Stephen E. McGaughey
Stephen E. McGaughey est chef de la Section d'économie agricole de la Banque interaméricaine de développement a Washington, D, C, Cet article est l'adaptation d'une communication présentée au 9e Congrès forestier mondial, qui s'est tenu à Mexico du 1er au 10 juillet 1985.
Les pays en développement prennent de plus en plus conscience de l'importance des investissements forestiers et de la contribution qu'ils peuvent apporter au développement économique et social. Tandis que certains pays ont pris la décision d'accroître les financements dans leur secteur forestier, de nombreux autres ne disposent pas des ressources nécessaires, ou n'ont pas trouvé le meilleur moyen de promouvoir ce secteur. Les institutions internationales de financement ont depuis quelques années accru leurs apports dans ce domaine, mais ceux-ci restent au total bien modestes en regard des besoins probables. Les forestiers n'ont pas encore réussi à convaincre les responsables politiques de l'importance de leur secteur, et leurs institutions nationales sont encore peu puissantes. Le présent article explique ce qui pourrait être fait pour améliorer la situation.
BASSIN VERSANT À AMÉNAGER AU PAKISTAN il faut reboiser pour arrêter l'érosion (F. MATTIOLI/FAO)
· Les besoins de financement du secteur forestier s'accroissent parce que l'on prend conscience, au plan national et international, de la contribution de ce secteur au développement économique (Banque mondiale, 1978). Dans le même temps, les difficultés budgétaires aussi bien dans les pays développés que dans ceux du tiers monde limitent les disponibilités futures tant d'assistance officielle au développement que de ressources financières nationales.
Le volume total de l'assistance officielle s'est accru lentement au cours des 10 dernières années, la part octroyée à l'agriculture et à la forêt restant d'une faiblesse décourageante (Organisation de coopération et de développement économiques, 1984). A cet égard, les ressources financières allouées au secteur forestier n'ont augmenta que par à-coups, en fonction surtout de l'existence de projets particuliers et de l'expansion sporadique de programmes nationaux, plutôt que d'une volonté concertée de la part des responsables nationaux et des organismes internationaux de financement. En même temps, dans une économie mondiale en croissance ralentie, les pays se trouvent confrontés à de graves crises d'ajustement interne, résultant des problèmes de dette extérieure et de balance des paiements, de l'inflation, du chômage et des pénuries alimentaires, d'où des perspectives de croissance généralement limitées et des restrictions budgétaires.
En raison du climat économique et budgétaire défavorable, les responsables de la politique forestière internationale sont maintenant appelés à démontrer que les investissements dans le secteur forestier soutiennent avantageusement la comparaison avec d'autres utilisations possibles de ressources financières limitées. L'expérience de la Banque mondiale et de la Banque interaméricaine de développement (BID) de même que diverses études (Sedjo, 1983) démontrent que les investissements forestiers, faits dans un but social aussi bien qu'industriel, ont des taux de rentabilité économique favorables. Néanmoins, à l'heure actuelle, ils sont en concurrence avec les investissements dans d'autres secteurs tels que l'industrie (autre que forestière) ou l'agriculture, ainsi qu'avec des besoins immédiats parfois première nécessité - comme les importations alimentaires.
Les programmes forestiers financés par des institutions internationales ont appris à celles-ci qu'elles devraient prendre de nouvelles mesures afin d'accroître leur assistance dans ce secteur. Pour faciliter l'aide internationale, il faut aussi que les projets nationaux soient conçus sous une forme adaptée aux modalités de financement international, lesquelles exigent des pro jets d'investissement et d'assistance technique bien individualisés dans leur préparation et leur exécution. Plus important encore, les administrations forestières ne structurent pas encore leurs programmes en projets d'investissement; elles organisent en général leurs activités selon des lignes fonctionnelles correspondant aux objectifs techniques étroits des diverses institutions, tels que recherche sur les essences forestières, lutte contre les insectes, aménagement de parcs nationaux, inventaire des ressources forestières, etc.
Il existe de nombreuses possibilités d'accroître le financement international de programmes nationaux dans le secteur forestier, mais leur concrétisation dépend davantage de facteurs qui sont du ressort d" autorités nationales que des politiques des organismes internationaux, dont les ressources sont fort limitées. En matière de financement international, la plupart des institutions internationales et régionales ont déjà lancé des programmes de développement forestier. Vers la fin des années 70, la Banque mondiale a accru de façon spectaculaire ses prêts au secteur forestier, à la suite de l'élaboration d'un document définissant une politique dans ce secteur. En 1982-1983, la BID a réalisé une importante étude et organisé une conférence sur le financement du développement forestier (McGaughey et Gregersen, 1983). L'Agence canadienne de développement international a récemment procédé à un examen critique de son expérience dans ce secteur. L'Agence pour le développement international (AID) a intensifié ses actions forestières après avoir obtenu l'aval du Congrès des Etats-Unis en 1979. D'autres exemples peuvent encore être cités parmi les initiatives de la FAO en matière de foresterie sociale et dans le large éventail des programmes d'assistance technique financés par le PNUD qui visent le développement de projets forestiers.
En dépit de ces nombreuses initiatives nouvelles, l'assistance officielle au développement du secteur forestier reste faible. Elle joue, au mieux, le rôle d'un catalyseur pour lancer de nouveaux programmes ou assurer la continuité de ceux en cours plutôt que d'une ressource susceptible d'alimenter le développement à long ferme. C'est pourquoi le financement futur du secteur devra provenir pour l'essentiel de sources nationales, publiques et privées, avec un complément croissant fourni par le financement privé international.
VISITE D'UNE PLANTATION D'EUCALYPTUS une bonne planification encourage les investissements (FAO)
PÉPINIÈRE DE PINS EN BIRMANIE pour répondre à la demande de bois de feu (F. BOTTS/FAO)
Le diagramme de la page 9 présente les relations entre: i) les sources publiques et privées (directes et indirectes) de financement, d'origine nationale ou internationale; ii) quelques grandes catégories d'investissements dans le secteur des forêts et des industries forestières (y compris les volets de projets plus vastes hydro-électriques ou agricoles, par exemple); et iii) les mécanismes de financement qui entrent en jeu pour diriger les ressources publiques et privées vers les projets d'investissement. Ces mécanismes comportent une large gamme de modalités de transfert des ressources au bénéficiaire, gratuitement ou non pour ce dernier (Gregersen et McGaughey, 1985). Les fonds proviennent de sources publiques ou privées, nationales ou internationales; certains fonds d'origine publique transitent par des intermédiaires privés pour aboutir au projet d'investissement proprement dit. Le présent article examinera surtout les problèmes que pose l'accroissement des apports provenant de sources publiques internationales de financement.
Diverses études récentes ont tenté de chiffrer les investissements nécessaires, par région et par pays, pour mettre en uvre les stratégies de développement du secteur forestier. Si l'on inclut les investissements traditionnels en matière d'industries forestières et les reboisements industriels, on arrive à des chiffres très élevés par comparaison avec les disponibilités actuelles à l'échelle nationale et internationale. Pour l'Amérique latine, par exemple, la BID a estimé à quelque 8 milliards de dollars U.S. les besoins annuels de financement pour exploiter simplement les possibilités les plus importantes d'investissement en matière d'industries forestières et de reboisements industriels d'ici à l'an 2000 (McGaughey et Gregersen, 1983). Spears et Ayensu (1984) ont récemment estimé les investissements mondiaux dans le reboisement et la conservation des forêts (à l'exclusion des industries forestières) pour la période 1986-2000 à 5,3 milliards de dollars par an, dont un tiers devrait être fourni sous forme d'assistance publique au développement. Ce chiffre suppose un engagement unanime des pays concernés en faveur de la restauration des bassins versants, de la conservation biologique, des plantations de bois de feu, des forêts de production, et de la recherche forestière et de la formation; il doit donc être considéré comme une limite supérieure pour les financements à venir.
Les chiffres avancés dans les deux rapports susmentionnés apparaissent élevés en regard du nombre de projets d'investissement qui sont prêts à être mis en uvre par les organismes internationaux de financement et des possibilités de prêts pour les cinq ou dix années à venir. Toutefois, il reste une marge pour accroître le volume actuel des financements annuels. A présent, la Banque mondiale engage dans le secteur forestier quelque 150 millions de dollars par an et les banques régionales de développement pas plus de 75 à 100 millions de dollars. Au mieux, le chiffre moyen annuel de 300 à 400 millions de dollars de nouveaux prêts consentis par les institutions financières et les assistances bilatérales pour les forêts et les industries forestières doit être considéré comme une estimation optimiste.
Depuis les années 60, les institutions multilatérales et bilatérales financent activement des investissements de caractère commercial dans les forêts et les industries forestières. Ces projets répondent aux critères traditionnels de viabilité financière, et il s'agit souvent de projets intégrés de reboisements et industries forestières, ou d'installations industrielles de transformation destinées à exploiter les forêts naturelles existantes. A l'heure actuelle, il peut être important d'investir dans les industries forestières traditionnelles pour les pays qui connaissent de sérieux problèmes de balance des paiements, possèdent d'abondantes ressources forestières et peuvent soutenir la concurrence sur les marchés internationaux grâce à des coûts peu élevés.
Les programmes forestiers des institutions internationales de financement ont connu des changements, qui se traduisent dans leurs programmes d'assistance technique. Un événement notable a été l'introduction, au début des années 80, d'investissements concernant la foresterie sociale et écologique. L'importance donnée au développement rural a amené à introduire dans les projets un volet de foresterie sociale. La FAO a parlé pour la première fois de «forêt au service du développement des collectivités locales», et par la suite l'expression de «foresterie sociale» est devenue d'usage courant. A l'échelle mondiale, la Banque mondiale a octroyé un volume important de prêts dans ce domaine, tandis qu'à l'échelon régional la Banque asiatique de développement et la BID ont adopté des volets de foresterie sociale dans un certain nombre de projets de développement rural, ainsi que des projets autonomes de foresterie sociale. L'AID a apporté un appui particulièrement actif aux programmes de ce genre.
Avec la crise de l'énergie, le bois est devenu une source plus intéressante pour les ruraux pauvres, l'industrie et les ménages urbains. Les organismes internationaux de financement ont répondu à cette situation nouvelle en incluant dans les projets de développement rural intégré un volet de production de combustibles ligneux, qui par la suite en est venu à constituer un élément important des programmes forestiers nationaux. D'autre part, le potentiel de production d'énergie hydro-électrique à bon marché existant dans certaines régions, notamment en Amérique latine, a mis en évidence la nécessité de protéger les bassins versants concernés, ce qui a fourni une justification économique à l'inclusion de la conservation des forêts dans les programmes énergétiques nationaux. Plus récemment, les pénuries alimentaires répétées qu'a connues l'Afrique ont fourni des arguments en faveur de plantations forestières à fins multiples ayant un rôle de conservation et de production de fourrage et de bois de feu pour les populations locales, dans le cadre des programmes agricoles nationaux.
En résumé, les institutions internationales se montrent désormais plus disposées à financer des investissements variés dans le secteur forestier pour répondre à des conditions changeant rapidement, en dépit des contraintes auxquelles se heurte l'expansion des financements internationaux. Mais au sein de ces institutions elles-mêmes le secteur forestier a toujours du mal à disputer des ressources limitées à d'autres secteurs dont les besoins sont apparemment - plus urgents, tels qu'agriculture et production vivrière.
TRAVAIL ARTISANAL DU BOIS EN HAÏTI le secteur forestier a besoin d'investissement (J. LAGLEY)
D'autre part, on constate un! manque général de connaissance des investissements forestiers, voire un certain préjugé non fondé à leur encontre. En outre, les fonctionnaires responsables des prêts sont peu familiarisés avec la conception, le fonctionnement et la gestion des projets forestiers. A l'exception des projets d'industries forestières, qui trouvent facilement des débouchés sur les marchés nationaux ou internationaux, les investissements dans le secteur forestier I sont réputés avoir une longue période de gestation et une rentabilité trop tardive. Les projets forestiers ont d'autre part en général, notamment lorsqu'il s'agit de reboisements, des coûts peu élevés en devises. Or, la plupart des institutions d'aide bilatérale ou multilatérale ont justement été conçues à l'origine pour permettre de transférer aux pays en développement des ressources limitées en devises. Pourtant, les organisations internationales financent depuis longtemps des investissements considérables dans des projets d'irrigation qui se caractérisent par un faible taux de rentabilité, une longue période de gestation et des subventions aux bénéficiaires.
On s'est heurté à des difficultés semblables lorsqu'il s'agissait de convaincre les responsables nationaux. (Il existe naturellement des exceptions notables: le Brésil, le Chili, l'Inde, la Malaisie, la République de Corée, pour ne citer que quelques exemples.) Les forestiers se battent pour «vendre» leurs programmes, avec un succès limité, en dépit de l'importante contribution que peut apporter leur secteur et de l'ampleur des problèmes de conservation des ressources, et bien que le secteur forestier n'ait bénéficié jusqu'à présent que de fonds plus que modestes.
Ce qu'il en coûte de ne pas investir Au cours des 20 dernières années, la plupart des gouvernements nationaux et des organismes d'assistance ont été obnubilés par la tâche colossale de nourrir la population en croissance vertigineuse du tiers monde, au point que plus de 95 pour cent de toute l'aide apportée à l'agriculture ont été affectés à des projets qui avaient pour objectif essentiel la production vivrière à court terme. Les investissements dans la production agricole, l'éducation, la nutrition, la santé humaine, etc. Ont invariablement pris le pas sur la nécessité de protéger les terres et autres ressources naturelles dont dépendra en définitive la survie de l'humanité. Les investissements réalisés par les banques de développement en vue de la conservation des forêts, par exemple, se chiffrent à moins de 1 pour cent de leurs investissements totaux pour la dernière décennie. La carence des gouvernements nationaux aussi bien que de la communauté internationale en matière d'investissements pour la conservation des forêts, la restauration des bassins versants, la lutte contre la désertification et l'érosion, et autres mesures de protection de l'environnement, a coûté très cher du point de vue économique et social. Une bonne part de la baisse des rendements agricoles, des pénuries alimentaires, des souffrances humaines, des dégâts à l'environnement auxquels sont aujourd'hui confrontés les pays en développement aurait pu être évitée s'il y avait eu dans le passé une réelle volonté politique d'investir dans la conservation des ressources naturelles. Citons un passage d'un récent rapport de la Commission mondiale de l'environnement: Les programmes à longue échéance qui auraient contribué à traiter les problèmes fondamentaux n'ont reçu qu'un appui relativement limité. Ainsi, le programme de lutte contre la désertification, adopté en 1977 par les Nations Unies, a été dans une large mesure ignoré tant par les pays donateurs que par les pays bénéficiaires. Il est intéressant de noter que le coût annuel de ce programme était estimé à 4,5 milliards de dollars U.S. jusqu'à l'an 2000 pour toute la planète. Dans la répartition de cette somme, on constate que la part de l'Ethiopie était estimées à 50 millions de dollars par an jusqu'à l'an 2000. Cependant, on n'a trouvé ni volonté politique ni argent pour mettre en uvre ce programme. Or, huit ans plus tard, confrontée à un drame humain sans précèdent, la communauté mondiale a dû trouver des fonds pour les mesures d'urgence, estimés à ce jour à 400 millions de dollars rien que pour l'Ethiopie, et ce chiffre dépassera certainement 500 millions de dollars avant la prochaine récolte. Il sera bien supérieur si la récolte est de nouveau nulle. L'arithmétique de la prévention est presque toujours convaincante; il nous faut d'une manière ou d'une autre imaginer une politique de prévention qui puisse rivaliser avec la politique de crise. Extrait d'un mémoire présenté en septembre 1985 à la 12e Conférence du Commonwealth - tenue à Victoria Colombie britannique (Canada) et intitulé «Problèmes du déboisement dans les pays en développement: nécessité d'un programme d investissement accéléré» par John Spears, conseiller forestier auprès de la Banque mondiale. |
Pour surmonter ces difficultés, les organismes forestiers doivent traiter la question du financement de leurs actions sur deux plans. Tout d'abord, il leur faut démontrer aux responsables nationaux la viabilité de tels investissements et la contribution considérable qu'ils peuvent apporter au développement national, comme en témoignent les taux de rentabilité obtenus dans des projets forestiers appuyés par la Banque mondiale et par les banques régionales de développement. En outre, il faut convaincre les responsables des finances nationales et de la planification des multiples avantages que la forêt apporte au développement économique et social du pays, sous la forme de devises, de fourniture d'énergie, d'aliments, de fourrage, de revenus et d'emplois.
La seconde tâche à entreprendre au plan national est de concevoir des mécanismes pratiques de transfert financier pour les investissements forestiers. Cela pourra aller des subventions directes en espéces aux entrepreneurs forestiers à des crédits commerciaux à long terme et à la fourniture gratuite de plants et d'équipements de plantation et de récolte aux petits forestiers privés. L'expérience montre qu'il n'y a pas de formule unique pour les incitations financières; elles devront dans chaque pays être ajustées en fonction des caractéristiques particulières du système financier et budgétaire et du marché local des capitaux. Des exemples notables peuvent être cités: les subventions directes, très efficaces, au Chili; les exonérations fiscales au Brésil, qui ont encouragé d'importants investissements dans les reboisements; le programme national de crédit subventionné en République de Corée, qui fonctionne efficacement. En règle générale, toutefois, les programmes de crédit forestier subventionné n'ont pas donné de bons résultats dans la plupart des autres pays.
La durée de la période de versement des fonds, pour les prêts forestiers, devrait être de l'ordre de huit à dix ans; à l'heure actuelle, dans les organismes internationaux, elle est aux alentours de cinq ans.
Toutefois, on observe un progrès certain dans l'appui des institutions financières internationales au développement du secteur forestier. Il y a une dizaine d'années, il était extrêmement difficile de leur faire prendre au sérieux des projets forestiers; à présent, les activités forestières ont acquis droit de cité dans toutes les institutions. La question qui se pose au plan international est de savoir si les financements forestiers resteront à un niveau relativement modeste et d'une priorité incertaine par rapport aux autres secteurs, et si un apport sûr et continu de ressources internationales sera disponible pour appuyer le lancement de nouveaux programmes forestiers nationaux.
Conditions de prêt. La première question qui se pose concerne les conditions de prêt des institutions de financement. Les règles en vigueur dans les banques internationales et régionales ne sont pas parfaitement adaptées au financement du développement forestier. C'est particulièrement le cas lorsqu'il n'existe dans le pays ni financement public ni incitations à un niveau et dans des conditions qui s'accordent avec les caractéristiques des projets forestiers.
Les conditions de prêt des organismes internationaux susceptibles d'influer sur les investissements forestiers sont les suivantes: i) le taux d'intérêt; ii) le délai de grâce; iii) la période de déboursement; iv) la proportion de devises; et v) la période de remboursement. Si le gouvernement cautionne des prêts globaux et qu'ensuite des banques privées prêtent à des emprunteurs groupés ou individuels, ou encore si le gouvernement fournit un financement direct ou une contribution en nature, les conditions déterminantes pour les projets forestiers sont le délai de grâce et la durée de la période de déboursement et la proportion de devises. Tant qu'un financement est disponible, le taux d'intérêt, à moins d'être à un niveau réel très élevé, paraît moins limitant pour le succès d'un projet.
La durée de la période de versement des fonds, pour les prêts forestiers, devrait être de l'ordre de huit à dix ans; à l'heure actuelle, dans les organismes internationaux, elle est aux alentours de cinq ans. Dans d'autres secteurs où le cycle de production est relativement long, tels que l'élevage, les organismes internationaux de prêt ont recours à des avances globales de crédit en plusieurs étapes. Cette méthode, sans être parfaite, pourrait être utilisée pour les prêts forestiers lorsque des périodes de déboursement de huit ans ou plus seront de pratique courante. A ce jour, les institutions internationales et régionales s'y montrent peu disposées, même pour d'autres secteurs comme l'irrigation ou l'élevage.
Le second élément critique est la proportion de devises dans le prêt. Dans le passé, les banques internationales et régionales ne finançaient que la partie en devises du coût des projets, ce qui restreignait l'intérêt des gouvernements pour les investissements concernant les ressources naturelles. Mais les choses ont changé. La BID verse en devises des pourcentages préétablis du coût des projets, et dont le montant peut excéder les dépenses réelles en devises. Cela signifie qu'un projet comportant une proportion faible de coût réel en devises - par exemple un projet forestier - intéressera les autorités financières nationales, du fait qu'il leur permettra de disposer librement, dans le prêt accordé, d'un montant en devises. C'est un encouragement de plus aux gouvernements à fournir des incitations financières aux actions forestières, en compensation des faibles recettes monétaires procurées par les projets.
Instruments. La seconde question importante qui se pose est de savoir si les institutions internationales peuvent introduire, pour le secteur forestier, de nouveaux instruments de financement. Parmi les possibilités, on peut mentionner: i) des plans de financement mixte (cofinancement ou financement associé); ii) la création de fonds de garantie pour réduire les risques; iii) des systèmes d'assurance cautionnés par les gouvernements nationaux; et iv) des programmes de prêts sectoriels et globaux, intégrant les financements qui intéressent les Industries et les ressources. Les organismes internationaux de financement se sont intéressés de prés aux plans de cofinancement comme moyen d'accroître l'efficience des fonds publics. Le cofinancement peut consister en un financement combiné entre plusieurs banques internationales ou régionales, des banques commerciales privées, des organismes régionaux ou nationaux de financement à l'exportation, ou des fonds de développement bilatéraux. Dans les projets forestiers, de tels arrangements pourraient permettre d'améliorer la trésorerie des projets en modifiant le délai de grâce et la durée des périodes de déboursement et de remboursement.
Des fonds de garantie pourraient être créés afin de réduire le risque couru par les intermédiaires financiers nationaux qui financent des reboisements privés. Ils serviraient de réserves pour pallier les défauts de remboursement de prêts et autres pertes. Des organismes multilatéraux et bilatéraux ont récemment eu recours à des fonds de garantie pour encourager des petits prêts aux entreprises, et ces fonds paraissent des instruments intéressants pour une catégorie limitée de projets d'investissement forestier. Ils ne sont pas nécessaires lorsque l'Etat fournit un financement direct aux bénéficiaires des projets.
Les institutions financières internationales et régionales devraient aider bien plus activement les pays à concevoir des incitations financières efficaces, notamment pour les reboisements et autres projets forestiers.
Un système d'assurances contre les incendies, les insectes, les inondations et autres sinistres peut être mis en place à l'échelle nationale afin de réduire les risques des projets. Les programmes d'assurance de récoltes agricoles comportent habituellement un élément important de subvention de l'Etat; une assurance forestière aurait vraisemblablement une structure identique.
Des prêts sectoriels ou globaux et des prêts d'ajustement économique ont été accordés par des organismes multilatéraux et bilatéraux pour financer le développement agricole et industriel. Les prêts globaux sont utilisés par des intermédiaires financiers pour acheminer les fonds jusqu'aux emprunteurs privés de second rang. Dans le cas d'un prêt sectoriel ou d'ajustement économique, un programme d'investissement sectoriel est financé par des déblocages de fonds successifs qui sont conditionnés par les progrès accomplis dans la réalisation du plan d'investissement d'ensemble et la mise en uvre de la politique officielle, plutôt que par des projets individuels. Le prêt sectoriel comporte généralement un financement complémentaire et une assistance technique, qui constituent des apports au programme d'investissement sectoriel. L'approche sectorielle peut être avantageusement utilisée dans des pays qui sont déjà en mesure d'identifier, préparer et exécuter simultanément plusieurs projets d'investissement.
UN ÉTUDIANT EN BOTANIQUE AU NIGÉRIA Il faut aussi investir dans la formation (NATIONS UNIES/FAO)
Coordination. La troisième grande question concerne la nécessité de mieux harmoniser les conditions et modalités des prêts internationaux avec les incitations financières nationales pour les investissements forestiers. On a signalé Dar ailleurs la nécessité d'incitations financières publiques pour assurer un volume suffisant d'investissements forestiers (Gregersen et McGaughey, 1985). Cela a aussi été clairement démontré dans divers pays où de telles incitations ont permis une expansion notable des programmes nationaux de reboisements industriels, pour asseoir une industrie forestière compétitive et diversifiée ou pour assurer les approvisionnements en combustibles ligneux. A cet égard, les heureux résultats obtenus au Brésil, au Chili et en République de Corée ont souvent été cités.
Il est évident que des incitations - sous forme de subventions - sont indispensables dans le domaine de la foresterie, en raison de la nature particulière des investissements dans ce secteur et dans celui des autres ressources naturelles. Tout d'abord, les investissements forestiers engendrent d'importantes «économies externes» (terme du jargon économique qui désigne des économies s'étendant en dehors du projet d'investissement considéré et dont peuvent bénéficier d'autres personnes que l'investisseur lui-même); il peut s'agir, par exemple, de conservation des sols, de prévention des inondations ou de protection écologique. En second lieu, il y a une grande incertitude quant aux revenus futurs des investissements. Enfin, la trésorerie des investissements forestiers, qui comportent une période initiale de déficit relativement longue, exige un financement à long terme spécial, même si les taux de rentabilité économique et financière sont satisfaisants.
Le point essentiel est que le financement international, même avec un taux de rentabilité favorable des projets, a peu de chances de succès à moins que des incitations financières au plan national ne viennent corriger l'inadaptation des conditions de prêt des organismes bailleurs de fonds, ou que ces conditions ne soient modifiées pour répondre à la structure financière des projets. On peut citer de nombreux exemples de lignes de crédit international qui sont restées inutilisées faute d'incitations nationales appropriées. C'est pourquoi les institutions financières internationales et régionales devraient aider bien plus activement les pays à concevoir des incitations financières efficaces, notamment pour les reboisements et autres projets forestiers qui se caractérisent par une rentabilité lointaine et incertaine et un degré élevé de risque.
Le secteur forestier peut contribuer de manière importante à la réalisation des objectifs sociaux et économiques des pays en développement, même de ceux qui connaissent dans l'immédiat de graves crises économiques externes et internes. Plusieurs pays ont déjà démontré qu'en assignant une priorité nationale élevée à ce secteur dans ses aspects tant commerciaux que sociaux, on pouvait en moins de 10 ans accroître considérablement les surfaces plantées et le rendement des reboisements. Mais, en raison de leur nature, les investissements forestiers doivent être stimulés par une aide publique directe, notamment sous forme de subventions financières et de dégrèvements fiscaux. Ces aides directes permettent souvent de stimuler les plantations forestières de toutes sortes, mais elles deviennent indispensables si l'on veut accroître et utiliser judicieusement les financements internationaux, dans les conditions actuelles d'octroi des prêts. Celles-ci demandent à être révisées, afin de permettre un allongement de la période de déboursement qui convienne aux investissements forestiers, faute de quoi les gouvernements nationaux devront accroître le volume de leur aide au secteur pour pallier les déficits de trésorerie. Le financement international devrait être accru en particulier pour des programmes d'agroforesterie et de conservation.
Même si les institutions internationales modifient leurs conditions de prêt, les autorités nationales devront examiner les moyens d'accroître leur aide financière à la forêt. Connaissant de graves difficultés budgétaires, elles devront utiliser judicieusement les fonds disponibles et combiner les incitations (subventions, crédits, contributions en nature, dégrèvements fiscaux) de façon à réaliser un accroissement maximal des ressources forestières en contrepartie des fonds engagés. On a affirmé, par exemple, que certains pays avaient fourni des subventions d'un montant plus élevé qu'il n'eut été nécessaire pour encourager les reboisements au rythme souhaité. Outre que cette proposition est difficile à démontrer, il est probable que le petit supplément d'aide apportée par l'Etat n'a pas pesé trop lourd dans le budget de la plupart des pays. On a peu d'expérience en matière d'assistance aux pays pour les aider à mettre sur pied des programmes optimaux de subventions forestières (c'est-à-dire qui soient peu coûteux et efficaces, et puissent être poursuivis dans l'état actuel et à moyen terme des contraintes budgétaires). Il est souhaitable qu'à cet effet les institutions internationales d'assistance financière et technique accordent une aide spécialisée aux pays en développement.
Il faut aussi apporter sans retard un appui institutionnel aux administrations forestières dans deux domaines: recherche et formation, et formulation de projets d'investissement. La FAO et l'Union internationale des instituts de recherches forestières examinent les propositions présentées concernant l'organisation de la recherche forestière et l'établissement de réseaux régionaux et internationaux d'institutions de recherche. La plupart de ces propositions présentent un intérêt certain, mais jusqu'à présent aucune initiative n'a été prise pour les concrétiser et les financer.
Il manque un appui en matière de formulation de projets forestiers, et notamment de formation de forestiers capables d'identifier et de rédiger des projets propres à obtenir un financement international. Les organismes de financement devraient donner la priorité à ces deux domaines d'assistance technique.
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