"L'information est essentielle aux activités économiques et sociales qui constituent le développement. Les télécommunications, en tant que moyen de partager l'information, ne sont pas un simple raccordement entre des individus, mais un maillon de la chaîne du processus même de développement."
Heather Hudson. 1995. Banque Mondiale - Rapport sur
Economic and social benefits of rural telecommunications.
En cette fin de XXe siècle, les habitants des zones rurales reculées dans les pays en développement doivent faire face à de nouveaux défis résultant de l'évolution de l'économie mondiale, des variations des contextes politiques, de la dégradation de l'environnement et des pressions démographiques. Le nombre des personnes soumises à l'insécurité alimentaire ne cesse d'augmenter. Pour relever ces défis et prendre les décisions qui s'imposent, la population à tous les niveaux de la société, et particulièrement ceux qui sont victimes d'insécurité alimentaire et les organisations qui les représentent ou les appuient, doivent avoir accès à l'information essentielle et communiquer. Améliorer l'accès à l'information et à la communication fait partie intégrante du développement économique et social (Banque Mondiale, 1995). Le développement participatif notamment dépend directement des processus de communication et de diffusion de l'information.
On ne peut attendre des paysans pauvres ni des habitants de communautés rurales souffrant d'insécurité alimentaire de citer les ordinateurs et les services de communication numériques au nombre des priorités fondamentales pour améliorer leurs conditions de vie. Nombreux cependant sont les intermédiaires intervenant en appui à ces populations et qui, comme les petites et moyennes entreprises rurales, peuvent améliorer leur travail, leur aptitude à communiquer et leur efficacité et réduire leurs coûts de télécommunication grâce à ces technologies. La concrétisation de tels avantages passe par une approche intégrée qui renforce les moyens de communication horizontaux et verticaux.
Les organisations intermédiaires comme les services de vulgarisation, les ONG rurales, les centres de santé, les services déconcentrés des gouvernements, les organisations religieuses et les PME peuvent en faire bénéficier leur public local de multiples façons. Toute stratégie d'amélioration de l'accès à Internet et de son utilisation pour le développement agricole et rural devra nécessairement s'assurer la participation des organisations intermédiaires et autres acteurs ruraux. A mesure que les services d'Internet sont plus largement utilisés par ces organisations, il devient plus important d'échanger les leçons tirées de l'expérience de terrain et de faire connaître les "meilleures pratiques".
Ce document émet onze recommandations pour aider les acteurs ruraux à accéder aux services offerts par Internet et à en faire un usage créatif:
"La première étape consiste à faire connaître les possibilités d'avancement que l'on perçoit maintenant dans le développement, leurs implications pratiques et la façon de les intégrer dans la gestion d'entreprises. Les gouvernements et les agences de donateurs doivent s'éveiller aux nouvelles politiques engendrées par cet avancement et aux nécessaires partenariats des secteurs public et privé."
Bernard Woods. "Ceres", Revue de la FAO No.158,
mars-avril 1996.
L'expansion d'Internet dans les pays en développement est principalement le fait des organisations non gouvernementales, des universités et des prestataires de services Internet du secteur privé. Ces organismes sont généralement de petites structures à faible budget, mais ils parviennent à utiliser les nouvelles technologies pour fournir à la société civile des services Internet fiables et à des prix compétitifs. Avec peu, voire pas du tout, d'aide des donateurs, ils sont apparus comme les prestataires de services les plus fiables et les plus durables dans les pays en développement.
Les gouvernements y participent également, directement ou indirectement, en améliorant les télécommunications (fibres optiques, relais satellites), l'environnement politique et réglementaire de manière à encourager les initiatives du secteur privé, les centres de conseil en technologie de l'information et de la communication (tels le Regional Information Technology and Software Engineering Centre - RITSEC - en Egypte), l'appui technologique au secteur éducatif et, dans certains cas, un service de télécommunications du gouvernement sur Internet (au Sénégal par exemple). Cependant, les régions rurales éloignées se heurtent à de nombreux obstacles pour recevoir les services offerts par Internet et en tirer parti. Ainsi, de nombreuses capitales africaines disposent de services Internet relativement fiables, mais au-delà de tels lieux ponctuels d'infrastructures et d'administration, le service est pauvre sinon inexistant.
Les donateurs peuvent jouer un rôle important en influant sur les politiques nationales concernant le développement agricole et rural et sur les stratégies nationales d'amélioration des télécommunications. Ils peuvent par exemple:
Ces derniers temps, nombre d'agences d'aide et de bailleurs de fonds ont "pris en marche le train d'Internet" et appuyé une série de projets relatifs au réseau mondial en Afrique et en Amérique latine. Mais ce n'est que récemment que certaines de ces agences ont commencé à coordonner leurs actions et à collaborer pour appuyer l'expansion et le renforcement des services Internet dans les zones rurales éloignées (cf. le partenariat entre le CRDI et la FAO en Afrique australe). C'est pourtant dans ces zones que les besoins en termes d'amélioration des services de communication et d'information sont les plus grands. Une action des donateurs dont les populations rurales tireraient de nombreux bénéfices consisterait justement à appuyer de manière coordonnée l'expansion et le renforcement des services Internet dans les zones reculées. Ce faisant, les donateurs peuvent être certains que leurs actions auraient un effet multiplicateur pour les actions des autres bailleurs, tout en servant une population spécifique - les habitants des zones rurales - qui sans cela continuera d'être négligée.
Un rapport relatif à l'African Networking Initiative (Jensen, 1996), réalisé à la demande du Centre international de recherche sur le développement (CRDI), contient nombre de recommandations utiles pour une stratégie de coordination régionale en Afrique:
Ce rapport étant le fait de l'African Networking Initiative, principale initiative africaine destinée à coordonner les actions relatives aux technologies de l'information et de la communication, il mérite qu'on lui accorde une attention particulière. Il est à la fois une source d'information pertinente et un lieu d'expression pour les utilisateurs d'Internet et des technologies de l'information et de la communication dans les pays en développement. Ceux d'entre nous qui travaillent avec les agences d'aide sont heureusement à l'écoute de ces voix.
Des projets pilotes consacrés à Internet peuvent permettre de concevoir des actions locales dans la lignée des réalisations proposées plus haut. Ces projets devraient démarrer à petite échelle (des investissements aussi faibles que 18 000 dollars donnent déjà de bons résultats) afin d'être mis en place rapidement et de profiter des perspectives de collaboration avec d'autres agences d'aide. Les résultats devraient être soigneusement capitalisés et diffusés aux plans local, national et international au moyen de rapports, de vidéos, de sites World Wide Web et des médias locaux et internationaux. Les chances de succès seraient accrues par l'établissement de liens avec les services et projets Internet existants (en ville et à la campagne) faisant appel à une large participation locale. Les projets pilotes devraient s'efforcer d'associer les femmes et les jeunes (qui sont souvent les plus actifs dans ce type de projets) à la conception, au développement et à la mise en Ïuvre des actions. En outre, les petits projets pilotes permettent de définir les "meilleures pratiques", offrent l'opportunité de partager les "leçons" qui en sont tirées et sont des moyens d'accroître l'impact des initiatives relatives à Internet et de renforcer la coordination.
Les projets pilotes permettent également de mieux connaître et de mettre en lumière les défis posés par l'appui à une communication participative en faveur du développement. Les travaux de recherche sur leurs impacts ne doivent pas seulement s'attacher aux utilisateurs et aux applications locales, mais aussi à ceux qui ne s'impliquent pas directement dans les actions locales relatives à Internet (la population plus agée ou marginalisée par rapport aux structures de pouvoir), de façon à proposer des mécanismes qui leur permettent de tirer parti, directement ou indirectement, de ces initiatives. La recherche peut également fournir des données fiables sur les technologies les plus appropriées et les infrastructures de base nécessaires aux services Internet en milieu rural.
"Les ONG - reliées par des réseaux bien conçus - peuvent jouer un rôle fondamental dans deux directions: intensifier le travail et les compétences organisationnelles dont ont besoin les communautés de base pour assurer leur autosuffisance alimentaire, et articuler au niveau politique les préoccupations exprimées à la base. Les ONG sont ainsi susceptibles de favoriser le développement en améliorant directement la sécurité alimentaire des populations les plus pauvres, et en se faisant l'écho de leurs besoins et de leurs préoccupations en matière d'alimentation lors de la définition des priorités nationales de développement".
Ephraïm Matinhira, administrateur régional
Réseau sur la sécurité alimentaire des ONG du SADC. 1993.
Les services d'information et de communication sur Internet les plus efficaces et les plus utiles sont ceux qui sont gérés et mis en Ïuvre par les membres des organisations auxquelles ils sont destinés. Une gestion par l'utilisateur garantit que l'information est adaptée, et réellement demandée, par les utilisateurs locaux. Aujourd'hui, la plupart des services d'information destinés aux ruraux et aux agriculteurs sont conçus avec très peu, voire sans collaboration avec les utilisateurs désignés.
Les organisations non gouvernementales, comme les associations paysannes et les coopératives, sont mieux placées pour élaborer et fournir des services d'information et de communication à ces populations. Les actions de la FAO au Mexique, au Chili et en Afrique australe explorent des approches de communication pour le développement qui garantissent l'existence de cette composante fondamentale dans les services Internet. Ils font en sorte de promouvoir au niveau local des processus d'analyse de l'information et des techniques appropriées pour la diffusion de cette information. Dans le cadre de ces projets, une collaboration sur le plan technique avec le secteur privé, le gouvernement et/ou une université permet aux organisations non gouvernementales de se concentrer sur le contenu et les processus d'information, en déléguant les aspects techniques à un personnel plus qualifié.
Développer des services d'information avec les utilisateurs et faciliter une gestion durable des réseaux de communication par leurs utilisateurs n'est pas une stratégie répandue parmi les bailleurs de fonds. Il est plus fréquent de s'apercevoir que les bénéficiaires désignés ne connaissent pas les services de communication et d'information qui ont été créés pour eux. L'approche de communication pour le développement de la FAO expérimentée en Amérique latine appuie la conception de services de communication et d'information à partir d'une évaluation des besoins en information des utilisateurs et s'efforce de développer des stratégies d'appropriation et de gestion des systèmes qui soient viables sur le plan financier. Une part importante de l'approche consiste à proposer une formation et un appui sur la durée, dispensés par les organisations et les utilisateurs concernés. Il est relativement facile d'installer la technologie des réseaux électroniques d'information et de communication; il est beaucoup plus difficile en revanche de créer des systèmes que les gens utilisent réellement et dont ils tirent des avantages tangibles.
Connecter directement à Internet les petits producteurs et les habitants des campagnes est, dans la plupart des pays en développement, infaisable. Cependant, de nombreux intermédiaires (organisations non gouvernementales et services publics) qui travaillent auprès de ces populations peuvent utiliser les services Internet pour améliorer leurs prestations. Ce point montre l'importance de l'approche intégrée de communication horizontale et verticale prônée dans ce document. Les organisations qui sont ouvertes à une pleine collaboration avec les personnes qu'elles appuient peuvent constituer des lieux privilégiés pour accéder à Internet et analyser l'information. De telles organisations peuvent devenir des Services communautaires d'accès aux télécommunications (Community Access Telecommunication Services - CATS), analysant et diffusant des informations pertinentes localement et permettant au public d'accéder aux services Internet comme le courrier électronique.
Cette dernière fonction est en train de devenir un service en soi dans de nombreux pays en développement. Les Télécentres au Sénégal et les Cybercafés au Mexique et au Zimbabwe, créés par des entrepreneurs locaux, sont des exemples de tels services de télécommunication de base. Le courrier électronique commence à remplacer la télécopie et le télex pour envoyer des messages entre individus et organisations à un coût extrêmement bas. Au fur et à mesure de l'expansion d'Internet (qui voit doubler chaque année le nombre de ses utilisateurs), divers types de CATS, de télécentres, de cybercafés créeront leur niche dans les pays en développement où l'achat d'un ordinateur personnel excède les moyens de la plupart des individus.
Le concept de "centre d'information communautaire" n'est pas d'aujourd'hui, mais Internet ouvre de nouvelles perspectives pour installer de tels centres en zones rurales. Un ordinateur, un modem et une ligne téléphonique mettent une bibliothèque mondiale en croissance permanente à portée de main des populations des zones rurales éloignées où l'on voit rarement un livre. Les populations peuvent ainsi accéder aux sources et aux outils d'information dont ils ont besoin pour résoudre leurs propres problèmes, établir leur propre rythme de développement et acquérir plus de pouvoir en accédant à la connaissance. Les centres communautaires, les écoles, les bibliothèques rurales, les ONG locales, les associations de producteurs, les organisations municipales, les associations religieuses et les centres de santé peuvent accueillir des centres d'information communautaires.
Au Canada, une initiative du gouvernement fédéral connue sous le nom de Programme d'accès communautaire (Community Access Program - CAP) a fait grandement progressé l'accès des ruraux à Internet en accordant plus de 800 dons (et un total de 1 500 d'ici à la fin de 1998) aux communautés rurales éloignées ayant le plus grand besoin des services d'Internet. Le CAP peut fournir un modèle utile aux acteurs ruraux désirant créer des services Internet dans les pays en développement.
Le CAP est un moyen relativement bon marché d'introduire Internet dans les zones rurales. Les organisations communautaires montent un dossier précisant leurs plans d'action, leurs besoins en ressources, et démontrant l'intérêt de la communauté et son implication, notamment en termes de contribution financière. Ces propositions sont évaluées en fonction des besoins de la communauté et de son engagement dans les projets locaux. Un financement est ensuite accordé, qui peut atteindre au maximum 25 000 dollars; la plupart des projets reçoivent entre 4 000 et 18 000 dollars. Le CAP pousse les communautés à engager des partenariats avec les universités, les écoles, les bibliothèques, les centres de santé et les organisations non gouvernementales locales. Les habitants des communautés qui reçoivent l'appui du CAP sont généralement extrêmement satisfaits du projet et des avantages qu'ils en retirent. Plusieurs communautés qui avaient installé un service Internet de base dans des centres-ressources ruraux, ont réussi à mobiliser des entrepreneurs locaux pour qu'ils implantent des services commerciaux sur Internet, à l'échelle de la communauté.
Le CAP est un mécanisme de financement reposant sur une logique collective. Les projets sont élaborés par les membres de la communauté qui doivent déterminer les besoins techniques, les applications adaptées et les lieux d'accès à Internet, ainsi qu'un mode de financement viable à long terme. Les communautés rurales qui ont apporté la preuve de leurs besoins et soigneusement élaboré leur projet ont toutes les chances d'obtenir une aide financière. Les administrateurs du CAP apportent un appui important en informant sur les projets réussis et en favorisant la communication horizontale entre les communautés bénéficiant du programme. L'appui technique relève pour sa part de la responsabilité de la communauté qui doit trouver les spécialistes et le niveau d'appui les plus appropriés. Le CAP fonctionne bien car il est un système de financement non paternaliste et initié par la communauté, avec très peu d'intermédiaires administratifs entre le bailleur et la communauté financée. Nombre de leçons peuvent être tirées de cette expérience par les donateurs travaillant dans les pays en développement.
La téléphonie numérique sans fil a désormais atteint un tel stade qu'il est moins coûteux de créer une nouvelle infrastructure locale de téléphone sans fil qu'une infrastructure traditionnelle avec des câbles de cuivre. Le premier téléphone de bien des habitants des pays en développement est portable et sans fil. En Zambie par exemple, d'ici à la fin de 1997, un groupe éclairé d'entrepreneurs locaux (menés par des agriculteurs aisés) va probablement équiper d'un service de téléphone numérique sans fil des zones rurales reculées qui n'ont jamais eu accès à une infrastructure téléphonique. Cette nouvelle technologie fournit un service téléphonique de base pour un coût en capital moins important que celui de l'infrastructure traditionnelle avec câbles, et permet de faire circuler la communication à la vitesse élevée nécessaire pour accéder à Internet. Il est déjà envisagé d'associer à cette initiative le principal fournisseur d'Internet en Zambie, ZAMNET, rendant ainsi possible un large accès à Internet y compris dans les régions enclavées du pays, vraisemblablement à la fin de l'année 1997.
Dans d'autres pays, comme l'Afrique du Sud, des cabines équipées de téléphone sans fil sont installées dans les zones rurales reculées du pays, donnant ainsi à l'ensemble de la population un accès aux services téléphoniques de base. Les nouveaux systèmes téléphoniques par satellites et micro-ondes, ainsi que les infrastructures par fibres optiques, font leur apparition dans les pays en développement, réduisant de manière considérable le coût des services téléphoniques tout en améliorant leur qualité et leur fiabilité. Les services Internet se répandent, ou apparaissent, en conséquence directe de ces améliorations dans les télécommunications. Dans de nombreux cas, c'est la demande d'accès à Internet qui est à l'origine de l'amélioration des infrastructures.
On observe une corrélation forte entre de tels progrès dans les pays en développement et l'adoption de politiques nationales de libéralisation des télécommunications. L'initiative zambienne de téléphone sans fil est rendue possible par l'existence d'un environnement réglementaire des télécommunications qui permet au secteur privé de prendre des initiatives et d'offrir des services concurrentiels. Au Zimbabwe au contraire, un cadre réglementaire plus restrictif a freiné l'expansion des téléphones portables, en dépit d'une forte demande. L'Ouganda et le Ghana, où l'utilisation d'Internet progresse à un rythme exponentiel, ont également libéralisé leurs politiques de télécommunication. Quant à la décision du gouvernement égyptien d'encourager l'offre de services Internet par le secteur privé, elle a entraîné une explosion des services Internet et la croissance parallèle des abonnés au réseau mondial. Les pays où l'accès à Internet est limité ont le plus souvent un monopole national dans le secteur des télécommunications et donc très peu de concurrence dans les services associés.
Les donateurs ont un rôle important à jouer en plaidant pour une libéralisation des politiques de télécommunication qui autorise la concurrence et la croissance d'un secteur privé des télécommunications et des services Internet. Il est également important de s'assurer que la libéralisation de l'environnement des télécommunications s'accompagne d'un équilibrage de la concurrence avec les besoins des populations sous-équipées, et notamment des zones rurales éloignées. Quelques actions novatrices menées en Afrique du Sud en matière de politiques de télécommunication mettent en lumière les besoins de ces populations spécifiques et pourraient servir utilement de modèles aux gouvernements, aussi bien au Nord qu'au Sud (entretien avec Kate Wild, CRDI - Johannesburg).
"Il n'est pas étonnant que le courrier électronique soit si important pour les pays en développement, et notamment pour le continent le plus pauvre de la planète. Il est le seul moyen de télécommunications internationales que l'Afrique puisse s'offrir à une échelle raisonnable".
Michiel Hegener. 1996. Telecommunications in Africa - via the Internet in particular.
"Les demandes d'installation font aujourd'hui boule de neige et je dois vous remercier de m'avoir convaincue de me lancer dans cette entreprise passionnante de prestation de services de courrier électronique. C'est un véritable plaisir!"
Message électronique de Mme Thandi Mbvundula
à propos de son entreprise de services de courrier électronique
à Lilongwe, au Malawi. Brunner et al. 1996.
Les entrepreneurs locaux, les ONG de pointe et les départements d'informatique des universités deviennent des prestataires de services Internet dans les villes des pays en développement, en offrant un accès téléphonique à l'environnement sophistiqué du World Wide Web (qui permet de communiquer à la fois par l'écrit, le son et l'image), ainsi que les services de base du courrier électronique. Lorsque le gouvernement égyptien a décidé d'accorder des licences à des prestataires commerciaux d'Internet en mai 1996, onze sociétés ont presque immédiatement commencé à opérer au Caire. A Harare (Zimbabwe), existent trois prestataires de services Internet appartenant à des locaux et gérés sur place. Pour 20 dollars par mois environ, tout individu ou organisation disposant d'une ligne téléphonique peut accéder à un tel service pour envoyer autant de messages électroniques qu'ils le souhaitent et "surfer" sur le Web pendant des heures à partir d'un ordinateur privé ou professionnel.
Les petits entrepreneurs qui font fonctionner les "télécentres" (lieux qui offrent un service téléphonique simple dans les zones sous-équipées) et les "cybercafés" (qui offrent un service de courrier électronique et l'accès au World Wide Web, à la manière des anciens bureaux de télégraphe) dans les villes des pays en développement (tels le Mexique, l'Egypte, la Malaisie, le Zimbabwe et le Sénégal) mettent Internet à la portée de tous ceux qui ne peuvent s'équiper d'un ordinateur. Pour moins de 25 cents, un individu peut utiliser un télécentre ou un cybercafé pour envoyer un message électronique n'importe où dans le monde. Cela est extraordinairement bon marché par rapport à la télécopie qui peut coûter jusqu'à 20 dollars par page transmise sur l'international.
Les agences d'aide disposent d'un moyen d'appui très simple à ces initiatives: inciter leurs représentations sur le terrain et les chefs de projet à avoir recours chaque fois qu'il est possible aux prestataires de services Internet locaux. Ils y gagneraient des services d'information et de communication de meilleure qualité, mais surtout apprendraient à mieux connaître les utilisateurs locaux d'Internet et l'information sur le développement local émanant des intéressés eux-mêmes67. En outre, alors qu'il pourrait être tentant pour les donateurs de financer directement la création d'infrastructures et l'offre de services Internet, cela pourrait ne pas répondre aux véritables besoins des utilisateurs. Les financeurs de projets Internet devraient plutôt appuyer les communautés d'utilisateurs afin qu'ils puissent choisir eux-mêmes le meilleur service d'accès à Internet. C'est une façon de garantir que les prestataires de services Internet continuent de répondre aux besoins de leurs clients, et non l'inverse.
En dépit de la rapidité des progrès dans les technologies et les services, les régions rurales reculées sont toujours sous-équipées en infrastructures de télécommunication, que ce soit dans les pays développés ou en développement. Dans les zones rurales au Nord du Canada par exemple (l'un des foyers d'énergie qui ont permis les progrès des technologies de télécommunication), des milliers de personnes vivent encore sans téléphone ou ne peuvent utiliser les infrastructures existantes pour envoyer des télécopies. Il est admis que les insuffisances des infrastructures de communication sont l'un des facteurs qui poussent les habitants des zones rurales à migrer en ville. C'est ainsi que les responsables du développement économique rural au Canada placent l'amélioration des infrastructures de télécommunication avant celle des services de santé ou d'enseignement, et citent leur insuffisance comme l'un d'un principaux facteurs de l'exode des professionnels et de la difficulté à attirer des personnes qualifiées pour repeupler les zones rurales (Ontario Federation of Agriculture, 1995). Ils pensent également que l'amélioration de ces infrastructures est la clé du développement économique.
Dans les zones rurales, l'accès aux systèmes de communication et de diffusion de l'information peut avoir des retombées simples mais extrêmement importantes. Par exemple, le service HealthNet en Zambie permet aux professionnels de la santé travaillant en brousse d'accéder à des bases de données médicales et de recourir rapidement aux conseils de médecins spécialistes du monde entier. Une telle information peut véritablement faire la différence entre la vie et la mort. Au Mexique et au Chili, les paysans peuvent obtenir au moment voulu les prix réels des produits de base grâce à Internet et à la télécopie, et utiliser cette information pour négocier auprès des grossistes des prix de 15 à 20 pour cent plus élevés que ce qu'ils réussissaient à obtenir auparavant (entretien avec un paysan mexicain). De telles différences de prix, dans un système où le coût des intrants augmente, où les marges de profit sont serrées et la concurrence mondiale, peuvent faire la différence entre un agriculteur continuant à travailler et un autre faisant faillite.
En Amérique du Nord, l'insuffisance des services Internet dans les zones rurales a entraîné une mobilisation importante des organisations non gouvernementales en faveur d'une amélioration générale des politiques et des infrastructures de télécommunication. Les obstacles techniques qui s'opposent à l'expansion d'Internet ont attiré l'attention sur l'aveuglement historique du gouvernement et des firmes concernant les besoins en télécommunications des communautés rurales. Au Canada, des partenariats de défense se sont créés, rassemblant les ONG rurales, les groupes de femmes, les centres de santé nationaux et régionaux, les autorités municipales, les associations de producteurs agricoles, les universités, les groupes de consommateurs, les populations d'origine et les organes du gouvernement en charge du développement agricole et rural. Cette mobilisation a abouti à une amélioration considérable des services de télécommunication, des politiques et des programmes fédéraux et provinciaux qui appuient les projets de télécommunications rurales et de développement d'Internet.
Dans les pays en développement, des organisations comme la FAO peuvent jouer un rôle fondamental en parrainant les efforts récents des acteurs ruraux en ce sens, et en les aidant à se faire entendre auprès des organes de conseil en télécommunication/Internet au niveau national et régional. La participation des femmes et des associations de femmes au service des populations rurales devrait faire l'objet d'une attention particulière.
Le réseau mondial permet désormais d'accéder à une pléthore d'informations concernant le développement agricole et rural, ainsi qu'à des services de discussion. Les sources d'information sur l'agriculture à faible consommation d'intrants, les prix des produits de base, les cultures de substitution, les structures du marché international des produits agricoles (saisonnalité des différentes régions de production, succès et échecs des diverses cultures, etc.), les nouvelles techniques, la lutte intégrée contre les parasites, les stratégies de développement rural, les recherches et rapports de la FAO et un nombre infini d'autres sujets sont à la libre disposition des utilisateurs à travers le monde. Pour que cette information soit véritablement utile aux petits producteurs et aux habitants des zones rurales reculées, elle doit être aisément accessible pour eux et pour les organisations qui les appuient et défendent leurs intérêts.
L'une des plaintes les plus fréquemment formulées par les utilisateurs d'Internet dans les pays en développement est que les organismes qui fournissent un accès à cette information via Internet méconnaissent les difficultés d'accès dès que l'on quitte les "sièges sociaux". La récupération de l'information en Afrique est infiniment plus lente qu'elle ne l'est au siège de la FAO par exemple. Alors même que l'accès à Internet se répand rapidement dans les pays en développement, les utilisateurs ne bénéficient pas comme dans les pays du Nord de lignes téléphoniques et de télécommunication à grande vitesse. La "largeur de bande" d'Internet (qui est fonction de la taille et de la rapidité des lignes) est généralement inférieure dans les pays en développement à ce qu'elle est dans les pays du Nord. Cette étroitesse de la bande entraîne une plus grande lenteur des transmissions et donc, pour de nombreux utilisateurs des pays en développement, un accroissement du coût. Comme le disait l'un des interlocuteurs de l'auteur: "En Ouganda, il en coûte 50 dollars pour une heure passée dans un embouteillage sur Internet." (entretien avec Paul O'Nolan).
L'un des remèdes possibles à ce problème de "largeur de bande", et relativement peu coûteux, consiste à "dupliquer" l'information sur des serveurs régionaux qui peuvent être gérés par des prestataires de services Internet locaux. Ces prestataires pourraient ainsi y gagner des recettes supplémentaires bienvenues et les utilisateurs bénéficieraient de vitesses de récupération de l'information bien supérieures. L'usage et l'analyse de l'information diffusée à leur intention par les agences de développement s'en trouveraient encouragés.
Il conviendrait également de s'intéresser aux possibilités de coédition sur Internet entre les services d'information au Nord et les partenaires du Sud. Des organisations comme l'ILEIA, l'CRDI, l'Association for Progressive Communication (APC), Toolnet et le CTA ont déjà engagé de telles coéditions et, dans certains cas, apportent leur appui aux capacités locales de publication sur Internet.
Une autre solution simple pour accélérer la vitesse d'accès à l'information consiste à limiter fortement l'utilisation d'images et leur taille: la rapidité de transmission des données s'en trouverait accrue. De nombreuses informations sur l'agriculture et le développement international disponibles sur le World Wide Web sont extrêmement difficiles à récupérer dans les pays en développement parce qu'elles sont alourdies d'éléments graphiques qui voyagent lentement sur Internet. Ces derniers gênent réellement l'accès aux informations pertinentes diffusées derrière les images. Il n'est pas très fréquent que les agences de développement fassent participer les destinataires de l'information diffusée sur Internet résidant dans les pays en développement (notamment les communautés agricoles et rurales dans le cas de la FAO) à la conception et à la mise au point des techniques de diffusion de l'information. Des méthodologies de consultation des utilisateurs devraient être conçues et systématiquement utilisées de manière à éviter la frustration des utilisateurs et à gagner cette confiance dont les agences d'aide ont besoin pour comprendre les contextes qui prévalent dans les pays en développement.
Aujourd'hui, le groupe d'utilisateurs d'Internet le plus nombreux est composé des jeunes diplômés des universités ou des collèges (nationaux ou non). Ces individus se familiarisent avec Internet et ses avantages lorsqu'ils sont encore à l'école et, une fois embauchés dans le secteur public ou privé, ils encouragent l'adoption des nouvelles technologies et méthodologies. Leurs utilisations novatrices des technologies de l'information et de la communication sont souvent adoptées par leurs supérieurs, leurs collègues et leurs amis. C'est ainsi que, dans toute organisation, il est courant de trouver un jeune diplômé à l'origine des actions en faveur de l'adoption d'Internet. Leur enthousiasme peut être véritablement étonnant. Si les agences de développement ne devait appuyer qu'un seul type d'actions, alors les projets consistant à mettre les étudiants au contact d'Internet sont les plus susceptibles d'avoir des retombées positives à long terme.
A Hermosillo (Mexique) par exemple, trois récents diplômés de l'université motivés travaillent à plein temps pour fournir un service d'informations agricoles de qualité, bien qu'ils n'aient pas été rémunérés en plus de huit mois. Au sein du projet de la FAO au Chili, une jeune femme récemment diplômée d'un programme de Communication sociale, et qui n'avait pas d'expérience antérieure en informatique, est devenue responsable de la mise en Ïuvre technique des informations actuellement proposées aux organisations paysannes. L'essentiel de l'appui technique dont elle bénéficie provient d'autres jeunes utilisateurs d'Internet dans d'autres pays, avec lesquels elle communique par courrier électronique. Dans les organisations que j'ai visitées au cours de ma mission d'observation, j'ai constamment rencontré de jeunes diplômés de l'université qui jouaient un rôle catalyseur fondamental dans la mise en Ïuvre des actions Internet locales.
Les actions d'appui à Internet doivent tenir compte de la présence de jeunes gens motivés et faire appel à de nouveaux diplômés chaque fois qu'il est possible. De nombreux jeunes urbains qui, en temps normal, ne seraient pas intéressés à travailler en milieu rural, sont passionnés à la perspective de travailler au sein des communautés rurales avec des outils de communication modernes. Le CRDI envisage ainsi de créer une "Association Internet des jeunes" (Internet Youth Corps) au niveau international, qui serait chargée d'aider à l'expansion des services Internet en Afrique. Une approche comparable a été adoptée par les participants du Sommet des Nations Unies pour la jeunesse, en août 1995.
Les actions à entreprendre peuvent également consister à donner aux étudiants les moyens d'accéder à Internet. Pour répandre les services Internet dans les régions rurales, les instituts d'enseignement situés dans ces zones et les instituts urbains spécialisés (en développement rural, agronomie, foresterie, pêche, mines, etc.), ainsi que les organismes de recherche liés à l'enseignement (comme les Centres nationaux de recherche en agronomie), pourraient recevoir une aide sous forme d'ordinateurs assez puissants pour être connectés aux réseaux, ainsi que sous forme de formation et d'appui technique ciblés en direction des jeunes utilisateurs. L'appui pourrait également consister à permettre aux étudiants de s'insérer dans des projets Internet concrets ou d'aller travailler en milieu rural enclavé. De telles actions permettraient non seulement d'étendre la couverture des services, mais aussi de mieux connaître les besoins en développement agricole et rural. A Mexicali par exemple, l'université qui accueille l'infrastructure des services d'information et de communication agricole envisage désormais de proposer des modules de formation sur la communication pour le développement agricole et la commercialisation des produits agricoles.
Toute action devrait ainsi s'efforcer d'associer les étudiants et les jeunes diplômés de toutes les manières possibles. Leurs efforts, leur créativité et leurs visions d'avenir contribueraient à assurer le succès à long terme de ces initiatives.
En dépit de la progression rapide d'Internet, la perception générale du réseau et de ses avantages reste faible dans les pays en développement. Les relations entre les groupes d'utilisateurs et le reste de la société civile sont rares et l'information disponible sur Internet est trop peu produite localement pour stimuler l'intérêt. Les services Internet existants ont du mal à élargir leur audience au-delà des premiers utilisateurs car cela implique de susciter des désirs et des besoins chez des clients qui ignorent peut-être les avantages qu'ils pourraient tirer du réseau mondial. Aussi faut-il favoriser cette prise de conscience - par des ateliers, des séminaires, des formations, des manifestations publiques et l'appui des médias - afin de mieux informer les utilisateurs potentiels et de les décider à utiliser Internet. Cette prise de conscience est particulièrement peu développée dans les ONG et les services de vulgarisation pour le développement agricole et rural. Ces groupes devraient être la cible privilégiée des actions de promotion, et les agences telles que la FAO ont là un rôle crucial à jouer compte tenu des relations qu'elles entretiennent déjà avec ce public.
Il ressort de ma mission d'observation que la majorité des utilisateurs actuels d'Internet dans les pays en développement appartiennent à l'un des groupes suivants:
Les actions de promotion d'Internet peuvent s'appuyer sur ces groupes d'utilisateurs pour diffuser des témoignages, organiser des manifestations et des événements publics permettant aux non-utilisateurs de prendre connaissance de ces expériences. Les groupes qui utilisent déjà activement Internet en milieu rural enclavé disposent d'arguments convaincants en termes d'économies, d'efficacité et d'efficience, et connaissent les difficultés et les moyens de les surmonter.
Les actions de promotion doivent également être menées sur les lieux-mêmes de résidence des utilisateurs potentiels et faire des démonstrations sur Internet dans le contexte où ces outils pourraient être adoptés. Plusieurs moyens sont disponibles pour ce faire:
Les avantages d'une telle promotion se manifestent d'autant plus rapidement que des décideurs importants, issus tant du gouvernement que de la société civile, prennent position publiquement en faveur de l'implantation de services Internet pour les communautés rurales. De tels "champions" peuvent emporter l'appui de décideurs indécis et faciliter la mise en Ïuvre d'actions de prise de conscience. Il serait intéressant de les identifier et de les soutenir.
Les prestataires de services Internet dans les capitales des pays en développement sont souvent très intéressés par la perspective d'étendre leur couverture en direction des zones rurales éloignées. Cependant, l'absence d'études de marché sur la clientèle potentielle de ces services en milieu rural et la nécessité de prendre des risques financiers peuvent retenir les prestataires existants (secteur privé, ONG, gouvernement) de mettre en place les infrastructures nécessaires. Lorsqu'une information de qualité existe sur la demande potentielle, quelques prestataires (notamment ceux qui cherchent la rentabilité et la création de revenus) envisagent d'étendre leurs services. C'est le cas au Zimbabwe pour les zones minières et les destinations touristiques éloignées (comme les chutes Victoria), ou pour les zones minières et de cultures de rente en Zambie. L'adoption d'une stratégie de soutien à la connexion des zones rurales éloignées pourrait faciliter la réalisation de ces projets d'extension de l'offre de services.
Les prestataires de services Internet existants apprécieraient la mise en place d'incitations qui les aident à supporter les risques liés à l'offre de services dans des zones reculées. Au nombre de ces incitations figurent:
Comme il a été précisé plus haut, les fonds des donateurs seraient probablement mieux employés par les utilisateurs qui ont la capacité de définir la meilleure stratégie de partenariat avec les prestataires de services dans le contexte local. Les utilisateurs peuvent ensuite donner eux-mêmes les incitations nécessaires à un renforcement des services ruraux. Les agences d'aide pourraient notamment faciliter l'établissement de relations entre les utilisateurs et les prestataires de services et encourager la création d'applications spécifiques dans l'intérêt des utilisateurs.
Les utilisateurs d'Internet répètent: "le contenu est le plus important", lorsque l'on aborde l'intérêt ultime de ce réseau. Si les gens utilisent Internet, c'est parce qu'il leur apporte l'information dont ils ont besoin et le moyen de communiquer avec leurs amis, collègues, partenaires et pairs dans le monde entier. Il génère également un environnement de communication qui favorise l'expression, la créativité, le plaisir et l'expérimentation. Il existe actuellement assez peu de services d'information africains (pour les Africains, par des Africains) sur Internet. Mais dans les pays où des organisations encouragent la création de nouveaux services d'information, le contenu spécifiquement africain est important et les actions Internet reçoivent un large soutien. C'est le cas en Zambie où les deux journaux nationaux publient une édition quotidienne sur le World Wide Web et accueillent plusieurs groupes de discussion. Soutenir ces services d'information et applications novateurs, notamment parmi les acteurs ruraux, permettra d'étendre notablement la portée des efforts de diffusion de l'information (localement et au niveau mondial).
En Amérique latine, de nouveaux services et applications sur Internet se développent rapidement et nombre d'organisations et de petites entreprises sont prêtes à "accueillir" et à créer de l'information sur le Web. Il existe plusieurs "moteurs de recherche" espagnols et latino-américains (comme "OLE") qui aident les utilisateurs à localiser rapidement les sources d'information. Cependant, rares sont les applications et les services d'information ayant trait au développement agricole et rural. Il existe donc un créneau pour mettre au point un tel service typiquement latino-américain. Dans l'idéal, ce service serait décentralisé, favoriserait la créativité et l'expérimentation et contiendrait des informations complétées et mises à jour par diverses organisations utilisant la même page d'accueil.
Les agences et ONG d'Afrique et d'Amérique latine qui offrent actuellement des services d'information créatifs "en ligne" font état de leurs multiples avantages. Notamment, les bailleurs de fonds trouvent le contact plus facile parce que l'information des ONG est immédiatement accessible depuis le Nord. Les ONG peuvent également faire connaître au monde développé l'intérêt de leur action grâce à des sites Web comprenant des photographies, des graphiques et même du son et de la musique. Diffuser de l'information sur le Web permet d'être mieux reconnu par les agences d'aide et donne accès aux nouvelles actions des donateurs. A mesure que croît le nombre des utilisateurs en Afrique et en Amérique latine, apparaissent de nouvelles opportunités de développer et diffuser de l'information pertinente localement, comme des outils de vulgarisation, les prix de marché des cultures (déjà "en ligne" en Zambie et dans une certaine mesure en Amérique latine), des informations médicales et d'autres encore qui, du fait des coûts de publication imprimée, sont actuellement mal diffusées.
Le problème n'est pas celui d'une pénurie de l'information produite en Afrique et en Amérique latine. De nombreux organismes nationaux, dont les Centres nationaux de recherche en agronomie, les services de vulgarisation, les organisations de femmes (comme le Women's Resource Centre au Zimbabwe) et les ONG nationales et régionales publient des lettres d'information, des brochures, des manuels, des guides, des fiches et des livrets sur papier, mais du fait des coûts d'impression et de distribution, ces publications n'ont pas toujours l'audience qu'elles méritent. Nombre d'entre elles sont produites avec des logiciels de traitement de texte et peuvent donc être facilement transférées sur Internet pour une diffusion "en ligne". L'information imprimée statique peut être ainsi "recyclée" et commencer une nouvelle vie en rejoignant des applications interactives qui sont à la base de questionnaires, de jeux d'apprentissage, de groupes de discussion et de réponses des utilisateurs.
La plupart des prestataires de services Internet louent un espace de stockage électronique sur des "serveurs" informatiques qui mettent ces informations à la disposition des utilisateurs d'Internet. Ils proposent également des services d'édition électronique aux clients qui n'ont pas forcément les compétences pour créer des documents au format Web ou des fichiers d'archives gopher. Une stratégie d'appui aux services d'information et aux applications novateurs sur Internet, en Afrique et en Amérique latine, peut utiliser ces prestataires de services de plusieurs façons:
Internet est déjà l'équivalent d'une immense bibliothèque qui peut devenir plus facilement accessible aux habitants des régions rurales des pays en développement. La combinaison des sources existantes et d'une information pertinente au niveau local et adaptée sur le plan culturel peut permettre aux populations de mieux comprendre leur environnement et leurs difficultés, et au reste du monde de mieux connaître les habitants des pays en développement.