I. CONTEXTE ET ENJEUX
En juin 1994, le CILSS et le Club du Sahel ont organisé à Praia une conférence régionale sur la problématique foncière et la décentralisation au Sahel. Le constat fondamental de cette conférence a été que certaines options en matière de politique foncière sont porteuses dexclusion, dintolérance et à terme, de destruction des sociétés sahéliennes.
La conférence a donc formulé des recommandations et a invité les Etats membres du CILSS à sorienter de manière urgente vers des options de gestion équitable, paisible et décentralisée du foncier et des ressources naturelles. Ces orientations sarticulaient autour de quatre axes principaux à savoir:
1. Appui à lémergence dune société civile en matière de gestion durable des ressources naturelles au Sahel;
2. Appui aux États pour lélaboration de législations fixant au niveau national, les orientations générales, tout en laissant la définition de mesures dapplication au niveau local;
2. Prise en compte de la dimension genre dans les politiques de gestion des ressources naturelles;
3. Renforcement des capacités des acteurs par la mise en uvre de programmes appropriés dinformation, de sensibilisation et déducation.
Près dune décennie après Praia 1994, la problématique foncière est toujours restée dactualité au Sahel et dans la région Ouest-Africaine en général: les situations de crises foncières persistent et saccentuent au niveau de la région; ni les règles «traditionnelles», ni la nationalisation des ressources et la gestion étatique ne sont en mesure de régler les revendications des différents usagers et daffronter les problèmes qui émergent actuellement; les conflits dutilisation saccumulent.
Doù la nécessité dune bonne gestion du foncier et des ressources naturelles, condition de base pour un développement durable et pour la lutte contre la pauvreté au Sahel.
Au regard de la persistance des crises foncières, le CILSS et ses partenaires ont alors organisé à Bamako en novembre 2003, un autre forum sur le foncier appelé Praia+9 pour examiner létat de la mise en uvre des recommandations de 1994 et dégager pour la prochaine décennie des nouvelles orientations stratégiques pour lensemble de la région Ouest-Africaine.
II. ETAT DE PRAIA 1994
a) Des efforts reconnus de Praia 1994 à nos jours
Le forum de Bamako a reconnu les efforts fournis par les Etats membres du CILSS dans la mise en uvre des recommandations de Praia 1994 notamment en matière de:
Elaboration de législation cadre (législations pastorales, relectures textes fonciers...);
Expérimentation doutils et dapproches de sécurisation foncière...);
Lancement de processus de décentralisation;
Reconnaissance de la nécessité dimpliquer lensemble des acteurs.
b) Mais aussi des insuffisances notoires ont été relevées dans la mise en uvre des recommandations de Praia 1994. Ces insuffisances ont pour noms:
Volonté politique insuffisante des Etats;
Transfert des compétences et ressources insuffisant;
Faible mise en uvre des législations en matière de ressources naturelles;
Manque en diffusion/appropriation des textes;
Faibles capacités des collectivités locales.
III. UNE STRATEGIE APPROPRIEE POUR LA PROCHAINE DECENNIE DANS LA REGION OUEST-AFRICAINE
Les nouvelles orientations dégagées par Praia+9 pour la prochaine décennie, visent à renforcer laccès sécurisé et équitable aux ressources foncières et la gestion durable des ressources naturelles au Sahel et dans toute la région Ouest-Africaine. Pour ce faire, la stratégie proposée sappuie entre autres, sur les éléments suivants:
Décentralisation, transfert de compétences et de ressources;
Politiques foncières nationales;
Responsabilisation et capacitation des différents acteurs;
Assistances appropriées aux différents acteurs concernés et renforcement de leurs capacités (administration; société civile; élus locaux...).
IV. METHODOLOGIE DE LA CONFERENCE PRAIA + 9 A BAMAKO: ATELIERS THEMATIQUES
En plus de la revue de létat dexécution de Praia+9, les réflexions thématiques sur les questions foncières émergentes ont porté sur 5 thèmes qui sont:
Foncier rural et décentralisation;
Foncier rural et intégration régionale;
Accès équitable aux terres et aux ressources naturelles;
Foncier rural et option de sécurisation foncière en milieu rural;
Foncier et agriculture durable.
La présente communication se focalise sur les 1er et 4ème thèmes. Pour chacun des deux thèmes, latelier a traité des questions clé et formulé des recommandations.
a) Thème 1: Décentralisation et Foncier
Comme questions et problèmes pertinents ont été identifiés:
Comment concilier décentralisation et foncier/ rôles et responsabilités des différents acteurs?
Implication des différents acteurs (information; non prise en compte des pratiques locales; autorités traditionnelles);
Ressources limitées des collectivités locales (autonomie fiscale; non définition de domaine foncier propre...);
Décentralisation et conflits: Dualisme autorités locales élues/ autorités coutumières; Absence de mécanismes de gestion des conflits locaux.
Par conséquent, les recommandations suivantes ont été formulées:
Approfondir et développer les conventions locales;
Promouvoir lintercommunalité dans la GRN;
Mettre en place des observatoires du foncier chargés de suivre lévolution du foncier;
Accompagner le transfert des compétences par un renforcement des capacités;
Harmoniser les législations foncières rurales avec la décentralisation;
Réformer la fiscalité locale.
b) Thème 2: Sécurisation foncière
Comme questions et problèmes pertinents ont été identifiés:
Quest-ce que la sécurisation foncière? Comment articuler harmonieusement droits locaux et législations foncières?
Sécurisation foncière, légalité et légitimité;
Sécurisation passe par la construction de consensus sur les règles et les droits;
Diversités des options: Conventions locales; PFR; contrats;
Besoin dintégrer la gestion des conflits;
Pérennisation des options de sécurisation foncière.
Par conséquent les recommandations suivantes ont été formulées:
LEtat doit proposer une gamme doptions et de démarches de sécurisation foncière correspondant aux besoins des ruraux, tout en favorisant une exploitation efficace, une gestion durable et équitable des terres et des ressources.
Les approches de sécurisation foncière doivent être articulées avec des approches de médiation/résolution des conflits et matérialisation des accords, des règles locales, droits consensuels.
V. LES NOUVEAUX DEFIS FONCIERS POUR LAFRIQUE DE LOUEST
Le forum a constaté que pour la prochaine décennie, lAfrique de lOuest doit faire face à de nouveaux défis. Pour relever ces défis, lélaboration dune charte sur le foncier et les ressources naturelles pour lAfrique de lOuest savère nécessaire. Cette charte engendrera de la part des Etats membres les éléments suivants:
Facteurs minima de convergences pour une coexistence pacifique dans la sous-région;
Des conditions appropriées pour des investissements du secteur privé et pour un marché commun effectif;
Spécificités nationales;
Un processus dans le temps;
Un engagement moral et politique des Etats membres;
Lutilisation des résultats de la conférence de Bamako 2003 comme source dinspiration pour les politiques et législations nationales (tout en préservant des spécificités nationales et locales).
VI. ÉLEMENTS DE LA DEMARCHE DELABORATION DE LA CHARTE
Lélaboration de la charte doit passer par les grandes étapes suivantes:
Tenue du Sommet des chefs dEtats du CILSS;
Définition du rôle des institutions politiques sous-régionales dotées de pouvoirs;
Elaboration du processus détudes, de consultations et de validation;
Élaboration et approbation dune charte.