Suivi des progrès des indicateurs des ODD liés à l’alimentation et à l’agriculture 2023
Résumé exécutif
À mi-parcours de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (Programme 2030), les dernières données en date indiquent que la plupart des cibles des objectifs de développement durable (ODD) en lien avec l’alimentation et l’agriculture sont encore loin d’être atteintes. Les effets persistants de la pandémie de covid-19, auxquels s’ajoutent d’autres crises comme les changements climatiques et les conflits armés, ont un impact généralisé sur toutes les dimensions du Programme 2030, y compris la lutte contre la pauvreté, la sécurité alimentaire et la nutrition, la santé et l’environnement. Les progrès réalisés ces vingt dernières années stagnent, voire se sont inversés, aggravant ainsi les difficultés liées à l’éradication de la faim et de la pauvreté, à l’amélioration de la santé et de la nutrition, et à la lutte contre les changements climatiques.
Selon les dernières estimations produites par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 691 millions à 783 millions de personnes souffraient de la faim en 2022. Ces estimations laissent penser que, depuis 2015, la hausse du nombre de personnes sous-alimentées à l’échelle mondiale a ralenti la quasi-totalité des progrès obtenus au cours des dix années précédentes. L’insécurité alimentaire a elle aussi connu une croissance importante, touchant 25,3 pour cent de la population mondiale en 2019 et 29,6 pour cent en 2022. Si l’insécurité alimentaire grave semble avoir légèrement reculé à l’échelle mondiale, passant de 11,7 pour cent en 2021 à 11,3 pour cent en 2022, elle reste toutefois bien supérieure aux niveaux d’avant la pandémie, puisqu’elle touche 180 millions de personnes de plus qu’en 2019.
Les indicateurs portant sur la malnutrition présentent un bilan mitigé. Si le retard de croissance a reculé, passant de 26,3 pour cent en 2012 à 22,3 pour cent en 2022, cette baisse n’est pas du tout suffisante pour atteindre la cible mondiale. En 2022, 6,8 pour cent d’enfants de moins de 5 ans souffraient d’émaciation, et la prévalence du surpoids chez les enfants, mesurée à 5,6 pour cent, a stagné ces dix dernières années, ce qui nécessitera des efforts accrus en vue d’atteindre les objectifs fixés à l’horizon 2030. De même, la prévalence de l’anémie chez les femmes, un facteur de risque pouvant avoir des conséquences périnatales et maternelles néfastes, ne s’est pas améliorée entre 2015 et 2019, dernière année pour laquelle des données sont disponibles.
Si les dépenses des gouvernements en faveur de l’agriculture, l’une des principales sources d’investissement dans le secteur, ont augmenté en valeur nominale, l’indice d’orientation agricole a quant à lui baissé entre 2015 et 2021. D’un autre côté, les subventions aux exportations agricoles, une source de distorsion du marché, baissent de manière constante depuis vingt ans, atteignant des niveaux négligeables en 2021. Certaines améliorations portant sur les prix des aliments ont été enregistrées à l’échelle mondiale. En 2021, la part de pays confrontés à des prix alimentaires modérément ou anormalement élevés s’élevait à 21,5 pour cent, contre un niveau record de 48 pour cent en 2020. Ce chiffre est toutefois encore supérieur à la moyenne pour 2015-2019 (15,2 pour cent), ce qui reflète une hausse continue des prix alimentaires, qui s’explique en grande partie par la hausse des coûts de production et de transport, elle-même due à une hausse du prix des engrais et de l’énergie.
Les petits exploitants produisent un tiers des aliments consommés dans le monde, contribuant ainsi de manière conséquente aux systèmes agroalimentaires et aux économies du monde entier. Leur productivité du travail continue pourtant d’accuser un retard par rapport à celle des gros producteurs, en particulier dans les pays à revenus élevés. Dans 90 pour cent des pays déclarants, les petits producteurs alimentaires affichent également un revenu annuel moyen inférieur à la moitié de ce que gagnent les gros producteurs alimentaires. Des disparités persistent également dans le domaine de la propriété foncière. Dans un tiers des pays évalués, moins de 50 pour cent des femmes et des hommes travaillant dans le secteur de la production agricole sont propriétaires et/ou titulaires de droits fonciers garantis sur des terres agricoles. Parmi les propriétaires terriens, la part de propriétaires de sexe masculin est au moins deux fois plus importante que celle des femmes propriétaires dans près de la moitié des pays. Près de 60 pour cent des 71 pays ayant communiqué des données sur le niveau de protection juridique des droits fonciers des femmes (non limités aux terres agricoles) ont indiqué avoir un niveau de protection juridique des droits fonciers des femmes nul, très faible ou faible.
En ce qui concerne les indicateurs mesurant la dimension environnementale de l’alimentation et de l’agriculture, les progrès restent lents et inégaux d’une région du globe à l’autre. À l’heure actuelle, le monde est encore loin d’assurer la diversité génétique des ressources génétiques animales et végétales destinées à l’alimentation et à l’agriculture, que ce soit sur le terrain ou dans les génothèques. De même, malgré leur contribution à la sécurité alimentaire et à la nutrition mondiales, les stocks de poissons du monde entier sont menacés par la surpêche, la pollution, la mauvaise gestion et d’autres facteurs, y compris la pêche illicite. En 2019, plus d’un tiers (35,4 pour cent) des stocks mondiaux étaient en état de surpêche. La part de la contribution des pêcheries durables au produit intérieur brut (PIB) mondial est passée en dessous de la barre des 0,1 pour cent en 2019. D’un autre côté, de nombreux pays ont prouvé que la mise en œuvre de mesures efficaces de gestion des pêcheries avait un impact positif sur les stocks de poissons, et la part de débarquements de poissons issus de stocks biologiquement durables est en hausse. Fin 2022, l’Accord relatif aux mesures du ressort de l’État du port, qui cible la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INDNR), comptait 74 parties (dont l’Union européenne), soit, dans les faits, 100 États.
Les pertes agricoles directement imputées aux catastrophes naturelles, à la fois plus fréquentes et intenses, s’élevaient à 19,3 milliards d’USD en 2021 d’après les données de 22 pays. Le pourcentage d’aliments perdus après la récolte à la fois sur l’exploitation et aux phases de transport, de stockage, de vente en gros et de transformation est estimé à 13,2 pour cent à l’échelle mondiale en 2021, contre 13 pour cent en 2016. Ces pourcentages masquent des améliorations et détériorations à l’échelle régionale et infrarégionale, les estimations variant considérablement d’une (sous-)région à l’autre. De même, si le niveau de stress hydrique à l’échelle mondiale s’est maintenu à un niveau sûr de 18,2 pour cent en 2020, ce chiffre masque d’importantes variations régionales, certaines régions souffrant de niveaux élevés, voire critiques, de stress hydrique. En parallèle, l’efficacité de l’utilisation des ressources en eau s’est maintenue à un niveau de 18,9 USD par mètre cube en 2020 à l’échelle mondiale, ce qui marque une augmentation par rapport à 2015, mais une légère baisse par rapport à 2019, où elle s’élevait à 19,4 USD par mètre cube.
Les forêts fournissent des biens et des services écosystémiques vitaux, et sont un élément essentiel de l’atténuation des changements climatiques. Si la superficie forestière continue de décroître à l’échelle mondiale, le taux de déclin a ralenti par rapport aux décennies précédentes, passant de 31,9 pour cent en 2000 à 31,2 pour cent vingt ans plus tard. En même temps, le monde continue d’avancer vers une gestion durable des forêts. Entre 2010 et 2020, la part de forêts faisant l’objet de systèmes de certification, situées en zone protégée ou relevant d’un plan de gestion à long terme a augmenté partout dans le monde. La dégradation des terres demeure toutefois une préoccupation majeure, au moins 100 millions d’hectares de terres saines et productives ayant disparu chaque année entre 2015 et 2019.
Les écosystèmes montagneux sont des centres de biodiversité essentiels facilement affectés par des facteurs à la fois naturels et anthropiques. Si le couvert végétal des montagnes s’est globalement stabilisé autour de 78 pour cent, avec toutefois une légère baisse depuis 2015, les changements préjudiciables en matière de couverture des sols entre 2000 et 2018 touchent environ 1,6 pour cent de la superficie montagneuse totale de la planète.
Afin de garantir des progrès dans les dimensions sociale, économique et environnementale mentionnées ci-dessus, nous devons impérativement améliorer les capacités en matière de données. Malgré des efforts considérables en faveur de la création de systèmes de données et statistiques plus robustes aux fins de suivi des objectifs de développement durable, il existe encore à l’heure actuelle d’importantes lacunes. En l’absence de données exhaustives, ventilées, fiables et communiquées en temps utile, il est difficile de mesurer efficacement le rythme des progrès au sein de différentes régions et de différents groupes socioéconomiques, de même que les efforts directs à déployer et les investissements directs à réaliser, le cas échéant. Nous devons impérativement nous doter de systèmes de données robustes pour formuler des politiques étayées par des données probantes, anticiper les besoins futurs et concevoir les actions urgentes nécessaires pour assurer la réalisation du Programme 2030.