRODUCTEURS AQUACOLES MONDIAUX ET RéGIONAUX POUR LESQUELS LES BIVALVES REPRéSENTENT UN POURCENTAGE RELATIVEMENT éLEVé DE LA PRODUCTION AQUACOLE TOTALE D’ANIMAUX AQUATIQUES
Pécheurs et aquaculteurs

En 2018, le secteur primaire de la pêche et de l’aquaculture (tableau 12) employait 59,51 millions de personnes, dont 14 pour cent de femmes. Au total, environ 20,53 millions de personnes étaient employées dans l’aquaculture et 38,98 millions dans la pêche. La figure 13 montre la répartition par région, en pourcentage, des emplois dans la pêche et l’aquaculture. Globalement, dans le secteur primaire, l’emploi total (y compris le travail à temps plein, à temps partiel et occasionnel) a légèrement augmenté, suite à la hausse mesurée de l’emploi aussi bien dans la pêche que dans l’aquaculture. Comparés aux chiffres correspondants des éditions précédentes de La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, ces chiffres reflètent également la révision qui a été effectuée de la série chronologique 1995-2017. À cette fin, la FAO a mené une vaste série de consultations avec les Membres pour réviser les données historiques, découvrir de nouvelles sources de données, détecter les erreurs et procéder aux imputations nécessaires. Pour 35 pays, cela s’est fait en collaboration avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en harmonisant les ensembles de données relatives à l’emploi et en rationalisant la collecte de données par la remise d’un questionnaire commun sur l’emploi dans les secteurs primaire et secondaire des pêches et de l’aquaculture afin d’éviter aux Membres un double travail.

TABLEAU 12
NOMBRE D’EMPLOIS DANS LES SECTEURS DE LA PêCHE ET DE L’AQUACULTURE DANS LE MONDE, PAR RéGION
FIGURE 13
RéPARTITION PAR RéGION, EN POURCENTAGE, DES EMPLOIS DANS LA PêCHE ET L’AQUACULTURE

Les personnes qui travaillent dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture se trouvent, pour la plupart, dans des pays en développement et sont des petits pêcheurs et des travailleurs de l’aquaculture. Les différents types de travail, dans le secteur primaire, ne peuvent être considérés comme égaux, les formes d’emploi ou d’engagement variant de l’occasionnel au plein temps et entre emplois saisonniers, temporaires et permanents. Les travailleurs de la pêche et de l’aquaculture occupent souvent des emplois plus précaires avec, à l’extrémité du spectre, le travail forcé et l’esclavage. Le travail considérable mené par la FAO dans le cadre du forum sur l’emploi décent est détaillé dans la section «Viabilité sociale le long des chaînes de valeur».

Le nombre de personnes employées dans le secteur primaire de la pêche et de l’aquaculture varie selon les régions. La figure 14 présente leur répartition régionale à l’aide de données ventilées par sexe. Globalement, c’est en Asie que l’on trouve le plus grand nombre de pêcheurs et de travailleurs de l’aquaculture (85 pour cent du total mondial); viennent ensuite l’Afrique (9 pour cent), les Amériques (4 pour cent), l’Europe et l’Océanie (1 pour cent chacune). Dans ce secteur, l’Afrique a connu une croissance constante du nombre d’emplois, dont la plupart continuent d’être fournis dans la pêche. L’emploi dans l’aquaculture continue de croître, mais avec des valeurs absolues plus faibles. En Asie, l’emploi suit toujours une tendance à la hausse dans le secteur primaire de l’aquaculture et de la pêche, bien que cette croissance se fasse à un rythme plus mesuré vu le grand nombre absolu de personnes qui y sont employées. L’Océanie affiche également une augmentation légère mais régulière de l’emploi, assez constante dans la pêche et avec une lente augmentation des faibles effectifs dans l’aquaculture. En Amérique et en Europe, l’emploi dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture a diminué. Cependant, si l’on s’intéresse à chacune de ces activités séparément en Europe, on constate que l’emploi a continué de se développer lentement dans l’aquaculture, alors qu’il est en déclin dans la pêche depuis 2010.

FIGURE 14
DONNéES SUR L’EMPLOI DANS LA PêCHE ET L’AQUACULTURE VENTILéES PAR SEXE, 2018

Au niveau mondial, la proportion de femmes dans la main-d’œuvre totale de l’aquaculture (19 pour cent) est supérieure à celle enregistrée dans la pêche (12 pour cent) (figure 14). Dans l’ensemble, les femmes jouent un rôle crucial tout au long de la chaîne de valeur du poisson, fournissant de la main-d’œuvre dans les pêcheries commerciales et artisanales. Lorsqu’elles disposent de technologies et de capitaux appropriés, elles opèrent également comme petits entrepreneurs, en particulier dans des exploitations artisanales familiales. Dans la plupart des régions, elles sont moins employées dans la pêche hauturière et la pêche de capture à longue distance. Aux États-Unis d’Amérique, les femmes des pêcheries de l’Alaska sont principalement engagées dans les pêcheries de saumon côtières (Szymkowiak, 2020). Dans la pêche côtière artisanale, elles restent généralement à terre et se voient confier des tâches spécialisées et fastidieuses ou gèrent les petits bateaux et autres pirogues qui vont à la pêche.

L’aquaculture est promue comme un secteur de croissance important, et comme une activité qui peut renforcer l’autonomie des femmes et des jeunes, notamment en aidant les premières à prendre des décisions en ce qui concerne la consommation et la fourniture d’aliments nutritifs (FAO, 2017). Brugère et Williams (2017), cependant, rappellent qu’il faut prêter attention aux espèces qui sont élevées, aux idées préconçues sur les rôles des hommes et des femmes5, ainsi qu’au contrôle de la production afin de s’assurer que les femmes puissent effectivement gagner en autonomie et bénéficier des avantages qui pourraient en découler.

Bien que la FAO ne recueille pas systématiquement des statistiques sur l’emploi dans le secteur secondaire, nombre d’auteurs et d’organisations non gouvernementales (ONG) signalent qu’un travailleur du secteur des produits de la mer sur deux est une femme, si l’on considère à la fois les secteurs primaire et secondaire (voir l’exemple présenté dans l’encadré 2). La FAO collabore actuellement avec l’OCDE pour recueillir ces données, dont il est prévu d’évaluer la disponibilité pour d’autres pays dans les années à venir afin de renforcer la pertinence des informations relatives à l’emploi après capture/récolte et obtenir, pour le secteur de la pêche et de l’aquaculture, une évaluation plus complète qui tienne compte de l’importance de la contribution des femmes à la production, au commerce, à la sécurité alimentaire et aux moyens d’existence. Ces améliorations seront également essentielles à l’élaboration et à la conception de politiques halieutiques et aquacoles qui intègrent la dimension hommes-femmes afin de promouvoir le rôle des femmes dans le secteur et de progresser de manière pragmatique vers l’égalité des sexes. Des données ventilées par sexe, cependant, ne sont pas suffisantes pour refléter la réalité et la position réelle des femmes qui travaillent dans les différents segments de l’industrie. Les données de ce type ne reflètent pas, en particulier, les rôles et responsabilités que les femmes assument, la mesure dans laquelle celles-ci peuvent accéder aux ressources, aux biens, au crédit, à l’information, à la formation et à la technologie, et les contrôler, ni le pouvoir qu’elles détiennent (ou pas) ou la possibilité qu’elles ont de prendre des décisions ou d’accéder à des postes de direction. Il est essentiel d’adopter, parallèlement à la collecte de données, une perspective axée sur la condition féminine qui permette d’étudier les interactions et les rapports de force complexes qui s’opèrent entre les femmes et les hommes dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture. Les perceptions des rapports hommes-femmes sont profondément enracinées et varient largement au sein des cultures et entre elles. Elles peuvent, cependant, évoluer dans le temps et ne doivent pas nécessairement rester figées (FAO, 2017). Les études et approches des questions liées à l’égalité des sexes se sont multipliées, montrant que les femmes se voient souvent attribuer les rôles les plus instables, ou des postes mal ou pas du tout rémunérés qui exigent des qualifications moindres, le plus souvent dans le secteur secondaire, et qu’elles souffrent d’un manque ou d’une absence totale de reconnaissance.

L’ètat de la flotte de péche

Estimation et répartition régionale de la flotte mondiale

En 2018, le nombre total de navires de pêche dans le monde était estimé à 4,56 millions, une baisse de 2,8 pour cent par rapport à 2016. Entre 2013 et 2018, la flotte chinoise a été réduite de près de 20 pour cent, passant de 1 071 000 à 864 000 navires. L’Asie possède toujours la plus grande flotte avec 3,1 millions de navires, soit 68 pour cent du total mondial (figure 15). Ces chiffres reflètent la baisse qu’a connue la flotte asiatique à la fois en chiffres absolus et en proportion relative de la flotte mondiale pendant la dernière décennie. La flotte africaine représente désormais 20 pour cent du nombre total de navires dans le monde, tandis que celle des Amériques s’est maintenue à environ 10 pour cent. La flotte européenne compte pour un peu plus de 2 pour cent de la flotte mondiale, tandis que la part de l’Océanie est inférieure à 1 pour cent, même si dans ces régions, la pêche reste une activité importante, en particulier dans les communautés de pêche qui abritent ces flottes et où ces dernières opèrent.

FIGURE 15
RéPARTITION DES NAVIRES DE PêCHE MOTORISéS ET NON MOTORISéS PAR RéGION, EN 2018s

Après avoir atteint un nombre record de navires en 2013, la flotte de pêche chinoise a été régulièrement réduite. Cette diminution est à l’origine de la tendance à la baisse observée en Asie, mais aussi dans le monde en raison de l’importante taille de la flotte chinoise. Depuis 2000, en outre, l’Union européenne mène une politique de réduction de sa flotte. La région possède, dans son ensemble, le plus fort pourcentage de navires motorisés, soit 99 pour cent de sa flotte. Au niveau mondial, le nombre total de navires motorisés est resté stable, étant estimé à 2,86 millions, soit 63 pour cent de la flotte totale.

La figure 16 montre la répartition en pourcentage des bateaux motorisés et non motorisés par région. Elle indique également la part relative des bateaux motorisés et non motorisés de chaque région. Notez que les totaux s’élèvent à 100 pour cent pour l’ensemble des catégories, et non par région. Dans le monde, la flotte motorisée est répartie de manière inégale (figure 17), l’Asie possédant près de 75 pour cent de la flotte déclarée en 2018 (2,1 millions de bateaux), suivie de l’Afrique avec environ 280 000 bateaux. La plus grande concentration de navires non motorisés en nombres absolus se retrouve en Asie, avec plus de 947 000 bateaux selon les estimations établies pour 2018; viennent ensuite l’Afrique (avec un peu plus de 643 000 bateaux), l’Amérique latine et les Caraïbes, l’Océanie, l’Amérique du Nord et l’Europe. Ces bateaux non pontés appartenaient pour la plupart à la catégorie des bateaux de moins de 12 m de longueur hors-tout (LHT) et c’est parmi eux que figuraient les plus petites embarcations utilisées pour la pêche. L’importante proportion de bateaux non classés, qu’il s’agisse de motorisation, mais aussi, comme on le constate, de longueur et de type de bateau, souligne la nécessité de favoriser l’amélioration du degré de précision des déclarations.

FIGURE 16
PROPORTION DES NAVIRES DE PêCHE MOTORISéS ET NON MOTORISéS PAR RéGION, 2018
FIGURE 17
RéPARTITION DES NAVIRES DE PêCHE MOTORISéS PAR RéGION, EN 2018

Il y a eu à la fois une tendance mondiale à la baisse du nombre de navires de pêche, mais aussi un ajustement des totaux nationaux et régionaux suite à un processus global engagé par la FAO pour réviser et améliorer les données relatives à la flotte de pêche pour la période 1995-2017, choisie comme référence car elle permet d’élaborer et de présenter plus de 20 années de données historiques sous une forme plus détaillée. Il a été mis en place, à cette fin, une approche de travail en étroite communication avec les Membres en vue de réviser les données historiques, de découvrir de nouvelles sources de données, de corriger les erreurs et de procéder aux imputations nécessaires.

Répartition des navires par taille et importance des petits bateaux

En 2018, dans le monde, quelque 82 pour cent des bateaux de pêche motorisés (dont la classe de longueur était connue) étaient des bateaux de moins de 12 m (LHT), en majorité non pontés, ce type d’embarcation de petite taille étant prédominant dans toutes les régions (figure 18). En chiffres absolus, l’Asie comptait le plus grand nombre de bateaux de cette catégorie, suivie des Amériques (en particulier de l’Amérique latine et des Caraïbes). Seuls 3 pour cent environ des bateaux de pêche motorisés mesuraient 24 m et plus (jauge brute approximativement supérieure à 100) et c’est en Océanie, en Europe et en Amérique du Nord que la proportion de ces grands bateaux était la plus élevée. Dans le monde, la FAO a estimé qu’il y avait environ 67 800 navires de pêche d’une LHT d’au moins 24 m. Ce chiffre est le résultat du travail de collaboration présenté en détail dans l’encadré 3 et de l’approche mise en place pour améliorer la qualité et la précision des données. On notera que la déclaration des navires de taille et de type inconnus reste un facteur important, puisque les Membres dont les flottes sont parmi les plus vastes ne communiquent pas leurs statistiques par classe de longueur.

FIGURE 18
RéPARTITION DES NAVIRES DE PêCHE MOTORISéS PAR TAILLE ET PAR RéGION, EN 2018

Malgré la prédominance des petits navires dans le monde, leur dénombrement est sans doute moins précis, car, contrairement aux navires industriels, ils ne sont souvent pas soumis à des exigences en matière de licence et d’enregistrement. En outre, même lorsqu’ils sont enregistrés, ils peuvent ne pas être pris en compte dans les statistiques nationales. Le manque d’information et de déclaration est particulièrement aigu pour les flottes continentales, qui sont souvent entièrement omises des registres nationaux ou locaux. En ce qui concerne l’Europe, bien que les données semblent indiquer une augmentation du nombre de navires opérant dans les eaux continentales, cela ne fait que refléter un changement dans le mode de déclaration. Les données ne permettent toujours pas une ventilation précise entre les flottes marines et les flottes continentales. Pour améliorer cette situation, cependant, il est mené, dans le cadre d’initiatives telles que celles décrites dans la section «Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles», des travaux qui se concentrent sur la pêche artisanale et les mesures que la FAO prend actuellement pour améliorer la qualité des données et leur communication. Les informations relatives aux navires (dont les meilleures sources sont les registres) non seulement permettent aux pays de rendre compte de leur nombre, ce qui aide à mettre en place une gestion des pêches plus éclairée, mais constituent également une première étape essentielle pour reconnaître et officialiser les activités de pêche artisanale et leurs acteurs régionaux et mondiaux.

Le tableau 13 indique le nombre de navires déclarés par certains pays et territoires de chaque région, répartis par classe de longueur (LHT) et par type (motorisé ou non). Ces pays et territoires fournissent des données fiables et offrent une bonne représentation régionale. Bien que ces chiffres ne soient pas nécessairement représentatifs de la moyenne de chaque région, il est à noter que seuls 7 des 28 pays et territoires qui figurent dans le tableau comptaient au moins 200 navires d’une LHT supérieure à 24 m. En général, les navires non motorisés représentaient une composante mineure de la flotte nationale, à l’exception du Bénin, où ils constituaient la grande majorité, ainsi que du Cambodge et de Sri Lanka, où ils représentaient jusqu’à 50 pour cent du total. Dans les pays sélectionnés d’Amérique latine et des Caraïbes, la grande majorité des navires étaient motorisés, tendance également observée en Océanie et en Europe. Une étude récente (Rousseau et al., 2019) a confirmé que bien que les petits bateaux constituent une part importante de la flotte motorisée mondiale en nombre, ils ne représentent toujours pas la plus grande part de la puissance motrice totale. L’étude a également révélé que les grands navires, qui comptent pour environ 5 pour cent de la flotte, représentent plus de 33 pour cent de la puissance motrice totale.

TABLEAU 13
NOMBRE DéCLARé DE NAVIRES MOTORISéS ET NON MOTORISéS, PAR CLASSE DE LONGUEUR, DANS LES FLOTTILLES DE PêCHE D’UN éCHANTILLON DE PAYS ET DE TERRITOIRES, EN 2018
Situation des ressources halieutiques

Pêche marine

Situation des ressources halieutiques

D’après l’évaluation réalisée par la FAO6, la part des stocks de poissons exploités à un niveau biologiquement durable7 à l’échelle mondiale est passée de 90 pour cent en 1974 à 65,8 pour cent en 2017 (figure 19). À l’inverse, le pourcentage des stocks exploités à un niveau biologiquement non durable a augmenté, en particulier à la fin des années 1970 et dans les années 1980, passant de 10 pour cent en 1974 à 34,2 pour cent en 2017. Tous les stocks de poissons sont pris en compte de la même manière dans ces calculs, indépendamment de leur biomasse et des captures. S’agissant des débarquements, 78,7 pour cent des poissons débarqués actuellement proviennent de stocks exploités à un niveau biologiquement durable.

FIGURE 19
ÉVOLUTION DE LA SITUATION DES STOCKS DE POISSONS MARINS MONDIAUX, DE 1974 à 2017

En 2017, les stocks exploités au niveau durable maximal représentaient 59,6 pour cent des stocks évalués, contre 6,2 pour cent pour les stocks sous-exploités. La proportion de stocks sous-exploités a diminué de façon régulière de 1974 à 2017, tandis que celle des stocks exploités au niveau durable maximal a baissé de 1974 à 1989 pour ensuite remonter et atteindre 59,6 pour cent en 2017.

En 2017, parmi les zones statistiques principales de la FAO, la mer Méditerranée et mer Noire (zone 37) affichait le pourcentage le plus élevé (62,5 pour cent) de stocks exploités à un niveau non durable, suivie du Pacifique Sud-Est (zone 87), avec 54,5 pour cent, et de l’Atlantique Sud-Ouest, avec 53,3 pour cent (figure 20). En revanche, c’est dans le Pacifique Centre-Est (zone 77), le Pacifique Sud-Ouest (zone 81), le Pacifique Nord-Est (zone 67) et le Pacifique Centre-Ouest (zone 71) que l’on trouvait les pourcentages les plus faibles (de 13 à 22 pour cent) de stocks exploités à un niveau biologiquement non durable. Dans les autres zones, les pourcentages oscillaient entre 21 et 44 pour cent en 2017 (figure 20).

FIGURE 20
PROPORTION DES STOCKS EXPLOITéS à DES NIVEAUX BIOLOGIQUEMENT DURABLES ET NON DURABLES, PAR ZONE STATISTIQUE DE LA FAO, EN 2017

La répartition dans le temps des débarquements varie d’une zone à l’autre selon la productivité des écosystèmes, l’intensité de la pêche, la gestion des pêches et l’état des stocks de poissons. En général, si l’on exclut les zones arctique et antarctique, où les débarquements sont peu importants, on peut observer trois groupes distincts (figure 21): i) les zones caractérisées par une augmentation ininterrompue des captures depuis 1950; ii) les zones caractérisées par une fluctuation des captures autour d’une valeur globalement stable depuis 1990, et marquées par une prépondérance d’espèces pélagiques à courte durée de vie; iii) les zones affichant une tendance générale à la baisse après avoir atteint des pics historiques. Le premier groupe affiche le pourcentage le plus élevé (71,5 pour cent) de stocks exploités à un niveau biologiquement durable par rapport aux deuxième (64,2 pour cent) et troisième groupes (64,5 pour cent). Établir un lien entre l’évolution des captures et l’état des stocks n’est pas chose facile. Alors qu’une tendance à la hausse semble généralement indiquer une amélioration de l’état des stocks ou un accroissement de l’intensité de pêche, une tendance à la baisse sera sans doute davantage associée à une diminution de l’abondance. Un recul des captures peut pourtant trouver son origine ailleurs, par exemple dans des changements environnementaux ou des mesures visant à réduire l’intensité de pêche pour reconstituer les stocks surexploités.

FIGURE 21
LES TROIS MODES DE RéPARTITION DANS LE TEMPS DES DéBARQUEMENTS DE POISSONS, DE 1950 à 2017
Situation et tendances: principales espèces

La productivité et l’état des stocks varient aussi fortement d’une espèce à l’autre. En 2017, 69,0 pour cent des stocks des 10 espèces les plus importantes en termes de débarquements entre 1950 et 2017 – l’anchois du Pérou, le lieu d’Alaska, le hareng de l’Atlantique, la morue de l’Atlantique, le maquereau espagnol du Pacifique, le chinchard du Chili, le pilchard du Japon, le listao, le pilchard sud-américain et le capelan – ont été exploités à un niveau biologiquement durable, soit un peu plus que la moyenne mondiale. Parmi ces 10 espèces, le chinchard du Chili, la morue de l’Atlantique et le pilchard du Japon se caractérisent par un pourcentage de stocks surexploités légèrement supérieur à la moyenne.

Les thonidés revêtent une grande importance en raison de leurs volumes de capture élevés, de leur grande valeur économique et du vaste commerce dont ils font l’objet à l’échelle internationale. Par ailleurs, le caractère fortement migratoire de ces espèces et leur distribution qui se chevauche souvent, constituent autant d’obstacles supplémentaires à leur gestion durable. Les sept espèces de thons qui présentent une importance commerciale à l’échelle mondiale sont le germon (Thunnus alalunga), le thon obèse (Thunnus obesus), le listao (Katsuwonus pelamis), l’albacore (Thunnus albacares) et trois espèces de thon rouge (Thunnus thynnus, Thunnus maccoyii et Thunnus orientalis). Au total, leurs débarquements se sont chiffrés à 5,03 millions de tonnes en 2017, soit un volume supérieur de 5 pour cent à celui enregistré en 2015, mais inférieur de 1 pour cent au record atteint en 2014.

D’après les estimations, 33,3 pour cent des stocks des sept principales espèces de thon étaient exploités à un niveau biologiquement non durable en 2017, contre 66,6 pour cent à un niveau biologiquement durable. Trois stocks qui étaient auparavant évalués à un niveau non durable se situent maintenant à un niveau durable, dont ceux du thon obèse du Pacifique Est et Ouest et de l’albacore du Pacifique Est.

Les stocks de thon sont généralement bien évalués et il n’y a que très peu d’espèces principales dont l’état des stocks n’est pas connu. En revanche, la plupart des espèces de thon secondaires et/ou des espèces apparentées ne sont pas évaluées ou le sont avec un degré élevé d’incertitude. La demande de thon reste élevée sur les marchés, et l’on observe toujours une surcapacité considérable des flottilles de pêche thonière. Une gestion efficace, notamment par l’application de mesures d’encadrement des captures, s’impose pour reconstituer les stocks surexploités et maintenir les autres stocks à un niveau durable, et des efforts supplémentaires non négligeables doivent être consentis pour assurer la collecte, la communication et l’évaluation des données concernant les espèces de thon et espèces apparentées de moindre importance.

Situation et tendances: zones de pêche

Sur l’ensemble des zones de pêche de la FAO, c’est dans le Pacifique Nord-Ouest que la production est la plus importante: 25 pour cent des débarquements à l’échelle mondiale ont été réalisés dans cette zone en 2017. Le volume total de captures y a oscillé entre 17 millions et 24 millions de tonnes dans les années 1980 et 1990 et était d’environ 22,2 millions de tonnes en 2017. Si le pilchard du Japon (Sardinops melanostictus) et le lieu d’Alaska (Theragra chalcogramma) étaient généralement les espèces les plus productives, avec des volumes record de 5,4 millions et 5,1 millions de tonnes, respectivement, les captures ont fortement chuté au cours des 25 dernières années. À l’inverse, les débarquements d’encornets, de seiches, de poulpes et de crevettes ont énormément augmenté depuis 1990. Deux stocks d’anchois japonais (Engraulis japonicus) étaient surexploités en 2017, et deux stocks de lieu d’Alaska étaient exploités à un niveau durable tandis qu’un troisième était surexploité. Globalement, dans le Pacifique Nord-Ouest, environ 65,4 pour cent des stocks de poissons faisant l’objet d’un suivi par la FAO (ci-après désignés comme les «stocks évalués») étaient exploités à un niveau biologiquement durable en 2017, et 34,6 pour cent étaient exploités au-delà de ce seuil.

Dans le Pacifique Centre-Est, les captures ont fluctué entre 1,5 et 2,0 millions de tonnes au cours des dernières décennies. Au total, elles ont atteint 1,7 million de tonnes en 2017, dont une part considérable provenait de stocks de poissons pélagiques de petite taille et de taille moyenne (y compris des stocks importants de pilchard de Californie, d’anchois et de chinchard gros yeux), d’encornets et de crevettes. Ces stocks d’espèces à courte durée de vie sont naturellement plus sensibles à la variation des conditions océanographiques, qui fait fluctuer la production même si le taux de pêche est fixé à un niveau durable. La surpêche touche actuellement certaines ressources côtières de grande valeur, comme les mérous et les crevettes. Le pourcentage des stocks évalués de la zone Pacifique Centre-Est qui sont exploités à un niveau biologiquement durable s’établit à 86,7 pour cent et n’a pas changé depuis 2015.

Le Pacifique Sud-Est a produit 7,2 millions de tonnes de poisson en 2017, soit environ 10 pour cent des débarquements à l’échelle mondiale. Les deux espèces les plus productives, à savoir l’anchois du Pérou (Engraulis ringens) et l’encornet géant (Dosidicus gigas), ont donné lieu à des débarquements de près de 4,0 millions et 0,76 million de tonnes, respectivement. Bien que l’on considère que ces espèces sont exploitées à un niveau biologiquement durable, l’état de l’encornet géant au large de la côte chilienne suscite tout de même une certaine inquiétude. Le chinchard du Chili (Trachurus murphyi) et le maquereau espagnol du Pacifique (Scomber japonicus) sont eux aussi exploités à un niveau biologiquement durable. En revanche, le pilchard sud-américain (Sardinops sagax) demeure gravement surexploité, tandis que la légine australe (Dissostichus eleginoides) est actuellement exploitée à un niveau non durable. Au total, 45 pour cent des stocks évalués dans le Pacifique Sud-Est sont actuellement exploités à un niveau durable.

La tendance générale dans l’Atlantique Centre-Est est à la hausse des captures, avec toutefois certaines fluctuations depuis la moitié des années 1970. Le volume des captures en 2017 s’est établi à 5 millions de tonnes, soit le niveau record de la série chronologique. La sardine commune (Sardina pilchardus) est de loin l’espèce la plus importante dans cette zone: environ 1 million de tonnes de captures y sont déclarées tous les ans depuis 2014, et les stocks sont encore sous-exploités. Les captures d’allache (Sardinella aurita), autre espèce importante de petit pélagique, suivent quant à elles une tendance générale à la baisse depuis 2001; elles étaient d’environ 220 000 tonnes en 2017, ce qui représente seulement 50 pour cent environ de leur niveau record. Cette espèce est considérée comme étant surexploitée. On sait que les ressources démersales font l’objet d’une pêche intense dans la région, et l’état de leurs stocks varie, certains étant évalués à un niveau durable et d’autres à un niveau non durable. Au total, 57,2 pour cent des stocks évalués de l’Atlantique Centre-Est se situaient à un niveau biologiquement durable en 2017.

Dans l’Atlantique Sud-Ouest, le volume total des captures était en hausse jusqu’à la moitié des années 1980 et oscille depuis lors entre 1,8 million et 2,6 millions de tonnes. Il a été évalué à 1,8 million de tonnes en 2017, soit 25 pour cent de moins qu’en 2015. L’encornet rouge argentin (Illex argentinus) est l’espèce la plus présente dans les débarquements effectués dans cette zone et représente 10 à 40 pour cent de l’ensemble des captures dans la région. Le volume total des débarquements de cette espèce a néanmoins fortement chuté, passant de plus de 1,0 million de tonnes en 2015 à 360 000 tonnes en 2017. Les captures de grenadier de Patagonie (Macruronus magellanicus) et de merlan bleu austral (Micromesistius australis) sont en régression constante depuis ces 20 dernières années. En ce qui concerne le merlu d’Argentine (Merluccius hubbsi), deuxième espèce la plus importante dans les débarquements effectués dans la région, les volumes de capture sont restés stables, autour de 350 000 tonnes, au cours des dix dernières années. Cette espèce demeure toutefois exploitée à un niveau non durable, bien que l’on observe des signes indiquant une lente reconstitution des stocks. Globalement, 46,7 pour cent des stocks évalués dans l’Atlantique Sud-Ouest étaient exploités à un niveau biologiquement durable en 2017, soit 4 pour cent de plus qu’en 2015.

Le volume des débarquements dans le Pacifique Nord-Est en 2017 est resté identique à celui de 2013, aux alentours de 3,3 millions de tonnes. Depuis, aucun changement majeur n’a été constaté au niveau de la répartition des espèces dans les captures. Le lieu d’Alaska (Theragra chalcogramma) est toujours l’espèce la plus abondante et représente environ 50 pour cent du total des débarquements. La morue du Pacifique (Gadus microcephalus), le merlu et la sole comptent également pour une part importante des captures. Le saumon, la truite et l’éperlan ont connu de fortes variations d’une année à l’autre au cours de la dernière décennie; leurs captures ont oscillé entre 0,3 et 0,5 million de tonnes pendant cette période et ont atteint 480 000 tonnes en 2017. Tous les stocks évalués dans l’Atlantique Sud-Ouest semblent être gérés à un niveau durable, à l’exception des stocks de saumon. Au total, 83,9 pour cent des stocks évalués se situaient à un niveau biologiquement durable en 2017.

L’Atlantique Nord-Est s’est classée en troisième position des zones de pêche les plus productives en 2017, avec des prises atteignant un volume de 9,3 millions de tonnes. Après un pic à 13 millions de tonnes en 1976, les débarquements ont chuté, avant de remonter dans les années 1990 et de se stabiliser autour de 70 pour cent du niveau record. Les ressources présentes dans cette zone ont été soumises à une pression de pêche extrême à la fin des années 1970 et au début des années 1980. Depuis, face à l’épuisement des ressources qui en a résulté, les pays se sont efforcés de réduire la pression exercée par la pêche pour reconstituer les stocks surexploités. L’état de la plupart des stocks est demeuré inchangé depuis 2015, mais des signes encourageants sont à noter puisque certains stocks ne sont plus classés comme étant surexploités. Dans l’Atlantique Nord-Est, 79,3 pour cent des stocks évalués étaient exploités à un niveau biologiquement durable en 2017.

Dans l’Atlantique Nord-Ouest, la production a été évaluée à 1,84 million de tonnes de poisson en 2017, et la tendance à la baisse observée depuis le pic enregistré au début des années 1970 (4,5 millions de tonnes) s’est poursuivie. Le groupe composé de la morue de l’Atlantique (Gadus morhua), du merlu argenté (Merluccius bilinearis), de la merluche blanche (Urophycis tenuis) et de l’églefin (Melanogrammus aeglefinus) ne montre pas de signes encourageants de relèvement: en effet, les débarquements stagnent aux alentours de 0,1 million de tonnes depuis la fin des années 1990, ce qui ne représente que 5 pour cent du volume record de 2,2 millions de tonnes enregistré pour le groupe. Malgré une forte diminution des captures, les stocks ne se sont pas encore reconstitués. Cette absence d’amélioration peut sans doute être attribuée en grande partie à des facteurs environnementaux, même si des mesures de gestion plus poussées s’imposent. En revanche, les captures de homard américain (Homarus americanus) ont connu une croissance rapide, atteignant 160 000 tonnes en 2017. Au total, 56,2 pour cent des stocks évalués dans l’Atlantique Nord-Ouest se situaient à un niveau biologiquement durable en 2017.

Dans l’Atlantique Centre-Ouest, après un pic de 2,5 millions de tonnes en 1984, le volume des captures a baissé progressivement pour chuter à 1,2 million de tonnes en 2014 avant de repartir légèrement à la hausse jusqu’à atteindre 1,5 million de tonnes en 2017. Pour ce qui est de certaines espèces importantes, telles que le menhaden écailleux (Brevoortia patronus), l’allache (Sardinella aurita) et le listao (Katsuwonus pelamis), on assiste certes à un amenuisement des prises, mais on estime que leurs stocks se situent à un niveau biologiquement durable. Le vivaneau et le mérou sont exploités de manière intensive depuis les années 1960, mais une partie de leurs stocks commence à se reconstituer dans le golfe du Mexique grâce à des mesures de gestion plus strictes. On constate que des espèces d’invertébrés de grande valeur, comme la langouste blanche (Panulirus argus) et le strombe rose (Lobatus gigas), sont exploitées au maximum, tout comme les ressources crevettières dans le golfe du Mexique. Cela étant, certains stocks de crevettes pénéidées des Caraïbes et du plateau des Guyanes ne montrent aucun signe de relèvement depuis quelques années, et ce, malgré une réduction de l’effort de pêche. Les stocks d’huître creuse américaine (Crassostrea virginica) dans le golfe du Mexique sont maintenant touchés par la surexploitation. Dans l’Atlantique Centre-Ouest, 61,4 pour cent des stocks évalués étaient exploités à un niveau biologiquement durable en 2017.

Dans l’Atlantique Sud-Est, les débarquements suivent une tendance à la baisse depuis le début des années 1970; d’un total de 3,3 millions de tonnes, ils sont passés à 1,6 million de tonnes en 2017, ce qui constitue une légère amélioration par rapport au niveau de 2013 (1,3 million de tonnes). Le chinchard et le merlu font vivre les principales pêcheries de la région, et leurs stocks, y compris ceux du merlu profond et du merlu côtier au large de la Namibie et de l’Afrique du Sud, ont retrouvé un niveau biologiquement durable grâce à un bon recrutement et aux mesures de gestion strictes adoptées depuis 2006. Les stocks de pilchard de l’Afrique australe (Sardinops ocellatus) restent en très mauvais état, situation qui appelle des mesures de conservation spéciales de la part de la Namibie et de l’Afrique du Sud. Les stocks d’allache (Sardinella aurita et Sardinella maderensis), très importants au large de l’Angola et partiellement en Namibie, ont conservé un niveau biologiquement durable. La sardine de l’Angola (Etrumeus whiteheadi) est quant à elle sous-exploitée, tandis que le chinchard du Cunène (Trachurus trecae) a continué de faire l’objet d’une surexploitation en 2017. Enfin, les stocks d’ormeau de Mida (Haliotis midae), cible privilégiée de la pêche illicite, ont continué de se dégrader et restent surexploités. Au total, 67,6 pour cent des stocks évalués dans l’Atlantique Sud-Est se situaient à un niveau biologiquement durable en 2017.

Après avoir atteint un sommet historique d’environ 2 millions de tonnes vers le milieu des années 1980, les débarquements dans la Méditerranée et la mer Noire ont chuté à 1,1 million de tonnes en 2014 avant de stagner aux alentours de 1,3 million de tonnes par an à partir de 2015. Les stocks démersaux de la région affichent un taux de mortalité par pêche supérieur à celui des stocks de petits pélagiques. D’importants stocks commerciaux de merlu (Merluccius merluccius) et de turbot (Scophthalmus maximus) font l’objet d’une pêche particulièrement intensive, tandis que de nombreux stocks d’anchois (Engraulis encrasicolus) et de sardine commune (Sardina pilchardus) présentent une biomasse inférieure au niveau biologiquement durable. En dépit de la tendance à la baisse que suivent depuis quelques années les niveaux de pêche de certains stocks (comme le turbot en mer Noire), la région reste confrontée à une surpêche préoccupante. En 2017, 37,5 pour cent des stocks évalués en Méditerranée et mer Noire étaient exploités à un niveau biologiquement durable8.

L’augmentation linéaire de la production observée dans le Pacifique Centre-Ouest depuis 1950 s’est poursuivie en 2017: on y a enregistré le deuxième volume de débarquements le plus important, avec 12,6 millions de tonnes, soit 16 pour cent du total à l’échelle mondiale. Les principales espèces pêchées sont des thonidés et espèces apparentées (environ 21 pour cent de l’ensemble des débarquements). Les sardinelles et les anchois sont également des espèces importantes dans la région. Si les espèces de poissons y sont très variées, les données sur les captures sont rarement ventilées par espèce. Les débarquements sont souvent déclarés sous les dénominations «poissons côtiers divers», «poissons pélagiques divers» et «poissons marins non identifiés», catégories qui représentaient 6,1 millions de tonnes en 2017, soit près de 50 pour cent de l’ensemble des débarquements dans la région. Les stocks considérés comme étant sous-exploités sont rares, en particulier dans la partie ouest de la mer de Chine méridionale. Le maintien de niveaux de captures élevés s’explique probablement par le développement de l’activité de pêche dans de nouvelles zones ou par l’évolution des niveaux trophiques des espèces ciblées. Les caractéristiques tropicales et subtropicales de la région et le manque de données disponibles compliquent l’évaluation des stocks et l’entourent d’un degré élevé d’incertitude. Dans l’ensemble de la zone Pacifique Centre-Ouest, 77,6 pour cent des stocks évalués étaient exploités à un niveau biologiquement durable en 2017.

Les captures dans la zone Océan Indien Est ont atteint un sommet historique de 7 millions de tonnes en 2017, poursuivant ainsi leur croissance ininterrompue. Il est cependant difficile de savoir si cette augmentation continue découle de changements au niveau des modes d’exploitation ou de la productivité des ressources ou si elle n’est que le reflet des difficultés rencontrées dans la collecte et la communication des données. Le suivi de la production de la pêche de capture est particulièrement laborieux dans les régions du golfe du Bengale et de la mer d’Andaman en raison des particularités propres à la pêche artisanale et à la pêche plurispécifique. Faute de données suffisantes, l’état de la plupart des stocks de la région n’a pas pu être correctement évalué et, du fait de ce degré élevé d’incertitude, la prudence doit être de mise. D’après les informations disponibles, les stocks d’alose toli (Tenualosa toli), de courbine et de tambour (Sciaenidae), de poisson-sabre (Trichiurus), de poisson-chat (Ariidae), de sardinelle (Sardinella spp.) et de sardinelle indienne (Sardinella longiceps) sont probablement surexploités, tandis que l’anchois (Engraulidae), l’alose hilsa (Tenualosa ilisha), le maquereau des Indes (Rastrelliger kanagurta), la comète (Decapterus spp.), la crevette banane (Penaeus merguiensis), la crevette géante tigrée (Penaeus monodon), l’encornet (Sepiidae) et la seiche (Sepiolidae) sont exploités à un niveau durable. L’évaluation actuelle révèle que 68,6 pour cent des stocks évalués dans l’océan Indien oriental étaient exploités à un niveau biologiquement durable en 2017.

Dans la zone Océan Indien Ouest, le volume total des débarquements a continué d’augmenter et a atteint 5,3 millions de tonnes en 2017. Il ressort d’évaluations récentes que les principaux stocks de crevette pénéidée exploités dans le sud-ouest de l’océan Indien, qui constituent une source majeure de recettes d’exportation, continuent de montrer des signes évidents de surexploitation, ce qui incite les pays concernés à adopter des mesures de gestion plus strictes. La Commission des pêches pour le Sud-Ouest de l’océan Indien continue d’actualiser l’évaluation de l’état des principaux stocks exploités dans la région. D’après les résultats de 2017, 66,7 pour cent des stocks évalués dans la zone Océan Indien Ouest seraient exploités à un niveau biologiquement durable et 33,3 pour cent à un niveau biologiquement non durable.

Perspectives de reconstitution des stocks marins mondiaux

À l’échelle mondiale, 34,2 pour cent des stocks de poissons exploités par les pêcheries marines étaient considérés comme étant surexploités en 2017. Cette tendance à la hausse continue (figure 19) appelle des efforts supplémentaires et des actions concrètes de lutte contre la surpêche. La surpêche, c’est-à-dire l’exploitation des stocks à un niveau d’abondance inférieur au seuil de rendement maximal durable (RMD), ne nuit pas seulement à la biodiversité et au fonctionnement des écosystèmes; elle entraîne également une baisse de la production halieutique, qui aura à son tour des conséquences négatives aux plans social et économique. D’après une étude (Ye et al., 2013), la reconstitution des stocks surexploités à un niveau de biomasse suffisant pour obtenir un RMD pourrait accroître la production halieutique de 16,5 millions de tonnes et les recettes annuelles de 32 milliards de dollars des États-Unis (ci-après dollars), ce qui permettrait à la pêche marine de contribuer davantage à la sécurité alimentaire, à l’économie et au bien-être des communautés côtières. La situation semble plus critique pour certaines ressources hautement migratoires, ressources chevauchantes et autres ressources halieutiques pêchées uniquement ou partiellement en haute mer. À cet égard, l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons chevauchants, en vigueur depuis 2001, devrait servir de cadre juridique pour la mise en place de mesures de gestion de la pêche en haute mer.

S’agissant des objectifs de développement durable (ODD), à en juger par la situation en 2017, la réalisation de la cible 14.4 (mettre un terme à la surpêche en mer d’ici à 2020) paraît improbable. Sa concrétisation prendra du temps et exigera:

  • une volonté politique plus forte, en particulier au plan national;

  • une amélioration des moyens institutionnels et des capacités en matière de gouvernance, un transfert de technologies et un renforcement des capacités aux fins de l’application de pratiques de gestion optimales fondées sur des éléments scientifiques;

  • des mesures d’encadrement de la capacité et de l’intensité de pêche qui permettent de préserver la productivité des ressources;

  • une transformation de l’idée que se font les consommateurs de cette problématique au moyen de mécanismes axés sur le marché et d’initiatives de sensibilisation;

  • un renforcement du système de suivi mondial aux fins de la communication d’informations transparentes et actualisées au public.

L’augmentation continue du pourcentage des stocks exploités à un niveau biologiquement non durable cache peut-être des écarts entre les progrès accomplis dans les différentes régions. En général, une gestion intensive de la pêche est associée à une baisse de la pression de pêche moyenne et à une augmentation de la biomasse des stocks, pour certains jusqu’à un niveau biologiquement durable, alors que les pêcheries encadrées par des mesures de gestion moins rigoureuses sont en mauvais état (encadré 4). Ces progrès irréguliers montrent qu’il faut de toute urgence, d’une part, transposer les politiques et les mesures qui ont donné des résultats et les adapter aux réalités des différentes pêcheries et, d’autre part, se concentrer sur la création de mécanismes permettant d’appliquer correctement ces politiques et réglementations dans les pêcheries faisant l’objet d’une gestion insuffisante.

Pêche continentale

On trouve des bassins exploités par la pêche de capture continentale aux quatre coins du monde. Certains, comme les Grands Lacs en Afrique, le bassin inférieur du Mékong, les bassins péruvien et brésilien de l’Amazone et les bassins du Brahmapoutre et de l’Ayeyarwady, sont une source majeure de poisson destiné à l’alimentation des populations à l’échelle nationale ou régionale. Dans d’autres bassins, la production, bien que modeste, est susceptible de contribuer de manière non négligeable à l’alimentation locale (par exemple, dans les régions intérieures de Sri Lanka ainsi qu’à Sumatra et Kalimantan, en Indonésie). La répartition par bassin, sous-bassin et grande étendue d’eau des données nationales relatives aux captures de la pêche continentale donne une image plus fidèle des zones dans lesquelles cette activité est pratiquée (figure 22).

FIGURE 22
ESTIMATION DES CAPTURES DE LA PêCHE CONTINENTALE DANS LES PRINCIPALES RéGIONS HYDROLOGIQUES ET LES BASSINS FLUVIAUX DANS LESQUELLES ELLES ONT éTé PRODUITES, EN POURCENTAGE DU TOTAL DES CAPTURES DE LA PêCHE CONTINENTALE à L’éCHELLE MONDIALE

Le tableau 14 présente les 60 bassins hydrologiques ou fluviaux qui contribuent le plus aux captures de poissons en eaux continentales à l’échelle mondiale. Au total, 50 pour cent des captures mondiales proviennent des sept bassins les plus importants, lesquels sont d’ailleurs associés à des niveaux de consommation de poisson par habitant parmi les plus élevés au monde.

TABLEAU 14
POURCENTAGE DES CAPTURES MONDIALES DE POISSON DANS LES PRINCIPAUX BASSINS HYDROLOGIQUES/FLUVIAUX

On retrouve quelques-unes des zones de pêche continentale les plus importantes au monde dans des bassins ou des systèmes fluviaux qui sont gravement menacés par des pressions liées à l’action humaine et à des phénomènes environnementaux naturels. Malheureusement, le suivi systématique de la situation de la pêche de capture y est souvent limité, voire inexistant (voir la section «Améliorer l’évaluation de la pêche continentale mondiale»). La pêche continentale étant extrêmement sensible aux variations des conditions environnementales et climatiques, auxquelles s’ajoutent les incidences des activités de pêche, la production varie fortement d’une année à l’autre et au cours d’une même année. La pression de pêche dans les eaux continentales est fonction de plusieurs éléments: densité de population humaine, productivité primaire et production secondaire de l’étendue d’eau, facilité d’accès à la zone de pêche, importance socioéconomique du poisson pêché en eaux continentales et disponibilité d’autres produits alimentaires et moyens d’existence.

Les phénomènes environnementaux, qu’ils soient d’origine naturelle ou anthropique, influent sur les habitats aquatiques, les débits des cours d’eau, la connectivité des habitats et la qualité de l’eau. La variabilité du climat et les effets saisonniers influencent également les cycles annuels à court terme et les tendances prolongées. L’agriculture (y compris l’irrigation), l’urbanisation, l’industrie et la construction de barrages sont autant d’activités humaines qui ont de lourdes répercussions sur l’eau et les écosystèmes aquatiques. La situation de la pêche continentale est déterminée par les interactions entre tous ces facteurs, le plus souvent au sein des bassins versants et des bassins fluviaux, ce qui illustre les relations qui existent entre les ressources en eau, les écosystèmes aquatiques et la pêche.

En 2018, la FAO a publié un document dressant un tableau général de la situation de la pêche continentale dans le monde (Funge-Smith, 2018), dans lequel sont également analysées les solutions qui permettraient d’améliorer l’évaluation de ces activités.

Tendances

Les statistiques de la FAO sur les captures de la pêche continentale couvrant la période 2007-2016 révèlent une tendance globale caractérisée par une augmentation constante de la production à l’échelle mondiale. Cette tendance peut néanmoins être trompeuse: elle fait en effet apparaître une croissance continue, au fil du temps, qui peut s’expliquer en partie par l’amélioration de la communication des informations et de l’évaluation à l’échelle des pays et n’est pas nécessairement liée à une hausse de la production. Les progrès réalisés au niveau de la communication des informations peuvent également occulter une baisse de la production dans certains pays.

Afin de mieux comprendre ce qui se cache derrière cette tendance mondiale, il a été procédé à une analyse des captures dans chaque pays durant la période 2007-2016. Une analyse à l’échelle nationale (à l’aide du test de Mann-Kendall, qui permet de déterminer des tendances avec un niveau de confiance de 90 pour cent) peut donner des indications quant à l’évolution des captures dans des pays donnés et ainsi permettre de mieux cerner comment cette évolution influence la tendance mondiale des captures de la pêche continentale. Les pays qui contribuent de manière positive à la croissance de la pêche continentale, de même que ceux qui n’affichent pas de tendance claire ou qui observent une baisse des captures, peuvent ainsi être mis en évidence.

Il convient de noter qu’il n’a pas été possible de prendre en compte les 153 pays concernés par la production de la pêche continentale. En effet, certains d’entre eux n’étant pas assez réguliers dans leur communication d’informations à la FAO, il faut estimer leurs captures; toutefois, afin que l’analyse s’appuie sur des rapports nationaux (et non sur des estimations de la FAO), les pays n’ayant déclaré des captures provenant des eaux continentales que sept fois ou moins au cours de la décennie visée en ont été exclus. Ils étaient au nombre de 43 et représentaient 15,1 pour cent (1 756 309 tonnes) des captures mondiales de la pêche continentale pour 2016. Les 110 pays restants ont été analysés au moyen du test Mann-Kendall (niveau de confiance de 90 pour cent) en vue de dégager la tendance suivie par leur production déclarée (tableau 15).

TABLEAU 15
TENDANCES DE LA PRODUCTION ET CONTRIBUTION RELATIVE AUX CAPTURES MONDIALES

Au total, 37 pays ont fait état d’une augmentation de la production au cours de la décennie considérée, avec un volume global représentant 58,7 pour cent des captures de poisson en eaux continentales à l’échelle mondiale (figure 22). Les principaux pays responsables de cette tendance étaient la Chine, l’Inde, le Cambodge, l’Indonésie, le Nigéria, la Fédération de Russie et le Mexique.

En revanche, 28 pays ont déclaré une baisse de leur production, celle-ci représentant 5,9 pour cent des captures mondiales. Cette tendance est principalement imputable au Brésil, à la Thaïlande, au Viet Nam et à la Turquie, qui affichent tous les quatre une production aquacole non négligeable. Sachant que la pêche continentale y demeure extrêmement importante au niveau infranational (notamment dans les pays des bassins du Mékong et de l’Amazone), cette baisse n’est pas à prendre à la légère.

Les captures sont restées stables dans 27 pays, ce qui signifie que la tendance observée dans les captures déclarées ne connaît pas ou quasiment pas de variations. Les pays qui contribuent le plus à cette stabilité sont la République-Unie de Tanzanie, la République démocratique du Congo, le Mali et le Kazakhstan. L’ensemble des pays de ce groupe comptabilisent 7,7 pour cent des captures mondiales de la pêche continentale. Les 17 pays restants n’ont révélé aucune tendance marquée à la hausse ou à la baisse des captures. Ce dernier groupe représente 12,6 pour cent des captures mondiales de poisson en eaux continentales, avec en première place le Bangladesh, suivi de l’Égypte et de la Zambie.

En conclusion, l’augmentation de la production mondiale de la pêche continentale peut être attribuée à 34 pays, parmi lesquels environ huit producteurs relativement importants en sont les principaux responsables. Les 24 pays ayant fait état d’une baisse des captures contribuent relativement peu à la production mondiale, mais certains enregistrent une production halieutique non négligeable dans les eaux continentales qui revêt une grande importance pour les régimes alimentaires locaux.

Utilisation et transformation du poisson

La production de la pêche et de l’aquaculture est très diversifiée sur le plan des espèces, des modes de transformation ainsi que des formes de produits, selon que ceux-ci sont destinés à des usages alimentaires ou non. Le poisson étant un aliment hautement périssable, il faut lui apporter un soin particulier au moment de sa capture ou de sa récolte et tout au long de la chaîne d’approvisionnement afin d’en préserver la qualité et les attributs nutritionnels, d’éviter les risques de contamination et de limiter la perte et le gaspillage. Dans ce contexte, de nombreux pays ont recours à la conservation et au conditionnement pour optimiser l’utilisation du poisson, accroître sa durée de conservation et diversifier les produits. En outre, une meilleure utilisation de la production halieutique et aquacole réduit les pertes et le gaspillage, et peut aider à amoindrir la pression exercée sur les ressources et à pérenniser le secteur.

Au cours des dernières décennies, le secteur du poisson est devenu plus complexe et plus dynamique, avec des évolutions motivées par la forte demande du secteur de la vente au détail, la diversification des espèces, l’externalisation de la transformation et le renforcement des liens au sein de la filière d’approvisionnement entre producteurs, transformateurs et détaillants. Le développement des chaînes de supermarchés et des grands détaillants dans le monde entier a accru l’influence déterminante que ces acteurs exercent sur l’établissement des critères et des normes d’accès au marché.

En outre, le développement de la commercialisation, du commerce et de la consommation de poisson et autres produits aquatiques au niveau mondial ces dernières décennies (voir les sections «Consommation de poisson», et «Commerce du poisson et produits halieutiques ou aquacoles») s’est accompagné d’une importante évolution des normes de qualité et de sécurité sanitaire des aliments, d’une amélioration des attributs nutritionnels et d’une réduction des pertes. Pour satisfaire aux normes susmentionnées et assurer la protection des consommateurs, de strictes mesures d’hygiène ont été adoptées aux niveaux national, régional et international sur la base du Code d’usages pour les poissons et les produits de la pêche établi par le Codex (Commission du Codex Alimentarius, 2016) et des indications qu’il donne aux pays sur la mise en œuvre concrète de bonnes pratiques d’hygiène et l’application du système de gestion de la sécurité sanitaire des aliments par l’analyse des risques aux points critiques (HACCP).

Produits, utilisation et tendances

En 2018, environ 88 pour cent (soit plus de 156 millions de tonnes)9 des 179 millions de tonnes de poisson produites dans le monde ont été utilisés pour la consommation humaine directe (figure 23), tandis que les 12 pour cent restants (soit environ 22 millions de tonnes) ont été utilisés à des fins non alimentaires. Sur ces derniers, 80 pour cent (environ 18 millions de tonnes) ont été réduits en farine et huile de poisson, tandis que le reste (4 millions de tonnes) a été utilisé, pour l’essentiel, aux fins suivantes: ornement, aquaculture (alevins, juvéniles ou petits adultes destinés au grossissement, par exemple), appâts, usages pharmaceutiques, alimentation d’animaux de compagnie ou matière première pour l’alimentation directe des poissons d’élevage, du bétail et des animaux à fourrure.

FIGURE 23
UTILISATION DES PRODUITS DE LA PêCHE ET DE L’AQUACULTURE DANS LE MONDE, 1962-2018

La proportion de poisson utilisé pour la consommation humaine directe a fortement augmenté par rapport aux 67 pour cent des années 1960. En 2018, le poisson vivant, frais ou réfrigéré représentait toujours la plus grande part du poisson utilisé pour la consommation humaine directe. Cette catégorie, souvent la plus prisée et la plus chère, représentait 44 pour cent de la production, suivie du poisson congelé (35 pour cent), du poisson salé, séché et fumé10 (10 pour cent) et du poisson préparé et mis en conserve (11 pour cent pour chacune de ces deux catégories). La congélation représente la principale méthode de conservation du poisson de consommation, représentant 62 pour cent du volume total du poisson transformé destiné à la consommation humaine (c’est-à-dire à l’exclusion du poisson vivant, frais ou réfrigéré).

Ces données générales masquent d’importantes différences. L’utilisation du poisson et les méthodes de transformation diffèrent fortement d’un continent, d’une région ou d’un pays à l’autre, voire à l’intérieur d’un même pays. C’est en Amérique latine, suivie de l’Asie et de l’Europe, que la part de poisson utilisée pour la réduction en farine et en huile est la plus élevée. En Afrique, la proportion de poisson salé, séché et fumé est supérieure à la moyenne mondiale. En Europe et en Amérique du Nord, la production de poisson destiné à la consommation humaine est utilisée pour environ deux tiers sous forme congelée et sous forme préparée et mise en conserve. En Asie, une grande partie de la production est vendue vivante ou fraîche aux consommateurs.

D’importantes améliorations dans la transformation ainsi que dans la réfrigération, la fabrication de glace et le transport ont permis de distribuer le poisson sur de longues distances, par-delà les frontières et sous une plus grande variété de formes. Dans les économies plus développées, la transformation du poisson s’est diversifiée, en particulier au profit de produits à forte valeur ajoutée tels que les repas prêts à consommer. Dans les pays développés, la part du poisson congelé destiné à la consommation humaine est passée de 27 pour cent dans les années 1960 à 43 pour cent dans les années 1980, pour atteindre un niveau record de 58 pour cent en 2018, tandis que la part des formes salées, séchées ou fumées a diminué, passant de 25 pour cent dans les années 1960 à 12 pour cent en 2018. Dans de nombreux pays en développement, la transformation du poisson a évolué, passant de méthodes traditionnelles à des processus plus avancés à valeur ajoutée, en fonction du produit et de la valeur marchande. Dans les pays en développement, globalement, on a vu croître la part de la production destinée à la consommation humaine sous forme congelée (passée de 3 pour cent dans les années 1960 à 8 pour cent dans les années 1980 et 31 pour cent en 2018) et sous forme préparée ou en conserve (passée de 4 pour cent dans les années 1960 à 9 pour cent en 2018). Dans les pays en développement, la part du poisson conservé par salage, fermentation, séchage et fumage, pratique très fréquente en Afrique et en Asie, est passée de 29 pour cent de la production totale de poisson destiné à la consommation humaine dans les années 1960 à 10 pour cent en 2018. Dans ces pays, cependant, le poisson continue d’être utilisé principalement sous forme vivante ou fraîche, peu après le débarquement ou la récolte dans les installations d’aquaculture, même si cette part a diminué, passant de 62 pour cent dans les années 1960 à 51 pour cent en 2018 (figure 24).

FIGURE 24
UTILISATION DES PRODUITS DE LA PêCHE ET DE L’AQUACULTURE DANS LE MONDE: PAYS DéVELOPPéS ET PAYS EN DéVELOPPEMENT, 2018

Le poisson commercialisé sous forme vivante est surtout apprécié en Asie de l’Est et du Sud-Est et sur des marchés de niche d’autres pays, principalement parmi les communautés asiatiques immigrées. En Chine et dans certains pays d’Asie du Sud-Est, le poisson vivant est commercialisé et manipulé depuis plus de 3 000 ans, les pratiques restant souvent traditionnelles et n’étant pas formellement réglementées. Or, il peut être difficile de commercialiser et de transporter des poissons vivants, ces activités étant souvent soumises à des règles sanitaires, à des normes de qualité et à des exigences de bien-être des animaux très strictes (notamment en Europe et en Amérique du Nord). Quoi qu’il en soit, la commercialisation du poisson vivant a continué de se développer ces dernières années grâce à l’amélioration de la logistique et au progrès technologique.

Qualité nutritionnelle et transformation

Les propriétés nutritionnelles du poisson peuvent varier en fonction de la façon dont il est traité et préparé. Le chauffage (par stérilisation, pasteurisation, fumage à chaud ou cuisson) réduit la quantité de nutriments thermolabiles, bien que leur concentration puisse augmenter par la cuisson, qui réduit la teneur en humidité relative des aliments, augmentant ainsi la concentration de certains nutriments. Plusieurs produits chimiques – naturels (composants de la fumée, par exemple) ou ajoutés artificiellement (antioxydants, par exemple) – peuvent réduire l’incidence du chauffage ou d’autres traitements sur la qualité nutritionnelle du poisson. La réfrigération et la congélation sont les procédés qui influent le moins sur ses attributs nutritionnels.

Produits: farine et huile de poisson

Comme indiqué précédemment, une proportion importante mais décroissante de la production mondiale de la pêche est transformée en farine et en huile de poisson. La farine de poisson est une matière protéique pulvérulente obtenue après broyage et séchage du poisson ou de parties de poisson, tandis que l’huile de poisson résulte du pressage de poisson cuit et de la centrifugation ultérieure du liquide obtenu. La farine et l’huile de poisson peuvent être produites à partir de poissons entiers, de parures de poisson ou d’autres sous-produits de la transformation du poisson. Plusieurs espèces différentes servent à la production de farine et d’huile de poisson, notamment des poissons entiers, principalement de petits pélagiques, comme l’anchois du Pérou qui est exploité en grandes quantités à cette fin.

La production de farine et d’huile de poisson fluctue en fonction des captures de ces espèces, en particulier de celles de l’anchois du Pérou, le phénomène El Niño affectant l’abondance des stocks. Au fil du temps, l’adoption de bonnes pratiques de gestion et de systèmes de certification a permis de réduire les volumes de captures non durables d’espèces destinées à la réduction en farine. La quantité utilisée pour la réduction en farine et en huile de poisson a atteint un pic en 1994, avec plus de 30 millions de tonnes, puis est tombée à moins de 14 millions de tonnes en 2014. En 2018, elle a connu une hausse et s’est établie à environ 18 millions de tonnes en raison de l’augmentation des captures d’anchois du Pérou (voir la section «Production des pêches de capture»).

Cette réduction progressive de l’offre s’est accompagnée d’une forte hausse de la demande, due à la croissance rapide de l’industrie aquacole, qui a entraîné une augmentation des prix de la farine et de l’huile de poisson. En conséquence, une part croissante de cette farine et de cette huile est produite à partir de sous-produits du poisson. On estime aujourd’hui que ces sous-produits sont utilisés pour produire 25 à 35 pour cent du volume total de farine et d’huile de poisson, avec, cependant, des différences régionales. En Europe, par exemple, l’utilisation de sous-produits a été estimée à 54 pour cent – proportion relativement élevée – de la production totale (Jackson et Newton, 2016). Comme on ne s’attend pas à une augmentation importante de la matière première provenant de poissons sauvages entiers (en particulier de petits pélagiques), toute augmentation de la production de farine de poisson devra provenir de sous-produits, dont la valeur nutritionnelle est différente, car ils sont moins riches en protéines, mais plus riches en minéraux et en acides aminés par rapport à la farine de poisson obtenue à partir de poissons entiers.

Cela dit, la farine et l’huile de poisson restent considérées comme les ingrédients les plus nutritifs et les plus digestibles pour les poissons d’élevage, ainsi que comme la principale source d’acides gras oméga 3 (acide eicosapentaénoïque [EPA] et acide docosahexaénoïque [DHA]). Cependant, leur taux d’inclusion dans les aliments composés destinés à l’aquaculture a nettement baissé du fait, en grande partie, de la variation de l’offre et des prix, associée à une demande sans cesse croissante de l’industrie des aliments pour poissons. La farine et l’huile de poisson sont de plus en plus utilisées de manière sélective à des stades de production spécifiques, comme pour les écloseries, les stocks de géniteurs et les rations de finition, tandis que leur incorporation dans les aliments destinés aux poissons en phase de grossissement diminue. Par exemple, leur part dans les aliments de grossissement destinés au saumon de l’Atlantique d’élevage est maintenant souvent inférieure à 10 pour cent.

En ce qui concerne la consommation humaine directe, l’huile de poisson représente la plus riche source disponible d’acides gras polyinsaturés à longue chaîne, qui remplissent un large éventail de fonctions essentielles pour la santé humaine. L’Organisation des ingrédients marins, cependant, estime que les trois quarts environ de la production annuelle d’huile de poisson restent utilisés dans l’alimentation aquacole (Auchterlonie, 2018). En raison de la fluctuation de la production de farine et d’huile de poisson et des variations de prix qui en découlent, de nombreux chercheurs tentent de trouver d’autres sources d’acides gras polyinsaturés, comme les stocks de grands zooplanctons marins tels que le krill antarctique (Euphausia superba) et le copépode (Calanus finmarchicus), bien que des inquiétudes subsistent quant aux incidences que cela pourrait avoir sur les réseaux trophiques marins. L’huile de krill, en particulier, est commercialisée comme complément alimentaire pour l’homme, tandis qu’un créneau se développe pour l’emploi de la farine de krill dans la production de certains aliments aquacoles. La transformation, cependant, de cette matière première pose des problèmes pratiques, notamment en raison de la nécessité de réduire sa teneur en fluor et du fait que le coût des produits à base de zooplancton est trop élevé pour qu’on puisse les inclure comme simple source d’huile ou de protéine dans les aliments pour poissons.

Le poisson ensilé, hydrolysat riche en protéines, est une solution de remplacement moins coûteuse que la farine et l’huile de poisson, et il est de plus en plus utilisé comme additif alimentaire, par exemple, en aquaculture et dans l’industrie des aliments pour animaux de compagnie. Obtenu par acidification et hydrolyse naturelle des protéines, il peut améliorer la croissance et réduire la mortalité des animaux qui en sont nourris (Kim et Mendis, 2006; Toppe et al., 2018).

Utilisation des sous-produits

Le développement de la transformation du poisson a entraîné une augmentation des quantités de sous-produits, qui peuvent représenter jusqu’à 70 pour cent du poisson transformé. Autrefois, ces sous-produits étaient souvent mis au rebut, utilisés directement comme aliments pour les poissons d’élevage, le bétail, les animaux de compagnie ou les animaux élevés pour la production de fourrure, ou encore utilisés dans l’ensilage et la production d’engrais. Depuis deux décennies, cependant, on commence à s’intéresser à d’autres modes de valorisation, car ces sous-produits peuvent représenter une source importante de nutrition et peuvent désormais être utilisés plus efficacement grâce à l’amélioration des techniques de transformation (Al Khawli et al., 2019). Leur grande quantité pose d’importants problèmes environnementaux et techniques du fait de leur forte charge microbienne et enzymatique et de leur propension à se dégrader rapidement s’ils ne sont pas traités ou stockés correctement. Il est donc essentiel de les collecter et de les traiter au plus vite en vue de leur transformation ultérieure. Ces sous-produits sont généralement composés de têtes (qui représentent 9 à 12 pour cent du poids total du poisson), de viscères (12 à 18 pour cent), de peau (1 à 3 pour cent), d’arêtes (9 à 15 pour cent) et d’écailles (environ 5 pour cent).

Les sous-produits du poisson peuvent servir à de nombreux usages. Les têtes, les carcasses, les chutes de filets et la peau peuvent être utilisées directement comme aliments ou transformées en saucisses, pâtés, gâteaux, en-cas, gélatine, soupes, sauces et autres produits destinés à la consommation humaine. Les petites arêtes encore recouvertes d’un peu de chair sont consommées en guise de collation dans certains pays. Les sous-produits sont également utilisés dans la fabrication d’aliments pour animaux (pas seulement sous forme de farine et d’huile de poisson), de biocarburants et de biogaz, de produits diététiques (chitosane), de produits pharmaceutiques (huiles oméga 3), de pigments naturels, de cosmétiques, de produits de substitution au plastique et de composants pour d’autres processus industriels.

Des enzymes et des peptides bioactifs peuvent être obtenus à partir de déchets de poisson et utilisés pour l’ensilage de poisson, l’alimentation des poissons ou la production de sauce de poisson. Il existe également une demande croissante pour les enzymes protéolytiques du poisson, qui peuvent être isolées des viscères, car elles offrent un large éventail d’applications dans les industries du cuir, des détergents, de l’alimentation et de la pharmacie, ainsi que dans les procédés de biorestauration (Mohanty et al., 2018).

Les arêtes de poisson, en plus d’être une source de collagène et de gélatine, sont également une excellente source de calcium et d’autres minéraux qui, tel le phosphore, peuvent être utilisés dans l’alimentation humaine, animale ou dans les compléments alimentaires. Les phosphates de calcium présents dans les arêtes de poisson, comme l’hydroxyapatite, peuvent aider à régénérer les os après un traumatisme ou une opération majeure. Le collagène est utilisé pour diverses applications telles que les boyaux comestibles, les cosmétiques et les matériaux biomédicaux à visée pharmaceutique. La gélatine de poisson est une solution de substitution à la gélatine bovine et peut stabiliser les émulsions, même après avoir été soumise à des changements de température, de concentration en sel et de pH. La peau de poisson, en particulier celle des gros poissons, fournit de la gélatine ainsi que du cuir pour les vêtements, les chaussures, les sacs à main, les portefeuilles, les ceintures et autres articles. Les protéines antigel des tissus de la peau des poissons des eaux polaires peuvent être utilisées pour réduire les dommages causés par le stockage de la viande congelée. De par leurs propriétés antifongiques et antibactériennes, l’épiderme, le mucus épidermique de différentes espèces de poissons, le foie, les intestins, l’estomac et les branchies de certaines d’entre elles, ainsi que le sang et la carapace de certains crustacés peuvent exercer une fonction de barrière immunologique.

Au-delà des poissons, les crustacés et les bivalves offrent également, pour leurs sous-produits, de nombreuses applications qui non seulement accroissent la valeur de ces produits, mais aussi permettent de résoudre les problèmes d’élimination des déchets causés par la lenteur de la dégradation naturelle de leur coquille. La chitine, polysaccharide extrait des déchets de coquilles de crustacés, est une source potentielle de substances antimicrobiennes. Son dérivé, le chitosane, a montré un large éventail d’applications, notamment dans les domaines du traitement des eaux usées, des cosmétiques, des articles de toilette, de l’alimentation, des boissons, de l’agrochimie et des produits pharmaceutiques. On trouve également, dans les déchets de crustacés, des pigments tels que l’astaxanthine et ses esters, le β-carotène, la lutéine, l’astacène, la canthaxanthine et la zéaxanthine. Certains d’entre eux ont d’importantes applications médicales et biomédicales en raison de leurs puissants effets antioxydants et en tant que précurseurs de la vitamine A. Les coquilles de bivalves comme les moules et les huîtres peuvent être transformées en carbonate de calcium ou en oxyde de calcium, deux composés chimiques très polyvalents ayant de vastes applications industrielles. Les coquilles sont également utilisées pour la fabrication de cosmétiques et de médicaments traditionnels (poudre de perle), comme complément de calcium dans l’alimentation animale (poudre de coquille), dans l’artisanat et dans la joaillerie.

D’autres organismes marins font l’objet de recherches approfondies du fait qu’ils pourraient receler de nouvelles molécules aux propriétés très intéressantes. Des médicaments anticancéreux, en particulier, ont été développés à partir d’éponges marines, de cyanobactéries et de tuniciers. Parmi les autres applications, citons le ziconotide, puissant analgésique dérivé du venin des cônes, et la vidarabine, médicament antiviral isolé à partir d’une éponge marine (Malve, 2016). Ces composés sont synthétisés chimiquement, mais on étudie également, à cette fin, la culture de certaines espèces d’éponges.

Utilisées comme aliments depuis des siècles en Asie, les algues et autres plantes aquatiques attirent de plus en plus l’attention dans de nombreux pays d’autres régions, car elles sont perçues comme un aliment plus écologique et riche en nutriments, tels que l’iode, le fer et la vitamine A (Tanna et Mishra, 2019). Les algues marines peuvent être utilisées, généralement sous forme de poudre sèche, comme additifs pour l’alimentation animale, cosmétiques (Saccharina latissimi, par exemple), substituts et additifs alimentaires, et sont transformées industriellement pour en extraire des agents épaississants, tels que l’alginate, l’agar et la carraghénane. En médecine, elles peuvent être utilisées pour traiter les carences en iode et comme vermifuge (Marine Biotechnology, 2015). Des chercheurs étudient également le moyen d’utiliser les algues comme succédané du sel et dans la préparation industrielle de biocarburants.

Pertes et gaspillage de nourriture11

Les pertes et le gaspillage alimentaires posent, dans le monde, un grave problème. Ils sont au cœur de la cible 12.3 des ODD, qui consiste à réduire de moitié le gaspillage d’ici à 2030. Une manipulation correcte des aliments, ainsi que le respect de l’hygiène et de la chaîne du froid, depuis les opérations de capture ou de récolte jusqu’à la consommation, sont essentiels pour prévenir les pertes et le gaspillage et préserver la qualité. Dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture, on estime qu’il est perdu ou gaspillé, chaque année, 35 pour cent des quantités récoltées et capturées à l’échelle mondiale. Dans la plupart des régions, la perte et le gaspillage de poisson se situent entre 30 et 35 pour cent. On estime que les taux de gaspillage les plus élevés sont enregistrés en Amérique du Nord et en Océanie, où environ la moitié du poisson produit est gaspillé au stade de la consommation. En Afrique et en Amérique latine, la perte de poisson est principalement due à l’insuffisance des infrastructures et des compétences en matière de conservation, l’Amérique latine étant la région qui gaspille le moins (avec des pertes estimées à moins de 30 pour cent du volume total de poisson produit).

Les pertes de poisson, en quantité et en qualité, sont dues à l’inefficacité des chaînes de valeur. Malgré les progrès et les innovations techniques, de nombreux pays, en particulier les économies les moins développées, ne disposent toujours pas des infrastructures, des services et des procédures nécessaires à une manipulation appropriée, à bord et à terre, et à la préservation de la qualité du poisson. Les principales carences concernent l’accès à l’électricité, à l’eau potable, aux routes, aux équipements de fabrication de glace, aux entrepôts frigorifiques et aux moyens de transport réfrigérés. Pour réduire effectivement les pertes de poisson et les gaspillages, il faut mettre en place des politiques et des cadres réglementaires, renforcer les capacités, les services et les infrastructures, et faciliter l’accès physique aux marchés. Il importe de comprendre comment ces différents facteurs agissent les uns sur les autres dans un contexte donné, sachant que leur interaction et les problèmes à traiter en priorité varient en fonction du lieu, des espèces, du climat et de la culture. Il convient ici de souligner qu’en réduisant les pertes et gaspillages de poisson, il sera possible de diminuer la pression sur les stocks et de contribuer à améliorer la durabilité de la ressource ainsi que la sécurité alimentaire.

Consommation de poisson

Depuis plus de 60 ans, la consommation apparente de poisson alimentaire12 dans le monde augmente à un rythme nettement supérieur à celui de la croissance de la population mondiale. Entre 1961 et 2017, le taux de croissance annuel moyen de la consommation totale de poisson alimentaire était de 3,1 pour cent, dépassant celui de la population (1,6 pour cent). Pendant la même période, ce taux (représentatif de l’offre totale de poisson, voir l’encadré 5) a également dépassé celui de toutes les autres protéines animales (viande, œufs, lait, etc.), qui a augmenté en moyenne de 2,1 pour cent par an, et de toutes les viandes issues d’animaux terrestres considérées ensemble (2,7 pour cent par an) ou individuellement (bovins, ovins et porcins), à l’exception notable de la volaille (hausse de 4,7 pour cent par an). Par habitant, la consommation de poisson alimentaire est passée de 9,0 kg (équivalent poids vif) en 1961 à 20,3 kg en 2017, soit une hausse moyenne d’environ 1,5 pour cent par an, tandis que pendant la même période, la consommation totale de viande a augmenté de 1,1 pour cent par an. Pour 2018, les estimations préliminaires de la consommation de poisson par habitant s’élèvent actuellement à 20,5 kg. La progression de la consommation a été alimentée non seulement par l’augmentation de la production, mais aussi par une combinaison de nombreux autres facteurs, notamment les progrès technologiques accomplis dans les domaines de la transformation, de la chaîne du froid, de l’expédition et de la distribution; l’augmentation des revenus dans le monde entier, fortement corrélée à l’accroissement de la demande de poisson et autres produits aquatiques; la réduction des pertes et gaspillages; et la sensibilisation accrue des consommateurs aux bienfaits du poisson pour la santé.

Compte tenu de la grande diversité de la vie aquatique, la composition nutritionnelle des poissons varie fortement selon les espèces et la manière dont celles-ci sont transformées et commercialisées. Bien qu’ils ne soient pas très caloriques, les poissons et autres produits aquatiques sont appréciés et jouent un rôle important en raison de leur teneur en protéines de haute qualité et en acides aminés essentiels, en acides gras polyinsaturés et en micronutriments (vitamines et minéraux, par exemple). En 2017, le poisson ne fournissait en moyenne qu’environ 35 calories par personne et par jour, cet apport dépassant les 100 calories dans les pays où une préférence pour cet aliment s’est développée et ancrée dans les traditions (Islande, Japon, Norvège et République de Corée, par exemple) et dans ceux où il est difficile d’accéder à d’autres sources de protéines (îles Féroé, Groenland et plusieurs PEID tels que les îles Cook, Kiribati, les Maldives et Tokelau). L’apport alimentaire du poisson est plus important en termes de protéines animales de haute qualité, d’acides gras polyinsaturés et de micronutriments qui revêtent une importance fondamentale pour une alimentation diversifiée et saine. Les protéines de poisson sont essentielles dans le régime alimentaire de certains pays à forte densité de population où l’apport total en protéines est faible, en particulier dans les PEID. Pour ces populations, le poisson représente souvent une source abordable de protéines animales, qui peut non seulement être moins chère que les autres aliments susceptibles de fournir ces protéines, mais qui peut aussi être plus prisée et faire partie des recettes locales et traditionnelles. En 2017, le poisson fournissait environ 17 pour cent des protéines animales totales et 7 pour cent de l’ensemble des protéines consommées dans le monde. En outre, il procurait à environ 3,3 milliards de personnes près de 20 pour cent de leur apport moyen en protéines animales par habitant (figure 25). Au Bangladesh, au Cambodge, en Gambie, au Ghana, en Indonésie, en Sierra Leone, à Sri Lanka et dans certains PEID, le poisson représentait au moins 50 pour cent de l’apport total en protéines animales.

FIGURE 25
PART DU POISSON DANS LES DISPONIBILITéS EN PROTéINES ANIMALES (MOYENNE), 2015-2017

La consommation quotidienne moyenne de graisse provenant du poisson est aussi relativement faible, à environ 1,2 g par habitant, mais le poisson constitue une importante source d’acides gras oméga 3 à longue chaîne, d’acides aminés essentiels, de vitamines (en particulier A, B et D) et de minéraux tels que le fer, le calcium, le zinc et le sélénium. De par cette composition nutritionnelle unique, le poisson est précieux pour une diversification alimentaire saine, même en quantités relativement faibles. Cela vaut encore plus pour de nombreux pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV) et pays les moins avancés (PMA), dont les populations se révèlent trop tributaires d’une offre relativement limitée d’aliments de base qui ne peuvent fournir des quantités suffisantes d’acides aminés essentiels, de vitamines, de micronutriments et de graisses bonnes pour la santé.

Selon l’édition 2019 de L’État de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde (FAO et al., 2019), environ 11 pour cent (plus de 820 millions de personnes) de la population mondiale restent sous-alimentés, contre 10,6 pour cent en 2015. Si, en termes absolus, la majorité des personnes sous-alimentées se trouvent en Asie du Sud, en Afrique et, en particulier, en Afrique subsaharienne, cet indicateur montre une détérioration de la sécurité alimentaire dans le monde. Cette situation s’explique par de nombreux facteurs, y compris la pression démographique, les conflits et l’instabilité, les inégalités de revenus, la pauvreté et l’inefficacité des politiques nutritionnelles. Dans le même temps, les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs fixés par l’Organisation mondiale de la Santé pour 2030 en matière de réduction de la malnutrition mondiale – désormais alignés sur le calendrier des ODD, en particulier de l’ODD 2 (Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable) – ont également été plus lents qu’on ne l’espérait. En particulier, certains problèmes de malnutrition, tels que l’anémie chez les femmes en âge de procréer et la prévalence de l’obésité, y compris chez les enfants, tendent à croître au niveau mondial. La consommation excessive d’aliments riches en sucre et en matières grasses, qui a des effets néfastes sur la santé, constitue un problème croissant dans de nombreux pays, tant en développement que développés. Une consommation accrue de poisson, avec ses propriétés nutritionnelles diverses et précieuses, peut directement réduire la prévalence de la malnutrition et corriger les régimes alimentaires déséquilibrés, riches en calories et pauvres en micronutriments. Il faut, pour cela, adopter des politiques nutritionnelles propres à accroître la consommation de poisson et à remédier à nombre des carences nutritionnelles les plus graves et les plus répandues dans le monde en développement, en particulier les carences en fer, en iode, en vitamine A et en zinc. La consommation de petits poissons entiers peut présenter tous les avantages nutritionnels possibles, car leur tête, leurs arêtes et leur peau sont riches en micronutriments. Cela aide également à réduire les gaspillages et à renforcer la sécurité alimentaire dans le monde. Au-delà de la satisfaction des besoins nutritionnels de base, des études ont également déterminé que la consommation régulière de poisson présentait de multiples avantages pour la santé. Chez les femmes enceintes, en particulier, la consommation de poisson favorise le développement cognitif de l’enfant à naître ou du nourrisson aux stades critiques de sa croissance (1 000 premiers jours). Enfin, il existe des preuves d’effets bénéfiques de la consommation de poisson sur la santé mentale et la prévention des maladies cardiovasculaires, des accidents vasculaires cérébraux et de la dégénérescence maculaire liée à l’âge.

Les données mondiales sur la consommation de poisson cachent d’importantes variations régionales, tant entre les pays qu’à l’intérieur de ceux-ci. La consommation annuelle par habitant varie de moins de 1 kg à plus de 100 kg en raison de l’influence de facteurs culturels, économiques et géographiques, y compris la proximité et l’accessibilité des aires de débarquement du poisson et des exploitations aquacoles. Cela explique, dans une large mesure, pourquoi des pays insulaires, tels que l’Islande, Kiribati, les Maldives et plusieurs PEID, continuent d’enregistrer des niveaux de consommation de poisson qui sont, dans certains cas, des centaines de fois supérieurs à ceux de nombreux États enclavés, tels que l’Éthiopie, la Mongolie et le Tadjikistan. Ces pays sans accès à la mer affichent toujours une consommation de moins de 1 kg de poisson par an et par habitant, malgré le fait que les progrès de la logistique et de l’infrastructure d’approvisionnement ont peu à peu facilité l’accès à des produits pêchés et transformés à des milliers de kilomètres de là. Les niveaux de revenu sont un autre facteur important qui sous-tend les différences de consommation de poisson, tout comme la disponibilité et le prix des autres sources de protéines. Les autres facteurs déterminants sont notamment le climat, la pénétration du marché, les caractéristiques démographiques régionales, ainsi que la densité et la qualité des infrastructures de transport et de distribution.

Malgré les différences qui persistent dans les niveaux de consommation de poisson entre les régions du monde et entre les États (figure 26), il se dessine néanmoins des tendances claires. Dans les pays développés, la consommation apparente annuelle de poisson est passée de 17,4 kg par habitant en 1961 à un pic de 26,4 kg par habitant en 2007, avant de progressivement diminuer les années suivantes pour atteindre 24,4 kg en 2017. Dans les pays en développement, cette valeur est plus faible, bien qu’elle ait fortement augmenté, passant de 5,2 kg en 1961 à 19,4 kg en 2017, soit un taux de croissance annuel moyen de 2,4 pour cent. Parmi ces pays, ceux qui sont les moins avancés, dont la plupart sont situés en Afrique, ont vu croître leur consommation annuelle de poisson par habitant, qui est passée de 6,1 kg en 1961 à 12,6 kg en 2017, soit une progression moyenne de 1,3 pour cent par an. Ce taux a fortement augmenté ces 20 dernières années, atteignant en moyenne 2,9 pour cent par an, ce qui s’explique principalement par le développement de la production et des importations de poisson, en particulier de petites espèces pélagiques, par un certain nombre d’États africains. Dans les PFRDV, où la consommation annuelle de poisson par habitant est passée de 4,0 kg en 1961 à 9,3 kg en 2017, le taux de croissance est resté à peu près stable, à environ 1,5 pour cent. Malgré des niveaux de consommation de poisson relativement plus faibles dans les pays en développement, la part des protéines de poisson dans l’apport alimentaire total en protéines animales y est plus importante que dans les pays développés. En 2017, la consommation de poisson représentait environ 29 pour cent de l’apport en protéines animales dans les PMA, 19 pour cent dans les autres pays en développement et environ 18 pour cent dans les PFRDV. Cette part, bien qu’elle ait augmenté depuis 1961, a stagné ces dernières années en raison de la consommation croissante d’autres protéines animales. La part du poisson dans la consommation de protéines animales a augmenté de façon constante dans les pays développés, passant de 12,1 pour cent en 1961 à un pic de 13,9 pour cent en 1989; elle a ensuite diminué pour s’établir à 11,7 pour cent en 2017, tandis que la consommation d’autres protéines animales a continué d’augmenter.

FIGURE 26
CONSOMMATION APPARENTE DE POISSON PAR HABITANT (MOYENNE), 2015-2017

Autrefois, le Japon, les États-Unis d’Amérique et l’Europe représentaient une part importante de la consommation mondiale de poisson. En 1961, la consommation combinée de ces trois marchés représentait près de la moitié (47 pour cent) de l’offre mondiale de poisson alimentaire. En 2017, cette part était plus proche d’un cinquième (19 pour cent) des 153 millions de tonnes de poisson consommé dans le monde, tandis que l’Asie représentait 71 pour cent (contre 48 pour cent en 1961). La Chine, en particulier, a vu sa part passer de 10 pour cent en 1961 à 36 pour cent en 2017. Toujours en 2017, les Amériques ont enregistré une consommation équivalente à 10 pour cent de l’offre totale de poisson alimentaire, suivies de l’Afrique, avec 8 pour cent, et de l’Océanie, avec moins de 1 pour cent. Cette forte baisse de l’importance des marchés développés est le résultat de changements structurels survenus dans ce secteur. On peut citer, notamment, le rôle croissant des pays asiatiques dans la production de poisson (en particulier dans l’aquaculture), l’urbanisation et la forte augmentation de la population des économies émergentes, ainsi que leur proportion de citoyens de la classe moyenne ayant des revenus plus élevés, en particulier en Asie.

Depuis 1961, en Asie, la consommation moyenne de poisson par habitant a augmenté à un taux annuel de 2 pour cent. En Amérique latine et en Afrique, elle a également progressé plus rapidement que celle des grands marchés traditionnels pendant la même période, tous les deux à des taux de 1,3 pour cent; ces régions, cependant, sont parties d’une base plus faible. Dans le même temps, la consommation de poisson par habitant en Europe et en Amérique du Nord a augmenté de moins de 1 pour cent (0,8 et 0,9 pour cent, respectivement), tandis qu’elle a diminué de 0,2 pour cent au Japon. Plus récemment, dans ces derniers marchés, le taux de croissance de la consommation par habitant a poursuivi sa baisse. Il peut toutefois encore se produire une croissance de la demande en valeur alors que la consommation par habitant se stabilise sur les marchés qui arrivent à maturité, ce qui reflète alors une tendance des consommateurs à se tourner vers des produits plus chers et à valeur ajoutée plutôt qu’une augmentation de la quantité consommée.

Aux niveaux régional et continental, c’est en Afrique que la consommation de poisson par habitant est la plus faible, ayant culminé à 10,5 kg en 2014 avant de retomber à 9,9 kg en 2017 (tableau 16). Cela dit, cette consommation varie d’un maximum d’environ 12 kg par habitant en Afrique de l’Ouest à 5 kg par habitant en Afrique de l’Est. Elle a fortement augmenté en Afrique du Nord (passant de 2,9 kg par habitant à 14,7 kg par habitant entre 1961 et 2017), mais est restée stable ou a diminué dans certains pays d’Afrique subsaharienne. Pour cette dernière, la faiblesse de la consommation résulte de plusieurs facteurs interconnectés que sont, notamment, une population qui croît à un rythme plus élevé que l’approvisionnement en poisson, la stagnation de la production de poisson en raison de la pression exercée sur les ressources de la pêche de capture et un secteur de l’aquaculture peu développé. La consommation, en outre, est limitée par les faibles niveaux de revenu, tout comme par le manque d’infrastructures de débarquement, de stockage et de transformation, ainsi que de canaux de commercialisation et de distribution des produits de la pêche. Il vaut de souligner, cependant, qu’en Afrique, les valeurs réelles sont probablement plus élevées que celles indiquées par les statistiques officielles si l’on tient compte de la contribution sous-estimée de la pêche de subsistance, de certaines pêches artisanales et du commerce transfrontières informel.

TABLEAU 16
CONSOMMATION APPARENTE DE POISSON, TOTALE ET PAR HABITANT (PAR RéGION ET PAR GROUPEMENT éCONOMIQUE) EN 2017

Les grandes tendances qui ont porté la croissance de la consommation mondiale de poisson ces dernières décennies se sont accompagnées de nombreux changements fondamentaux dans la manière dont les consommateurs choisissent, achètent, préparent et consomment les produits aquatiques. La mondialisation du secteur du poisson et des autres produits aquatiques, stimulée par la libéralisation accrue des échanges et facilitée par les progrès des techniques de transformation et de transport des aliments, a élargi les chaînes d’approvisionnement au point qu’un poisson donné peut être pêché dans un pays, transformé dans un autre et consommé dans un autre encore. Le commerce international a contribué à réduire l’impact de la situation géographique et d’une production intérieure limitée, élargissant ainsi les marchés pour de nombreuses espèces et offrant un choix plus vaste aux consommateurs. Les importations représentent une part importante et croissante du poisson consommé en Europe et en Amérique du Nord (environ 70 à 80 pour cent) et en Afrique (35 pour cent en 2017, contre plus de 40 pour cent les années précédentes) en raison de la forte demande, y compris d’espèces non produites localement, face à la stagnation ou au déclin des productions nationales. Cette évolution a permis aux consommateurs d’accéder à des espèces de poisson pêchées ou élevées dans des régions éloignées de leur point d’achat, rendant possible l’introduction de nouvelles espèces et de nouveaux produits qui étaient jusqu’ici limités à des marchés locaux ou régionaux. Bien que les choix offerts au niveau du consommateur se soient multipliés, ils sont, au niveau mondial, de plus en plus similaires entre les pays et les régions. Les pénuries saisonnières de telle ou telle espèce sur certains marchés sont également atténuées dans une certaine mesure par la diversification internationale des sources d’approvisionnement et le progrès des techniques de conservation. Cependant, d’importants chocs liés à l’offre d’espèces essentielles risquent d’avoir un effet sur la consommation d’un plus grand nombre de personnes sur des marchés plus dispersés géographiquement. La sensibilisation accrue des consommateurs aux questions de durabilité, de légalité, de sécurité sanitaire et de qualité les incite à réclamer la mise en place de systèmes de traçabilité et de certification pour un éventail croissant de poissons et autres produits aquatiques.

L’urbanisation a également façonné la nature et l’ampleur de la consommation de poisson dans de nombreux pays. Depuis 2007, la population urbaine représente plus de la moitié de la population mondiale et continue d’augmenter. Le nombre de mégapoles (villes de plus de 10 millions d’habitants) a atteint, en 2018, le chiffre de 33, dont plus de 15 situées dans des pays en développement (Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, 2018). Les citadins ont généralement un revenu disponible plus important à consacrer à la consommation de sources de protéines animales, comme le poisson, et mangent plus souvent à l’extérieur. En outre, l’infrastructure des zones urbaines permet un stockage, une distribution et une commercialisation plus efficaces du poisson et des autres produits aquatiques. En Afrique, en Asie et en Amérique latine, les supermarchés et hypermarchés se développent rapidement et le poisson et les autres produits aquatiques y sont de plus en plus souvent vendus par ces canaux, au détriment des poissonneries et des marchés traditionnels. Dans le même temps, la facilité de préparation des aliments devient une considération de plus en plus importante pour des citadins au mode de vie effréné et au temps compté. De ce fait, la demande de produits à base de poisson préparés et proposés dans des formats pratiques, aussi bien dans le commerce de détail que dans la restauration rapide, augmente rapidement. Les préférences alimentaires des consommateurs urbains modernes se caractérisent également par l’accent mis sur un mode de vie sain et un intérêt relativement élevé pour l’origine des aliments qu’ils consomment, tendances qui continueront probablement d’influencer les modes de consommation de poisson sur les marchés traditionnels et émergents.

Bien que les producteurs et commerçants de poisson puissent conserver une certaine réactivité face à l’évolution des préférences des consommateurs, la disponibilité des ressources naturelles et les considérations biologiques sont essentielles pour déterminer les espèces et produits mis à la disposition de ces derniers. L’important développement de l’aquaculture depuis le milieu des années 1980 a entraîné une forte augmentation de la proportion de poissons d’élevage consommés par rapport aux espèces sauvages, même si des différences existent entre les pays et les régions en termes de préférence, une part plus importante de poissons d’élevage étant consommée par les pays asiatiques, qui en sont les principaux producteurs. Au niveau mondial, depuis 2015, l’aquaculture est la principale source de poisson disponible pour la consommation humaine, augmentation qui est remarquable si l’on considère que cette part n’était que de 4 pour cent en 1950, 9 pour cent en 1980 et 19 pour cent en 1990 (figure 27). En 2018, cette part était de 53 pour cent, chiffre qui devrait continuer d’augmenter sur le long terme. Il importe également de mentionner que ces chiffres ne renvoient pas à la quantité effectivement consommée (encadré 5). Si l’on tient compte de la quantité comestible (en excluant, par exemple, les coquilles et autres parties non comestibles, qui peuvent également différer selon les traditions), les pêches de capture devraient rester la principale source d’approvisionnement des poissons consommés en raison de la part plus importante qu’occupent les bivalves et crustacés d’élevage par rapport à leurs homologues sauvages, bien que l’écart se réduise.

FIGURE 27
PART RESPECTIVE DE L’AQUACULTURE ET DE LA PêCHE DANS LA PRODUCTION DE POISSON DESTINé à LA CONSOMMATION HUMAINE

La domination de l’aquaculture sur les marchés mondiaux a d’importantes incidences sur la distribution et la consommation de poisson. La pisciculture permet non seulement de mieux contrôler les processus de production que les pêches de capture, mais elle est aussi plus propice à l’intégration verticale et horizontale des chaînes de production et d’approvisionnement. Ainsi, l’aquaculture a permis d’étendre l’offre de poisson à des régions et pays qui n’avaient pas ou peu accès aux espèces cultivées, souvent à des prix plus bas, ce qui a permis d’améliorer la nutrition et la sécurité alimentaire. Le développement de la production aquacole, en particulier d’espèces telles que les crevettes, le saumon, les bivalves, le tilapia, la carpe et le silure (y compris Pangasius spp.), a entraîné ces dernières années une augmentation constante des taux de consommation par habitant de ces groupes d’espèces. De 1990, début du développement de la production aquacole, à 2017, les taux de croissance annuels moyens les plus élevés en ce qui concerne la consommation par habitant ont été enregistrés pour les poissons d’eau douce et diadromes (3,9 pour cent), les crustacés (2,9 pour cent) et les mollusques, à l’exclusion des céphalopodes (2,7 pour cent). Pendant la même période, les catégories d’espèces composées principalement de poissons sauvages (céphalopodes, poissons pélagiques, poissons démersaux et autres poissons marins) ont connu une croissance nulle ou négative, à l’exception des céphalopodes, dont la consommation par habitant a légèrement augmenté, avec un taux de croissance annuel moyen de 0,1 pour cent.

En 2017, plus des deux tiers des animaux aquatiques consommés étaient des poissons. Depuis 1961, cependant, la part de ces derniers (qu’ils soient d’eau douce ou de mer) dans l’approvisionnement total en produits aquatiques a diminué, passant de 86 à 74 pour cent. Ce recul est principalement dû à la diminution de la part des poissons marins (passée de 69 à 34 pour cent) et à l’augmentation de celle des poissons d’eau douce et diadromes (passée de 17 à 40 pour cent), des crustacés (passée de 5 à 10 pour cent) et des mollusques hors céphalopodes (passée de 7 à 13 pour cent) durant la période allant de 1961 à 2017. Le principal groupe d’espèces consommées en 2017 était celui des poissons d’eau douce et diadromes, avec 8,1 kg par habitant, suivis des poissons pélagiques (3,1 kg), des mollusques hors céphalopodes (2,6 kg), des crustacés (2,0 kg), des poissons démersaux (2,8 kg), des autres poissons marins (1,0 kg), des céphalopodes (0,5 kg) et des autres animaux et invertébrés aquatiques (0,2 kg). On notera que le même calcul effectué sur la base non pas des volumes de consommation, mais de la valeur marchande, donnerait des résultats sensiblement différents, une grande partie des espèces d’eau douce étant de faible valeur, comme la carpe, alors que les crustacés, tels que les crevettes et les homards, sont bien plus onéreux.

Les algues et autres plantes aquatiques, dont la majorité sont cultivées, ne sont actuellement pas incluses dans les bilans alimentaires, mais constituent d’importants ingrédients de la cuisine nationale dans de nombreuses régions d’Asie, en particulier d’Asie de l’Est. Parmi les espèces cultivées, figurent l’algue rouge nori (espèces Pyropia et Porphyra), utilisée pour envelopper les sushis, le laminaire du Japon (Laminaria japonica), en-cas populaire en Asie de l’Est sous forme séchée ou marinée, et l’algue Eucheuma utilisée pour la transformation alimentaire ainsi que dans des cosmétiques. Les algues contiennent des minéraux (fer, calcium, iode, potassium et sélénium, par exemple) et des vitamines (en particulier A, C et B12) et sont, outre les poissons, les seules sources naturelles d’acides gras oméga 3 à longue chaîne.

Commerce du poisson et produits halieutiques ou aquacoles

En quelque 50 ans d’expansion rapide, le commerce international a confirmé le rôle important qu’il joue dans le secteur mondial actuel de la pêche et de l’aquaculture comme moteur de la croissance économique et facteur de sécurité alimentaire dans le monde. Les exportations de poisson et autres produits aquatiques sont essentielles pour l’économie d’un grand nombre de pays et de régions. Elles représentent, par exemple, plus de 40 pour cent de la valeur totale du commerce de marchandises à Cabo Verde, dans les îles Féroé, au Groenland, en Islande, aux Maldives, aux Seychelles et au Vanuatu. En 2018, 67 millions de tonnes de poisson (équivalent poids vif) ont fait l’objet d’un commerce international, ce qui représente près de 38 pour cent des poissons capturés ou élevés dans le monde (figure 28). La même année, 221 États et territoires ont fait état d’une activité de commerce de poisson. La valeur totale de 164 milliards de dollars des États-Unis (ci-après dollars) enregistrée en 201813 pour les exportations de poisson représentait près de 11 pour cent de la valeur des exportations de produits agricoles (hors produits forestiers) et environ 1 pour cent de la valeur du commerce total de marchandises. Si l’on considère les exportations de poisson et de viande d’origine terrestre destinées à la consommation humaine, on voit que depuis 2016, celles de poisson sont supérieures en valeur à celles de viande d’animaux terrestres (51 pour cent contre 49 pour cent). Ces chiffres globaux, cependant, n’incluent pas la valeur du commerce des services liés à la pêche, tels que le conseil, la gestion des ressources, le développement d’infrastructures, la certification et l’étiquetage, la promotion commerciale et le marketing ou encore la maintenance et la recherche. La valeur globale générée par ces services n’est pas encore connue, car elle est généralement intégrée à celle de services liés à d’autres activités.

FIGURE 28
PRODUCTION HALIEUTIQUE ET AQUACOLE MONDIALE ET QUANTITéS DESTINéES à L’EXPORTATION

Dans une large mesure, la croissance du commerce international du poisson et des autres produits aquatiques s’inscrit dans le prolongement de l’essor du commerce en général, qui s’est intensifié à la faveur des politiques de mondialisation et de libéralisation des échanges des dernières décennies. De 1960 à 2018, la part du commerce de marchandises dans le produit intérieur brut (PIB) mondial est passée de 16,7 pour cent à 46,1 pour cent (Banque mondiale, 2020). Pour le secteur de la pêche et de l’aquaculture et de nombreuses autres industries, on peut décomposer ce processus progressif d’intégration économique mondiale en plusieurs tendances interconnectées mais distinctes, comme suit. Les diverses activités économiques nécessaires à la production, à la transformation, à la conservation et au conditionnement du poisson sont devenues plus segmentées géographiquement, les chaînes d’approvisionnement devenant plus longues et plus complexes. Les produits de la pêche traversent souvent, entre la production, la transformation et le consommateur final, de multiples frontières internationales. Les campagnes de marketing internationales de grande envergure sont devenues pratique courante, les pays producteurs cherchant à étendre et à diversifier leurs marchés d’exportation. Avec les technologies de l’information, ces campagnes ont également facilité l’intégration de plats autrefois spécifiques à certains pays, comme les sushis, dans les menus de fruits de mer du monde entier. La dynamique du marché international élargi touche de plus en plus les producteurs locaux, quelque 78 pour cent des poissons et produits de la pêche étant exposés à la concurrence internationale (Tveterås et al., 2012). Pour de nombreuses espèces qui font fréquemment l’objet d’un commerce international, l’impact de chocs liés à des perturbations de l’offre, comme les épidémies et autres causes de volatilité des prix, ne se limite plus au pays ou à la région où ils se produisent.

De 1976 à 2018, les exportations mondiales de poisson et autres produits aquatiques ont augmenté à un taux annuel de 8 pour cent en valeur nominale et de 4 pour cent en valeur réelle (corrigée de l’inflation). En 2018, les recettes d’exportation étaient plus de vingt fois supérieures au chiffre de 1976 (7,8 milliards de dollars). Pendant la même période, le volume des exportations mondiales, qui se chiffrait au départ à 17,3 millions de tonnes (équivalent poids vif), a augmenté à un taux annuel de 3 pour cent. Ce taux de croissance relativement plus lent en volume indique une augmentation constante de la valeur unitaire au fil du temps, ce qui reflète à la fois l’augmentation des prix du poisson et une proportion plus importante de produits transformés dans les volumes d’échanges.

Après la crise financière et économique de 2008-2009, la hausse du commerce international du poisson et autres produits halieutiques et aquacoles s’est globalement ralentie, reflétant le fléchissement de la croissance du PIB mondial dans un contexte où plusieurs grands marchés développés et émergents sont entrés dans des périodes de récession et d’affaiblissement de la confiance des consommateurs. En 2015, le commerce du poisson et le commerce des marchandises dans son ensemble ont ensuite tous deux fortement chuté, de 10 et 13 pour cent respectivement. Cette contraction s’explique notamment par les sanctions commerciales imposées à la Fédération de Russie, le déclin économique du Brésil et le renforcement du dollar des États-Unis par rapport à un ensemble de devises, qui a réduit la valeur apparente des échanges commerciaux réalisés dans ces devises. Il s’est ensuite produit, en 2016, 2017 et 2018, une reprise avec des taux de croissance respectifs de 7, 9 et 5 pour cent pour le commerce du poisson et des autres produits aquatiques, sous l’effet d’une amélioration de la conjoncture dans la plupart des économies du monde et d’une forte hausse des prix du poisson.

Plus récemment, l’escalade des tensions commerciales entre deux des plus grands partenaires commerciaux du monde, la Chine et les États-Unis d’Amérique, a introduit une note d’incertitude sur le marché mondial du poisson. Si plusieurs produits aquatiques faisant l’objet d’un important commerce, comme le tilapia et le homard, ont été inclus dans la liste des produits visés par les droits de douane imposés par les deux pays, ce sont principalement les répercussions économiques globales et l’incertitude générale qui ont, en définitive, freiné la croissance, non seulement en Chine et aux États-Unis d’Amérique, mais aussi dans le monde. Les estimations disponibles pour 2019 semblent indiquer que les échanges se sont contractés d’environ 2 pour cent en volume et en valeur par rapport à l’année précédente. L’épidémie de maladie à coronavirus (covid-19), en cours au moment de la rédaction du présent rapport (mars 2020), a déjà eu des répercussions négatives sur les échanges commerciaux entre les principaux exportateurs et importateurs en 2020.

Le figure 29 présente les principaux exportateurs et importateurs de poisson et autres produits aquatiques. En plus d’être de loin le principal producteur de poisson, la Chine est également, depuis 2002, le principal exportateur de poisson et d’autres produits aquatiques; le pays figure également, depuis 2011, au troisième rang des importateurs en termes de valeur. Ces dernières années, les importations chinoises ont augmenté en raison, notamment, de l’externalisation de la transformation vers d’autres pays, mais aussi de la consommation intérieure croissante d’espèces non produites localement. Selon les dernières estimations disponibles pour 2019, les exportations chinoises ont diminué de 7 pour cent par rapport à 2018 (20 milliards de dollars au lieu de 21,6 milliards de dollars) en raison du différend commercial survenu entre la Chine et les États-Unis d’Amérique.

FIGURE 29
PRINCIPAUX EXPORTATEURS ET IMPORTATEURS DE POISSON ET AUTRES PRODUITS AQUATIQUES (EN VALEUR), 2018

Depuis 2004, la Norvège est le deuxième grand exportateur, désormais suivie du Viet Nam, qui occupe la troisième place du classement depuis 2014. Les captures de la flotte norvégienne comprennent de grands volumes de petits pélagiques et d’espèces de poissons de fond comme la morue, tandis que le secteur norvégien de la salmoniculture (saumons, truites, etc.) est le plus important au monde. Les prix élevés de la morue et du saumon dans le monde entier ont permis à l’industrie norvégienne des exportations de produits de la mer d’atteindre ces dernières années des recettes record, culminant à 12 milliards de dollars en 2018 avant de décliner légèrement (-0,1 pour cent) en 2019. Parallèlement, le Viet Nam a réussi à maintenir, ces dernières années, une croissance régulière grâce, principalement, à de solides relations commerciales avec un marché chinois en pleine expansion, à un secteur de l’élevage du silure (Pangasius spp.) en développement dans le delta du Mékong et à une industrie de la transformation et de la réexportation en plein essor.

Depuis 2017, l’Inde est devenue le quatrième plus grand exportateur, à la faveur d’une forte augmentation de la production de crevettes d’élevage. Cependant, après avoir atteint un pic de 7,2 milliards de dollars en 2017, la valeur des exportations indiennes a diminué de 3 pour cent en 2018 et d’1 pour cent supplémentaire en 2019 (6,8 milliards de dollars), principalement en raison de la baisse des cours de la crevette. Au Chili, la production aquacole de saumon de l’Atlantique, de saumon coho et de truite arc-en-ciel est devenue une industrie moderne de plusieurs milliards de dollars, la deuxième au monde après celle de la Norvège. Le Chili a connu une croissance soutenue de ses recettes d’exportation grâce à la forte demande mondiale de salmonidés dans les Amériques, en Europe et en Asie, et à l’augmentation des prix. En 2018, le pays est devenu le cinquième exportateur de poissons et autres produits aquatiques, mais la valeur de ses exportations a diminué de 3 pour cent en 2019 pour atteindre 6,6 milliards de dollars. Depuis 2012, la Thaïlande, le sixième plus grand exportateur, a connu un important recul de ses exportations, principalement en raison de la réduction de sa production de crevettes à la suite d’épidémies qui ont érodé sa compétitivité au niveau mondial.

L’augmentation constante de la part des pays en développement dans les flux commerciaux internationaux, avec des taux de croissance plus rapides que ceux des pays développés (figure 30), a été une caractéristique déterminante du développement du marché mondial du poisson. De 1976 à 2018, les exportations des pays en développement ont augmenté en moyenne de 8,4 pour cent par an en valeur, contre 6,8 pour cent pour les pays développés. Entre 1976 et 2018, la part des pays en développement dans le commerce des produits halieutiques et aquacoles est passée de 38 pour cent de la valeur des exportations mondiales à 54 pour cent, et de 39 pour cent à 60 pour cent du volume total (en équivalent poids vif) grâce à une forte croissance de la production aquacole et à de lourds investissements opérés dans le développement des marchés d’exportation. Ce sont la Chine, les autres pays en développement de l’Asie de l’Est, l’Asie du Sud-Est et l’Amérique du Sud qui ont réalisé, pendant cette période, les gains les plus substantiels. En 2018, les exportations de poisson des pays en développement ont été évaluées à 88 milliards de dollars, ce qui représentait des recettes nettes (exportations moins importations) de 38 milliards de dollars, soit un montant plus élevé que les recettes combinées d’autres produits agricoles (tels que la viande, le tabac, le riz et le sucre). Tant comme source de revenus d’exportation que comme pourvoyeur d’emplois, le commerce du poisson et des autres animaux aquatiques contribue grandement à la croissance économique des pays en développement.

FIGURE 30
COMMERCE DU POISSON ET AUTRES PRODUITS AQUATIQUES

Depuis de nombreuses décennies, trois grands marchés représentent une grande partie des importations totales: l’Union européenne14, les États-Unis d’Amérique et le Japon, qui dépendent tous fortement des importations pour répondre à la demande des consommateurs, souvent orientée vers des espèces relativement plus chères que celles consommées dans d’autres pays. En 1976, la valeur des importations de l’Union européenne, des États-Unis d’Amérique et du Japon représentait respectivement 33, 22 et 21 pour cent du total mondial. En 2018, alors que la part de l’Union européenne restait largement inchangée (34 pour cent), les parts des États-Unis d’Amérique et du Japon étaient tombées à 14 et 9 pour cent respectivement. Selon les dernières estimations disponibles, ces tendances se sont poursuivies en 2019. Cette baisse est plutôt le résultat d’une croissance beaucoup plus rapide de la demande dans de nombreuses économies émergentes, notamment en Asie de l’Est et du Sud-Est.

Si les marchés développés dominent toujours les importations de poisson, l’importance des pays en développement en tant que consommateurs et producteurs de produits halieutiques et aquacoles n’a cessé de croître. L’urbanisation, l’amélioration du revenu disponible et le développement d’une classe moyenne consommatrice de produits de la mer ont alimenté, dans les marchés émergents, la croissance de la demande, qui dépasse de loin celle observée dans leurs homologues développés. En 2018, les importations de poisson par les pays en développement représentaient 31 pour cent du total mondial en valeur et 49 pour cent en volume (poids vif), contre respectivement 12 et 19 pour cent en 1976. Avec l’augmentation du pouvoir d’achat des consommateurs et l’évolution de leurs préférences, une proportion croissante de la production qui aurait auparavant été exportée vers les marchés développés sert aujourd’hui à répondre à la demande des consommateurs sur les marchés régionaux et nationaux. Des pays tels que le Brésil et la Chine sont désormais grands consommateurs d’espèces de grande valeur comme les crevettes et le saumon. En ce qui concerne les PFRDV, la valeur des importations a augmenté à un taux annuel moyen d’environ 8 pour cent dans la période 1976-2018; dans la plupart des cas, cependant, elle demeure très faible par rapport aux niveaux enregistrés dans le reste du monde.

En 2018, la valeur moyenne des importations de produits halieutiques et aquacoles effectuées par les pays en développement s’élevait à 1,6 dollar par kilogramme (équivalent poids vif), alors que cette même valeur pour les pays développés se chiffrait à 3,4 dollars. Ainsi, malgré des volumes d’importation comparables pour les deux groupes, les pays développés représentaient en 2018, selon les données préliminaires, et également en 2019, environ 69 pour cent de la valeur des importations mondiales. Cet écart s’explique en grande partie par l’influence des niveaux de revenu sur les types de produits qui sont recherchés par les consommateurs, ce à quoi s’ajoutent des habitudes alimentaires différentes. Un autre facteur qui fait baisser la valeur unitaire des importations des pays en développement est l’ampleur des activités de transformation et de réexportation qui y sont menées.

Les flux commerciaux interrégionaux (figure 31) demeurent importants, bien que ce commerce ne soit souvent pas reflété de manière appropriée dans les statistiques officielles, en particulier pour l’Afrique et certains pays d’Asie et d’Océanie. L’Océanie, les pays en développement d’Asie et la région Amérique latine et Caraïbes restent de solides exportateurs nets de poisson. Les exportations latino-américaines, composées principalement de crevettes, de thon, de saumon et de farine de poisson en provenance de l’Équateur, du Chili et du Pérou, ont connu en 2018 une forte croissance. L’Europe et l’Amérique du Nord enregistrent, quant à elles, un déficit commercial pour les produits halieutiques et aquacoles (figure 32). L’Afrique est importatrice nette en termes de volume, mais exportatrice nette en termes de valeur, ce qui reflète la valeur unitaire plus élevée des exportations, destinées principalement aux marchés de pays développés, en particulier d’Europe. Les importations africaines sont constituées en grande partie de petites espèces pélagiques moins chères, comme le maquereau ou le tilapia, mais représentent une importante source de diversification alimentaire pour des populations qui dépendent autrement d’un éventail étroit d’aliments de base.

FIGURE 31
FLUX COMMERCIAUX DU POISSON ET AUTRES PRODUITS AQUATIQUES PAR CONTINENT (PART DU TOTAL DES IMPORTATIONS, EN VALEUR), 2018
FIGURE 32
VALEUR DES IMPORTATIONS ET EXPORTATIONS DE POISSON ET AUTRES PRODUITS AQUATIQUES POUR DIFFéRENTES RéGIONS, ET DéFICITS OU EXCéDENTS NETS

Le développement des flux commerciaux régionaux a été facilité par l’augmentation constante du nombre d’accords conclus à ce niveau depuis les années 1990. Ces accords, réciproques, établissent des conditions commerciales préférentielles entre partenaires commerciaux d’une même région géographique. Ils s’appliquent actuellement à une grande partie du commerce mondial des produits halieutiques et aquacoles et devraient continuer à jouer un rôle prépondérant dans la structure et la dynamique du commerce international.

Qu’il s’agisse d’éléments constitutifs d’accords bilatéraux ou de mesures imposées unilatéralement, les droits de douane sont des outils de politique commerciale largement utilisés et d’importants déterminants des flux commerciaux mondiaux. Le principe de la nation la plus favorisée de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) empêche généralement les membres d’exercer une discrimination à l’encontre de leurs partenaires commerciaux, mais les droits de douane peuvent être réduits ou supprimés dans le cadre d’accords de libre-échange ou pour faciliter l’accès des pays en développement aux marchés par l’application de régimes tarifaires préférentiels tels que le Système généralisé de préférences (SGP). Pour le poisson et autres produits aquatiques, les taux tarifaires restent généralement faibles, en particulier pour les matières premières non transformées. Cependant, de nombreux pays en développement continuent d’appliquer des droits de douane élevés pour ces produits, ce qui peut limiter le commerce interrégional. Dans d’autres cas, certains produits alimentaires d’origine marine, comme le thon en conserve et les longes de thon, sont soumis à des contingents tarifaires. Ce mécanisme permet d’importer une certaine quantité à un tarif réduit. Les taux tarifaires peuvent également être utilisés à des fins incitatives, comme dans le cadre du système SPG+ de l’Union européenne, qui offre des incitations commerciales supplémentaires aux pays qui peuvent démontrer leur engagement à mettre en œuvre les conventions internationales relatives aux droits de l’homme, au droit du travail, au développement durable et à la bonne gouvernance. La réduction des droits de douane à l’importation a été l’un des principaux moteurs du développement du commerce international ces dernières décennies, et il est généralement admis que ces droits continueront de baisser au fil du temps, malgré les arrêts ou renversements temporaires de cette tendance qui pourront survenir pour des raisons de géopolitique ou de politique intérieure.

En outre, plusieurs autres facteurs peuvent entraver l’accès des pays exportateurs aux marchés internationaux. Régulateurs et acheteurs, en particulier les grands groupements de détaillants, appliquent divers types de normes et d’exigences aux produits importés. Ces mesures non tarifaires peuvent prendre diverses formes: normes en matière de sécurité sanitaire et de qualité des aliments, procédures d’octroi de licences d’importation, règles d’origine et contrôle de la conformité, modalités d’application des classifications douanières et procédures d’évaluation et de dédouanement. De ce fait, l’obtention pour un produit donné d’une autorisation d’accès à un marché peut impliquer d’importantes démarches administratives, de longues procédures de certification et divers frais, et exiger un niveau de connaissances et de capacités techniques qu’il peut être difficile d’atteindre, en particulier pour des fournisseurs de pays en développement. L’entrée en vigueur, en février 2017, de l’Accord de l’OMC sur la facilitation des échanges devrait aider à surmonter certains de ces obstacles et à accélérer la circulation, la mainlevée et le dédouanement des marchandises aux frontières, et réduire ainsi ces entraves au commerce.

Les pays en développement sont particulièrement vulnérables aux conséquences potentiellement néfastes de règles et de normes trop strictes, dont le respect peut imposer des coûts prohibitifs aux acteurs de la chaîne d’approvisionnement, souvent de petites entreprises dispersées qui ne disposent pas des capacités requises en termes d’infrastructure, de technologie et d’expertise. En ce qui concerne le poisson et autres produits aquatiques, ce sont principalement les règles et normes associées à la viabilité des ressources et à la production aquacole qui jouent un rôle important à cet égard, car elles sont nombreuses et variées. C’est là un domaine où la multiplicité et la diversité des normes et des exigences d’évaluation de la conformité risquent d’entraîner des conflits commerciaux.

Principaux produits

Les statistiques sur le commerce des produits halieutiques et aquacoles peuvent aider à gérer les ressources et à détecter les mouvements de produits d’origine illégale. À cet égard, cependant, leur utilité dépend à la fois de l’exactitude et du degré de détail des données qui sont communiquées. Les statistiques commerciales sont généralement classées en fonction de catégories de produits spécifiques qui sont définies par le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (SH), conçu et tenu à jour par l’Organisation mondiale des douanes (OMD). Le niveau le plus agrégé de ce système est celui à six chiffres et il faut qu’à ce niveau, la classification soit uniforme dans tous les organismes déclarants. Il arrive souvent que des pays et territoires introduisent des catégories de produits supplémentaires à des niveaux d’agrégation inférieurs afin de prendre en compte des produits ou groupes de produits qui présentent un intérêt particulier. La FAO a travaillé avec l’OMD pour améliorer le degré de détail de la nomenclature du SH classant le poisson et les produits de la pêche dans la classification du SH révisée en 2012 et en 2017 afin de résoudre le problème d’une ventilation inadéquate par espèce et par type de produit. Il reste, cependant, une importante marge d’amélioration quant aux distinctions faites entre les espèces et les types de produits. Une distinction notable qui n’est pas explicite, dans le cadre de la nomenclature du SH au niveau à six chiffres, est celle qui existe entre les produits provenant de l’aquaculture et les produits provenant des pêches de capture. Les estimations actuelles les plus fiables situent la part approximative des produits de l’aquaculture dans le commerce international à un quart du volume total et à un tiers de la valeur totale. Si l’on ne prend en compte que les produits halieutiques et aquacoles destinés à la consommation humaine directe, cette part passe à environ 27 à 29 pour cent du volume et 36 à 38 pour cent de la valeur des échanges.

En 2018, plus de 90 pour cent du volume (en équivalent poids vif) du commerce de poissons et autres produits aquatiques était constitué de produits transformés (c’est-à-dire à l’exclusion des poissons entiers vivants et frais), les produits congelés représentant la part la plus importante. Bien que le poisson soit une denrée fortement périssable, la demande des consommateurs et les techniques innovantes de réfrigération, de conditionnement et de distribution ont entraîné une augmentation du commerce de poisson vivant, frais et réfrigéré, qui représentait en 2018 environ 10 pour cent du commerce mondial du poisson. Environ 78 pour cent de la quantité exportée était constituée de produits destinés à la consommation humaine. Une grande partie de la production de farine et d’huile de poisson fait l’objet d’échanges commerciaux car, en général, les principaux pays producteurs (en Amérique du Sud, dans le nord de l’Europe et en Asie) ne comptent pas parmi les plus grands consommateurs (en Europe et en Asie).

La valeur indiquée ci-dessus pour les exportations de poissons et autres produits aquatiques en 2018, soit 164 milliards de dollars, ne comprend pas le montant supplémentaire de 2 milliards de dollars qui est généré par le commerce des algues et autres plantes aquatiques (63 pour cent), des sous-produits non comestibles du poisson (29 pour cent) et des éponges et coraux (8 pour cent). Le commerce des plantes aquatiques est passé de 65 millions de dollars en 1976 à plus de 1,3 milliard de dollars en 2018, les principaux exportateurs étant l’Indonésie, le Chili et la République de Corée, et les principaux importateurs, la Chine, le Japon et les États-Unis d’Amérique. En raison de l’augmentation de la production de farine de poisson et d’autres produits dérivés de sous-produits de la transformation du poisson (voir la section «Utilisation et transformation du poisson»), le commerce des sous-produits non comestibles du poisson a également connu une forte hausse, passant de 9 millions de dollars en 1976 à 600 millions de dollars en 2018.

Le commerce du poisson et autres produits de la pêche et de l’aquaculture se caractérise par une grande diversification des espèces et des formes de produits. Cela reflète les différences qui existent dans les goûts et les préférences des consommateurs, avec des marchés pouvant proposer aussi bien des animaux aquatiques vivants qu’un large éventail de produits transformés. Les salmonidés (saumons et truites), principale marchandise échangée depuis 2013 en termes de valeur, représentaient en 2018 environ 19 pour cent de la valeur totale des produits halieutiques et aquacoles échangés au niveau international. La même année, les autres principaux groupes d’espèces exportées étaient les crevettes (environ 15 pour cent de la valeur totale), suivies des poissons de fond, comme le merlu, la morue, l’églefin et le lieu de l’Alaska (10 pour cent) et du thon (9 pour cent) (figure 33). En 2018, la farine de poisson et l’huile de poisson représentaient environ 3 pour cent et 1 pour cent de la valeur des exportations, respectivement. Plusieurs espèces, qui sont plus prisées pour leur abondance que pour leur valeur, font également l’objet d’un commerce important, tant au niveau national qu’aux niveaux régional et international.

FIGURE 33
PART DES PRINCIPAUX GROUPES D’ESPèCES DANS LE COMMERCE DE POISSON (EN VALEUR), 2018

L’indice FAO des prix du poisson est calculé sur une gamme de prix pour les principaux groupes d’espèces. La valeur 100 de l’indice est le prix moyen observé sur la période de base 2014-2016. Malgré la forte baisse enregistrée à la suite de la crise financière mondiale de 2008-2009 et les fluctuations des cours liées principalement à l’essor et à l’échec de certaines espèces aquacoles fortement commercialisées, les prix du poisson ont globalement augmenté en raison des possibilités limitées de croissance de l’offre, notamment pour les pêches de capture, et de la persistance d’une forte demande mondiale. En 2019, les cours internationaux du poisson étaient en moyenne inférieurs d’environ 3 pour cent à ceux de l’année précédente (figure 34). Cette baisse est principalement due à la diminution du prix de nombreuses espèces d’élevage importantes, notamment de la crevette, du saumon, du silure et du tilapia, mais aussi du thon en conserve, dans un contexte marqué par une offre supérieure à la demande.

FIGURE 34
INDICE FAO DES PRIX DU POISSON
Saumon et truite

Le saumon, en particulier le saumon de l’Atlantique d’élevage, s’est révélé un produit polyvalent et populaire qui correspond globalement aux préférences des consommateurs modernes. En raison de la forte demande des marchés développés et en développement de presque toutes les régions du monde, il est devenu le plus important produit alimentaire aquatique en termes de valeur. Les marchés du saumon coho d’élevage, de la truite arc-en-ciel et des espèces de saumon sauvage des pêcheries du Pacifique Nord ont tous connu une forte croissance, mais c’est le saumon de l’Atlantique qui représente la plus grande part des recettes d’exportation. L’élevage de cette espèce, mené par la Norvège et le Chili, est l’une des industries de production de poisson les plus rentables et les plus avancées sur le plan technologique au niveau mondial, tandis que du côté du marché, le secteur se distingue par des stratégies de marketing internationales coordonnées et un rythme rapide d’innovation en matière de produits. Les contraintes physiques et réglementaires qui pèsent sur la croissance de cette production ont contribué à pousser les prix du saumon à des niveaux record en 2018, niveaux qui ont été approchés une fois de plus à la fin de 2019 et au début de 2020.

Crevettes

Les crevettes ont toujours été l’un des produits aquatiques les plus commercialisés, la majeure partie de la production s’effectuant en Asie et en Amérique latine et les principaux marchés étant les États-Unis d’Amérique, l’Union européenne et le Japon. Ces derniers temps, cependant, leur part dans le volume total des échanges a diminué et le saumon se classe désormais devant les crevettes en termes de valeur totale échangée. Les marchés émergents, en particulier la Chine, sont des cibles de plus en plus importantes pour les exportateurs et négociants de crevettes, alors que les possibilités de croissance des marchés développés traditionnels sont limitées. Le secteur de la crevette d’élevage, qui fournit désormais la majorité des volumes sur le marché mondial, a également souffert de l’impact d’épidémies et de variations de prix liées au cycle d’expansion et de ralentissement. Les volumes élevés enregistrés par la production aquacole en 2018 et 2019 ont poussé les prix du marché à la baisse, ce qui a conduit les producteurs à adopter une planification prudente. L’augmentation des importations chinoises, attribuable en grande partie à la répression de la contrebande pratiquée via des pays tels que le Viet Nam, a favorisé l’augmentation des recettes d’exportation de l’Équateur, en particulier.

Poissons de fond et autres poissons blancs

Le marché mondial du poisson blanc est concurrentiel, avec un degré relativement élevé de substituabilité des espèces, qu’elles soient sauvages ou d’élevage. Traditionnellement, la morue et le lieu de l’Alaska dominent ce segment, mais les producteurs aquacoles de tilapia et de silure ont réussi à accroître leur part de marché mondial, notamment aux États-Unis d’Amérique et, plus récemment, en Chine. L’industrie chinoise du tilapia, de loin la plus importante au monde, a pâti de l’imposition de droits de douane sur les importations de tilapia par les États-Unis d’Amérique, ainsi que d’un changement des priorités de développement du Gouvernement chinois. La croissance future des exportations devrait provenir d’autres producteurs asiatiques, tels que l’Indonésie, ainsi que de l’industrie latino-américaine en pleine expansion. Le secteur aquacole vietnamien, qui se développe, continue de représenter la quasi-totalité des silures commercialisés dans le monde, bien que les exportateurs soient devenus de plus en plus dépendants du marché chinois pour absorber l’offre supplémentaire. L’offre de poissons de fond sauvages a été globalement plus faible en 2019 qu’en 2018, ce qui a entraîné une hausse des prix de certaines espèces comme la morue (figure 35). L’augmentation continue des coûts de transformation en Chine a incité à relocaliser cette activité en Europe et à profiter de l’occasion pour réduire les coûts de transport vers les marchés européens.

FIGURE 35
PRIX DES POISSONS DE FOND EN NORVèGE
Thon

La plupart des conserves de thon sont destinées aux marchés des États-Unis d’Amérique et de l’Union européenne, tandis que le Japon est le plus grand importateur mondial de thon frais et congelé, entier ou sous forme de longe. Les principales industries de transformation et de réexportation de thon importé sont situées en Chine, en Équateur, aux Philippines, en Espagne et en Thaïlande. La matière première provient de flottes de pêche lointaine au thon qui exploitent des stocks régionaux gérés par des ORGP. Il s’agit de multiples espèces des latitudes tropicales et subtropicales des océans Atlantique, Pacifique et Indien. Le thon rouge et le thon obèse sont généralement utilisés pour les sashimis et les sushis, tandis que le listao, le germon et l’albacore sont destinés à la production de thon en boîte et d’autres produits préparés et en conserve. Le thon en conserve est commercialisé et vendu en grande partie par des chaînes de supermarchés comme un produit alimentaire à base de poisson abordable, tandis que les sashimis et sushis sont destinés à des consommateurs soucieux de leur santé, dans un contexte de popularité croissante de la cuisine japonaise sur les marchés internationaux. À la fin de 2019, un excédent de captures a fait chuter les prix de la matière première à des niveaux historiquement bas (figure 36), ce qui a entraîné une baisse des recettes d’exportation pour les principaux transformateurs, même si les prix se sont redressés au début de 2020.

FIGURE 36
PRIX DU LISTAO EN ÉQUATEUR ET EN THAïLANDE
Céphalopodes

Les céphalopodes forment une classe de mollusques qui comprend le poulpe, l’encornet et la seiche. Les flottes chinoises et marocaines sont responsables de la majorité des captures de poulpes dans le monde, tandis que les encornets et les seiches sont principalement fournis par la Chine, le Viet Nam, le Pérou et l’Inde. Une grande partie des prises de la Chine est réalisée par sa flotte de pêche lointaine. Le poulpe est un ingrédient très apprécié dans une variété de plats devenus populaires auprès des consommateurs modernes, y compris le poke hawaïen (salade de poisson) et les tapas à l’espagnole, tandis que l’encornet figure couramment sur les menus des restaurants et dans les rayons de produits surgelés des supermarchés. L’offre de céphalopodes, en particulier de poulpes, s’est raréfiée ces dernières années; en effet, la productivité d’importantes pêcheries de poulpes a diminué, ce qui exige la mise en place de régimes de gestion rigoureux. Ces dernières années, la demande de céphalopodes a été forte, les prix ont donc augmenté.

Bivalves

Les mollusques bivalves comprennent les moules, les clams, les peignes et les huîtres. Aujourd’hui, ces espèces sont issues en très grande partie de l’aquaculture, et c’est la Chine qui en est de loin le plus grand fournisseur. La demande de bivalves a fortement augmenté au fil du temps en raison de la hausse des revenus dans le monde, mais aussi de la faveur dont jouissent ces mollusques auprès des consommateurs. Lorsqu’elle est gérée de manière responsable, la production aquacole de bivalves a un impact positif sur l’environnement et présente d’importants avantages, notamment en termes d’apport en micronutriments. Les prix élevés et soutenus des bivalves ont stimulé le développement de cette aquaculture dans diverses régions.

Petits pélagiques, farine et huile de poisson

Parmi les petites espèces pélagiques les plus commercialisées, on trouve le maquereau, le hareng, la sardine et l’anchois. Les pêcheries de petits pélagiques sont géographiquement très étendues et le réseau de producteurs et de marchés est complexe. Les stocks de petits pélagiques chevauchent souvent plusieurs ZEE, et leurs mouvements sont fortement influencés par les conditions climatiques. De ce fait, les négociations de quotas peuvent être difficiles, les fluctuations de l’offre sont courantes et la volatilité des prix est élevée. En général, les grandes espèces comme le maquereau, le hareng et la sardine sont utilisées pour la consommation humaine, tandis que les espèces de plus petite taille sont généralement plutôt transformées en farine ou en huile de poisson pour servir d’aliments, principalement dans l’aquaculture, mais aussi pour le bétail. Cela dit, ces espèces plus petites, dont l’anchois du Pérou, sont aussi commercialisées pour la consommation humaine et comme ingrédients entrant dans la composition des compléments alimentaires. Dans certains pays d’Afrique de l’Ouest, la production croissante de farine de poisson, principalement destinée à l’exportation, suscite des inquiétudes quant à la sécurité alimentaire, car cela réduit le nombre de pélagiques, notamment de sardinelles et d’ethmaloses d’Afrique, pour la consommation humaine. Bien que les prix de la farine de poisson aient généralement diminué depuis l’été 2018 (figure 37), la clôture anticipée de la seconde saison de pêche à l’anchois du Pérou à la fin de 2019 et une baisse de l’approvisionnement en matières premières laissent présager un renversement de cette tendance. Les prix de l’huile de poisson, en hausse depuis la mi-2018, devraient poursuivre leur progression (figure 38).

FIGURE 37
PRIX DE LA FARINE DE POISSON ET DE LA FARINE DE SOJA EN ALLEMAGNE ET AUX PAYS-BAS
FIGURE 38
PRIX DE L’HUILE DE POISSON ET DE L’HUILE DE SOJA AUX PAYS-BAS
Vingt-cinquiéme anniversaire du code de conduite pour une pêche responsable

Comment le Code a-t-il facilité l’adoption de pratiques durables?

Les ressources des pêches et de l’aquaculture, dans les écosystèmes tant marins que d’eau douce, constituent l’une des plus grandes sources de protéines animales de la planète. Les pêches sont essentielles à la sécurité alimentaire et à la nutrition dans le monde, et offrent des possibilités de développement susceptibles de contribuer à un monde plus prospère, pacifique et équitable.

Aujourd’hui, l’importance d’une utilisation responsable des ressources des pêches et de l’aquaculture est largement reconnue, et les pays en font une priorité. Une telle utilisation, cependant, n’a pas toujours été au centre des stratégies de développement dans ce secteur. Longtemps, on a supposé que ces ressources étaient infinies et, après la Seconde Guerre mondiale, le progrès scientifique et technologique a entraîné un développement intensif des pêches et des flottes de pêche. Avec le temps, le sophisme des ressources infinies a été remplacé par la prise de conscience que les ressources halieutiques, bien que renouvelables, ne sont pas inépuisables.

À la fin des années 1980, avec l’effondrement de plusieurs stocks de poissons dans le monde, il est devenu évident que les ressources halieutiques ne pouvaient plus supporter l’effort de pêche rapide et souvent sans entraves, et qu’il était urgent d’adopter, pour la gestion des pêches, de nouvelles approches qui tiennent compte de la conservation et de l’environnement. La pêche non réglementée en haute mer, qui impliquait parfois des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs, est également devenue un problème de plus en plus préoccupant.

Le Code de conduite pour une pêche responsable («le Code»), adopté à l’unanimité par les Membres de la FAO en 1995, est un document fondamental qui énonce des principes et des normes convenus au niveau mondial pour l’utilisation des ressources halieutiques et aquacoles, y compris dans le cadre de mécanismes régionaux d’action et de coopération, le but étant de garantir une utilisation durable des ressources aquatiques vivantes en harmonie avec l’environnement (FAO, 1995). Ainsi, depuis 25 ans, le Code a servi de base à l’élaboration de différents instruments destinés à fournir le cadre général de l’action menée aux niveaux international, régional et national pour utiliser de manière durable et responsable les ressources des pêches et de l’aquaculture.

Historique du Code

Le rapport Brundtland de 1987, Notre avenir à tous (Commission mondiale sur l’environnement et le développement, 1987), a marqué un changement de paradigme en faveur d’une action mondiale destinée à assurer un développement durable. Ce tournant s’est produit alors que la communauté internationale s’inquiétait de plus en plus de la surpêche de stocks de poissons importants, des dommages causés aux écosystèmes, des pertes économiques et des problèmes affectant le commerce du poisson – autant de facteurs qui menaçaient la durabilité à long terme des pêches et, partant, la contribution de ces dernières à la sécurité alimentaire. En 1991, à sa dix-neuvième session, le Comité des pêches de la FAO a demandé à cette dernière de développer le concept de pêche responsable et d’élaborer à cette fin un code de conduite.

Par la suite, la Conférence internationale sur la pêche responsable, tenue en 1992 à Cancún (Mexique), a demandé à la FAO d’élaborer un code de conduite international pour une pêche responsable. La Déclaration de Cancún qui en a résulté a grandement contribué à la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement de 1992, en particulier au programme Action 21, précurseur des objectifs du Millénaire pour le développement et des actuels objectifs de développement durable (ODD).

Prenant acte de ces faits nouveaux et d’autres développements importants dans le secteur mondial des pêches, la FAO a facilité la négociation du Code pour qu’il soit cohérent avec les instruments existants et établisse, de manière non obligatoire, des principes et des normes applicables à la conservation, à la gestion et à la mise en valeur de toutes les pêches. Le 31 octobre 1995, le Code a été adopté à l’unanimité par plus de 170 États Membres à la vingt-et-unième Conférence de la FAO, le but étant de fournir au monde un cadre novateur pour l’action menée aux niveaux national, régional et international en faveur d’une exploitation biologiquement durable des ressources aquatiques.

Que contient le Code?

Le Code encourage une pêche et une aquaculture responsables et couvre pratiquement tous les aspects du secteur, des pratiques de pêche et d’aquaculture responsables au commerce et à la commercialisation. Ayant permis d’orienter les politiques gouvernementales sur tous les continents, il reconnaît l’importance nutritionnelle, économique, sociale, environnementale et culturelle des pêches et de l’aquaculture, ainsi que les intérêts de toutes les Parties concernées. Il prend en compte les caractéristiques biologiques des ressources et de leur environnement, ainsi que les intérêts des consommateurs et des autres utilisateurs.

Objectif

Le Code a pour objectif de promouvoir des pratiques responsables, de la capture à la consommation, dans le secteur des pêches et de l’aquaculture. Il établit des principes pour la pêche, l’aquaculture et les activités connexes, et fournit des normes de conduite pour toutes les personnes qui travaillent dans le secteur. Il fixe des critères aux fins de l’élaboration de politiques nationales pour la gestion et le développement responsables des ressources des pêches et de l’aquaculture. En outre, il sert de référence aux États qui souhaitent créer ou améliorer leurs cadres juridiques et institutionnels de gouvernance des pêches et de l’aquaculture.

Le Code facilite et encourage la coopération technique et financière pour la conservation et la gestion des ressources halieutiques, en faveur de la recherche sur les pêches et les écosystèmes associés et du commerce du poisson et des produits de la pêche. Il favorise la contribution des pêches à la sécurité alimentaire, en donnant la priorité aux besoins nutritionnels des communautés tributaires de ces ressources, et appelle à protéger les ressources aquatiques vivantes et leurs habitats.

Nature et portée

Le Code a une portée mondiale et s’adresse aux Membres et non-membres de la FAO, aux entités se livrant à la pêche, aux organisations sous-régionales, régionales et mondiales, gouvernementales ou non et à toutes les personnes concernées par la gouvernance des ressources halieutiques et aquacoles et par leur gestion et leur développement, comme les pêcheurs, les personnes intervenant dans la transformation et la commercialisation du poisson et des produits de la pêche et les autres utilisateurs du milieu aquatique ayant un rapport avec les pêches. Le Code est d’application volontaire; certaines parties, cependant, se fondent sur des règles pertinentes du droit international. De portée générale, il couvre la capture, la transformation et le commerce du poisson et des produits de la pêche, les opérations de pêche, l’aquaculture, la recherche halieutique et l’intégration des pêches et de l’aquaculture dans l’aménagement des zones côtières.

Le Code et le cadre juridique international des pêches

Le droit international de la pêche (Al Arif, 2018) comprend un certain nombre d’instruments sur la gestion et la conservation des pêches, contraignants ou non15, négociés sous l’égide des Nations Unies (figure 39). Le Code est une référence essentielle pour la formulation de politiques et d’autres cadres juridiques et institutionnels.

FIGURE 39
CADRE JURIDIQUE INTERNATIONAL DES PÊCHES
Convention des Nations unies sur le droit de la mer

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, souvent appelée «Constitution des océans», a été adoptée en 1982 après neuf années de négociations. Ce traité international est une convention-cadre qui fournit la base d’un cadre international de gestion des ressources halieutiques. Il a donné aux États côtiers des droits et des responsabilités pour ce qui est de la gestion et de l’utilisation des ressources halieutiques dans leurs zones économiques exclusives (ZEE), qui englobent quelque 90 pour cent des pêches marines du monde. Il a également donné aux États le droit de pratiquer la pêche en haute mer tout en les obligeant à coopérer avec d’autres États à la conservation et à la gestion des ressources aquatiques vivantes, notamment par la création d’organisations sous-régionales ou régionales de gestion des pêches.

Accord d’application

L’Accord visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion a été approuvé par la Conférence de la FAO en 1993 et est entré en vigueur en 2003. Son objectif est de promouvoir l’acceptation des mesures internationales de conservation et de gestion par les navires de pêche qui opèrent en haute mer. Les Parties conviennent de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les navires de pêche autorisés à battre leur pavillon ne se livrent à aucune activité qui compromette l’efficacité des mesures internationales de conservation et de gestion, et de prendre des mesures d’application à l’égard des navires de pêche qui agissent en violation des dispositions de l’Accord. Les Parties conviennent en outre de conclure, lorsqu’il y a lieu, des accords de coopération ou d’assistance mutuelle et encouragent tout État ou Partie à l’Accord à l’accepter et à adopter des mesures conformes à ses dispositions.

Accord sur les stocks de poissons

L’Accord aux fins de l’application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs (Accord sur les stocks de poissons) a été adopté en 1995 par la Conférence des Nations Unies tenue sur ce thème en vue de mettre en œuvre les dispositions pertinentes de la Convention. Cet accord établit l’obligation de mettre en place des régimes de gestion fondés sur le principe de précaution et sur les meilleures informations scientifiques disponibles.

Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port

L’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée a été adopté par la Conférence de la FAO en 2009 et est entré en vigueur en 2016. Il s’agit du seul accord international contraignant spécifiquement élaboré pour lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INDNR). Son objectif est de prévenir, de contrecarrer et d’éliminer la pêche INDNR en empêchant les navires qui la pratiquent d’utiliser les ports et de débarquer leurs prises. Cela dissuade ces navires de continuer à opérer, tout en empêchant les produits issus de la pêche INDNR d’atteindre les marchés nationaux et internationaux.

Code de conduite pour une pêche responsable

Le Code consiste en un ensemble de principes, d’objectifs et d’éléments relatifs à la conservation, à la gestion et au développement des ressources aquatiques vivantes, dans le respect de l’écosystème et de la biodiversité. Bien qu’il représente un consensus ou un accord mondial sur un large éventail de questions relatives aux pêches et à l’aquaculture, son application est volontaire. Il doit être interprété et appliqué conformément aux règles pertinentes du droit international, et rien dans son contenu ne préjuge des droits, de la compétence et des devoirs qui incombent aux États en vertu du droit international, tels qu’ils sont reflétés dans la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. À la fin de 2018, on comptait, parmi les produits ou «instruments» dérivés du Code, huit ensembles de directives, huit instruments juridiques (dont le Code lui-même), quatre plans d’action internationaux, trois stratégies et trente-deux directives techniques. Le suivi de l’application du Code s’effectue au moyen de trois questionnaires biennaux, comme indiqué à la section «Progrès sur la voie de la durabilité».

Application du Code

Beaucoup de choses ont changé ces 25 dernières années, des stocks surexploités au développement rapide du commerce international du poisson et des produits de la pêche, en passant par la croissance rapide de l’aquaculture et la reconnaissance des effets du changement climatique sur la pêche et l’aquaculture. Le poisson et les produits de la pêche font désormais partie des denrées alimentaires les plus commercialisées dans le monde, pour un montant estimé à 145 milliards de dollars des États-Unis en 2017. Le poisson est la principale source de protéines animales pour des milliards de personnes dans le monde, et la subsistance de plus de 10 pour cent de la population mondiale dépend de la pêche de capture et de l’aquaculture (FAO, 2018a).

Ces 25 dernières années, la FAO et de nombreuses autres organisations et institutions ont œuvré à promouvoir l’application du Code et des instruments qui l’appuient. Ces derniers, composés d’environ cinquante directives internationales et techniques, quatre plans d’action internationaux et trois stratégies ont évolué au fil du temps pour aider la communauté internationale à relever les nouveaux défis qui se faisaient jour. La FAO a facilité la tenue de centaines de conférences, d’ateliers, de consultations d’experts et de techniciens pour élaborer et diffuser le Code et les instruments qui le sous-tendent, et appuyer leur application aux plans régional, national et local.

Actuellement, le Code est disponible dans plus de 40 langues. La FAO et d’autres organisations internationales et agences de développement l’ont utilisé pour aider, par des services de conseil et d’assistance juridique, politique et technique, les gouvernements à formuler des législations nationales des pêches et de l’aquaculture et des dispositions politiques et institutionnelles, ou à les remanier, et à résoudre des questions connexes. Le Code a éclairé la mise au point des services d’appui destinés à aider les organisations régionales et sous-régionales de gestion des pêches à améliorer leur cadre juridique pour promouvoir des mécanismes régionaux d’action et de coopération. Il a orienté le développement des capacités techniques des gouvernements de façon à ce que ces derniers soient en mesure de renforcer la recherche, les statistiques et les systèmes d’information à l’appui de la prise de décisions fondées sur des éléments probants concernant les politiques à mettre en place aux échelons national et régional.

Conclusion

Instrument de politique générale universellement adopté et applicable, le Code a constitué un moteur du changement, qui a stimulé la coopération aux niveaux local, régional et mondial. Aujourd’hui, les politiques et les lois relatives à la pêche de la plupart des pays sont compatibles avec le Code. Celui-ci, avec l’appui de ses instruments, a façonné les politiques de pêche et les cadres juridiques et de gestion connexes dans le monde entier, contribuant par là même à l’assimilation des principes fondamentaux d’un développement durable et responsable des pêches et de l’aquaculture. Il a aussi grandement aidé à intégrer le concept de conservation et les considérations environnementales dans la gestion des activités liées à la pêche et à l’aquaculture, et a inspiré le développement d’une approche écosystémique de ces dernières.

Dans un monde où la population devrait dépasser les 9 milliards d’êtres humains en 2050, le Code et ses instruments fournissent le cadre requis pour promouvoir une pêche et une aquaculture durables et accroître le rôle qu’elles jouent dans des systèmes alimentaires viables. Le Code fournit également les orientations nécessaires pour aborder des questions nouvelles et émergentes telles que le développement durable de l’aquaculture, la dégradation des océans, la responsabilité sociale, la conservation de la biodiversité et le changement climatique. Il sera donc essentiel à l’action qui sera menée au niveau international dans le domaine des pêches et de l’aquaculture à l’appui du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (le «Programme 2030»).

Progrès sur la voie de la durabilité – ce que révèle le questionnaire relatif au Code

L’article 4 du Code dispose que la FAO devra rendre compte au Comité des pêches, tous les deux ans, de l’état d’avancement de la mise en œuvre du Code (figure 40). Pour ce faire, la FAO s’appuie essentiellement sur son questionnaire relatif à l’application du Code de conduite pour une pêche responsable et des instruments connexes, qui porte sur chaque article du Code. La FAO envoie le questionnaire tous les deux ans à l’ensemble des Membres, aux ORP et à certaines ONG, et les réponses apportées étayent l’élaboration d’un rapport intermédiaire qui est examiné par le Comité des pêches. Jusqu’à présent, la FAO a établi 11 rapports de ce type. L’Organisation envoie également deux autres questionnaires portant sur la mise en œuvre des articles 9 (Développement de l’aquaculture) et 11 (Pratiques post-capture et commerce) du Code, dont les résultats sont débattus tous les deux ans respectivement par le Sous-Comité de l’aquaculture et le Sous-Comité du commerce du poisson du Comité des pêches.

FIGURE 40
RÉPONSES DES MEMBRES AU QUESTIONNAIRE DE LA FAO SUR L’APPLICATION DU CODE DE CONDUITE POUR UNE PÊCHE RESPONSABLE ET DES INSTRUMENTS CONNEXES, PAR RÉGION

Le questionnaire relatif au Code est communiqué au format numérique depuis 2014, ce qui permet aux participants d’y répondre de manière succincte et facilite la communication d’informations sur l’application du Code et sur d’autres faits nouveaux à ce sujet. En 2016, 115 Membres sur 193 y avaient répondu, soit 20 pour cent de plus qu’en 2014. On a par ailleurs observé une nouvelle augmentation du taux de réponse pour le dernier questionnaire (2018), 128 Membres ayant pris part à l’exercice.

À sa trente-deuxième session, en 2016, le Comité des pêches est convenu que les données issues des questionnaires pourraient être utilisées dans le cadre de l’établissement des rapports nationaux sur les indicateurs des ODD et sur les Objectifs d’Aichi pour la biodiversité, dans le respect des impératifs de confidentialité. Par la suite, des méthodes de suivi des indicateurs 14.6.1 (pêche illicite, non déclarée et non réglementée) et 14.b.1 (droits d’accès des petits pêcheurs) ont été mises au point en consultation avec le Secrétariat du Comité des pêches et approuvées par le Groupe d’experts des Nations Unies et de l’extérieur chargé des indicateurs relatifs aux ODD. En parallèle, le Secrétariat du Comité des pêches a étoffé certaines rubriques du questionnaire présentant un intérêt aux fins de la production de rapports sur les indicateurs relatifs aux ODD et les Objectifs d’Aichi pour la biodiversité. Grâce à l’intensification des travaux réalisés avec ces diverses plateformes, certains aspects négligés du questionnaire font désormais l’objet d’une attention inédite.

Gestion de la pêche

Aux échelons régional et mondial, les réponses au questionnaire révèlent une forte tendance à l’amélioration de la gestion de la pêche, qu’elle soit marine ou continentale (figures 41 et 42).

FIGURE 41
NOMBRE DE PLANS DE GESTION DE LA PÊCHE MIS AU POINT POUR LA PÊCHE DE CAPTURE MARINE ET CONTINENTALE EN APPLICATION DU CODE, SELON LES INFORMATIONS FOURNIES PAR LES MEMBRES
FIGURE 42
PROPORTION DES PLANS DE GESTION DE LA PÊCHE MIS EN ŒUVRE POUR LA PÊCHE DE CAPTURE MARINE ET CONTINENTALE EN APPLICATION DU CODE, SELON LES INFORMATIONS FOURNIES PAR LES MEMBRES

Une autre tendance positive s’est dégagée cette dernière décennie: l’approche écosystémique des pêches (AEP) s’est imposée comme le mode de gestion privilégié. Les trois quarts des Membres affirment l’avoir adoptée, et la majorité d’entre eux déclare avoir pris des mesures de gestion utiles et défini des objectifs écologiques, socioéconomiques et en rapport avec la gouvernance.

En 2011, les ORG ont estimé que le Code avait peu de chances de produire des résultats s’ils n’adoptaient pas l’AEP, et notamment l’utilisation par leurs membres de points de référence cibles. Aujourd’hui, près des trois quarts des Membres ont défini des points de référence cibles assortis de moyens de suivi et d’évaluation.

L’adoption progressive de mesures de gestion axées sur l’AEP pourrait se traduire par une amélioration de la gestion intégrée des zones côtières (GIZC). Malgré les actions entreprises par la FAO pour intégrer l’AEP à la gestion des espaces côtiers, les progrès ont été lents ces 25 dernières années, et peut-être plus encore à partir de 2010. En effet, d’après les réponses fournies au questionnaire, la part des pays qui considéraient la GIZC comme une priorité absolue s’est effondrée, passant de 43,6 pour cent à 28,9 pour cent en 2011, une proportion qui demeure stable depuis lors puisqu’elle s’établit aujourd’hui à 27,4 pour cent. Moins d’un tiers des Membres déclarent avoir mis en place des cadres stratégiques, juridiques et institutionnels exhaustifs qui sont propices à la GIZC, et environ la moitié disposent de cadres partiellement élaborés en attente d’adoption (figure 43). Les différends les plus couramment signalés dans les zones côtières ont trait aux engins de pêche et aux désaccords entre les acteurs de la pêche côtière et ceux de la pêche industrielle, mais la plupart des Membres concernés disent avoir créé des mécanismes de règlement des conflits. Il y a de bonnes raisons de croire que la situation est sur le point de changer. Les pays déclarent en effet qu’ils appliquent des mesures plus efficaces d’encadrement des flottilles, axées sur le suivi, le contrôle et la surveillance, et qu’ils s’emploient à réduire l’effort de pêche et à intensifier leurs activités de recherche. D’après les réponses apportées au questionnaire, ces efforts sont, pour l’essentiel, entrepris dans le contexte d’initiatives en rapport avec l’AEP, mais on peut s’attendre à ce qu’elles aient également des effets bénéfiques sur les initiatives de GIZC.

FIGURE 43
NOMBRE DE PAYS DISPOSANT D’UN CADRE JURIDIQUE POUR LE DÉVELOPPEMENT D’UNE AQUACULTURE RESPONSABLE CONFORME AU CODE, SELON LES INFORMATIONS FOURNIES PAR LES MEMBRES
Pêche artisanale marine et continentale

La place qu’occupent la pêche artisanale et la pêche continentale suscite une attention croissante. Depuis le milieu des années 2000, les Membres manifestent un intérêt pour l’établissement de directives plus précises concernant la gouvernance de la pêche artisanale, et en particulier, depuis 2009, la sécurité en mer. En réalité, l’intérêt envers les petits pêcheurs ne cesse de s’accroître depuis 25 ans, et les Membres rappellent de plus en plus l’importance de ces acteurs. L’adoption, en 2014, des Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté (Directives sur la pêche artisanale), dont l’approche se fonde sur les droits de l’homme, a été saluée et considérée comme un énorme pas en avant dans la gestion de la pêche artisanale en mer et dans les eaux continentales. Les Membres relèvent également la contribution auxiliaire des Directives sur la pêche artisanale à l’établissement de politiques et réglementations sociales sur des aspects qui sont étroitement liés à la pêche artisanale.

Cette évolution est notamment catalysée par une tendance récente à vouloir définir la pêche artisanale: un peu moins de la moitié des Membres en ont adopté une définition juridique. On voit également apparaître une tendance positive entre les pays qui ont défini la pêche artisanale et ceux qui recueillent des données spécifiques sur le secteur (principalement sur la production, la valeur de la production, l’emploi et les échanges commerciaux).

Par ailleurs, les réponses au questionnaire montrent que les mécanismes qui facilitent la participation des petits pêcheurs et des travailleurs de la pêche à la prise de décisions se multiplient et que plus des trois quarts de ces mécanismes favorisent la participation active des femmes. À l’échelle mondiale, la pêche artisanale est maintenant inscrite à l’ordre du jour des délibérations du Comité des pêches. S’agissant de la pêche continentale, la coopération régionale vise en priorité à: interdire les méthodes de pêche destructrices; préserver la biodiversité des habitats et des écosystèmes aquatiques; et tenir compte des intérêts et des droits des petits pêcheurs dans les plans de gestion.

Développement de l’aquaculture

Le questionnaire montre que l’aquaculture a pris énormément d’importance dans les programmes nationaux entre 2011 et 2018 (figure 43). En 2007, parmi les rares pays qui mentionnaient l’aquaculture au nombre de leurs activités économiques, 87 pour cent déclaraient s’être dotés d’une forme ou l’autre de cadre juridique visant à réglementer le développement d’une aquaculture responsable. En 2012, 98 pour cent des Membres déclaraient des activités aquacoles dans leur pays, mais seuls 40 pour cent d’entre eux environ disposaient de cadres législatifs et institutionnels. On constate donc que la croissance de l’aquaculture a été plus rapide que l’élaboration des cadres législatifs et juridiques nécessaires à sa gouvernance. De 40 pour cent, cette proportion est passée à un peu plus de la moitié en 2018, ce qui montre que certains pays doivent encore adopter un cadre législatif pour mieux gérer les activités économiques aquacoles et en tirer de meilleurs bénéfices. De plus, les Membres qui ont pris des mesures pour promouvoir des pratiques aquacoles responsables s’attachent également à fournir aux communautés rurales, aux organisations de producteurs et aux aquaculteurs l’appui dont ils ont besoin.

Pratiques après capture et commerce

En 2012, 77 pour cent des Membres ont déclaré avoir mis en place, à l’échelle nationale, des systèmes globalement complets et efficaces pour garantir la sécurité sanitaire et la qualité du poisson et des produits de la pêche. Les progrès accomplis dans ce domaine sont réguliers depuis 2001, époque où seuls 58 pour cent des Membres disaient s’être dotés d’un système efficace de gestion de la sécurité sanitaire des aliments. La priorité accordée par les pays aux pratiques après capture, qui a diminué de 6,9 pour cent entre 2011 et 2018, est une bonne indication de ces progrès. Les réponses au questionnaire de 2018 révèlent une propension croissante à améliorer l’utilisation des captures accessoires. En outre, plus des trois quarts des Membres ont indiqué que les transformateurs étaient en mesure de déterminer l’origine des produits de la pêche qu’ils achètent, ce qui se reflète également dans la priorité accordée par les pays au commerce qui a progressé de 6,1 pour cent. La rubrique du questionnaire consacrée aux pratiques après capture et au commerce met en évidence la multiplication, à l’échelle mondiale, des systèmes de sécurité sanitaire des aliments et d’assurance de la qualité mis en place depuis 2012. On peut notamment conclure de l’évolution des priorités que les pays, à mesure qu’ils ont développé leurs pratiques après capture, ont pu davantage s’employer à mettre au point des approches axées sur le commerce durable, qui se révèlent de plus en plus lucratives à une époque où les consommateurs des marchés à forte valeur ajoutée exigent des garanties de durabilité et de certification pour les produits comestibles de la mer.

La commercialisation du poisson issu de la pêche illicite étant souvent considérée comme un sujet de préoccupation, la plupart des Membres ont pris des mesures pour y mettre un terme. Ces mesures prennent bien souvent la forme de vérifications et d’inspections plus poussées ou encore de contrôles douaniers et aux frontières et s’appuient sur la mise en œuvre de plans d’action nationaux visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (pêche INDNR). Depuis quelques années, l’adoption des Directives d’application volontaire relatives aux programmes de documentation des prises contribue à ces efforts. L’entrée en vigueur et la mise en œuvre de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port devraient par ailleurs faire considérablement progresser la lutte contre la pêche INDNR ainsi que les initiatives en faveur de la traçabilité.

Obstacles à surmonter et solutions proposées

La plupart des Membres disent rencontrer des difficultés dans l’application du Code en raison d’un manque de budget et de ressources humaines. Pour y remédier, ils préconisent les solutions suivantes: l’accès à davantage de ressources humaines et financières; la formation et la sensibilisation; et l’amélioration de la recherche et des statistiques.

L’importance donnée à la pêche artisanale et à l’aquaculture se traduira peut-être par une mobilisation plus forte de la société civile en faveur de la réalisation des objectifs du Code. Les efforts entrepris par la FAO pour catalyser cette mobilisation, de même que sa contribution à toutes les autres composantes du Code, se manifestent par les différents ateliers nationaux et régionaux en cours ainsi que par des directives techniques, la traduction de certaines directives et l’aide à l’élaboration de plans d’action nationaux. Cependant, afin de renforcer le recours au système d’information sur les indicateurs, le Secrétariat du Comité des pêches a créé un outil permettant aux utilisateurs d’extraire un rapport pour chaque indicateur après avoir rempli le questionnaire.

Enfin, de nombreux pays qui formulent des recommandations sur l’interface entre le Code et le questionnaire estiment qu’il convient de procéder à des révisions périodiques du questionnaire en vue d’y intégrer les nouvelles difficultés et limites en matière de gouvernance de la pêche et des océans.

L’avenir du questionnaire

Globalement, le questionnaire a fait ses preuves en tant qu’outil important de communication d’informations par les Membres et les ORP sur l’application du Code dans le monde. On a par ailleurs constaté, ces dernières années, qu’il pouvait être adapté aux nouveaux enjeux et servir à l’établissement de rapports sur les indicateurs connexes des ODD.

L’augmentation du nombre de réponses, depuis le passage au format numérique et l’amélioration de l’accessibilité du questionnaire, est encourageante. De plus, la diversité accrue des sujets abordés facilite le suivi dans des domaines tels que la pêche artisanale, qui ne recevaient peut-être pas suffisamment d’attention auparavant. Le questionnaire doit être dynamique: les nouveaux enjeux doivent être pris en compte et de nouvelles questions doivent être élaborées sur la base des réponses précédentes. La communication par les Membres et les ORP de réponses de qualité, qui soient fiables et fidèles à la réalité sur le terrain aux plans local, national et régional, devrait faire du questionnaire un outil précieux d’évaluation des progrès accomplis sur la voie de la gestion durable des pêches et de l’aquaculture et de la concrétisation des ODD correspondants.

Suivi de la durabilité des pêches et de l’aquaculture

Systèmes de données et d’information de la FAO sur les pêches et l’aquaculture

Guidée par ses Membres et soucieuse de répondre aux attentes de la société mondiale, la FAO a mis au point une large gamme de données et de produits d’information afin d’établir des données de référence, de suivre les changements et d’appuyer la prise de décision. Au sommet, La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, publication phare de la FAO, informe les responsables politiques de haut niveau et appuie l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes. Depuis 2015, les ODD sont un moteur essentiel des politiques adoptées dans le domaine de la pêche et de l’aquaculture. La présente section examine les systèmes de données et d’information de la FAO sur les pêches et l’aquaculture et la façon dont ils renseignent sur l’état et l’évolution des trois piliers – économique, environnemental et social – de la durabilité (encadré 6).

Dimensions économique et sociale

Les bases de données statistiques des pêches et de l’aquaculture de la FAO relatives à la production, à la flotte de pêche, au commerce et à l’emploi, de même que les bilans alimentaires (encadré 5), ont été conçus à l’origine pour répondre aux préoccupations de la société d’après-guerre concernant la sécurité alimentaire et la croissance économique. Au cours des trois décennies suivantes, la qualité de ces bases – qui dépend fortement de la capacité des Membres à recueillir, gérer et communiquer des données statistiques – s’est améliorée grâce à l’élaboration, guidée par le Groupe de travail chargé de coordonner les statistiques des pêches, de classifications standard internationales des espèces aquatiques, des zones de pêche, des types d’engins, des navires, du commerce, etc. Ces classifications ont été complétées par des catalogues illustrés destinés à aider les pays dans leurs activités d’identification et de terminologie.

Avec l’adoption du Code en 1995 (FAO, 1995), l’accent mis sur la durabilité du secteur a incité à envisager des approches complémentaires aux statistiques de base. La stratégie de la FAO, pour améliorer l’information sur la situation et l’évolution des pêches de capture et de l’aquaculture, a consisté à promouvoir les inventaires comme point de départ pour l’élaboration d’une base de connaissances complète, seul moyen possible pour démontrer l’importance de la pêche artisanale et des modes de subsistance qui y sont liés. Cette approche a conduit à cartographier les secteurs aquacoles nationaux pour compenser le manque de connaissances les concernant. Un inventaire des pêches de capture (voir ci-dessous) a également été lancé pour obtenir une plus grande visibilité des pêches qui ne font pas suffisamment l’objet d’un suivi par les systèmes statistiques existants.

Dimension environnementale

Dans le contexte des objectifs du Millénaire pour le développement de 2000, l’enjeu de la durabilité des écosystèmes a pris de l’ampleur avec la Déclaration de Reykjavik sur l’approche écosystémique des pêches. En conséquence, la FAO et les organes régionaux des pêches (ORP) ont lancé divers systèmes d’information et partenariats, notamment:

  • le Système de suivi des ressources halieutiques et des pêcheries (FIRMS), qui diffuse des informations basées sur des inventaires sur l’état des stocks et des pêches;

  • une base de données sur les introductions d’espèces aquatiques, une base de données sur les écosystèmes marins vulnérables (EMV) et une base de données sur les mesures de conservation et de gestion des requins, qui reflètent les mesures prises par les parties prenantes (organisations régionales de gestion des pêches [ORGP] et États) pour préserver les habitats fragiles (comme les EMV) et les espèces vulnérables (requins, par exemple);

  • EAF-Net, qui facilite l’accès aux ressources de la FAO relatives à l’application de l’approche écosystémique des pêches;

  • dans un avenir proche, le système de suivi des ressources génétiques aquatiques de la FAO (voir la section «Un système d’information sur les ressources génétiques aquatiques à l’appui d’une croissance durable de l’aquaculture»).

Une activité essentielle pour le rétablissement de la durabilité des ressources halieutiques au cours de la dernière décennie, également soulignée par les ODD, a été la lutte contre la pêche INDNR. Les registres de navires constituent le fer de lance du partage de données au niveau international et la FAO a lancé, en 2018, le Fichier mondial des navires de pêche, des navires de transport frigorifique et des navires de ravitaillement (le «Fichier mondial»). Ces développements et d’autres encore ont donné naissance à la base de connaissances de la FAO sur les pêches et l’aquaculture telle qu’elle est aujourd’hui (encadré 6).

Ces systèmes d’information se voient appliquer différents niveaux de contrôle, de propriété et d’intégration (encadré 7). Le cœur du système est entièrement intégré et directement géré par différentes unités de la FAO, sous la forme soit de communications de pays, soit de partenariats (avec des ORP, par exemple), la FAO faisant office de dépositaire. L’exploitation des systèmes d’information repose de plus en plus sur des plateformes en nuage utilisées dans le cadre d’accords commerciaux ou de partenariats avec des organisations à but non lucratif. Le recours à des bases de données externes n’appartenant pas à la FAO est envisagé dans le cadre de partenariats et/ou d’accords spécifiques de partage de données. Dans ces nouveaux modèles, la FAO joue le rôle de dépositaire, assurant la qualité, la neutralité, l’indépendance, la transparence et la préservation à long terme de la base de connaissances.

Cette base de connaissances revêt une grande valeur pour différents utilisateurs. Par exemple, la section «Vue d’ensemble» de La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture, qui est élaborée à partir des indicateurs de la FAO fondés sur cette base, est la section la mieux notée de cette publication phare de la FAO. L’analyse de la manière dont l’Organisation atteint ses publics cibles montre comment cette publication et les produits fondés sur les connaissances favorisent le passage de la science à la politique pour les pêches mondiales (Ababouch et al., 2016). Elle montre que les statistiques de production, de commerce et de consommation apparente, ainsi que les bilans alimentaires de la FAO, constituent les principales sources de données pour les analystes du monde universitaire, les décideurs et les institutions de développement à faire des projections à moyen et long termes de l’offre et de la demande de poisson dans le cadre plus large de la sécurité alimentaire, et présentent donc un intérêt considérable pour ceux qui planifient sur le long terme.

La base de connaissances et l’ODD 14, exemple actuel d’application concrète

La pertinence de la base de connaissances peut également être évaluée par rapport aux besoins en données de l’objectif de développement durable 14 (voir la section «Rapports sur la durabilité des pêches et de l’aquaculture» [ODD 14]). Par exemple, l’indicateur 14.4.1, qui exige que l’on comprenne l’état des stocks de poissons pour améliorer leur gestion, fait appel à la base de données de la FAO sur les statistiques des pêches de capture, ainsi qu’au Système de suivi des ressources halieutiques et des pêcheries et à son Registre mondial des stocks et des pêches. La cible 14.6 de l’objectif de développement durable 14 vise l’interdiction des subventions dont les effets peuvent être néfastes, et les négociations de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) se réfèrent régulièrement, comme sources d’éléments factuels, aux bases de données sur les prises et les flottes mondiales, au Fichier mondial et au Registre mondial des stocks et des pêches du Système de suivi des ressources halieutiques et des pêcheries de la FAO.

L’application de l’indicateur 14.4.1, cependant, pâtit également de la qualité insuffisante des données relatives aux prises et de la disponibilité limitée de données sur l’effort de pêche, indispensables pour évaluer les stocks; pour renforcer les capacités des pays (FAO, 2018a), il faudra que la communauté internationale fasse un effort important pour résoudre ce genre de problème (voir également l’encadré 23).

En outre, il faudrait, pour l’indicateur 14.b.1, mieux comprendre la contribution de la pêche artisanale aux moyens de subsistance et, pour l’indicateur 14.7.1, qui mesure la contribution économique de la pêche durable, recueillir systématiquement la valeur des prises, comme la FAO a commencé à le faire en 2019. On manque de données sur la contribution de l’aquaculture marine au produit intérieur brut (PIB) en raison de la disponibilité limitée de données sur les systèmes d’élevage (dont la classification est en cours d’élaboration par le Groupe de travail chargé de coordonner les statistiques des pêches) et les pratiques durables associées. Ces exemples illustrent la nécessité d’améliorer les données socioéconomiques disponibles et collectées par la FAO (FAO, 2016). Le projet intitulé «Mettons en lumière les captures cachées» (Illuminating hidden harvests) (voir la section «Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles») vise à actualiser l’évaluation du rendement des pêches artisanales marines et continentales, et à trouver une approche pour caractériser objectivement ces activités. Cela pourrait améliorer la manière dont la pêche artisanale est suivie dans les bases de données mondiales.

Les indicateurs 14.2.1 et 14.5.1 exigent que l’on mette davantage l’accent sur la réduction des effets néfastes des pêches sur les habitats et les écosystèmes. Le Système pilote de gestion de l’information relative aux aires protégées montre comment l’on peut intégrer les informations de la FAO relatives aux pêches aux répertoires externes d’information sur la biodiversité (Système d’information biogéographique océanique), des aires marines protégées (AMP; Centre mondial de surveillance de la conservation) et de leurs caractéristiques environnementales et socioéconomiques (Programme de gestion de la biodiversité et des aires protégées) pour appuyer les activités de conservation et les applications spatiales. Le projet iMarine offre une plateforme innovante pour les accords de partage de données avec ces acteurs externes (iMarine, 2019a), par exemple dans le contexte de la diversité biologique marine des aires situées au-delà de la juridiction nationale.

Comme les ODD s’appuient sur des évaluations de pays, ils constituent une occasion unique d’accroître la production, la qualité, la disponibilité et l’utilisation de données dans les systèmes de suivi sectoriel pour guider les politiques. Les exemples ci-dessus illustrent la manière dont la FAO entend tirer profit des technologies de l’information et des partenariats pour relever les défis d’un suivi et d’une communication appropriés sur les ODD.

Un système d’information sur les ressources génétiques aquatiques à l’appui d’une croissance durable de l’aquaculture

La croissance de la demande de poisson et de produits de la pêche doit être satisfaite principalement par l’expansion de la production aquacole. Pour que cette expansion soit viable, plusieurs éléments sont nécessaires, or, un domaine parfois négligé est la nécessité de gérer efficacement les ressources génétiques aquatiques. Ces ressources englobent ici l’ADN, les gènes, les chromosomes, les tissus, les gamètes, les embryons et autres stades précoces de la vie, les individus, les souches, ainsi que les stocks et les communautés d’organismes qui présentent un intérêt réel ou potentiel pour l’alimentation et l’agriculture.

En général, la diversité des ressources génétiques aquatiques n’est prise en compte qu’au niveau des espèces. Dans l’aquaculture, il est produit plus de 600 espèces (tandis que plus de 1 800 espèces sont pêchées), et ce nombre augmente à mesure que les techniques de culture de nouvelles espèces se développent. Bien qu’il y ait une certaine concentration de la production autour d’un petit nombre d’espèces «de base» telles que les carpes, les tilapias, les salmonidés et les crevettes, le nombre total d’espèces d’élevage continuera probablement d’augmenter. S’il est vrai que la diversité des espèces cultivées est relativement bien comprise, les connaissances sur les ressources génétiques aquatiques sont en revanche insuffisantes en dessous du niveau des espèces.

La diversité génétique est l’une des pierres angulaires de l’aquaculture. Elle permet aux organismes de se développer, de s’adapter à des phénomènes naturels et anthropiques tels que le changement climatique, de résister aux maladies et aux parasites, et de continuer à évoluer et à s’adapter aux systèmes agricoles. La FAO reconnaît que l’on ne peut gérer efficacement les ressources génétiques aquatiques en l’absence de connaissances, c’est pourquoi elle s’efforce d’en améliorer la compréhension et de développer, à ce sujet, des produits du savoir.

Que sait-on sur les ressources génétiques aquatiques utilisées dans l’aquaculture?

La FAO publie des données statistiques annuelles sur la production aquacole de tous les pays et territoires producteurs connus. Afin de refléter la diversité des espèces aquatiques, ces données sont enregistrées dans des unités statistiques désignées, appelées «catégories d’espèces», pour lesquelles on emploie les noms scientifiques (et les noms communs, le cas échéant) tirés du Système d’information sur les sciences aquatiques et la pêche (ASFIS [encadré 8]).

Une catégorie d’espèces peut se référer à une seule espèce identifiée sur le plan taxonomique ou à un groupe d’espèces. Le niveau d’agrégation d’une catégorie d’espèces varie grandement, allant d’espèces étroitement apparentées du même genre à des espèces très faiblement apparentées présentant des caractéristiques communes (invertébrés marins, par exemple). Conçu aux fins de l’établissement de statistiques de production, l’ASFIS n’a aucune autorité sur le statut taxonomique des espèces ou des groupes d’espèces. Il est également relativement statique, les mises à jour mineures périodiques se fondant nécessairement sur des modifications ou des ajouts fiables, cohérents et détaillés à la nomenclature. Pour les statistiques mondiales de la FAO relatives à la production aquacole, toutes les données enregistrées sur la production sont agrégées au niveau de l’espèce ou supérieur.

Parmi les autres sources d’information sur les ressources génétiques aquatiques figurent les Résumés des sciences aquatiques et halieutiques (ASFA [encadré 8]), qui permettent de faire des recherches dans une vaste base de données de ressources publiées, notamment sur la génétique des espèces aquatiques. FishBase fournit des informations détaillées sur les espèces de poissons (Froese et Pauly, 2000) et SeaLifeBase donne accès à des informations similaires sur d’autres taxons aquatiques marins (Palomares et Pauly, 2019); les deux sites contiennent des informations publiées sur la génétique, mais ne référencent généralement pas les caractéristiques des ressources génétiques aquatiques trouvées dans les fermes. La base de données Barcode of Life Data System (Ratnasingham et Hebert, 2007) est une plateforme de stockage et d’analyse des codes-barres génétiques. Avec des informations sur les séquences de plus de 15 000 espèces de poissons, il s’agit d’une norme largement acceptée pour l’identification génétique des espèces commerciales, mais là encore, pas en dessous du niveau de l’espèce.

La Commission des ressources génétiques pour l’alimentation et l’agriculture de la FAO (la Commission) a pris acte du fait que l’on manquait de connaissances sur les ressources génétiques aquatiques en dessous du niveau des espèces et a fait de la collecte d’informations sur ces ressources une priorité en 2007. Cette initiative a abouti à la publication de L’état des ressources génétiques aquatiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde (FAO, 2019a). Ce rapport présente un instantané de la situation des ressources génétiques aquatiques, couvrant les espèces d’élevage et les espèces sauvages apparentées sous juridiction nationale. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un inventaire complet, il jette un nouvel éclairage sur les moteurs et les tendances de l’utilisation des ressources génétiques aquatiques dans l’aquaculture. Le rapport recense les principaux besoins à combler et défis à relever pour améliorer la conservation, l’utilisation durable et la mise en valeur de ces précieuses ressources. Il a été élaboré en s’appuyant principalement sur les rapports de 92 pays, qui représentent 96 pour cent de la production aquacole mondiale.

Le rapport a permis de mettre au jour certaines divergences entre les espèces signalées par les correspondants nationaux dans le cadre de ce processus et celles signalées régulièrement à la FAO. Il est ainsi apparu évident qu’il fallait harmoniser davantage les procédures de communication d’informations au niveau national et mondial. L’analyse des rapports de pays a fait ressortir un manque flagrant de cohérence dans la terminologie utilisée pour décrire les ressources génétiques aquatiques. Le rapport a été établi sur la base d’une terminologie normalisée (encadré 9). Le terme «organisme d’élevage» est un terme particulièrement important qui peut décrire tous les types de ressources génétiques aquatiques que l’on trouve dans l’aquaculture. En 2019, un atelier d’experts de la FAO a recensé 12 types d’organismes d’élevage spécifiques à inclure dans un système d’information (figure 44).

FIGURE 44
PROPOSITION D’UN SYSTÈME D’INFORMATION FONDÉ SUR UN REGISTRE DES ORGANISMES AQUATIQUES D’ÉLEVAGE

Les conclusions du rapport soulignent les principales différences qui existent entre les ressources génétiques aquatiques et terrestres. Du point de vue de la conservation, par exemple, la situation des ressources génétiques aquatiques est encourageante par rapport à celle qui prévaut dans d’autres secteurs agricoles, car il existe toujours, dans la nature, des espèces sauvages apparentées à toutes les espèces d’élevage, bien que certaines soient menacées. On observe également un niveau élevé d’interaction entre les ressources génétiques aquatiques d’élevage et les espèces sauvages apparentées, ces dernières servant souvent de semences dans l’aquaculture. Les systèmes d’aquaculture, cependant, peuvent également avoir des effets néfastes sur les ressources sauvages apparentées en raison de la modification ou de la perturbation de l’habitat et de l’échappement ou de la libération de ressources génétiques aquatiques reproduites en écloserie.

Relativement peu de souches ou variétés domestiquées de ressources génétiques aquatiques se distinguent de manière significative des ressources apparentées sauvages. Cela met en évidence l’énorme possibilité d’accroître durablement les rendements de l’aquaculture grâce à une adoption beaucoup plus large de programmes efficaces d’amélioration génétique axés sur la sélection d’espèces de faible valeur et à volume de production élevé dans les pays en développement. Le rapport a également permis de constater que les espèces non autochtones introduites jouent un rôle d’une importance fondamentale dans l’aquaculture mondiale, mais qu’elles peuvent menacer la diversité génétique des espèces autochtones et doivent donc être gérées avec prudence.

Mesures pour une gestion efficace des ressources génétiques aquatiques

En réponse au rapport L’état des ressources génétiques aquatiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde, la Commission a demandé à la FAO de préparer un plan d’action mondial sur les ressources génétiques aquatiques. Une fois approuvé par la FAO et ses Membres, ce plan fournira un cadre – et une base pour la mobilisation de ressources – en faveur de la promotion d’une conservation, d’une utilisation durable et d’une mise en valeur améliorées et efficaces des ressources génétiques aquatiques. Son élaboration et sa mise en œuvre s’appuieront sur la dynamique créée par l’établissement et la publication du rapport. Le plan incitera également les pays à élaborer des stratégies nationales et régionales pour une gestion efficace de leurs ressources génétiques aquatiques. Le rôle de la FAO sera de concevoir et de promouvoir des ressources applicables au niveau mondial pour appuyer l’élaboration de ces stratégies.

Étant donné les caractéristiques distinctives des ressources génétiques aquatiques par rapport à leurs équivalentes terrestres, l’accent mis dans le plan d’action mondial différera quelque peu de celui des plans établis pour les ressources génétiques végétales, animales et forestières. Ainsi, on accordera notamment un rang de priorité élevé à l’accélération du développement de ressources génétiques aquatiques pour l’aquaculture. Les quatre priorités stratégiques du plan proposé sont les suivantes:

  • mise en place de systèmes de caractérisation, de surveillance et d’information nationaux, régionaux et mondiaux pour les ressources génétiques aquatiques;

  • développement approprié de ressources génétiques aquatiques pour l’aquaculture;

  • utilisation durable et conservation des ressources génétiques aquatiques;

  • mise en place de politiques, d’institutions et d’activités de renforcement des capacités pour la gestion des ressources génétiques aquatiques.

Le plan d’action mondial sera élaboré sur une période de deux ans en consultation avec le Comité des pêches et ses organes subsidiaires pour être négocié par le Groupe de travail technique intergouvernemental sur les ressources génétiques aquatiques en septembre 2020, avant d’être présenté à la Commission au début de 2021.

Un système d’information au cœur d’un plan d’action mondial

Le manque d’informations fiables et accessibles sur les ressources génétiques aquatiques en dessous du niveau de l’espèce entrave la prise de décisions efficaces concernant la gestion de ces ressources. Si quelques pays disposent de systèmes d’information à l’échelon national, il n’existe pas d’outil normalisé pour enregistrer les informations relatives aux stocks, aux souches, aux variétés, aux hybrides ou à d’autres types d’organismes aquatiques d’élevage. Le développement d’un tel outil permettra aux producteurs, aux gestionnaires de ressources, aux défenseurs de l’environnement, aux responsables politiques et aux chercheurs de prendre des décisions éclairées pour une gestion efficace, une utilisation durable et un échange approprié de ces ressources.

Le Gouvernement allemand aide la FAO à concevoir un prototype de registre des ressources génétiques aquatiques, qui répertoriera les organismes d’élevage disponibles dans les pays Membres de l’Organisation. Ce registre sera l’élément central d’un système d’information plus large sur les ressources génétiques aquatiques (provisoirement dénommé AquaGRIS [figure 44]). Il comprendra des indicateurs qui permettront de suivre: les progrès réalisés dans la conservation des organismes d’élevage et des stocks des espèces sauvages apparentées; les progrès réalisés au regard d’un futur plan d’action mondial; et, éventuellement, les progrès réalisés par rapport à la cible 2.5 des objectifs de développement durable, qui ne s’applique actuellement qu’aux ressources génétiques terrestres.

Une gestion efficace des ressources génétiques aquatiques est essentielle à une croissance durable future de l’aquaculture. Elle n’est, cependant, pas possible en l’absence d’informations appropriées sur l’état de ces ressources, notamment en dessous du niveau des espèces. L’état des ressources génétiques aquatiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde présente l’état actuel des ressources utilisées dans l’aquaculture et devrait faciliter l’adoption de mesures de suivi. En élaborant un plan d’action mondial doté d’un système d’information propre permettant l’accès à de nouvelles connaissances, la FAO aide au premier chef à transformer la gestion future de ces ressources vitales.

Garantir la durabilité des pêches et de l’aquaculture

Lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée: évolution de la situation mondiale

L’année 2020, qui marque une étape importante dans la lutte contre la pêche INDNR, est l’occasion d’évaluer les progrès accomplis dans ce domaine à l’échelle mondiale. En effet, les cibles 14.4 et 14.6 des ODD, qui visent respectivement à éliminer la pêche INDNR et à supprimer les subventions qui favorisent ce type de pêche d’ici à 2020, sous-tendent depuis cinq ans les actions entreprises par les gouvernements, les ORGP et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales du monde entier. Cette section fait le point sur les avancées réalisées dans l’adoption et la mise en œuvre des initiatives, outils et instruments internationaux qui encouragent et facilitent la lutte contre cette activité dévastatrice.

Application de l’Accord de la FAO relatif aux mesures du ressort de l’État du port (2009)

L’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, approuvé par la Conférence de la FAO en 2009, a pour but d’empêcher le poisson issu de la pêche INDNR d’arriver sur les marchés nationaux et internationaux en interdisant aux navires étrangers qui pratiquent ou que l’on soupçonne de pratiquer ce type de pêche, d’accéder aux ports et de les utiliser.

L’Accord est entré en vigueur en juin 2016 et comptait alors 30 Parties, dont l’Union européenne en tant que Partie représentant ses États membres. Ce nombre a augmenté au fil du temps jusqu’à atteindre 66 Parties en février 2020.

La première réunion des Parties à l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port s’est tenue à Oslo (Norvège) en mai 2017, et la deuxième à Santiago (Chili) en juin 2019. Elles avaient toutes deux pour but de faire avancer la mise en œuvre de l’Accord et ont jusqu’à présent donné les résultats exposés ci-après.

Système mondial d’échange d’information

Un des piliers de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port est l’échange rapide et efficace d’informations entre les Parties sur les navires étrangers qui cherchent à entrer dans leurs ports désignés et à les utiliser. Différents types d’informations, comme le fait que le navire se soit déjà vu refuser l’entrée dans un port ou l’utilisation de celui-ci, ses antécédents en matière de respect des règles et les résultats d’éventuelles inspections, doivent être communiqués quasiment en temps réel pour favoriser la détection rapide des activités de pêche INDNR.

Les Parties à l’Accord, qui ont compris qu’il était important d’avoir accès à ces données de base pour pouvoir honorer les obligations qui découlent de l’instrument, ont donc avancé l’idée de créer un système mondial d’échange d’information (GIES) qui faciliterait la mise en commun de données importantes pour l’application de l’Accord. Les Parties ont donné à la FAO la mission de concevoir ce système et ont mis sur pied un groupe de travail informel chargé de formuler des orientations sur sa mise au point.

L’Organisation a commencé par créer des applications pilotes dans lesquelles les États peuvent enregistrer leurs ports désignés et leurs points de contact nationaux. En février 2020, 49 États avaient enregistré leurs points de contact nationaux et 39 avaient transmis des informations sur leurs ports.

S’agissant de la mise au point du futur GIES, les Parties se sont accordées sur les points suivants: i) le GIES doit pouvoir relier et compléter les systèmes nationaux et régionaux relatifs à l’État du port qui existent déjà, tout en donnant la possibilité aux Parties qui ne disposent pas encore d’un tel système d’accéder directement au GIES; ii) il est important que les États participent activement au Fichier mondial des navires de pêche, des navires de transport frigorifique et des navires de ravitaillement (encadré 10) pour qu’il contribue au mieux au fonctionnement du GIES; iii) le GIES devra être opérationnel dans les plus brefs délais.

Besoins des États en développement

Les États Parties en développement, majoritaires parmi les Parties à l’Accord, ont un rôle de premier plan à jouer dans sa mise en œuvre généralisée. Conscientes de cette réalité, les Parties ont mis sur pied le Groupe de travail relevant de la Partie 6, dont la tâche est d’examiner les besoins des États Parties en développement, et créé, par l’intermédiaire de celui-ci, un fonds d’aide permettant à ces États de bénéficier d’un appui au renforcement des capacités en faveur de la mise en œuvre de l’Accord (encadré 11). Elles ont également chargé la FAO d’établir un portail mondial consacré au développement des capacités à l’appui de la lutte contre la pêche INDNR dans le but de rassembler des informations sur les initiatives menées dans le monde entier dans ce domaine pour renforcer la coordination et la cohésion entre les différents acteurs.

Suivi et évaluation

Les Parties ont souligné la nécessité de procéder au suivi et à l’évaluation de la mise en œuvre de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port, en particulier à ce stade précoce de son application. Elles se sont entendues sur un questionnaire qui permettrait de vérifier et de mesurer l’efficacité de l’Accord et ont chargé la FAO de le distribuer aux Parties à la mi-2020. La synthèse des résultats du questionnaire sera présentée à la troisième réunion des Parties à l’Accord, laquelle se tiendra à Bruxelles (Belgique) en novembre 2020. Cette réunion sera largement axée sur l’évaluation de l’efficacité de l’Accord, conformément à son article 24.2.

Application de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port par les organes régionaux des pêches

Comme l’indique une enquête menée par courriel, en mars 2019, par l’intermédiaire du Réseau des secrétariats des organes régionaux des pêches (ORP), ces organismes contribuent de façon déterminante à l’application de l’Accord. Neuf ORP, dont les parties contractantes représentaient 93 États côtiers et l’Union européenne, y ont participé; six avaient déjà adopté des mesures de conservation et de gestion en rapport avec les mesures du ressort de l’État du port, et la plupart d’entre elles ont été jugées en grande partie ou totalement en harmonie avec les dispositions de l’Accord. Sur ces six ORP, cinq avaient également mis en place des dispositifs pour veiller au respect de ces mesures. Enfin, trois ORP sur les sept qui comptent des États en développement parmi leurs parties contractantes avaient créé des initiatives et des outils de développement des capacités pour aider ces pays à appliquer les mesures de conservation et de gestion relatives à l’Accord.

Autres initiatives de la FAO
Étude sur le transbordement

Le transbordement, qui pourrait constituer une faille dans la gestion mondiale de la pêche, est à présent au cœur de discussions intenses. Couramment réalisées par de nombreuses pêcheries pour réduire les coûts de fonctionnement et exploiter au mieux les possibilités de pêche, les opérations de transbordement sont difficiles à surveiller et contrôler, en particulier lorsqu’elles se déroulent en mer. Elles pourraient donc devenir un point d’entrée sur le marché pour les captures issues de la pêche INDNR. Le risque que le transbordement favorise la pêche INDNR est particulièrement élevé dans les régions où la gouvernance de la pêche est fragile et où les moyens de suivi et de contrôle sont insuffisants.

En 2017, la FAO a mis en place une étude passant en revue les règles, les pratiques et les mécanismes de contrôle en matière de transbordement au niveau mondial. Lors de la présentation de l’étude en juillet 2018, à la trente-troisième session du Comité des pêches, les Membres se sont dits préoccupés par le transbordement et ont affirmé la nécessité de réaliser une nouvelle étude qui orienterait l’élaboration de directives sur les pratiques optimales à appliquer aux fins de la réglementation, du suivi et du contrôle de ces activités. La FAO a donc mené une étude mondiale à ce sujet tout au long de l’année 2019 dans le but de rassembler davantage de données quantitatives et de définir les différents types de pratiques, les mesures d’incitation économiques, les tendances, les outils de suivi et de contrôle disponibles et les zones auxquelles s’appliquent les règles en vigueur. Les résultats de l’étude seront présentés à la trente-quatrième session du Comité des pêches, en juillet 2020.

Estimation de la pêche INDNR

Il est fondamental de déterminer un niveau de référence pour mesurer l’efficacité des actions entreprises pour lutter contre la pêche INDNR. Estimer l’ampleur de la pêche INDNR est cependant un exercice complexe qui dépend de toute une série de facteurs, comme le type de pêcherie et la disponibilité des informations. La FAO travaille actuellement à l’élaboration d’un ensemble de documents sur la méthode à employer, l’objectif étant de faire en sorte que les estimations obtenues soient toutes comparables, indépendamment de leur provenance. Les directives techniques de la FAO sur l’estimation de l’ampleur et de l’incidence de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée seront publiées en six volumes. Les deux premiers ont déjà été publiés, tandis que les quatre suivants le seront dans les années à venir.

Marquage des engins de pêche

L’application des Directives volontaires sur le marquage des engins de pêche (voir la section «Engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés»), qui viennent d’être approuvées, contribuera à la lutte contre la pêche INDNR en simplifiant le contrôle des engins de pêche ainsi que le suivi de leurs utilisateurs et de leurs finalités.

Dynamique mondiale en faveur de la lutte contre la pêche INDNR

L’élan général et la volonté politique qui se manifestent à l’échelle mondiale en faveur de la lutte contre la pêche INDNR et ses effets dévastateurs prennent de l’ampleur depuis quelques années. On peut d’ailleurs affirmer avec certitude que la concrétisation des cibles 14.4 et 14.6 des ODD est en bonne voie, malgré certaines lenteurs.

Les instances, associations et conférences internationales appellent toujours plus souvent l’attention sur l’impératif que constitue la lutte contre la pêche INDNR, comme l’ont fait récemment l’Organisation de coopération économique Asie-Pacifique (APEC), le G20 et le Commonwealth par l’intermédiaire de différents organes.

Les États et organisations qui participent à cette lutte privilégient de plus en plus la coopération et la collaboration pour que leurs efforts s’inscrivent dans une démarche complémentaire et intégrée. En octobre 2019, par exemple, l’Organisation internationale du Travail (OIT) a rejoint le Groupe de travail ad hoc mixte FAO/OMI sur la pêche illicite, non déclarée et non réglementée et sur les questions connexes, dont elle est à présent membre à part entière.

À l’échelle régionale, les ORP, les ORGP et d’autres organismes s’orientent également vers la création de mécanismes de coopération régionaux, tels que des plans d’action régionaux (CGPM, Commission des pêches pour l’Atlantique Centre-Ouest, Comité des pêches du Centre-Ouest du golfe de Guinée, etc.) ou des groupes de travail informels consacrés à l’échange d’information (comme le réseau d’échange d’informations et de données d’expérience entre les pays d’Amérique latine et des Caraïbes), pour lutter contre la pêche INDNR.

Enfin, les négociations se poursuivent au sein de l’Organisation mondiale du commerce au sujet d’un accord qui obligerait les États à empêcher les acteurs participant à la pêche INDNR de recevoir (ou de continuer à recevoir) des subventions. Pour pouvoir imposer ce genre d’interdiction, il faut cependant qu’un certain nombre de conditions préalables soient remplies, notamment l’adoption, d’un commun accord, de définitions pour des termes tels que la «pêche INDNR» et de mesures ou critères permettant de repérer les activités de ce type. Bien qu’il s’avère particulièrement difficile de se mettre d’accord sur ces définitions et critères, l’espoir demeure de parvenir à un consensus.

Légalité et origine des produits

La demande mondiale de poisson et de produits de la pêche a considérablement augmenté ces dernières années, tout comme la prise de conscience de la nécessité de s’assurer que les approvisionnements proviennent d’opérations exemptes de problèmes économiques, environnementaux et sociaux tout au long de la chaîne de valeur. Outre l’exigence initiale à l’origine de l’établissement de systèmes de traçabilité des produits de la mer, à savoir l’exigence de sécurité sanitaire des aliments, une attention accrue a été accordée à la légalité des approvisionnements en poissons et autres produits comestibles de la mer. Parallèlement, on a continué de débattre de l’utilité, du coût et des avantages de la mise en place d’une certification en matière de durabilité dans le secteur des pêches et de l’aquaculture, et les préoccupations relatives aux défis auxquels sont confrontés les producteurs des pays en développement à cet égard ont débouché sur divers programmes d’amélioration. Un autre problème lié à la légalité des produits concerne la fraude alimentaire. Bien que ce phénomène ne soit pas nouveau, il a été mis sous le feu des projecteurs ces dernières années. D’importantes initiatives, tant publiques que privées, sont en cours dans de nombreux pays pour lutter contre ce problème.

Les programmes de documentation des prises sont largement reconnus comme étant un moyen utile d’empêcher l’entrée, dans la chaîne de valeur, de poissons provenant de prises non conformes aux mesures applicables, la légalité des produits de la mer étant assurée au point d’entrée. Après l’adoption des Directives d’application volontaire relatives aux programmes de documentation des prises (FAO, 2019b), la Commission des thons de l’océan Indien a lancé l’élaboration d’un nouveau programme. Il s’agira du quatrième programme de ce type mis en place par une ORGP, après ceux de la Convention sur la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique, de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique et de la Commission pour la conservation du thon rouge du Sud. Dans l’intervalle, plusieurs mesures liées au marché ont été instaurées pour lutter contre la pêche INDNR. Parmi celles-ci figurent notamment le Système de certification des prises de la République de Corée (ciblant trois espèces), le Programme de surveillance des importations de fruits de mer des États-Unis d’Amérique et le Programme de documentation des prises de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est. D’autres initiatives nationales ou régionales sont en débat ou en préparation. Cela démontre la volonté consensuelle qui s’exprime, dans le monde, de combattre la pêche INDNR par des approches multiples. Près d’une décennie après son introduction, la réglementation de l’Union européenne relative à la certification des prises a évolué pour devenir le «CATCH», un programme électronique de documentation des prises qui devrait fournir une base de données unique permettant un suivi en temps réel des contrôles à l’importation.

Plusieurs publications récentes de la FAO étudient le rôle que les différentes autorités nationales pourraient jouer pour ce qui est d’assurer l’efficacité des systèmes nationaux de traçabilité des produits de la mer et, éventuellement, d’appuyer le fonctionnement des programmes de documentation des prises (Hosch, 2018; FAO, 2018c). Le Dialogue mondial sur la traçabilité des produits de la mer (Global Dialogue on Seafood Traceability; GDST, 2016) est une plateforme internationale créée par l’industrie pour mettre au point un cadre unifié de pratiques interopérables de traçabilité des produits de la mer, fondé sur quatre piliers: i) des éléments de données clés convenus au niveau international; ii) des spécifications techniques applicables aux systèmes de traçabilité interopérables; iii) des critères de référence convenus au niveau international pour vérifier la validité des données; et iv) une harmonisation des réglementations nationales pour faciliter la tâche des entreprises. Une autre initiative internationale, l’Alliance pour la légalité et la traçabilité des produits de la mer (Seafood Alliance for Legality and Traceability), cherche à établir une collaboration et une synergie entre les actions menées autour de la traçabilité des produits de la mer.

Le débat sur la certification en matière de durabilité s’est davantage concentré sur les défis que rencontrent les régions en développement, comme les coûts élevés, les faibles incitations, le manque de données et la mauvaise gouvernance. Ces dernières années, cependant, le nombre et la multiplicité des programmes de certification ont été source de confusion. À cela s’ajoute la prolifération des systèmes de notation et des projets d’amélioration des pêches et de l’aquaculture, qui n’a fait que compliquer encore davantage la situation. Les progrès vers l’harmonisation sont notables, puisque l’Initiative internationale pour les produits de la mer durables (Global Sustainable Seafood Initiative) a reconnu neuf labels écologiques (pour les produits de la mer sauvages capturés et d’élevage) utilisant ses outils de référence (GSSI, 2019). Rien n’indique que la certification en matière de durabilité va progressivement être abandonnée dans un avenir proche, compte tenu également de la demande croissante des consommateurs pour des produits de la mer durables et de l’absence d’une meilleure approche susceptible de la remplacer. Une importante proportion des producteurs de produits de la mer à l’échelle mondiale ne sont pas prêts à participer aux programmes existants d’écolabellisation et de certification de la durabilité. Le programme de mesure et d’accélération des résultats, mis en œuvre par l’Initiative susmentionnée et appuyé par la FAO, est un programme axé sur le marché qui cible les producteurs de produits de la mer qui sont en voie d’adhérer ou ne participent pas encore à un système de certification. Il aide les producteurs locaux à s’engager à apporter des améliorations progressives essentielles dans des délais précis, conformément au Code. Grâce à des incitations commerciales visant l’amélioration vérifiée des résultats obtenus en matière de durabilité et à une diminution des obstacles à l’entrée, le programme est à même d’élargir considérablement la participation des producteurs de produits de la mer au processus d’amélioration et de certification.

Le secteur des pêches et de l’aquaculture est très vulnérable à la fraude alimentaire en raison de la complexité du secteur, de l’écart de prix entre espèces semblables et de la multiplicité des espèces et des chaînes de valeur correspondantes. Des études menées aux États-Unis d’Amérique et dans l’Union européenne ont montré que le secteur des produits de la mer figurait parmi les deux ou trois secteurs alimentaires les plus vulnérables aux activités frauduleuses. Une importante action coordonnée conduite récemment par la Commission européenne, INTERPOL et Europol dans 11 pays européens a permis de détecter des pratiques frauduleuses concernant le thon, notamment la substitution d’espèces et la vente frauduleuse de thon, initialement destiné à la mise en conserve, en tant que thon frais. Plus de 51 tonnes de thon ont été saisies et cinq procédures pénales engagées.

En 2018, un rapport de la FAO a souligné que la lutte contre la fraude sur le poisson était une tâche complexe qui nécessitait de renforcer les programmes nationaux de réglementation alimentaire, d’élaborer des systèmes de traçabilité efficaces et fondés sur la science et d’améliorer les méthodes de contrôle de l’authenticité du poisson (FAO, 2018d). Ce même rapport a également mis en lumière la nécessité, pour l’industrie du poisson, d’élaborer et de mettre en œuvre des systèmes d’évaluation de la vulnérabilité à la fraude afin de détecter les sources potentielles de fraude au sein des chaînes d’approvisionnement, ainsi que de donner la priorité à la mise en place de mesures de contrôle afin de limiter le risque de recevoir des matières premières ou des ingrédients frauduleux ou frelatés.

En 2019, le Comité du Codex sur les systèmes d’inspection et de certification des importations et des exportations alimentaires a créé un groupe de travail électronique sur la fraude alimentaire doté d’un mandat étendu consistant à passer en revue les textes existants du Codex afin de déterminer comment faire avancer les travaux dans ce domaine.

Forte de ces initiatives, la FAO a organisé à Rome, en novembre 2019, un atelier technique sur la fraude alimentaire destiné à aider à élaborer une approche globale de lutte contre ce phénomène. À cet atelier, des experts et des membres du personnel de la FAO ont examiné les multiples aspects de la fraude alimentaire et recensé les mesures, outils et procédures de lutte principalement mis en place dans les différentes chaînes de valeur. Plus précisément, l’objectif était double, à savoir convenir des éléments clés qui favorisent la fraude alimentaire et déterminer les éléments, les institutions et les mécanismes que les pays doivent mettre en place pour traiter efficacement ce problème.

Durabilité, droits fonciers, droits d’accès et droits des usagers

Lorsqu’il est question de ressources naturelles telles que la terre, l’eau, les forêts, les pêches et autres ressources aquatiques des lacs, rivières et mers, le terme «droits fonciers» renvoie généralement aux normes et règles qui régissent la manière dont les individus gèrent ces ressources, y accèdent et les utilisent. Le terme «usager» désigne la personne, le groupe de personnes ou les autres entités qui peuvent effectuer ces actions. Ainsi, la question des droits fonciers et des droits des usagers consiste à définir qui peut utiliser ces ressources, pendant combien de temps et dans quelles conditions. La gouvernance de ces droits détermine dans quelle mesure et de quelle façon les individus peuvent préciser, acquérir et protéger les droits d’utilisation et de gestion de ces ressources.

Dans le domaine des pêches marines et continentales, le lien entre l’utilisation durable des ressources et la sécurité des droits fonciers, d’usage et d’accès est largement reconnu. Il est également de plus en plus reconnu que la viabilité environnementale est intrinsèquement liée à la viabilité sociale et économique à long terme des communautés de pêche côtière et continentale et qu’elle en dépend. La subsistance de nombreuses personnes, en particulier des pauvres des régions rurales, dépend d’un accès sûr et équitable aux ressources des pêches et de l’aquaculture ainsi que de leur gestion, car ces ressources fournissent un refuge et des aliments très nutritifs, sous-tendent les pratiques sociales, culturelles et religieuses et contribuent grandement à une croissance économique équitable et à l’instauration d’un climat de cohésion sociale. Par conséquent, une gouvernance inefficace des droits fonciers et des droits des usagers qui ne tient pas compte de la nécessité d’équilibrer la viabilité environnementale, sociale et économique constitue une menace majeure pour la sécurité des moyens d’existence et l’utilisation durable des ressources naturelles. Elle se traduit souvent, pour les communautés qui sont tributaires de ces ressources, par une pauvreté extrême et par la faim. Des systèmes fonciers appropriés, assortis de droits d’accès et d’usage clairs, sont donc fondamentaux pour garantir une pêche durable qui contribuera à la réalisation des ODD.

Depuis des siècles, on a mis en place de nombreux systèmes fonciers différents, qui sous-tendent diverses combinaisons d’objectifs implicites et explicites axés sur les aspects sociaux, la gestion et les politiques, lesquels reflètent communément les trois piliers de la durabilité: assurer la conservation des ressources, contribuer au bien-être social et générer des bienfaits économiques dans un contexte de sécurité alimentaire et d’éradication de la pauvreté. Ces systèmes vont de droits d’accès et d’utilisation communautaires, traditionnels ou autres à des parts de pêche ou quotas individuels transférables, en passant par des zones préférentielles pour des groupes particuliers tels que les petits pêcheurs. Si certains systèmes privilégient l’efficacité économique parmi les usagers reconnus des ressources (individus ou groupes de personnes, par exemple), d’autres s’inspirent de systèmes fonciers informels ou coutumiers, ou les font reconnaître officiellement.

S’ils sont correctement conçus, les systèmes de droits fonciers et d’usage peuvent sécuriser l’activité des usagers historiques et des communautés tributaires de la ressource, établir un accès exclusif à cette ressource et créer des conditions qui contribuent à prévenir la surpêche. Ce faisant, la pêche devient une activité à long terme où les usagers sont responsables de l’avenir du secteur et jouent un rôle important en tant que gardiens de la ressource. Toutefois, étant donné que les droits sont attribués et limités, ils deviennent également précieux pour les parties prenantes à l’intérieur comme à l’extérieur du secteur, ce qui peut soumettre ce dernier à des forces d’investissement ayant des objectifs différents de ceux des utilisateurs historiques et des communautés qui dépendent depuis toujours des ressources aquatiques locales. Il apparaît donc vital de sauvegarder les droits fonciers légitimes contre des transactions qui pourraient menacer la subsistance, la sécurité alimentaire et la nutrition des communautés côtières. Cette considération ressort clairement dans les Principes du Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA) pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires, dans les Directives volontaires du CSA pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale ainsi que dans les Directives volontaires visant à assurer la durabilité de la pêche artisanale dans le contexte de la sécurité alimentaire et de l’éradication de la pauvreté (les «Directives sur la pêche artisanale»)16.

Les différentes manières de reconnaître et d’attribuer les droits fonciers, d’usage et d’accès génèrent d’importants arbitrages sociaux, économiques et environnementaux. Il est essentiel de comprendre ce point alors que les ressources aquatiques retiennent de plus en plus l’attention dans les politiques nationales de développement économique et de conservation des ressources naturelles. Des rivalités pour l’usage des ressources dans le secteur des pêches et de l’aquaculture peuvent survenir lorsque les systèmes fonciers ne sont pas clairement définis ou pas correctement appliqués. C’est le cas, par exemple, lorsque des pêcheries industrielles et artisanales visent les mêmes stocks de poissons, ou lorsque les acteurs d’une industrie aquacole en pleine expansion, dans des zones d’eau douce et marines, réclament plus d’espace et ce qui produit des effets imprévus sur les pêches de capture. De même, l’expansion d’autres secteurs, comme le tourisme, le développement urbain, l’infrastructure portuaire, l’énergie, les transports et d’autres industries, dans des lieux où se déroulent des opérations de pêche ou d’aquaculture et des activités connexes, doit être soigneusement évaluée. Une telle expansion peut créer de nouvelles perspectives de subsistance qui complètent ou intègrent les activités de pêche. Le plus souvent, cependant, les activités de pêche et d’aquaculture ne sont pas prises en compte ni les parties prenantes consultées, alors que les normes internationales exigent qu’elles soient associées aux décisions prises s’agissant de déterminer à qui et de quelle manière sont attribués les droits fonciers et d’usage applicables aux terres, aux ressources en eau et aux ressources aquatiques. Les normes internationales exigent également de prendre en considération les droits des usagers des pêches et de l’aquaculture lorsqu’on prend des mesures de conservation spatiale, en particulier lorsqu’on désigne des AMP. L’adoption d’approches plus inclusives et de systèmes de gestion participative par zone impliquant directement les communautés côtières dont les moyens de subsistance dépendent de la pêche et de l’aquaculture donne des résultats encourageants, en ce sens que cela favorise des mesures de conservation efficaces qui équilibrent les objectifs environnementaux, sociaux et économiques, tant au sein des secteurs économiques qu’entre eux.

Une condition fondamentale pour garantir des systèmes fonciers appropriés est que tous les acteurs impliqués dans leur développement et leur mise en œuvre aient les moyens de remplir le rôle qui leur incombe dans une gouvernance responsable. Il faut que les administrations nationales des pêches comprennent les différentes options et les compromis respectifs. Il importe tout autant d’être capable d’appliquer des méthodes participatives aux consultations menées avec les acteurs clés afin d’identifier et de rendre opérationnels les systèmes de droits fonciers et d’usage les plus appropriés. L’efficacité d’un système donné dépend, dans une large mesure, de la participation collective et de l’appropriation du système par les utilisateurs des ressources. Cela peut prendre la forme d’accords de cogestion pour les aires marines gérées localement ou d’approches spatiales, telles que la définition de droits d’usage territoriaux avec la participation directe des communautés locales d’usagers.

Le Code représente le cadre normatif mondial susceptible d’inspirer des systèmes fonciers inclusifs et équitables à l’appui d’activités halieutiques et aquacoles durables (FAO, 1995). Anticipant, dans une certaine mesure, la cible 14.b des ODD, son paragraphe 6.18 énonce ce qui suit: «Les États devraient protéger de manière adéquate les droits des pêcheurs et des travailleurs du secteur de la pêche, particulièrement de ceux qui pratiquent une pêche de subsistance, artisanale et aux petits métiers, à des conditions de vie sûres et justes ainsi que, le cas échéant, à un accès préférentiel à des fonds de pêche traditionnels et aux ressources se trouvant dans les eaux relevant de la juridiction nationale». De même, le paragraphe 9.1.4 demande aux États de veiller à ce que le développement de l’aquaculture n’ait pas d’effets négatifs sur les moyens d’existence des communautés locales et leur accès aux zones de pêche. D’autres paragraphes du Code stipulent ce qui suit:

  • Les États devraient veiller à ce que des représentants du secteur des pêches et des communautés de pêcheurs soient consultés au cours des processus de décision et qu’ils prennent part à d’autres activités en rapport avec la planification de l’aménagement et le développement des zones côtières (10.1.2).

  • Les États devraient mettre en place, le cas échéant, des cadres institutionnels et juridiques en vue de déterminer les utilisations possibles des ressources côtières et régir l’accès à ces ressources, en tenant compte des droits des communautés côtières de pêcheurs et de leurs pratiques coutumières de manière compatible avec un développement durable (10.1.3).

  • Les États devraient favoriser l’adoption de pratiques de pêche qui permettent d’éviter les conflits entre les utilisateurs des ressources halieutiques, ainsi qu’entre ces derniers et d’autres usagers de la zone côtière (10.1.4).

Il existe en outre, comme cadres d’orientation pour la sécurité des droits fonciers, d’usage et d’accès, les instruments mondiaux énumérés plus haut: les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale; les Directives sur la pêche artisanale; les Directives volontaires de la FAO à l’appui de la concrétisation progressive du droit à une alimentation adéquate dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale; et les Principes du CSA pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires. Ces directives volontaires soutiennent toutes une nouvelle approche fondée sur les droits de l’homme qui exige le respect de plusieurs principes, tels qu’une bonne gouvernance, la participation et la consultation, l’inclusion, la transparence et la réparation. Leur application aide les parties prenantes à mieux comprendre les effets des différents types de régimes de droits fonciers et d’usage – y compris sur les plus vulnérables et les plus marginalisés – et, partant, favorise une prise de décision plus éclairée.

Des efforts supplémentaires ont été faits pour mieux comprendre et améliorer les systèmes de garantie des droits fonciers, d’usage et d’accès, notamment lors de conférences et de réunions tenues, tout récemment, par la FAO, comme la conférence Droits fonciers et droits des usagers dans le secteur de la pêche 2018: réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030, et la réunion des amis des droits des usagers 2019. La FAO participe actuellement, dans le monde entier, à une série d’ateliers régionaux sur les droits fonciers et les droits des usagers dans la pêche en réponse à l’appel à l’élaboration d’orientations pratiques sur les options et les possibilités à prendre en compte par les acteurs de la pêche pour faire progresser ces droits, une attention particulière étant accordée aux spécificités nationales et régionales. Ces orientations devraient accélérer l’adoption et l’application des Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale et des Directives sur la pêche artisanale aux niveaux mondial, régional et local, et appuyer la réalisation des ODD.

Le Programme 2030 est un engagement fort à ne faire aucun laissé-pour-compte, la cible 14.b demandant spécifiquement que les pêcheurs artisanaux aient accès aux ressources marines et aux marchés (encadré 12)17. Cet accès doit reposer sur une sécurisation des droits fonciers et des droits des usagers applicables aux ressources aquatiques qui sont le fondement du bien-être social et culturel, des moyens de subsistance et du développement durable des communautés, y compris les femmes et les hommes, qui dépendent des pêches et de l’aquaculture (encadré 13). Faire progresser les connaissances sur ces droits est essentiel pour assurer un développement viable et atteindre les ODD. Cela vaut pour les questions concernant l’accès aux pêcheries de capture marines et continentales, aux espaces côtiers et aux espaces aquatiques dans le monde, à leur utilisation et à leur gestion. Cela s’applique également à leurs interactions avec les droits fonciers et les droits d’usage applicables à la terre, à l’eau et aux forêts.

Viabilité sociale le long des chaînes de valeur

Les pays s’étant engagés, dans le cadre du Programme 2030, à ne faire aucun laissé-pour-compte, la reconnaissance de la dignité humaine est ici fondamentale. En ce qui concerne, en particulier, l’ODD 8 (Travail décent et croissance économique), on considère qu’en encourageant l’esprit d’entreprise et en promouvant la création d’emplois, on peut contribuer efficacement à l’éradication du travail forcé, de l’esclavage et de la traite d’êtres humains.

Dans le domaine des pêches et de l’aquaculture, il faut que la voix des pêcheurs et des travailleurs de la pêche soit entendue. Partout dans le monde, il a été documenté, dans le secteur, des violations des droits de l’homme et du travail ainsi que des abus, et il subsiste, malgré les efforts louables de nombreux gouvernements et de l’industrie, trop de pratiques inacceptables, non seulement dans les pays en développement, mais aussi dans le monde développé et à toutes les étapes des chaînes de valeur.

De nombreux opérateurs prennent leurs responsabilités au sérieux et respectent les lois et les normes nationales et internationales. Cependant, de nombreux cas de pratiques inacceptables persistent, les capacités institutionnelles sont faibles, les règles ne sont pas appliquées et la voix des pêcheurs et des travailleurs de la pêche n’est tout simplement pas entendue. Sur une note plus positive, la sensibilisation croissante au sein des pays, des groupes de consommateurs, des détaillants et de l’industrie elle-même, impose des changements vers des normes plus strictes, notamment à travers la certification et l’étiquetage.

Divers rapports ont révélé des cas de conditions de travail épouvantables dans le secteur des pêches. Des abus ont été signalés dans les usines de transformation du poisson et à bord des navires de pêche, où il est plus difficile d’effectuer des contrôles. Il y a de fortes indications que la traite d’êtres humains, le travail forcé et d’autres abus en matière de travail commis à bord des navires sont associés à la pêche INDNR, les travailleurs migrants étant jugés particulièrement vulnérables à cet égard.

Ces dernières années, de nombreuses initiatives gouvernementales et non gouvernementales ainsi que des programmes participatifs multipartites aux échelons national, régional et international ont appelé à promouvoir un travail décent, en particulier à reconnaître les droits de l’homme et du travail dans l’ensemble des chaînes de valeur des pêches et de l’aquaculture.

Le mandat de la FAO en matière de pêche et d’aquaculture

Le cadre de planification stratégique de la FAO a défini la responsabilité sociale comme étant la clé de l’éradication de la faim et de la pauvreté rurale, y compris dans le secteur des pêches et de l’aquaculture. En 2016, à la quinzième session du Sous-Comité du commerce du poisson du Comité des pêches, tenue à Agadir (Maroc), les Membres de la FAO ont souligné l’inquiétude croissante concernant les conditions sociales et de travail dans l’industrie.

À sa seizième session, tenue à Busan (République de Corée) en 2017, le Sous-Comité a salué l’inscription de la viabilité sociale à son ordre du jour. Les Membres ont confirmé l’importance et la pertinence particulières des questions de viabilité sociale dans les chaînes de valeur, surtout s’agissant de la reconnaissance et de la protection des droits de l’homme et du travail aux niveaux national et international.

À sa trente-troisième session, en 2018, le Comité des pêches a recommandé que les futures orientations sur la viabilité sociale soient élaborées en coopération avec les Parties concernées, notamment les associations de l’industrie et des travailleurs de la pêche.

À sa dix-septième session, tenue à Vigo (Espagne) en 2019, le Sous-Comité du commerce du poisson a réaffirmé l’importance de la responsabilité sociale dans le secteur des pêches et de l’aquaculture (FAO, Comité des pêches, 2020). Il a pris note des travaux présentés par le Secrétariat et ainsi que de la consultation large et inclusive que la FAO avait engagée aux fins de l’élaboration du projet d’orientations. Il a également recommandé que le Secrétariat élabore, afin de replacer dans leur contexte les problèmes propres au secteur des pêches, un document exploratoire qui exposerait clairement les principaux défis à relever et soulignerait que toute orientation devrait être volontaire et viser les acteurs commerciaux.

L’action de la FAO en matière de responsabilité sociale

Dans le cadre de son Programme stratégique pour la réduction de la pauvreté rurale, la FAO s’attache à promouvoir un travail décent et la protection sociale dans l’agriculture, et conduit notamment un important éventail d’activités connexes dans le secteur des pêches et de l’aquaculture. Cette action a pris une importance accrue depuis que le Comité des pêches a reconnu les liens qui existaient entre la pêche INDNR et les conditions de travail. À ce jour, cependant, on ne dispose d’aucun document international portant spécifiquement sur la responsabilité sociale dans le secteur des pêches et de l’aquaculture et couvrant toutes les étapes de la chaîne de valeur. Aussi, le Comité des pêches a-t-il demandé à la FAO d’élaborer un cadre d’orientation en rassemblant les instruments internationaux existants qui couvrent les étapes des chaînes de valeur du poisson et des produits de la mer dans lesquelles la viabilité sociale joue un rôle clé. Ce document doit se fonder sur l’état de droit international, qui respecte les droits de l’homme et les principes y afférents, ainsi que sur les normes et instruments pertinents de l’OIT.

Depuis 2014, la FAO organise chaque année une consultation multipartite appelée «Dialogue de Vigo sur le travail décent dans les pêches et l’aquaculture», qui passe en revue différentes expériences, les défis et avantages qu’elles présentent, ainsi que les moyens de promouvoir un emploi décent dans ce secteur. La consultation vise à débattre des questions relatives au travail et à proposer des mesures prioritaires pour la mise en œuvre des cadres et instruments juridiques nationaux et internationaux pertinents par les gouvernements, les syndicats, les organisations internationales, les organisations non gouvernementales (ONG), la société civile et les entreprises du secteur, notamment.

L’action de la FAO dans le domaine de la viabilité sociale des pêches et de l’aquaculture s’est intensifiée en 2019 lorsque l’Organisation a tenu, respectivement à Agadir (Maroc), Bruxelles (Belgique), Rome (Italie) et Shanghai (Chine), quatre consultations multipartites afin de faciliter la mise en commun des réflexions, commentaires, suggestions et réactions des intervenants du secteur. Y ont assisté plus de 154 participants, qui représentaient les syndicats, les gouvernements, les ONG, les universités, la société civile, l’industrie et les organisations internationales.

En outre, pendant six semaines, le premier projet d’orientations sur la responsabilité sociale qui en a résulté a été soumis à une consultation en ligne pour commentaires et suggestions. La FAO a invité plus de 1 000 personnes à s’inscrire à cette consultation et a reçu plus de 750 observations de la part de 57 personnes inscrites. Les contributions ainsi reçues ont été examinées et intégrées au projet.

Enfin, il convient de souligner que dès 2016, la FAO avait, en collaboration avec l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), élaboré le Guide OCDE-FAO pour des filières agricoles responsables, dont le but est d’aider les entreprises à appliquer les normes existantes en matière de conduite responsable tout au long de ces filières afin d’atténuer les effets préjudiciables observés et de favoriser un développement durable. Le Guide inclut les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, les Principes du CSA pour un investissement responsable dans l’agriculture et les systèmes alimentaires ainsi que les Directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale.

Conclusion

L’action en matière de viabilité sociale dans les chaînes de valeur des pêches et de l’aquaculture est devenue un axe d’intervention majeur de la communauté internationale et des principaux acteurs du secteur. Elle figure au cœur des efforts que la FAO déploie pour dégager un consensus autour d’orientations internationales et aider, par une assistance technique, les pays en développement, en particulier les moins avancés, à répondre aux exigences modernes et à respecter leurs engagements au regard des ODD en ce qui concerne la viabilité sociale des pêches et de l’aquaculture. Cela nécessite des ressources et la mise en place d’une collaboration internationale avec l’OIT, l’OCDE, les ORGP et d’autres acteurs clés pour soutenir la FAO dans cette tâche.

Pratiques de pêche responsables

L’article 8 du Code énonce les principes relatifs aux pratiques de pêche responsables. Il aborde les principaux domaines d’attention en ce qui concerne les opérations de pêche, la technologie, les types d’engins et leurs effets sur l’environnement, ainsi que le devoir qu’ont les États de veiller à ce que les opérations de pêche soient menées de manière responsable. Il faut, cependant, que ces aspects intègrent les derniers développements en matière de réduction des prises accessoires et des rejets, de technologies de pêche, de financement des pêches, de sécurité en mer, de sécurité sociale et d’emploi décent.

Sécurité en mer

La pêche reste l’un des métiers les plus dangereux au monde, avec des taux d’accidents et de mortalité élevés dans la plupart des pays. Malgré une sensibilisation accrue et l’amélioration des pratiques, le nombre d’accidents et de décès chez les pêcheurs a augmenté de façon constante. Cela peut être en partie attribué à l’augmentation significative du nombre de personnes employées dans les pêches de capture, qui est passé de 27 millions en 2000 à 40 millions en 2016. Bien que l’on ne dispose pas des chiffres exacts, les estimations prudentes des décès liés aux pêches ont augmenté pour atteindre plus de 32 000 personnes par an. Le nombre de pêcheurs blessés ou atteints de maladies liées au travail est bien plus élevé. Ces décès et accidents ont d’importantes répercussions sur les familles, les équipages et les communautés.

La cinquième Conférence internationale sur la santé et la sécurité dans l’industrie de la pêche, tenue au Canada en 2018, a permis de constater que dans de nombreux pays développés, les taux annuels de décès dans le secteur halieutique demeuraient supérieurs à 80 décès pour 100 000 pêcheurs actifs. Il en est également ressorti que les chiffres de certains pays développés diminuaient légèrement, mais très lentement. Cela dit, des données anecdotiques provenant de divers pays en développement indiquent que le nombre d’accidents est en augmentation et que la question de la sécurité en mer n’est pas traitée comme il le faudrait. Il est essentiel de combler les lacunes constatées en matière d’information sur les accidents et les décès dans les pays en développement et d’évaluer leurs causes. Il faut que toutes les parties prenantes agissent pour assurer la sécurité en mer ainsi que la santé et la sécurité au travail dans les secteurs de la transformation du poisson et de l’aquaculture. À la suite de l’appel lancé par le Comité des pêches en 2018, la FAO et ses partenaires ont appuyé la mise en place d’un système de notification des accidents et des décès survenant dans les pêcheries des Caraïbes, ainsi qu’un programme de renforcement des capacités en matière de sécurité en mer destiné aux petits pêcheurs de la région (voir encadré 14). Enfin, la FAO a élaboré, en étroite collaboration avec l’Organisation intergouvernementale du Programme du golfe du Bengale, des manuels pratiques sur la sécurité en mer à l’intention des petits pêcheurs d’Asie du Sud et des Caraïbes (FAO, 2019c).

Sécurité sociale, travail décent et lien avec la pêche INDNR

La protection sociale est un instrument essentiel pour répondre aux vulnérabilités et aux risques propres aux pêcheurs. Cependant, comme les autres pauvres des régions rurales, ces derniers sont souvent négligés par les politiques et programmes nationaux de protection sociale. Dans cinq pays méditerranéens, la FAO a étudié l’accès des petits pêcheurs aux systèmes de protection sociale, relevant plusieurs cas de réussite, mais aussi des domaines à améliorer (FAO, 2019d). L’un de ces domaines est la collecte de données sur les petits pêcheurs, qu’il faudrait systématiser, y compris concernant les travailleurs de la filière après capture, qui comptent parmi les plus vulnérables. Lorsqu’il existe des programmes destinés à remédier à la vulnérabilité des pêcheurs, on pourrait en étendre la couverture en proposant des options de contribution souples. Il faudrait que ces dispositions tiennent compte du caractère saisonnier des opérations de pêche et des fluctuations des revenus des pêcheurs et des travailleurs de la pêche.

Les cas de réussite démontrent que les régimes de protection sociale font partie intégrante de la stratégie de développement du secteur, alliant structuration de l’activité, octroi de licences de pêche et accès au marché. L’étude suggère également que les organisations de pêcheurs sont des acteurs essentiels pour ce qui est de renforcer et de compléter l’offre de sécurité sociale de l’État.

Au niveau régional, la protection sociale et un travail décent font désormais partie intégrante du Plan d’action régional décennal sur la pêche artisanale en Méditerranée et en mer Noire. On s’attachera, entre autres, à mieux comprendre et promouvoir le rôle de la protection sociale dans la gestion des pêches. Cela s’accompagnera d’un travail continu de sensibilisation et d’appui à l’élaboration de politiques destiné à aider les pays à respecter les engagements contractés au titre de la cible 1.3 des ODD18.

La lutte contre la pêche INDNR peut également aider à combattre les facteurs qui favorisent des conditions de travail inférieures aux normes. Avec la surpêche et la hausse des coûts dans de nombreuses flottes de pêche, de nombreux exploitants ont réduit les coûts de main-d’œuvre et sacrifié les normes de travail. Appuyant l’adoption de normes internationales, la FAO et ses partenaires ont organisé, en Asie, dans le sud-ouest de l’océan Indien et en Afrique de l’Ouest, des séminaires destinés à promouvoir la sécurité dans les pêcheries et un travail décent (FAO, 2019e). Ces réunions ont débouché sur des appels à améliorer la coopération entre les autorités chargées de la sécurité, du travail et des pêches. Il a également été préconisé de prévenir les violations des droits du travail et des droits de l’homme dans le secteur, et de prêter une plus grande attention aux spécificités des petits pêcheurs.

Prises accessoires et rejets

En 2019, la FAO a publié sa troisième évaluation des rejets des pêcheries marines mondiales (Pérez Roda et al., 2019), en conservant l’approche «pêcherie par pêcherie» déjà suivie pour la deuxième évaluation (publiée en 2005). La nouvelle évaluation comprend, entre autres, une estimation des rejets annuels des différentes pêcheries commerciales marines pour la période 2010-2014; une évaluation et un examen des prises accessoires et des rejets d’espèces en danger, menacées, et protégées; et un examen des mesures actuelles de gestion des prises accessoires (encadré 15) et de réduction des rejets. Elle donne, en ce qui concerne les prises accessoires et les rejets des pêcheries de capture marines mondiales, deux nouveaux résultats:

  • une estimation du volume annuel de rejets, établi à environ 9,1 millions de tonnes (10,1 pour cent des prises annuelles), dont 4,2 millions de tonnes provenant de chaluts de fond, 1,0 million de tonnes de sennes coulissantes, 0,9 million de tonnes de chaluts pélagiques et 0,8 million de tonnes de la pêche au filet maillant;

  • une estimation annuelle des interactions des pêches avec au moins 20 millions d’individus d’espèces en danger, menacées et/ou protégées.

Il est difficile d’évaluer les progrès réalisés dans la réduction des rejets, aucune série chronologique cohérente des taux mondiaux ne pouvant être construite sur la base des évaluations de la FAO. Il n’est donc pas possible d’estimer l’évolution des niveaux de rejets dans le temps. L’évaluation, cependant, fait apparaître une augmentation des déclarations de rejets par les organismes publics ces dix dernières années. Cela peut s’expliquer par la publication de rapports spécifiques à chaque pays, par la communication d’informations sur les rejets et la mise en place de mesures de réduction des rejets comme l’exigent les systèmes de certification par des tiers, ainsi que par l’augmentation consécutive du nombre et de l’ampleur des programmes d’observation à bord et de surveillance électronique.

En ce qui concerne les interactions avec les espèces en danger, menacées et/ou protégées, on manque de données solides pour de nombreuses pêcheries et dans de nombreuses régions du monde. Il faut donc redoubler d’efforts pour mieux quantifier les interactions des pêches avec ces espèces et pour mettre en œuvre des mesures propres à réduire la mortalité.

En 2018, le Comité des pêches a demandé à la FAO de poursuivre l’élaboration, sous la forme de directives techniques, de pratiques mieux à même de réduire les prises accessoires de mammifères marins. En septembre 2019, la FAO a organisé une réunion d’experts sur la question.

Technologies de la pêche

Le progrès technologique ne cesse d’améliorer l’efficacité en permettant des réductions de coûts et des économies d’énergie. On peut citer, notamment, l’innovation dans les systèmes de propulsion, l’amélioration de la conception des coques de navires, la réduction de l’utilisation de navires en bois et le recours à des navires de plus grande taille. D’autres innovations technologiques visent à accroître l’efficacité des pêches et à réduire leur impact sur l’environnement ou les écosystèmes. Les innovations désormais largement utilisées dans ces domaines sont le GPS, les sondeurs, la technologie de cartographie des fonds marins, les dispositifs de concentration de poissons (y compris ceux qui communiquent avec les navires par satellite), les pièges biodégradables et pliables, l’utilisation de systèmes d’éclairage à DEL dans la pêche de nuit, les dispositifs de réduction des prises accessoires, les dispositifs d’exclusion des tortues et l’utilisation d’hameçons circulaires dans la pêche à la palangre. Dans certains cas, la pêche pélagique est devenue un secteur de capture très efficace, les capitaines sachant très bien estimer, lorsqu’ils prennent la mer, la quantité de poisson qu’ils sont susceptibles de capturer et à quel endroit.

Entre autres améliorations apportées à la technologie et aux opérations de pêche pour assurer la durabilité des ressources, on peut citer l’adoption de nouveaux types d’engins pour réduire les prises accessoires dans la pêche au chalut; le recours à des caméras sous-marines à haute résolution pour surveiller le comportement des poissons sur les engins; et le développement de techniques permettant de récupérer et de recycler systématiquement les engins de pêche usagés. Cependant, l’adoption de ces innovations par les petits pêcheurs en particulier, est souvent lente (FAO, 2019f).

Malgré ces améliorations technologiques, la surcapacité nuit à la rentabilité de nombreuses flottes de pêche. Les premiers résultats de l’évaluation de la performance technico-économique des principales flottes de pêche mondiales réalisée par la FAO en 2019 montrent que les flottes vieillissent, car la baisse de rentabilité des navires entraîne une réduction des investissements.

Financement et investissement

Il faut que le secteur des pêches ait accès à des services financiers (épargne, crédit et assurance, par exemple) et à des investissements pour appuyer la transition vers une pêche plus durable et plus responsable, ainsi que pour s’adapter au changement climatique et en atténuer les effets. Les programmes d’investissement tiennent compte du fait que la pêche artisanale opère souvent dans des zones côtières surexploitées, en libre accès. La FAO a joint ses efforts à ceux de l’Association de crédit agricole et rural pour l’Asie et le Pacifique afin de renforcer les capacités des institutions financières rurales à traiter avec le secteur des pêches et d’améliorer l’accès des petits pêcheurs aux services de microfinancement, de crédit et d’assurance. En 2020, dans plusieurs pays d’Asie, des programmes de renforcement des capacités et des projets pilotes appuieront la mise en œuvre des directives élaborées en 2019 (Grace et van Anrooy, 2019; Tietze et van Anrooy, 2019).

Directives et pratiques optimales en matière d’aquaculture durable

L’aquaculture est née il y a des millénaires et a évolué lentement, puisant souvent dans les savoirs traditionnels et s’enrichissant des progrès réalisés grâce à la curiosité, aux besoins, aux efforts conjoints ou encore aux échecs et expériences positives des aquaculteurs. Elle s’est ainsi développée pendant des siècles en harmonie avec l’environnement naturel, social, économique et culturel dans lequel elle est pratiquée. Les grands changements qu’a connus l’aquaculture ont été favorisés par les avancées scientifiques des XXe et XXIe siècles et se sont traduits par une croissance sans précédent du secteur, qui fournit à présent plus de la moitié des poissons destinés à l’alimentation humaine à l’échelle mondiale (Cai et Zhou, 2019). Malheureusement, cette évolution a également eu des effets délétères sur l’environnement aux niveaux local, régional et mondial, provoquant notamment des conflits sociaux entre les utilisateurs des ressources terrestres et aquatiques (et surtout de l’eau) et la destruction de services écosystémiques importants. Par ailleurs, des projets aquacoles récents suscitent des préoccupations et des débats de société à plusieurs égards, et notamment en ce qui concerne: le choix peu judicieux des sites, la destruction de certains habitats (comme les mangroves), l’utilisation de produits chimiques et de médicaments vétérinaires nocifs, l’influence des organismes fugitifs sur les stocks d’espèces sauvages, la production inefficace ou non durable de farine et d’huile de poisson, et les répercussions sociales et culturelles sur les travailleurs et les communautés aquacoles.

Bien que la plupart des systèmes traditionnels soient longtemps restés viables, la nécessité de développer et de promouvoir des pratiques aquacoles durables a commencé à se faire sentir dans les années 1990 et n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis lors. Plusieurs approches ont été mises en œuvre:

  • La première met en avant les systèmes aquacoles durables traditionnels en leur accordant la reconnaissance qu’ils méritent. Les Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial, parmi lesquels figurent le système de rizipisciculture de la Chine et auxquels pourrait s’ajouter son système de digues à mûriers et d’étangs à poissons, en sont un exemple (FAO, 2019g). Plusieurs pays valorisent ainsi leur patrimoine aquacole durable par différents moyens.

  • D’autres initiatives sont davantage axées sur l’élaboration de codes d’usages, de codes de conduite, de bonnes pratiques aquacoles, de pratiques de gestion optimales ou améliorées ou encore de directives techniques, ainsi que sur leur mise en œuvre par les pouvoirs publics et les parties prenantes concernées par la voie de mesures d’incitation (subventions, réductions d’impôt, appui technique, recherche et développement, etc.) et l’application effective de règles visant à lutter contre les pratiques non durables (obligation stricte d’obtenir un permis, interdiction des pratiques non durables, création et utilisation obligatoire de médicaments vétérinaires autorisés, etc.). En 1995, la FAO a adopté le Code de conduite pour une pêche responsable (ci-après «le Code») (voir la section «Comment le Code a-t-il facilité l’adoption de pratiques durables?»), cadre de référence sur lequel s’appuient les efforts menés aux plans national, régional et international pour garantir une production et une exploitation durables des ressources aquatiques vivantes dans le respect de l’environnement (FAO, 1995). Depuis 1997, le Code s’accompagne d’une stratégie destinée à améliorer l’information sur la situation et les tendances de l’aquaculture ainsi que d’un certain nombre de directives techniques en faveur d’une aquaculture durable (FAO, 2019h).

  • Le développement du commerce mondial des produits halieutiques et aquacoles dans les années 1990 et 2000, période marquée par les enjeux et les craintes associés à l’alimentation et à la protection du consommateur, a conduit à la définition de lois et de dispositions plus strictes en matière d’alimentation, de normes privées et d’exigences axées sur le marché. Si ces mesures avaient au départ pour but de régler les questions liées à la sécurité sanitaire des aliments en encourageant les bonnes pratiques aquacoles, leur portée s’est progressivement étendue aux enjeux sociaux et environnementaux et à la question du bien-être des animaux.

Malheureusement, ces approches négligent souvent les charges et difficultés qui pèsent sur les exploitants aquacoles (coût de la certification, manque de moyens techniques des petits exploitants ou obligation de respecter de nombreuses normes contradictoires, par exemple). Par ailleurs, elles ne prennent pas toujours en compte les spécificités locales des systèmes de production (Mialhe et al., 2018). Des démarches inclusives, non sectorielles, participatives et intégrées, comme l’approche écosystémique de l’aquaculture, ont donc été mises en avant en vue de rétablir un équilibre satisfaisant entre les diverses dimensions locales et mondiales de la gestion durable de l’aquaculture.

La consommation mondiale de poisson par habitant a doublé depuis les années 1960 (FAO, 2018a). Alors que l’on s’attend à une croissance démographique et à une augmentation des revenus à l’échelle mondiale, l’enjeu pour les prochaines décennies sera de développer la production aquacole tout en veillant à ce qu’elle reste compatible avec les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il faudra pour cela adopter de nouveaux systèmes de production plus durables.

À ce jour, plusieurs pays ont adopté différents types de politiques et de technologies pour faciliter la mise en place d’un système aquacole durable et résilient. Il s’agit notamment d’innovations axées sur la technologie, telles que les techniques d’aquaculture intégrée du type aquaponie ou l’installation de raceways dans les étangs, mais aussi de mesures de gouvernance novatrices, de politiques relatives à l’emploi décent, à l’égalité des sexes et à la certification, et de toute une série d’autres pratiques recommandables (encadré 16). Le Sous-Comité de l’aquaculture du Comité des pêches a souhaité que ces initiatives soient recensées et rassemblées sous forme de directives pour aider les pays à renforcer l’application du Code tout en mobilisant le secteur aquacole et en lui donnant les moyens de participer concrètement à la mise en œuvre du Programme 2030 (Comité des pêches de la FAO, 2018; FAO, 2019i).

Des directives relatives à l’aquaculture durable seront élaborées sur la base d’une série d’études de cas menées dans différentes régions et des enseignements tirés de celles-ci. Elles s’adresseront avant tout aux responsables politiques. En parallèle, les directives existantes feront l’objet d’un examen au cours de consultations régionales en vue de repérer les lacunes à combler et les révisions à apporter et de déterminer les contraintes, les besoins et les attentes propres à chaque membre. Les directives relatives à l’aquaculture durable comprendront trois grands volets (figure 45):

  1. Les voies possibles pour parvenir à développer l’aquaculture durable dans différents contextes régionaux, sur la base d’études de cas portant sur les bons résultats obtenus dans des environnements ou des régions similaires.

  2. Une série de modules pratiques organisés par thèmes, qui constitueront l’essentiel des directives relatives à l’aquaculture durable. Ces modules présenteront la raison d’être et les caractéristiques des approches et pratiques proposées sur des questions spécifiques, les directives et pratiques existantes ainsi que les principales recommandations visant à garantir l’efficacité des efforts de mise en œuvre et de renforcement des capacités, le tout sur la base des accomplissements et des difficultés mis en lumière par les études de cas. À la fois exhaustifs et concrets, ces modules s’intéresseront aux exploitations aquacoles comme à leur environnement au sens large, c’est-à-dire aux niveaux du secteur, de la chaîne de valeur, du paysage, du territoire, du pays ou de la région. À l’échelle de l’exploitation, les modules thématiques aborderont les questions suivantes: les conséquences de la pisciculture (zonage, sélection des sites, gestion des zones, étude d’impact sur l’environnement, mesures d’évaluation et d’atténuation des risques); le fonctionnement et la gestion commerciale de l’exploitation (biosécurité et gestion de la santé aquatique, construction ou remise en état des installations, gestion de la qualité et de la sécurité sanitaire des aliments, bien-être animal, emploi décent et sans danger); les activités aquacoles spéciales (pêche reposant sur l’aquaculture, aquaculture reposant sur les captures, aquaculture côtière et en haute mer, etc.). Au-delà de l’exploitation, les modules porteront sur les aspects suivants: l’accès aux marchés; la gouvernance; la problématique femmes-hommes; le bon fonctionnement du secteur et de la chaîne de valeur, les capacités de l’État en ce qui a trait au suivi du développement durable du secteur; l’intégration; les synergies et arbitrages entre l’aquaculture, les écosystèmes environnants et les autres parties prenantes concernées (pêche artisanale, tourisme et transport); les données et statistiques; la communication et l’échange de connaissances; et le partage des ressources.

  3. Une série d’études de cas exposant les démarches entreprises, les bons résultats obtenus et les difficultés rencontrées, qui illustreront les voies possibles et les fiches thématiques.

FIGURE 45
STRUCTURE DES DIRECTIVES RELATIVES À L’AQUACULTURE DURABLE ET CONTENU QUI SERVIRA À LEUR ÉLABORATION

La méthode d’élaboration des directives sur l’aquaculture durable a été abordée lors d’une consultation d’experts qui s’est tenue à Rome, en juin 2019, et présentée à la dixième session du Sous-Comité de l’aquaculture, en août 2019. Ce dernier s’est déclaré satisfait des travaux proposés et a invité les membres à mettre leurs acquis en commun. Une consultation régionale a été organisée à cette fin à Bamako (Mali), en décembre 2019, et d’autres consultations se tiendront en Asie et en Amérique latine en 2020. Le Sous-Comité de l’aquaculture a également insisté sur le fait qu’il fallait élaborer des directives qui traitent de tous les aspects de l’aquaculture et qui s’appliquent aux petites, aux moyennes et aux grandes exploitations. Il a par ailleurs recommandé que les directives sur l’aquaculture durable soient conçues comme un document évolutif qui sera régulièrement actualisé.

Rapports sur la durabilité des pêches et de l’aquaculture

La pêche, l’aquaculture et le Programme de développement durable à l’horizon 2030

Programme 2030

Le développement durable est un défi international qui appelle une coopération systématique, cohérente et efficace entre les pays et les institutions. C’est dans cet esprit qu’a été adopté, en 2015, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, qui s’inspire des objectifs du Millénaire pour le développement et prévoit un ensemble complet d’objectifs destinés à guider l’action des entreprises, des gouvernements et des personnes en faveur d’une société meilleure. Les ambitions du Programme 2030 sont rassemblées dans ses 17 ODD, qui touchent à de nombreux sujets et visent, entre autres, à éliminer toutes les formes de pauvreté, à réduire les inégalités et à lutter contre le changement climatique. La notion de développement inclusif est au centre de toutes les politiques. Les cibles associées aux différents objectifs sont extrêmement interdépendantes, si bien que les progrès accomplis dans un domaine contribueront à la réalisation d’autres objectifs et seront utiles à la société dans son ensemble. Grâce à cette série de cibles quantifiables et définies d’un commun accord, les pays, les organismes infranationaux et les autres organes sont en mesure d’élaborer des politiques et des stratégies d’assistance de façon ciblée, coordonnée et efficace. Ces démarches doivent, par ailleurs, être l’occasion de renforcer l’égalité des sexes et l’égalité sociale et de favoriser l’amélioration de la nutrition et l’accès des groupes les plus démunis à des moyens d’existence durables.

Objectifs de développement durable

Dans le contexte de la pêche et de l’aquaculture, les ODD préconisent de mettre en place des systèmes de production durables aux plans social et environnemental. L’idée est de trouver un mode de développement juste et équitable qui permette aux générations actuelles de satisfaire leurs besoins sans compromettre la capacité des générations futures de faire de même. La pêche et l’aquaculture contribuent de manière déterminante à la sécurité alimentaire et à la réalisation des objectifs économiques, sociaux et environnementaux. L’ODD 14 (conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable) a une incidence importante et directe sur la pêche et l’aquaculture, et sa mise en œuvre favorisera la réalisation des autres ODD. Il est essentiel de perfectionner la gestion des pêches ainsi que les politiques, pratiques et technologies de pêche pour pouvoir fournir des aliments de qualité à des consommateurs toujours plus nombreux, selon une démarche éthique et durable. Les défis ne manquent pas, en particulier en ce qui concerne l’amélioration de la collecte des données, la protection des espèces menacées, la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, la préservation des aires marines protégées et la durabilité sociale dans la chaîne de valeur. Des initiatives menées par la FAO ont jeté les bases des progrès accomplis dans de nombreux domaines liés à la pêche et à l’aquaculture, entre autres grâce à l’application du Code, de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, et des Directives sur la pêche artisanale. La mise en œuvre des ODD devrait déboucher sur différents résultats mesurables, parmi lesquels l’amélioration des moyens d’existence et le renforcement de l’égalité, la préservation des ressources naturelles et l’orientation des politiques, des programmes, des partenariats et des investissements.

Les ODD, dont la portée exhaustive est à la mesure de l’ampleur du défi à relever, constituent un plan de travail à suivre sur la voie d’un développement inclusif et durable aux niveaux social, environnemental et économique.

Objectifs de sécurité alimentaire

L’ODD 2, qui vise à éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir une agriculture durable, concilie la sécurité alimentaire et les questions de durabilité. Les facteurs sous-jacents qui menacent la sécurité alimentaire et nutritionnelle sont souvent complexes et continuent de faire obstacle au développement. On estime que 821 millions de personnes dans le monde (1 personne sur 9) étaient sous-alimentées en 2018. En baisse pendant de nombreuses années, ce chiffre augmente depuis 2014. Il apparaît donc de plus en plus évident qu’il nous faut évoluer vers des systèmes alimentaires durables et résilients. Le secteur de la pêche et de l’aquaculture peut apporter une contribution inestimable aux quatre piliers de la sécurité alimentaire, à savoir la disponibilité, l’accès, l’utilisation et la stabilité. Des initiatives en cours ont pour but d’augmenter la disponibilité et la consommation du poisson pour faciliter l’éradication de la faim et de la malnutrition. Le poisson, dont la consommation ne cesse de croître, permet à des milliards de personnes de se nourrir et d’avoir une alimentation nutritive. Constituant souvent une source de protéines à la fois nutritive et bon marché, le poisson est riche en acides aminés essentiels et contient de nombreux micronutriments indispensables à une alimentation saine. C’est particulièrement vrai pour les communautés isolées qui dépendent de la pêche et de l’aquaculture artisanales et dont l’alimentation repose en grande partie sur le poisson. Bien gérées, la pêche et l’aquaculture représentent une source de nutrition à la fois durable, résiliente et de grande qualité.

Objectifs économiques

Les ODD prônent une croissance économique inclusive et durable qui soit de nature à garantir un emploi décent et à réduire les inégalités sociales ainsi que les inégalités entre les sexes. Le secteur de la pêche et de l’aquaculture offre de nombreuses possibilités en ce qui concerne le développement durable et l’augmentation des revenus, et plus particulièrement la concrétisation de l’ODD 1 (éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde) et de l’ODD 8 (promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous). La chaîne de valeur de la pêche et de l’aquaculture s’étend des activités de capture et de récolte à la commercialisation des produits, en passant par la transformation. Le secteur est une source de revenus et d’emploi pour quelque 250 millions de personnes, ce qui le rend indispensable pour garantir les moyens d’existence d’une part considérable de la population mondiale, en particulier dans les pays en développement. Dans certains cas, la pêche artisanale et la pêche de subsistance peuvent être la principale source de revenus de communautés entières et leur apporter une résilience économique là où les autres possibilités d’emploi sont souvent limitées ou inexistantes.

Objectifs de viabilité sociale

La viabilité sociale, la non-discrimination, l’égalité des sexes et la croissance partagée sont des axes fondamentaux des ODD, l’objectif étant d’assurer une distribution aussi large que possible des avantages tirés des ressources naturelles et de leur utilisation. Les ODD ont pour finalité de favoriser un développement à grande échelle et de renforcer l’inclusion sociale et la stabilité. Sont par conséquent privilégiées les initiatives ayant pour but de donner plus de moyens aux organisations qui œuvrent pour le développement des communautés de pêcheurs et d’aquaculteurs et des transformateurs des produits de la pêche. La promotion de la viabilité sociale dans la pêche et l’aquaculture peut catalyser une amélioration de l’égalité dans la société en général en faisant progresser l’égalité des sexes, en renforçant les droits des travailleurs, en aboutissant à la création de systèmes de protection sociale et en réduisant les inégalités sociales de manière générale. L’ODD 5 (parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles) met particulièrement l’accent sur l’autonomisation des femmes, notamment dans les activités de commercialisation du poisson et de transformation des produits après capture, où elles représentent la majorité de la main-d’œuvre. Dans de nombreuses communautés moins développées qui sont tributaires de la pêche et de l’aquaculture, l’amélioration des conditions de travail et de l’égalité des sexes tout au long de la chaîne de valeur se traduira par de vastes retombées positives pour la société dans son ensemble et contribuera à faire en sorte que chacun puisse bénéficier des fruits du développement.

Objectifs environnementaux

Si l’utilisation des ressources naturelles et les principes qui sous-tendent les systèmes alimentaires durables sont des enjeux communs à tous les ODD, ils occupent une place centrale dans l’ODD 12 (établir des modes de consommation et de production durables) et l’ODD 13 (prendre d’urgence des mesures pour lutter contre le changement climatique et leurs répercussions). La production halieutique et aquacole émet moins de gaz à effet de serre que la plupart des systèmes alimentaires agricoles pour une quantité équivalente d’aliments produits. En revanche, le secteur doit faire face à des difficultés d’ordre environnemental en rapport avec la gestion des pêches, le changement climatique et la lutte contre la pêche illicite. Une pêche bien gérée et des pratiques aquacoles qui favorisent l’utilisation durable des ressources, tout en préservant la biodiversité aquatique, sont indispensables pour garantir son avenir. Les nouvelles technologies qui réduisent au minimum les pertes et gaspillages alimentaires dans toute la chaîne de valeur permettront de mieux utiliser les ressources et de parvenir progressivement à une utilisation plus complète du poisson, qui réduira la nécessité d’extraire davantage de ressources. C’est le cas, notamment, des techniques qui permettent de transformer la part des captures et des récoltes qui serait autrement gaspillée en des produits présentant un intérêt tant sur le plan nutritif que commercial. Une gestion rigoureuse de la pêche, un transport plus efficace et une plus grande valorisation des déchets sont nécessaires pour réduire les pertes après capture et atténuer les effets de l’activité du secteur sur l’environnement.

L’objectif de développement durable 14

La pêche et l’aquaculture sont essentielles au développement durable et ont un rôle capital à jouer dans la concrétisation des objectifs définis dans le Programme 2030. L’ODD 14 (conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines aux fins du développement durable) a une incidence directe sur la pêche marine et l’aquaculture et s’accompagne de cibles concrètes qui exigent une collaboration à l’échelle internationale. Du fait des liens étroits qui unissent les ODD, la réalisation des cibles de l’ODD 14 aura des retombées positives sur l’ensemble de la société, et la concrétisation de cet objectif sera tributaire des avancées réalisées au titre des autres ODD auxquels il est étroitement relié. Les 10 cibles de l’ODD 14 abordent des sujets aussi larges que variés, qui couvrent des questions fondamentales dans la perspective d’économies saines et durables. La FAO est l’institution responsable de la mise en œuvre et du suivi de quatre de ces cibles, à savoir: mettre un terme à la surpêche, réduire les subventions nuisibles, accroître les retombées économiques de la gestion durable de la pêche et garantir aux petits pêcheurs l’accès aux ressources et aux marchés. Les travaux de la FAO revêtent une grande importance en vue de la concrétisation de l’ODD 14, qui comprend également des cibles en rapport avec la réduction de la pollution marine, la protection des écosystèmes aquatiques, la limitation de l’acidification des océans, le développement des capacités scientifiques dans le domaine de la pêche et le renforcement de l’application des dispositions du droit international relatives à l’utilisation durable des océans.

Durabilité des stocks

L’indicateur 14.4.1 des objectifs de développement durable (ODD), dont la FAO est l’organisation garante au sein du système des Nations Unies, mesure la proportion de stocks de poissons qui se situent à des niveaux biologiquement durables (voir la section «Situation des ressources halieutiques» et l’encadré 4). Un stock de poissons dont l’abondance (nombre total ou biomasse de tous les poissons qui constituent un stock) est égale ou supérieure au niveau qui permet d’assurer le rendement maximal durable (RMD) est considéré comme biologiquement durable. En revanche, lorsque l’abondance passe sous le niveau correspondant au RMD, le stock est considéré comme biologiquement non durable.

Pour calculer cette proportion, il est nécessaire d’établir une liste de référence des stocks, et d’évaluer l’état de chaque stock à l’aide de méthodes convenues. Il faudrait, dans l’idéal, procéder à une évaluation de l’état actuel de tous les stocks de la liste de référence. Une évaluation fiable, cependant, nécessite des données statistiques sur les prises ainsi que des données relatives à l’effort de pêche, aux paramètres du cycle biologique des stocks de poissons et aux paramètres techniques des navires de pêche, données qui, dans de nombreux cas, ne sont pas disponibles. En outre, l’évaluation des stocks nécessite des compétences en modélisation numérique. C’est ainsi qu’aujourd’hui, seuls environ 25 pour cent des prises mondiales proviennent de stocks évalués numériquement. L’estimation du statut d’un grand nombre de stocks qui n’ont pas encore été estimés est une tâche particulièrement ardue, mais qui s’avère nécessaire pour accroître de manière notable le volume des stocks pour lesquels des estimations de l’état sont connues. Aux fins de l’indicateur 14.4.1, la FAO a entrepris d’élaborer de nouvelles méthodes applicables aux pêcheries disposant de données limitées et de faibles capacités, tout en maintenant les méthodes actuelles pour les stocks évalués. On trouvera ci-dessous un résumé du plan établi par la FAO pour la réalisation d’évaluations et l’établissement de rapports au niveau des pays.

Cible à atteindre au titre de l’indicateur 14.4.1 et situation actuelle

La FAO surveille l’état des stocks halieutiques mondiaux depuis 1974, et procède au classement d’environ 445 stocks tous les 2 ou 3 ans. Les espèces qui ont été évaluées représentent environ 75 pour cent des prises mondiales et donnent donc un aperçu complet de la durabilité des stocks à l’échelle mondiale. Pour certaines espèces, il existe différents types de données, tandis que pour d’autres, on dispose de peu d’informations en dehors des statistiques relatives aux prises. Afin de trouver le juste équilibre entre l’objectif d’utilisation des meilleures données disponibles et l’objectif d’évaluation de l’état des stocks dans le monde, la FAO utilise diverses méthodes, qui vont de l’évaluation fondée sur des modèles reconnus au recours à des indicateurs de mesure indirects de l’abondance complétés par des avis d’experts.

L’évaluation actuelle de la FAO s’effectue sur la base des zones statistiques de l’Organisation, plutôt que par pays, et classe les stocks de poissons en trois catégories: sous-exploitation, exploitation maximale durable et surexploitation. Les stocks surexploités sont considérés comme biologiquement non durables, tandis que les stocks sous-exploités et ceux exploités au maximum de manière durable sont considérés comme biologiquement durables. Le pourcentage de stocks biologiquement durables est le critère utilisé au titre de l’indicateur 14.4.1.

Les résultats de l’évaluation mondiale de la FAO sont publiés tous les deux ans dans La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture. Le pourcentage de stocks biologiquement durables, utilisé comme indicateur pour l’objectif 7 du Millénaire pour le développement (Préserver l’environnement), est maintenant utilisé pour l’indicateur 14.4.1 des ODD et le sixième objectif d’Aichi pour la biodiversité. L’ODD 14 vise 100 pour cent des stocks de poissons à des niveaux biologiquement durables d’ici à 2020. La dernière évaluation montre que l’indicateur 14.4.1 est passé d’environ 90 pour cent en 1973 à 67 pour cent en 2017. Cette diminution continue indique que l’objectif de 2020 a peu de chances d’être atteint, et ce, pour deux raisons: i) l’indicateur s’éloigne de la cible fixée; et ii) quelles que soient les mesures prises avant 2020, tous les stocks de poissons ne pourront pas être reconstitués au niveau du RMD dans un délai aussi court. Un stock de poissons a généralement besoin de 2 à 3 fois sa durée de vie pour qu’une réglementation produise des résultats positifs en matière d’abondance. Pour les espèces qui vivent longtemps comme le requin peau bleue (Prionace glauca) et le requin taupe bleue (Isurus oxyrinchus), cela peut prendre des dizaines d’années, surtout dans des conditions environnementales défavorables.

Action menée par la FAO pour faciliter la mise en œuvre de l’indicateur 14.4.1
Élaboration de méthodologies

La mise en œuvre des ODD est prise en main et pilotée par les pays. Pour ce qui est de l’indicateur 14.4.1, il incombe à chaque pays de mener une évaluation au niveau national. Cependant, jusqu’à 80 pour cent des stocks mondiaux de poissons ne sont pas évalués (Costello et al., 2012) en raison de l’insuffisance des données et des capacités limitées, en particulier dans les pays en développement. Pour que l’indicateur 14.4.1 présente un réel intérêt, il faut qu’il tienne compte des stocks pour lesquels on dispose de peu de données et qui contribuent grandement aux pêches, en plus du petit nombre de stocks évalués faisant l’objet d’importants débarquements et pour lesquels il existe d’amples informations. Or, il n’existe pas de méthode communément acceptée pour évaluer les pêcheries souffrant d’un manque de données. Pour qu’une évaluation puisse se faire au niveau des pays, il est nécessaire d’élaborer une nouvelle méthode qui fonctionnera assez bien avec des données limitées et nécessitera moins de moyens techniques.

Pendant la dernière décennie, la FAO a investi beaucoup de ressources, tant humaines que financières, dans l’élaboration de nouvelles méthodes afin d’accroître la couverture de son évaluation et de son suivi des stocks halieutiques mondiaux. Bien que l’on ne dispose pas encore d’une méthode fiable et universellement applicable, les progrès et résultats obtenus jusqu’ici nous ont permis d’arriver à un stade où une possible méthode semble sur le point d’émerger. La FAO collabore actuellement avec des institutions pour produire cette nouvelle méthode, qui devrait être prête à être testée d’ici à 2020.

Cours de formation en ligne

La FAO a conçu un cours en ligne dans le cadre d’une série de formations consacrées au cadre de suivi des indicateurs relatifs aux ODD, ainsi qu’aux méthodologies, aux procédures d’estimation et à l’établissement de rapports. Ce cours vise à aider les pays à recueillir et à analyser des informations statistiques pour l’indicateur 14.4.1 des ODD.

Il s’adresse aux personnes qui prennent part aux activités de suivi et de communication d’informations concernant l’indicateur, notamment aux responsables politiques, aux experts nationaux et aux professionnels des bureaux, institutions et organismes nationaux de statistiques chargés de la réalisation des estimations des rapports sur l’indicateur 14.4.1. Il peut également intéresser les professionnels de la FAO et d’autres organismes nationaux et internationaux ayant la responsabilité de fournir un appui au niveau national, ainsi que les universités et les instituts de recherche.

Le cours comprend cinq chapitres:

  1. Présentation générale de l’indicateur 14.4.1.

  2. Concepts et processus qui sous-tendent les estimations de l’indicateur.

  3. Estimation de l’indicateur à partir des résultats obtenus grâce aux méthodes classiques d’évaluation des stocks.

  4. Estimation de l’indicateur au moyen de méthodes utilisant des données limitées.

  5. Directives relatives aux activités de suivi et de communications d’informations au niveau national.

Compte tenu des besoins des pays disposant de capacités restreintes, il a été mis au point un environnement de recherche virtuel pour faciliter l’application des méthodes d’évaluation des stocks au moyen de données limitées dont il est question au chapitre 4. Cet environnement permet de téléverser des données et d’utiliser quelques méthodes simples en ligne (iMarine, 2019b). Grâce aux résultats obtenus, on peut déterminer l’état des stocks, ce qui facilite la production d’estimations et de rapports relatifs à l’indicateur. Ces méthodes, cependant, présentent des lacunes et doivent être utilisées avec prudence. La méthode d’analyse au moyen de données limitées dans l’environnement de recherche virtuel sera mise à jour périodiquement.

Progrès accomplis dans la mise en œuvre des instruments internationaux visant à lutter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée

La pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INDNR) demeure l’une des plus grandes menaces pesant sur les écosystèmes marins et fait obstacle à la gestion durable de la pêche ainsi qu’à la conservation de la biodiversité marine. Les ressources halieutiques sont souvent la cible d’activités de braconnage qui provoquent, dans bien des cas, l’effondrement de la pêche locale, et les pays en développement sont particulièrement exposés à ce problème. Les produits issus de la pêche INDNR peuvent se retrouver sur les marchés étrangers, et ce au détriment de l’approvisionnement alimentaire local. En résumé, la pêche INDNR menace les moyens d’existence, accroît la pauvreté et aggrave l’insécurité alimentaire.

Afin de combattre ce fléau, plusieurs instruments internationaux ont été mis en place. Définissant les responsabilités de l’État du pavillon, de l’État côtier, de l’État du port et de l’État du marché, ces instruments constituent un ensemble efficace d’outils de lutte contre ces pratiques préjudiciables. Après l’entrée en vigueur, en juin 2016, de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (voir la section «Comment le Code a-t-il facilité l’adoption de pratiques durables?»), premier accord international contraignant élaboré expressément pour combattre ce type de pêche, la FAO a intensifié ses activités de renforcement des capacités en vue d’aider les pays en développement à appliquer l’Accord ainsi que les autres instruments internationaux et mécanismes régionaux adoptés en la matière.

Les progrès réalisés par les pays dans la mise en œuvre de ces instruments internationaux sont évalués à l’aide de l’indicateur 14.6.1 des ODD, dont la méthodologie a été approuvée en avril 2018 par le Groupe d’experts des Nations Unies et de l’extérieur chargé des indicateurs relatifs aux objectifs de développement durable et repose sur les réponses des États au questionnaire de la FAO sur la mise en œuvre du Code de conduite pour une pêche responsable et des instruments connexes (voir la section «Progrès sur la voie de la durabilité»). L’indicateur comprend cinq variables, auxquelles est appliqué un coefficient de pondération qui est déterminé en fonction de leur importance pour l’élimination de la pêche INDNR et en tenant compte des chevauchements entre certains instruments. Les cinq variables sont les suivantes:

  • respect et mise en œuvre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (10 pour cent);

  • respect et mise en œuvre de l’Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons chevauchants (10 pour cent);

  • élaboration et mise en œuvre d’un plan d’action national visant à lutter contre la pêche INDNR, conformément au Plan d’action international visant à prévenir, à contrecarrer et à éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (30 pour cent);

  • respect et mise en œuvre de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port (30 pour cent);

  • mise en œuvre des responsabilités qui incombent à l’État du pavillon dans le contexte de l’Accord visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion et des Directives volontaires pour la conduite de l’État du pavillon (20 pour cent).

L’indicateur détermine le degré de mise en œuvre de chaque variable sur le plan des politiques, de la législation, du cadre institutionnel et des opérations et procédures. En fonction des réponses des pays au questionnaire pour les différentes variables, des scores sont calculés pour chacun d’eux au regard de l’indicateur. Ces scores sont ensuite convertis en fonction d’une échelle de notation, qui permet d’attribuer aux États une note comprise entre 1, correspondant au degré de mise en œuvre le plus bas, et 5, correspondant au degré le plus élevé. Les notes attribuées pour cet indicateur seront disponibles tous les deux ans, après la diffusion de chaque nouvelle édition du questionnaire.

La figure 46 montre que l’on observait en 2018, à l’issue de la première période de communication de données sur cet indicateur, un degré moyen de mise en œuvre des instruments internationaux en rapport avec la lutte contre la pêche INDNR. Au plan régional, les chiffres indiquent que l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont atteint le degré de mise en œuvre le plus élevé. En revanche, les niveaux de mise en œuvre les plus faibles ont été constatés en Amérique latine et dans les Caraïbes, en Asie de l’Est et du Sud-Est et en Afrique du Nord et Asie occidentale, régions qui affichent toutes un degré moyen de mise en œuvre. Les petits États insulaires en développement, qui font face à des difficultés particulières dans l’application intégrale de ces instruments du fait de leurs vastes zones économiques exclusives, ont aussi enregistré un niveau moyen de mise en œuvre, tout comme les pays les moins avancés.

FIGURE 46
DEGRÉ MOYEN DE MISE EN ŒUVRE DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX VISANT À LUTTER CONTRE LA PÊCHE ILLICITE, NON DÉCLARÉE ET NON RÉGLEMENTÉE, GROUPEMENTS RÉGIONAUX POUR LE SUIVI DES ODD, 2018

L’entrée en vigueur de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port a été suivie d’une augmentation rapide du nombre de Parties à cet instrument, qui s’établissait à 63 États et une organisation membre (l’Union européenne représentant ses États membres) en décembre 2019. Si cette progression confirme la volonté globale des États de lutter contre la pêche INDNR (comme le montrent les notes attribuées au regard de l’indicateur 14.6.1 en 2018), il faudra, toutefois, redoubler d’efforts pour assurer la mise en œuvre de ces instruments.

Outre la mise en œuvre des instruments précités, le transbordement fait l’objet d’intenses discussions, car il pourrait constituer une faille dans la gestion mondiale des pêches. À sa trente-troisième session, le Comité des pêches s’est dit préoccupé par les activités de transbordement et a demandé qu’un examen approfondi soit réalisé en vue d’étayer l’élaboration de directives sur les pratiques optimales à adopter en matière de réglementation, de suivi et de contrôle des transbordements, qui viendraient s’ajouter aux instruments existants de lutte contre la pêche INDNR. D’autre part, la FAO travaille sans cesse à la conception de nouveaux outils, tels que le système mondial d’échange d’informations établi dans le cadre de l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port, ainsi qu’à l’amélioration des outils existants, comme le Fichier mondial des navires de pêche, des navires de transport frigorifique et des navires de ravitaillement, pour aider les pays à éliminer la pêche INDNR.

Garantir aux petits pêcheurs l’accès aux ressources marines et aux marchés

La pêche artisanale représente environ la moitié des prises mondiales de poissons et emploie plus de 90 pour cent des travailleurs de la pêche, dont la moitié environ sont des femmes (principalement dans la commercialisation et la transformation). On estime que 97 pour cent de ces travailleurs vivent dans des pays en développement, et que de nombreuses communautés de pêcheurs artisanaux connaissent une importante pauvreté et sont négligées en ce qui concerne à la fois la gestion des ressources et, d’un point de vue plus large, le développement social et économique.

La cible 14.b du Programme 2030 – Garantir aux petits pêcheurs l’accès aux ressources marines et aux marchés – reconnaît combien il est important de relever les défis auxquels est confrontée la pêche artisanale. L’accès aux ressources et à l’espace marins est souvent remis en question par la concurrence croissante de l’aquaculture marine; par le fait que différents segments de la flotte ciblent les mêmes stocks et opèrent dans le même espace; et par la mise en place de mesures de conservation telles que les AMP. D’autres secteurs d’une plus grande importance sur le plan économique, comme le tourisme, l’exploitation de l’énergie et le transport maritime, se développent dans l’espace où opère la pêche artisanale. Une participation directe des petits pêcheurs à la gestion des pêches, par le biais d’accords de cogestion, est essentielle pour leur donner accès aux ressources aquatiques marines vivantes. Il faut que le paradigme de l’économie bleue et de la croissance bleue, en pleine évolution, relève ces défis pour assurer un développement véritablement inclusif.

En ce qui concerne l’accès aux marchés, il existe, pour les petits pêcheurs et leurs produits, de meilleurs débouchés. Des approches et des outils sont aujourd’hui disponibles pour surmonter des problèmes tels que le respect des règles de sécurité sanitaire des aliments, le manque de technologies appropriées (techniques de transformations améliorées, accès aux technologies de l’information et de la communication) et les faibles niveaux de capacité organisationnelle, de sorte que les acteurs de la pêche artisanale puissent accéder pleinement aux marchés lucratifs. Plusieurs outils peuvent contribuer à la réalisation de la cible 14.b, les principaux étant les suivants: le développement des capacités des pêcheurs et des travailleurs de la pêche, y compris des femmes intervenant dans les activités après capture; l’assistance technique; et la diffusion d’informations concernant les critères d’accès aux marchés et les marchés proprement dits. L’encadré 17 donne un exemple d’activité régionale menée au Maghreb à l’appui de la pêche artisanale.

À cet égard, il apparaît nécessaire de mettre en place un cadre réglementaire et un environnement porteur qui reconnaissent et protègent les droits des petits pêcheurs à accéder aux ressources halieutiques et qui les aident à renforcer leur capacité à accéder aux marchés. Un environnement de cette nature présente trois caractéristiques essentielles:

  • des cadres juridiques, réglementaires et politiques appropriés;

  • des initiatives spécifiques d’appui à la pêche artisanale;

  • des mécanismes institutionnels connexes qui permettent aux organisations de petits pêcheurs de participer aux activités de gestion et aux processus qui les concernent.

L’indicateur 14.b.1 (Progrès réalisés par les pays dans la mise en œuvre d’un cadre juridique, réglementaire, politique ou institutionnel reconnaissant et protégeant les droits d’accès des petits pêcheurs) est un outil qui permet aux pays de suivre l’avancement de la réalisation de la cible 14.b des ODD. Il se fonde sur trois questions du questionnaire de la FAO relatif à l’application du Code de conduite pour une pêche responsable et des instruments connexes que les Membres et les ORP remplissent tous les deux ans (voir la section «Progrès sur la voie de la durabilité»). Les trois questions du questionnaire utilisées pour l’indicateur 14.b.1 sont des moyens indirects d’évaluer les efforts qui sont entrepris pour promouvoir et faciliter l’accès des pêcheurs artisanaux. Elles portent, plus précisément, sur:

  • les lois, règlements, politiques, plans ou stratégies qui ciblent ou concernent le secteur de la pêche artisanale;

  • les initiatives menées pour mettre en œuvre les Directives sur la pêche artisanale;

  • les mécanismes par lesquels les pêcheurs et les travailleurs de la pêche artisanale contribuent aux processus de décision.

La figure 47 résume les résultats des rapports sur ces trois questions en 2018 au niveau régional.

FIGURE 47
MISE EN ŒUVRE DES INSTRUMENTS VISANT À FACILITER L’ACCÈS DES PETITS PÊCHEURS AUX RESSOURCES ET AUX MARCHÉS, GROUPEMENTS RÉGIONAUX POUR LE SUIVI DES ODD, 2018

En tant qu’institution garante de l’indicateur 14.b.1, la FAO aide les Membres et autres partenaires à mieux comprendre, suivre et rendre compte de la cible 14.b des ODD (FAO, 2019j). Un cours de formation en ligne, disponible en six langues, a été utilisé lors de deux ateliers, l’un au niveau mondial en 2017, et l’autre pour la région Pacifique en 2019. Ce dernier a notamment permis de constater que la région disposait d’un certain nombre de cadres pertinents, en particulier la Nouvelle partition pour les pêches côtières (Stratégie de Nouméa, 2015), dans le cadre de laquelle des informations sont régulièrement recueillies (Communauté du Pacifique, 2019). Ainsi, il est possible de renforcer les synergies entre la Nouvelle partition et l’établissement de rapports pour l’indicateur 14.b.1.

Les ateliers ont permis de conclure qu’il fallait adopter une approche participative pour la collecte, au niveau national, d’informations qui permettent de répondre au questionnaire de manière responsable. Comme il existe de nombreuses sources d’information à différentes échelles, il faudrait que la collecte d’informations soit multidisciplinaire et fondée sur une approche ascendante dans le cadre de laquelle les informations et les connaissances des acteurs locaux seraient recueillies et agrégées au niveau national aux fins de l’établissement de rapports. Il a été appelé à aider les organisations et plateformes de pêche artisanale afin qu’elles puissent participer effectivement à ces processus. Il a également été jugé prioritaire d’assurer une communication efficace entre les personnes chargées de répondre au questionnaire et les points focaux nationaux chargés des ODD. Il faudrait en outre que les partenaires de développement, comme les ONG, soient consultés au même titre que les communautés et les acteurs de la pêche artisanale; quant aux organisations régionales, elles ont également un rôle à jouer pour ce qui est de faciliter la collecte de données servant à rendre compte de l’indicateur 14.b.1.

Les ateliers ont révélé que l’établissement de rapports était utile pour comprendre dans quelle mesure il était nécessaire et possible d’évoluer vers une pêche artisanale durable et pour déterminer les actions et processus requis pour mettre en œuvre les Directives sur la pêche artisanale. Ces directives, en particulier les chapitres 5 (Gouvernance des régimes fonciers dans le secteur de la pêche artisanale et gestion des ressources) et 7 (Chaînes de valeur, activités après capture et commerce), fournissent un cadre d’action pour atteindre la cible 14.b des ODD (figure 48).

FIGURE 48
LES DIRECTIVES SUR LA PÊCHE ARTISANALE ET LES OBJECTIFS DE DÉVELOPPEMENT DURABLE

Une analyse des engagements volontaires pris à la Conférence de haut niveau des Nations Unies tenue en juin 2017 pour appuyer la mise en œuvre de l’ODD 14 a révélé que 278 engagements relatifs à la cible 14.b avaient été soumis par une grande variété de parties prenantes (ONU, 2019a). Ces engagements portaient sur des questions telles que l’autonomisation des communautés pour ce qui est de la gestion des ressources marines, l’amélioration de l’accès aux zones de pêche côtières, l’amélioration des capacités humaines et institutionnelles et le transfert de technologies de pêche. Pour l’accès aux marchés, il était généralement envisagé des actions telles que l’amélioration de la traçabilité, de la certification et de l’étiquetage écologique, celle de l’accès aux instruments fondés sur le marché ou encore le renforcement des capacités des communautés de pêcheurs. En outre, au troisième Congrès mondial des pêcheries artisanales, organisé en Thaïlande en octobre 2018 par le réseau de recherche Too Big To Ignore (Ramírez Luna, Kereži et Saldaña, 2018), il a également été question de la cible 14.b.

Le fait que l’Assemblée générale des Nations Unies ait déclaré 2022 Année internationale de la pêche et de l’aquaculture artisanales (voir encadré 12) constitue une étape importante en vue de l’évaluation des progrès accomplis dans la réalisation de la cible 14.b et de la diffusion des bonnes pratiques qui y ont trait dans le monde entier.

Bénéfices économiques d’une pêche durable

Parmi les ODD, la cible 14.7 est ainsi définie (ONU, 2019b): «D’ici à 2030, faire bénéficier plus largement les petits États insulaires en développement et les pays les moins avancés des retombées économiques de l’exploitation durable des ressources marines, notamment grâce à une gestion durable des pêches, de l’aquaculture et du tourisme». Son indicateur connexe, l’indicateur 14.7.1, est défini comme suit: «Proportion du PIB correspondant aux activités de pêche durables dans les petits États insulaires en développement, les pays les moins avancés et tous les pays».

En 2019, la FAO a élaboré une méthodologie pour l’indicateur 14.7.1 qui permet de réaliser un suivi en termes de contribution économique des pêches aux économies nationales en calculant le pourcentage du PIB qui provient des activités de pêche durables.

Lors de l’élaboration de cette méthodologie, de nombreux pays ont approuvé le fait qu’elle mette en avant l’importance du secteur des pêches dans l’économie. Compte tenu de la nature mondiale des ODD, l’indicateur 14.7.1 a été conçu pour s’appliquer au plus grand nombre de pays possible, un effort ayant été fait pour réduire au maximum les exigences supplémentaires en matière d’établissement de rapports pour ces derniers, tout en utilisant des données acceptées au niveau international pour tous les aspects de son calcul.

La méthodologie se concentre uniquement sur l’utilisation durable des ressources marines par les pêcheries. Elle repose sur trois éléments principaux, qui sont tous des normes reconnues à l’échelle internationale: le PIB, la valeur ajoutée pour les pêches et la durabilité biologique des stocks de poissons.

Le PIB est avant tout une mesure monétaire et centrale de la valeur des biens et services finaux produits par un pays. Il a été reconnu par des organismes internationaux, des décideurs politiques et des organismes publics, entre autres. Lorsqu’on examine la valeur des biens et services produits par un secteur donné, comme celui des pêches, la valeur ajoutée donne un chiffre représentatif de la taille d’une industrie dans l’économie d’un pays.

En ce qui concerne la durabilité biologique des stocks de poissons, la FAO estime l’état et l’évolution des stocks de poissons depuis 1974, et couvre actuellement 584 stocks de poissons dans le monde19 (représentant 70 pour cent des débarquements mondiaux, la section «Situation des ressources halieutiques»). En outre, ces évaluations pour chacune des principales zones de pêche marine de la FAO ont jeté des bases solides pour l’estimation du multiplicateur de durabilité, paramètre important de l’indicateur 14.7.1.

L’indicateur mesure la valeur ajoutée des pêches de capture marines durables en proportion du PIB. Pour chaque pays, le multiplicateur de durabilité correspondra à la durabilité moyenne pondérée par la proportion du volume des prises marines pour chaque zone de pêche respective dans laquelle le pays exerce des activités de pêche. Lorsqu’un pays ne pêche que dans une seule zone de pêche de la FAO, son multiplicateur de durabilité sera égal à la durabilité moyenne des stocks dans cette zone.

Au niveau des pays, la contribution en pourcentage des pêches et de l’aquaculture au PIB20 est estimée en divisant simplement la valeur ajoutée des pêches et de l’aquaculture par le PIB national. Afin de ventiler la valeur ajoutée entre les pêches de capture marines, d’une part, et l’aquaculture, d’autre part, la quantité de poisson produite par les pêches de capture marines sera divisée par la quantité totale21 de la production nationale de poisson, puis multipliée par le pourcentage du PIB provenant des pêches et de l’aquaculture.

Par la suite, la valeur ajoutée des pêches de capture marines sera ajustée au moyen du multiplicateur de durabilité susmentionné pour obtenir la valeur des pêches de capture marines durables en pourcentage du PIB.

Mathématiquement, la contribution des pêches de capture marines durables au PIB d’un pays est calculée comme suit:

  • SuGDPF: PIB provenant des pêches de capture marines durables;

  • Si: durabilité moyenne publiée périodiquement pour la zone de pêche marine principale de la FAO i;

  • Qi: quantité pêchée dans la zone de pêche marine principale de la FAO i;

  • QN: quantité totale pêchée dans les zones de pêche marine principales de la FAO;

  • QM: quantité de poisson produite par les pêches de capture marines;

  • QT: quantité totale de poisson produite;

  • VAFIA: valeur ajoutée des pêches et de l’aquaculture;

  • GDP: PIB national.

Un indicateur de suivi de la contribution économique des pêches durables permet de promouvoir l’importance réelle des pêches dans l’économie nationale des pays, ce qui favorise une répartition plus équilibrée des ressources susceptibles de profiter au secteur.

Le cadre actuel établi par la FAO pour l’indicateur 14.7.1 peut fournir une mesure solide et applicable au niveau international de la contribution économique des pêches de capture marines durables. Il fournit aux décideurs politiques et au grand public une analyse qui relie le secteur aux principaux piliers des ODD et qui promeut à la fois l’exploitation durable des ressources et les activités économiques durables.

Les données les plus récentes disponibles pour l’indicateur 14.7.1 des ODD montrent que pour de nombreuses régions du monde, la part des pêcheries durables s’est accrue, associée à de meilleures politiques de gestion des pêches. Les pays les moins avancés et les PEID font état d’une contribution stable des pêches durables à leur PIB depuis 2011.

La durabilité des pêches et de l’aquaculture en contexte

Prise en compte de la biodiversité dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture

Pourquoi intégrer la biodiversité dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture?

La diversité biologique ou biodiversité, désigne la variabilité des formes de vie à tous les niveaux des systèmes biologiques, de l’écosystème jusqu’aux molécules. La biodiversité des mers et de l’eau douce contribue de façon directe et indirecte à la sécurité alimentaire, à la nutrition et aux moyens d’existence de millions de personnes dans le monde (FAO, 2018a), mais elle constitue surtout une source majeure de nutriments essentiels pour les communautés plus pauvres (voir la section «Le poisson dans les stratégies relatives aux systèmes alimentaires au service de la sécurité alimentaire et la nutrition»). Il est d’une importance capitale de préserver la santé des écosystèmes aquatiques pour satisfaire de façon durable les besoins nutritionnels d’une population mondiale en pleine croissance.

La pêche de capture est un système de production alimentaire très particulier en ce qu’elle constitue le seul grand secteur alimentaire entièrement tributaire de la biodiversité des espèces sauvages. Par ailleurs, la capture des espèces ne s’accompagne que d’infimes modifications physiques ou chimiques de l’écosystème. Bien que la pêche et l’aquaculture ne nécessitent pas de changements globaux dans l’environnement, les espèces capturées dépendent de beaucoup d’autres espèces et habitats ou sont essentielles à ces derniers en tant qu’éléments constitutifs de systèmes naturels et humains complexes.

De par sa nature, la pêche n’est pas sans effet sur l’abondance des poissons ciblés et peut influencer la situation des espèces associées ou dépendantes. L’utilisation non durable des ressources halieutiques empêche ces dernières de se renouveler correctement et se fait au détriment de la santé de l’écosystème et de la conservation de la biodiversité (encadré 18). La surpêche, la pollution, la destruction des habitats et les vagues de chaleur provoquées par le changement climatique, entre autres pressions liées à l’action de l’homme, menacent les perspectives en matière de sécurité alimentaire et de nutrition et la solidité des moyens d’existence à plus long terme – on estime que la valeur des services écosystémiques est supérieure à l’équivalent du produit intérieur brut mondial annuel de l’ensemble des économies de la planète (Costanza et al., 2017).

Dans la pêche et l’aquaculture, l’incidence des activités de capture et d’élevage de poissons sur les milieux naturels est de plus en plus souvent prise en considération. Cette évolution a conduit à l’élaboration de systèmes de gouvernance plus étendus, fondés sur des données scientifiques, qui ont évolué de telle sorte que la notion de gestion des ressources naturelles englobe à présent des modèles opérationnels plus intégrés et tient compte de l’importance capitale de la biodiversité pour la production durable (Friedman, Garcia et Rice, 2018; Brugère et al., 2018). Cette prise en compte de la biodiversité dans la gestion de la pêche et de l’aquaculture est en passe d’être mise en œuvre de façon progressive et interactive par l’ensemble des autorités de gestion nationales, régionales et internationales, et ce par la voie de mécanismes de coopération et de collaboration définis dans le cadre d’accords et de traités multilatéraux.

Intégrer la biodiversité: accords multilatéraux

Face à l’inquiétude grandissante que suscite la dégradation des écosystèmes marins et d’eau douce, la communauté internationale s’efforce de mettre en place des initiatives de conservation ou de rétablissement de la biodiversité aux plans international, régional, national et local. Des accords multilatéraux en cours de négociation visent à renforcer les politiques et les pratiques en tenant compte des besoins associés à la biodiversité considérée comme un élément central de l’utilisation durable des ressources. Ces accords ont pour objet de maintenir la productivité et la capacité d’adaptation des systèmes aquatiques en contribuant à prévenir et à combattre la perte de biodiversité.

Plusieurs ODD, et en particulier l’ODD 14, illustrent de façon directe et indirecte cette prise de conscience quant au rôle fondamental de la biodiversité dans l’utilisation durable des ressources. Dans ses orientations à l’intention des pays sur la réalisation des ODD, la FAO considère l’intégration de la biodiversité et la protection des fonctions écosystémiques comme un principe de base sur lequel doit reposer la production alimentaire durable (FAO, 2018e).

Pour aider ses Membres, l’Organisation prête son concours à toute une série de rencontres mondiales sur les politiques relatives aux ressources aquatiques qui pourraient avoir une incidence sur l’intégration de la biodiversité. Voici cinq exemples d’initiatives: i) la création du Cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020; ii) les négociations sur l’établissement, en vertu des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, d’un instrument international juridiquement contraignant relatif à la conservation et à l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones qui ne relèvent pas de la juridiction nationale; iii) le recensement des espèces, selon qu’il convient, et la mise en œuvre de certaines initiatives de conservation en application des annexes de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES); iv) la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage; v) la Convention relative aux zones humides d’importance internationale, particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau (Convention de Ramsar). Toutes ces initiatives sont autant d’exemples d’approches qui renforcent le degré de gestion dans les écosystèmes. Une brève description des activités menées dans le cadre de chacune de ces initiatives et de leur utilité dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture est présentée ci-après.

Les Parties à la Convention sur la diversité biologique (CDB) continuent de promouvoir «l’intégration de la biodiversité pour le bien-être», thème de la conférence mondiale de la CDB qui s’est tenue en 2016. Alors que sont renouvelés le Plan stratégique 2011-2020 pour la diversité biologique de la CDB et ses 20 Objectifs d’Aichi pour la biodiversité, la création du Cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 définira un nouveau projet de transformation au service de l’intégration de la biodiversité et de son «utilisation durable». À condition d’être bien conçus, ces objectifs seront de nature à rendre plus cohérentes les politiques et pratiques destinées à garantir à la fois la préservation de la biodiversité et les résultats de la pêche. Il importe donc de fixer des objectifs en matière de conservation de la biodiversité qui permettent, d’une part, de mobiliser les secteurs qui dépendent de ces ressources, comme celui de la pêche et de l’aquaculture, et d’autre part, de cibler les milieux naturels riches en espèces où les pressions anthropiques sont les plus fortes. De telles ambitions sont susceptibles d’attirer l’attention des mécanismes de financement internationaux et de susciter un soutien intersectoriel en faveur des mesures de conservation de la biodiversité ou d’accroître l’ampleur de ce soutien.

En parallèle, la communauté mondiale cherche à approfondir la gestion des ressources biologiques dans les profondeurs des océans (fonds marins et masses d’eau au-delà du plateau continental et des zones économiques exclusives des États). Plusieurs conférences intergouvernementales ont donc été consacrées à la définition d’un instrument international juridiquement contraignant concernant la biodiversité des zones ne relevant pas de la juridiction nationale22. À l’origine de ces démarches se trouvent une nouvelle manière d’aborder la vie dans les profondeurs des océans ainsi que la nécessité pour les gouvernements et les organisations internationales de garantir une utilisation durable et équitable de ces ressources renouvelables. Les négociations portent, entre autres, sur la méthode d’évaluation des conséquences de l’utilisation de ces ressources génétiques, la gestion par zone de toutes les utilisations qui en sont faites ainsi que le renforcement des capacités et le transfert de technologies marines. S’agissant de l’accès aux ressources génétiques marines et de leur utilisation, la question est également de savoir si les avantages tirés de leur commercialisation seront partagés et, si oui, de quelle manière (voir la section «Un système d’information sur les ressources génétiques aquatiques à l’appui d’une croissance durable de l’aquaculture»).

La conservation de la biodiversité, qui permet aux systèmes naturels de s’adapter aux changements qui s’opèrent dans leur environnement, est un impératif fondamental si l’on souhaite assurer la productivité de la pêche. Bien que l’extinction des espèces marines soit bien plus faible que celle des espèces terrestres (McCauley, 2015), des mesures de gestion extraordinaires, impliquant bien souvent un éventail plus large d’acteurs de la gouvernance, sont en cours de mise en œuvre et visent à rétablir la productivité de nombreuses zones océaniques en faisant reculer le phénomène notable d’épuisement des stocks de poissons. Ce dernier pouvant avoir plusieurs causes, le secteur des pêches dans son ensemble s’attache à réduire la surpêche des stocks cibles ainsi que les répercussions de la pêche sur les espèces qui ne sont pas exploitées à des fins commerciales (Garcia et al., 2018). La CITES et la Convention sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage mettent en avant un ensemble varié de positions stratégiques concernant l’utilisation durable et la conservation des espèces vulnérables et menacées. Ainsi, des espèces d’eau de mer et d’eau douce peuvent être répertoriées dans les annexes de ces deux conventions à la demande des Parties, ce qui a pour effet de renforcer les règles qui encadrent leur capture et/ou leur commercialisation. Compte tenu du niveau de qualité variable des recommandations et des informations sur l’état des espèces dont l’inscription a été proposée (Friedman et al., 2020) et étant donné que les pays déclarent éprouver des difficultés à garantir le commerce légal des espèces une fois qu’elles sont inscrites à l’Annexe II de la CITES (Friedman et al., 2018), la FAO a décidé d’agir par l’intermédiaire d’un groupe d’experts chargé de fournir des informations sur la situation des espèces proposées (en donnant un avis éclairé quant à savoir si elles répondent aux critères d’inscription sur les listes). L’Organisation formule également des recommandations sur les pratiques de gestion optimales aux fins de la régénération des espèces dont l’inscription aux annexes des conventions a déjà été acceptée.

D’autres conventions multilatérales abordent la question de la conservation de la biodiversité à une plus grande échelle que celle des espèces. La Convention de Ramsar, tout comme la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, favorise la conservation de la biodiversité dans des lieux dont la préservation est prioritaire, appelés «sites» (Centre régional Ramsar - Asie de l’Est, 2017). La Convention de Ramsar prévoit différents moyens de contrer les menaces qui pèsent sur l’écologie de sites qui abritent des espèces emblématiques ou, plus généralement, une biodiversité aquatique ayant un intérêt du point de vue de la conservation, de la pêche et/ou une valeur socioculturelle d’importance mondiale. La préservation et l’utilisation judicieuse de ces zones humides et de leur riche biodiversité par la voie d’interventions locales et nationales et d’initiatives de coopération internationale contribuent au développement durable des systèmes d’eau douce et des systèmes côtiers (à titre d’exemple, les Fidji ont désigné Qoliqoli Cokovata [site Ramsar no 2 331], qui s’étend sur une zone de pêche côtière de la deuxième île la plus grande de l’archipel) et offrent la possibilité de préserver et d’améliorer la biodiversité des espèces aquatiques dans des écosystèmes agricoles gérés.

Des mesures analogues de conservation par espèce et par zone sont mises en place par des organisations régionales de gestion des pêches et des arrangements régionaux de gestion des pêches (ORGP/ARGP), dont les mandats peuvent englober des zones relevant ou non de la juridiction nationale23. En ce qui concerne les eaux profondes, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une série de résolutions24 appelant les pays qui pratiquent la pêche en haute mer à agir de toute urgence pour protéger les EMV contre les pratiques dévastatrices. Plusieurs ORGP/ARGP et autorités régionales chargées de l’environnement (organisations marines régionales et conventions concernant les mers régionales) travaillent de concert pour incorporer des normes explicites sur la conservation de cette biodiversité, lesquelles reflètent la volonté plus résolue des acteurs de la pêche de capture de tenir compte des aspects liés aux écosystèmes et à la biodiversité dans leurs activités (CDB, 2018). Si les ORGP ont fait des progrès notables, on ne peut nier qu’un renforcement des capacités reste nécessaire, en particulier au niveau de la planification, de la recherche, du suivi, du respect des règles et de la communication en ce qui concerne la biodiversité ainsi que de l’évaluation des incidences de la pêche sur celle-ci (Juan-Jordá et al., 2018). Nombre d’ORGP/ARGP et d’autorités nationales des pêches continuent de s’adapter à l’évolution des modes de gestion en actualisant ou en remplaçant les politiques et mesures en place. Ces initiatives sectorielles s’inscrivent de plus en plus souvent dans le cadre d’une collaboration, soit par l’intermédiaire du Réseau des secrétariats des organes régionaux des pêches, soit en développant les liens entre utilisation durable et considérations environnementales (Garcia, Rice et Charles, 2014).

Intégrer la biodiversité: méthodes et outils de gestion

Le Code et les directives connexes donnent des orientations sur les indicateurs de développement durable et l’application de l’approche de précaution dans la pêche et l’aquaculture (FAO, 1995). Cet instrument a été conçu en réponse à la volonté toujours plus marquée de renforcer la prise en compte de la biodiversité dans la gestion des pêches (Friedman, Garcia et Rice, 2018; Sinclair et Valdimarsson, 2003). L’adoption du Code, de même que celle des objectifs en rapport avec le développement durable, lors du Sommet mondial pour le développement durable, ont préparé le terrain pour la définition de l’approche écosystémique des pêches et de l’approche écosystémique de l’aquaculture. Dès l’officialisation du Code, en 1995, le modèle de gestion de la pêche a commencé à évoluer, d’une part en incorporant progressivement la nécessité de préserver la productivité des systèmes naturels et, d’autre part, en tenant compte explicitement des objectifs sociaux et économiques et des contraintes associées aux conceptions conventionnelles de la pêche. L’approche écosystémique des pêches est donc de plus en plus considérée comme le cadre universel de gestion de la pêche. Dans le prolongement du Sommet mondial pour le développement durable, cette approche établit les impératifs suivants: i) préserver les processus écologiques essentiels et les systèmes qui permettent la vie; ii) conserver la diversité des ressources génétiques; iii) assurer l’utilisation durable des espèces et des écosystèmes. Il s’agit de conditions indispensables pour parvenir à réduire la faim, la malnutrition et la pauvreté.

L’approche écosystémique des pêches repose sur une gestion intégrée des activités de pêche. Elle oblige les pêcheurs à réduire autant que possible les répercussions négatives de leurs activités sur la productivité naturelle des écosystèmes, y compris les effets délétères sur les espèces non ciblées et la dégradation des habitats. De la même manière, l’approche écosystémique de l’aquaculture tient compte des conséquences négatives que les activités aquacoles, notamment en raison de la fuite d’espèces, peuvent avoir sur les habitats et la biodiversité des systèmes et des processus d’élevage. Là où il est soumis à une réglementation judicieuse, le secteur de la pêche et de l’aquaculture s’efforce de plus en plus, entre autres initiatives, de mettre en œuvre les Directives internationales sur la gestion des prises accessoires et la réduction des rejets en mer. Cette approche englobe toutes les opérations de pêche, les techniques de pêche et les différents types d’engins ainsi que leur incidence sur l’ensemble des espèces concernées et vise à faire en sorte que les effets de l’activité de pêche soient maîtrisés. Dans ce contexte, la FAO a contribué à l’élaboration de directives techniques sur les pratiques optimales en matière de réduction des captures accessoires en mer afin de lutter contre la capture accidentelle et l’enchevêtrement dans les engins d’espèces appartenant à des groupes vulnérables et précieux sur le plan écologique, comme les mammifères marins, les requins et les raies, ainsi que les oiseaux de mer et les tortues (voir la section «Pratiques de pêche responsables»)25.

Les méthodes de gestion spatiale peuvent s’avérer efficaces pour préserver et régénérer les écosystèmes sur lesquels repose la production halieutique à vocation commerciale, pour conserver ou reconstituer les populations ou pour restreindre, le cas échéant, l’éventail des pressions liées à l’action humaine. Un nombre croissant d’acteurs prennent conscience de l’intérêt des mesures de gestion de la pêche par zone en ce qui concerne la conservation in situ de la biodiversité et/ou le renforcement des liens entre les paysages marins et de leur intégration à de plus grandes échelles. Parmi ces mesures, certaines présentent les caractéristiques des «autres mesures efficaces de conservation par zone», approche spatiale de la conservation in situ de la biodiversité définie dans l’Objectif d’Aichi 11 de la CDB. Pour aider ses Membres, la FAO s’efforce d’attirer davantage l’attention sur les avantages que les mesures de gestion spatiale de la pêche peuvent avoir en termes d’amélioration de la santé, de la productivité et de la résilience des écosystèmes aquatiques. Plus précisément, l’Organisation et ses partenaires aident les pays à mettre en place d’autres mesures efficaces de gestion par zone, qui sont susceptibles d’élargir la base de soutien en faveur de la conservation de la biodiversité, à recueillir des données sur ces mesures et à surveiller les nombreuses initiatives sectorielles ayant déjà été mises en place à l’appui de la conservation de la biodiversité.

Les modalités de gestion visant à maintenir l’abondance des espèces et les mesures de conservation des systèmes naturels ne sont pas les seuls moyens d’assurer la prise en compte de la biodiversité dans le secteur. Étant donné que l’aquaculture sera indispensable pour répondre à la demande croissante de poisson et autres produits aquatiques, et garantir la sécurité alimentaire dans les décennies à venir, il importe de veiller à ce que l’utilisation et la mise en valeur des ressources génétiques aquatiques dans ce secteur soient encadrées par des mesures de gestion judicieuses mais aussi de surveiller les effets de l’aquaculture sur la biodiversité aquatique naturelle en s’attachant à maîtriser ceux qui sont négatifs. Les Membres de la FAO sont encouragés à faire le point sur l’évolution de la situation mondiale en ce qui concerne la conservation, l’utilisation durable et la mise en valeur des ressources génétiques aquatiques. Publié en 2019, le rapport sur l’état des ressources génétiques aquatiques pour l’alimentation et l’agriculture dans le monde (FAO, 2019a) met en lumière les possibilités actuelles et futures de diversification des espèces et des «organismes d’élevage» (organismes aquatiques d’élevage de rang inférieur à l’espèce) ainsi que les interactions entre les espèces d’élevage et les espèces sauvages qui leur sont apparentées.

Le renforcement et la promotion des pratiques aquacoles durables sont un autre moyen intéressant d’intégrer la biodiversité dans le secteur. À cette fin, la FAO accompagne ses Membres dans l’élaboration de directives sur l’aquaculture durable, qui mettent au jour des questions thématiques concrètes aux niveaux mondial et régional, présentent des études de cas concluantes illustrant des pratiques exemplaires, et définissent des voies à explorer pour assurer une mise en œuvre fructueuse qui favorise le développement à long terme de pratiques aquacoles durables (applicables tant aux espèces et aux milieux d’élevage qu’aux chaînes de valeur) à l’échelle des paysages, des pays et des régions. Les directives constitueront ainsi un ensemble d’orientations pratiques à l’intention des autorités publiques et des décideurs, qui devra permettre aux pays de mieux appliquer le Code tout en mobilisant leur secteur aquacole et en lui donnant les moyens de participer activement à la mise en œuvre du Programme 2030.

Intégrer la biodiversité: la voie à suivre

Il est indispensable de préserver la diversité biologique de la vie dans les écosystèmes aquatiques pour garantir une sécurité alimentaire, une nutrition et des moyens d’existence durables. La mise en place d’une pêche et d’une aquaculture productives et viables passe nécessairement par la régénération, le cas échéant, et par la préservation des différentes formes de vie qui assurent directement ou indirectement le fonctionnement d’écosystèmes résilients, et cela afin de contribuer à la réalisation des ODD interdépendants, et en particulier de l’ODD 14.

La notion d’intégration de la biodiversité ne se trouve que depuis quelque temps sur le devant de la scène internationale. Le développement durable étant fondamentalement tributaire de la bonne santé des écosystèmes, son rapport à la biodiversité au sens large n’est pas nouveau. L’importance de la santé des écosystèmes est aussi reconnue depuis longtemps dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture. Cependant, le terme «biodiversité» a toujours été principalement utilisé dans le contexte des conséquences négatives de la pêche. La relation fondamentale entre la biodiversité, la production alimentaire et les moyens d’existence, souvent laissée de côté par les spécialistes et le grand public, doit absolument être mise en évidence. C’est en s’accordant sur une perception commune de cette connexion, en apprenant à reconnaître et à exploiter collectivement les activités de pêche qui l’ont toujours entretenue et en définissant des mesures concrètes en faveur de celle-ci, que nous parviendrons réellement à faire en sorte que la biodiversité s’impose dans les initiatives à l’appui du développement durable. Il faudra pour cela renforcer la communication entre les secteurs et mettre en place des partenariats diversifiés. La pression croissante que subissent les océans nous montre qu’il n’y a pas de temps à perdre: l’intégration de la biodiversité est un impératif.

Durabilité dans les zones situées au-delà de la juridiction nationale

Les zones hors juridiction nationale (ZHJN) couvrent 40 pour cent de la surface de la planète, soit 62 pour cent de la surface totale des océans. Si leurs ressources vivantes sont utilisées depuis longtemps, ce n’est que depuis ces dernières années que l’on assiste à une exploitation croissante de leurs ressources marines non biologiques (Jobsvogt et al., 2014).

En vigueur depuis 1994, la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer définit la haute mer comme la colonne d’eau située au-delà des limites de la ZEE ou au-delà des limites de la mer territoriale lorsqu’aucune ZEE n’a été déclarée. Le fond marin qui se trouve au-delà des limites de la juridiction nationale est désigné comme «la zone». Il est ainsi fait une distinction entre la zone (le fond marin) et la haute mer (la colonne d’eau située au-dessus du fond marin), ces deux entités formant ensemble ce qu’on appelle la ZHJN. Les ZHJN n’appartiennent pas à un État en particulier; au contraire, en vertu de la Convention, elles sont gérées par une série d’accords et un ensemble d’organismes mondiaux et régionaux, chacun ayant son propre mandat et ses propres priorités. Toutes les nations ayant un «intérêt réel» dans les ZHJN partagent la responsabilité de la bonne gestion et de la conservation des ressources et de la biodiversité de ces zones.

Malgré la vaste étendue géographique des ZHJN, la compréhension actuelle de leur rôle, de leur influence et de leur importance pour les eaux côtières est limitée. De plus en plus d’éléments portent à croire que les ZHJN et les eaux côtières sont étroitement liées, et que les activités qui sont menées dans les premières peuvent avoir une influence sur les secondes (Popova et al., 2019).

Les principales ressources halieutiques dans les ZHJN sont la pêche en eau profonde et les espèces hautement migratoires, telles que les thons. Les Directives internationales sur la gestion de la pêche profonde en haute mer s’appliquent lorsque la capture totale (y compris les prises accessoires) comprend des espèces qui ne peuvent supporter que de faibles taux de pêche et lorsque les engins de pêche utilisés sont susceptibles d’entrer en contact avec le fond marin pendant les opérations. La pêche profonde est pratiquée sur les talus continentaux, les monts sous-marins, les systèmes de dorsales et les bancs sur des sédiments boueux mous et des substrats rocheux durs, principalement entre 400 m et 1 500 m de profondeur, bien que certains navires spécialisés puissent pêcher à des profondeurs allant jusqu’à 2 000 m.

Si l’on peut remonter l’histoire de la pêche profonde à 450 ans, sa principale expansion a commencé avec le déploiement de chalutiers congélateurs au milieu des années 1950, qui a entraîné une augmentation considérable des prises. Depuis 1980, cependant, seules trois évolutions majeures ont eu lieu dans la pêche profonde: le chalutage de l’hoplostète orange, la pêche à la palangre de la légine et le chalutage de fond du flétan noir (Hosch, 2018).

De nombreuses ressources biologiques en eau profonde ont une faible productivité et ne peuvent supporter que de faibles taux de pêche. De plus, une fois leurs stocks épuisés, leur rétablissement est long et n’est pas assuré. Cependant, les préoccupations liées à la pêche profonde vont au-delà de l’impact potentiel sur les stocks ciblés avec des effets plus larges sur les espèces associées et la biodiversité marine.

En revanche, le thon est une espèce hautement migratoire, qui traverse généralement de nombreuses ZEE et se déplace dans les ZHJN. La pêche au thon a un rendement d’environ 7 millions de tonnes (bien que l’on estime que seulement 40 à 50 pour cent environ des prises s’effectuent dans les ZHJN).

Outre ces stocks de poissons pélagiques très migrateurs et largement répartis, d’autres espèces importantes pour la conservation parcourent également les ZHJN et les eaux territoriales de nombreux pays, ou passent la majeure partie de leur cycle annuel dans des ZHJN (Harrison et al., 2018). Bien que la pêche profonde ne donne lieu qu’à une production limitée d’environ 220 000 tonnes, principalement le fait de navires industriels, ces navires interagissent plus profondément avec l’habitat (en opérant sur le fond marin ou à proximité), y compris les écosystèmes vulnérables. Les deux pêcheries présentent un intérêt majeur non seulement en termes de conservation de la biodiversité, mais aussi en ce qui concerne les interactions avec les autres utilisateurs du même espace marin.

Les règles générales régissant l’utilisation des océans et des mers et de leurs ressources ont été établies par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Cependant, au moment du processus de négociation de la Convention, la pêche dans les ZHJN n’était pas perçue comme un problème majeur nécessitant une attention prioritaire. Par conséquent, s’agissant des ressources halieutiques présentes en partie ou en totalité dans les ZHJN, la Convention s’est limitée à fournir des principes généraux pour leur conservation ainsi que pour leur exploitation et leur gestion optimales, appelant tous les États à coopérer en vue de la poursuite du développement et de la mise en œuvre de ces principes généraux.

D’autres instruments internationaux adoptés au cours des 20 dernières années pour la conservation et la gestion des ressources halieutiques mondiales, incluant les ZHJN, imposent des obligations juridiquement contraignantes à leurs Parties. C’est notamment le cas de l’Accord aux fins de l’application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’au-delà des ZEE (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs; de l’Accord de la FAO visant à favoriser le respect par les navires de pêche en haute mer des mesures internationales de conservation et de gestion; et, plus récemment, de l’Accord de la FAO relatif aux mesures du ressort de l’État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée.

Les préoccupations concernant la pêche profonde ont conduit l’Assemblée générale des Nations Unies à établir des orientations spécifiques (à travers, par exemple, les résolutions 61/105 et 64/72), qui visent principalement à améliorer la gestion des zones de pêche en haute mer. Cela a permis de promouvoir des mesures de protection des habitats benthiques et des EMV en particulier, surtout au niveau régional, la mise en œuvre de ces mesures étant assurée par les ORGP. La FAO a également joué un rôle central dans l’élaboration de cadres d’action internationaux pour la pêche profonde. Elle a adopté les Directives internationales sur la gestion de la pêche profonde en haute mer en 2008 et créé la base de données sur les EMV26.

Toutes les zones de distribution et toutes les flottes ciblant le thon et les espèces apparentées sont sous le mandat de cinq ORGP thonières (qui regroupent plus de 80 pays). Cela reflète l’importance de la pêche au thon pour les économies des pays intervenant dans la chaîne d’approvisionnement, ainsi que pour l’alimentation de nombreuses communautés côtières.

Huit ORGP de haute mer et d’autres organisations ont compétence pour gérer la pêche de petits pélagiques et d’espèces démersales en haute mer, ces organisations couvrant environ 77 pour cent des ZHJN. Leur mission comprend la réduction des prises accessoires et la protection plus large de l’environnement contre les effets néfastes importants de la pêche. Dans toutes les zones, les États du pavillon sont responsables des activités de leurs navires de pêche lorsqu’ils utilisent les ressources halieutiques en haute mer. En outre, les États du port et les États côtiers contribuent également à la vérification du respect de la réglementation.

Bien que la pratique optimale actuellement reconnue consiste à gérer toutes les espèces associées en appliquant des cadres de gestion écosystémique, ces cadres peuvent être complexes et difficiles à mettre en œuvre (Tingley et Dunn, 2018). Par conséquent, la prise en compte des considérations écosystémiques au sein des ORGP a souvent pris la forme de mesures visant à atténuer l’impact des pêches sur les espèces non ciblées ou sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes. Dans les ORGP d’eaux profondes, dans lesquelles les pêcheries sont confrontées à un plus haut niveau d’interaction des engins de pêche avec l’habitat, des protocoles ont été adoptés pour mettre fin aux activités de pêche dès que la présence d’un EMV est constatée. Les pêcheries de thon ont enregistré une plus forte réduction des prises accidentelles d’espèces associées importantes telles que les tortues, oiseaux, requins et petits thonidés.

Des normes minimales relatives à la prise en compte des «meilleures données scientifiques disponibles» en appui à la gestion des pêches ont été élaborées et publiées (Ministère néo-zélandais des pêches, 2008). Un degré élevé de transparence dans les domaines de la science et de la gestion est fondamental pour faire en sorte que les pêcheurs, les ONG et autres organisations scientifiques et de gestion, les transformateurs et les détaillants aient confiance dans la gestion des pêches.

Les orientations actuelles en matière de gestion des effets de la pêche sur l’habitat benthique proposent d’instaurer des fermetures de zones applicables aux engins de pêche démersale mobiles, mais celles-ci peuvent également s’étendre aux engins statiques. L’Organisation régionale de gestion des pêches du Pacifique Sud, qui gère la plus grande pêcherie hauturière d’hoplostète orange, a imposé des fermetures sur plus de 95 pour cent de la zone couverte par sa convention et sur environ la moitié de la profondeur exploitable dans cette zone (Tingley et Dunn, 2018).

L’efficacité des mesures de gestion par zone dépend de la mobilité des espèces concernées. L’instauration d’AMP sera moins efficace pour les espèces hautement migratoires que pour les espèces d’eau profonde que l’on retrouve sur certains fonds spécifiques (par exemple, les espèces associées à un mont sous-marin), surtout dans les ZHJN, où les espèces pélagiques peuvent occuper de vastes zones géographiques.

Les objectifs des fermetures de zones sont divers. Nombre d’entre elles sont destinées à la protection de zones benthiques présentant un intérêt particulier, telles que les monts sous-marins et les récifs coralliens en eau profonde, ou à la protection des espèces démersales. D’autres fermetures visent à réduire les impacts sur les espèces pélagiques, y compris les adultes et les juvéniles (Davis et al., 2012). En général, les fermetures s’accompagnent d’autres dispositions de gestion plus ciblées, notamment la réglementation de l’effort de pêche et des quotas de capture, qui sont adoptées dans le cadre des ORGP. Le rôle des AMP pélagiques en matière de conservation et de gestion est susceptible de rester controversé tant que des études plus documentées ne seront pas disponibles. Les fonds marins et la colonne d’eau sont inextricablement liés. De nouvelles recherches établissent de plus en plus un lien entre, d’une part, les communautés et processus des couches supérieures des océans et, d’autre part, l’écologie et la biogéochimie des fonds marins (O’Leary et Roberts, 2018).

La durabilité ne peut être atteinte sans la conservation de la biodiversité, et l’utilisation durable des ressources halieutiques au sein des ZHJN est compatible avec la conservation de la biodiversité. En effet, il ne peut y avoir de durabilité sans préservation de la biodiversité. Cette prise de conscience se manifeste d’ailleurs par l’adoption de l’approche écosystémique des pêches par de nombreuses ORGP, qui reconnaissent la nécessité de gérer les pêches de manière plus globale. L’autre défi consiste à mettre en œuvre une coordination intersectorielle suffisante entre les multiples utilisateurs des ZHJN pour garantir que les effets sur la biodiversité des activités menées par chacun des utilisateurs, et globalement, font l’objet de suivis et sont atténués. Des mesures devraient être prises pour réduire autant que possible l’impact des opérations de pêche sur la biodiversité, en s’appuyant sur le mandat actuel des ORGP et en assurant une communication et une coordination appropriées avec d’autres initiatives et utilisateurs.

Depuis 2014, la FAO, en étroite coopération avec de nombreux partenaires et avec l’appui du Fonds pour l’environnement mondial, met en œuvre le Programme mondial pour la gestion durable des pêches et la conservation de la biodiversité dans les zones ne relevant pas de la juridiction nationale. Ce programme a permis de mettre en place une initiative innovante et complète, composée de quatre projets (FAO, 2019l) qui rassemblent les gouvernements, les ORGP, la société civile, le secteur privé, les universités et l’industrie pour essayer de garantir l’utilisation durable des ressources des ZHJN et atteindre les objectifs mondiaux convenus dans les forums internationaux. Les succès obtenus et les enseignements tirés ont ouvert la voie à un partenariat renforcé, dans le cadre duquel il est maintenant proposé de mettre en œuvre une deuxième phase d’activités pour accroître l’impact des cinq premières années du programme.

On s’attend de plus en plus à ce que la responsabilité juridique, éthique et morale soit mieux définie pour l’ensemble des pays et des personnes qui utilisent les ZHJN pour la pêche et le commerce. Le nouvel instrument international juridiquement contraignant sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale (résolution 72/249 de l’Assemblée générale des Nations Unies), en cours de développement, offre une occasion importante de faire en sorte que ces zones soient gérées de manière durable et équitable par tous les secteurs (ONU, 2018).

Stratégies d’adaptation au changement climatique

Les pêches et l’aquaculture ont un rôle clé à jouer s’agissant de nourrir une population mondiale croissante avec des aliments nutritifs et à faible empreinte carbone. Le secteur contribue également à la fourniture d’aliments de substitution, tels que les algues marines comestibles. En outre, ce secteur est essentiel à la subsistance de près de 60 millions de personnes dans le monde (FAO, 2018a).

Les pêches, cependant, devraient être fortement touchées par le changement climatique, en raison de la modification des conditions abiotiques (température de la mer, niveaux d’oxygène, salinité et acidité) et biotiques (production primaire et réseaux alimentaires) de la mer, qui influent sur les espèces aquatiques à plusieurs niveaux: modèles de répartition, croissance, taille, potentiel de capture, etc. (Barange et al., 2018). Le changement climatique peut également avoir des répercussions sur les personnes qui dépendent de ces ressources aquatiques, dont beaucoup sont de petits pêcheurs, ainsi que sur l’industrie, les marchés et le commerce. On prévoit également une élévation du niveau de la mer, une multiplication des vagues de chaleur marines ainsi que des changements dans l’intensité et la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes (vents extrêmes et tempêtes, par exemple). Dans le cas de la pêche continentale, outre le réchauffement et la modification des précipitations, il se pourrait que les interactions avec d’autres activités humaines (par exemple, l’augmentation de la demande d’eau douce d’autres secteurs et la construction de barrages) aient des répercussions supplémentaires, avec la disparition d’habitats, et entraînent des changements drastiques dans la biodiversité ou dans la dynamique de migration des poissons (Harrod et al., 2018). En ce qui concerne l’aquaculture, bien que le secteur devrait continuer à se développer pour répondre à la demande mondiale d’aliments aquatiques, le changement climatique pourrait avoir des effets favorables, défavorables ou neutres, sachant qu’il est probable qu’il y ait davantage d’incidences négatives dans les pays en développement en raison d’une baisse de la productivité due à des conditions d’élevage sous-optimales et à d’autres perturbations (Dabbadie et al., 2018).

Au cours de la dernière décennie, diverses études ont recensé des indicateurs écologiques et sociaux de la vulnérabilité à ces changements et ont examiné dans quelle mesure le changement climatique pourrait peser sur les ressources aquatiques (par exemple, Barange et al., 2018). D’autres études se sont intéressées aux effets du changement climatique sur les communautés de pêcheurs, sur la base d’études de cas et de méthodes qualitatives du point de vue des sciences sociales. En outre, plusieurs études quantitatives mondiales et régionales ont employé des approches de modélisation pour examiner les effets potentiels du changement climatique sur les prises annuelles et la redistribution des stocks ou pour évaluer le potentiel de prises dans le contexte du changement climatique (Cheung et al., 2009; Cheung et al., 2010; Cheung et al., 2013; Blanchard et al., 2012; Merino et al., 2012; Barange et al., 2014; Lotze et al., 2019). Ces études de modélisation prévoient généralement que la productivité des pêches augmentera dans les zones de hautes latitudes et diminuera dans les zones de moyennes et basses latitudes (Porter et al., 2014), principalement en raison du déplacement des espèces. Cela a des implications importantes pour les pays en développement, qui sont généralement situés dans les tropiques.

Parallèlement, on s’accorde à reconnaître que la réponse au changement climatique nécessitera la mise en place de diverses solutions d’adaptation, à la fois techniques et non techniques. On peut les classer en grandes catégories (Poulain, Himes-Cornell et Shelton, 2018), comme suit: adaptation institutionnelle; adaptation des moyens d’existence; et réduction et gestion des risques au service de la résilience. L’adaptation institutionnelle est principalement entreprise par les organismes publics pour traiter les questions liées aux aspects juridiques, aux politiques, à la gestion et aux institutions (encadré 19). Elle consiste notamment à assurer une gestion des pêches et de l’aquaculture qui tienne compte de la nature dynamique des systèmes et des besoins de la société, conformément à l’approche écosystémique des pêches et de l’aquaculture, ainsi que des risques climatiques. Les adaptations des moyens d’existence sont des interventions habituellement axées sur le marché et les moyens d’existence pour faire face aux changements induits par le climat dans le secteur ou le long de la chaîne de valeur. Elles concernent principalement le secteur privé et les communautés, mais des mesures de soutien public peuvent également s’avérer nécessaires pour encourager et faciliter les changements. Les interventions de réduction et de gestion des risques (comme la mise en place de systèmes d’information et d’alerte rapide ou encore de stratégies de prévention et de préparation) combinent différents types d’actions publiques et privées visant à réduire et à gérer les risques découlant du changement climatique.

Les connaissances sur les risques climatiques, les impacts, la vulnérabilité et l’adaptation se sont considérablement développées. Cependant, il demeure difficile de procéder à une adaptation planifiée fondée sur une décision politique délibérée, car on doit faire face à des risques climatiques qui peuvent varier de manière dynamique et non linéaire dans le temps. Cela dit, un certain nombre d’outils et d’approches ont été développés et appliqués, comme indiqué ci-dessous.

Le point de départ lorsque l’on veut planifier l’adaptation au changement climatique consiste à déterminer le type de problème à régler, puis à fixer les objectifs et les buts (figure 49). Le calendrier d’exécution de la décision d’adaptation est important tant en termes de risques climatiques (selon qu’il s’agisse de risques à court ou à long terme) qu’en termes d’adaptation (selon qu’il s’agisse d’une proposition de projet immédiate ou d’une politique d’adaptation à long terme). Il est également important d’inscrire l’adaptation dans un contexte plus large afin de comprendre s’il s’agit d’une politique ou d’un investissement autonome, ou d’une composante d’une initiative plus vaste qui pourrait nécessiter des efforts d’intégration. Dans ce dernier cas, il est essentiel de bien cerner le contexte qui a conduit à la décision sous-jacente.

FIGURE 49
CYCLE DE PLANIFICATION DES MESURES D’ADAPTATION

La deuxième étape consiste à comprendre les risques liés au climat. Pour ce faire, on commence généralement par analyser la manière dont les événements météorologiques ou climatiques actuels influent sur les pêches et l’aquaculture aujourd’hui (risques actuels), et par déterminer si des tendances récentes, par exemple l’augmentation des températures ou des changements dans les événements météorologiques extrêmes, sont susceptibles d’accroître les risques (encadré 20) ou d’ouvrir de nouvelles perspectives. Il est également important de comprendre les facteurs socioéconomiques de la pêche et de l’aquaculture, car ils influenceront les mesures d’adaptation. Une fois que l’on a pris la mesure des risques actuels et du contexte socioéconomique, l’étape suivante consiste à se pencher sur les risques climatiques futurs, l’objectif étant de déterminer à quel moment ils pourraient se produire et quel est le degré d’incertitude entourant ces risques. Ensuite, en se basant sur l’enchaînement des deux types de risques, actuels et futurs, on peut envisager les mesures d’adaptation possibles et, en particulier, établir des stratégies d’adaptation précoce à mettre en place pour faire face aux risques immédiats, à moyen terme et à long terme. Il faut pour cela analyser le moment où les risques potentiels pourraient apparaître afin de planifier les mesures d’adaptation, ainsi que la durée d’exécution des décisions concernées. L’étape suivante du cycle consiste à définir les stratégies d’adaptation possibles pour faire face aux risques climatiques potentiels recensés. L’utilisation de cadres pour aider à hiérarchiser les stratégies d’adaptation précoce les plus prometteuses peut être très utile à ce stade. Il s’agit généralement d’établir les priorités d’adaptation pour les cinq prochaines années environ, afin de contrer les risques à court, moyen et long terme. La littérature (par exemple Warren et al., 2018) identifie trois priorités pour ces stratégies d’adaptation précoce:

  • Interventions qui traitent des effets climatiques actuels et des premières tendances (le déficit d’adaptation existant). Ces interventions sont souvent dites «sans regret» ou «quasi sans regret», car elles s’avèrent utiles quoi qu’il arrive. Nombre d’entre elles recoupent les bonnes pratiques actuelles dans le secteur des pêches et de l’aquaculture.

  • Interventions précoces pour garantir que l’adaptation est prise en compte dans les décisions initiales qui seront mises en œuvre sur une longue période ou qui présentent un risque de blocage, c’est-à-dire des investissements de longue durée qui seront exposés à des changements futurs tels que le développement des infrastructures.

  • Mesures de gestion adaptative précoces pour aider à éclairer les décisions qui ont un long délai d’exécution ou des risques à long terme, par exemple la planification, le suivi et les initiatives pilotes.

KYRGYZSTAN
Pêcheurs et leurs captures, source de nourriture, d’emploi et de revenus.

©FAO/Sergey Kozmin

Toutes les stratégies susmentionnées peuvent être nécessaires, et ne s’excluent pas mutuellement.

Dans de nombreux cas, l’application d’une analyse initiale, telle que décrite ci-dessus, peut être suffisante pour définir et planifier des feuilles de route d’adaptation. Dans d’autres cas, une évaluation plus formelle peut être nécessaire pour aider à sélectionner les stratégies d’adaptation les plus appropriées. Lorsqu’une telle évaluation est axée sur une adaptation à court terme, les méthodes conventionnelles d’aide à la décision, telles que l’analyse coûts-avantages ou l’analyse multicritères, peuvent être utilisées sans regret ou quasi sans regret. Pour les stratégies qui impliquent des décisions à plus long terme et, partant, une incertitude importante, il convient d’appliquer un ensemble plus détaillé de méthodes d’évaluation. Parmi ces méthodes, figurent celles conçues pour la prise de décisions dans un contexte d’incertitude. On dispose de nouvelles orientations sur la mise en pratique de ces approches (Watkiss, Ventura et Poulain, 2019), bien qu’à ce jour, cela n’ait pas été largement appliqué pour la pêche et l’aquaculture. Parallèlement à l’évaluation de l’adaptation, l’accent est mis sur l’intégration de l’adaptation au changement climatique dans la politique et la planification des pêches et de l’aquaculture. L’intégration peut permettre de tirer parti des ressources et des activités liées aux pêches et/ou à l’aquaculture, et aider à intégrer le changement climatique aux côtés d’autres questions, ce qui permet une approche plus globale. Cependant, elle soulève également des défis supplémentaires, étant donné la difficulté de mettre en œuvre des politiques et des programmes transversaux et intersectoriels.

Engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés, sources de pollution du milieu marin

Les déchets marins provenant des opérations de pêche ont fait l’objet d’une grande attention à l’échelle internationale et sont considérés comme l’une des formes les plus importantes et les plus dommageables de déchets marins. De récentes publications très médiatisées sur les déchets plastiques en mer ont mis la question au premier plan des problèmes environnementaux marins. Les États ont exprimé une préoccupation croissante à ce sujet et ont adopté des résolutions sur les déchets marins, les déchets plastiques et/ou les microplastiques à chaque session de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement ces dernières années. Les éléments clés de ces résolutions sont réitérés dans l’ODD 14, en particulier dans sa cible 14.1: d’ici à 2025, prévenir et réduire nettement la pollution marine de tous types, en particulier celle résultant des activités terrestres, y compris les déchets en mer et la pollution par les nutriments.

Les engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés, également appelés «engins fantômes», constituent une part importante de la pollution plastique marine dans les océans et les mers du monde. Ils sont une menace pour la vie marine: 46 pour cent des espèces figurant sur la Liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) ont été touchées par ces engins, principalement par enchevêtrement ou ingestion, ce qui n’est pas sans avoir des répercussions sur la biodiversité. Après avoir été perdus, abandonnés ou rejetés, ces engins peuvent continuer de prendre au piège des poissons et capturent ainsi furtivement des espèces importantes sur le plan commercial, ce qui entraîne le gaspillage de ressources halieutiques précieuses et un manque à gagner. En outre, ils polluent les habitats marins sensibles (comme les récifs coralliens) lorsqu’ils sont échoués sur le fond marin ou rejetés sur le rivage, et posent des risques pour la navigation et la sécurité en mer lorsqu’ils flottent à la surface. Les animaux peuvent mourir après avoir ingéré des morceaux désintégrés d’engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés, et des microplastiques provenant de ces engins peuvent entrer dans la chaîne alimentaire, d’où des risques potentiels pour la santé humaine.

Bien que les engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés ne constitueraient, d’après les estimations, qu’environ 10 pour cent des déchets marins, ils sont reconnus comme la forme la plus mortelle de débris marins pour la faune et la flore océaniques. Ce constat tient à la nature de ces engins, qui sont spécifiquement conçus pour piéger le poisson, et au fait qu’ils continuent pendant longtemps à capturer des poissons (pêche fantôme) et à emprisonner des animaux marins enchevêtrés dans des lignes ou filets.

Bien que l’on ne dispose actuellement d’aucune nouvelle estimation de la quantité totale d’engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés dans l’océan, leur contribution aux déchets marins est chiffrée à plusieurs centaines de milliers de tonnes par an. En 2019, afin de mieux évaluer la contribution du secteur des pêches aux déchets marins, la FAO et l’Organisation maritime internationale (OMI) ont créé un groupe de travail sur les «sources marines de déchets marins, y compris les engins de pêche et autres déchets liés au transport maritime» (Groupe de travail 43) dans le cadre du Groupe mixte d’experts des Nations Unies chargé d’étudier les aspects scientifiques de la protection de l’environnement marin (GESAMP). L’objectif général du Groupe de travail est de mieux comprendre la quantité et la contribution relative des sources marines de déchets marins, en particulier celles provenant des secteurs du transport maritime et des pêches, ainsi que l’étendue de leurs effets. Afin d’établir un point de référence pour le suivi et l’évaluation de futures mesures d’atténuation, la FAO travaille également avec l’Organisation de la recherche scientifique et industrielle du Commonwealth en Australie, l’Université de Californie à Davis aux États-Unis d’Amérique et l’Initiative mondiale pour lutter contre les engins de pêche fantômes (Global Ghost Gear Initiative) sur une évaluation mondiale visant à quantifier l’ampleur et la répartition des pertes d’engins de pêche.

La communauté internationale ainsi que de nombreux organismes et organisations régionaux et multilatéraux s’accordent largement sur le fait que les mesures préventives doivent être la priorité pour réduire le nombre d’engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés et leurs effets néfastes, de même que les mesures visant à retirer les engins existants du milieu marin. Étant désignée au sein du système des Nations Unies comme l’institution garante de l’indicateur 14.6.1, qui mesure le degré d’application des instruments internationaux de lutte contre la pêche INDNR, la FAO a élaboré les Directives volontaires sur le marquage des engins de pêche, que le Comité des pêches a approuvées à sa trente-troisième session, en 2018 (FAO, 2019m).

Les Directives volontaires sur le marquage des engins de pêche reconnaissent qu’il est important d’identifier les propriétaires des engins de pêche et de déterminer l’emplacement des engins et la légalité de leur utilisation. Le recours à un marquage approprié des engins de pêche assorti d’un système de signalement peut, comme le stipulent les Directives, réduire le nombre d’engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés et leurs nuisances. Le marquage permet d’identifier l’origine des engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés, d’aider à la récupération des engins perdus et de faciliter les mesures de gestion, comme l’application de sanctions en cas de rejet et d’élimination inappropriée. Les Directives encouragent également la mise en place d’incitations à la réutilisation et au recyclage des engins usagés et promeuvent l’adoption de pratiques de gestion optimales, notamment en matière d’élimination. L’application cohérente d’un système approuvé de marquage des engins peut également aider à repérer et à prévenir la pêche INDNR, ce qui aura pour effet de réduire l’abandon et l’élimination illégaux d’engins de pêche.

Les Directives volontaires sur le marquage des engins de pêche soulignent l’importance des activités de sensibilisation et de renforcement des capacités pour faciliter leur mise en œuvre par les États en développement, en particulier les petits États insulaires en développement (PEID). C’est pourquoi, en collaboration avec l’Initiative mondiale pour lutter contre les engins de pêche fantômes et avec les pays hôtes, la FAO a organisé quatre ateliers régionaux en 2019: Pacifique Sud (Vanuatu), Asie du Sud-Est (Indonésie), Afrique de l’Ouest (Sénégal) et Amérique latine et Caraïbes (Panama). Ces ateliers seront suivis de projets, tels que Glo-Litter (qui fait partie d’un programme de développement avec la Norvège et l’OMI), et d’actions spécifiques visant à aider les États à mettre en œuvre des mesures et des outils de prévention et d’atténuation de l’abandon, de la perte ou du rejet d’engins de pêche. Ces activités multipartites sont entreprises dans le cadre du programme-cadre de la FAO sur les pratiques responsables pour une pêche durable et la réduction de l’impact des opérations de pêche.

La FAO continuera à s’engager activement avec les parties prenantes, y compris les États et d’autres organisations concernées, pour mettre en œuvre des mesures visant à prévenir et à réduire l’abandon, la perte ou le rejet d’engins de pêche. La FAO encourage également le développement de technologies de marquage des engins de pêche qui soient rentables, efficaces sur le plan opérationnel, respectueuses de l’environnement et adaptées à différents types d’engins de pêche. La FAO appuie les mesures préventives, y compris la promotion des approches d’économie circulaire, qui permettent de réduire les quantités de déchets marins et de microplastiques présents dans l’océan. Trouver des solutions de rechange au plastique, notamment grâce au développement de matériaux biodégradables pour les engins de pêche, et réduire l’utilisation de plastiques à courte durée de vie permettrait de diminuer les sources de déchets plastiques et microplastiques en mer. Dans le cadre des actions qui sont menées pour lutter contre ces problèmes, une attention particulière devrait être accordée aux États en développement, aux PEID et aux pays à faible revenu et à déficit vivrier, compte tenu de leur éventuel manque de capacités humaines et financières.

Le poisson dans les stratégies relatives aux systèmes alimentaires au service de la sécurité alimentaire et la nutrition

On estime que c’est en grande partie grâce à l’expansion de la production aquacole que l’on est en mesure de répondre à l’augmentation de la consommation de poisson à l’échelle mondiale. Cependant, la diminution des pertes et des déchets alimentaires tout au long de la chaîne de valeur, associée à une baisse de l’utilisation des produits de la pêche dans les aliments pour animaux, signifie également qu’on dispose de davantage de poisson pour la consommation humaine. S’il est vrai que la farine de poisson provient de plus en plus de sous-produits qui étaient auparavant gaspillés et que l’utilisation de la farine et de l’huile de poisson dans les aliments destinés à l’aquaculture est en baisse, il n’en demeure pas moins que des poissons riches en nutriments continuent d’être détournés de la consommation humaine aux fins de la production d’aliments pour poissons d’élevage (et autres animaux).

Les stratégies relatives aux systèmes alimentaires aquatiques27 peuvent aider à résoudre le problème complexe du «triple fardeau de la malnutrition» (insécurité alimentaire, dénutrition et surcharge pondérale). De nombreuses populations côtières et dans les terres dépendent du poisson comme source la plus accessible de protéines animales (encadré 21). En plus de fournir des protéines de haute qualité, les poissons, en particulier les petits poissons consommés entiers, peuvent être riches en acides gras oméga-3, en vitamines A, D et B et en minéraux tels que le calcium, le zinc, l’iode et le fer, tandis que les algues marines représentent une excellente source d’acides gras, de vitamines et de minéraux. Ainsi, la consommation de poisson offre plusieurs bienfaits: réduction des risques de maladies chroniques telles que les maladies cardiovasculaires, amélioration de la santé maternelle pendant la grossesse et l’allaitement, amélioration du développement physique et cognitif pendant la petite enfance et atténuation des risques pour la santé associés à l’anémie, au retard de croissance et à la cécité infantile.

Les débats sur les systèmes alimentaires durables ainsi que les directives de la Commission EAT-Lancet relatives à l’adoption d’un régime alimentaire bon pour la santé et pour la planète font la promotion d’une consommation limitée de viande rouge comme élément clé d’une alimentation durable, tout en reconnaissant que la consommation de poissons provenant de pêcheries et d’aquaculture durables est fortement recommandée (Willett et al., 2019). Il est possible d’améliorer ces directives en tenant dûment compte du commerce, du lieu géographique et de la culture dans l’analyse de l’empreinte environnementale de l’alimentation (Kim et al., 2019). Le poisson et les aliments aquatiques peuvent avoir un impact environnemental moindre, sont souvent produits plus efficacement que les aliments provenant d’animaux terrestres (Hilborn et al., 2018) et représentent une excellente source de macronutriments et de micronutriments. Cependant, il est nécessaire de mieux reconnaître la complémentarité entre les aliments d’origine animale (y compris le poisson) riches en nutriments et produits de manière durable et les aliments d’origine végétale afin d’accroître la biodisponibilité des micronutriments qui sont mal absorbés dans les régimes alimentaires à base de végétaux (Bogard et al., 2015).

L’aquaculture fournit plus de poissons et d’algues pour la consommation humaine que les pêches de capture (Cheshire, Nayar et Roos, 2019). Cependant, les espèces de poissons carnivores de plus grande taille consommées dans les pays développés sont élevées au moyen d’aliments composés de petits poissons sauvages, lesquels sont plus riches en nutriments puisqu’ils sont traditionnellement consommés entiers, en particulier dans les pays en développement (Bogard et al., 2015). En outre, la contribution des pêches de capture continentales à la sécurité alimentaire et à la nutrition a été sous-estimée jusqu’à récemment (Fluet-Chouinard, Funge-Smith et McIntyre, 2018); 95 pour cent des prises mondiales en eaux continentales sont effectuées dans les pays en développement et sont consommées pour la plupart sur place. Les pays en développement représentent 50 pour cent de la valeur des exportations de produits de la mer, contre seulement 23 pour cent de la valeur des importations de produits de la mer, ce qui peut être considéré comme positif du point de vue de la réduction de la pauvreté, mais peut également constituer un problème important du point de vue de la sécurité alimentaire et de la nutrition (Asche et al., 2015). En outre, les petits poissons de moindre valeur peuvent être détournés de la consommation humaine pour servir d’aliments à des espèces de poissons d’élevage, alors qu’ils pourraient apporter une contribution plus importante en termes de sécurité alimentaire et de nutrition s’ils étaient consommés directement.

On s’intéresse de plus en plus à l’utilisation des petits poissons et des algues dans les produits à valeur ajoutée, tels que les collations et les assaisonnements, le chutney de poisson et les poudres de poisson destinées à enrichir les aliments des jeunes enfants. Les petits poissons et les poudres de poisson sont faciles à utiliser et à mélanger avec des légumes, des légumineuses et d’autres aliments lors de la préparation des plats, ce qui améliore la biodisponibilité des nutriments. Les poudres de poisson produites par le broyage de toutes les parties des petits poissons ou des parties non utilisées de poissons plus gros (arêtes, tête, yeux et viscères, qui peuvent représenter jusqu’à 50 pour cent du poisson lorsqu’il est transformé) sont riches en micronutriments et ont été jugés très acceptables pour les enfants (Bogard et al., 2015).

Les communautés situées à une plus grande distance des plans d’eau ou des fermes piscicoles (ce qu’on appelle les «déserts de poissons») peuvent être amenées à dépenser plus pour consommer du poisson; le revenu par habitant et la consommation de poisson sont en corrélation positive, et les normes sociales peuvent jouer dans les habitudes de consommation au sein des ménages (Asche et al., 2015). Cela souligne l’importance de la localisation, de la saisonnalité, du statut socioéconomique et du genre des personnes en ce qui concerne l’accès au poisson en tant que source d’alimentation.

L’investissement important requis pour les fermes aquacoles, associé au pouvoir d’achat limité des pays en développement, peut inciter à investir dans une aquaculture lucrative et orientée vers l’exportation (Asche et al., 2015). Pour que l’aquaculture crée des solutions durables en matière de sécurité nutritionnelle sans exacerber les inégalités existantes dans l’accès à la nourriture et à la terre, il faut que les programmes de développement prennent en compte la dynamique socioculturelle des systèmes alimentaires locaux. La production de produits de la pêche innovants dans le cadre d’une approche tenant compte des coûts, le renforcement des efforts de conservation, de stockage et de distribution du poisson dans les déserts de poissons au moyen d’interventions intégrant l’enjeu nutritionnel, et l’amélioration de l’accès direct des femmes au poisson, tant sur le plan économique que géographique, sont autant de mesures qui peuvent améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition, en particulier dans les communautés vulnérables sur le plan nutritionnel.

Il existe des cas réussis d’orientation de l’aquaculture vers la sécurité alimentaire et la nutrition au sein de populations souffrant d’un accès restreint au poisson ou de faibles perspectives de revenus. Il s’agit notamment d’approches telles que la polyculture en étang, où de petits poissons riches en nutriments destinés à la consommation domestique sont élevés en même temps que de gros poissons de plus grande valeur afin d’augmenter le revenu des ménages. S’agissant des moyens d’existence, la pêche de capture et l’aquaculture contribuent indirectement à la sécurité alimentaire en offrant des débouchés à près de 60 millions de personnes travaillant dans les secteurs primaires de la pêche de capture (38,98 millions) et de l’aquaculture (20,53 millions). Les femmes représentent 14 pour cent de ces 60 millions de personnes, sachant toutefois que, si l’on considère les activités du secteur secondaire comme la transformation et la commercialisation, la main-d’œuvre totale apparaît plus équitablement répartie. De nombreuses études ont démontré que la participation des femmes aux activités rémunératrices était liée à de meilleurs résultats en matière de santé et de nutrition aussi bien pour elles-mêmes que pour leurs enfants.

Les preuves de l’impact positif du poisson et autres produits alimentaires aquatiques sur la santé humaine sont nombreuses dans la littérature scientifique, mais elles n’atteignent pas suffisamment les décideurs, ce qui marginalise le rôle que les pêches de capture ou l’élevage peuvent et doivent jouer dans les politiques nationales en matière de sécurité alimentaire et de nutrition. Si l’on veut que les avantages des pêches et de l’aquaculture se concrétisent en termes de sécurité alimentaire et de nutrition, en particulier pour les populations vulnérables d’un point de vue nutritionnel, il faut que l’attention, dans le cadre des activités d’élaboration de politiques et de gestion, soit portée sur des pêcheries et des exploitations aquacoles plus petites, essentielles sur le plan alimentaire et économiquement viables (Bogard et al., 2019). Une meilleure compréhension des préférences en matière de consommation de poisson des populations vulnérables au niveau nutritionnel, combinée à une amélioration de la conservation, du stockage et de la distribution, peut favoriser une réorientation des pêches et de l’aquaculture au service de la sécurité alimentaire et faire en sorte que le poisson soit disponible et accessible dans les zones sans poisson. Il est possible d’améliorer les données sur les systèmes alimentaires aquatiques durables par: i) la ventilation par espèce des données sur la composition en éléments nutritifs; ii) l’inclusion des espèces locales et sous-utilisées dans les données sur la composition et la consommation; iii) l’analyse de l’empreinte environnementale alimentaire de diverses méthodes de production de poisson; et iv) l’amélioration des méthodes de communication d’informations sur les stocks halieutiques des eaux continentales. L’élargissement des données et des preuves concernant le rôle du poisson dans les systèmes alimentaires durables et nutritifs pourrait faire en sorte qu’une place plus grande soit accordée aux sources de poisson jusqu’ici négligées dans la prise de décision et les politiques en matière de sécurité alimentaire et de nutrition.

Progrès de la croissance bleue

Contexte

Il est de plus en plus généralement admis que les océans et les eaux continentales (lacs, cours d’eau et réservoirs) seront des ressources indispensables pour faire face à bon nombre d’enjeux mondiaux dans les décennies à venir, qu’il s’agisse de la sécurité alimentaire mondiale, de la réduction de la pauvreté ou du changement climatique ou encore de l’approvisionnement en énergie, des ressources naturelles, de l’amélioration du bien-être et des soins médicaux.

La croissance bleue, également appelée «économie bleue», «économie verte dans un monde bleu» ou «économie de l’océan», trouve son origine dans la notion d’économie verte qui a été approuvée à la Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio+20) qui s’est tenue en 2012. Si elle a été imaginée par les PEID lors de la Journée des océans à Rio+20, elle a également été jugée intéressante pour l’ensemble des États côtiers et des pays actifs dans des eaux relevant ou non de leur juridiction.

L’idée fondamentale de la croissance bleue est de dissocier le développement socioéconomique de la dégradation de l’environnement générée par les principaux utilisateurs des océans et des eaux continentales, à savoir les secteurs traditionnels tels que la pêche, l’irrigation, le tourisme et le transport maritime, mais aussi de nouvelles activités en plein essor en rapport avec les énergies renouvelables, la désalinisation, l’aquaculture marine, l’extraction au niveau des fonds marins, la biotechnologie marine ou encore la bioprospection.

L’Initiative en faveur de la croissance bleue de la FAO

En décembre 2013, la FAO a lancé l’Initiative Croissance bleue pour favoriser la sécurité alimentaire, la lutte contre la pauvreté et la gestion durable des ressources naturelles aquatiques. L’Organisation définit la croissance bleue comme une croissance et un développement durables générés par des activités économiques fondées sur l’exploitation des ressources aquatiques biologiques des océans, des eaux continentales et des espaces côtiers, qui limitent autant que possible la dégradation de l’environnement et la perte de biodiversité et maximisent les avantages économiques et sociaux.

L’initiative s’appuie sur le cadre stratégique international existant et ses volets relatifs au droit, à l’environnement et à la gestion pour promouvoir une production durable dans la pêche de capture et l’aquaculture (figure 50). Elle doit rendre possible la mise en œuvre efficace et coordonnée de politiques, d’investissements et de mesures novatrices qui serviraient de fondement à la croissance durable de la production halieutique et aquacole et ouvriraient de nouvelles perspectives économiques en ce qui concerne les biens et les services écosystémiques. L’Initiative Croissance bleue vise à mobiliser un appui financier et technique ainsi qu’à renforcer les capacités et les schémas de gouvernance au plan local aux fins de la conception et de l’exécution de stratégies de croissance bleue, mais elle doit également aboutir à la création de politiques et d’institutions privilégiant l’action et adaptées au contexte économique des Membres de la FAO.

FIGURE 50
CRÉATION DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX JURIDIQUES, ENVIRONNEMENTAUX ET DE GESTION

Conformément au mandat de la FAO, les travaux en rapport avec la gestion de la pêche et de l’aquaculture ont pour axe principal le Code et les accords, stratégies, directives et plans d’action internationaux connexes. En parallèle, l’Initiative Croissance bleue a pour ambition de favoriser le développement économique et social des communautés côtières en s’attaquant au manque d’efficience qui caractérise encore les chaînes de valeur des produits comestibles de la mer, en particulier dans les États insulaires et côtiers en développement, et qui s’explique souvent par un manque de compétences, de technologies et d’infrastructures. Ces lacunes en termes d’efficience réduisent les richesses qui pourraient être générées par la création de valeur ajoutée, engendrent des pertes après capture ou après récolte et diminuent les possibilités d’accès aux marchés. L’initiative entend également mobiliser les autres secteurs qui exploitent les océans ou les eaux continentales autour des politiques, investissements et solutions novatrices clés qui favorisent la croissance durable dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture et qui font apparaître de nouvelles perspectives économiques en ce qui concerne les biens et services écosystémiques.

L’Initiative Croissance bleue de la FAO en action

L’Initiative en faveur de la croissance bleue de la FAO s’est avérée utile pour de nombreux États côtiers en développement à différentes échelles – locale, nationale, régionale et mondiale. Passant de la théorie à l’action, elle a abouti à la mise en place de plusieurs projets sur le terrain qui ont permis aux pays bénéficiaires d’évaluer l’importance relative des différents secteurs. Ils ont ainsi été en mesure de déterminer, en fonction de leur situation, quels seraient les secteurs à privilégier, compte tenu des arbitrages à réaliser entre les différents groupes d’utilisateurs des océans et des zones humides, et de quelle façon parvenir à un développement durable grâce à l’administration judicieuse des écosystèmes sur lesquels repose la production dans ces secteurs. Les exemples ci-après présentent des activités menées dans le cadre de l’Initiative Croissance bleue pour faire connaître les nombreux moyens de promouvoir un bon équilibre entre la croissance durable de la pêche et de l’aquaculture, la conservation et la responsabilité sociale.

Campagnes internationales

Les activités de sensibilisation menées par de hauts fonctionnaires et des experts de la FAO dans les instances internationales sont un pilier de la promotion et de la mise en œuvre de l’Initiative Croissance bleue. Les efforts déployés pour mieux faire connaître l’initiative et mobiliser un appui et des ressources au plan international ont contribué de façon déterminante à rendre possibles les interventions, la mise à l’essai d’approches originales, l’échange et la diffusion des résultats ainsi que la transposition à plus grande échelle des expériences positives. Voici quelques exemples de rencontres internationales organisées par la FAO ou avec sa participation:

  • la Conférence asiatique sur les océans, la sécurité alimentaire et la croissance bleue (Indonésie, 2013);

  • le Sommet mondial d’action pour les océans à l’appui de la sécurité alimentaire et de la croissance bleue (Pays-Bas, 2014);

  • le lancement du Réseau mondial d’action sur la croissance bleue et la sécurité alimentaire (Grenade, 2015);

  • l’examen de la question de la pêche et de l’aquaculture dans le contexte de l’économie bleue à la Conférence de haut niveau «Nourrir l’Afrique» (Sénégal, 2015) et à la Conférence sur l’économie bleue durable (Kenya, 2018).

D’autres exemples d’activités de sensibilisation et de consultations nationales entre les utilisateurs des océans et des eaux continentales sont à mentionner:

  • au Maroc, une stratégie «Ceinture bleue» a été élaborée, puis présentée à la vingt-deuxième session de la Conférence des Parties (2016);

  • au Bangladesh, le dialogue sur l’économie bleue dans le contexte de la pêche et de la mariculture a été organisé pour renforcer la viabilité environnementale et sociale de la pêche et de l’aquaculture et recenser les nouvelles possibilités à exploiter dans l’aquaculture marine;

  • à Madagascar, un atelier national a été organisé pour examiner la stratégie du pays en matière d’économie bleue et établir un plan de mise en œuvre.

Mise en œuvre de l’Initiative en faveur de la croissance bleue de la FAO

Depuis son lancement en 2013, les activités développées dans le cadre de l’Initiative Croissance bleue ont été mises en œuvre dans différentes régions ou pays. On trouvera des informations détaillées concernant ces activités sur la page web et le blog qui leur sont consacrés (FAO, 2020e). Les trois exemples suivants illustrent la mise en œuvre de l’Initiative aux niveaux national, régional et international.

La charte de la croissance bleue de Cabo Verde: Cabo Verde est un PEID sahélien sec du continent africain. Particulièrement sensible à la variabilité et à l’évolution du climat, le pays concentre 80 pour cent de sa population dans les zones côtières. Les secteurs liés à l’océan, dits «secteurs bleus», parmi lesquels ceux de la pêche et du tourisme, occupent une place essentielle dans l’économie nationale. En 2015, le Gouvernement de Cabo Verde a adopté une charte afin de coordonner l’ensemble des politiques et investissements en rapport avec la croissance bleue dans tous les secteurs qui exploitent l’océan. Cette initiative a pour finalité de stimuler la croissance économique et de créer des emplois décents pour la population tout en préservant l’environnement. La FAO s’est associée à la Banque africaine de développement pour faciliter la mise en œuvre d’un cadre stratégique national, qui comprend un système de comptabilité, un plan d’investissement national et un Observatoire de l’économie bleue, à l’appui de la transition vers l’économie bleue à Cabo Verde.

La gouvernance de la pêche et de l’aquaculture et la productivité de la chaîne de valeur des produits comestibles de la mer en Afrique de l’Ouest: les eaux côtières africaines rassemblent quelques-unes des pêcheries les plus riches au monde et offrent énormément de possibilités en matière de développement de l’aquaculture, comme le montre la croissance spectaculaire du secteur en Égypte, où la production a atteint le volume record de 1 561 500 tonnes en 2018, soit près de trois fois plus que les 476 000 tonnes enregistrées en 2007. En Afrique de l’Ouest, près d’un quart des emplois sont liés au secteur de la pêche, qui fournit des protéines et des micronutriments essentiels aux populations nationales. Jusqu’à deux tiers des protéines animales disponibles dans les États côtiers d’Afrique de l’Ouest proviennent du poisson et des autres produits comestibles de la mer. Les petits pêcheurs et les consommateurs sont reliés par un vaste réseau commercial intrarégional de poisson frais, salé, séché ou fumé, dans lequel les femmes occupent une place centrale. La pêche et l’aquaculture en Afrique subsaharienne se caractérisent néanmoins par une gouvernance insuffisante et par les moyens limités dont disposent les institutions pour amorcer les changements nécessaires à une croissance durable. Les utilisateurs des ressources ont l’impression d’être tenus à l’écart des processus de prise de décisions et ne bénéficient ni d’une protection sociale, ni d’avantages les incitant à observer les mesures de conservation et de gestion.

L’Initiative pour les pêches côtières est un projet financé par le Fonds pour l’environnement mondial et mis en œuvre par la FAO à Cabo Verde, en Côte d’Ivoire et au Sénégal en collaboration avec le Programme des Nations Unies pour l’environnement et les autorités nationales des pays concernés. Il s’agit d’un programme d’assistance technique devant permettre aux parties prenantes d’améliorer la gouvernance et la gestion de la pêche et le fonctionnement de la chaîne de valeur en appliquant l’approche écosystémique des pêches et d’autres directives du Code. Une attention particulière est accordée au renforcement des droits d’accès et d’usage, à la cogestion et à l’égalité des sexes, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail, de la qualité des produits et de l’accès aux marchés tout au long de la chaîne de valeur.

Le programme Fish4ACP financé par le Fonds européen de développement: financé par l’Union européenne et mis en œuvre par la FAO, le programme Fish4ACP a été mis en place en décembre 2019 pour favoriser le développement durable des chaînes de valeur de la pêche et de l’aquaculture dans le Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Le projet mise sur l’évaluation des chaînes de valeur des produits comestibles de la mer dans dix pays du Groupe en vue de promouvoir les initiatives favorables à la croissance bleue visant à maximiser le rendement et les avantages sociaux tout en réduisant au minimum les dégâts causés aux habitats naturels et aux espèces marines sauvages, avec une attention particulière pour la pêche artisanale. Les démarches entreprises doivent permettre de résoudre les principaux problèmes détectés dans chacune de ces chaînes de valeur, aider les pays à chercher de nouveaux marchés et à réduire les pertes et le gaspillage, et améliorer les conditions de travail des pêcheurs, le tout en garantissant la gestion durable des stocks de poissons et la préservation des écosystèmes qui sous-tendent ces chaînes de valeur.

Initiative Croissance bleue: des actions vectrices de changement

La mise en œuvre des projets de l’Initiative Croissance bleue exige des actions porteuses de transformation qui reposent sur un modèle de croissance bleue dans lequel la prise en compte des considérations d’ordre environnemental, économique et social est de rigueur. Pour commencer, réduire la pression exercée sur les stocks de poissons signifie réduire l’effort et/ou la capacité de pêche. Il faudra donc que les pêcheurs puissent se tourner vers d’autres activités génératrices de revenus. Parallèlement, il a été démontré que la réduction de la pauvreté au sein des populations côtières des pays bénéficiaires devait nécessairement passer par l’amélioration des revenus et la création de nouveaux débouchés pour les femmes et les jeunes. Enfin, il est indispensable d’instaurer une gestion intégrée et de préserver les écosystèmes aquatiques pour qu’ils continuent de fournir aux populations côtières la nourriture dont elles dépendent.

Parmi les différentes activités génératrices de revenus en dehors du secteur halieutique recensées dans le cadre de l’Initiative figurent la mode bleue, l’écotourisme en relation aux océans et les services en rapport avec la pêche, comme la certification et l’étiquetage écologique. La mode bleue utilise les produits dérivés du secteur halieutique – comme la peau de poisson, qui sert à confectionner des vêtements et des chaussures en cuir – et crée des emplois et des revenus, en particulier pour les femmes et les jeunes. La FAO est maintenant membre de l’Alliance des Nations Unies pour une mode durable, qui soutient les projets et les politiques qui renforcent la contribution de la chaîne de valeur de la mode à la réalisation des objectifs de développement durable (Alliance des Nations Unies pour une mode durable, 2020). De la même manière, l’écotourisme, qui encourage la pêche de loisir responsable et promeut les cultures locales et la conservation de la biodiversité, est source de nombreuses possibilités d’emploi, en particulier pour les jeunes des communautés côtières. Des activités ont été menées avec succès dans ce domaine au Kenya, et un projet régional en cours d’exécution intitulé «Espoir bleu», auquel participent l’Algérie, la Tunisie et la Turquie, s’intéresse aux infrastructures, aux investissements et aux innovations.

Il est souvent nécessaire de moderniser les infrastructures portuaires pour mettre en place des initiatives en faveur de la croissance bleue. Les ports de pêche sont en effet un point de jonction crucial pour de nombreuses parties prenantes (pêcheurs, acheteurs, vendeurs, prestataires de services et institutions publiques et privées) qui cherchent à privilégier la pêche et l’aquaculture durables – en réduisant le gaspillage et la pollution de l’environnement et en préservant les bienfaits nutritionnels, la qualité, les prix et les exportations des produits de la mer. S’il est très important de disposer des bons équipements au bon endroit pour garantir le bon fonctionnement d’un port de pêche, la manière dont ceux-ci sont gérés et entretenus est également un élément crucial à prendre en compte. L’initiative de la FAO en faveur de ports de pêche bleus vise à exploiter la position stratégique des ports de pêche dans la chaîne de valeur des produits comestibles de la mer pour stimuler une croissance socioéconomique positive et durable, tout en réduisant la pollution occasionnée. S’inspirant d’un projet mené à bien en Tunisie en 2018, la FAO et le port de Vigo, en Espagne, ont organisé en juin 2019 la première réunion au monde consacrée aux ports bleus, à laquelle ont assisté des représentants gouvernementaux et non gouvernementaux venus de pays d’Afrique, d’Asie, d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud pour échanger leurs expériences et mettre en commun des pratiques optimales en vue de leur diffusion.

Cependant, l’application d’un modèle de croissance bleue requiert souvent de nouveaux types de financement aussi bien de la part des acteurs du secteur public que de celle des acteurs du secteur privé. De plus en plus d’approches (comme les investissements axés sur les résultats et le financement mixte) et de mécanismes financiers (obligations bleues et microfinance, par exemple) sont actuellement mis à l’essai et utilisés pour promouvoir la croissance bleue dans les pays et les communautés du monde entier. Afin de mieux faire connaître ces différentes méthodes et les conditions préalables à leur utilisation, la FAO a élaboré une série de notes d’orientation en espérant ainsi faciliter la mobilisation de ressources financières en faveur d’un changement profond amené par la croissance bleue.

Projections relatives à la pêche et à l’aquaculture

Remarque: Au moment de la rédaction du présent document (mars 2020), la pandémie de covid19 touchait la plupart des pays du monde, avec de graves répercussions sur l’économie mondiale et sur le secteur de la production et de la distribution alimentaires, y compris la pêche et l’aquaculture. La FAO suit de près la situation afin d’évaluer l’incidence globale de la pandémie sur la production, la consommation et le commerce des produits de la pêche et de l’aquaculture. Les projections qui sont présentées ci-après reposent sur l’hypothèse d’une importante perturbation à court terme de ces activités, avec une reprise à la fin de 2020 ou au début de 2021. Des ajustements seront apportés dans le cadre des révisions des projections auxquelles il sera procédé à mesure que les analyses d’impact seront disponibles.

La présente section décrit les perspectives à moyen terme qui ont été obtenues au moyen du modèle de projection appliqué par la FAO au poisson (FAO, 2012, pp. 216 à 223). Conçu en 2010 pour donner un éclairage sur l’évolution possible du secteur de la pêche et de l’aquaculture, ce modèle est lié, sans y être intégré, au modèle AglinkCosimo qui sert à générer les projections agricoles à dix ans qui sont établies conjointement par l’OCDE et la FAO chaque année et publiées dans leurs Perspectives agricoles (OCDE/FAO, 2020). Le modèle de la FAO reprend les hypothèses macroéconomiques et les prix utilisés pour générer les projections agricoles. Les projections relatives au poisson fournies dans la présente section ont été obtenues au moyen d’une analyse ad hoc réalisée par la FAO pour la période allant de 2019 à 2030.

L’avenir de la pêche et de l’aquaculture dépendra de nombreux facteurs différents et de défis imbriqués d’importance mondiale, régionale et locale. La croissance démographique et économique, l’urbanisation, le progrès technologique et la diversification alimentaire devraient stimuler la demande d’aliments, en particulier d’origine animale, ce qui concerne notamment le poisson. Les projections de la présente section donnent un aperçu des perspectives du secteur de la pêche et de l’aquaculture s’agissant de la production, de l’utilisation, du commerce, des prix et des principaux facteurs qui pourraient influencer l’offre et la demande futures. Les résultats présentés ici ne sont pas des prévisions, mais plutôt des scénarios plausibles qui laissent entrevoir la manière dont le secteur pourrait évoluer à la lumière d’un ensemble d’hypothèses précises concernant les aspects suivants: l’environnement macroéconomique futur; les règles et les tarifs du commerce international; la fréquence et les effets de certains événements sur les ressources; l’absence d’autres aléas climatiques graves, tels que des tsunamis, des tempêtes tropicales (cyclones, ouragans et typhons), des inondations et de nouvelles maladies touchant les poissons; les mesures de gestion de la pêche, y compris les quotas; et l’absence de chocs liés aux marchés. Compte tenu du rôle majeur que joue la Chine dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture, les hypothèses tiennent compte de l’évolution des politiques du pays, qui devraient continuer de suivre la voie tracée par son treizième plan quinquennal (2016-2020) (voir FAO, 2018a, encadré31, p. 210) vers une pêche et une aquaculture plus durables et plus respectueuses de l’environnement, loin de l’accent mis par le passé sur l’augmentation de la production.

Production

Sur la base des hypothèses utilisées, la production totale de poisson (à l’exclusion des plantes aquatiques) devrait passer de 179 millions de tonnes en 2018 à 204 millions de tonnes en 2030 (tableau 17). En termes absolus, l’augmentation globale jusqu’en 2030 serait de 15 pour cent (26 millions de tonnes) par rapport à 2018, ce qui constitue un ralentissement par rapport à la croissance de 27 pour cent enregistrée pendant la période 2007-2018. L’aquaculture continuera d’être le moteur de la croissance de la production mondiale de poisson, prolongeant ainsi une tendance amorcée il y a plusieurs décennies (figure 51). En 2030, la production aquacole devrait atteindre 109 millions de tonnes, soit une augmentation de 32 pour cent (26 millions de tonnes) par rapport à 2018. Cependant, le taux de croissance annuel moyen de l’aquaculture devrait fléchir, passant de 4,6 pour cent pour la période 2007-2018 à 2,3 pour cent pour la période 2019-2030 (figure 52). Un certain nombre de facteurs devraient contribuer à ce ralentissement28, notamment: l’adoption et l’application plus larges de réglementations environnementales, la raréfaction des disponibilités en eau et des sites de production adaptés, l’augmentation des foyers de maladies d’animaux aquatiques liées aux pratiques de production intensive et la diminution des gains de productivité. Le ralentissement prévu de la production aquacole chinoise devrait être partiellement compensé par une progression de la production dans d’autres pays. Dans le sillage du mouvement amorcé dans le cadre du treizième plan quinquennal chinois (2016-2020), les politiques du pays devraient, pendant la prochaine décennie, poursuivre la transition d’une aquaculture extensive vers une aquaculture intensive, visant à mieux intégrer la production à l’environnement par l’adoption d’innovations technologiques écologiquement rationnelles, avec une réduction des capacités, suivie d’une croissance plus rapide. Cependant, la part des espèces d’élevage dans la production mondiale de poisson (à des fins alimentaires et non alimentaires) devrait passer de 46 pour cent en 2018 à 53 pour cent en 2030 (figure 53).

TABLEAU 17
PRODUCTION HALIEUTIQUE ET AQUACOLE: PROJECTIONS POUR 2030 (équivalent poids vif)
FIGURE 51
PRODUCTION HALIEUTIQUE ET AQUACOLE MONDIALE, 1980-2030
FIGURE 52
TAUX DE CROISSANCE ANNUEL DE L’AQUACULTURE MONDIALE, 1980-2030
FIGURE 53
PRODUCTION HALIEUTIQUE ET AQUACOLE MONDIALE, 1980-2030

L’Asie conservera sa suprématie dans le secteur de l’aquaculture (figure 54) puisque le continent sera responsable de plus de 89 pour cent de la croissance de la production d’ici à 2030, s’arrogeant ainsi 89 pour cent de la production aquacole mondiale à ce même horizon. La Chine restera le premier producteur mondial, mais sa part dans la production totale passera de 58 pour cent en 2018 à 56 pour cent en 2030. Dans l’ensemble, la production aquacole devrait continuer à croître sur tous les continents, avec des variations dans l’éventail d’espèces et de produits selon les pays et les régions. C’est en Afrique (+48 pour cent) et en Amérique latine (+33 pour cent) que le secteur devrait connaître l’expansion la plus forte. En Afrique, la croissance de la production aquacole sera stimulée par le renforcement des capacités d’élevage qui s’est opéré ces dernières années, ainsi que par la mise en place à l’échelle locale de politiques de promotion de l’aquaculture en réponse à la hausse de la demande locale résultant d’une croissance économique plus forte. Malgré cette croissance prévue, la production aquacole globale y restera limitée, puisqu’elle dépassera à peine les 3,2 millions de tonnes en 2030, l’Égypte en produisant la plus grande partie (2,2 millions de tonnes).

FIGURE 54
CONTRIBUTION DE L’AQUACULTURE À LA PRODUCTION DE POISSON À L’ÉCHELLE RÉGIONALE

En ce qui concerne les espèces, en 2030, la production aquacole mondiale sera composée en majorité (62 pour cent, contre 60 pour cent en 2018) d’espèces d’eau douce, telles que la carpe et le silure (y compris Pangasius spp.). La production d’espèces de plus grande valeur, parmi lesquelles les crevettes, le saumon et la truite, devrait également continuer d’augmenter. En général, les espèces qui nécessitent une plus grande proportion de farine et d’huile de poisson dans leur régime alimentaire devraient voir leur production croître plus lentement en raison de la hausse prévue des prix et de la disponibilité réduite de la farine de poisson.

La production de la pêche de capture devrait se maintenir à des niveaux élevés, de l’ordre de 96 millions de tonnes en 2030, avec quelques fluctuations durant la dernière décennie liées au phénomène El Niño qui s’accompagneront d’une réduction des captures en Amérique du Sud, en particulier pour l’anchois du Pérou, ce qui entraînera une diminution globale de la production mondiale de la pêche de capture d’environ 2 pour cent ces années-là29. Parmi les facteurs qui influeront sur la pérennité de la production des pêches de capture, on peut notamment citer: i) l’augmentation des captures dans certaines zones de pêche où les stocks de certaines espèces se reconstituent grâce à une meilleure gestion des ressources; ii) la croissance des captures dans les eaux des quelques pays dont les ressources sont sous-exploitées, où de nouvelles possibilités de pêche existent et où les mesures de gestion de la pêche sont moins restrictives; et iii) une meilleure utilisation des captures, notamment une réduction des rejets à bord, des déchets et des pertes, grâce à la législation ou à la hausse des cours des produits halieutiques, tant alimentaires que non alimentaires. Les projections intègrent également une diminution de 9 pour cent des pêches de capture chinoises pour tenir compte de la mise en œuvre des politiques qui ont été instaurées dans le cadre du treizième plan quinquennal (2016-2020) mentionné plus haut et qui devraient se poursuivre pendant la prochaine décennie. En ce qui concerne la pêche de capture, la Chine vise à réduire son activité intérieure au moyen de contrôles des licences, d’une réduction du nombre de pêcheurs et de navires de pêche ainsi que de contrôles de la production. Parmi les autres objectifs figurent la modernisation des engins, des navires et des infrastructures, la réduction régulière des subventions au carburant, l’élimination de la pêche INDNR et la restauration des stocks de poissons nationaux par le recours à des mesures de repeuplement, à des récifs artificiels et à des fermetures saisonnières. On notera, cependant, que les politiques actuelles visent également à développer la flotte de pêche qui exploite d’autres sites éloignés du pays, ce qui pourrait compenser en partie la réduction des captures nationales.

La part de la production de la pêche de capture réduite en farine et huile de poisson devrait, pendant la prochaine décennie, se contracter légèrement (18 pour cent en 2030 contre 19 pour cent en 2018). En 2030, cependant, les quantités totales de farine de poisson et d’huile de poisson produites devraient être supérieures de 1 pour cent et 7 pour cent respectivement à celles enregistrées en 2018 en raison d’une augmentation de la production obtenue à partir de déchets de poisson et de sous-produits de l’industrie de transformation. Entre 2018 et 2030, la proportion de la production totale d’huile de poisson obtenue à partir de déchets de poisson devrait passer de 40 à 45 pour cent, tandis que pour la farine de poisson, cette proportion passera de 22 à 28 pour cent (figure 55).

FIGURE 55
PRODUCTION MONDIALE DE FARINE DE POISSON, 1990-2030

Prix

En termes nominaux, les prix dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture devraient augmenter sur le long terme jusqu’en 2030. Plusieurs facteurs expliquent cette tendance. Du côté de la demande, il s’agit notamment de l’amélioration des revenus, de la croissance démographique et de la hausse des prix de la viande. Du côté de l’offre, la stabilité de la production de la pêche de capture, le ralentissement de la croissance de la production aquacole et l’augmentation du coût des intrants (aliments pour animaux, énergie et pétrole) devraient jouer un rôle. En outre, le ralentissement de la production halieutique et aquacole en Chine y stimulera la hausse des prix, ce qui aura des répercussions sur les cours mondiaux. La hausse du prix moyen du poisson d’élevage (24 pour cent sur la période de projection) sera plus importante que pour le poisson capturé (23 pour cent, si l’on exclut le poisson destiné à des usages non alimentaires). Les prix du poisson d’élevage s’apprécieront également sous l’effet de la hausse des prix de la farine et de l’huile de poisson, qui devraient augmenter respectivement de 30 pour cent et 13 pour cent en valeur nominale d’ici à 2030, en raison de la forte demande mondiale. Les prix élevés des aliments pour animaux pourraient également avoir une incidence sur l’éventail des espèces utilisées en aquaculture, avec une évolution vers des espèces nécessitant des aliments moins chers ou peu, voire pas d’aliments. La hausse des prix de production, associée à la forte demande de poisson destiné à la consommation humaine, stimulera une augmentation estimée à 22 pour cent du prix moyen du poisson commercialisé sur les marchés internationaux d’ici à 2030 par rapport à 2018.

Toutefois, en valeur réelle (corrigée de l’inflation), tous les prix moyens devraient, pendant la période de projection, diminuer légèrement tout en restant relativement élevés. Pour divers produits halieutiques et aquacoles, la volatilité des prix pourrait être plus prononcée en raison des fluctuations de l’offre ou de la demande. Enfin, dans la mesure où l’aquaculture devrait représenter une part plus importante de l’offre mondiale de poisson, elle pourrait influencer davantage la formation des prix sur les marchés nationaux et internationaux.

Consommation

La part de la production de poisson destinée à la consommation humaine devrait continuer d’augmenter pour atteindre environ 89 pour cent d’ici à 2030. Les principaux moteurs de cette progression seront une forte demande résultant de l’augmentation des revenus et de l’urbanisation, l’accroissement de la production de poisson, l’amélioration des méthodes employées dans le cadre des opérations après capture/récolte et le développement des circuits de distribution propices à une commercialisation accrue du poisson. La demande sera également stimulée par l’évolution des tendances alimentaires, qui se traduira par une plus grande variété dans les types d’aliments consommés et une plus grande attention portée à l’amélioration de la santé, de la nutrition et de l’alimentation, le poisson jouant un rôle clé à cet égard. En 2030, la consommation mondiale de poisson destiné à l’alimentation humaine, ou poisson de consommation30, devrait être supérieure de 18 pour cent (28 millions de tonnes en équivalent poids vif) à celle de 2018. Dans l’ensemble, son taux de croissance annuel moyen sera plus faible pendant la période de projection (1,4 pour cent) que pendant la période 2007-2018 (2,6 pour cent), principalement en raison d’une croissance réduite de la production, d’une hausse des prix du poisson et d’un ralentissement de la croissance démographique. Une proportion de 71 pour cent environ du poisson disponible pour la consommation humaine dans le monde en 2030 (183 millions de tonnes) sera consommée en Asie, tandis que les quantités les plus faibles seront consommées en Océanie et en Amérique latine. La consommation alimentaire totale de poisson devrait augmenter dans toutes les régions et sous-régions d’ici à 2030 par rapport à 2018, avec des taux de croissance plus élevés prévus en Amérique latine (33 pour cent), en Afrique (27 pour cent), en Océanie (22 pour cent) et en Asie (19 pour cent).

Si l’on s’intéresse aux chiffres par habitant, la consommation mondiale devrait atteindre 21,5 kg en 2030, contre 20,5 kg en 2018. Cependant, le taux de croissance annuel moyen passera de 1,3 pour cent pendant la période 2007-2018 à 0,4 pour cent pendant la période 2019-2030. La consommation augmentera dans toutes les régions sauf en Afrique (avec une baisse de 3 pour cent). Les taux de croissance les plus élevés sont attendus en Asie (9 pour cent), Europe (7 pour cent), en Amérique latine et en Océanie (6 pour cent chacune). Malgré ces tendances régionales, les quantités et variétés de poisson consommé varieront d’un pays à l’autre et au sein d’un même pays. En 2030, quelque 59 pour cent du poisson disponible pour la consommation humaine devrait provenir de la production aquacole, contre 52 pour cent en 2018 (figure 56). Le poisson d’élevage continuera de satisfaire la demande et la consommation d’espèces qui, alors qu’elles étaient essentiellement sauvages à l’origine, sont désormais essentiellement issues de l’aquaculture.

FIGURE 56
L’IMPORTANCE CROISSANTE DE L’AQUACULTURE

En Afrique, la consommation de poisson par habitant devrait diminuer de 0,2 pour cent par an jusqu’en 2030, passant de 10,0 kg en 2018 à 9,8 kg en 2030. La baisse sera plus importante en Afrique subsaharienne (de 8,9 kg à 8,1 kg pendant la même période). La principale raison de ce déclin est la croissance de la population africaine qui dépasse celle de l’offre. L’augmentation de la production continentale (de 13 pour cent sur la période 2019-2030) et des importations de poisson ne suffira pas à répondre à la demande croissante de la région. La part des importations de poisson destiné à la consommation humaine dans l’offre totale de poisson alimentaire devrait passer de 37 pour cent en 2018 à 40 pour cent en 2030. Cependant, cette augmentation, associée à l’accroissement de la production aquacole (de 48 pour cent en 2030 par rapport à 2018) et à une production halieutique (de 5 pour cent), ne compensera que partiellement la croissance démographique. L’Égypte sera l’une des rares exceptions, continuant d’accroître sa production aquacole déjà importante (42 pour cent en 2030 par rapport à 2018). La baisse prévue de la consommation de poisson par habitant en Afrique suscite des inquiétudes en ce qui concerne la sécurité alimentaire en raison de la forte prévalence de la sous-alimentation dans la région (FAO et al., 2019) et de l’importance du poisson dans l’apport total en protéines animales dans de nombreux pays africains (voir la section «Consommation de poisson»). Ce déclin pourrait également affaiblir l’aptitude des pays qui dépendent le plus du poisson à atteindre les cibles nutritionnelles (2.1 et 2.2) de l’ODD 2 (Éliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition et promouvoir l’agriculture durable).

Commerce

Le poisson et autres produits aquatiques continueront de faire l’objet d’un commerce important. On prévoit qu’en 2030, quelque 36 pour cent de la production totale de poisson sera exportée sous la forme de produits divers destinés à la consommation humaine ou de biens non comestibles. En volume, le commerce mondial de poisson destiné à la consommation humaine devrait augmenter de 9 pour cent pendant la période de projection, pour atteindre plus de 54 millions de tonnes en équivalent poids vif en 2030 (tableau 18) (47 millions de tonnes si l’on exclut les échanges au sein de l’Union européenne). Dans l’ensemble, le taux de croissance annuel moyen des exportations devrait passer de 2 pour cent durant la période 2007-2018 à 1 pour cent durant la période 2019-2030. Ce ralentissement peut s’expliquer en partie par: i) une croissance moins rapide de la production; ii) une demande intérieure plus forte dans certains des principaux pays producteurs et exportateurs tels que la Chine; et iii) des prix du poisson plutôt élevés, qui en limiteront la consommation globale. L’aquaculture contribuera à une part croissante du commerce international du poisson destiné à la consommation humaine. La Chine restera le principal exportateur de poisson destiné à la consommation humaine, suivie du Viet Nam et de la Norvège. L’essentiel de la croissance des exportations de poisson devrait provenir de l’Asie, qui sera responsable d’environ 73 pour cent des volumes supplémentaires exportés d’ici à 2030. La part de la région dans le commerce total de poisson destiné à la consommation humaine passera de 48 pour cent en 2018 à 50 pour cent en 2030. Les économies avancées devraient rester très dépendantes des importations pour satisfaire leur demande intérieure. En 2030, l’Union européenne, le Japon et les États-Unis d’Amérique représenteront 38 pour cent des importations totales de poisson de consommation, soit une part légèrement inférieure à celle de 2018 (40 pour cent) (tableau 18).

TABLEAU 18
PROJECTIONS CONCERNANT LE COMMERCE DU POISSON DESTINÉ À LA CONSOMMATION HUMAINE (équivalent poids vif)

Résumé des principaux résultats des projections

Pour la période allant jusqu’à 2030, l’analyse fait ressortir les grandes tendances suivantes:

  • À l’échelle mondiale, la production, la consommation et le commerce de poisson devraient progresser, mais à un rythme de moins en moins soutenu au fil du temps.

  • Malgré une baisse du volume des captures en Chine, la production halieutique mondiale devrait s’accroître légèrement à la faveur d’une augmentation de la production dans d’autres régions, sous réserve d’une gestion efficace des ressources.

  • La croissance mondiale de la production aquacole, certes plus lente que par le passé, devrait tout de même combler l’écart entre l’offre et la demande.

  • Les prix devraient tous augmenter en termes nominaux, mais ils devraient diminuer en termes réels; ils se maintiendront toutefois à un niveau élevé.

  • L’offre de poisson de consommation augmentera dans toutes les régions, tandis que la consommation de poisson par habitant devrait diminuer en Afrique, en particulier en Afrique subsaharienne, ce qui soulève des inquiétudes sur le plan de la sécurité alimentaire.

  • On s’attend à ce que le commerce du poisson et autres produits aquatiques se développe plus lentement qu’au cours des dix dernières années, mais à ce que la part de la production de poisson exportée demeure stable.

  • Les nouvelles réformes et politiques que la Chine mettra en œuvre en matière de pêche et d’aquaculture dans le prolongement de son treizième plan quinquennal (2016-2020) devraient avoir des incidences non négligeables sur les prix, la production et la consommation au niveau mondial.

Principales incertitudes

Les projections fournies dans la présente section se fondent sur une série d’hypothèses économiques, politiques et environnementales. Un choc touchant l’une quelconque de ces variables entraînerait des projections différentes. Il pourra, pendant la période considérée, survenir de nombreux aléas et autres difficultés. Outre les incertitudes liées à la covid19, les projections présentées ici pourront être influencées par les réformes politiques menées en Chine et par une multitude d’autres facteurs. Il faut s’attendre à ce que la prochaine décennie soit le théâtre de changements majeurs au niveau de l’environnement, de la disponibilité des ressources, de la situation macroéconomique, des règles et des tarifs du commerce international ou encore des caractéristiques du marché et du comportement social, autant de changements qui pourraient influer sur la production, les marchés et le commerce à moyen terme. La variabilité et le changement climatiques, notamment en ce qui concerne la fréquence et l’ampleur des phénomènes météorologiques extrêmes, devraient avoir des répercussions importantes et géographiquement différentes sur la disponibilité, la transformation et le commerce du poisson et autres produits aquatiques, rendant les pays plus vulnérables aux risques (encadré 22). Ces derniers pourront être exacerbés par deux facteurs: i) une mauvaise gouvernance, susceptible de créer un terrain propice à la dégradation de l’environnement et à la destruction des habitats – d’où une pression sur la base de ressources naturelles –, à la surpêche, à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, aux maladies et aux invasions de fugitifs et d’espèces non autochtones; et ii) des problèmes touchant l’aquaculture en ce qui concerne l’accessibilité et la disponibilité de sites et de ressources en eau ainsi que l’accès au crédit, aux semences et au savoir-faire. Ces risques pourront, cependant, être atténués par une gouvernance réactive et efficace favorisant une gestion rigoureuse des pêches, une croissance responsable de l’aquaculture, le progrès technologique, l’innovation et la recherche. En outre, les critères d’accès au marché liés aux normes de sécurité sanitaire, de qualité et de traçabilité des aliments et à la légalité des produits continueront de réguler le commerce international du poisson.

Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles: la contribution de la pêche artisanale au développement durable

L’étude intitulée «Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles» (Illuminating hidden harvests) est une nouvelle étude mondiale sur les contributions et l’impact de la pêche artisanale dans le contexte du développement durable. L’étude, dont la publication est prévue pour la fin 2020, a été menée par la FAO, l’Université Duke et le programme de recherche du Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR) sur les systèmes agroalimentaires halieutiques, dirigé par WorldFish. L’Agence norvégienne de coopération pour le développement, l’Agence suédoise de coopération et d’aide au développement international, l’Oak Foundation et le Fonds fiduciaire du CGIAR ont apporté leur contribution financière.

L’étude représente l’un des plus vastes efforts de compilation des données et des informations disponibles sur la pêche artisanale dans le monde. Elle vise à fournir des éléments d’information pour alimenter les dialogues mondiaux et l’élaboration de politiques afin de permettre aux pêcheurs, aux organisations de la société civile et aux ONG de plaider en faveur d’une pêche artisanale productive, durable et équitable.

Le développement durable et les contributions et effets de la pêche artisanale

Des canaux de drainage en bordure de route en Asie du Sud-Est aux immenses deltas des grands réseaux fluviaux du monde, en passant par les eaux côtières des océans et des mers, la pêche artisanale joue un rôle important. Bien que la pêche artisanale puisse prendre des visages très différents dans chacun de ces contextes, elle a en commun de faire vivre des millions de personnes, de fournir une alimentation essentielle à plusieurs milliards d’êtres humains et de contribuer de manière substantielle à l’économie des ménages comme à l’économie locale et nationale, ainsi qu’à la croissance économique. On estime que la pêche artisanale fournit 90 pour cent des emplois dans le secteur de la pêche marine (Banque mondiale, 2012). Les eaux continentales (cours d’eau, lacs et plaines d’inondation) font vivre encore plus de pêcheurs, de transformateurs et de commerçants que le secteur maritime, et constituent souvent un élément crucial d’une subsistance complexe et variable selon les saisons. En outre, dans bien des cas, la pêche artisanale est importante sur le plan culturel pour l’identité des personnes qui la pratiquent et peut être au cœur des structures sociales, du patrimoine culturel et des échanges commerciaux des communautés côtières.

Cependant, en raison de la nature très diverse et fragmentée de la pêche artisanale, il est difficile de quantifier et de comprendre ses multiples contributions au développement durable et ses nombreuses incidences sur celui-ci. En conséquence, malgré des statistiques parfois considérables, la pêche artisanale est trop souvent marginalisée dans les processus sociaux, économiques et politiques et ne reçoit pas l’attention qu’elle mérite dans les politiques. Cette invisibilité devient de plus en plus problématique à mesure que les pressions croissantes externes au secteur (comme la concurrence pour l’espace côtier/marin et les ressources aquatiques ou les effets du changement climatique) et les pressions internes (comme l’augmentation de l’effort de pêche, les investissements limités dans la gestion et l’expansion de certains types de mesures de conservation) et que les coûts de la marginalisation se manifestent d’une manière de plus en plus concrète.

Les Directives sur la pêche artisanale représentent un cadre mondial, hautement participatif et multipartite, qui vise à remédier à ce problème (FAO, 2015). Ces directives ont pour objectif d’appuyer le développement de la pêche artisanale et des communautés de pêcheurs en favorisant l’adoption d’une approche de la pêche qui soit fondée sur les droits de l’homme et qui soit viable sur les plans social, économique et environnemental. Pour que cet objectif puisse être atteint, il faudra pouvoir compter sur un soutien fort et une collaboration étroite de la part de divers partenaires, notamment des gouvernements, des organisations de petits pêcheurs, des partenaires de développement, des instituts de recherche, du monde universitaire et des ONG. Pour bien faire comprendre la nécessité de ce soutien, une démarche essentielle consiste à mieux mettre en lumière les divers apports et effets de ce type de pêche, et à fournir des preuves crédibles que les communautés et autres défenseurs de la pêche artisanale pourront utiliser pour démontrer avec force l’intérêt d’appuyer le secteur, et de soutenir par là même la réalisation des ODD, en particulier la cible 14.b sur l’accès des petits pêcheurs aux ressources marines et aux marchés.

En quoi consistent les captures non visibles de la pêche artisanale?

L’étude de 2012 sur l’exploitation non visible était une première tentative de synthèse des informations sur les contributions diverses et déclarées de manière erronée des pêches de capture à l’échelle mondiale (Banque mondiale, 2012). Cette initiative a permis de réaliser des études de cas détaillées de pays dotés d’importantes pêcheries artisanales continentales et marines, et de s’appuyer sur les données ainsi obtenues pour estimer leurs contributions mondiales. Cette synthèse a produit des estimations précieuses sur l’importance relative de la pêche industrielle et de la pêche artisanale, qui ont notamment permis d’aboutir aux constats suivants:

  • Des millions de tonnes de poisson provenant de la pêche artisanale sont «cachées», c’est-à-dire qu’elles ne sont pas visibles ni déclarées, les prises de la pêche continentale sous-déclarées étant estimées à la hauteur de 70 pour cent environ.

  • Sur les 120 millions de personnes qui dépendent de la pêche de capture, 116 millions travaillent dans les pays en développement. Plus de 90 pour cent d’entre elles travaillent dans le secteur de la pêche artisanale, et les femmes représentent près de 50 pour cent de la main-d’œuvre.

  • Dans les pays en développement, la pêche artisanale produit plus de la moitié des captures, dont 90 à 95 pour cent sont consommées localement, dans les régions rurales, où les taux de pauvreté sont élevés et où une alimentation de qualité est indispensable.

  • Dans la pêche artisanale, le nombre d’emplois par tonne de captures est plusieurs fois supérieur à celui observé dans la pêche industrielle.

Un nouvel éclairage sur les prises non visibles

Pour appuyer la dynamique croissante de la mise en œuvre des Directives sur la pêche artisanale, et en réponse aux ODD, la FAO, WorldFish et l’Université Duke ont travaillé en partenariat avec des experts du monde entier pour revoir et développer l’étude initiale sur l’exploitation cachée. L’étude «Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles», qui couvre les secteurs des captures et des activités après capture des pêches continentales et marines, vise à répondre aux questions suivantes:

  • Quelles sont les contributions et les incidences de la pêche artisanale à l’échelle locale et mondiale, sur les plans social, environnemental et économique ainsi qu’en termes de gouvernance (tableau 19)?

  • Quels sont les principaux moteurs de changement dans ces secteurs, y compris les menaces et les opportunités?

TABLEAU 19
APERÇU DES DONNÉES RECHERCHÉES DANS LE CADRE DE L’ÉTUDE INTITULÉE «PORTER UN NOUVEL ÉCLAIRAGE SUR LES CAPTURES NON VISIBLES» (ILLUMINATING HIDDEN HARVESTS)

Approche par étude de cas

L’étude «Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles» utilise une approche qui choisit de réaliser des études de cas afin de collaborer avec les experts locaux dans les pays prioritaires qui sont dotés d’un secteur de la pêche artisanale substantiel ou qui sont fortement tributaires sur le plan nutritionnel de la pêche artisanale, qu’elle soit marine ou continentale. Une synthèse mondiale sera élaborée à partir des données des études de cas nationales, des séries de données mondiales et régionales disponibles et des réponses à un questionnaire ad hoc de la FAO adressé à tous les pays.

L’étude cherche à refléter la nécessité d’adopter des approches de développement durable qui soient plus globales, non seulement en élargissant la portée de l’analyse par rapport à l’étude sur l’exploitation non visible menée en 2012, mais également en fournissant une nouvelle synthèse sur les bienfaits sociaux et nutritionnels, les caractéristiques en matière de gouvernance et la différenciation sociale dans le flux des avantages provenant des différents secteurs de la pêche. Une série d’études thématiques mettra en évidence les informations disponibles sur des thèmes importants, tels que la problématique hommes-femmes, les peuples autochtones et l’identité culturelle.

La méthodologie pour réaliser cette étude a été élaborée à partir de consultations avec des experts, et un groupe consultatif technique a été créé pour appuyer l’équipe centrale de l’étude.

Études de cas nationales

L’étude «Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles» comprend environ 50 études de cas nationales. Les pays ont été choisis pour l’importance absolue (niveau mondial) et/ou relative (niveau national) de leur pêche artisanale, en tenant compte de la production halieutique, de la production estimée de la pêche artisanale, de l’emploi dans les pêches, du rôle du poisson dans la sécurité alimentaire et de la représentation géographique.

Les pays étudiés représentent 76 pour cent des prises marines mondiales, 83 pour cent des prises mondiales de la pêche artisanale et 86 pour cent des pêcheurs en mer. En ce qui concerne plus précisément la pêche continentale, les pays représentent 89 pour cent des prises mondiales et 96 pour cent des pêcheurs et travailleurs de la filière après récolte. Par continent, la répartition des pays étudiés est la suivante: 26 en Afrique; 18 en Asie-Pacifique; 10 en Amérique; et 5 en Europe.

Les principaux publics visés et leur participation à l’étude

Les gouvernements nationaux et les institutions de gestion des pêches: En tant que principaux responsables de l’élaboration des politiques et acteurs centraux de la gestion des pêches, les institutions gouvernementales constituent un groupe cible important et collaborent à l’étude. En ce qui concerne les pays faisant l’objet d’une étude de cas, il est prévu de proposer une synthèse d’experts des données d’enquête et de recherche existantes, qui pourrait fournir un nouvel éclairage, intéressant du point de vue des politiques, sur les divers apports et effets des secteurs nationaux de la pêche artisanale continentale et marine.

Les administrations des pêches contribuent activement à l’étude en répondant à une enquête ad hoc de la FAO sur la pêche artisanale, qui alimentera à la fois les études de cas nationales et la synthèse mondiale. Cette enquête pose des questions spécifiques sur le secteur de la pêche artisanale et la disponibilité des données. Elle vient également en complément du volet consacré à la pêche artisanale dans le questionnaire de la FAO sur l’application du Code (voir la section «Progrès sur la voie de la durabilité») et les instruments connexes.

Les défenseurs de la pêche artisanale, en particulier les organisations de petits pêcheurs: Les organisations de petits pêcheurs et les organisations de la société civile et ONG connexes qui soutiennent les acteurs de la pêche artisanale au niveau national, régional et international sont des acteurs importants s’agissant de plaider en faveur d’un avenir productif, équitable et viable pour la pêche artisanale, qui soit fondé sur les principes des Directives sur la pêche artisanale. Dans le cadre de l’élaboration de l’étude, il est prévu de solliciter directement ces groupes de parties prenantes pour comprendre leurs besoins en matière d’information et les meilleures approches à suivre pour présenter les résultats d’une manière qui contribue plus efficacement à l’inclusion de la pêche artisanale dans les processus y afférents aussi bien dans le secteur de la pêche qu’au-delà.

La communauté des scientifiques et des acteurs du développement: Pour les défenseurs et les partenaires de recherche du secteur, disposer de données et d’informations synthétisées de haut niveau, placées dans le contexte local, concernant les contributions de la pêche artisanale est d’une grande importance pour être en mesure de définir les priorités, l’orientation et la conception des travaux de recherche. L’étude fait appel à des centres de recherche locaux, nationaux et internationaux, à des scientifiques et à des praticiens, au besoin, dans les pays examinés pour prendre part au recensement des données et études existantes les plus pertinentes pour le secteur de la pêche artisanale. Elle encourage également l’exploration des données disponibles qui ne sont généralement pas analysées du point de vue de la pêche artisanale, par exemple celles portant sur la nutrition, mais qui peuvent fournir des indications importantes sur les contributions du secteur et, par conséquent, aider à orienter l’attention dans les domaines de l’élaboration des politiques et du développement.

Résultats de l’étude

Le projet «Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles» produira un rapport de synthèse clé qui sera distribué à la fin de 2020. Des études thématiques et, éventuellement, un certain nombre d’études de cas nationales seront publiées sous forme de rapports distincts et d’articles de revues scientifiques, au besoin. Une stratégie de communication vient étayer l’ensemble du processus, et prévoit un engagement étroit avec les principales parties prenantes pour comprendre les besoins en matière de communication afin d’appuyer les communautés de petits pêcheurs et de donner l’élan nécessaire à la mise en œuvre des Directives sur la pêche artisanale.

En outre, les méthodes développées aux fins de l’étude seront mises à disposition, y compris sous forme d’apprentissage en ligne, afin de faciliter leur adoption. Cela devrait permettre d’appuyer davantage le développement des capacités de collecte et d’analyse des informations sur la pêche artisanale.

De plus amples renseignements sur l’étude «Porter un nouvel éclairage sur les captures non visibles» sont disponibles en ligne (FAO, 2019n).

Améliorer l’évaluation de la pêche continentale À l’échelle mondiale

En raison de l’absence de suivi systématique dans de nombreuses zones de pêche, il est difficile de se faire une idée de l’état ou de la santé de la pêche continentale à l’échelle mondiale (voir la section «Pêche continentale»). Ce manque de données concerne à la fois les répercussions de l’activité de pêche et les phénomènes liés à des éléments d’origine anthropique (dont la variabilité du climat).

À l’exception de quelques grandes pêcheries industrielles, le suivi individuel ne reflète pas suffisamment la situation de la pêche continentale à l’échelle des bassins fluviaux ou au sein des frontières nationales. Les données disponibles actuellement sont des données sur les captures nationales communiquées par les pays sous forme de rapports récapitulatifs sur l’ensemble de la production nationale.

Les tendances à la hausse ou à la baisse que suivent les captures nationales ne donnent que peu d’indications sur la situation ou la viabilité des différentes pêcheries et des stocks exploités au sein d’un pays. Une évaluation sérieuse de la pêche continentale doit donc viser à relier les nombreuses pressions environnementales exercées sur les eaux des différents bassins hydrographiques. Il sera ainsi possible de déterminer dans quelle mesure ces facteurs influent sur la capacité d’un bassin donné de supporter des activités de pêche continentale (FAO, 2018f). La FAO et le Service géologique des États-Unis collaborent actuellement à l’élaboration d’une carte des menaces mondiales liées à la pêche continentale en s’appuyant sur un système de modélisation imbriquée permettant de rassembler les jeux de données géographiques mondiales portant sur 20 pressions (sous-indicateurs) dont on sait qu’elles agissent sur la pêche continentale (tableau 20).

TABLEAU 20
VARIABLES UTILISÉES POUR ÉVALUER LES MENACES PESANT SUR LA PÊCHE CONTINENTALE

On obtient ainsi une carte composite devant permettre de visualiser (et de quantifier) la menace relative qui pèse sur la capacité qu’a une étendue d’eau de supporter des activités de pêche continentale ou sur la biodiversité aquatique d’un bassin hydrographique et de ses sous-bassins. Cette carte peut également être utilisée comme indicateur de la pression relative globale d’origine anthropique exercée sur un bassin hydrographique ou un sous-bassin où sont menées des activités de pêche (figure 57), mais il convient de noter que certains facteurs évalués pourraient, dans une certaine mesure, accroître la productivité de la pêche et non la restreindre.

FIGURE 57
CARTE DE LA SITUATION MONDIALE BASÉE SUR L’INTERACTION DE 20 PRESSIONS EXERCÉES AU NIVEAU DES 34 BASSINS INDICATEURS SUR LESQUELS REPOSE LA PÊCHE CONTINENTALE

Ces travaux s’inscrivent dans le cadre d’un programme mis en œuvre par le Service géologique des États-Unis. Une fois terminée, la couche SIG (système d’information géographique) de la cartographie des menaces sera disponible en accès libre sur ScienceBase et d’autres systèmes d’information libres. Les données seront centralisées sur ScienceBase, répertoire de documents sur le traitement des codes et des données permettant également d’accéder aux jeux de données obtenus et aux collaborations pertinentes (Service géologique des États-Unis, 2020). Les couches de données mondiales consolidées ne devraient varier sensiblement qu’à l’issue d’une période de 5 à 10 ans, ce qui correspondrait à un délai normal d’actualisation périodique, à l’échelle mondiale, des menaces pesant sur la pêche continentale. La FAO pourra utiliser les informations et les données générées pour procéder à des analyses plus approfondies et à un rapprochement avec les rapports sur la pêche de capture, de préférence au niveau infranational.

La figure 58 présente les zones les plus vulnérables aux effets négatifs des pressions associées à une eutrophisation accrue, à une forte densité de population, à la pollution, à l’utilisation des terres et à la fragmentation des habitats. Elle peut donner une idée de l’orientation que doivent prendre les efforts réalisés pour comprendre les conséquences de ces pressions, surtout si la zone en question présente un niveau élevé de capture ou une importance particulière pour la biodiversité aquatique. Les premiers résultats de l’analyse concernent une sélection de 87 bassins qui produisent 95 pour cent des captures de la pêche continentale à l’échelle mondiale (tableau 21).

FIGURE 58
CARTES DES MENACES À L’ÉCHELLE DES BASSINS POUR DE GRANDES PÊCHERIES CONTINENTALES
TABLEAU 21
NIVEAUX DE MENACE DES BASSINS EXPLOITÉS PAR LA PÊCHE CONTINENTALE

À l’échelle des bassins, les niveaux les plus élevés de menace pesant sur la pêche continentale trouvent leur origine à la fois dans la diminution de la connectivité hydrologique, les prélèvements d’eau, un faible produit intérieur brut et une forte densité de population (qui aura tendance à stimuler la pêche aux fins de l’alimentation), ainsi que le changement d’affectation des terres et le ruissellement qui s’ensuit. Ces menaces peuvent toucher davantage les systèmes fluviaux et les systèmes de décrue que les grands systèmes lacustres.

Seuls deux bassins obtiennent un score inférieur à 3, que l’on peut associer soit à de faibles densités de population et à des pressions agricoles relativement légères, soit à des régions où les mesures de gestion de l’environnement atténuent la menace qui plane sur les milieux d’eau douce et la pêche qui y est pratiquée. Tous deux contribuent néanmoins de manière négligeable à la production de la pêche continentale.

L’essentiel des captures de la pêche continentale mondiale provient de bassins dont le score est de 4-5 (47 pour cent) ou 6-7 (38 pour cent). Cette dernière catégorie comprend quelques-unes des pêcheries continentales les plus productives au monde, présentant des scores de menace assez élevés, ce qui montre que les fortes densités de population et l’accumulation de nutriments dans ces bassins, s’ajoutant à l’abondance des ressources en eau, pourraient favoriser leur productivité. Les bassins associés aux niveaux de menace les plus élevés ne produisent que 10 pour cent des captures mondiales de la pêche continentale.

Les cartes des menaces illustrent peut-être mieux la situation de la pêche dans les grands lacs peu profonds (comme le lac Tonlé Sap) et les plaines d’inondation fluviales, les zones humides, les deltas et les réservoirs, que celle de la pêche dans les étendues d’eau très vastes (comme la mer Caspienne, les Grands Lacs d’Amérique du Nord, le lac Malawi, le lac Tanganyika et le lac Victoria). Cela peut s’expliquer par les longues périodes de résidence et la lenteur des déplacements d’eau dans les grands systèmes lacustres, qui peuvent dès lors absorber ou accumuler les effets produits, grâce à des processus qui se déroulent sur plusieurs années, avant d’atteindre un point de basculement. On peut ainsi trouver un bassin présentant des perturbations modérées autour d’un grand lac touché par d’importants phénomènes d’eutrophisation (par exemple, le lac Victoria). Le score de menace associé à ces étendues d’eau doit être évalué séparément.

La figure 58 présente quatre cartes des menaces à l’échelle des bassins dans d’importantes pêcheries continentales en Afrique et en Asie. La ventilation par sous-bassin permet d’observer dans quelle mesure les différentes parties d’un bassin contribuent au niveau de menace global. Les écarts observés dans les niveaux de menace peuvent être liés à une concentration importante des répercussions dans certaines zones par rapport au reste du bassin. On constate donc que celui-ci n’est pas touché de la même manière partout, ce qui aura une incidence à la fois sur la pêche et sur la biodiversité dans chacune des sous-zones.

Un des éléments importants qui caractérisent ces cartes est qu’elles peuvent être transposées à différentes échelles et refléter la situation au niveau mondial (figure 57), aux niveaux des bassins et des sous-bassins (figure 58), voire à un niveau inférieur, si les données sont disponibles. Cette particularité permet aux responsables de la gestion de la pêche et de l’environnement d’évaluer les menaces et les facteurs déterminants à une échelle compatible avec leurs projets de gestion et favorise l’approche écosystémique de la gestion de la pêche.

Par ailleurs, l’emploi de données mondiales accessibles au public permet de prendre en compte des pays qui n’ont peut-être pas les moyens nécessaires pour recueillir des données et les communiquer à la FAO. L’interprétation des cartes peut être considérablement améliorée par le croisement des résultats de celles-ci avec les observations réalisées sur le terrain sur la base des savoirs locaux et de la collecte de données, processus que la FAO et ses Membres pourraient chercher à développer. La mise en rapport des cartes des menaces avec les données sur la pêche au niveau infranational se traduira par une planification et des analyses nationales plus détaillées, en particulier dans les zones où il importe de mieux comprendre les principales menaces et leur lien avec la production halieutique et la biodiversité des espèces aquatiques. Les organismes nationaux responsables de la pêche pourront ainsi isoler les zones importantes dans lesquelles la pêche continentale (ou la biodiversité aquatique) est menacée et privilégier certaines mesures de suivi et de gestion de la pêche.

Les cartes pourraient également servir à sélectionner et à suivre d’importantes zones de pêche continentale qui feront office d’indicateurs dans le cadre d’une évaluation reproductible des changements qui s’opèrent dans la production mondiale de la pêche continentale. Dans un premier temps, cet exercice pourrait être réalisé selon une démarche intégrée d’évaluation de la pêche visant à donner un aperçu de la situation sans nécessairement passer par des programmes intensifs d’échantillonnage. La mise en relation de la situation évaluée dans les zones de pêche continentale concernées et de la carte des menaces au niveau mondial fournirait par ailleurs un point de référence et un moyen de rendre véritablement compte des progrès accomplis dans la réalisation de certains objectifs internationaux, tels que les Objectifs d’Aichi pour la biodiversité relatifs aux stocks de pêche continentale, et des actions menées pour régénérer les écosystèmes à l’appui des ODD.

En fin de compte, pour mener à bien une telle entreprise, il faudra s’engager à évaluer systématiquement les pêcheries désignées comme indicateurs et mobiliser des ressources supplémentaires à cette fin; il faudra également convenir d’un cadre commun de communication des données qui permettra à la FAO de produire une analyse globale comme elle le fait dans le contexte de l’évaluation de l’état des stocks marins.

Technologies nouvelles et de rupture pour des pratiques et des systèmes de données innovants

L’édition 2018 de La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture a souligné la nécessité d’améliorer la disponibilité et l’utilisation des données, des statistiques et des informations sur les pêches (FAO, 2018a). Si le secteur des pêches et de l’aquaculture a toujours été à la traîne en termes d’adoption de systèmes d’information efficaces, une attention accrue est désormais accordée aux possibilités offertes par les innovations dans le domaine des technologies de l’information et à la manière dont celles-ci peuvent modifier la mise en évidence, l’interprétation et la communication des enjeux liés à la durabilité des pêches et de l’aquaculture (FAO, 2020f). De nouveaux outils s’appuyant sur des technologies éprouvées, comme les téléphones portables ou les systèmes basés sur l’informatique en nuage (cloud computing), sont en cours de déploiement pour remédier à certaines des faiblesses persistantes (encadré 23). Cependant, l’avènement de technologies nouvelles et émergentes – imagerie satellitaire à haute résolution, système d’identification automatique (SIA), caméras et capteurs in situ, profilage ADN et génétique, chaîne de blocs, internet des objets, mégadonnées, intelligence artificielle et apprentissage automatique – est susceptible d’influer de manière significative sur la chaîne d’approvisionnement en données actuellement en place et de perturber la gestion du secteur à court et à moyen terme.

Conformément à la vision adoptée dans le cadre des ODD, qui compte sur les retombées positives de l’innovation dans les technologies de l’information, le secteur des pêches et de l’aquaculture introduit rapidement ces technologies pour améliorer la viabilité économique, sociale et environnementale tout au long des chaînes de valeur. Cela permettra de réaliser un réel suivi des pêches et d’une aquaculture rigoureuse avec des navires et des fermes connectés à des réseaux de capteurs multiples générant de grands ensembles de données qui pourront être utilisés à tous les niveaux de la gestion.

Système d’identification automatique, intelligence artificielle et apprentissage automatique

Grâce aux progrès de la technologie satellitaire, le suivi des mouvements des navires autour du globe est tout à fait faisable sur le plan technique. Le système d’identification automatique (SIA) est une technologie de suivi conçue pour assurer la sécurité de la navigation. Toutes les 10 à 30 secondes, il transmet la position, l’identité, le cap et la vitesse d’un navire. Le suivi des mouvements de dizaines de milliers de navires de pêche industrielle, analysés conjointement avec les registres des navires par des algorithmes d’apprentissage automatique, permet de prévoir le type d’activité de pêche et de quantifier l’intensité de pêche par engin de pêche. Il est donc devenu possible de créer une base de données mondiale sur l’effort de pêche par type d’engin avec des résolutions spatiales et temporelles sans précédent. À cette fin, la FAO et ses partenaires promeuvent le potentiel que présente le SIA dans l’amélioration de la gestion des pêches et de la recherche halieutique dans le monde entier, et mettent en évidence ses points forts, ses limites et ses lacunes (Taconet, Kroodsma et Fernandes, 2019).

En 2017, le SIA a commencé à être considéré comme une technologie valable pour l’estimation des indicateurs de pêche. Il peut suivre la plupart des grands navires de pêche du monde (ceux de plus de 24 m de long), en particulier les flottes opérant en eaux lointaines et les navires de pêche en haute mer des pays à revenu élevé et intermédiaire. Cependant, ces grands navires ne représentent que 2 pour cent des 2,8 millions de navires de pêche motorisés en activité dans le monde (Taconet, Kroodsma et Fernandes, 2019), et seule une petite fraction des flottes plus petites et opérant plus près des côtes est équipée de SIA. Les performances du SIA en matière de suivi de l’activité de pêche varient considérablement selon les zones de pêche. Par exemple, en Europe, où presque tous les navires de plus de 15 m de long sont équipés du système, le SIA fournit une bonne estimation de l’activité de pêche dans l’Atlantique Nord. Cependant, en Asie du Sud-Est, où la proportion de petits navires est importante, où très peu d’entre eux sont équipés d’un SIA et où la qualité de la réception est médiocre, le système ne signale qu’une petite fraction de l’activité de pêche. Le plus grand écart entre les informations basées sur le SIA et les autres données de pêche concerne l’activité de pêche dans l’est de l’océan Indien.

Bien que le SIA puisse fournir des informations sur l’activité de pêche beaucoup plus rapidement que les journaux de bord ou les évaluations officielles via un système de surveillance des navires par satellite (SSN), son niveau de détail (par exemple, en ce qui concerne le nombre d’engins de pêche ou d’espèces capturées) pourrait s’avérer insuffisant pour de nombreuses autres utilisations; de plus, les navires peuvent facilement désactiver leur SIA ou diffuser des informations d’identité incorrectes, ce qui n’est pas possible avec un SSN. De nombreux avantages peuvent être tirés de la combinaison du SIA avec les données du SSN et du journal de bord.

La capacité du SIA à différencier les engins s’améliore, bien que des progrès soient encore nécessaires. Les palangriers, largement présents en haute mer dans le monde entier, sont le type de navire le mieux recensé par les algorithmes basés sur le SIA, à tel point que cette technologie peut être envisagée pour fournir des mesures de l’effort de pêche pour les évaluations des stocks. Le système assure également un suivi efficace d’autres grands types de navires de pêche, tels que les senneurs à senne coulissante et les chalutiers, mais a tendance à sous-estimer leur importance par rapport aux palangriers. Cependant, le SIA présente encore des lacunes quand il s’agit de différencier les activités de pêche des navires à engins multiples.

Dans l’ensemble, on peut commencer à considérer le SIA comme une technologie viable pour les estimations en temps quasi réel de l’effort de pêche et la planification spatiale marine, à condition que les données obtenues fassent l’objet d’une vérification humaine (étant donné la précision variable du système). De nombreux acteurs envisagent d’utiliser le SIA comme une technologie permettant de traquer les pêcheurs illégaux. Cependant, le système a été conçu, à l’origine, à des fins de sécurité maritime, en permettant aux navires de connaître la position des autres navires, et son utilisation à d’autres fins est sujette à caution et n’est pas recommandée. Cela dit, les données du SIA pourraient être utilisées pour fournir des estimations statistiques de la pêche illégale dans certaines situations.

À l’avenir, le SIA devrait permettre de faciliter la gestion des pêches face à l’incertitude et au changement climatique. Ce système, ou une technologie du même type, devrait fournir un suivi en temps quasi réel du volume des prises par pêcherie ainsi que de l’effort de pêche. Le passage à cette étape exige une amélioration de la performance des algorithmes pour intégrer des sources de données supplémentaires, comme le SSN et les journaux de bord, et des connaissances exhaustives sur la biologie des espèces, les techniques de pêche et l’environnement physique et juridictionnel. La production de renseignements et d’estimations précises de l’effort de pêche et des prises à partir de cet ensemble de mégadonnées nécessitera un recours croissant à l’intelligence artificielle et à l’apprentissage automatique. En outre, de nouvelles infrastructures seront nécessaires pour combler les lacunes en matière de données sur les segments de la flotte actuellement indétectables. Il s’agira notamment de dispositifs peu coûteux installés sur les petits navires pour transmettre leur position, ces dispositifs étant déjà à l’essai, de satellites plus récents qui seront capables de détecter des transpondeurs plus petits et des navires à l’aide de fréquences radio ainsi que de systèmes combinant un radar à ouverture synthétique et un SIA pour identifier les navires non équipés de SIA ou de SSN.

Aquaculture de précision et technologies de surveillance

Dans l’aquaculture, les capteurs recueillent de plus en plus de données optiques (par exemple, par caméra vidéo) et de données physiques pour surveiller, entre autres, la croissance des poissons, leur état de santé ou encore la réduction des pertes de produits alimentaires destinés à leur alimentation. Alors que les innovations passées se concentraient sur le matériel et la collecte de données, l’enjeu est maintenant d’aider les aquaculteurs qui sont contraints de trouver une solution pour interpréter de manière cohérente la grande quantité de données auxquelles ils ont accès. Dans ce cas, l’intelligence artificielle et le traitement des données peuvent être utiles, puisque ces technologies permettent de dégager les habitudes en matière d’alimentation des poissons et de présenter des stratégies aux éleveurs, allant de l’utilisation rentable des aliments au maintien du bien-être des poissons.

La génomique entraîne une transformation rapide de nombreuses facettes de la vie. Dans le secteur des pêches et de l’aquaculture, la technologie fondée sur l’ADN a pris de l’importance dans plusieurs domaines: l’aquaculture, la détection des agents pathogènes, les systèmes d’alerte précoce destinés à détecter au moyen de l’ADN environnemental les menaces que le plancton fait peser sur l’aquaculture, ainsi que la vérification de l’authenticité et de la provenance des poissons, en particulier pour les produits de la pêche faisant l’objet d’un commerce international. En outre, l’ADN peut être utilisé pour confirmer l’authenticité de produits spécifiques, les données étant également stockées dans une structure de chaîne de blocs (tableau 22). Cependant, il n’existe pas de norme réglementaire pour l’authentification des produits de la pêche par l’ADN, et une collaboration internationale basée sur des systèmes convenus par l’industrie est nécessaire pour rendre cette innovation accessible.

TABLEAU 22
LA CHAÎNE DE BLOCS DANS LE CADRE DE LA CHAÎNE D’APPROVISIONNEMENT DU POISSON

Des innovations en matière de surveillance s’imposent si l’on veut acquérir les connaissances nécessaires au développement des systèmes aquacoles dans le contexte de la croissance bleue. Cela passe par une intégration intensive des données à différents niveaux. Les données des satellites, lorsqu’elles sont combinées, par exemple, avec celles de l’indice différentiel normalisé de végétation, peuvent permettre de déterminer l’emplacement, le nombre et la superficie des cages ou des étangs, et même le type d’aquaculture pratiqué. L’internet des objets assure cette interconnexion entre les systèmes et entre les capteurs, et permet aux gestionnaires d’analyser les données générées par les observations satellitaires conjointement avec celles fournies par les étiquettes électroniques apposées sur les poissons.

CISJORDANIE ET BANDE DE GAZA
Pêcheur relevant ses filets dans l’un des 120 étangs mis en place avec l’appui de la FAO dans la région.

©FAO/Marco Longari

Le principal défi auquel on est confronté avec l’émergence de toutes ces innovations consiste à combiner les données des différents fournisseurs et pays et à les analyser de manière cohérente. L’informatique en nuage et l’intelligence artificielle seront bénéfiques à condition que les données soient cohérentes et qu’elles soient collectées et traitées conformément aux normes en vigueur en la matière. Dans ce domaine, la FAO peut jouer un rôle de premier plan en prêtant un appui à l’élaboration de normes, de directives et de pratiques optimales par l’intermédiaire d’organismes de normalisation, tels que le Groupe de travail chargé de coordonner les statistiques des pêches, le Centre des Nations Unies pour la facilitation du commerce et les transactions électroniques et la Research Data Alliance.

Chaîne de blocs

La chaîne de blocs pourrait permettre des progrès considérables dans les domaines de la traçabilité, de la précision et de la responsabilité tout au long des chaînes de valeur des pêches, bien que des contraintes importantes subsistent. Cette technologie peut fournir une infrastructure de traçabilité en ligne pour le stockage permanent et le partage d’éléments de données clés (comme la zone de capture, l’espèce et le type de produit, la date de production ou d’expiration) ainsi que pour le suivi d’activités déterminantes (comme les opérations des navires de pêche, le débarquement, la division des produits et la transformation). La chaîne de blocs est déjà utilisée comme un grand livre numérique pour enregistrer les transactions de produits entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement.

La chaîne de blocs consiste en une chaîne dans laquelle des données vérifiables sont stockées sous forme d’unités liées les unes aux autres, appelées «blocs» (FAO et ITU, 2019). Elle peut être utilisée pour enregistrer, suivre et contrôler les actifs physiques et numériques des chaînes d’approvisionnement en poisson. Elle offre la possibilité d’intégrer et de gérer en temps réel les processus, les caractéristiques des produits et les transactions qui sont ajoutés par les acteurs de la chaîne d’approvisionnement et par l’intermédiaire de l’internet des objets, c’est-à-dire les capteurs et autres dispositifs. Le tableau 22 illustre une chaîne d’approvisionnement en poisson dont la gestion est fondée sur une chaîne de blocs, ce qui permettra à l’utilisateur final (c’est-à-dire au consommateur) de retracer l’historique complet du produit et de connaître ses caractéristiques. Les données stockées dans la chaîne de blocs sont sécurisées, décentralisées et immuables.

Les applications de la chaîne de blocs dans les filières alimentaires peuvent apporter une réponse à un large éventail de sujets de préoccupation (FAO et ITU, 2019; Nofima, 2019; Bermeo-Almeida et al., 2018). Elles peuvent notamment permettre d’améliorer la sécurité sanitaire des aliments, la traçabilité et la transparence, et d’accroître les rendements, les recettes, la responsabilité, la sécurité des données et la protection des marques. D’un point de vue opérationnel, l’adoption de la chaîne de blocs dans les chaînes de valeur du poisson pourrait avoir un effet incitatif sur les différents acteurs du secteur. Pour les acteurs du secteur privé, cette technologie pourrait améliorer leur efficacité opérationnelle et promouvoir l’image de leurs marques sur le marché, tandis que pour les autorités gouvernementales, elle pourrait être un moyen de vérifier et de valider les rapports de capture et de prouver que les exigences du marché d’exportation sont respectées.

Une étude récente de la FAO (Blaha et Katafano, 2020) a examiné les applications de la chaîne de blocs dans les chaînes de valeur du poisson. Le thon est de loin le produit le plus suivi au moyen de la chaîne de blocs, les autres produits étant la légine australe et les crevettes d’élevage. Bien qu’elles s’appuient sur différentes plateformes de chaînes de blocs, les différentes initiatives convergent dans leurs objectifs de partage des données et de garantie de l’immuabilité des données. La mise en œuvre de la chaîne de blocs est concrètement possible dans un contexte de produits de la pêche de grande valeur avec des chaînes de valeur clairement définies, ainsi que dans le cas d’une adhésion effective des acteurs de la chaîne de valeur. L’application de la technologie pose plusieurs défis, notamment: la nécessité d’une intervention humaine pour la saisie des données, d’où un risque de falsification, et la dépendance à l’égard des étiquettes qui sont apposées sur les poissons et qui pourraient être perdues, endommagées ou altérées; le manque d’ouverture au public des plateformes de chaînes de blocs privées et de consortiums, rendant impossible la vérification indépendante des transactions; et le recours à des solutions qui n’ont pas fait l’objet de tests exhaustifs par rapport à des cas de figure réels de chaînes de valeur halieutiques complexes, où les acteurs sont inconnus.

Les outils qui permettent de développer des solutions de chaînes de blocs continuent de s’améliorer, et les stratégies de mise en œuvre continuent de se développer. D’une manière générale, cependant, l’adoption, la mise en œuvre et le déploiement à plus grande échelle des solutions basées sur la chaîne de blocs sont actuellement entravés par un certain nombre d’obstacles. Parmi eux figurent notamment les incertitudes concernant les réglementations à venir, le manque de confiance des utilisateurs et les difficultés à rassembler les réseaux existants dans une optique d’interopérabilité (Tripolo et Schmidhuber, 2018). Dans le cas particulier de la traçabilité dans les chaînes de valeur du poisson, les défis inhérents au secteur et les possibilités offertes par la technologie doivent être pris en compte lors de l’élaboration des analyses de rentabilité, et une analyse coûts-avantages minutieuse s’appuyant sur des modèles de décision bien conçus (FAO et ITU, 2019; Litan, 2019) doit être réalisée afin de déterminer si les solutions basées sur la chaîne de blocs sont le meilleur choix par rapport aux systèmes de traçabilité électronique existants.

À la lumière de ce qui précède, et considérant que la chaîne de blocs est une technologie de pointe qui s’appuie sur les systèmes existants tout en les améliorant, le manque de traçabilité, de normalisation et d’interopérabilité reste une préoccupation majeure. La FAO a un rôle à jouer, d’une part, en apportant une assistance technique aux pays pour les aider à développer et à mettre en œuvre des systèmes de traçabilité et, d’autre part, en reconnaissant les différentes applications de ces systèmes, de la sécurité sanitaire des aliments à la fraude alimentaire, en passant par la légalité des produits, l’éco-étiquetage et la documentation des prises (FAO et ITU, 2019).

Perspectives et défis des technologies améliorées

Les exemples ci-dessus illustrent bien le fait que l’industrie de la pêche recueille et analyse de plus en plus de données, ce qui contribue à un véritable «déluge de données», alimenté également par la disponibilité croissante d’énormes ensembles de données publics, comme le Système mondial d’observation de l’océan du programme Copernicus d’observation de la Terre ou les systèmes d’observation de l’Administration nationale des océans et de l’atmosphère des États-Unis d’Amérique. Au cours de la dernière décennie, nous avons eu accès à une quantité sans précédent de données sur le secteur des pêches et de l’aquaculture. Environ 40 000 satellites observent le climat et l’environnement de la Terre, plusieurs milliers de flotteurs recueillent des données environnementales et près de 50 000 navires de pêche faisaient déjà l’objet d’un suivi en 2017. En outre, la technologie sera bientôt capable de contrôler les activités de pêche et les engins de pêche (perdus). Les 100 millions de petits pêcheurs qui recherchent à la fois la sécurité en mer et des prix équitables bénéficieront d’applications mobiles qui leur permettront d’améliorer leurs moyens d’existence et, par la même occasion, de transmettre des données. Des capteurs seront installés partout: à bord des navires, sur les engins, sur les animaux, dans l’espace et dans l’eau.

De plus, les flux de mégadonnées, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique généreront des rapports qui informeront en temps réel les autorités et les propriétaires de fermes aquacoles et de bateaux de pêche. Dans l’aquaculture et dans la pêche, ces innovations offrent de nouvelles solutions peu coûteuses et fiables pour des tâches relativement simples, telles que l’analyse des rendements à l’aide de données environnementales et techniques, ou plus complexes, comme l’identification de routes de pêche sûres et rentables. En matière de gestion des pêches, la combinaison des mégadonnées et de l’intelligence artificielle est susceptible de changer la donne. Par exemple, ces technologies devraient pouvoir prévoir la biomasse ou fournir un appui en temps réel à la prise de décision concernant les zones de pêche à fermer. Des stratégies de gestion des pêches véritablement adaptatives, évoluant en fonction des signaux provenant du terrain, pourraient devenir la norme. L’application des réglementations sera davantage fondée sur les données, et les organismes de contrôle devraient considérablement améliorer leur compréhension du secteur.

Les approches reposant sur les technologies de pointe et les mégadonnées pourraient contribuer à renforcer la durabilité et à améliorer les conditions de travail des pêcheurs et des aquaculteurs, en plus d’aider la société à mieux comprendre les interactions de l’aquaculture et des pêches avec l’environnement. Cependant, l’adoption des nouvelles technologies risque de porter atteinte à la vie privée et de remettre en cause les cadres de surveillance et de gestion établis, sans nécessairement se traduire par des contrôles efficaces des activités. La FAO a ici un rôle à jouer en encourageant l’utilisation de normes, en veillant à ce que les droits et les moyens d’existence des pêcheurs soient améliorés à l’avenir, en favorisant la collaboration internationale en matière de gestion et de confidentialité des données, et en encourageant l’élaboration de réglementations, de directives et de pratiques optimales applicables aux systèmes d’information.

Aquaculture et biosécurité

Apparition de maladies

Les maladies des animaux aquatiques sont un des plus grands obstacles à la croissance et au développement de l’aquaculture durable. À l’échelle mondiale, on observe dans le secteur aquacole une tendance à l’apparition et à la propagation rapide (y compris au-delà des frontières nationales) d’un agent pathogène non signalé auparavant, responsable d’une nouvelle maladie inconnue, tous les trois à cinq ans environ, provoquant des pertes de production considérables (FAO, 2019o). Ces maladies des animaux aquatiques transfrontières graves sont le plus souvent causées par des virus, mais il arrive que l’agent responsable soit une bactérie ou un parasite. Il s’écoule une longue période (plusieurs années en général) entre l’observation initiale d’un épisode grave de mortalité sur le terrain et l’identification et la confirmation de l’agent responsable, puis la diffusion d’informations au niveau mondial et, enfin, la création et la mise en place de systèmes de surveillance et de notification ainsi que de mesures efficaces de gestion des risques. Ainsi, comme on le constatait dans l’édition précédente de la présente publication (FAO, 2018a), «il est nécessaire de changer de paradigme pour gérer les risques de biosécurité qui se posent dans l’aquaculture». Durant la période qui se sera écoulée jusqu’à l’identification de l’agent pathogène – et de ses différents organismes hôtes –, celui-ci aura peut-être déjà eu le temps de se propager dans le monde entier (y compris chez les espèces sauvages), à la faveur des déplacements d’animaux vivants à l’état sanitaire incertain, le plus souvent aux fins du développement de l’aquaculture.

Depuis quelques années, on comprend mieux les causes de l’apparition des maladies dans l’aquaculture, et les voies d’émergence et autres facteurs qui entrent en jeu peuvent être regroupés en quatre catégories générales (Comité des pêches de la FAO, 2019a):

  • Le commerce et les déplacements d’animaux vivants et des produits qui en sont issus: poissons, crevettes et autres animaux aquatiques d’élevage (et plantes aquatiques) sont devenus des produits alimentaires échangés dans le monde entier sous forme d’organismes aquatiques vivants (œufs, larves, alevins et adultes) et de produits (frais, surgelés, séchés, salés et fumés), souvent dans d’énormes quantités. En l’absence de mesures adéquates de biosécurité à l’échelle nationale, les agents pathogènes (et les espèces aquatiques envahissantes) peuvent se propager au gré de ces échanges.

  • La connaissance des agents pathogènes et de leurs hôtes: il n’est pas facile de déterminer l’état de santé des animaux aquatiques d’élevage compte tenu des particularités du milieu aquatique qui est le leur. Étant donné le grand nombre d’espèces élevées dans des systèmes aquacoles divers (plus de 600 espèces à l’échelle mondiale), les connaissances au sujet des nouvelles maladies et des différentes espèces hôtes sensibles progressent souvent plus lentement que le développement de l’aquaculture. On constate par ailleurs, dans bien des cas, une lente prise de conscience collective parmi les parties prenantes concernées et les organismes chargés d’assurer la biosécurité en ce qui concerne les nouvelles menaces. Les connaissances de base sur l’agent pathogène (comme sa pathogénicité et ses voies de transmission) et sur son ou ses hôte(s) (espèce, stades de développement infectés, immunité et génétique) font souvent défaut, tout comme des tests diagnostiques sensibles, spécifiques et rapides.

  • La gestion de la santé des animaux aquatiques: l’absence de moyens techniques et institutionnels (ou leur nombre restreint et leur qualité insuffisante) entrave l’application de mesures de biosécurité efficaces. Les principales lacunes détectées sont: i) la faiblesse des cadres de réglementation ainsi que l’application et la mise en œuvre insuffisantes des normes et directives internationales relatives aux pratiques optimales en matière de biosécurité; ii) le manque de coordination entre les nombreuses institutions qui interviennent dans la production aquacole et la gestion de la santé des animaux aquatiques (organismes responsables de la pêche et de l’aquaculture et autorités vétérinaires); iii) l’absence de stratégies de biosécurité satisfaisantes et bien exécutées aux niveaux de l’exploitation, du secteur et du pays; iv) l’absence ou le manque de moyens nécessaires pour réagir en cas de situation d’urgence.

  • Les changements écosystémiques: les écosystèmes aquatiques sont dynamiques et évoluent sous l’influence de l’activité humaine directe (barrages, agrandissement des communautés, pollution, transport, tourisme, introduction de nouvelles espèces, etc.) et indirecte (changement climatique, ouragans, efflorescences algales, etc.). Dans ces conditions changeantes, il est difficile de parvenir à une aquaculture prospère en raison de la physiologie des animaux (contraintes en termes d’adaptation pour les espèces pœcilothermes, par exemple), de l’apparition d’agents pathogènes et de l’évolution de la répartition géographique des stocks d’espèces sauvages, ainsi que des microbes et parasites à mesure que les facteurs environnementaux changent et se rapprochent des niveaux de tolérance des hôtes et des agents pathogènes.

Les conséquences sociales, économiques et environnementales de l’apparition de foyers de maladies dans l’aquaculture sont nombreuses et peuvent avoir une portée considérable. Citons par exemple: les coûts directs des pertes de production engendrées par la mortalité et le ralentissement de la croissance; la fermeture provisoire ou permanente d’installations aquacoles, qui entraîne des pertes d’emplois dans le secteur et les industries connexes en amont et en aval; la contraction du commerce et la perte de marchés du fait de l’interdiction d’exporter; le recul des ventes sur le marché intérieur en raison des craintes des consommateurs quant à la sécurité sanitaire du poisson et des crustacés et mollusques (avec des répercussions dans la pêche de capture). D’après une étude récente (Shinn et al., 2018), les pertes économiques provoquées par la nécrose hépatopancréatique aiguë en Thaïlande entre 2010 et 2016 s’élèveraient à 7,38 milliards de dollars, auxquels s’ajoutent 4,2 milliards de dollars de pertes d’exportation. Toujours en Thaïlande, les pertes causées par Enterocytozoon hepatopenaei pourraient atteindre 180 millions de dollars par an. D’après l’annuaire des statistiques de pêche en Chine, les flambées de maladies ont causé une perte de production directe de 205 000 tonnes dans le secteur aquacole chinois en 2018, ce qui équivaut à 401 millions de dollars (2,6 milliards de yuans). Dans le questionnaire du recensement aquacole effectué par le Ministère de l’agriculture des États-Unis d’Amérique en 2018, la maladie occupait la première place parmi toutes les causes de pertes de production.

La biosécurité constitue un défi pour le secteur aquacole depuis trois décennies. Les parties prenantes des autorités nationales compétentes, les producteurs, le milieu universitaire, les organismes régionaux et internationaux, les institutions de développement et les donateurs s’accordent tous à dire que des mesures concrètes s’imposent et consacrent énormément d’énergie à la biosécurité. Pourtant, les actions entreprises sont très souvent correctives et coûteuses, car les approches préventives moins onéreuses, axées sur les pratiques exemplaires à l’échelle internationale en matière de biosécurité, n’ont pas été mises en œuvre. D’autres pistes d’action sont-elles possibles?

Défis et solutions

Afin d’aider ses membres à concrétiser les objectifs de l’Initiative en faveur de la croissance bleue de la FAO, et en particulier celui de promouvoir le développement durable de l’aquaculture au service de la sécurité alimentaire et de la croissance économique, le Sous-Comité de l’aquaculture du Comité des pêches a approuvé l’approche de gestion progressive pour l’amélioration de la biosécurité aquacole (ci-après dénommée l’approche de gestion progressive) à sa dixième session, qui s’est tenue à Trondheim (Norvège) en août 2019 (Comité des pêches de la FAO, 2019b). Ce nouveau modèle, présenté pour la première fois dans La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture 2018 (FAO, 2018a), mise sur le renforcement des capacités en matière de gestion au moyen de méthodes ascendantes et descendantes et d’une forte participation des parties prenantes, l’objectif étant de parvenir à une gestion conjointe de la biosécurité et de susciter un engagement prolongé en faveur de la gestion des risques.

Selon l’approche de gestion progressive, chaque pays ou entreprise participante peut passer par quatre étapes selon la situation qui lui est propre:

  1. recensement et définition des risques de biosécurité;

  2. élaboration et mise en place des systèmes de biosécurité;

  3. renforcement de la biosécurité et de l’état de préparation;

  4. mise sur pied de systèmes durables de biosécurité et de gestion de la santé à l’appui du secteur aquacole national.

À mesure que les pays et les entreprises aquacoles progressent sur la voie de la biosécurité, on peut s’attendre à ce que leurs initiatives aboutissent à: une baisse de la charge de morbidité; une amélioration de la santé des espèces aquatiques aux niveaux de l’exploitation et du pays; une réduction maximale de la propagation des maladies à l’échelle mondiale; une optimisation des avantages socioéconomiques tirés de l’aquaculture au niveau national; la stimulation de l’investissement dans l’aquaculture; la réalisation des objectifs de l’approche «Un monde, une santé». Ces résultats auront des retombées positives tant au niveau des entreprises qu’aux niveaux national, régional et mondial.

Des boîtes à outils seront également mises au point pour faciliter la mise en œuvre de l’approche de gestion progressive, et leur contenu sera varié: directives en matière de gouvernance et d’application au niveau national; surveillance fondée sur le risque; arbres de décision pour les recherches sur les épisodes de mortalité des organismes aquatiques (y compris des plantes); examens des systèmes de préparation et de réaction aux situations d’urgence; charge de morbidité liée aux maladies des animaux aquatiques; partenariats entre les secteurs public et privé; plans d’action en faveur de la biosécurité conçus spécifiquement pour le secteur aquacole et le secteur des produits de base.

Une autre décision importante a été prise à la dixième session du Sous-Comité de l’aquaculture: il a en effet été recommandé au Comité des pêches d’envisager de créer, dans le cadre du programme mondial en faveur de la durabilité de l’aquaculture de la FAO, un volet multidonateurs à long terme consacré à la biosécurité aquacole et à ses cinq piliers:

  1. renforcer la prévention des maladies au sein des exploitations grâce à un élevage responsable (notamment en réduisant la résistance aux antimicrobiens dans l’aquaculture et en utilisant des solutions de remplacement adaptées) et à d’autres mesures fondées sur des données scientifiques et des technologies éprouvées;

  2. améliorer la gouvernance en matière de biosécurité aquacole en appliquant l’approche de gestion progressive, en améliorant l’interprétation et l’application des normes internationales et en donnant plus de poids à l’approche «Un monde, une santé» grâce à la participation conjointe d’acteurs étatiques et non étatiques (producteurs et parties prenantes intervenant dans la chaîne de valeur), d’organisations internationales et régionales, d’institutions de recherche, d’universités, de donateurs et d’institutions financières à la conception et à la mise en œuvre des mesures de biosécurité prévues;

  3. accroître les connaissances en ce qui concerne l’économie de la santé dans l’aquaculture (charge et investissements);

  4. améliorer l’état de préparation en prévision des situations d’urgence (outils d’alerte rapide et de prévision, détection rapide et intervention rapide) à tous les niveaux;

  5. contribuer activement à la réalisation des piliers 1 à 4 en définissant plusieurs domaines transversaux tels que le renforcement des capacités et des compétences, la collecte d’informations sur les maladies et la communication sur les risques, l’éducation et la vulgarisation, les activités ciblées de recherche et développement et l’innovation (Comité des pêches de la FAO, 2019b).

L’approche de gestion progressive pour l’amélioration de la biosécurité aquacole nous montre à quel point il est indispensable de comprendre l’économie de la santé dans l’aquaculture (charge et investissements, coûts et bénéfices). S’agissant du troisième pilier, la FAO collabore avec l’Université de Liverpool et d’autres partenaires pour lutter contre les maladies dans l’aquaculture dans le cadre du programme consacré à la charge mondiale des maladies animales. Ce programme, auquel viennent s’ajouter des orientations quant à l’estimation des pertes causées par les maladies aquatiques, devrait permettre de réaliser des estimations plus cohérentes et plus précises du coût que représentent ces maladies aux niveaux national, régional et mondial. L’intérêt économique possible de la mise en œuvre de l’approche de gestion progressive sera ainsi clairement établi.

La mise en place de stratégies de gestion de la biosécurité à long terme, et notamment la mise en œuvre des normes internationales relatives à la santé des animaux aquatiques de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE, 2020), est préconisée depuis longtemps, et il en était d’ailleurs question dans l’édition précédente de la présente publication (FAO, 2018a). Parmi ces stratégies, le développement obligatoire de stocks d’espèces d’élevage exemptes d’organismes pathogènes spécifiques destinées à la production industrielle durable apparaît de plus en plus fondamental. Il est temps d’agir pour optimiser l’utilisation de ce type de stocks. Si l’utilisation de stocks de crevettes exemptes d’organismes pathogènes spécifiques varie énormément d’une région à l’autre et selon les pratiques aquacoles, de plus en plus d’éléments concrets montrent que cette approche a permis de réduire l’apparition d’agents pathogènes et l’expression des maladies dans les exploitations et d’introduire Penaeus vannamei (espèce privilégiée et dominante dans les élevages de crevettes) dans le monde entier en toute sécurité. En outre, la crevette exempte d’organismes pathogènes spécifiques est devenue une ressource importante dans le cadre des études en laboratoire, notamment sur les problèmes posés par les maladies et d’autres aspects nutritionnels et biochimiques (Alday-Sanz et al., 2018). L’utilisation de stocks de géniteurs infectés perpétue les maladies tout au long du cycle de production.

En conclusion, les systèmes aquacoles doivent être renforcés pour satisfaire la demande toujours plus grande de poisson et d’autres produits de la mer destinés à l’alimentation humaine. Il importe dès lors d’accroître la production et la rentabilité grâce à des stratégies de prévention des maladies et de gestion de la biosécurité à long terme susceptibles de réduire fortement les pertes économiques et environnementales engendrées par les maladies. Dans un secteur aquacole en pleine maturation, il apparaît indispensable de créer des hôtes sains et résistants grâce à l’application de mesures de biosécurité efficaces, conjuguées à l’adoption d’approches adéquates en matière de génétique et de nutrition. Le moment est venu de susciter un engagement multipartite et de mobiliser l’appui de nombreux donateurs afin de mettre en place, dans le cadre du programme mondial en faveur de la durabilité de l’aquaculture, un volet sur la biosécurité aquacole qui soit propice à une action cohérente, collaborative et coordonnée.

Vers une nouvelle vision de la pêche de capture au xxie siècle

Le secteur de la pêche de capture est à un tournant. D’un côté, le poisson et les produits de la pêche contribuent de manière déterminante et grandissante à la croissance économique, à l’alimentation, à la nutrition et à la sécurité des moyens d’existence. À titre d’exemple, parmi les 34 pays où ils représentent plus d’un tiers de l’apport total en protéines animales, 18 sont des pays à faible revenu et à déficit vivrier. La consommation de poisson par habitant a par ailleurs doublé au cours des 50 dernières années (voir ici), et une nette augmentation de celle-ci est recommandée dans le cadre d’une bonne alimentation (Willett et al., 2019). D’un autre côté, 34 pour cent des stocks de poissons évalués sont exploités à un niveau biologiquement non durable (voir ici). Si on observe une amélioration de l’état des stocks dans les pays développés, de nombreux pays en développement voient leur situation s’aggraver s’agissant de la surcapacité, de la production par unité d’effort et de l’état des stocks (voir l’encadré 4). Compte tenu de ce qui précède, des mesures concrètes de gestion de la pêche de capture doivent absolument être adoptées dans certaines régions, en particulier à la lumière des effets que devrait produire le changement climatique dans les décennies à venir.

Pour négocier ce tournant, le secteur doit se doter d’une vision qui définisse les stratégies qui lui permettront de faire face aux défis complexes et en rapide évolution auxquels la société est confrontée. Cette nouvelle approche doit tenir compte de la place fondamentale qu’occupera la pêche dans le développement économique, l’alimentation, la nutrition et la sécurité des moyens d’existence de demain alors que l’humanité devra trouver des réponses à toute une série d’enjeux liés à l’environnement (tant terrestre qu’aquatique) pour se placer sur la voie d’un avenir plus durable. Afin de donner forme à cette vision, la FAO a organisé le colloque international sur la gestion durable des pêches, qui s’est tenu à Rome du 18 au 21 novembre 2019 (FAO, 2020f). Près de 1 000 participants venus de plus de 100 pays, représentant le milieu universitaire, le secteur privé, les gouvernements ainsi que les organisations intergouvernementales et non gouvernementales et les organisations de la société civile, s’y sont rassemblés pour débattre d’un certain nombre de questions stratégiques lors de huit sessions thématiques. Les recommandations formulées à l’issue des discussions sont résumées ci-après, par thème, pour information et examen par toutes les parties prenantes. Elles ne constituent pas un ensemble de mesures nécessaires définies à l’unanimité et ne sont ni hiérarchisées, ni explicitement associées à des zones géographiques ou à des délais précis. Il s’agit d’une série d’opinions collectives sur différents points qu’il convient d’aborder pour faire progresser le développement durable.

THÈME 1. Difficultés rencontrées dans la mise en place d’une pêche mondiale et régionale écologiquement durable:

  • Encourager l’évaluation et le suivi des stocks considérés séparément et améliorer la transparence au niveau des stocks et des pays afin de mieux comprendre la situation de la pêche à différentes échelles géographiques.

  • Promouvoir la conception et la mise en œuvre de méthodes d’évaluation des stocks plus simples, qui exigent des données moins précises et sans autant de savoir-faire technique, afin de réduire la part des stocks non évalués à l’échelle de la planète.

  • Améliorer le suivi de la pêche continentale et la collecte rigoureuse et économiquement rationnelle de données biologiques et d’informations sur la pêche et les habitats.

  • Mobiliser des ressources et un appui financier en faveur de la mise en œuvre de programmes de renforcement permanent des capacités visant à perfectionner les systèmes d’évaluation et de suivi des stocks et de la pêche, en particulier dans les pays en développement, dans la pêche artisanale et dans la pêche continentale.

  • Envisager un nouvel objectif mondial de gestion durable, qui soit plus modéré et qui repose sur le principe de précaution dans les situations marquées par un manque de données et/ou une gouvernance plus fragile.

  • Manque de données n’est pas toujours synonyme de manque d’informations. Concevoir et mettre en œuvre des dispositifs plus efficaces pour rassembler les différents types d’informations disponibles, y compris les connaissances et les compétences techniques locales, et les incorporer aux méthodes d’évaluation et de gestion.

  • Recueillir les données élémentaires nécessaires sur une pêcherie en particulier et puiser dans les connaissances locales pour contribuer à l’élaboration de règles d’encadrement des captures qui soient simples et pragmatiques.

  • Favoriser une bonne communication, la mobilisation des connaissances et l’éducation de toutes les parties prenantes (pêcheurs, scientifiques et responsables) qui interviennent dans la prise de décisions pour améliorer l’échange d’informations et renforcer l’adhésion au respect des règles pour que les systèmes de gestion soient plus efficaces.

  • Promouvoir une stratégie efficace de communication et de sensibilisation pour mieux faire connaître les conséquences de la pêche illicite au point de vue de la surexploitation et de la reconstitution des stocks.

  • Encourager la mise en place de systèmes visant à améliorer et à récompenser le respect des règles de gestion.

THÈME 2. Établir des liens plus étroits entre les objectifs de conservation de la biodiversité et de sécurité alimentaire:

  • Favoriser la définition d’objectifs communs en matière de biodiversité et de sécurité alimentaire qui tiennent compte des arbitrages à opérer et qui soient adaptés aux contextes national et local.

  • Mobiliser et, lorsque cela est possible, orienter les cadres stratégiques existants et en cours d’élaboration (comme le Cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 de la CDB et les ODD) en vue de concevoir et mettre en œuvre des objectifs communs et d’en assurer le suivi.

  • Continuer à créer des cadres de gestion intégrée inclusifs qui s’orientent rapidement vers des points de référence compatibles avec les objectifs de gestion durable des écosystèmes, de façon à promouvoir une gestion responsable et participative qui se traduira par des actions concrètes à tous les niveaux.

  • Renforcer la capacité à effectuer le suivi et à rendre compte de la durabilité écologique, économique et sociale en prenant en compte des informations sur les écosystèmes (y compris les personnes) qui sont issues de différents domaines de connaissances (sciences sociales, économiques et biologiques et savoirs locaux et traditionnels) et ventilées par sexe.

  • Promouvoir et renforcer les partenariats diversifiés, inclusifs et responsables visant à assurer une gestion durable des écosystèmes au service de la biodiversité et de la sécurité alimentaire.

  • Faire intervenir des mécanismes axés sur le marché de nature à promouvoir la durabilité dans la gestion des pêches.

  • Les outils (y compris les nouvelles technologies) susceptibles de contribuer à la réalisation des objectifs communs existent déjà. Il convient de les mettre en œuvre en tenant compte des utilisations qui en ont été faites par le passé et en restant attentif aux particularités de chaque contexte.

THÈME 3. Contribution de la pêche à la sécurité alimentaire et à la nutrition:

  • S’appuyer sur les meilleures données scientifiques disponibles pour formuler des politiques alimentaires et des plans d’action en matière de nutrition.

  • Améliorer la collecte de données, l’analyse de la consommation de produits alimentaires d’origine aquatique, l’analyse nutritionnelle et l’évaluation de la sécurité sanitaire des aliments (au niveau des espèces, compte tenu des parties utilisées et des méthodes de transformation et de préparation).

  • Veiller à ce que les produits alimentaires d’origine aquatique parviennent à ceux qui en ont le plus besoin dans les diverses communautés au sein des régions et selon les besoins propres à chacun au sein des ménages, de façon à ce que les enfants, les femmes et les hommes puissent avoir accès aux protéines biodisponibles, aux acides gras et aux micronutriments essentiels.

  • Diffuser des messages adaptés au contexte par les voies appropriées pour encourager la consommation d’aliments d’origine aquatique variés, nutritifs et issus d’une production durable.

  • Incorporer les produits alimentaires d’origine aquatique aux politiques qui sous-tendent les systèmes alimentaires, compte tenu du rôle qu’ils sont susceptibles de jouer dans la lutte contre la malnutrition sous toutes ses formes.

  • Améliorer l’utilisation et la stabilité de l’offre de produits alimentaires d’origine aquatique en favorisant les technologies de rupture, les innovations sociales et les risques ciblés afin de mettre en place de nouveaux réseaux de gouvernance de la chaîne d’approvisionnement qui soient inclusifs et socialement équitables.

THÈME 4. Assurer des moyens d’existence durables aux pêcheurs:

  • Mettre en valeur et renforcer la contribution de la pêche, et en particulier de la pêche artisanale, aux revenus, à la culture, à la sécurité alimentaire et à la nutrition.

  • Reconnaître le rôle des femmes et faire de l’égalité des sexes dans l’ensemble de la chaîne de valeur, y compris dans la prise de décisions, une priorité.

  • Donner davantage de moyens d’action aux communautés de pêcheurs, développer les approches participatives et renforcer les capacités. Mettre en place et appuyer des institutions inclusives et des organisations de petits pêcheurs, y compris celles qui représentent les droits des communautés autochtones, des femmes et des groupes marginalisés de la société, pour que les communautés locales puissent prendre part à la planification, au développement et à la gouvernance des ressources et accéder à ces dernières ainsi qu’aux marchés.

  • Modifier les systèmes de collecte de données pour que soient prises en compte des données ventilées sur la nutrition, le bien-être, l’égalité des sexes et d’autres aspects non liés aux captures. Encourager la production conjointe d’informations avec les parties prenantes pour renforcer la confiance et la collaboration entre les gouvernements, le milieu universitaire et les communautés de petits pêcheurs, et développer les compétences nécessaires pour utiliser ces informations.

  • Promouvoir des méthodes de développement et de gouvernance de la pêche qui puisent dans les principes des Directives sur la pêche artisanale.

  • Veiller à ce que tous les acteurs de la chaîne de valeur, en particulier les femmes et les petits producteurs et transformateurs, soient en mesure de saisir les occasions qui se présentent, de s’octroyer une part équitable des résultats et de participer pleinement à des systèmes alimentaires durables et équitables.

  • Générer une prise de conscience quant à la contribution de la pêche artisanale aux moyens d’existence, à l’alimentation et à la nutrition de millions de personnes dans le monde et tirer parti de l’Année internationale de la pêche et de l’aquaculture artisanales (2022) pour valoriser les moyens d’existence provenant de la pêche.

THÈME 5. Durabilité économique de la pêche:

  • La pêche est une activité économique, et la répartition et l’utilisation rationnelles et judicieuses des ressources économiques, lorsqu’elles sont limitées, doivent être abordées lors des discussions relatives aux politiques, y compris dans le secteur halieutique.

  • Améliorer la collecte et l’analyse des données économiques sur les résultats concrets du secteur pour aider les décideurs à prendre des décisions éclairées.

  • Tenir compte des facteurs économiques dans les arbitrages en matière de politiques afin de mettre en place des systèmes de protection sociale qui viendront s’ajouter aux stratégies de développement de la chaîne de valeur.

  • L’augmentation de l’âge moyen des pêcheurs et de la disponibilité des solutions technologiques offre la possibilité de restructurer le secteur et d’améliorer les perspectives des jeunes et des travailleurs qualifiés, ce qui aura pour effet de réduire l’effort de pêche tout en améliorant les retombées économiques et la durabilité des ressources.

  • Instaurer un climat de confiance entre les acteurs tout au long de la chaîne de valeur. La gestion de la pêche n’est pas une démarche isolée; au contraire, elle requiert des efforts de sensibilisation qui passent par la participation aux actions en faveur de la durabilité à tous les niveaux de la chaîne de valeur, du pêcheur jusqu’au consommateur.

  • Définir et attribuer les droits de propriété et prendre des mesures en tenant compte du contexte local pour améliorer les performances économiques du secteur halieutique.

  • Veiller ce que le capital humain soit pleinement mis à profit. Généraliser les politiques sensibles à la problématique femmes-hommes afin d’accroître l’apport des femmes au secteur et d’améliorer leur bien-être et leurs conditions de travail, y compris au niveau de la prise de décisions.

  • Améliorer l’accès au crédit, à la finance et aux services d’assurance, en particulier dans le sous-secteur de la pêche artisanale et pour les entrepreneuses et les exploitantes issues des groupes défavorisés.

  • Réduire le gaspillage et augmenter le taux d’utilisation en développant de nouveaux produits et marchés.

  • Réduire et éliminer les subventions néfastes qui favorisent la surcapacité et la surpêche.

  • Œuvrer en faveur d’une plus grande responsabilité sociale au sein de la chaîne de valeur de la pêche en misant sur la coopération dans le cadre de partenariats public-privé et de collaborations internationales avec l’OIT, l’OMI et d’autres organisations.

THÈME 6. Conséquences du changement climatique sur la gestion durable de la pêche:

  • Une transformation urgente s’impose. De nombreux pêcheurs et aquaculteurs ont déjà commencé à s’adapter, mais les institutions et les politiques doivent leur emboîter le pas. Tirer les enseignements des exemples d’adaptation réussie.

  • Faire face au changement climatique en améliorant la gestion de la pêche à l’aide d’approches intersectorielles, intégrées et basées sur le principe de précaution qui visent davantage la résilience face à la variabilité plutôt que la stabilité.

  • Mettre au point des mécanismes adaptatifs de gestion par zone qui permettent de gérer les changements dans la répartition des espèces et dans le caractère saisonnier des processus écologiques.

  • Le changement climatique fera presque toujours des gagnants et des perdants. Il convient donc de négocier des arbitrages et de prendre appui sur la justice climatique, l’équité et des considérations éthiques lors de la prise de décisions sur la distribution des ressources halieutiques et l’accès à celles-ci.

  • Diversifier les chaînes de valeur en donnant une valeur ajoutée aux nouvelles ressources ou à celles qui sont actuellement sous-évaluées. Encourager la diversification des marchés pour éviter les maillons faibles qui réduisent la résilience face aux changements et aux chocs. Éduquer les consommateurs.

  • Concevoir des mesures d’adaptation qui tiennent compte des différences entre les sexes en matière de vulnérabilité et qui exploitent les aptitudes spécifiques des femmes et des jeunes ainsi que le rôle positif qu’ils peuvent jouer.

  • Investir dans des pratiques de pêche et de pisciculture novatrices, de nouvelles solutions d’assurance, des systèmes d’alerte rapide, la communication et l’utilisation de données en temps réel sur l’industrie.

THÈME 7. Rôle de l’innovation et des nouvelles technologies de l’information:

  • Intégrer la collecte de données et les chaînes d’approvisionnement. Les lacunes que présente la collecte de données restent importantes, mais elles n’expliquent plus à elles seules les déficits de données. Les pays en développement doivent investir pour pouvoir recueillir, rassembler et analyser des données dans le cadre de systèmes entièrement intégrés.

  • S’employer à développer des structures de services analytiques en ligne et investir dans les technologies de télédétection, la facilité d’accès à internet et les détecteurs pour produire de nouvelles connaissances intégrées et disponibles en temps réel.

  • La production de données simples et essentielles, pouvant être recueillies à l’aide d’une application pour téléphone, enrichirait considérablement la masse de données susceptibles d’éclairer les décisions en matière de gestion de la pêche.

  • Éliminer les barrières inutiles liées aux institutions et à la réglementation. Prendre conscience du poids des obstacles liés aux institutions, à l’administration et à la réglementation qui entravent la mise en place de systèmes efficaces d’information et d’échange de données sur la pêche, et envisager d’adopter des politiques de libre accès aux données reposant sur des principes solides et transparents.

  • Développer des connaissances fiables à partir des données. Définir des démarches précises, transparentes et inclusives pour faciliter la communication au niveau de l’interface science-politique pour que des sources fiables de données et d’informations (y compris autochtones) produisent des connaissances sur la pêche qui soient crédibles, intéressantes, fondées et ouvertement accessibles à tous les niveaux.

  • Réduire la fracture numérique. Investir dans la collecte de données sur appareils mobiles et dans l’utilisation des technologies de télédétection, et faire participer les communautés de pêcheurs, y compris les femmes et les jeunes, et leur donner accès à des services (notamment analytiques) qui amélioreront leurs moyens d’existence et leur implication. Faire connaître les nouvelles technologies disponibles et renforcer les capacités pour favoriser leur adoption, de façon à garantir des choix durables.

  • Appuyer le développement des compétences dans la chaîne d’approvisionnement des données (collecte, gestion et analyse des données).

  • Élaborer des principes directeurs internationaux sur le développement et l’utilisation équitable des nouvelles technologies et l’application des principes FAIR (Findable [facile à trouver], Accessible [accessible], Interoperable [interopérable], Reusable [réutilisable]).

  • En favorisant le renforcement de la gouvernance et la multiplication des partenariats entre les fournisseurs de données et de technologies, le secteur public peut contribuer à la mise en place de flux de données complètes, neutres et partageables entre les applications locales et les dispositifs mondiaux de statistiques et de suivi des tendances.

THÈME 8. Perspectives en matière d’action publique au service de la pêche et des écosystèmes aquatiques au XXIe siècle:

  • Incorporer la pêche à des plans de gouvernance et de planification plus larges – la gestion de la pêche ne peut pas être assurée de façon isolée et doit s’opérer aux côtés d’autres secteurs plus visibles et plus importants au niveau économique.

  • Poursuivre et intensifier les efforts menés pour éradiquer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Les États du pavillon, les États du port, les États côtiers et les États du marché doivent tous ratifier et mettre en œuvre l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port.

  • Soutenir les acteurs de la pêche artisanale en appliquant les Directives sur la pêche artisanale et accroître l’aide financière accordée dans le contexte de l’économie bleue et de la gestion des océans.

  • Renforcer la volonté politique et les moyens permettant d’améliorer la mise en œuvre des cadres stratégiques existants et favoriser la définition de politiques novatrices de nature à faire face aux défis qui se dessinent.

  • Veiller à ce que les décisions en rapport avec les politiques et la gestion halieutiques soient inclusives et tiennent compte des données scientifiques comme des savoirs locaux et traditionnels avec la considération qui leur est due.

  • Améliorer l’idée que se font le public et les pouvoirs publics de la pêche pour justifier les investissements et répondre aux critiques, de façon à les inciter à s’investir davantage dans le programme d’action en faveur de la pêche.

  • Accroître l’obligation de rendre compte et renforcer la confiance dans la capacité du secteur halieutique de contribuer aux efforts et de faire preuve de la transparence nécessaire, et améliorer la cohérence avec les objectifs de conservation.

  • S’assurer que les moyens d’existence, le bien-être et le travail décent constituent des objectifs fondamentaux de la gouvernance et de la gestion de la pêche, en mobilisant les parties prenantes et en préservant les droits et l’accès, le tout en conciliant les objectifs de sécurité et d’approvisionnement alimentaires avec les objectifs de conservation.

  • Veiller à ce que les initiatives en faveur du développement de l’économie bleue s’appuient sur le développement durable et tiennent compte des droits de ceux dont les moyens d’existence dépendent de la mer, aujourd’hui et à l’avenir.

  • Améliorer l’égalité entre les sexes, soutenir les jeunes générations et développer les capacités des communautés de pêcheurs.

Les recommandations susmentionnées doivent être prises en compte par la FAO et ses partenaires dans l’élaboration de leurs plans de travail pour les années à venir et constituer la base technique d’une déclaration sur la gestion durable des pêches qui sera présentée à la trente-quatrième session du Comité des pêches, en juillet 2020. La déclaration mentionnera les réussites obtenues et les défis à relever sur la voie de la gestion durable de la pêche et donnera une nouvelle impulsion en présentant une vision à la fois novatrice et positive de la pêche, 25 ans après l’approbation par les pays du Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO.

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1ER JUIN 2020

ADDITIF À LA SITUATION MONDIALE DES PÊCHES ET DE L’AQUACULTURE 2020

VUE D’ENSEMBLE DES RÉPERCUSSIONS DE LA PANDÉMIE DE COVID-19 SUR LE SECTEUR DE LA PÊCHE ET DE L’AQUACULTURE

La rédaction de l’édition 2020 de La situation mondiale des pêches et de l’aquaculture s’est achevée alors que la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (covid-19) gagnait le monde entier. Ainsi, bien qu’elle y fasse allusion, la publication n’analyse pas les conséquences de la pandémie sur le secteur. Le présent additif a pour objet de faire le point sur ces répercussions, qui évoluent rapidement, et de jeter les bases des interventions et des orientations stratégiques à envisager.

Bien que la covid-19 ne touche pas les espèces aquatiques (Bondad-Reantaso et al., 2020), jamais une crise n’avait autant ébranlé les systèmes alimentaires liés à la pêche et à l’aquaculture. Les mesures de protection adoptées par les gouvernements pour freiner la propagation de la maladie, tout en étant indispensables, ont eu une incidence sur chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement en produits aquatiques, qu’il s’agisse de la production halieutique et aquacole, de la transformation, du transport ou encore de la vente en gros ou au détail. En cette période de pandémie mondiale, le poisson1 reste pourtant une source essentielle de protéines animales, de micronutriments et d’acides gras oméga 3 dont l’importance est capitale dans les pays à faible revenu et à déficit vivrier (PFRDV) et les petits États insulaires en développement (PEID), où les régimes alimentaires reposent en grande partie sur cette ressource2. Il est donc fondamental que ces pays continuent d’avoir accès aux produits d’origine aquatique.

Protéger chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement de la pêche et de l’aquaculture

Au-delà de leur contribution aux moyens d’existence de nombreuses communautés tributaires de la pêche et de l’aquaculture, le poisson et autres produits aquatiques sont parmi les produits alimentaires qui génèrent le plus d’échanges commerciaux dans le monde, puisque 38 pour cent de ces denrées se retrouvent sur les marchés internationaux. Les mesures qu’il a fallu mettre en place pour freiner la propagation de la covid-19 ont bouleversé toutes les étapes des chaînes d’approvisionnement intérieures et internationales. Il est donc essentiel de protéger chacun de ces maillons pour éviter l’apparition de crises alimentaires mondiales et locales et préserver les économies qui dépendent du poiss3.

Baisse de l’activité de pêche

Dans le secteur artisanal comme dans le secteur industriel, les activités de pêche ont ralenti depuis le début de la d’avril 2020, l’activité de pêche industrielle s’était contractée d’environ 6,5 pour cent à l’échelle mondiale par rapport aux années précédentes, et ce, en raison des restrictions et fermetures liées à la covid-19 (Clavelle, 2020). Le manque de fournitures (glace, carburant, engins de pêche, appâts, etc.) résultant de l’arrêt des activités des fournisseurs ou de leur incapacité de vendre des intrants à crédit a lui aussi mis un frein aux opérations de pêche. Les pénuries de main d’œuvre ont également eu de graves conséquences, en particulier là où les équipages sont composés de travailleurs migrants. Les familles de ces travailleurs, restées dans leur pays d’origine, doivent ainsi faire face à une baisse ou à une interruption des envois de fonds (Banque mondiale, 2020). Dans certaines régions, on détecte depuis peu des signes d’amélioration dans plusieurs pêcheries – où l’on observe, par exemple, des ajustements au niveau des espèces ciblées et des stratégies de commercialisation pour suivre l’évolution de la demande – et certaines pêcheries artisanales pourraient bien s’adapter plus rapidement à la demande du marché.

Des conséquences diverses sur la production aquacole

L’influence de la crise sur l’aquaculture varie selon les régions, les espèces, les marchés et les moyens financiers des exploitations. En raison des perturbations, de nombreux exploitants se sont trouvés dans l’incapacité de vendre leur récolte et ont été contraints d’entretenir de grandes quantités de poissons vivants. D’autres n’ont pas été en mesure de mener à bien toutes les activités saisonnières indispensables, comme la sélection des poissons. Cette situation a entraîné des coûts et des risques supplémentaires, en particulier dans les cas où l’approvisionnement en intrants a été lui aussi mis à mal, et elle risque fort, par ailleurs, de retarder le repeuplement et les récoltes à venir. Le secteur de l’élevage d’espèces destinées à l’exportation est gravement touché par la perturbation du transport international. Bien que des organismes publics ou des institutions financières aient fourni un appui financier, le risque de faillite demeure. Pourtant, les premières projections établies par quelques entreprises semblent indiquer qu’elles pourraient parvenir à se remettre sur pied lorsque la crise s’apaisera.

Les exploitations aquacoles qui alimentent le marché du poisson vivant ou les services de restauration haut de gamme (dans les restaurants, les hôtels et les lieux de tourisme) sont aussi très fortement atteintes. Pour s’en sortir, elles devront avant toute chose être en mesure de réorienter leurs ventes vers d’autres marchés, en particulier les supermarchés et le commerce de détail, et miser sur les outils numériques, qui se sont imposés comme une innovation majeure pendant la crise.

Les entreprises et exploitations de petite ou moyenne taille sont aux prises avec des problèmes de liquidités; la situation actuelle a non seulement amputé leurs revenus, mais aussi engendré de nouvelles dépenses liées au coût que suppose l’entretien des stocks vivants dans les installations de production.

Les restrictions imposées sur le transport de marchandises, les mesures de précaution et la fermeture de frontières se sont également répercutées sur la disponibilité de la main-d’œuvre et des intrants aquacoles nécessaires à la production (médicaments, alevins et alimentation animale, par exemple). Du côté des fournisseurs d’intrants, les principales ondes de choc pourraient être ressenties dans les mois à venir, dans la mesure où certaines entreprises pourraient être contraintes d’arrêter leurs opérations ou de retarder le réapprovisionnement.

Transformateurs, marchés et négociants s’adaptent à la demande

Les producteurs qui fournissent le secteur des services alimentaires (hôtels, restaurants et services de restauration, par exemple) subissent les répercussions les plus sérieuses. Certains se sont tournés vers la vente directe et les services de livraison aux ménages dans l’espoir de compenser la chute de la demande au niveau des hôtels et des restaurants. Les exportations, ont été fortement entravées par les problèmes de transport. Les ventes au détail de denrées alimentaires, en revanche, restent stables ou progressent dans le cas du poisson surgelé, en conserve, mariné et fumé, dont la durée de conservation est plus longue.

Les problèmes de santé des travailleurs et les pénuries de main-d’œuvre liés à la covid-2019 et à la mise en quarantaine du personnel perturbent les activités de transformation. L’évolution de la demande se répercute par ailleurs sur le stockage, ce qui se traduit par une augmentation des pertes et gaspillages de nourriture. De nombreux marchés de poisson, en gros et au détail, sont souvent très fréquentés et bondés; cette situation présente un danger pour les négociants (dont la plupart sont des femmes) comme pour les consommateurs, qui prennent des risques non négligeables pour conserver leurs moyens d’existence dans le cas des premiers et pour acheter du poisson frais dans le cas des seconds.

Il est important de souligner que les effets sont plus marqués au niveau des filières d’approvisionnement informelles: de fait, en raison de l’absence de relations contractuelles formelles, on se retrouve confronté, entre autres, à des situations où aucune mesure n’est en place pour garantir la chaîne du froid et où les acteurs du secteur ne sont protégés par aucun contrat d’assurance. Enfin, l’annulation, partout dans le monde, de grands événements commerciaux consacrés aux produits alimentaires d’origine aquatique est une autre conséquence, liée au commerce mondial, de la pandémie.

Des conditions de travail difficiles dans la chaîne d’approvisionnement, en particulier pour les femmes et d’autres catégories de travailleurs vulnérables

Si certaines pêcheries artisanales ont été en mesure de s’adapter (par exemple, en vendant directement aux consommateurs), les pêcheurs et travailleurs du secteur sont, globalement, les plus durement touchés, entre autres parce qu’ils n’ont pas assez de capital pour braver la tempête, mais aussi parce qu’ils dépendent de la pêche pour vivre et se nourrir au quotidien et qu’ils n’ont pas accès aux services de santé. Dans certaines zones de la Méditerranée et de la mer Noire, plus de 90 pour cent des petits pêcheurs ont été contraints d’interrompre leur activité pendant le confinement – alors qu’il s’agit d’un secteur essentiel de la production alimentaire – parce qu’ils n’arrivaient pas à vendre leurs prises et/ou parce que les prix du poisson étaient tombés en dessous d’un niveau rentable (Euronews, 2020). Les femmes, qui comptent pour 50 pour cent de la main-d’œuvre dans la pêche et l’aquaculture4, sont particulièrement touchées par la baisse des débarquements et l’arrêt ou le ralentissement des activités de transformation et de commercialisation (Coalition pour des accords de pêche équitables [CAPE], 2020). Par ailleurs, les pêcheurs et les transformateurs et fournisseurs de poisson et autres produits aquatiques (qui sont souvent des femmes), sont exposés à un risque plus élevé d’infection puisqu’ils sont en contact étroit avec d’autres acteurs à toutes les étapes de la chaîne de valeur (CAPE, 2020). Les activités informelles, fréquentes dans le secteur, constituent en outre un obstacle supplémentaire qui complique l’accès des pêcheurs, des travailleuses et des aquaculteurs aux services de protection offerts dans le cadre des politiques en vigueur sur le marché du travail et des systèmes contributifs de protection sociale.

Dans les secteurs artisanal et industriel, les conditions de travail et la sécurité des pêcheurs se sont dégradées du fait de l’allongement des périodes de travail, qui favorise la fatigue et le stress. Cette crise sanitaire constitue néanmoins une occasion à saisir pour examiner et améliorer les conditions de travail et la situation sanitaire des groupes les plus vulnérables en accordant une attention particulière aux jeunes et aux femmes, qui assument une plus grande charge de travail et subissent davantage de violences sexistes.

Gestion et politiques

Les répercussions de la covid-19 ne sont pas sans nuire à la gestion de la pêche. Certaines enquêtes d’évaluation du poisson et autres animaux aquatiques ont été écourtés ou reportées, des programmes obligatoires d’observation de la pêche ont été momentanément interrompus, et le report des rencontres scientifiques et des réunions relatives à la gestion retardera l’adoption de certaines mesures nécessaires, de même que le suivi et l’application effective de ces mesures.

L’absence de surveillance et l’application moins rigoureuse des mesures risque de conduire à une gestion, à un suivi et à un contrôle moins responsables des opérations de pêche et à une intensification de la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. S’agissant de la sécurité des équipages, qui s’ajoute aux autres préoccupations, la crise a poussé les gouvernements du monde entier à entreprendre des actions inédites, notamment en adoptant des politiques et des mesures visant à protéger la santé publique et la sécurité des pêcheurs et des travailleurs de la pêche5 ainsi qu’à renforcer la protection sociale pour venir en aide aux plus vulnérables et éviter une crise socioéconomique. Les mesures de protection sociale adoptées se présentent sous la forme de mesures d’aide sociale (transferts monétaires, par exemple) et d’assurance sociale (dont l’assurance-maladie), de programmes liés au marché du travail (comme les allocations chômage) ainsi que de mesures destinées à assurer la stabilité de l’approvisionnement alimentaire.

Ce que fait la FAO

L’objectif premier de la FAO est d’assurer la sécurité alimentaire et la nutrition pour tous. Pour faire face à la pandémie de covid-19, l’Organisation mène une action sans précédent comprenant plusieurs volets: création de pages consacrées à la covid-19 sur son site web, élaboration d’analyses et de solutions ciblées pour l’ensemble des chaînes de valeur alimentaires, rédaction de documents d’orientation sectoriels et intersectoriels et formulation de conseils sur les calendriers de plantation et de récolte.

La FAO organise également des réunions de planification hebdomadaires sur la covid-19 avec les bureaux régionaux et sous-régionaux et s’entretient régulièrement avec les Membres pour faire le point avec eux sur la situation et les mesures de lutte contre la pandémie.

Parallèlement à cela, le Directeur général de l’Organisation continue d’informer les dirigeants et décideurs nationaux et la communauté dans son ensemble en intervenant à l’occasion de rencontres internationales telles que le G20, le Forum économique mondial et le Conseil économique et social des Nations Unies, en participant à divers échanges internationaux et en organisant des réunions bilatérales avec les Membres.

Dans le domaine de la pêche et de l’aquaculture, la FAO s’efforce avant tout de soutenir, de relancer et de renforcer les chaînes d’approvisionnement et les moyens d’existence dans le secteur en privilégiant les groupes et régions les plus fragilisés. Le Département des pêches et de l’aquaculture a apporté son concours à ces activités en créant une Équipe spéciale covid-19 chargée de coordonner les initiatives mises sur pied par le département pour faire face à la pandémie et de fournir un appui coordonné aux mesures et aux interventions visant à atténuer les effets de la covid-19 sur la pêche et l’aquaculture. Dans cette optique, les actions menées récemment par la FAO et actuellement en cours consistent à:

  • préparer des documents d’orientation traitant des répercussions de la covid-19 sur le secteur et des solutions à envisager (FAO, 2020a), ainsi que des questions-réponses destinées à fournir des renseignements sur les sujets les plus pressants (FAO, 2020b);

  • suivre l’évolution de la situation en collaboration avec les Membres, des représentants du secteur et de la société civile et d’autres parties prenantes, formuler des orientations, des conseils techniques et des conseils en matière de gestion et fournir une assistance technique à l’appui de l’innovation et de l’adaptation des pratiques tout au long de la chaîne d’approvisionnement;

  • coordonner les informations et les interventions avec les partenaires régionaux et internationaux, comme les organes régionaux des pêches (FAO, 2020c), les organisations économiques intergouvernementales, les centres de recherche et les organisations de la société civile;

  • continuer d’approfondir la connaissance du virus, d’évaluer la menace qu’il est susceptible de représenter pour les systèmes alimentaires nationaux, régionaux et mondiaux – grâce aux nouvelles informations et connaissances de plus en plus solides dont on dispose et qui sont fondées, notamment, sur des normes internationales, des avis d’experts et des études validées par les milieux scientifiques – et de mobilier des ressources pour harmoniser les mesures d’atténuation des conséquences de la covid 19;

  • collaborer avec les institutions financières et les donateurs à la mise au point de vastes programmes d’intervention concertés visant à agir sur les priorités les plus urgentes pour relancer les chaînes d’approvisionnement.

Références

Banque mondiale. 2020. Selon la Banque mondiale, les remises migratoires devraient connaître un repli sans précédent dans l’histoire récente. Dans: Banque mondiale [en ligne]. [Consulté le 22 mai 2020]. www.worldbank.org/fr/news/press-release/2020/04/22/world-bank-predicts-sharpest-decline-of-remittances-in-recent-history

Bondad-Reantaso, M.G., MacKinnon, B., Hao, B., Huang, J., Tang-Nelson, K., Surachetpong, W., Alday-Sanz, V., Salman, M., Brun, E., Karunasagar, I., Hanson, L., Sumption, K., Barange, M., Lovatelli, A., Sunarto, A., Fejzic, N., Subasinghe, R., Mathiesen, Á.M. et Shariff, M. 2020. Viewpoint: SARS-CoV-2 (the cause of COVID-19 in humans) is not known to infect aquatic food animals nor contaminate their products. Asian Fisheries Science, 33: 74–78 [en ligne]. [Consulté le 22 mai 2020]. https://doi.org/10.33997/j.afs.2020.33.1.009

Clavelle, T. 2020. Global fisheries during COVID-19. Dans: Global Fishing Watch [en ligne]. [Consulté le 22 mai 2020]. https:// globalfishingwatch.org/data-blog/global-fisheries-during-covid-19/

Coalition pour des accords de pêche équitables (CAPE). 2020. «Durement touchées par la crise du Covid-19, les femmes ivoiriennes dans la pêche artisanale y voient également une opportunité de traiter des enjeux longtemps reportés». Dans: CAPE [en ligne]. [Consulté le 22 mai 2020]. www.capecffa.org/blog-actualites/durement-touches-par-la- crise-du-covid-19-les-femmes-ivoiriennes-dans-la-pche-artisanale-y- voient-galement-une-opportunit-de-traiter-des-enjeux-longtemps-reportes

Euronews. 2020. Pêcheurs et aquaculteurs européens se mobilisent face à la tempête du coronavirus. Dans: Euronews [en ligne]. [Consulté le 22 mai 2020]. https://fr.euronews.com/2020/05/19/pecheurs-et-aquaculteurs-europeens-se-mobilisent-face-a-la-tempete-du-coronavirus

FAO. 2020a. Effets de la covid-19 sur les systèmes alimentaires halieutiques et aquacoles [en ligne]. [Consulté le 22 mai 2020]. http://www.fao.org/3/ca8637fr/CA8637FR.pdf

FAO. 2020b. Travailleurs migrants et pandémie de covid-19 [en ligne]. [Consulté le 22 mai 2020]. http://www.fao.org/3/ca8559fr/CA8559FR.pdf

FAO. 2020c. The impact of COVID-19 on fisheries and aquaculture – a global assessment from the perspective of regional fishery bodies. Initial assessment, May 2020. No. 1. Rome. 35 pages. (Également consultable à l’adresse suivante: www.fao.org/3/ca9279en/ca9279en.pdf).

Certains droits réservés. Ce travail est mis à la disposition du public sous la licence CC BY-NC-SA 3.0 IGO

Citation requise: FAO. 2020. Vue d’ensemble des répercussions de la pandémie de covid-19 sur le secteur de la pêche et de l’aquaculture: Additif à La situation mondiale de la pêche et de l’aquaculture 2020. Rome. https://doi.org/10.4060/ca9349fr