Dans les études de cas, une partie finale est consacrée aux questions relatives aux négociations et aux enjeux. Elles sappuient parfois sur les propositions officielles faites lors de la session spéciale du Comité de lagriculture à lOMC par les pays eux-mêmes mais aussi dune manière plus générale sur les droits et les obligations des pays en développement, vis-à-vis des pays développés, au titre de lAccord sur lagriculture. Dans le présent chapitre, il nest ni possible ni approprié de récapituler les différents cas exposés mais certains points généraux peuvent être précisés.
Un meilleur accès aux marchés (surtout dans les pays développés dans lesquels on enregistre depuis toujours les niveaux les plus élevés de soutien ayant des effets de distorsion sur les échanges, pour la production agricole) et labolition de la concurrence déloyale provoquée par les subventions à lexportation, sont les principaux objectifs du cycle actuel de négociations. Dans la plupart des pays en développement, les stratégies de substitution des importations adoptées par le passé ont été remplacées par des politiques de développement, qui mettent laccent sur les bénéfices qui peuvent découler dune intégration à léconomie mondiale. Toutefois, ces avantages ne seront pas obtenus si les obstacles au commerce continuent à freiner et à limiter la croissance des secteurs pour lesquels les pays en développement ont un avantage comparatif. Ces difficultés sont évidentes dans létude de cas consacrée à lÉgypte. Avec une amélioration de laccès aux marchés, lÉgypte devrait adopter une stratégie reposant sur lattribution de ressources accrues aux exportations de produits horticoles exportables de valeur élevée, pour lesquels lÉgypte a un avantage comparatif. Toutefois, des améliorations limitées daccès aux marchés conduiront lÉgypte à adopter une stratégie de substitution des importations axée sur la production alimentaire qui saccompagne dune utilisation moins efficace des ressources agricoles. Le protectionnisme dans lUnion européenne (principal marché de lÉgypte) nincitent pas lÉgypte à modifier sa position sur lautosuffisance alimentaire, comme moyen dassurer la sécurité alimentaire.
Dans les paragraphes consacrés à laccès aux marchés et à la concurrence, divers problèmes sont soulevés dans les études de cas, et notamment les suivants: crêtes tarifaires sur les produits dexportation importants pour les pays en développement; crêtes tarifaires limitées dans le Cycle dUruguay mais qui font néanmoins obstacle à lextension des activités de transformation des aliments entraînant une valeur ajoutée dans les pays en développement; recours plus fréquent aux mesures SPS et aux retards pour reconnaître léquivalence des mesures SPS mises en oeuvre dans les pays en développement; problèmes des préférences commerciales; nécessité de contingents tarifaires plus importants dont les modalités daccès devraient être plus transparente; et nécessité de supprimer les subventions à lexportation.
La plupart des études de cas sont favorables à des mécanismes de sauvegarde appropriés, permettant de lutter contre des prix dimportation trop bas et contre des augmentations subites des importations, afin de permettre une libéralisation accrue des échanges en évitant des coûts sociaux excessifs. Un tel mécanisme se justifie aussi comme protection contre les effets des subventions élevées et de la protection de lagriculture dans les pays développés, qui déprime et déstabilise les cours mondiaux et créé une concurrence déloyale à la fois sur les marchés internationaux et nationaux. On estime en général que les sauvegardes générales du GATT sont trop complexes et lourdes à utiliser, les préjudices devant être démontrés. Une adaptation des mesures de sauvegarde spéciale pour les pays en développement semble être une alternative souhaitable.
Une autre préoccupation des pays importateurs de produits alimentaires est celle de la hausse des cours mondiaux et de linstabilité des prix conduisant à un risque de tendance des prix à la hausse pour les pays importateurs. On considère dans lensemble que la Décision de Marrakech est dépourvue deffet et quil sera essentiel de renforcer ses dispositions pour obtenir le soutien des pays importateurs de denrées alimentaires à faibles revenus, dans les négociations en cours.
Plusieurs études de cas ont signalé quil était nécessaire dassurer que les règles de lAccord sur lagriculture nempêchent pas les pays en développement de protéger et de soutenir la production alimentaire nationale. Cette préoccupation découle en partie de la constatation quun niveau élevé dautosuffisance alimentaire, notamment pour les denrées de base, est nécessaire pour la sécurité alimentaire du pays. Elle est également liée au fait que la pauvreté sévit surtout dans les zone rurales et quil est donc nécessaire de développer les possibilités de croissance et demploi dans les zones rurales et dans lagriculture, dans le cadre des stratégies de sécurité alimentaire. Comme les petits producteurs sont souvent les plus touchés par le processus de libéralisation des échanges, une certaine forme de soutien ciblé en vue daccroître la productivité des petites exploitations et pour stimuler la diversification de léconomie rurale pourraient aussi être requises afin dempêcher la marginalisation des producteurs à faibles revenus. Un troisième aspect est celui de léquité: lAccord sur lagriculture a favorisé les pays développés qui ont octroyé de fortes subventions par le passé, en leur permettant de continuer cette pratique, mais il empêche maintenant les pays en développement de se comporter de la même façon, simplement parce quils étaient trop pauvres pour financer ces subventions par le passé.
Il ressort des études de cas, que les disciplines de lOMC nont pas été contraignantes pour les politiques de soutien nationales, que les pays en développement veulent mettre en place. Les contraintes budgétaires et les engagements précédents au titre des PAS semblent avoir un effet beaucoup plus limitatif pour ces interventions. Toutefois, nombre de ces études de cas indiquent que les pays en développement sont perplexes au sujet de limplication des disciplines actuelles pour les options de soutien. De nombreux pays en développement souhaitent une flexibilité supérieure à celle que les dispositions actuelles de lAccord sur lagriculture peuvent autoriser.
Une certaine perspective historique sur lévolution du soutien accordé aux agriculteurs peut être utile, pour étudier cette question. Avec le développement des pays, laccroissement du niveau de revenus saccompagne de transferts plus élevés vers le secteur agricole dans les pays. Cela sexplique à la fois pour des raisons économiques et politiques. La croissance économique est associée à un déplacement des possibilités demploi du secteur agricole vers les secteurs non agricoles et des zones rurales vers les zones urbaines. Ce passage saccompagne dun écart croissant entre les revenus non agricoles et enfin avec un déclin de limportance de la main duvre agricole. Confrontés au déclin de leurs revenus, les agriculteurs sont incités à se regrouper et à faire pression politiquement pour les transferts de revenus. Parallèlement, la croissance économique permet davantage au secteur non agricole de soutenir le coût de laugmentation des transferts destinés aux agriculteurs. La croissance économique implique aussi ladoption dune alimentation plus riche en viande et en consommation indirecte de céréales, qui aboutit à une détérioration de la balance des échanges agricoles. La préoccupation de voir la baisse des rapports dautosuffisance, saccompagne dune réduction de la sécurité alimentaire et vient sajouter à une réduction des problèmes déquité, pour augmenter la volonté des populations non agricoles de contribuer aux transferts agricoles. La réduction de la taille du secteur agricole saccompagne dune efficacité accrue des agriculteurs qui exercent une pression plus forte, alors que le coût des transferts vers la population non agricole, de plus en plus nombreuse, diminue. Cela se traduit par un niveau de plus en plus élevé de soutien agricole, parallèlement à la croissance des revenus par habitant. Il est probable que les mêmes forces économiques et politiques agiront, notamment dans les pays en développement à revenus moyens, avec la hausse du niveau de leurs revenus par habitant.
Les études de cas indiquent que les restrictions financières qui existent dans de nombreux pays en développement (surtout dans les pays en développement à faible revenu), impliquent que ces pays ne pourront pas recourir à une flexibilité accrue, pour les dépenses de soutien internes. Les pays en développement, à revenus moyens, en voie dindustrialisation et où le nombre absolu de personnes travaillant dans lagriculture est en recul, sont ceux qui vraisemblablement pourront recourir à cette flexibilité additionnelle. Compte tenu des pressions probables qui sexerceront pour des transferts agricoles accrus à lavenir, notamment pour les pays en développement à revenu moyen, la question pour les pays en développement est de savoir comment tenir compte de ces pressions en adoptant une plus grande flexibilité, pour fournir des transferts agricoles liés à la production. On peut tirer des leçons importantes de lexpérience des pays développés où la protection tend à être accaparée par les groupes de producteurs et ne bénéficie pas nécessairement à lintérêt général.
Une autre stratégie adoptée par les pays en développement à faible revenus, consiste à limiter ou à accroître la flexibilité de prendre des mesures à la frontière, pour protéger la production nationale. Des droits plus élevés pour protéger les producteurs nationaux de denrées alimentaires nentraînent pas des dépenses publiques et peuvent contribuer à renflouer les caisses publiques. Il existe une tension permanente entre le choix daugmenter les prix en faveur des producteurs ruraux de denrées alimentaires et dabaisser les prix des denrées pour accroître la sécurité alimentaire des consommateurs. Les avantages du soutien des prix tendent à profiter surtout aux principaux producteurs commerciaux, qui produisent le gros des disponibilités alimentaires commercialisées. La plupart des pauvres ruraux sont des ouvriers agricoles et des acheteurs nets de produits alimentaires. LIndonésie fournit un exemple dramatique: la pauvreté qui avait reculé progressivement de 1976 à 1996, a repris à nouveau régulièrement du terrain du fait de la crise asiatique et a retrouvé le niveau davant la crise vers lan 2000. La baisse des prix alimentaires, due en grande partie au recul du prix du riz, à la suite de la réforme commerciale, a eu un rôle important dans cette amélioration. Dans certains cas, lélimination des taux de change surévalués pourraient accroître les incitations pour la production nationale de denrées alimentaires (comme récemment en Égypte) sans introduire les distorsions associées à une politique tarifaire, mais des mesures spéciales pour aider les consommateurs pauvres à la suite de la dévaluation pourraient aussi être prises. A lavenir les politiques tarifaires devraient tenir compte également des engagements dintégration régionale adoptés par chaque pays.
Un certain nombre détudes de cas soulèvent dautres questions spécifiques à élucider lors des négociations agricoles. On peut citer notamment le statut des subventions dirrigation, la méthodologie utilisée pour calculer lélément de soutien des prix du marché de la MGS et la position des PMA. Certains pays aimeraient que les règles de lAccord sur lagriculture soient plus claires pour que les niveaux positifs de MGS par produits ou autres que par produits puissent être compensés par des niveaux négatifs de MGS par produits. Un tel changement ne serait pertinent que pour les pays qui ont un engagement consolidé de MGS. Pour les pays dont les niveaux de MGS à lavenir, doivent être limités aux catégories «exemptées» - il sagit de la plupart des pays en développement - la possibilité de compensation serait sans effet puisque les conditions de minimis de la MGS autorisent au maximum 10 pour cent de la valeur de la production de chaque produit individuel, indépendamment du niveau faible ou élevé de la MGS pour dautres produits.
Avec le progrès des négociations, les avantages deviennent plus évidents, et les pays en développement devront examiner de manière spécifique et détaillée les répercussions possibles des différentes questions faisant lobjet de négociations. Certains pays ont un besoin daide technique et financière pour améliorer la capacité danalyse politique. Un certain nombre détudes de cas ont relevé lincapacité des mécanismes politiques daborder les questions relatives à lAccord sur lagriculture et le besoin daméliorer la coordination notamment avec la participation dorganisations de la société civile, à la formulation des positions de négociations dans le pays. De nombreux pays en développement négocient des accords dintégration régionale parallèlement à la libéralisation des échanges multilatéraux. La nécessité des pays en développement dévaluer et de mettre à jour leurs niveaux de MGS, non pas seulement pour se conformer aux règles de lOMC, mais dans le cadre du processus danalyse des politiques nationales, a été souligné dans certaines études. Certains pays ont bénéficié de laide technique au titre du Programme intégré conjoint dassistance technique et du Cadre intégré pour lassistance technique liée au commerce pour les PMA, mais il existe encore un besoin daide technique et financière, pour améliorer la capacité danalyse politique, notamment dans les PMA.