Comme stipulé à larticle 20 de lAccord sur lagriculture du Cycle dUruguay, des négociations ont été engagées, au début de lan 2000, en vue de poursuivre le processus de réforme, pour parvenir à long terme, à une réduction progressive et substantielle du soutien et de la protection du secteur agricole, dans le cadre dune réforme fondamentale. Ces négociations tiennent compte des résultats de la mise en oeuvre des engagements de réductions, au titre de lAccord sur lagriculture; des effets de ces engagements sur le commerce mondial des produits agricoles; des considérations autres que dordre commercial; du traitement spécial et différencié en faveur des pays en développement membres de lOrganisation mondiale du commerce (OMC) et de lobjectif de créer un système de commerce équitable, axé sur le marché ainsi que des autres objectifs mentionnés dans le préambule de lAccord; tout comme les autres engagements nécessaires pour parvenir aux objectifs de lAccord.
La Déclaration de Doha a fixé une date butoir (1er janvier 2005) à respecter pour la conclusion de presque toutes les négociations, y compris celles sur lagriculture. Les modalités relatives aux modifications de lAccord sur lagriculture devront être établies dici fin mars 2003. Les participants présenteront leurs projets de Listes globales fondées sur ces modalités au plus tard lors de la cinquième session de la Conférence ministérielle de lOMC, en septembre 2003. La Déclaration confirme aussi que les dispositions relatives au traitement spécial et différencié, pour les pays en développement, devraient faire partie intégrante des négociations, pour les nouveaux engagements des pays ainsi que pour toutes les règles ou disciplines nouvelles ou révisées. Elle indique en outre que les résultats devraient être appliquées et permettre aux pays en développement de satisfaire leurs besoins, notamment pour ce qui est de la sécurité alimentaire et du développement rural.
La participation des pays en développement à ces négociations devrait reposer sur une compréhension analytique et empirique des répercussions de lAccord à ce jour. La FAO a entrepris en 1999 une tâche de grande envergure: évaluer les répercussions de lAccord sur lagriculture dans les pays en développement. Elle a commissionné quatorze études de cas et préparé un document de synthèse pour faire le point de ces expériences et en tirer les leçons qui simposent (FAO,2000). Cette étude a été mise à jour, en élargissant le nombre des pays examinés et en utilisant des données plus récentes. Au cours de lété 2002, à la demande de la FAO, seize nouveaux pays ont été étudiés. Certains avaient déjà été examinés précédemment en 1999, dautres sont venus sajouter à ce premier groupe. Le présent chapitre établit une synthèse qui repose sur lensemble des 23 études de cas réalisées à ce jour. Laccent est mis toutefois sur la deuxième série détudes portant sur 16 pays effectuée en 2002. Les références aux différents pays contenues dans le présent chapitre de synthèse reposent sur les études respectives, sauf indication contraire.
La sélection des 23 pays repose sur un certain nombre de considérations: équilibre géographique, nécessité denglober différentes catégories de pays (pays les moins avancés; pays importateurs nets de produits alimentaires et exportateurs de produis agricoles) et disponibilité de consultants nationaux pour réaliser les études dans les délais requis. Le tableau 1 établit la liste des pays étudiés et sur lesquels repose le présent chapitre.[3]
Lagriculture joue un rôle important dans léconomie de tous les pays visés (tableau 2). Dans tous les pays sélectionnés, lagriculture représente en moyenne 20 pour cent du PIB (de 4 pour cent au Botswana à 44 pour cent en Ouganda). En tant que source de moyens dexistence, son importance est encore croissante, puisquelle emploie en moyenne 46 pour cent de la main duvre (de 17 pour cent au Brésil à 80 pour cent en Ouganda). La part de lagriculture dans lensemble des recettes dexportation des marchandises est en moyenne légèrement inférieure à 30 pour cent dans les pays sélectionnés (de moins de 3 pour cent au Bangladesh à 76 pour cent au Malawi).
Tableau 1. Pays sélectionnés figurant dans la présente étude
Pays |
Études de cas disponibles |
Appartenance à un groupement de pays (daprès les revenusa et/ ou le statut alimentaire) |
||||
1999b |
2002 |
|||||
Afrique |
||||||
Botswana |
x |
|
|
|
PDINPA |
Pays à revenu moyen supérieur |
Côte dIvoire |
|
x |
PFRDV |
|
PDINPA |
Pays à faible revenu |
Kenya |
x |
|
PFRDV |
|
PDINPA |
Pays à faible revenu |
Malawi |
|
x |
PFRDV |
PMA |
|
Pays à faible revenu |
Sénégal |
x |
|
PFRDV |
PMA |
|
Pays à faible revenu |
Ouganda |
|
x |
PFRDV |
PMA |
|
Pays à faible revenu |
Zimbabwe |
|
x |
|
|
|
Pays à faible revenu |
Asie et Pacifique |
||||||
Bangladesh |
x |
|
PFRDV |
PMA |
|
Pays à faible revenu |
Fidji |
|
x |
|
|
|
PRITI |
Inde |
x |
|
PFRDV |
|
|
Pays à faible revenu |
Indonésie |
|
x |
PFRDV |
|
|
Pays à faible revenu |
Pakistan |
x |
|
PFRDV |
|
PDINPA |
Pays à faible revenu |
Philippines |
|
x |
PFRDV |
|
|
PRITI |
Sri Lanka |
x |
|
PFRDV |
|
PDINPA |
PRITI |
Thaïlande |
x |
|
|
|
|
PRITI |
Amérique latine et Caraïbes |
||||||
Brésil |
x |
|
|
|
|
Pays à revenu moyen-supérieur |
Costa Rica |
|
x |
|
|
|
Pays à revenu moyen supérieur |
Guyana |
x |
|
|
|
|
Pays à revenu moyen inférieur |
Honduras |
|
x |
PFRDV |
|
PDINPA |
Pays à revenu moyen inférieur |
Jamaïque |
x |
|
|
|
PDINPA |
Pays à revenu moyen inférieur |
Pérou |
x |
|
|
|
PDINPA |
Pays à revenu moyen inférieur |
Proche-Orient et Afrique du Nord |
||||||
Égypte |
x |
|
PRFDV |
|
PDINPA |
Pays à revenu moyen inférieur |
Maroc |
x |
|
PFRDV |
|
PDINPA |
Pays à revenu moyen inférieur |
Notes: PMA: pays les moins avancés, selon la classification des Nations Unies; PFRDV: pays à faible revenu et à déficit vivrier (selon la définition de la FAO leur PNB par habitant était inférieur à 1 445 dollars en lan 2000) importateurs nets de produits alimentaires (teneur en calories); PDINPA: pays en développement importateurs net de produits alimentaires, tels que définis par le Comité de lagriculture de lOMC.
a Classification de la Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde, CD-ROM 2002.
b Voir FAO (2000).
Tableau 2. Rôle de lagriculture dans les pays sélectionnés
Pays |
Part moyenne de lagriculture dans le PIB 1998-2000 (%) |
Emplois agricoles, par rapport à lensemble des emplois 1998-2000 (%) |
Exportations agricoles par rapport aux exportations totales de marchandises (1998-2000) (millions de dollars E.-U.) |
Bangladesh |
24,8 |
56,6 |
2,5 |
Botswana |
3,6 |
44,7 |
4,4 |
Brésil |
7,7 |
17,1 |
27,1 |
Costa Rica |
10,9 |
21,5 |
67,2 |
Côte dIvoire |
27.5 |
50,3 |
53 |
Égypte |
17,2 |
37,4 |
11,6 |
Fidji |
18,4 |
40,4 |
27,3 |
Guyana |
34,9 |
18 |
34,8 |
Honduras |
17,6 |
35,6 |
47,7 |
Inde |
26,3 |
54,1 |
12,8 |
Indonésie |
18,2 |
44,8 |
9,5 |
Jamaïque |
7 |
21 |
18,4 |
Kenya |
23,3 |
75,9 |
62,4 |
Malawi |
38,5 |
78 |
76,1 |
Maroc |
15,3 |
37,3 |
11 |
Pakistan |
26,9 |
51,4 |
13,6 |
Pérou |
7,9 |
30,5 |
10,8 |
Philippines |
16,7 |
40 |
4,4 |
Sénégal |
17,9 |
74 |
13,1 |
Sri Lanka |
20,4 |
46,6 |
20,5 |
Thaïlande |
11,4 |
49,8 |
11,9 |
Ouganda |
43,8 |
79,5 |
72,9 |
Zimbabwe |
19,9 |
63,1 |
45,3 |
Source: FAOSTAT; et Indicateurs du développement dans le monde CD-ROM 2002.
La présent étude de synthèse et les chapitres qui suivent visent à répondre à quatre questions relatives à lincidence de lAccord sur lagriculture dans les pays en développement:
Les engagements pris dans lAccord sur lagriculture ont-ils entraîné des changements dans les politiques agricoles des divers pays, et le cas échéant, quelle a été la nature de ces changements? Dans le cas contraire, les engagements pris nont-ils pas été contraignants? Quelle est la marge de manuvre dont disposent actuellement les pays en développement, au titre du présent accord? Quels sont les domaines sensibles pour les différents pays dans les négociations en cours? Il convient de noter que les études de cas ne couvrent pas seulement les engagements pris au titre de lAccord sur lagriculture mais également ceux relatifs à lAccord sur lapplication des mesures sanitaires et phytosanitaires (Accord SPS) ainsi que les droits et les obligations relevant de larticle 27 (3) de lAccord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) pour ce qui est de la protection des variétés végétales.
Les engagements pris au titre de lAccord sur lagriculture ont-ils eu une incidence sur les flux commerciaux (importations et exportations) des pays en développement? Lorsque la réponse à la première question est négative et que lAccord sur lagriculture a eu une incidence limitée sur la mise en place des politiques des pays en développement à ce jour, il en découle automatiquement que lincidence sur les flux dimportation est également limitée. Toutefois, il est intéressant dexaminer la situation des pays pour ce qui est des importations alimentaires afin de déterminer les domaines sensibles. A-t-on enregistré des augmentations subites des importations pour certains produits, et quelle a été la réaction des pays? Les pays en développement ont-ils dû faire face à des importations à des prix de dumping ou subventionnées? Quen est-il de linstabilité des prix à limportation? Il convient aussi de vérifier si laccès aux marchés a été amélioré, ce qui devrait compenser les engagements pris par les pays en développement. Les pays en développement ont-ils réussi à augmenter les exportations agricoles traditionnelles, à diversifier leurs marchés ou à créer de nouvelles gammes de produits, à la suite de lAccord? Quelles a été leur expériences en matière dobstacles SPS et pour la mise en place de lAccord SPS? Certaines études de cas tentent détablir un rapport entre des politiques déchanges de produits agricoles plus ouvertes et les flux dinvestissements étrangers dans le secteur agroalimentaire, mais ces cas, peu nombreux, ne permettent pas de tirer des conclusions.
Les engagements pris au titre de lAccord sur lagriculture ont-ils eu une incidence sur la sécurité alimentaire? Le cas échéant ces répercussions ont-elles été positives ou négatives? Si les effets sur les flux des échanges commerciaux ont été jusquà ce jour limités, il en ira de même des répercussions sur la sécurité alimentaire. Les études de cas envisagent cette question de divers points de vue. Les tendances relatives à lapport alimentaire par habitant et lincidence de la sous alimentation donnent les premiers indices de la situation de la sécurité alimentaire des ménages. Toutefois, ces indicateurs dépendent dun grand nombre de facteurs et lAccord sur lagriculture (tout comme lensemble des Accords du Cycle dUruguay) na quun rôle partiel. Les études de cas étudient souvent les canaux particuliers par lesquels lAccord sur lagriculture peut avoir eu une influence sur la sécurité alimentaire, notamment les changements des coefficients dauto-approvisionnement et de la capacité de payer les importations alimentaires; les tendances des prix des divers aliments; lidentification des groupes de produits agricoles qui ont bénéficié de lamélioration des possibilités dexportation ou qui au contraire ont dû affronter une concurrence accrue des importations. Compte tenu de la portée limitée de létude il ne peut sagir que dune approche dordre général. Il est toutefois possible den tirer des indices sur les effets de lAccord sur lagriculture pour la sécurité alimentaire, jusqu à ce jour.[4]
Enfin, chaque étude de cas met laccent sur les enjeux essentiels des négociations, pour les divers pays, ce qui permet de présenter les différentes positions des pays en développement. Le but de cette section est de souligner les priorités et les principales questions qui intéressent principalement les pays étudiés dans les négociations. Dans certains cas, les études signalent des secteurs particuliers qui auraient besoin de laide technique, tant pour lanalyse que pour lélaboration des politiques, les pays en développement tentant dadapter leurs politiques aux nouvelles règles déchanges.
Lévaluation des effets de lAccord sur lagriculture, comme celle de tout accord de libéralisation des échanges, se heurte à un problème de méthodologie. Une simple comparaison des tendances (flux des échanges agricoles ou des indicateurs de sécurité alimentaire) avant et après lapplication de lAccord semble être la démarche la plus évidente mais elle ne tient pas compte de nombreux autres facteurs qui peuvent aussi agir sur ces tendances, et il peut être très difficile disoler les effets dus uniquement à lAccord. Du point de vue de la méthode, il est possible de contourner ce problème de plusieurs façons.
Le recours à la modélisation pour simulation, qui utilise des modèles par pays est lune des hypothèses envisageables.[5] Un modèle de simulation offre une représentation réaliste de la structure et de la situation du secteur agricole dun pays. En utilisant le modèle pour simuler lincidence de lapplication de changements convenus au titre de lAccord sur lagriculture, il est possible dévaluer leur incidence, tout en maintenant les facteurs à un niveau constant. Cette solution est séduisante en théorie mais les résultats des simulations sur modèles sont fortement déterminés par les hypothèses implicites sur le comportement économique. Les modèles par pays présentent aussi linconvénient dêtre trop généraux pour capter les subtilités des négociations sur les lignes tarifaires.
Une autre approche consiste à adopter lanalyse statistique en coupe, pour examiner les rapports entre la libéralisation des échanges, les activités agricoles et la sécurité alimentaire. Dans un modèle statistique proprement défini, il est possible de contrôler les autres facteurs de manière à déterminer les relations entre ces variables. La précision des résultats dépendra de la justesse des données qui sous-tendent le modèle statistique (les hypothèses et les données sont souvent complexes).
Une troisième voie (celle utilisée dans la présente étude) sappuie sur les études de cas, pour comprendre lincidence de lAccord. Les études de cas ont lavantage de permettre lexamen des questions dans un contexte spécifique; de présenter des données non regroupées et de tirer parti des connaissances approfondies du pays de chaque consultant. Toutefois, cette démarche a elle aussi des limites dont il convient de tenir compte, à la lecture du présent chapitre de synthèse. Premièrement, il est important de choisir un échantillon représentatif détudes de cas: de nombreuses conclusions sont tirées à partir seulement dun ou deux exemples bien choisis. Deuxièmement, malgré des cadres de référence pratiquement similaires, chaque étude de cas varie inévitablement dans les détails. Toutes les études de cas ne permettent pas de répondre à toutes les questions précédemment indiquées. Le fait par exemple, que les problèmes liés aux importations faisant lobjet de dumping ne soient pas envisagées dans une étude de cas ne signifie pas pour autant que ce problème nexiste pas. Troisièmement, les conclusions tirées dune étude de cas dépendent de lanalyste et des bases de données choisies pour lanalyse. Cela dit, les études de cas permettent néanmoins dexaminer les questions relatives à lincidence de lAccord sur lagriculture de manière très approfondie ce qui nest envisageable ni avec les modèles de simulation, ni avec les démarches statistiques.
Le présent chapitre suit de près la présentation du chapitre correspondant dans le volume de la FAO publié en lan 2000. La section 2 récapitule les expériences des pays relatives à la mise en uvre des principales dispositions de lAccord sur lagriculture et les engagements pris par les pays, notamment pour ce qui est de laccès aux marché, des mesures de soutien interne et des subventions à lexportation. Il traite aussi succinctement du bilan des actions relatives aux Accords SPS et ADPIC. La section 3 se penche sur les résultats obtenus par les pays sélectionnés pour ce qui est des échanges de produits alimentaires et agricoles, avant et après lapplication de lAccord sur lagriculture. La section 4 examine les tendances de la sécurité alimentaire et de la sous-alimentation au cours de la période dapplication de lAccord sur lagriculture. Enfin, la section 5 tire des conclusions dordre général sur les intérêts spécifiques et les enjeux de chaque étude par pays, pour le secteur agricole, dans le cadre du cycle des négociations de Doha actuellement en cours.
[2] Le présent chapitre
préparé par Alan Matthews (Trinity College, Dublin, Irlande) suit
de près le plan dune étude similaire élaborée
par le secrétariat de la FAO, dans le volume détudes de cas
publié en lan 2000. [3] Malgré la tentation dextrapoler les conclusions à lensemble des pays en développement, il convient de bien noter que les leçons tirées ne concernent que vingt-trois études de cas, et quil convient donc den tenir compte. [4] La FAO est en train dentreprendre un projet parallèle sur les échanges et la sécurité alimentaire qui permettra de mieux approfondir la question. [5] Les modèles de pays peuvent être construits de différentes façons, notamment sous forme de modèles de marchés polyvalents, des modèles économétriques pour le secteur agricole, des modèles informatiques déquilibre général et des modèles de programmation mathématique. Les méthodologies différent du point de vue des hypothèses relatives au comportement des agents économiques et pour les données requises. |