On me demande souvent, depuis que j' ai pris mon poste en décembre dernier, si un changement de directeur implique un changement de direction, question à laquelle jusqu'à présent j'ai refusé de répondre.
Les dernières semaines sont parmi les plus intéressantes que j'ai vécues. Mon principal souci a été de me familiariser avec le programme de la FAO, ses origines, son évolution, et de faire connaissance avec les responsables de son exécution, à la suite de quoi je suis enfin en mesure de répondre à la question par un non catégorique: il n'y aura pas de changement de direction.
C'est que le programme de la FAO dans le domaine de la foresterie et des industries forestières est indépendant des prédilections et des intérêts particuliers du Directeur. Il est issu des désirs exprimés par les gouvernements au sein des divers organes de la FAO - les commissions forestières régionales, le Comité des forêts de la Conférence et la Conférence elle-même - des avis adressés au Directeur général par les divers comités consultatifs qu'il a établis, ainsi que la réflexion collective du secrétariat, réflexion alimentée par la meilleure connaissance des besoins des pays que le travail de terrain permet d'acquérir. Le programme détaillé est soumis à l'approbation de l'instance suprême de la FAO, la Conférence biennale. A mesure que nos connaissances progressent, il est de plus en plus difficile aux directeurs successifs - et aussi de moins en moins nécessaire - de donner au programme une empreinte personnelle. A cet égard, mes prédécesseurs avaient plus d'initiative et plus de latitude, mais probablement aussi plus de responsabilités que moi-même ou mes successeurs. Je tiens ici à rendre hommage aux hommes d'élite qui m'ont précédé.
Le premier, Marcel Leloup, dont la disparition récente nous a tous atteints. Pendant les années où s'est formée la Division, c'est grâce aux idées et à l'énergie de Marcel Leloup que le nom de la FAO est devenu familier aux forestiers un peu partout dans le monde. Vint ensuite Egon Glesinger, qui conçut et dirigea la première grande étude régionale sur l'évolution et les perspectives du secteur du bois: cette étude et celles qui l'ont suivie ont puissamment influé sur les politiques forestières nationales dans toutes les régions. Nils Osara, enfin, praticien et administrateur-né, qui fut aux commandes dans une période où le travail de terrain se développait rapidement.
A tous trois, je dois beaucoup: ils m'ont légué une somme unique de connaissances sur la situation des forêts et des industries forestières dans le monde entier, un programme dynamique répondant aux besoins des pays membres, un personnel dévoué et enthousiaste que je suis fier de diriger.
Certes il y aura, il doit y avoir du changement: notre monde se modifie trop vite pour que nous puissions en ignorer la nécessité. Déjà, on voit bien qu'il faut se préoccuper davantage des obstacles institutionnels qui freinent le développement de la foresterie et des industries forestières dans maint pays non industrialisé. La teneur de l'enseignement forestier doit s'adapter aux tâches nouvelles et aux techniques modernes. L'angoisse croissante que suscitent les rapports de l'homme avec le milieu charge les forestiers de responsabilités nouvelles. Il faut que ces considérations, comme d'autres éléments nouveaux du monde contemporain, se reflètent dans les services que la FAO rend à ses Etats Membres.
Pour cela, nous devrons nous efforcer constamment de maintenir parmi nos actions une juste hiérarchie et d'adapter progressivement le programme de la FAO. C'est ce que j'essaierai de faire au cours des prochaines années, dans la mesure où j'en aurai l'occasion et les moyens. Nul besoin pour cela de changement de direction.
BÖRJE STEENBERG
Directeur de la Division des forêts et des industries forestières