Historique
1 La plupart des ressourcée halieutiques demeurant intactes ou sous-exploitées se trouvent dans les eaux tropicales, en des zones relativement proches du littoral de pays en développement. La tendance internationale & l'extension des droits de juridiction sur les pêcheries côtières1, la place croissante faite par les pays en développement & la souveraineté nationale sur les ressources naturelles et la susceptibilité des mêmes pays vis-à-vis de la domination de l'étranger sur l'exploitation des ressources naturelles sans participation locale, à quoi il faut joindre le manque de capital et de compétence technique dans les pays susmentionnés pour mettre ces ressources en valeur sans aide extérieure et la pression croissante exercée par les industries halieutiques les pays développés pour trouver de nouveaux terrains de pêche, tels sont les facteurs qui expliquent le succès spectaculaire remporté ces dernières années dans le monde entier par les entreprises mixtes du secteur des pêches. Nonobstant leur importance croissante comme mode de coopération internationale pour promouvoir le développement, l'on manque de renseignements et d'observations analytiques sur les entreprises mixtes de ce secteur, bien que d'importantes études soient actuellement en cours & la FAO sur divers aspects de cette question au plan mondial, et notamment dans la région de l'Océan indien.
1 Pour la situation concernant les droits invoqués en juillet 1973, voir Limites et statut de la mer territoriale, des zones de pêche exclusives, des zones de conservation des pêcheries et du plateau continental, circulaire FAO sur les pêches No. 127 Rev. 1, Rome. 1973.2 C'est sous cet angle international que le Comité des pêches pour l'Atlantique Centre-Est (COPACE), & sa troisième session réunie a Santa-Cruz de Ténériffe, en décembre 1972, a demandé que soit préparée une étude fondée sur les entreprises mixtes existantes dans la zone du COPACE, dont le but serait de dégager des lignes directrices et de présenter des suggestions d'ordre pratique pour la conclusion d'accords visant la création d'entreprises mixtes. Conformément a cette demande, la FAO a chargé un expert-conseil, M. R. Payne, de participer a la préparation d'une telle étude. L'expert a visité plusieurs pays dans la zone relevant du COPACE pendant les mois de janvier et de février 1974 et soumis ses conclusions dans un rapport préliminaire au Sous-comité du COPACE sur le développement des pêches, qui s'est réuni a Dakar en mars 1974 (CECAF:FD/74/6, mars 1974). Les conclusions de M. Payne ont servi a préparer la première partie de la présente étude.
3 Dans les sections suivantes, l'étude aborde en premier lieu certains facteurs de base qui influent sur la participation étrangère aux pêcheries, y compris la distribution des ressources et des marchés dans la zone intéressée et l'étendue des droits de juridiction nationale invoqués sur les pêcheries côtières, puis elle envisage les diverses formes de participation étrangère aux pêcheries, dont l'entreprise mixte n'est qu'une modalité. L'étude examine ensuite quelques traits saillants des entreprises mixtes de pêche dans la zone du COPACE et l'attitude adoptée par divers gouvernements des pays de cette zone a leur égard, passant en revue certains des problèmes qui se posent lors de leur conception et de leur fonctionnement. Après quoi, des observations et des lignes directrices sont formulées touchant la formation et le fonctionnement des entreprises mixtes de pêche en général. En conclusion, l'étude indique quelle part pourrait jouer la FAO pour promouvoir la coopération internationale dans le développement des industries halieutiques.
Ressources halieutiques et potentiel du marché dans la zone du COPACE
4 Il existe un contraste marqué entre la distribution de la population et celle des ressources halieutiques dans la zone du COPACE. Les ressources les plus abondantes se trouvent au long des cêtes de régions aussi peu peuplées que le Sahara (Rio de Oro) et la Mauritanie au nord et l'Angola-Namibie au sud, mais généralement elles manquent sur le littoral fortement peuplé du golfe de Guinée. Cette séparation entre les ressources et les marchés a stimulé l'expansion de l'industrie, halieutique dans les zones abondamment pourvues par des pays n'appartenant pas à la région2 et plus récemment la croissance d'arrangements et d'armements communs à la pêche au sein même de la région.
2 Selon les estimations de la FAO, les captures des pays non riverains ont augmenté pendant la période 1964-1972, passant de 571 000 à 2 millions de tonnes, alors que pour toute la régions le total des prises est passé de 1,1 million de tonnes en 1964 à 2,9 millions de tonnes en 19725 En général, le marché du poisson n'est pas encore saturé; en fait, le déséquilibre entre l'offre et la demande s'accentue et, compte tenu des besoins de la région, le déficit devrait atteindre un million de tonnes dans le proche avenir. Les trois principales sources de poisson (les eaux côtières, le bassin supérieur du Niger au Mali, et le bassin du lac Tchad) ne parviennent pas à satisfaire la demande des zones à forte densité démographique, notamment le Nigeria, et l'on continue à importer en quantités notables des produits de la pêche provenant de pays non riverains du golfe de Guinée, principalement de la morue séchée (stockfish) et plus récemment du poisson congelé mis à terre directement par des chalutiers étrangers.
Droits de juridiction nationale invoqués sur les ressources halieutiques côtières dans la zone du COPACE
6 Comme on l'a noté dans l'introduction au présent rapport, la récente tendance à l'extension des droits de juridiction invoqués sur les pêcheries côtières et l'éventualité de nouvelles extensions à la suite de la troisième Conférence des Nations Unies sur le droit de la mer actuellement en cours à Caracas ont pour effet d'encourager la formation d'armements communs à la pêche dans le monde entier. Il en est notamment ainsi dans le cas des pays de la zone du COPACE.
7 Au moment où le présent rapport est rédigé, les droits invoqués touchant les limites de la mer territoriale ou des zones de pêche exclusive par les pays situés dans la zone du COPACE varient entre 12 et 200 milles, la plupart des pays ayant reculé ces limites au cours des sept dernières années, et dans de nombreux cas, au cours des trois dernières années. On trouvera dans le tableau ci-après la situation actuelle des droits invoqués d'après les données dont dispose la FAO.
Pays |
Mer territoriale |
Zone de pêche exclusive |
Zone de conservation des pêcheries |
Cameroun |
18 milles (1967) |
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Congo, Rép. populaire de |
30 milles (1971) |
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Côte-d'Ivoire |
6 milles (1967) |
12 milles (1967) |
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Dahomey |
12 milles (1968) |
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Gabon |
100 milles (1972) |
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Gambie |
50 milles (1971) |
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Ghana |
30 milles (1972) |
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130 milles (1963) (1972) |
Guinée |
130 milles (1964) |
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Guinée équatoriale |
12 milles (1970) |
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Libéria |
12 milles (1967) |
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Maroc |
12 milles (1973) |
70 milles (1973) |
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Mauritanie |
30 milles (1972) |
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Nigeria |
30 milles (1971) |
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Sahara espagnol |
6 milles (1960) |
12 milles (1967) |
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Sénégal |
12 milles (1968) |
122 milles (1972) |
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Sierra Leone |
200 milles (1971) |
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Togo |
12 milles (1964) |
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Zaïre |
Pas de législation |
Formes de la participation étrangère au développement des pêches dans les pays de la zone
9 Comme indiqué précédemment, l'éloignement géographique des marchés vis-à-vis des ressources halieutiques dans la zone du COPACE et le besoin accru de capital et de compétence ont nécessité quelque forme de participation étrangère au développement des pêches dans la plupart des pays de la région. Le type et la base de cette participation peuvent revêtir différentes formes, depuis l'octroi de licences de pêche dans les eaux nationales aux bateaux de pays voisins, en vertu d'accords internationaux de réciprocité des droits de pêche, jusqu'à la participation active du capital privé à des armements communs. Ci-après, les principales formes de participation dans la zone du COPACE.
(a) Accords intergouvernementaux sur la réciprocité des droits de pêche10 Pendant la période 1960-1961, la France a conclu avec nombre d'Etats africains francophones nouvellement indépendants des accords aux termes desquels les navires de chaque Etat jouiront dans les ports, les eaux territoriales et exclusives de l'autre Etat, en ce qui concerne les pêches, du même traitement que les navires battant pavillon dudit Etat. Des accords de ce type ont été conclus, par exemple, avec le Dahomey, le Gabon, la Côte-d'Ivoire et la Mauritanie, et un autre analogue a été négocié entre le Maroc et l'Espagne en 1969. Plusieurs de ces accords ne sont plus en vigueur et ont été remplacés par d'autres qui donnent de plus grands avantages aux pays en développement.
11 Certains des pays riverains de l'Atlantique Centre-Est ont conclu des arrangements plus ou moins officiels qui permettent aux navires de pays voisins (ou d'autres pays de la région) de pêcher dans les eaux marines qui dépendent de leur juridiction. Des arrangements de ce type existent, par exemple, entre la République populaire du Congo et le Gabon, le Cameroun et le Nigeria, le Nigeria et le Dahomey, le Libéria et la Sierra Leone. Il est souvent difficile de discerner si ces arrangements ont une valeur juridique ou si la pêche par les navires de l'autre pays est simplement tolérée non officiellement. Certains de ces arrangements ne semblent plus en vigueur, car les opérations de pêche qui tomberaient SOUS leur coup aupposent apparemment le paiement de droits.
(b) Accords intergouvernementaux portant autorisation de la pêche12 Il s'agit surtout d'accords bilatéraux aux termes desquels les bateaux étrangers peuvent être autorisés à pratiquer la pêche contre paiement de droits ainsi qu'en échange de certains services (par exemple, la communication de rapports sur leurs captures et d'autres renseignements importants pour l'évaluation des stocks de poisson). Généralement, ces accords spécifient le nombre et la jauge des navires autorisés à pêcher, la ou les zones dans lesquelles ils peuvent opérer, les ressources halieutiques qu'on leur permet d'exploiter et les mesures de conservation qu'ils doivent respecter. Des dispositions spéciales sont parfois incorporées à de tels accords concernant l'emploi (ou la formation) à bord des navires autorisés à pêcher, d'un nombre spécifié de ressortissants du pays riverain (par exemple, dans l'accord conclu entre la Mauritanie et la France en mars 1973), l'octroi de licences d'importation par les pays d'outre-mer pour les produits de la pêche du pays riverain (il en est ainsi pour le poisson congelé produite en Mauritanie et importé en Grèce et dans plusieurs accords bilatéraux conclus entre les deux pays, qui comportent également les clauses relatives A l'emploi des équipages mentionnées auparavant), l'obligation de mettre à terre un certain pourcentage des captures (dans certains cas limité à certaines espèces), dans le pays riverain.
(c) Accords portant autorisation de la pêche passés avec des entreprises privées13 Une bonne part de l'élan dont a bénéficié initialement le développement dans la région est imputable aux navires-usines appartenant à des sociétés étrangères qui opèrent à partir de bases situées au large des côtes, dans les eaux nationales des Etats riverains, aux termes d'arrangements portant autorisation de la pêche, ainsi qu'aux navires de plus petit tonnage qui opèrent à partir d'une base terrestre, souvent en vertu d'accords contractuels avec de petites usines riveraines appartenant à des expatriés. Etant donné que les Etats riverains désirent avantager le plus possible leur propre économie et assurer la participation maximale des intérêts locaux à la mise en valeur de ce secteur des ressources naturelles, les sociétés menant des opérations au large des cotes se voient de plus en plus imposer des obligations touchant l'approvisionnement du marché national, l'établissement de facilités & terre et la formation du personnel local, en sus du paiement de droits de pêche élevés. Dans la plupart des cas, l'on a encouragé leur association avec les intérêts locaux au sein d'armements communs et dans un pays, le Sénégal, la pêche dans les eaux nationales a été interdite à tous les navires, à l'exception de ceux exploités par des sénégalais ou par des sociétés dont 51 pour cent au moins des actions sont détenues par des ressortissants du pays.
(d) Armements communs internationaux14 On utilise ici l'expression "armement commun" au sens général d'une association entre plusieurs parties, tant privées que gouvernementales, en vue d'entreprendre un projet commercial dans le secteur des pêches avec partage des risques et des avantages de ce projet. Ce terme recouvre une multitude d'arrangements divers d'ampleur et de portée variables. De tels arrangements entraînent souvent la création d'une société en participation distincte, dans laquelle chacune des parties détient une partie des actions; dans ce cas, il s'agit d'un "armement commun en participation". Dans d'autres cas, aucune société indépendante n'est formée et le rapport entre les parties est uniquement de nature contractuelle; il s'agit alors de ce qu'on appelle un "armement commun contractuel".
15 On utilise souvent les armements communs contractuels lorsque la législation du pays où l'entreprise exercera ses activités ne reconnaît pas la notion de propriété privée des biens3. Etant donné leur caractère de moindre permanence, les armements communs contractuels servent parfois d'étape préliminaire à la création d'armements communs en participation, notamment lorsque l'on a besoin de mener des opérations de pêche exploratoire et de prospection pour déterminer la possibilité d'établir une véritable industrie halieutique. Les accords portant autorisation de la pêche décrits précédemment, qui comportent des obligations touchant la formation, l'emploi et l'établissement de facilités à terre, peuvent également être considérés comme des armements communs contractuels, bien que dans ce cas l'élément du partage des risques et des avantages soit moins marqué.
3 ONUDI Manuel de l'élaboration d'accords par la création d'entreprises communes dans les pays en voie de développement, Nations Unies, 1971, p. 3-616 Etant donné le désir des pays riverains d'assurer une participation réelle des intérêts locaux, tant gouvernementaux que privés, au développement des industries halieutiques, de donner une certaine permanence aux opérations de pêche et de les soumettre véritablement au contrôle de la législation nationale, les armements communs en participation deviennent de plus en plus le type le plus courant d'entreprise commune dans les pêcheries de la zone du COPACE.
17 Il existe actuellement des armements communs, pour la plupart établis lors des quelque cinq dernières années, dans la majorité des pays riverains de l'Atlantique Centre-Est. Parmi les pays d'outre-mer qui participent à de telles entreprises par l'intermédiaire d'organismes officiels ou d'entreprises privées, citons la France, l'Italie, le Japon, la République de Corée, Koweït, les Pays-Bas, la Norvège et les Etats-Unis d'Amérique. Des entreprises communes inter-régionales ont été formées ces dernières années, ou font actuellement l'objet de négociations entre le Nigeria et le Maroc, le Nigeria et la Mauritanie, la Sierra Leone et le Libéria, le Maroc et la Mauritanie, pour no citer que quelques pays,