Wulf Killmann est Directeur de la Division
des produits forestiers,
Département des
forêts de la FAO.
Hong Lay Thong est Directeur de la Division
technico-économique Forest Research Institute
Malaysia (FRIM) de Kuala-Lumpur (Malaisie).
Le bois économique des plantations d'hévéas, qui sont abattus lorsqu'ils ne produisent plus suffisamment de latex, est en train de trouver un débouché en produits finis de haute valeur généralement réservés aux bois plus prisés comme le teck.
Le bois d'hévéa (Hévéa brasi- liensis Muell. Arg.) est de-venu la matière première d'une vaste gamme de produits finis de différentes qualités, remplaçant le bois d'uvre des forêts naturelles. Le bois d'hévéa est disponible dans les plantations agricoles au bout de 25 à 30 ans, lorsque le rendement en latex diminue.
Bien que le bois d'hévéa soit un bois d'uvre relativement peu cher et produit en série, il est désormais utilisé et commercialisé pour de nombreuses applications autrefois réservées aux bois de feuillus plus rares et plus précieux, comme le teck (Tectona grandis). Parmi ces applications, on trouve le mobilier, les parquets, les panneaux et les matériaux de construction d'intérieur. Toutefois, le bois d'hévéa, qui n'a pas les caractéristiques de durabilité du teck, ne convient pas à certaines utilisations, comme la construction de navires, les bastingages, les piliers de construction et les poteaux électriques.
Les grandes disponibilités de bois d'hévéa s'expliquent en partie par les faibles contraintes de site des arbres, mais surtout par le fait qu'il est le sous-produit d'un arbre cultivé pour son latex. Un autre facteur essentiel est - du moins dans le cas de la Malaisie - le soutien énergique du gouvernement et les mesures d'incitation à la replantation d'hévéas afin d'assurer des approvisionnements continus en latex.
La plupart des problèmes techniques rencontrés dans le traitement et l'utilisation du bois d'hévéa ont été surmontés par les pays d'Asie du Sud-Est au cours des 20 dernières années, et le bois d'uvre a été commercialisé avec succès dans le monde entier. Le bois d'hévéa est ainsi devenu synonyme de grande réussite pour l'Asie du Sud-Est, où il a même supplanté le teck en tant que bois de plantation.
Cet article présente des informations générales sur le bois d'hévéa, sur ses caractéristiques, son traitement, ses débouchés et ses produits.
Plantation d'hévéa près de Seremban, Negri Sembilan (Malaisie)
- W. KILLMANN
À l'époque précolombienne, le latex provenant de différentes plantes d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud était utilisé pour la fabrication de balles et autres produits en caoutchouc. Avec l'invention de la vulcanisation par Charles Goodyear en 1839 apparaît l'utilisation technique moderne du latex naturel. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, Hevea brasiliensis (nom amérindien heve) devient la plus importante des nombreuses plantes productrices de latex servant à la production de caoutchouc naturel (nom amérindien cahuchu).
Hevea brasiliensis est une plante du bassin amazonien. Au XIXe siècle, le Brésil était le principal fournisseur de latex d'hévéa, qui était récolté sur les arbres de la forêt naturelle. La richesse créée à Manaus (Brésil) grâce au boom du caoutchouc et son impact sur l'essor de la ville au début du XXe siècle sont devenus légendaires.
En 1876, un anglais, Sir Henry Wickham, rapporta clandestinement du Brésil en Angleterre de jeunes plants d'hévéa. Ceux qui survécurent furent ensuite transférés au nouveau jardin botanique de Singapour. Ils devinrent le matériel végétal des premières plantations d'hévéas dans l'État malaisien de Perak. Ils constituèrent également le matériel d'origine de toutes les plantations de caoutchouc de la Malaisie actuelle et d'autres pays de l'Asie du Sud-Est le développèrent au début du siècle. L'hévéa a depuis lors été adopté dans plusieurs pays tropicaux comme plantation. Aujourd'hui, les plus grands producteurs de caoutchouc sont les pays d'Asie du Sud-Est; le Brésil ne joue guère désormais qu'un rôle mineur (tableau 1).
TABLEAU 1. Superficies de plantations de hévéas des principaux pays producteurs du monde (en milliers d'hectares)
Pays |
1981 |
1991 |
1999 |
Indonésie |
1 564 |
1 878 |
2 269 |
Malaisie |
1 620 |
1 610 |
1 420 |
Thaïlande |
1 269 |
1 420 |
1 555 |
Viet Nam |
85 |
221 |
380 |
Philippines |
54 |
87 |
96 |
Myanmar |
47 |
39 |
48 |
Cambodge |
10 |
35 |
39 |
Chine |
n.d. |
420 |
390 |
Sri Lanka |
230 |
198 |
158 |
Inde |
194 |
306 |
374 |
Total Asie |
5073 |
6214 |
6731 |
Libéria |
107 |
20 |
28 |
Nigéria |
73 |
268 |
225 |
Cameroun |
28 |
41 |
53 |
Côte d'Ivoire |
17 |
42 |
60 |
Total Afrique de l'Ouest |
225 |
371 |
366 |
Guatemala |
16 |
15 |
27 |
Brésil |
n.d. |
50 |
59 |
Total Amérique latine |
16 |
65 |
86 |
Monde |
5 314 |
6 650 |
7 183 |
Source: FAO (1999).
L'exploitation des hévéas commence entre la cinquième et la septième année et se poursuit pendant 25 à 30 ans. Elle consiste à saigner l'écorce avec un couteau spécial pour en recueillir la résine, normalement sans endommager le cambium.
Au bout de 30 ans, l'exploitation devient peu rentable car la production de latex diminue. Les arbres sont alors abattus et remplacés par de jeunes plants. Autrefois, les hévéas coupés étaient soit brûlés sur place, soit utilisés comme combustible pour les locomotives, la cuisson des briques ou le séchage du latex.
Un hévéa cultivé de 30 ans mesure une trentaine de mètres, avec un fût d'environ 3 m. Le diamètre à hauteur d'homme (dhh) peut atteindre 30 cm. Le tronc est généralement effilé. Les jeunes hévéas ont une écorce lisse d'une teinte marron-vert. Avec le temps, les parties de l'écorce constamment exploitées deviennent suintantes de gomme.
Plus de 80 pour cent des 7,2 millions d'hectares de plantations créées dans le monde entier pour la production du latex en 1999 se trouvent en Asie du Sud-Est, dont 70 pour cent (soit 5,2 millions d'hectares) en Indonésie, Malaisie et Thaïlande (FAO, 1999). Pendant plusieurs décennies, la Malaisie détenait la plus vaste superficie, suivie de l'Indonésie et de la Thaïlande. Avec la hausse des salaires en Malaisie et la baisse des prix du caoutchouc, la production du caoutchouc naturel dans les grandes exploitations à fort coefficient de main-d'uvre se déplace très lentement vers les pays de la région aux coûts salariaux inférieurs, tandis que les hévéas de la Malaisie sont de plus en plus remplacés par des palmiers à huile (Elaeis guineensis) (tableau 2). L'Indonésie est désormais le plus grand producteur mondial de caoutchouc naturel tiré de Hevea brasiliensis.
TABLEAU 2. Superficie replantée en hévéas en Malaisie (ha)
Année |
Hévéas |
Autres cultures |
Total |
% d'hévéas |
1991 |
31 500 |
7 700 |
39 200 |
80 |
1992 |
33 000 |
8 400 |
41 400 |
80 |
1993 |
31 100 |
10 400 |
41 500 |
75 |
1994 |
26 100 |
12 800 |
38 900 |
67 |
1995 |
22 900 |
14 000 |
36 900 |
62 |
1996 |
21 600 |
13 000 |
34 600 |
61 |
1997 |
11 300 |
13 000 |
24 300 |
47 |
1998 |
9 100 |
11 000 |
20 100 |
46 |
Source: FDM Asia (1999).
En 1990, le volume total annuel disponible de bois d'hévéa dans la région de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) était estimé à environ 17 millions de mètres cubes (Ser, 1990). De 1982 à 1992, la production de bois d'hévéa pour la Malaisie est passée de 30 000 à 1 872 000 m3 (Ministère malaisien des industries primaires, 1993).
Raymond (1993) a estimé qu'en admettant une récupération de bois scié de 25 à 45 pour cent, seulement 5 pour cent du volume de bois d'hévéa a été converti en produit ligneux, tandis que le reste a été abandonné sur place dans les plantations, ou brûlé. Plusieurs autres raisons expliquent les différences de bois d'uvre disponible selon les statistiques et selon les productions réelles.
Le volume disponible pour des diamètres dépassant 15 cm oscille entre 52 et 162 m3 par hectare (calculé pour neuf cultivars par Gan, Ho et Chew, 1985). Le volume de bois utilisable par hectare dépend de nombreux facteurs comme le clonage, le site et l'aménagement. L'essentiel des superficies plantées appartient à de petits exploitants (exploitations de moins de 20 ha). Ces plantations sont dispersées à l'échelle géographique et d'accès difficile.
Il semblerait que les petits exploitants fournissent des grumes de qualité inférieure car ils consacrent moins de temps aux pratiques viables d'aménagement et d'exploitation (voir ci-dessous l'effet des techniques d'exploitation incorrectes sur les propriétés du bois). Une étude effectuée à Johore (Malaisie) a révélé que 18 pour cent seulement des grumes d'hévéas récoltées dans les petites exploitations pouvaient être utilisées pour le sciage (H. Norini et A.U. Zana, non publié, 1993).
Les coûts de transport des grumes sont généralement pris en charge par le fournisseur. Étant donné que les prix du bois d'hévéa sont faibles, en particulier pour les grumes de qualité inférieure, les gains financiers des petits exploitants dérivant de la vente ont été négligeables (Kollert et Zana, 1994). Aussi les petits exploitants préfèrent-ils souvent brûler les grumes ou les laisser pourrir sur place après l'abattage. Ainsi, une grande partie du bois d'hévéa utilisé à l'échelle industrielle provient des grandes plantations, où les grumes sont de qualité nettement supérieure et les coûts de coupe et de transport par grume bien inférieurs.
Dans les années 90, l'intérêt concernant les disponibilités futures de bois d'hévéa en Malaisie a donné naissance à un programme de recherche sur la sélection d'hévéas axé sur le double objectif de hauts rendements de latex et de bois d'uvre. La superficie globale plantée en hévéas est en progression, ce qui garantit les approvisionnements futurs en bois. Le bois d'hévéa jouit désormais d'une position qui n'est comparable à aucune autre espèce de feuillus tropicaux pour ce qui est du volume disponible.
Le bois d'hévéa fraîchement coupé a une coloration crème homogène; le duramen et l'aubier ne peuvent être différenciés
- W. KILLMANN
Le bois d'hévéa fraîchement scié est blanc ou crème, parfois teinté de rose, et au fil relativement régulier. Il tourne au jaune lorsqu'il sèche. Le duramen et l'aubier ont la même coloration. Les pores, larges et diffus, se présentent sous la forme de lignes marron radiales et tangentielles.
Les techniques d'exploitation incorrectes causent une interruption de la couleur crème normalement homogène. Si le cambium est incisé par accident, les dépôts et champignons introduits par le couteau forment une tache noire le long des cernes d'accroissement, ce qui est considéré comme un défaut du bois. En outre, la réaction du tissu cambial produit un cal.
La densité à l'état sec à l'air oscille entre 560 et 650 kg par mètre cube, selon le clone, l'âge, le site et l'aménagement de la plantation. Le bois d'hévéa frais a une teneur initiale en humidité de 60 à 80 pour cent (Killmann, 1992). Il tend à développer des défauts de séchage, comme la courbure, le gauchissement, le voilement et la gerce, en particulier sur le bois parfait. Une décoloration marron est parfois observée après le séchage au séchoir.
Dans l'ensemble, le bois est bien adapté pour la menuiserie et l'usinage-sciage, le perçage, le tournage, le clouage et le collage. Toutefois, le latex restant peut encrasser les dents de la scie, qui doivent être nettoyées fréquemment. Le bois de tension peut donner un fil pelucheux à l'usinage. Le bois d'hévéa est facile à moulurer avec des rythmes d'alimen-tation de plus de 20 m à la minute (Gloeckner, 1990; Rumboll, 1990). L'assemblage à entures multiples est souvent utilisé pour obtenir de plus grandes dimensions. Le bois d'hévéa peut être courbé à la vapeur avec de bons résultats. Lorsqu'il est correctement poncé, il absorbe bien les couches de vernis et peut aisément être teinté pour ressembler au noyer, au cerisier, au chêne et aux autres bois, en fonction de la demande du consommateur. Pour ce qui est de la résistance et des propriétés mécaniques, il est comparable aux bois d'uvre utilisés habituellement pour le mobilier et la menuiserie. Le tableau 3 compare ses propriétés physiques et mécaniques à celles du teck.
TABLEAU 3. Propriétés physiques et mécaniques du bois d'hévéa et du teck
Propriété |
Bois d'hévéa (à 15% d'humidité) |
Teck (à 12% d'humidité ) |
Densité |
460-650 kg/m3 |
480-850 kg/m3 |
Coefficient de rupture |
66 N/mm2 |
86-170 N/mm2 |
Coefficient d'élasticité |
9 240 N/mm2 |
10 500-15 600 N/mm2 |
Compression axiale |
32 N/mm2 |
55 N/mm2 |
Compression transversale |
5 N/mm2 |
6,5 N/mm2 |
Cisaillement |
11 N/mm2 |
11 N/mm2 |
Dureté (Janka) |
4 350 N |
4 500 N |
Source: Lee et al. (1982), bois d'hévéa; Soerianegara et Lehmmens (1993), teck.
Le bois d'hévéa frais contient 1 à 2,3 pour cent de sucres libres et 7,5 à 10,2 pour cent d'amidon. En raison de cette teneur relativement élevée en sucres libres et de l'absence de matières extractibles, le bois n'est guère durable et subit les attaques de champignons et d'insectes. La teneur en hydrates de carbone libres a aussi créé d'autres problèmes, par exemple au niveau de la prise du ciment dans les panneaux agglomérés au ciment fabriqués en Malaisie. Ce problème a été résolu en stockant les panneaux à l'air libre, ce qui fait baisser la teneur en sucre et en amidon respectivement à 0,2 et 1 pour cent (Killmann, 1992).
Le bois d'hévéa a toujours été utilisé comme une source bon marché de combustible ligneux dans la plupart des pays où les plantations sont nombreuses. Il est également utilisé à l'échelle industrielle pour la cuisson des briques et le séchage du tabac. Étant peu durable, il n'était généralement pas utilisé comme bois d'uvre, sauf dans les pays manquant de bois comme l'Inde et le Sri Lanka, où il servait à de multiples usages. Certains problèmes de transformation ont dû être surmontés, comme on l'a vu plus haut, avant que le bois d'hévéa puisse être commercialisé à grande échelle. Étant peu durable, le bois d'hévéa ne peut être employé économiquement sans traitement préventif. Grâce aux efforts de recherche et de développement, des mesures de protection sont désormais appliquées couramment aux hévéas.
Les qualités du bois d'hévéa en tant que bois de menuiserie et bois d'uvre le rendent adapté à une vaste gamme d'applications. Salleh (1984) a recensé 61 produits différents tirés du bois d'hévéa. Ses usages principaux sont l'ameublement, le parquet, les boiseries, les panneaux tirés du bois (panneaux de particules, panneaux agglomérés au ciment et au gypse, panneaux de fibres de densité moyenne) et des ustensiles de cuisine et autres articles. Il sert également de sciage pour des usages généraux et de combustible.
Le bois d'hévéa présente un certain nombre d'avantages par rapport aux bois classiques de la forêt naturelle. S'agissant d'un sous-produit de plantation, il est disponible à un coût relativement faible. Par exemple, on a découvert que le prix des grumes d'hévéa ne constituait que 5 à 6 pour cent du prix des sciages, contre 50 à 60 pour cent pour le meranti rouge (Shorea spp.) (Kollert et Zana, 1994). Par conséquent, en dépit de son taux de régénération comparativement faible, les coûts de production d'un mètre cube de bois d'hévéa représentent environ 30 pour cent des coûts de production du meranti.
Les qualités et la coloration claire du bois d'hévéa en font un bon produit de substitution du ramin (Gonystylus bancanus Baill.), un bois d'uvre renommé pour ses qualités de bois d'ameublement, entre autres. La coloration naturelle du bois d'hévéa est une des raisons principales de son succès au Japon, où il est de plus en plus utilisé pour remplacer des bois plus traditionnels, comme Fagus spp. et Quercus spp., dans un vaste éventail d'applications.
Un inconvénient du bois d'hévéa est sa petite dimension par rapport au bois d'autres essences forestières. Les planches ont généralement une longueur maximale de 1 800 mm et une épaisseur ne dépassant pas 50 mm. Pour les produits finis de plus grande taille comme les tables, le bois est normalement laminé ou assemblé par entures multiples.
Les liens de longue date établis entre la Thaïlande et les marchés de Scandinavie grâce au commerce du teck ont facilité l'adoption des concepts de design et de qualité scandinaves dans la transformation du bois d'hévéa, qui aboutit à des produits de bonne qualité. L'Indonésie et la Malaisie ont également reçu une aide de l'Allemagne et d'autres pays européens pour la mise au point de cette industrie. Le savoir-faire et l'accroissement des investissements du Japon, de Taïwan Province de Chine et de Singapour ont contribué à la production de l'Asie du Sud-Est de produits d'ameublement et autres, destinés aux marchés d'Asie de l'Est, d'Australie et des États-Unis.
En Malaisie péninsulaire, les industries de sciage et de transformation du bois d'hévéa en aval sont bien développées. En 1993, 116 scieries fixes et 26 scieries mobiles - c'est-à-dire 20 pour cent des scieries malaisiennes - n'ont traité que du bois d'hévéa (MPI, 1993). En outre, le bois d'hévéa a été utilisé comme matière première pour l'industrie croissante des panneaux. À l'heure actuelle, quatre usines de panneaux de particules, quatre usines de panneaux de particules moulés, une usine de panneaux bois-ciment et sept usines de panneaux de fibres de moyenne densité exploitent principalement du bois d'hévéa (Département de foresterie, Malaisie péninsulaire, 1998). Par ailleurs, le bois d'hévéa est encore utilisé pour la fabrication du charbon de bois et le bois de feu.
L'industrie des sciages d'hévéas en Thaïlande est bien développée avec, au total, une centaine d'usines de traitement. La transformation en aval est en rapide essor, ce qui s'explique en partie par l'appauvrissement de la ressource naturelle en bois du pays, l'interdiction d'exploitation des forêts naturelles et le recul des disponibilités de teck.
En Indonésie, des tentatives de développement de l'industrie du sciage d'hévéas ont été faites au début des années 80, pour approvisionner les marchés de Singapour, du Japon et de Taïwan Province de Chine. Mais une succession de politiques et de réglementations gouvernementales défavorables ainsi qu'une demande continue de bois indigènes n'ont pas permis un essor appréciable de l'industrie à cette époque. Toutefois, depuis les années 80, une industrie de transformation du bois d'hévéa s'est développée en Indonésie.
Au milieu des années 90, quelque 20 pour cent des scieries malaisiennes ne traitaient que du bois d'hévéa
- W. KILLMANN
L'exportation à grande échelle de sciages d'hévéa et de produits finis (principalement mobilier et matériaux de construction d'intérieur tels que planchers et parquets) a démarré en Malaisie dès le début des années 80. La demande de bois d'uvre et de produits correspondants, et sa popularité auprès des pays traditionnellement importateurs de bois comme le Japon et les États-Unis ont incité davantage à développer l'industrie de transformation en aval en Malaisie (Hong, 1995). Cette croissance à son tour a encouragé l'essor d'industries similaires de transformation du bois d'hévéa dans les pays voisins (Indonésie et Thaïlande, en particulier). En Malaisie, les recettes d'exportation du bois d'hévéa l'ont emporté sur celles de certains bois traditionnellement réservés au mobilier. En 1994, les exportations de mobilier en bois d'hévéa ont rapporté 297 millions de dollars EU, soit 70 pour cent des exportations de meubles de la Malaisie. En 1998, le pays a exporté environ 683 millions de dollars de mobilier en bois d'hévéa (tableau 4).
TABLEAU 4. Exportations de mobilier en bois d'hévéa de la Malaisie (en millions de dollars EU)
Année |
Valeur |
1991 |
74,2 |
1992 |
106,0 |
1993 |
197,1 |
1994 |
297,4 |
1995 |
352,4 |
1996 |
439,8 |
1997 |
532,7 |
1998 |
683,3 |
Source: Statistiques de l'Office malaisien de l'industrie du bois d'oeuvre parues dans FDM Asia, 1999.
En 10 ans, les exportations de sciages d'hévéa de la Malaisie sont passées de 903 m3 estimés à 35 000 dollars en 1979 à 221 361 m3, estimés à 10,5 millions de dollars en 1989, ce qui témoigne de l'intérêt formidable et du potentiel de ce bois. Afin de promouvoir l'essor de l'industrie du bois d'hévéa en aval pour accroître sa valeur, la Malaisie a institué un prélèvement de 120 ringgit ($M) par mètre cube (33,3 dollars) sur les exportations de sciages d'hévéa. Cela s'est traduit par une baisse des exportations, qui se sont établies à 103 478 m3 (soit 13,3 millions de dollars) en 1990 et à 71 261 m3 (11,9 millions de dollars) en 1991. Toutefois, la taxe a atteint son objectif: étant donné que les exportations de sciages étaient devenues moins avantageuses et que l'exportation de produits du bois d'hévéa transformés n'était pas taxée, les Malaisiens ont investi dans la transformation en aval. En même temps que l'accroissement de la demande internationale pour les produits en bois d'hévéa, la taxe a ainsi déclenché un boom d'investissements dans l'industrie malai-sienne du bois d'hévéa, ainsi qu'une augmentation des exportations de produits transformés (tableau 4) qui a largement compensé la baisse des exportations de sciages d'hévéa.
Étant donné qu'une grande partie des sciages produits en Thaïlande est transformée et utilisée à l'échelon local (Ser, 1990), les exportations de bois d'hévéa scié de la Thaïlande sont insignifiantes au regard de celles de la Malaisie.
Certaines des grandes entreprises internationales de mobilier, comme IKEA, utilisent les produits en bois d'hévéa de la Malaisie depuis le début des années 90 et les vendent aux consommateurs du monde entier. Certaines de ces entreprises se sont associées à des fabricants de meubles pour veiller à ce que les produits en bois d'hévéa correspondent aux critères de qualité et de conception; de tels liens facilitent le transfert de compétences techniques et de savoir-faire aux fabricants locaux.
La diversité des noms sous lesquels est commercialisé le bois d'hévéa - notamment bois para, hevaru, frêne malais et chêne malais - peut prêter à confusion. Les deux derniers termes en particulier sont trompeurs et laissent entendre une similitude avec le chêne et le frêne. Il serait bon d'adopter une dénomination universelle afin d'éviter de créer de fausses attentes chez les consommateurs. Par le passé, il avait été proposé d'utiliser le terme «bois d'hévéa», mais l'industrie n'a pas jugé bon de retenir cette suggestion, peut-être à cause de questions d'intérêt et de profit.
La recherche a toujours eu un rôle clé dans la conception et la mise au point de nouvelles technologies pour l'industrie. La transformation et l'utilisation du bois d'hévéa ne fait pas exception à la règle. Dès 1978, sept différentes institutions de recherche et organes officiels malaisiens ont formé le Comité de recherche du bois d'hévéa qui a contribué grandement au succès de cette ressource. Les principales parties prenantes étaient le «Forest Research Institute Malaysia» (FRIM), le «Rubber Research Institute of Malaysia» (RRIM) et le «Standards and Industrial Research Institute of Malaysia» (SIRIM), sans oublier le secteur privé. Si de nombreux problèmes de transformation du bois d'hévéa ont été résolus, la recherche continue à être fondamentale pour la promotion et l'essor de cette industrie.
Les exportations de sciages d'hévéa de la Malaisie ont progressé tout au long des années 80, jusqu'à l'introduction d'une taxe sur les exportations de sciages d'hévéa en 1990, qui a encouragé les investissements dans l'industrie de transformation en aval
- W. KILLMANN
Le bois d'hévéa a supplanté les bois de feuillus tropicaux légers en tant que bois d'uvre pour la fabrication de mobilier et de matériaux de construction d'intérieur.
Les raisons principales en sont ses qualités de bois d'uvre et de menuiserie et les coûts relativement faibles de la matière première, le bois d'hévéa étant un sous-produit agricole. Ce facteur le rend hautement compétitif par rapport au bois d'autres essences forestières. Un autre avantage est son aspect écologique: les hévéas doivent être abattus pour laisser la place à d'autres arbres lorsque l'extraction du latex n'est plus rentable. Les plantations d'hévéas sont désormais gérées dans un esprit durable. L'acceptation du bois d'hévéa en tant que bois d'uvre de plantation, durable et respectueux de l'environnement a contribué à son succès universel.
Une recherche et une commercialisation dynamiques ont contribué à faire du bois d'hévéa un des bois d'exportation les plus importants d'Asie du Sud-Est. Il reste à voir si le développement des plantations en Asie du Sud-Est suffira à couvrir la demande croissante de produits en bois d'hévéa.
Bibliographie
Département de foresterie, Malaisie péninsulaire. 1998. Rapport annuel. Kuala-Lumpur, Malaisie.
FAO. 1999. Data on agriculture/agricultural production - primary crops/natural rubber. Dans FAOSTAT - FAO statistical databases. Document Internet. http://apps.fao.org
FDM Asia. 1999. The future of rubberwood. Novembre/décembre: 45-48.
Gan, L.T., Ho, C.E. et Chew, O.K. 1985. Heveawood: sawntimber production and recovery studies. Document présenté à la Conférence internationale sur le caoutchouc, Kuala-Lumpur, Malaisie, 1985.
Gloeckner, R. 1990. Rubberwood - a problem for moulders? In L.T. Hong, K.S. Ho, W.C. Wong, M.D Jantan, M.A. Saru, Y.E. Tan, A.S.M. Seman, W.K. Hoi et H.M.Tahir (éds), Towards maximizing value-added rubberwood products. Actes du Séminaire international sur le caoutchouc, Kuala-Lumpur, 21-22 mai 1990, p. 21-26. Institut de recherche forestière de Malaisie (FRIM), Kuala-Lumpur, Malaisie.
Hong, L.T. 1995. Rubberwood utilization: a success story. Document présenté au XXe Congrès mondial de l'Union internationale des instituts de recherches forestières (IUFRO), Tampere, Finlande, 6-12 août 1995.
Killmann, W. 1992. Eigenschaften und Verwendung von Heveaholz (Hevea brasiliensis). Document présenté au 8e Atelier de Hambourg sur la forêt et le bois d'uvre, Hambourg, Allemagne, 22-24 octobre 1992.
Kollert, W. et Zana, A.U. 1994. Rubberwood from agricultural plantations: a market analysis for Peninsular Malaysia. The Planter, 70: 435-452.
Lee, Y.H. et al. 1982. Malaysian timbers - rubberwood. Brochure du «Malaysian Forest Service Trade» n°58. Malaysian Timber Industry Board, Kepong, Malaisie.
Ministère malaisien des industries primaires. 1993. Statistics on commodities. Kuala-Lumpur, Malaisie.
Raymond, A.G. 1993. Tapping rubberwood's export market potential. Document présenté au Forum international sur les possibilités d'investissement dans l'industrie du caoutchouc, Kuala-Lumpur, Malaisie, septembre 1993. Résumé dans Asian Timber, 12(novembre): 53-55.
Rumboll, R.J. 1990. Wadkin CNC routers and their application for machining rubberwood. In L.T. Hong, K.S. Ho, W.C. Wong, M.D Jantan, M.A. Saru, Y.E. Tan, A.S.M. Seman, W.K. Hoi et H.M.Tahir (éds), Towards maximizing value-added rubberwood products. Actes du Séminaire international sur le bois d'hévéa, Kuala-Lumpur, 21-22 mai 1990, p. 41-43. Forest Research Institute Malaysia (FRIM), Kuala-Lumpur, Malaisie.
Salleh, M.N. 1984. Heveawood - timber of the future. The Planter, 60(702): 370-381.
Ser, C.S. 1990. Rubberwood resource in ASEAN and the potential for its wider utilization. In L.T. Hong, K.S. Ho, W.C. Wong, M.D. Jantan, M.A. Saru, Y.E. Tan, A.S.M. Seman, W.K. Hoi et H.M.Tahir (éds), Towards maximizing value-added rubberwood products. Actes du Séminaire international sur le bois d'hévéa, Kuala-Lumpur, 21-22 mai 1990, p. 27-39. Institut de recherche forestière de Malaisie (FRIM), Kuala-Lumpur, Malaisie
Soerianegara, I. et Lehmmens, R.H.M.J. éds. 1993. Timber trees: major commercial timbers. Pudoc, Wageningen, Pays-Bas.