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Bénéfices découlant des projets d'assistance au développement forestier: Les éléments dont on dispose donnent-ils une bonne idée de la situation?

J.G. Laarman et A. Contreras H.

Jan G. Laarman est professeur de foresterie à l'Université de la Caroline du Nord (Etats-Unis).
Arnoldo Contreras H. est expert forestier principal à la Banque mondiale.

Une assistance permanente au développement forestier exige que les projets de foresterie offrent des avantages intéressants du point de vue financier économique, social et écologique. Le présent article passe en revue les rapports d'achèvement de 28 projets forestiers fiancés par des sources extérieures et conclut que, dans la plupart des cas, les méthodes utilisées pour les évaluer ont abouti à une sous-estimation des avantages qu'ils apportent, notamment des avantages autres que les profits financiers directs.

L'assistance au développement forestier s'est accrue rapidement. Les financements extérieurs en faveur du secteur forestier tropical ont augmenté de près de 80 pour cent en quatre ans seulement, de 1984 à 1988 (voir tableau 1). A l'heure actuelle, ils s'élèvent au total à plus de 1 milliard de dollars des Etats-Unis par an. L'accroissement des financements a certainement été déterminé en grande partie par le fait que le public prend conscience des menaces pesant sur les forêts tropicales.

Toutefois, ces augmentations pourtant assez importantes de l'aide internationale au secteur forestier sont loin d'être suffisantes. Les ressources financières nécessaires pour promouvoir le développement forestier, compte dûment tenu de la capacité d'absorption, se montent à 13-17 milliards de dollars par an d'ici à l'an 2000, selon des estimations récentes de la FAO (FAO, 1987).

Si la plupart des pays en développement ont besoin d'investissements financiers importants dans la foresterie, ces investissements ne sont réguliers que si les avantages financiers, économiques, sociaux et écologiques qu'offrent les projets forestiers peuvent être démontrés. Bien que l'on affirme ou que l'on suppose implicitement que les projets forestiers sont «bons» sous ces aspects, on manque d'informations systématiques.

Les taux de rentabilité financière et économique d'un grand nombre de projets forestiers sont estimés au moment de l'examen préalable du projet. Toutefois, ces estimations sont très incertaines car elles comportent des prévisions de prix, de dépenses et de résultats technologiques et administratifs avant que les projets ne démarrent. En outre, l'examen préalable classique d'un projet permet rarement de calculer avec précision les avantages écologiques et sociaux, même si les défenseurs de la foresterie soutiennent souvent que ces deux types d'avantages sont fournis abondamment par les projets forestiers. En fait, on considère souvent que les contributions écologiques et sociales de la foresterie sont si importantes qu'elles constituent l'argument fondamental en faveur de l'allocation de ressources financières au secteur (Fearnside, 1989).

Nous examinons ici les taux de rentabilité et les effets sociaux et écologiques des projets forestiers financés par l'aide multilatérale, en nous occupant principalement des résultats après décaissement. Les périodes de décaissement pour les projets de foresterie sont généralement de cinq à huit ans, et les rapports d'achèvement de projet sont normalement rédigés un ou deux ans après, c'est-à-dire entre la sixième et la dixième année du projet. Au bout de six à dix ans, il est généralement possible d'établir une évaluation globale des succès et des échecs apparents. Les taux de rentabilité financière et économique révisés dans les rapports d'achèvement de projet ne constituent encore que des prévisions (en raison de la longueur des cycles de production forestière). Cependant, ils sont beaucoup plus précis que les estimations faites au moment de l'examen préalable.

L'échantillon de projets

Nous examinons dans le présent article les évaluations (après décaissement) de projets forestiers financés par des dons et des prêts, pour lesquels les rapports d'achèvement étaient disponibles au premier trimestre de 1989. Les donateurs d'aide multilatérale contactés pour obtenir des rapports d'achèvement de projets étaient la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement, la Banque interaméricaine de développement, le Programme des Nations Unies pour le développement et la FAO. En tout, 28 rapports ont été obtenus ainsi et examinés. Tous sont inclus dans la présente étude.

Les «projets de foresterie» sont séparés des autres projets sur la base d'une définition décidée par les prêteurs, séparation assez subjective quand les projets ont des objectifs multiples. La présente analyse ne tient pas compte des composantes forestières de projets axés sur le développement agricole ou rural, car ces composantes sont généralement trop petites pour être évaluées séparément.

Le tableau 2 classe les projets examinés par région et par objectif. Les projets vont de 4 à 378 millions de dollars pour ce qui est des coûts cumulatifs effectifs après la fin des décaissements (prêts ou dons). Les 28 projets représentent au total un peu plus de 1,5 milliard de dollars, montant important en valeur absolue mais modeste en tant que part des dépenses du secteur qui ont considérablement augmenté depuis le milieu des années 80. Quatre prêts consentis à trois pays européens représentent plus de la moitié du financement (870 millions de dollars), même si l'Afrique et l'Asie ont évidemment la plus grosse part dans bon nombre de projets. Dix projets sont financés exclusivement par des dons, les 18 autres le sont soit par des prêts, soit par des prêts associés à des dons.

Les premiers projets remontent à la fin des années 60, et les derniers projets achevés pour lesquels on dispose de rapports ont démarré en 1980. Les projets examinés appartiennent donc essentiellement à la «première génération» de projets forestiers, et la plupart d'entre eux concernent le développement des industries forestières. Un petit nombre de projets, surtout en Afrique, sont axés sur le bois de feu et l'énergie. Pratiquement aucun projet ne se donne pour objectif fondamental la conservation d'écosystèmes tropicaux. Le renforcement des institutions est une composante complémentaire dans la plupart des projets, mais les taux de rentabilité ne sont pas indiqués pour les composantes institutionnelles proprement dites.

Ce n'est que dans plusieurs années que la génération actuelle des projets de foresterie sociale pourra être évaluée d'une manière valable (Banque mondiale, 1986). Cependant, une bonne évaluation de la première génération de projets donne une base irremplaçable pour juger des résultats des projets forestiers futurs. La présente analyse dresse un bilan des performances passées et établit implicitement des règles pour les améliorations à venir.

TABLEAU 1. Aide et investissements internationaux pour le secteur forestier tropical, 1984 et 1988

 

1984

1988

Niveau effectif

Niveau estimatif

(millions de dollars U.S.)

Organismes nationaux

Australie

3

5,3 a

Autriche

1

0,1

Belgique

3

0,9

Canada

45

75,1 b

Danemark

10

29,3

Espagne


0,9

Etats-Unis

70

82,7 f

Finlande

12

22,0

France

15

42,9

Irlande

1

0,2

Italie


11,2 d

Japon

13

26,0 e

Norvège

5

12,6

Nouvelle-Zélande

3

4,1

Pays-Bas

10

32,1

Portugal


0,1

République fédérale d'Allemagne

25

147,3 c

Royaume-Uni

5

23,1

Suède

35

57,9

Suisse

11

22,9

Communautés de l'Europe de l'Est


35,0

Total partiel

267

631,7

Banques de développement

Banque mondiale

106

129,8

Banque asiatique de développement

30

75,0

Banque africaine de développement

5

1,0 g

Banque interaméricaine de développement

32

6,8 h

Total partiel

173

212,6

Organismes internationaux

PAM

110

131,4

PNUD (projets exécutés par la FAO, etc.)

28

24,9 i

OIT


2.,0

FAO

8

11,4

PNUE

2

1,5 j

Unesco


1,8

ONUDI


2,8

Bureau des Nations Unies pour la région soudano-sahélienne


12,2 k

Total partiel

148

188,0

Total général

588

1032,3

Source: Note du Secrétariat, intitulée «Review of international cooperation in tropical forestry», préparée en juillet 1989 pour la 9e session du Comité de la mise en valeur des forêts dans les tropiques

a Les chiffres se rapportent à l'exercice financier 1987/88: 1 dollar des Etats-Unis = 1,33 dollar australien. b ACDI et CRDI inclus. c Le montant total comprend 85,4 millions de dollars U.S. encore non déterminés. d Estimation approximative basée sur la valeur de l'ensemble des projets. e Estimation approximative supposant un accroissement annuel de 12,5 pour cent à partir de 1986. f Estimation fondée sur Forestry activities supported by the US Agency for International Development (mai 1988), ODA. g Approximation. h Les chiffres fournis par le PAFT sont des approximations. i Distribution proportionnellement identique à celle de la FAO. j Estimation basée sur une liste de projets du PNUE. k Estimation basée sur l'ensemble des projets forestiers du BNUS, en supposant que les projets durent en moyenne trois ans.

Taux de rentabilité

La présente étude examine les taux de rentabilité financière et économique indiqués par les projets. Dans l'analyse financière, les bénéfices sont définis comme des revenus monétaires effectifs tirés de la vente ou de la location de biens et de services sur un marché. Les coûts sont représentés par des sorties d'argent, consenties principalement pour obtenir des biens et des services. Dans l'analyse économique, d'autre part, on veut savoir ce à quoi la collectivité renonce et ce qu'elle gagne avec un projet. On évalue ainsi les coûts en fonction de la valeur des opportunités perdues du fait que des ressources servent à un projet au lieu d'être utilisées autrement. Les bénéfices du projet sont définis sur la base de l'augmentation de biens et de services à la disposition de toute la collectivité grâce au projet.

L'analyse économique et l'analyse financière sont toutes deux nécessaires: l'analyse économique parce qu'elle permet de savoir si le projet assurera ou non une utilisation économiquement viable des ressources à la disposition de la collectivité; l'analyse financière parce qu'elle fournit des informations sur les montants effectifs et les dates des entrées et des sorties de fonds.

Le tableau 3 récapitule les taux de rentabilité financière (TRF) et les taux de rentabilité économique (TRE) calculés lors de l'examen préalable et à l'achèvement des projets. Dans plusieurs cas, le TRF n'est pas disponible, particulièrement pour les petits projets. Les équipes d'évaluation reconnaissent que les petits projets pilotes sont souvent trop expérimentaux pour être soumis aux tests de viabilité commerciale.

A l'achèvement du projet, les taux de rentabilité économique sont supérieurs aux taux de rentabilité financière dans 17 cas et sont égaux dans 2 cas. Dans aucun cas, le TRF n'est plus élevé que le TRE. Le rapport entre le taux économique et le taux financier peut être de 1 à 2 ou plus (par exemple, projets AF5, AS2, AS4 et AS6).

Le rendement économique le plus élevé a été enregistré pour deux activités d'exploitation du bois et de Construction de routes en Asie du Sud-Est

La grande différence entre les deux taux ne peut pas être attribuée aux extrants non locaux et non marchands, comme les bénéfices écologiques extérieurs. Il y a peut-être eu des bénéfices mais les équipes d'évaluation ne les ont pas pris en compte dans les rapports d'achèvement de projets. Au contraire, les TRE plus élevés s'expliquent en grande partie par le décalage entre les prix fictifs et les prix de marché des intrants et des entrants directs. Parmi les prix fictifs les plus significatifs, il faut noter ceux de la main-d'œuvre (intrant) et ceux du bois sur pied (extrant). Les projets de plantation ont un fort coefficient de main-d'œuvre et ils prévoient souvent un prix fictif de la main-d'œuvre très inférieur aux salaires courants dans les zones rurales où il y a des excédents saisonniers de main-d'œuvre.

Pour ce qui est du bois sur pied les flux financiers provenant des ventes de bois d'œuvre (forêts naturelles et plantations) effectuées par l'Etat dépendent souvent des prix contrôlés du bois sur pied qui sont largement inférieurs au coût de production ou de remplacement, et beaucoup plus bas aussi que les prix du marché ou que ceux des pays voisins. Ces prix ont pour effet de subventionner les concessionnaires et les acheteurs de bois d'œuvre, et de réduire le revenu financier allant au propriétaire foncier (l'Etat). Plusieurs projets de foresterie de la série actuelle ont tenté de relever le prix du bois sur pied, mais on ne voit pas bien s'ils y ont réussi. Pour de nombreux projets, la question des prix du bois sur pied n'a pas d'intérêt immédiat car le bois d'œuvre encore vert aujourd'hui ne sera commercialisable qu'à partir de 1990.

La répartition des taux de rentabilité pouvant être faussée, la médiane est parfois plus utile pour mesurer la tendance fondamentale que la moyenne. A l'achèvement du projet, la médiane du TRE est très inférieure à la moyenne du TRE (voir tableau 4), et c'est peut-être le meilleur indicateur. Les TRE de plus de 100 pour cent pour les projets AS2 et AS6 sont remarquablement élevés, ce qui amène à s'interroger sur les hypothèses, la méthodologie et d'autres aspects de l'analyse. Il s'agissait dans les deux cas de projets par étapes de construction de routes et d'installations de débardage et de scieries exécutés dans un pays à faible revenu d'Asie du Sud-Est. La fixation du prix économique du bois d'œuvre et de la terre présente une grande importance, car si les coûts d'opportunité ne sont pas pris en compte pour ces deux éléments, ni les coûts de remplacement pour le bois d'œuvre, les taux de rentabilité économique peuvent être surestimés.

TABLEAU 2. Projets forestiers évalués, classés par région, objectif, date de démarrage et niveau de financement

Projet

Objectif principal

Début

Financement

(année)

(millions de dollars U.S.)

Afrique

AF1

Plantations industrielles

1968

23

(P)

AF2

Plantations industrielles

1969

4

(P)

AF3

Plantations industrielles

1974

20

(P,D)

AF4

Plantations industrielles

1975

62

(P,D)

AF5

Plantations industrielles

1976

8

(P)

AF6

Plantations industrielles

1977

41

(P)

AF7

Plantations de bois de feu

1978

5

(D)

AF8

Plantations expérimentales et perception des redevances forestières

1978

18

(D)

AF9

Plantations de bois de feu

1979

9

(D)

AF10

Plantations de bois de feu et aménagement de forêts naturelles

1979

9

(D)

AF11

Plantations industrielles

1979

47

(P)

AF12

Plantations de bois de feu

1980

16

(D)

AF13

Plantations industrielles

1980

77

(P)

Total partiel


399


Asie

AS1

Complexe intégré de transformation de bois

1970

12

(P)

AS2

Exploitation, construction de routes, scierie

1974

43

(D)

AS3

Exploitation, construction de routes, scierie

1977

43

(P)

AS4

Plantations de bois de feu

1978

6

(P)

AS5

Plantations industrielles et petites entreprises de ligniculture

1978

11

(P)

AS6

Exploitation, construction de routes, scierie

1979

62

(D)

AS7

Remise en état des industries forestières

1979

26

(P)

AS8

Plantation de mangrove et retenue de terres

1980

11

(D)

AS9

Agroforesterie et bois communautaires

1980

48

(D)

AS10

Agroforesterie et bois communautaires

1980

76

(D)

Total partiel


338


Europe, Moyen-Orient et Afrique du Nord

EMENA1

Investissements sylvicoles

1972

173


EMENA2

Fabriques de papier journal

1976

198


EMENA3

Complexe intégré de pâte et papier

1976

378


EMENA4

Plantations industrielles

1979

121


Total partiel


870


Amérique latine et Caraïbes

LAC1

Plantations industrielles, exploitation, construction de routes, scierie

1979

36

(P)

Total, toutes régions


1683


Note: P = prêt: D = don.

Estimations au moment de l'évaluation et estimations au moment de l'examen préalable

Le tableau 3 fait aussi ressortir la différence entre les taux de rentabilité prévus au moment de l'examen préalable (avant le démarrage du projet) et les taux calculés lors de l'évaluation à l'achèvement du projet (après les décaissements). Pour trois projets seulement, les taux de rentabilité ont été plus élevés au moment de l'évaluation qu'à celui de l'examen préalable. Cette situation s'explique par diverses raisons: nécessité d'atteindre les objectifs de plantation avant la date prévue et la hausse des prix du bois d'œuvre (AF1); coûts de plantation inférieurs aux prévisions et hausse des prix du bois (LAC1); sous-estimation de la superficie plantée et du prix de vente du bois dans le secteur agroforestier (AS9).

La plupart des estimations faites au moment de l'examen préalable ont été trop - et parfois beaucoup trop - élevées. Le TRF moyen non pondéré calculé pour les projets de foresterie au moment de l'examen préalable était de 24,4 pour cent, alors que le taux calculé lors de l'évaluation a été de 7,9 pour cent. Les chiffres correspondants pour le TRE sont de 32,6 pour cent et de 20,1 pour cent respectivement. Ainsi, les résultats obtenus ont été très inférieurs à ceux escomptés, notamment du point de vue financier.

Le secteur forestier n'est pas le seul à avoir été victime d'un optimisme excessif. Selon le rapport 1988 de la Banque mondiale sur les performances des projets, concernant les 949 projets qui avaient fait l'objet d'un examen préalable au moment de l'approbation et avaient évalués lors de l'achèvement, «le degré d'incertitude et d'optimisme - qui marque les estimations des taux de rentabilité économique et qui ressort de l'expérience acquise au cours des 12 dernières années justifie une enquête systématique sur les raisons pour lesquelles les taux de rentabilité économique à l'achèvement des projets sont si différents des taux prévus au moment de l'examen préalable» (Banque mondiale. 1988). Une série supplémentaire de 187 projets a été analysée l'année suivante, et la Banque a conclu que «l'écart entre les TRE calculés au moment de l'examen préalable et les taux calculés au moment de l'évaluation a été un peu plus large cette année - 10,8 pour cent en moyenne» (Banque mondiale, 1989).

TABLEAU 3. Taux de rentabilité financière et économique estimés lors de l'examen préalable et lors de l'achèvement

 

Taux de rentabilité interne

Financière

Economique

Examen préalable


Achèvement

Examen préalable


Achèvement

(%)

(%)

(%)

(%)

Projet

AF1

10

(-)

>10

13

(-)

>13

AF2

n.d.

(*)

n.d.

11-12

(=)

11-12

AF3

10

(+)

6

13

(+)

7

AF4

n.d.

(*)

6-11

18-25

(+)

9-13

AF5

10

(+)

7

14

(=)

14

AF6

11

(+)

9

20

(+)

15

AF7

n.d.

(*)

n.d.

12

(+)

6

AF8

18

(+)

<1

n.d.

(*)

n.d.

AF9

n.d.

(*)

n.d.

20

(+)

15

AF10

n.d.

(*)

n.d.

9-11

(=)

7-10

AF11

n.d.

(*)

n.d

12

(+)

10

AF12

n.d.

(*)

7

n.d.

(*)

9-16

AF13

n.d.

(*)

5-10

12-13

(=)

10-14

AS1

n.d.

(*)

n.d.

29

(+)

négatif

AS2

33

(+)

16

>100

(=)

>100

AS3

n.d.

(*)

<1

>100

(+)

41

AS4

18

(+)

11

41

(+)

22

AS5

25-105

(+)

4-5

2-103

(+)

4-5

AS6

14

(+)

9

>100

(=)

>100

AS7

100

(*)

n.d.

>100

(*)

n.d.

AS8

n.d.

(*)

n.d.

18

(=)

18

AS9

n.d.

(*)

13

12

(-)

19

AS10

13

(+)

11

17

(+)

16

EMENA1

33

(+)

6

n.d.

(*)

6

EMENA2

8

(+)

5

16

(+)

15

EMENA3

10

(+)

5

14

(+)

8

EMENA4

n.d.

(*)

7

21

(+)

12

LAC1

13

(-)

14

15

(-)

17

Comparaison des taux de rentabilité entre examen préalable et achèvement

Surestimés

(+)

12

14

Presque pareils

(=)

0

7

Sous-estimés

(-)

2

3

Non comparables

(*)

14

4

Note: n.d. = donnée non disponible

Taille du projet

Comme l'indique le tableau 4, les moyennes pondérées des taux de rentabilité ne diffèrent pas beaucoup des moyennes non pondérées ce qui fait penser qu'il n'y a pas de rapport direct entre la taille d'un projet et sa réussite ou son échec. Il faudrait analyser un plus grand nombre de projets pour que les comparaisons de taille puissent avoir une signification du point de vue statistique.

Les taux de rentabilité pour quatre grands projets EMENA ne semblent pas supérieurs à ceux relevés pour l'ensemble des projets. Par ailleurs, les données concernant 23 projets de foresterie en Afrique et en Asie ne font ressortir qu'un faible rapport entre la taille et la complexité du projet et les taux de rentabilité.

Comparaison avec des projets non forestiers

Les organismes multilatéraux considèrent un taux de rentabilité de 10 pour cent comme le seuil conventionnel qui sépare les projets réussis des projets non réussis. Sur cette base sur les 26 projets de foresterie, 19 sont réussis du point de vue économique, mais 6 sur 20 seulement le sont du point de vue financier. On peut qualifier de simpliste l'application d'un taux limite unique pour des économies et des types de projets si différents les uns des autres. Néanmoins, l'utilisation d'un taux uniforme peut être judicieuse quand il s'agit d'établir les résultats minimaux escomptés pour l'allocation de fonds limités.

Le tableau 5 montre que le TRE moyen de la série de projets de foresterie étudiés est proche du TRE moyen de tous les projets de la Banque mondiale évalués à ce jour. De plus le taux de réussite pour le secteur forestier sur la base du TRE (19 projets sur 26) est en gros comparable à celui de l'ensemble des projets de la Banque mondiale (552 projets sur 708). Ainsi, le secteur forestier n'apparaît ni plus ni moins intéressant que d'autres secteurs sur la base de cette comparaison limitée.

TABLEAU 4. Taux de rentabilité financière et économique à l'achèvement du projet, non pondérés et pondérés par taille de projet

 

Taux de rentabilité interne

Financière

Economique

(%)

(%)

Moyenne non pondérée

7,9

(20)

19,8

(26)

Moyenne pondérée

6,9

(20)

18,0

(26)

Afrique

7,6

(8)

11,6

(12)

Asie

9,8

(7)

47,3

(9)

EMENA

5,5

(4)

9,8

(4)

Amérique latine

14,0

(1)

17,0

(1)

Médiane

7,5

(20)

12,5

(26)

Note: Les moyennes et les médianes sont calculées à l'aide des points médians des fourchettes quand il n'y a pas d'estimations en points de pourcentage: les estimations dépassant 100 pour cent sont considérées pour les calculs comme valant 100 pour cent: le nombre de projets est indiqué entre parenthèses.

TABLEAU 5. Distribution et moyennes des taux de rentabilité économique (TRE) à l'achèvement des projets

TRE estimé

Projets forestiers

Ensemble des projets de la Banque mondiale

(%)

(nombre)

(% du total)

(nombre)

(% du total)

Négatif

1

3,8

60

8,5

0,0- 9,9

6

23,0

96

13,5

10,0-14,9

8

30,8

161

22,7

15,0-19,9

7

26,9

147

20,8

20,0 - 29,9

1

3,9

147

20,8

30,0+

3

11,6

97

13,7

Total

26

100,0

708

100,0

Moyenne pondérée

17,9%

17,8%

Sources: Tableau 3 et Banque mondiale, 1987. Douzième examen annuel des résultats de l'évaluation rétrospective des projets, tableau annexe 1.11, Washington, D.C., Service d'évaluation rétrospective des opérations.

Effets sociaux

On porte une attention croissante à la nature sociale des projets de développement. Toutefois, les rapports d'achèvement des projets considérés dans notre analyse ne fournissent que des informations fragmentaires sur les effets sociaux. Au moment où ces projets ont été conçus et exécutés, on se préoccupait moins qu'aujourd'hui de leurs effets, qu'ils soient positifs ou négatifs; dans de nombreux cas, la dimension sociale était étudiée superficiellement, voire ignorée, au moment de la conception des projets. En conséquence, les procédures pour l'identification et l'évaluation des effets sociaux n'étaient pas aussi développées que les méthodes d'analyse financière et économique, d'où un manque grave de données à l'achèvement du projet. On dispose cependant d'un certain nombre de données.

Création d'emplois et répartition des revenus

Sur les 28 rapports, 11 examinent les effets sur l'emploi. Mais les données ne sont pas normalisées et il est impossible de calculer le nombre équivalent d'emplois à plein temps à partir des données fournies. En outre, ces dernières ne sont pas assez complètes pour permettre des estimations des coûts d'investissement des projets par emploi créé. Sur les 28 projets, aucun ne semble avoir bénéficié d'une analyse sociologique des emplois et des salaires, soit avant, soit après l'exécution.

Conflits sociaux

Il semble que, dans un certain nombre de projets, le manque de terres à consacrer aux cultures vivrières n'a pas été complètement compris au moment de l'examen préalable. D'où un problème technique: comment obtenir suffisamment de terre bien adaptée aux plantations forestières; et un problème social: l'interaction avec les populations déjà installées dans la zone. Dans un projet de plantation mené en Afrique de l'Ouest (AF11), un objectif ambitieux de plantation a bien été atteint, mais 2400 familles sont alors venues empiéter sur la zone nouvellement plantée. En Afrique de l'Est (AF4), un projet a expulsé des squatters qui avaient commencé à cultiver la terre destinée à la foresterie.

Les rapports d'évaluation de deux projets de foresterie sociale en Asie du Sud (AS9, AS10) soulèvent des questions de nature sociale. Premièrement, ils soutiennent que les modalités de répartition des bénéfices dans les plantations communautaires avaient été définies si tant est qu'elles l'aient été. La participation des petits exploitants et des agriculteurs marginaux a été beaucoup plus faible que prévu au moment de l'examen préalable. Les forestiers de l'Etat ont été accusés d'encourager les plantations privées par les gros propriétaires fonciers afin d'approvisionner les grandes industries du bois. On s'est plaint aussi du fait que de bonnes terres agricoles ont été consacrées à la plantation d'arbres et que ces opérations ont utilisé moins de main-d'œuvre que la production agricole.

Impact écologique

Les informations concernant l'impact écologique sont rares et superficielles. Les projets examinés ici ont été conçus pendant une période où l'on accordait beaucoup moins d'attention que maintenant à la protection de l'environnement. Dans les rapports d'examen préalable et d'évaluation, on a tendance à traiter exclusivement des effets sur l'environnement quand des problèmes précis prennent une importance cruciale au moment de la prise de décision (Banque mondiale 1987). Malgré l'absence d'analyse systématique, les rapports d'évaluation des projets forestiers permettent de faire quelques observations.

Effets positifs

Les projets industriels relatifs à la pâte et au papier (par exemple EMENA 2 et EMENA 3) semblent avoir fait des efforts particuliers pour contrôler les effluents et maîtriser de façon générale les menaces pour l'environnement. Les rapports expliquent en détail la manière dont on a adapté l'emplacement de l'usine et la technologie en fonction du débit des cours d'eau, de la répartition de la population et de l'économie de la région. Ainsi, une usine de pâte à papier conçue à l'origine pour produire de la pâte chimique a été modifiée pour produire de la pâte mécanique en raison du faible débit du fleuve. Dans l'autre cas, les planificateurs ayant constaté des menaces pour le tourisme et l'environnement, ont changé l'emplacement d'un projet de pâte et papier d'une province à une autre, changement qui a entraîné un retard de deux ans, un nouvel examen préalable et d'importants dépassements de coûts.

On a eu tendance à analyser les aspects écologiques seulement lorsque des problèmes sont devenus manifestes, par exemple dans les usines de fabrication de pâte à papier et de papier

Un certain nombre de projets forestiers ont eu un effet positif puisqu'ils ont aidé à mettre au point des directives pour la planification de l'utilisation des terres à formuler et à renforcer les politiques de sauvegarde des forêts et des espaces naturels et à faire des démonstrations de nouvelles techniques de conservation. Citons EMENA 4, projet qui n'a pas atteint son objectif: c'est-à-dire le développement des plantations industrielles, mais qui a été très utile pour la démonstration de techniques de reboisement des pentes érodées, de lutte contre les incendies, d'amélioration des méthodes de pâturage, et de réalisation d'ouvrages de génie rural pour l'aménagement des torrents. Il est à noter que très peu de ces éléments ont été pris en compte dans l'analyse financière et économique du projet.

Les projets exécutés dans des zones arides de l'Afrique de l'Ouest (AF7, AF10) visaient à produire du bois de feu et des poteaux de construction. Selon les rapports d'achèvement, le premier de ces projets a joué «un rôle important de catalyseur» et a conduit à «une prise de conscience accrue de la question des forêts». Le deuxième a accompli «un progrès majeur» en contribuant à faire baisser le taux d'extraction du bois de feu dans deux réserves forestières risquant d'être épuisées. On pense également que ce deuxième projet a créé un micro-climat favorable à la production agricole dans les zones contiguës aux deux réserves forestières.

Un certain nombre de projets de plantation ont établi des réserves naturelles dans des zones critiques des régions dans lesquelles la plantation d'arbres était prévue. Un projet réalisé en Afrique de l'Ouest humide (AF8) a encouragé la création d'une section chargée des parcs nationaux et de la faune sauvage au sein du département des forêts du gouvernement. Cette mesure a conduit peu après à la création du premier parc national du pays. Un projet de plantation mené en Afrique de l'Est (AF4) a contribué à l'établissement d'une réserve naturelle, mais le gouvernement a fini par réduire la superficie de celle-ci de 10000 à 4000 ha parce qu'il que trop de terres ne soient enlevées aux agriculteurs.

L'un des objectifs essentiels d'un projet de boisement de mangroves en Asie du Sud (AS8) était de protéger la côte contre les cyclones et les raz de marée et de retenir de la terre qui pourrait servir par la suite à l'agriculture. Le projet a atteint presque entièrement son objectif concernant la plantation et donc peut-être la plus grande partie de son objectif écologique. Toutefois, selon le rapport d'examen préalable, «vu l'absence de données sur la sédimentation, la retenue de terre et la stabilisation... le projet devrait être justifié uniquement sur la base des produits forestiers». En conséquence, les bénéfices fondamentaux dans le domaine de la protection n'ont même pas été pris en compte dans l'analyse économique et financière.

Problèmes d'impact non résolus

Sur les 28 projets examinés ici, un seulement (EMENA 1) s'est heurté à l'opposition formelle d'écologistes organisés. Une association pour la protection de la nature, de concert avec une organisation pour la conservation des eaux, a fait une démarche auprès du gouvernement au sujet du drainage des sols tourbeux, des effets de la construction de routes sur la faune sauvage et des effets de la fertilisation des forêts sur les lacs et les étangs. L'organisme multilatéral de prêt et le gouvernement ont alors accepté de mettre en réserve certains sols tourbeux pour les protéger, et de prendre en considération les autres problèmes. En fin de compte. «les deux organisations qui avaient soulevé ces questions se sont déclarées satisfaites».

Le choix des technologies d'exploitation forestière a soulevé plusieurs questions sur leur adéquation. Par exemple, un projet en Asie du Sud-Est (AS2, AS6) a développé l'exploitation forestière en remplaçant le transport fluvial par le transport routier et en augmentant le nombre des opérations d'exploitation. L'équipe d'évaluation du projet a affirmé que l'emploi d'éléphants pour ces opérations cause moins de dommages aux peuplements forestiers que celui des machines, mais elle a aussi manifesté son inquiétude quant à la capture d'éléphants sauvages dont le nombre diminue. Utiliser des camions au lieu des trains de flottage pour le transport des grumes permet de traiter un plus grand nombre d'espèces non flottantes mais l'élargissement de l'exploitation à des essences autres que le teck présente des risques pour la forêt. Par ailleurs, la méthode encouragée par le projet consiste à abattre les arbres de teck quand ils sont verts, et on pense qu'elle endommage davantage le peuplement restant que la coupe traditionnelle des arbres ceinturés. On voit donc que les arguments pour ou contre un effet négatif sont complexes, multidimensionnels et difficiles à trancher.

Le choix de la technologie a aussi posé des problèmes dans le défrichage des terres pour la plantation de forêts. Le défrichage mécanique a été utilisé en Afrique de l'Ouest humide (projets AF8, AF11, AF13), avec des résultats variables. Dans deux de ces projets, le compactage du sol et le lessivage ont ralenti la croissance des plantations, et la concurrence des adventices est devenue un problème grave. Ces projets sont passés ensuite au défrichage manuel dans la mesure où les méthodes mécaniques ont été jugées peu appropriées.

Les conséquences écologiques de la construction de routes forestières ont rarement été étudiées lors des évaluations de projets

Dans la plupart des cas, les projets de plantations industrielles ont traité les questions d'environnement d'une manière incomplète et superficielle, tout en supposant qu'un effet bénéfique avait été obtenu. Par exemple, selon le rapport d'évaluation du projet AF1, «on peut affirmer à coup sûr que le projet a rempli les rôles habituels de protection et d'embellissement des programmes de boisement de grande échelle». Un autre rapport concernant un projet de plantation en Afrique (AF3) se limite à dire que «le couvert forestier réduit l'érosion et améliore la fertilité du sol et la rétention de l'eau».

Toutefois, un certain nombre d'autres rapports rédigés quelques années plus tard indiquent (de nouveau sans preuves à l'appui) que la plantation d'arbres pourrait avoir été plus nuisible que bénéfique. Des rapports d'évaluation concernant des projets de foresterie communautaire exécutés en Afrique de l'Est et en Asie du Sud (AF9, AS9, AS10) expriment des doutes sur le bien-fondé des plantations d'eucalyptus. Un autre rapport (AS6) considère que les plantations d'arbres de teck sont sensibles aux insectes et aux maladies et provoquent l'érosion du sol. Un autre rapport sur un projet mené en Afrique de l'Ouest humide (AF13) arrive à cette conclusion ambiguë: «On ne sait pas si les plantations constituent un avantage écologique ou un coût écologique.»

Il semble que le développement des plantations a eu lieu sur des sites très variés et dans des conditions de végétation préexistantes très diverses. La concurrence avec l'agriculture a été intense pour un bon nombre de projets (AF2, AF3, AF4, AF7, AF9, AF11, AS4, AS5, AS9, AS10). Les cartes d'utilisation des sols servant à délimiter les zones à réserver à la plantation d'arbres plutôt qu'à d'autres emplois n'ont pas toujours été satisfaisantes. Ainsi, le projet AF4 prévoyait la classification des terres selon leur vocation, mais pour diverses raisons cette activité n'a jamais été réalisée. En conséquence, une grande partie des terres ayant un potentiel agricole a été consacrée à la forêt.

Quelques projets (AF8, AF13, AS4) ont commencé par éliminer la forêt naturelle pour faire place aux plantations industrielles. Point important, les rapports d'évaluation font penser que ces forêts avaient déjà été exploitées perturbées dans une mesure variable. Un de ces projets a tenté de remplacer la forêt naturelle par des pins dans une région humide d'Afrique de l'Ouest, mais n'a pas pu obtenir une bonne croissance de ces arbres (AF8). Dans un autre cas, le défrichement semble s'être étendu à des zones mal adaptées et a détruit une partie de l'habitat de la faune sauvage (AF13).

Enseignements tirés de ces projets et implications pour l'avenir

L'examen de la première génération des projets forestiers financés par des sources multilatérales fait ressortir le caractère incomplet et superficiel des évaluations des effets sociaux et écologiques des premiers projets. Son résultat principal est la quantification systématique des taux de rentabilité financière et économique.

On constate ainsi que la distribution et la tendance fondamentale des TRE des premiers projets forestiers sont plus ou moins analogues à celles des projets dans d'autres secteurs. Sur la base des données présentées ici, il est difficile de soutenir que le secteur forestier a fait mieux ou moins bien que ce vaste ensemble de projets.

Cette conclusion pourrait paraître décevante à ceux qui, critiquant les premières initiatives prises dans le secteur forestier, accusent les banques de développement d'avoir mal conçu et mal exécuté les projets. De même, elle pourrait laisser perplexes les inconditionnels de la foresterie qui posent en principe que le secteur forestier est fondamentalement plus intéressant pour le développement que d'autres secteurs.

Pour ce qui est de la rentabilité financière, la moyenne et la médiane du TRF se situent au-dessous du taux critique de rentabilité normalisé de 10 pour cent. Les responsables de l'évaluation des projets ont de plus en plus tendance à priviléger les coûts et les bénéfices sociaux plutôt que les coûts et les avantages financiers; aussi la rentabilité financière élevée n'est-elle pas souvent entièrement objective en soi. Toutefois, les projets dont les flux de trésorerie sont faibles ont continuellement besoin d'être subventionnés par des sources extérieures. Quand l'endettement et les politiques d'austérité dominent la scène internationale, comme c'est le cas actuellement, les subventions ne sont justifiées que dans des circonstances exceptionnelles.

Intégration des analyses sociale et écologique dans l'analyse économique

Les analyses de l'impact écologique et social doivent être mieux organisées et intégrées dans l'analyse économique des projets forestiers pour donner une bonne idée de leurs avantages. La première étape consisterait à appliquer plus largement les calculs coût-bénéfice lorsque des valeurs écologiques sont en jeu. Toutefois, les problèmes d'évaluation et de méthodologie demeurent importants. La conceptualisation et le travail théorique doivent encore franchir de nombreuses étapes. Par ailleurs, les éléments quantitatifs ayant trait à l'aspect économique des ressources naturelles ne sont pas précis et ne le seront jamais. Néanmoins, ce ne sont pas là des raisons suffisantes pour renoncer à utiliser des paramètres approximatifs et les estimations tirées des connaissances actuelles.

Rétrospectivement, les rapports d'achèvement des projets de foresterie examinés ici font apparaître d'énormes carences dans l'estimation du coût d'opportunité de la terre et de la valeur des extrants non marchands, dans la prise en compte des liens entre les bassins versants et la productivité de l'agriculture, dans l'identification et l'évaluation des avantages concernant l'agrément, dans la quantification du coût de l'appauvrissement des forêts, dans l'identification des effets sur différents groupes socio-économiques et de nombreuses questions connexes. Faute d'une telle analyse, les résultats possibles sont gravement sous-estimés et on a une idée fausse des avantages relatifs des projets envisagés: c'est en partie pour cette raison que les projets de foresterie semblent engendrer un TRE non supérieur à la moyenne dans un ensemble de projets. Nombre des biens et des services de la forêt ne sont pas commercialisés, de sorte qu'ils sont naturellement sous-estimés lors d'un examen limité aux seuls produits commercialisés.

Récemment, des économistes et des spécialistes des ressources naturelles ont commencé à élaborer des concepts analytiques et des méthodes d'évaluation applicables directement aux types de projets habituellement mis en œuvre dans le secteur forestier (Spears, 1985; Anderson, 1987: Gregersen et al., 1987; Grut, 1987 et 1988). De plus en plus souvent, quand on applique ces méthodes d'analyse, même à la première génération de projets, il apparaît clairement que les premiers et les plus importants bénéfices obtenus ne sont pas le bois, mais plutôt les extrants indirects et produits conjointement (Anderson, 1987).

Il s'agit maintenant d'appliquer régulièrement cette idée à l'identification, à la préparation, à l'examen préalable et à l'évaluation des projets sur le terrain. Le principal obstacle ne vient pas des connaissances, mais de la manière d'agir.

Politiques propres à accroître les flux de trésorerie

D'autre part, si le défaut des projets forestiers déjà exécutés était réellement de ne pas fournir assez de recettes nettes directes, les mesures de nature écologique, si nombreuses soient-elles, ne sauraient lever cet obstacle. Dans ce cas, les projets de foresterie doivent produire des revenus financiers plus importants en adoptant de nouvelles orientations. Ce point semble bien compris par les banques de développement (Banque mondiale, 1986). Les principaux problèmes sont les prix des jeunes plants et les coûts de distribution dans la foresterie communautaire, les subventions et le prix du bois sur pied dans la foresterie industrielle, l'accès au crédit et les conditions de crédit pour toutes les formes d'activités forestières et les coûts de la vulgarisation et de l'assistance technique financés par des fonds publics dans tout le secteur. D'un côté, la plupart des organismes forestiers traditionnels ne se sont pas orientés vers l'investissement (McGaughey et Gregersen, 1983), de l'autre, dans les conditions actuelles, il est difficile de relever les prix, de réduire les subventions ou de contrarier d'une manière ou d'une autre les puissants entrepreneurs du secteur privé, de plus certaines idées, comme celle de percevoir un loyer, pourraient dépasser le domaine habituel des organismes forestiers dans le secteur. Des travaux récents sur la fixation des prix du bois d'œuvre (Repetto et Gillis, 1988) font ressortir l'énormité des enjeux financiers et font penser qu'une véritable réforme contribuer puissamment à orienter les flux de trésorerie vers les propriétaires des ressources. C'est là une conclusion encourageante car les éléments dont on dispose font penser que les projets de développement forestier, en particulier les projets soutenus par des prêts extérieurs, doivent produire et retenir des bénéfices nets plus élevés ou être moins appréciés dans le monde hautement compétitif de l'assistance au développement.

Investissement dans le capital humain

Les faiblesses institutionnelles sont un trait marquant des projets de développement qui n'ont pas réussi. Des composantes relatives à la mise en place d'institutions étaient incorporées dans la plupart des projets examinés ici. Toutefois, les rapports d'achèvement des projets accordent normalement beaucoup plus d'attention aux réalisations matérielles qu'aux qualités et aux points faibles dans le domaine du personnel, ce qui est bien compréhensible vu la complexité des questions de personnel. Néanmoins, les projets forestiers futurs doivent trouver le moyen de tirer parti des qualités particulières des individus compétents, tout en comblant les lacunes là où de tels individus sont rares.

Bibliographie

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Banque mondiale. 1987. Douzième examen annuel des résultats de l'évaluation rétrospective des projets. Washington, D.C., Service d'évaluation rétrospective des opérations.

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Spears, J. 1985. Deforestation issues in developing countries: the case for an accelerated investment programme. Commonwealth For. Rev., 64: 313-343.


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