R.W. STONECYPHER
RAY W. STONECYPHER est professeur au département des forêts, Oklahoma State University, Etats-Unis.
Il est logique d'examiner au départ le concept de sélection polyvalente. Ce concept peut être défini comme l'objectif du sélectionneur qui cherche à produire un maximum de bois économiquement utilisable, par arbre et par hectare. Il faut tout d'abord définir le terme de bois économiquement utilisable pour chaque espèce à sélectionner sans oublier que les normes d'utilisation peuvent être modifiées.
Pour atteindre un tel objectif, le sélectionneur devra presque obligatoirement adopter plus d'un critère de sélection. Le présent article a pour thème principal les problèmes que pose l'amélioration de caractéristiques multiples des arbres forestiers.
NÉCESSITÉ D'ADOPTER LE CONCEPT D'AMÉLIORATION POLYVALENTE
Le généticien, rappelons-le, cherche rarement à améliorer une seule caractéristique. A peu près tous les programmes de génétique appliquée à l'amélioration des arbres actuellement en cours évaluent et sélectionnent les arbres d'élite en fonction de plusieurs caractéristiques (Andersson, 1965; Cech, 1959; Peevy, 1959).
Comme l'a souligné Lush (1948), la sélection en fonction d'une seule caractéristique est antiéconomique et parfois impossible. Puisque la valeur de chaque arbre dépend manifestement de plusieurs caractéristiques, il semble superflu de démontrer plus avant la nécessité d'envisager l'arbre sous tous les aspects lorsque l'on met en uvre un programme de sélection.
AMÉLIORATION POLYVALENTE ET MÉTHODES DE SÉLECTION
Si l'on admet que plusieurs caractéristiques doivent être recherchées dans un programme de sélection, on dispose de trois méthodes pour atteindre l'objectif désiré (Hazel et Lush, 1942). Ces trois méthodes et leur applicabilité à la sélection d'arbres forestiers sont examinées ici.
Sélection tandem
Cette méthode, telle qu'elle a été décrite par Hazel et Lush (1942) consiste à sélectionner en fonction d'une seule caractéristique à la fois. On répète ensuite la sélection en fonction d'une seconde, pois d'une troisième caractéristique, etc., jusqu'à ce que l'on ait atteint le niveau d'amélioration souhaité.
La longueur de génération, chez la plupart des essences forestières, semblerait a priori exclure cette méthode. Dans certains cas, toutefois, elle est justifiée, notamment quand une caractéristique unique limite l'utilité économique d'une espèce - par exemple, lorsqu'on s'efforce de créer une résistance génétique à des maladies qui sont un obstacle dirimant à la culture d'une essence. Bingham et al. (1960) ont exposé un tel cas en citant l'acquisition par hybridation de la résistance de Pinus monticola Dougl. à Cronartium ribicola Fisher.
Seuils d'épuration
Cette méthode implique l'application à chaque caractéristique d'un seuil de qualité. Les sujets qui se situent au-dessous de la norme pour une caractéristique donnée seront rejetés, quelle que soit leur supériorité quant aux autres caractéristiques. Dans nombre de programmes actuels, le choix des arbres plus est fondé sur des systèmes de notation (Andersson, 1965; Cech, 1959; Stern et Hattemer, 1964), mais la sélection en fonction de certaines caractéristiques telles que la résistance aux maladies et la rectitude du fût se fonde sur des seuils indépendants d'épuration.
Cette méthode est au moins aussi efficace que la sélection tandem.
Dans certains cas, elle permet de sélectionner en vue de caractéristiques données avant que l'organisme envisagé soit arrivé à maturité. Par exemple, il est généralement possible d'évaluer la résistance aux maladies assez tôt dans la vie d'un arbre et de sélectionner en vue de cette caractéristique longtemps avant que les autres caractères puissent être évalués.
Indice de sélection
Il a été démontré que la méthode de notation globale (Hazel et Lush, 1942) ou celle de l'indice de sélection (Hazel, 1943) n'est jamais inférieure a celle des seuils indépendants d'épuration. La méthode de l'indice de sélection a d'abord été appliquée à la sélection végétale par Smith (1937) qui a eu recours aux fonctions de discrimination de Fisher pour identifier les lignées végétales dotées de la plus grande valeur génotypique.
De nombreux indices de sélection ont été mis au point pour les plantes cultivées (voir Robinson et al., 1951; Johnson et al., 1955; et Brim et al., 1959).
Plus récemment, van Buijtenen et van Horn (1960) et Illy (1966) ont mis au point des indices de sélection pour les arbres forestiers.
Lorsque l'on considère les trois méthodes possibles, c'est celle de l'indice de sélection qui devrait être préférée par les sylviculteurs. Les méthodes de sélection tandem et des seuils indépendants d'épuration seront utilisées dans certaines circonstances particulières. En conséquence, les considérations qui suivent traitent essentiellement de l'élaboration des indices de sélection.
INFORMATIONS NÉCESSAIRES
La théorie et les méthodes permettant d'obtenir des indices de sélection ont été sérieusement traitées par des auteurs tels que Smith (1937), Hazel (1943), Robinson et al. (1951). Illy (1969) a, lui aussi, brillamment traité le sujet dans son exposé. Trois types essentiels de renseignements sont nécessaires pour établir des indices de sélection. Ils sont examinés ci-dessous.
Paramètres économiques
De tous les paramètres nécessaires à l'établissement d'indices de sélection, l'importance économique relative des diverses caractéristiques est peut-être l'un des plus délicats. Difficile à déterminer, elle est, de surcroît, sujette à fluctuations. Lerner et Donald (1966), par exemple, ont montré que la valeur économique d'une caractéristique donnée, lors de la sélection de porcs du Yorkshire, est passée du positif au négatif en relativement peu de temps.
La valeur relative des paramètres utilisés dans les programmes d'amélioration des arbres est indubitablement sujette à fluctuer. Cependant, les produits des arbres forestiers sont moins directement soumis aux caprices du producteur et du consommateur que ce n'est le cas pour les produits animaux ou agricoles, de sorte que les paramètres utilisés pour la sélection sont relativement plus stables. Par contre, le fait qu'ils ne sont ni linéaires ni indépendants est sans doute plus important dans les programmes d'amélioration des arbres. Namkoong (1969) a abordé ce problème et proposé une solution possible pour maximiser le gain génétique lorsque le sélectionneur ne dispose que de renseignements limités.
Les études en cours commencent à fournir certaines des données biologiques nécessaires à une sélection polyvalente efficace, mais rares sont les travaux entrepris pour déterminer de façon précise la valeur économique relative des caractéristiques intéressant le sélectionneur. Le manque de renseignements économiques suffisamment exacts risque d'être le facteur limitatif de l'application des méthodes de sélection polyvalente.
Variances et co-variances génotypiques et phénotypiques
Pour établir des indices de sélection, il faut évaluer les variances et co-variances génotypiques et phénotypiques des caractéristiques incluses dans l'indice. Si l'on utilise ces évaluations de concert avec les valeurs économiques, il est relativement peu compliqué d'établir les indices.
De bonnes procédures d'évaluation des variances et covariances génétiques et phénotypiques ont été mises au point pour les populations animales et végétales.
Robinson et al. (1951) et Cockerham (1961) décrivent fort bien l'application de ces procédures aux populations végétales.
Goggans (1962) et Stonecypher (1966 et 1967) ont étudié les procédures d'évaluation des paramètres génétiques et mésologiques pour les peuplements d'arbres forestiers.
ESTIMATION DES PARAMÈTRES GÉNÉTIQUES ET MÉSOLOGIQUES
Namkoong (1969), après Goggans (1962), Bogyo (1964) et Stonecypher (1966), a étudié les problèmes que pose l'estimation des variances et co-variances génétiques et mésologiques.
Namkoong (1969) et Illy (1969) soulignent qu'il est important d'obtenir des renseignements fiables pour calculer les indices. Car, bien évidemment, les indices calculés ne seront fiables que dans la mesure où l'estimation des paramètres l'est elle-même. Brim et al. (1959) ont brièvement évoqué les problèmes que pose la fiabilité de l'indice.
La majorité des auteurs qui étudient l'estimation de la variance génétique dans les populations d'arbres forestiers ne cherchent pas à calculer les corrélations génétiques et phénotypiques entre les caractéristiques observées. Cette lacune est fort regrettable. Il ne sera pas possible d'accumuler des informations valables sur les rapports entre les caractéristiques si les généticiens forestiers ne font pas les calculs nécessaires dans le cadre de leurs études sur l'héritabilité clans les populations d'arbres forestiers. Il faudrait évidemment encourager le calcul et la publication des corrélations entre les caractères observés.
INFORMATIONS ACTUELLEMENT DISPONIBLES SUR LES PEUPLEMENTS FORESTIERS
Malheureusement, il y a peu d'estimations fiables des paramètres nécessaires pour établir les indices à utiliser dans les programmes d'amélioration des arbres. Namkoong et al. (1966) ont récemment dressé des tableaux (qui peuvent être interprétés) de l'héritabilité dans les peuplements d'arbres forestiers. Mais rares sont les publications contenant des estimations de l'héritabilité chez les arbres forestiers qui donnent une estimation des corrélations génétiques et phénotypiques entre les caractères envisagés. De plus, il faut noter que, pour les paramètres qui ont été estimes, l'écart type est souvent relativement important. Toutefois, diverses publications récentes font état d'estimations des variances et co-variances génétiques (Goggans, 1962; Stonecypher et al., 1964; Stonecypher et Zobel, 1966; et Illy, 1966).
Que l'on ait recours à la méthode tandem, aux seuils d'épuration ou au classique indice de sélection en vue de l'amélioration de toutes les caractéristiques d'un arbre, on a besoin de données sur l'héritabilité des caractéristiques recherchées, sur leur valeur économique relative et sur leurs corrélations pour qu'un programme de sélection polyvalente puisse être efficace. De bons modèles économiques et génétiques, utilisant des estimations fiables des paramètres, améliorent toujours la sélection, quelle que soit la méthode employée.
Comme le signalent Nawkoong et al. (1966), le sélectionneur ne peut pas améliorer tous les traits en même temps avec autant d'efficacité et doit prendre des options: il peut chercher à obtenir soit un gain important pour une caractéristique donnée, soit un gain égal pour plusieurs caractéristiques, ou encore à répartir l'effort de sélection en fonction de plusieurs caractéristiques, selon le gain potentiel et l'effet de chaque caractéristique sur la valeur du produit.
De nombreux auteurs soulignent l'importance de l'amélioration de l'arbre à tous les égards pour optimiser la sélection dans les populations traitées. La nécessité d'envisager plusieurs caractéristiques dans les programmes d'amélioration des arbres ne semble pas contestée. On reconnaît aussi que les renseignements nécessaires pour optimiser la sélection polyvalente font généralement défaut pour les populations d'arbres.
Namkoong (1969) et Illy (1969) ont l'un et l'autre clairement démontré le danger qu'il y a à utiliser de mauvaises estimations des paramètres pour calculer les indices. Or, si ces paramètres ont été estimés pour certaines populations, il s'agit généralement de matériel jeune et les paramètres manquent souvent de la fiabilité nécessaire. La méthode suggérée par Namkoong (1969) semble offrir une solution en attendant que des données plus sûres soient disponibles. Dans certaines situations, elles risquent de ne jamais l'être.
Malgré les difficultés et le coût des expériences d'estimation génétique pour les populations d'arbres, ces recherches sont absolument nécessaires pour fournir des estimations valables des paramètres si l'on souhaite obtenir un gain génétique maximal, du moins par les méthodes classiques. En outre, il faudra attacher plus d'importance à la détermination des valeurs économiques relatives des caractéristiques envisagées.
Les sélectionneurs devront faire un effort concerté pour réunir les renseignements nécessaires à l'obtention d'un gain maximal, mais ils devront également songer sérieusement à la façon dont les données accumulées seront utilisées pour planifier les programmes d'amélioration des arbres. Ils devront être encouragés à ne pas se contenter de rendre compte des données observées, mais à appliquer les résultats dans la pratique de l'amélioration des arbres.
La réussite des programmes d'amélioration des arbres dépendra de la façon dont le sélectionneur aura su s'intéresser à plusieurs caractères. Il devra éviter ceux sans importance et insister sur ceux qui sont déterminants pour la production d'un volume maximal de bois utilisable à l'hectare.
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