Karl-Hermann Schmincke a été directeur
de la Division des
produits forestiers de la FAO,
de 1993 à 1998.
Histoire d'une entreprise de plantation commerciale ayant pour vocation de répondre à la demande de teck et de contribuer au développement forestier durable.
Depuis une quinzaine d'années, le Costa Rica est l'un des pays tropicaux qui attire le plus les plantations forestières commerciales; la création de plantations est encouragée par le système de propriété privée et par des incitations du gouvernement, sous la forme d'abattements fiscaux sur les importations d'équipement et sur les bénéfices provenant des plantations. Les
investissements sont principalement réalisés par des sociétés privées à capitaux étrangers, qui ont établi des plantations sur d'anciennes terres d'élevage à l'origine recouvertes de forêts ombro-philes denses. Precious Woods Ltd est une des nombreuses compagnies qui plantent du teck à des fins commerciales pour répondre à la demande croissante de ce bois prisé. L'auteur a visité ces plantations en 1996 et en 1999, et il a été frappé par un certain nombre d'aspects positifs en contradiction avec ce qu'il avait noté dans les nombreuses plantations de teck qu'il avait évaluées en Afrique, en Asie et en Amérique centrale au cours des 20 dernières années. Le présent article passe en revue l'histoire, les pratiques sylvicoles, les activités de formation et de recherche et les aspects économiques et sociaux de l'entreprise Precious Woods, dont l'exemple pourrait être suivi par d'autres compagnies.
Mosaïque de plantations forestières de quatre à cinq ans et de pièces restantes de forêt naturelle, dans une zone boisée par Precious Woods, sur la côte pacifique de la province de Guanacaste (Costa Rica)
- PRECIOUS WOODS (SWITZERLAND) LTD
Le reboisement est en bonne voie au Costa Rica; une série de projets de coopération internationale et d'incitations nationales ont permis de planter 135 000 ha (Ministère de l'environnement et de l'énergie, 1998) en Bombacopsis quinata et en Gmelina arborea, de petites surfaces en Eucalyptus deglupta et quelques espèces indigènes et en teck (Tectona grandis).
Tectona grandis est planté sur 25 600 ha dans divers endroits du pays, dont quelques sites peu favorables, caractérisés par une pluviométrie élevée et l'absence d'une saison sèche marquée, et de multiples petites exploitations. L'introduction de cette essence forestière en Amérique centrale remonte à 1926, année où des semences provenant de Colombo (Sri Lanka) ont été expédiées au Summit Botanical Garden du Panama. Pendant les 20 années qui ont suivi, des semences ont été exportées de ce jardin vers la plupart des pays d'Amérique latine et des Caraïbes (de Camino, Alfaro et Sage, 1998). En outre, on trouve aussi des tecks (âgés de 20 à 40 ans) plantés en haies vives autour des ranchs, parfois en mélange avec d'autres espèces.
Bombacopsis quinata (pochote) ) était la principale essence plantée pendant les trois premières années, mais elle a pratiquement été abandonnée après 1993, car le teck s'annonçait plus intéressant sur le plan économique
- PRECIOUS WOODS (SWITZERLAND) LTD
En 1989, un groupe d'hommes d'affaires suisses convaincus que, contrairement à l'idée reçue, la foresterie tropicale durable et la rentabilité pouvaient faire bon ménage, ont décidé de créer une société forestière industrielle. D'emblée, les activités ont été menées sur deux fronts: gestion d'une forêt tropicale humide dense dans l'Amazonie brésilienne, avec réglementation de l'abattage, de la transformation et du commerce d'essences peu utilisées ou mal connues, de manière à préserver la diversité biologique et la capacité productive de la forêt; et établissement de nouvelles ressources forestières en Amérique centrale. C'est sur ce second aspect que porte le présent article.
Le premier pas a été la création d'une entité juridique, à savoir Maderas de Costa Rica S.A. (MACORI), ultérieurement rebaptisée Precious Woods Costa Rica S.A. Celle-ci a acquis des terres basses à élevage dans la province de Guanacaste, dans la région Pacifique Nord du Costa Rica, en vue d'y établir une mosaïque de plantations d'arbres à bois précieux, en peuplements purs et mixtes. La province de Guanacaste a été choisie en raison de ses conditions favorables (pentes douces, sols riches en nutriments d'une profondeur supérieure à 90 cm (particulièrement riches en calcium), précipitations oscillant entre 1 500 et 3 000 mm par an et saison sèche marquée de trois à cinq mois). Les zones d'altitude (au-dessus de 500 m) de la province sont trop sèches pour y établir des plantations commerciales.
Au départ, la compagnie a acheté environ 2 000 ha de terres à Garza et à Rio Tabaco, sur la côte pacifique. Presque toutes ces terres étaient dégradées à cause du pâturage excessif, mais elles sont à l'heure actuelle en jachère. Au milieu des années 90, la société a acheté d'autres terres à Ostional, Santa Cecilia et Peñas Blancas dans le nord de la province, près du lac Nicaragua, portant ainsi ses terrains à près de 8 000 ha. Pour quelques propriétés, des contrats prévoyant des incitations au reboisement ont été signés avec le Ministère de l'environnement et de l'énergie, mais la plupart des coûts ont été à la charge de la société. Precious Woods Ltd a exploité les connaissances existantes et recruté du personnel qualifié pour commencer les plantations à une échelle industrielle.
Il a fallu trouver des actionnaires qui soient intéressés par le développement forestier à long terme et non par des bénéfices à court terme. À ce jour, la société a eu 640 actionnaires, principalement originaires de Suisse, mais aussi du Brésil, du Costa Rica, d'Allemagne et d'autres pays d'Europe. Le taux de rentabilité minimal du capital investi devrait être de 11 pour cent.
Le tableau 1 montre la superficie plantée sur les différents sites, entre 1990 et 1999. Rien n'a été planté en 1994, car une restructuration était en cours et l'on cherchait de nouvelles terres appropriées (ces terres ont par la suite été trouvées à Ostional, Peñas Blancas et Santa Cecilia).
TABLEAU 1. Superficie plantée sur chaque site
Site |
Superficie totale (ha) |
Superficie plantée (ha) | ||||||||||
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
Total | ||
Garza |
1 280 |
68 |
235 |
414 |
94 |
0 |
50 |
1 |
6 |
0 |
0 |
868 |
Ostional |
291 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
178 |
2 |
1 |
0 |
0 |
181 |
Río Tabaco |
766 |
101 |
146 |
35 |
29 |
0 |
0 |
0 |
14 |
0 |
0 |
325 |
Peñas Blancas |
1597 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
178 |
150 |
210 |
51 |
589 |
Santa Cecilia |
3997 |
0 |
0 |
0 |
0 |
0 |
434 |
397 |
330 |
296 |
359 |
1816 |
Total |
7931 |
169 |
381 |
449 |
123 |
0 |
662 |
578 |
501 |
506 |
410 |
3779 |
Bombacopsis quinata (cèdre épineux ou pochote) a été la principale espèce plantée pendant les trois premières années (tableau 2), mais elle a généralement été abandonnée après 1993, car sa valeur commerciale, en particulier à l'exportation, n'était pas démontrée. En revanche, on a constaté que Tectona grandis avait un rendement potentiel supérieur, après une étude approfondie de la fertilité des sols et d'autres facteurs influençant la croissance de cette essence exotique.
TABLEAU 2. Essences plantées
Année |
Teck |
Pochote |
Autres essences locales |
1990 |
38 |
101 |
30 |
1991 |
0 |
371 |
10 |
1992 |
94 |
343 |
12 |
1993 |
40 |
75 |
8 |
1994 |
0 |
0 |
0 |
1995 |
603 |
17 |
42 |
1996 |
573 |
0 |
5 |
1997 |
447 |
0 |
54 |
1998 |
424 |
0 |
82 |
1999 |
324 |
63 |
23 |
Total |
2543 |
970 |
266 |
Chaque année, 400 à 500 ha ont été plantés, et il y a aujourd'hui 90 pour cent de teck et 10 pour cent d'essences forestières indigènes et de plantes ornementales ou d'arbres fruitiers. (Swietenia macrophylla, Cedrela odorata, Dalber-gia retusa, Platymiscium pleistota-chium, Enterolobium cyclocarpum, Hymenaea courbaril, Albizzia guacha-pele, Tabebuia rosea, Astronium gra-veolens et Terminalia oblonga). La plupart de ces espèces sont menacées d'extinction et certaines sont protégées dans le cadre de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) (Víquez López, 1998).
Quelque 12 essences forestières indigènes et quelque 30 espèces ornementales ou arbres fruitiers sont cultivés en permanence dans les pépinières. Étant donné que les espèces provenant directement des forêts naturelles locales n'ont pratiquement jamais été plantées, il faut multiplier les recherches et les essais pour trouver les meilleures techniques et associations végétales possibles pour assurer leur croissance. Les espèces ornementales plantées dans des allées ou des espaces d'agrément attirent une multitude d'oiseaux et de papillons et contribuent à la diversité biologique animale et végétale dans la région. Il y a au moins une plante ornementale ou un arbre fruitier sur chaque hectare de plantation.
Fin 1999, sur les 7 931 ha disponibles, près de 3 800 étaient plantés. Si l'on ajoute les 600 à 800 ha qui semblent appropriés, la superficie totale de plantations sur les cinq sites devrait être de 4 500 ha en 2001. Les 2 400 ha restants comprennent des forêts naturelles (primaires et secondaires, avec bois sur pied), des infrastructures, des bâtiments et des pépinières. Aucune augmentation de surface n'est prévue pour l'instant.
Les méthodes de gestion des plantations ont été réajustées au cours des 10 ans d'existence de la société, grâce aux recherches effectuées en coopération avec le Centre agronomique tropical de recherche et d'enseignement (CATIE), et grâce aux leçons tirées de l'expérience (mauvaise préparation du site, échecs dans l'expérimentation du matériel génétique et incendies).
Comme la plupart des plantations sont établies sur des terrains plats ou en pente douce, elles ne sont pas sujettes à érosion. D'autres facteurs favorisent une bonne croissance des plantations, notamment le fait qu'elles soient mélangées avec des forêts naturelles et la protection des cours d'eau dans les mosaïques du paysage. La compagnie a été fidèle à sa politique consistant à protéger et conserver les pièces de forêt naturelle existantes et à les améliorer en contrôlant la regénération naturelle.
Comme on l'a observé dans plusieurs autres pays tropicaux, la première phase de création et d'entretien des nouvelles plantations pendant les trois premières années - de loin la phase la plus coûteuse - est relativement facile à gérer. Il est
beaucoup plus difficile de sélectionner des arbres pour la production de bois de haute valeur, dépourvu de nuds et de défauts internes ou externes, et de maintenir en permanence un environnement favorable à une croissance régulière.
La phase de l'établissement et de l'entretien de nouvelles plantations, pendant les trois premières années, est la plus facile; sur la photo, un jeune teck
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Precious Woods a commencé par planter les tecks à des espacements relativement larges de 3 m x 4 m (830 plants), 3,5 m x 3,5 m ou 3 x 3,5 m, pour tester les différents sites. Depuis le printemps 1999, l'espacement a été réduit à 3 m x 3 m (1 100 plants) de façon à obtenir des troncs droits sans trop de branches. Le but est d'arriver à un espacement de 2 m x 2 m ou de 2 m x 3 m, si les sites supportent un plus grand nombre d'arbres.
L'espacement est aussi modifié en fonction de la variabilité de l'indice de qualité du site et d'essais continus visant à déterminer les meilleures conditions de croissance. Des peuplements mixtes sont aussi utilisés afin de déterminer les associations végétales les plus indiquées pour le développement à long terme des arbres.
L'élagage a également été intensifié; il commence à présent après la deuxième année. Les arbres sont élagués jusqu'à six mètres ou jusqu'aux deux tiers de la hauteur du fût. L'objectif est de produire du bois de qualité supérieure, sans nuds sur la partie inférieure - et non de la biomasse dépourvue de valeur marchande.
À présent, on ne pratique que des éclaircies d'amélioration pour éliminer la végétation concurrente et les arbres malformés. Compte tenu du large espacement entre les arbres ayant été plantés durant les premières années et des éclaircies d'amélioration effectuées de la troisième à la sixième années, la première éclaircie commerciale ne peut avoir lieu qu'entre la treizième et la quinzième années. La fréquence et l'intensité optimales des éclaircies sont encore à l'étude; les résultats des mesures introduites en 1999 seront observés attentivement durant les trois prochaines années.
En principe les arbres seront abattus à l'âge de 25 à 30 ans, mais cela dépendra de la forme et du diamètre du fût. Pandey (1996) a noté que l'âge d'exploitabilité des tecks varie suivant les pays ou même suivant les sites, et se situe entre 35 et 80 ans, la moyenne étant de 50 ans. Mais d'après les tables de production et les observations personnelles de l'auteur, dans de nombreuses plantations africaines ainsi qu'à la Trinité-et-Tobago, la croissance des tecks se ralentit après 25 ans. Cette période de croissance plus lente est favorable pour la formation du bois de cur, la densité en bois et la couleur sombre. Comme les techniques de transformation modernes permettent d'utiliser du bois de plus petit diamètre, un arbre qui a un diamètre à hauteur d'homme de 35 à 45 cm après 30 ans, peut être abattu.
Toutefois, sur certains sites, la durée de la rotation peut être allongée si l'on constate que l'accroissement moyen annuel (AMA) est en augmentation après la vingt-cinquième année.
Étant donné que les premières plantations à large espacement ne subiront que deux éclaircies commerciales, de la treizième à la quinzième années, et de la vingtième à la vingt-deuxième années, et que la coupe définitive a lieu entre 25 et 30 ans, le domaine produira entre 1,2 million et 1,8 million de mètres cubes de bois précieux pendant chaque révolution, à partir de 2004. Avant la coupe, il conviendra de décider entre trois options possibles: vendre la matière première sous forme de billes, sur les marchés locaux et extérieurs, la transformer pour lui ajouter de la valeur dans une scierie appartenant à la compagnie, ou la transformer en coopération avec des usines déjà existantes. Pour l'instant, les capacités de transformation de la région semblent supérieures à l'offre potentielle de matière première.
La superficie exploitée sera replantée avec du matériel végétal amélioré et la compagnie s'engage à prendre en considération tous les aspects de la durabilité, à savoir le rendement et les avantages écologiques et sociaux (voir plus loin).
Pendant la période d'établissement de la plantation, qui est encore en cours, et avant que ne commencent les éclaircies à plus grande échelle, la valeur économique des plantations ne peut être calculée qu'en estimant la valeur commerciale acquise par les arbres au fur et à mesure de leur croissance. Cela a été fait plusieurs fois par des experts indépendants afin de fournir aux actionnaires des estimations fiables des recettes escomptées.
L'AMA a été estimé au départ à 15 m3 à l'hectare, sur la base des résultats obtenus ailleurs au Costa Rica. Sur certains sites, on a observé un taux de croissance annuel d'au moins 20 m3 à l'hectare (Camacho, 1998; de Camino, Alfaro et Sage, 1998; Herrera, 1998).
Sur la base de la croissance observée pendant les huit premières années sur tous les sites de la société, et des résultats dérivés des multiples parcelles témoins, on a procédé à une nouvelle estimation plus prudente en 1998-1999 donnant un AMA de 12 m3 à l'hectare, sous écorce.
D'après une évaluation indépendante effectuée au début de l'année 1999, dans une optique de prudence, qui tenait compte de tous les paramètres, tels que le taux de croissance, la qualité du bois, et les prix réels du marché (de 110 à 550 $EU le m3 franco de bord [f.o.b.], suivant le diamètre et la qualité du bois), et se basait sur les résultats récemment obtenus dans la région, la valeur économique des plantations serait de 29,6 millions de dollars. À titre de comparaison, la valeur comptable de l'ensemble de l'investissement, avec un taux d'actualisation de 10 pour cent à la fin de l'année 1998, a été de 14,5 millions de dollars. La valeur réelle évaluée aurait donc plus que doublé pendant la période de plantation, ce qui implique que le taux de rentabilité interne (TRI) d'au moins 11 pour cent sur lequel comptaient les actionnaires sera atteint. Cela ne sera bien évidemment démontré qu'au moment de la récolte.
Peuplements mélangés (sur la photo, teck, pochote et autres essences) pour déterminer les associations végétales les plus appropriées pour la croissance à long terme des arbres
- PRECIOUS WOODS (SWITZERLAND) LTD
Les activités de plantation forestière de Precious Woods ont contribué à atténuer le chômage généralisé dans la région, à cause de la crise au sein des entreprises d'élevage. La compagnie a créé des emplois et recyclé les ouvriers des ranchs. À présent, elle emploie 32 travailleurs permanents et de 100 à 500 travailleurs occasionnels, avec une moyenne de 150 par an, la plupart étant embauchés sous contrat pour les travaux de plantation, de désherbage, d'élagage et d'éclaircissage. Cela a donné naissance à une nouvelle classe moyenne de petites entreprises familiales qui, si l'on tient compte de l'effet d'entraînement économique, font vivre plus de 2 000 personnes. Étant donné que l'élevage est en perte de vitesse et que l'agriculture est peu développée dans la région en raison des sols peu fertiles, l'amélioration des arbres et la plantation de forêts sont considérées comme des activités fondamentales pour l'avenir de cette région.
La société Precious Woods est bien vue dans la province, car elle est propriétaire de ses plantations forestières et a fait la preuve de ses compétences en matière de gestion des terres et des plantations. D'autres propriétaires terriens, notamment des petits paysans, lui demandent des conseils et du matériel de plantation. Chaque année, les pépinières de Precious Woods distribuent non seulement des essences forestières, mais aussi des plantes ornementales à des communautés, à des villages, à des entreprises de tourisme et à des particuliers. Cette activité contribue à promouvoir le reboisement dans la province et dans le pays.
Pour pouvoir partir de zéro, il a fallu mettre en place un programme de formation et de recherche. Bien qu'elles soient liées aux efforts de reboisement de la société, ces deux activités sont également importantes aux plans national et transnational. Les installations de formation et de recherche de Precious Woods comprennent une école pour la formation de techniciens des forêts à Garza, et une station de recherche pour le clonage et la multiplication naturelle du teck, à Peñas Blancas.
La Fundación Escuela de Reforestación de Costa Rica, créée à Garza par Precious Woods en 1990, dispense des stages de formation de 15 mois à l'intention des techniciens des forêts. Les stages comprennent 30 pour cent d'enseignement théorique et 70 pour cent d'enseignement pratique, dans le cadre des travaux forestiers effectués chaque jour à la station. L'école délivre 10 à 15 diplômes chaque année; en 1999, 124 forestiers avaient obtenu un diplôme. Certains occupent aujourd'hui des postes de techniciens importants dans la société, et d'autres sont employés dans des administrations de parcs nationaux ou dans d'autres compagnies privées.
L'école est financée par une fondation dont Precious Woods est l'acteur principal. Au départ, l'assistance technique et financière externe a été extrêmement utile. Tous les bâtiments à usage d'enseignement, de logement et d'ateliers ont été construits par Precious Woods. La FAO a fourni des manuels et du matériel pédagogique. L'école dispense aux étudiants un enseignement de qualité, et les frais de pension sont bas. Étant donné que l'école forme des techniciens des forêts appelés à exercer dans tout le pays, y compris dans des organismes publics et semi-publics, il serait important que les institutions gouvernementales interviennent davantage et que l'État prenne une part des coûts à sa charge.
Pendant les premières années qui ont suivi la création de la société, le matériel végétal à planter était produit à partir de semences, conformément à la tradition régionale. Cela entraînait toute une série de problèmes: taux de germination insuffisant, grande variabilité entre les produits de la descendance et incertitude sur la transmission héréditaire de traits économiquement importants.
Un programme de recherche a été mis en place à Peñas Blancas en 1996-1997; le principal objectif était de reproduire des arbres au tronc bien formé, se caractérisant par un bois de bonne qualité, une croissance rapide tant en hauteur qu'en diamètre, des fûts sans rainures, contreforts ou gourmands, et une résistance aux teignes des feuilles et aux insectes défoliateurs.
Des tecks de différentes provenances (notamment de la Trinité-et-Tobago, de République-Unie de Tanzanie, de Thaïlande, du Panama, de Colombie et d'autres régions du Costa Rica) ont été plantés dans des zones témoins, pour tester et comparer leurs performances, et sélectionner ceux qui seraient utilisés dans des programmes d'amélioration génétique, à la station de recherche.
Des recherches et des expérimentations sont en cours pour optimiser et simplifier les procédures de multiplication in vitro, tout en réduisant les coûts. Environ 33 000 plants obtenus grâce à la multiplication in vitro de boutures prélevées sur des arbres sélectionnés tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des plantations, en raison de caractères génétiques apparemment favorables, ont été plantés sur les différents sites en 1999.
D'autres compagnies forestières de la région sont intéressées par les résultats de ces recherches et peuvent tirer profit des activités promues par Precious Woods. Les recherches ont certes été entreprises dans l'intérêt de la compagnie, mais leurs résultats ont été publiés à l'intention de la communauté scientifique tout entière (Monteuuis, 1994, 1998, 1999, 2000).
Deux ans à peine après la mise en route des activités de multiplication à grande échelle, il est encore trop tôt pour juger si leur réussite sera durable. Il faut encore poursuivre les activités de formation et échanger des expériences avec des instituts de recherche forestière, tant dans le pays qu'à l'étranger. Toutefois, les débuts sont encourageants.
Les expériences de plantation forestière dans les zones tropicales ne sont pas toutes couronnées de succès. Certaines ont échoué ou présentent peu d'intérêt économique ou écologique pour diverses raisons parmi lesquelles on peut citer les défauts de planification (par exemple ne pas avoir tenu compte de l'éloignement du marché, qui entraîne des coûts d'infrastructure et de transport élevés), l'utilisation d'essences non adaptées aux sites et les contraintes financières. L'instabilité politique et économique dans le pays ou la région peut aussi être un facteur d'échec (FAO, 1993).
La disponibilité de terres et l'acceptation des communautés locales ou, mieux encore, leur participation, sont des conditions préalables à la réussite. Il faut également que les régimes fonciers soient bien définis et la jouissance des terres assurée. La plantation de forêts est un investissement à long terme, et elle ne continuera d'attirer les investisseurs que s'ils peuvent raisonnablement espérer en tirer profit.
Precious Woods a accordé une grande attention à ces contraintes, aux stades de la planification et de l'exécution.
Certaines plantations forestières commerciales attirent les spéculations et les actions passent souvent de main en main. Il arrive fréquemment qu'elles soient vendues durant la période de plantation, pour une valeur fictive basée sur le rendement potentiel. En pareil cas, l'objectif de maximisation des profits compromet l'aménagement forestier durable car les activités qui ne sont pas orientées sur le profit, comme l'entretien et la conservation de la diversité biologique ou le développement social, peuvent être réduites, voire supprimées.
Il est peu probable que cela se vérifie à Precious Woods, car presque tous les actionnaires actuels, qui sont au nombre de 640, devraient conserver longtemps leurs parts et soutenir la gestion dans ses efforts pour augmenter les bénéfices.
Des plantations forestières comme celles de Precious Woods au Costa Rica devraient devenir un actif précieux pour le développement durable des forêts du pays. En préservant les valeurs des forêts naturelles et de la diversité biologique, tout en tenant compte des aspects économiques et sociaux, Precious Woods peut aussi être un bon exemple d'entreprise de plantation industrielle intégrée.
Bibliographie
Camacho, P. 1998. Flor y Fauna S.A., Costa Rica reforestation program. In R. de Camino, M. Alfaro et L.F. Sage. Teak (Tectona grandis) in Central America, Annexe 3, p. 36-45. Projet FAO GCP/INT/628/UK. (document non publié)
de Camino, R., Alfaro, M. et Sage, L.F. 1998. Teak (Tectona grandis) in Central America. Projet FAO GCP/INT/628/UK. (document non publié)
FAO. 1994. Le défi de l 'aménagement durable des forêts, 1994. Rome.
Herrera, R.Q. 1998. Reforestation project of Bosque Puerto Carillo S.A., Guanacaste, Costa Rica. In R. de Camino, M. Alfaro et L.F. Sage. Teak (Tectona grandis) in Central America, Annexe 5, p. 51-55. Projet FAO GCP/INT/628/UK. (document non publié)
Monteuuis, O. 1994. Recent advances in mass clonal propagation of teak. In Proceedings of the international workshop, BIO-REFOR, Kangar, Malaisie, p. 117-121.
Monteuuis, O. 1998. Teak propagation by in vitro culture. Bois et Forêts des Tropiques, 256: 43-53.
Monteuuis, O. 1999. About the use of clones in teak. CIRAD-Forêt, Montpellier, France.
Monteuuis, O. 2000. Propagation of teak by cuttings and microcuttings. (sous presse)
Pandey, D. 1996. Estimating productivity of tropical forest plantations by climatic factors. Swedish University of Agricultural Sciences (SLU), Stockholm, Suède.
Víquez López, E. 1998. Maderas Preciosas Costa Rica S.A., plantation program. In R. de Camino, M. Alfaro et L.F. Sage. Teak (Tectona grandis) in Central America, Annexe 4, p. 51-55. Projet FAO GCP/INT/628/UK. (document non publié)