Principes directeurs
Objectifs et composantes
stratégiques
Mise en uvre
opérationnelle
L'homme est au cur du problème de la désertification, qu'il en soit l'acteur ou la victime. La lutte contre la désertification est une lutte pour la vie. Elle fait partie intégrante des programmes de développement socio-économique concernant les ressources en terres et les habitants des zones concernées. Son objectif central est d'engager populations, les services techniques gouvernementaux et les organisations non gouvernementales dans la lutte par la promotion de la participation pleine et entière des populations. Cette approche (qualifiée souvent de globale et participative) repose sur cinq principes majeurs.
Le principe d'intégration qui vise tout d'abord à intégrer les besoins immédiats et les besoins objectifs à moyen et long terme des populations. Les premiers sont ceux clairement exprimés d'alimentation, de santé, d'éducation et de revenus financiers. Les seconds, généralement moins bien identifiés et plus confusément exprimés, sont ceux qui portent sur la défense, la restauration et la valorisation des ressources naturelles disponibles. Les réponses à ces deux séries de besoins sont étroitement interdépendantes: la satisfaction de besoins immédiats sera aléatoire et provisoire si les ressources du terroir ne sont pas améliorées et valorisées; l'aménagement du terroir et de ses ressources sera freiné et bloqué si les besoins immédiats ne sont pas satisfaits. Ce principe d'intégration concerne également l'intégration des techniques et des actions pour satisfaire les besoins précédents de façon cohérente et coordonnée et pour éviter les contradictions, soit dans l'exécution des actions, soit dans leurs effets. Il concerne également l'intégration des acquis traditionnels modernisables et des acquis expérimentaux récents obtenus dans des milieux comparables. Enfin, ce principe concerne l'intégration des ressources humaines à tous les niveaux dans le double but d'accélérer la vulgarisation des techniques et de promouvoir la participation des populations.
Le principe de concertation est fondé, encore plus que le précèdent, sur la participation de la population et il s'exerce à plusieurs niveaux:
Le principe d'une approche spatiale planifiée est fondamental pour assurer la cohérence des actions. Concevoir le développement régional et national comme la simple juxtaposition d'aménagements de terroirs serait une utopie dangereuse pour trois raisons principales:
Il ne semble pas toujours possible d'intervenir simultanément et efficacement dans tous les terroirs en même temps. Il est donc nécessaire de procéder par étapes dans le cadre d'une programmation raisonnée (et concertée), à partir de terroirs tests dont la fonction est de faire gagner de l'expérience, d'une part aux responsables et à l'ensemble de la population concernée et, d'autre part aux agents, services et projets travaillant avec eux. Ces exemples seront ensuite transférés vers d'autres terroirs par un effort conjoint des techniques et des responsables des populations des terroirs tests.
Toute collectivité est elle-même élément d'un plus vaste ensemble. Elle doit donc obligatoirement entretenir des relations avec les autres collectivités, avec les services et organismes régionaux et nationaux chargés d'appuyer le développement et avec un environnement technique, social et économique particulier. Tous exercent des influences et des pressions qu'il est nécessaire d'orienter et de canaliser pour qu'elles n'entrent pas en contradiction avec les orientations mises en uvre par la collectivité.
L'obligation d'agir dans le cadre régional où se situe le terroir test est aussi justifiée par la nécessité de réduire les écarts de développement entre le terroir test et les autres afin de mettre ces derniers en situation de pouvoir appliquer les acquis de l'expérience du territoire test. L'approche globale s'exerce donc dans un second cadre spatial qui est celui de la région dans laquelle se situe le terroir (région agro-écologique, socio-économique et généralement administrative). A ce niveau, l'outil privilégié est l'aménagement du territoire régional préparant I'integration des terroirs aménagés. Enfin, et pour des raisons du même ordre que les précédentes, I'approche globale implique d'établir une relation avec le niveau national et l'aménagement du territoire national. L'approche globale ne conduit pas à une atomisation du territoire; elle cherche, au contraire, à assurer la cohérence de toutes ses composantes locales, régionales et nationales.
Le principe de la décentralisation des décisions et des moyens d'action est essentiel à la réussite. L'approche globale et participative doit s'exercer dans un cadre organisationnel d'intégration, de concertation, d'aménagement, de gestion et d'action. Ce cadre assure les fonctions nécessaires d'analyse et de conception mais aussi, et surtout, de formation, de coordination et de mise en uvre des moyens et des actions. Le cadre organisationnel de base est lorganisation villageoise ou communautaire. Au niveau régional, le programme d'approche globale a deux fonctions interdépendantes: une fonction technique et de gestion et une fonction de concertation et de décision. Ces deux fonctions décentralisées doivent être reliées à une antenne organisationnelle nationale qui a pour fonction de:
Enfin, le principe de durée et de souplesse de l'aide aux actions est évident en matière de développement rural et de lutte contre la désertification.. L'exigence de durée signifie la nécessité pour les gouvernements et leurs bailleurs de fonds d'affirmer leur engagement de soutien de longue durée et à le concrétiser dans des phases de financement correspondant aux périodes des planifications nationales quand elles existent. L'exigence de souplesse porte sur deux aspects:
En définitive, l'approche globale et participative est une démarche avant d'être une méthode codifiée. Son but premier est la promotion de la participation de la population; ses mots clefs sont: intégration, concertation, aménagement spatial, décentralisation d'une organisation adaptée, durée et souplesse de l'assistance technique et financière. Les actions menées par de nombreux pays en développement depuis une quinzaine d'années confirment la pertinence de cette approche. Comment la mettre en uvre?
Selon la définition du développement agricole et rural durable adoptée par le Conseil de la FAO en 1988:
«Il faut, pour un développement durable, aménager et conserver les ressources naturelles et orienter les changements techniques et institutionnels de manière à satisfaire les besoins des générations actuelles et futures (dans les secteurs de l'agriculture, des forêts et des péches). Il s'agit de conserver les terres, les eaux et le patrimoine zootechnique et d'utiliser des moyens sans danger pour l'environnement, techniquement bien adaptés, économiquement viables et socialement acceptables.»
En ce qui concerne plus spécifiquement la lutte contre la désertification, l'objectif stratégique à atteindre: le développement rural durable des zones arides, semi-arides et sèches subhumides doit faire face à trois défis:
Bien que les situations et les degrés de gravité différent très largement selon les pays, il apparaît (selon les informations actuellement disponibles) que les terres de la catégorie «gravement dégradées» sont fort heureusement limitées en surface et qu'elles concernent essentiellement des terres pastorales pour lesquelles des doutes peuvent subsister sur la raison principale de leur dégradation (désertification impliquant l'action de l'homme, ou perte de productivité et érosion dues à des changements climatiques?). En conséquence, la FAO considère que les deux premières catégories de terres (où vivent d'ailleurs la majorité des populations concernées par la désertification) doivent faire l'objet d'une attention particulière, voire d'une certaine forme de priorité et que les actions de réhabilitation des terres gravement dégradées devront être limitées à des cas bien particuliers où les causes de la dégradation des terres auront été très clairement identifiées et les mesures de réhabilitation et de remise en état jugées appropriées, efficaces et durables.
Dans la mesure où ce sont les actions des hommes qui provoquent dans la majorité des cas cette dégradation, il est absolument nécessaire que les politiques générales, qui permettent, et parfois même provoquent ces actions, soient remises en cause. La lutte contre la désertification n'est pas seulement un combat technologique, c'est aussi un combat politique. Pour être efficace, il faut d'abord réviser les politiques de développement jusqu'ici adoptées et y introduire cette notion de durabilité dont la CNUED a fait un principe de base pour la conduite des actions de développement dans le futur.
La Conférence FAO/Pays-Bas sur l'agriculture et l'environnement (avril 1991) s'est placée dans cette perspective et a conclu que les politiques de développement rural durable devraient avoir pour objectif de faire en sorte que les secteurs agricoles et ruraux:
Ces objectifs peuvent être considérés comme universels (ils sont d'ailleurs repris sous une autre forme dans le Chapitre 14 d'Action 21 consacré à l'agriculture durable) et s'appliquent en particulier aux territoires et pays touchés par la sécheresse et la désertification ou menacés par elles.
Ils supposent, pour être réellement appliqués, qu'une forte volonté politique, s'affirme en leur faveur et les traduise en éléments de stratégie et en actions concrètes, de nature à placer les populations rurales dans un environnement juridique, législatif, social et économique favorable au développement de leurs initiatives de développement durable répondant aux principes de l'approche globale et participative. Cette volonté politique doit elle-même s'appuyer sur un environnement international favorable que la mise au point d'une convention mondiale sur la désertification, faisant suite à l'adoption des textes de la CNUED, devrait faciliter.
Sur le plan national, seul un cadre de politique général approprié peut permettre aux ruraux d'exprimer pleinement leurs initiatives et leur apporter des éléments de durabilité. Le contexte économique et politique général doit favoriser l'équité et le développement durable en permettant aux individus d'exprimer des choix tout en leur donnant la possibilité de défendre leurs intérêts. Une politique démographique adaptée à chaque pays devrait viser un taux de croissance viable et fixer des objectifs pour un nombre optimal d'habitants. Une politique en matière d'établissement humain est également nécessaire dans la plupart des pays pour réaliser un bon équilibre entre la population rurale et la population urbaine. Les systèmes de production, transformation et commercialisation, ainsi que les arbitrages entre les secteurs, devraient être gérés équitablement.
Sur le plan international, il faut atténuer les effets négatifs de la dette et des dispositions réglementant le commerce international sur la capacité des gouvernements des pays en développement de guider leur pays vers un équilibre durable. Une collaboration internationale est nécessaire dans la gestion des ressources partagées et dans l'accès à la technologie. l'assistance financière et technique internationale doit être orientée vers le développement durable: les profits économiques immédiats pour les générations actuelles ne devraient pas déterminer la répartition de l'aide.
Il y a deux composantes stratégiques principales d'action pour le développement durable des zones arides et la lutte contre la désertification:
Composantes internationales
Composantes nationales
les gouvernements doivent reconnaître le fait que les ruraux jouent un rôle vital qui est celui d'assurer la sécurité alimentaire et de préserver la base des ressources naturelles renouvelables. Pour la plupart des pays, cela doit se traduire par l'allocation de ressources financières adéquates, des politiques de prix, la décentralisation des institutions et la délégation de pouvoirs aux ruraux, une attention particulière étant réservée aux pauvres et aux femmes;
les gouvernements doivent faciliter l'accès à l'éducation et à la formation, aux technologies et aux ressources appropriées, des agriculteurs et des éleveurs, en particulier les petits exploitants et les plus pauvres, hommes et femmes;
les gouvernements doivent mettre en uvre en de nombreux pays les profonds changements et ajustements qui sont nécessaires pour créer les conditions de la durabilité. L'éradication de la pauvreté doit être un axe stratégique majeur dans l'objectif de permettre la durabilité du développement dans les zones rurales fortement peuplées, et dans les terres marginales où vivent de petits exploitants et des travailleurs sans terre;
des politiques démographiques doivent être appliquées afin que les possibilités d'instaurer une perspective à long terme du développement durable des zones arides soient plus grandes. Ces politiques devraient s'intéresser, selon les cas, aux questions concernant la planification familiale et le déplacement de la population des zones les moins favorables vers les zones potentiellement plus productives à moindre risque;
des politiques équitables d'accès à la terre et de reconnaissance des droits de ceux qui la peuplent et la gèrent' aussi bien pour la faire produire que pour la protéger, doivent être mises en uvre afin de permettre une prise de responsabilité des ruraux;
des politiques de développement de centres de services ruraux doivent être entreprises afin de mettre à la disposition des populations rurales des facilités pour:
des politiques de planification et d'aménagement du territoire doivent être mises en uvre afin de concevoir des schémas globaux de développement prenant en compte les notions de vulnérabilité et de risque comme composantes essentielles des décisions de planification;
des politiques de diversification agricole et de développement d'activités diverses, sources de revenus et de nourriture, telles que la pêche et la pisciculture, l'apiculture et la transformation des produits forestiers, doivent être vigoureusement mises en uvre.
Tout le problème de la mise en uvre des actions réside dans la concrétisation d'une synergie réelle entre les aspirations et les volontés des populations rurales et les décisions et engagements des gouvernements et de leurs administrations. Il ne s'agit pas plus de donner tout le pouvoir et tous les moyens aux ruraux que de décider et réaliser tout à leur place. L'approche globale et participative ne peut pleinement porter ses fruits que si les stratégies politiques des gouvernements suivent les grandes lignes exposées au paragraphe précèdent. De même, les composantes stratégiques de la lutte contre la désertification n'auront un impact au niveau local que si une approche globale et participative est réellement adoptée, facilitée et entretenue au niveau des communautés de base.
Il n'y a pas d'approche parfaite et immédiate pour toutes les situations et toutes les contraintes. Chaque pays, chaque communauté doit pouvoir trouver les meilleures voies pour progresser dans la direction proposée. Lorsqu'on analyse les conditions de son émergence et de son application dans certaines expériences, on constate que cette approche peut prendre des formes diverses, de la plus pragmatique à la plus conceptualisée, de la plus ouverte à la plus programmée; ce sont les situations et les hommes qui les affrontent qui déterminent cette forme. L'objectif d'une telle stratégie est essentiellement d'inciter à la coordination-concertation entre tous les partenaires par référence à un schéma d'aménagement progressif, et par référence au principe premier de participation des populations. Une telle stratégie doit se traduire en un programme de concertation et de coordination, d'aménagement et de programmation et de promotion de la participation des populations. Chaque composante du programme doit recevoir l'apport de chacun des partenaires qui devront exercer pleinement leurs responsabilités.
I 'approche territoriale (territoire de vie d'une communauté rurale s'identifiant souvent - mais pas exclusivement - avec un terroir villageois) s'impose dans la lutte contre la désertification et pour le développement durable. Elle offre un cadre géographique où se manifestent les relations dynamiques entre tous les facteurs locaux de la désertification qui font que ces facteurs peuvent être affrontés de façon coordonnée et programmée. Ce cadre peut être divisé en micro-bassins versants ou terroirs de culture, offrant une échelle de cohérence également significative mais plus petite et qui peut être utilisée comme point de départ pour l'action sur l'ensemble du territoire. Inversement, ce cadre doit souvent être élargi de façon à prendre en compte les facteurs physiques, en particulier les facteurs hydrographiques intervenant sur les territoires de plusieurs communautés. Cette approche territoriale offre également un cadre socio-économique qui est celui de la communauté, dotée de connaissances, de savoirs pratiques et de pouvoirs sur le terroir qu'elle utilise. C'est dans ce cadre socio-économique, dont les valeurs culturelles sont rarement absentes, que la communauté peut s'organiser et gérer la défense et I a restauration des ressources naturelles productives de son territoire. C'est également dans ce cadre qu'il est plus facile de comprendre la place et le rôle des différentes composantes de la communauté, en particulier les femmes et les enfants, et de soutenir leur promotion et leurs besoins.
La reconnaissance de la capacité des communautés rurales à s'organiser pour gérer leurs territoires de manière durable doit être soutenue et non pas niée ou détournée par les projets et services de développement. Cette assistance est nécessaire pour apporter et aider à mettre en uvre des propositions techniques reproductibles ou maîtrisables par la population. Elle l'est aussi et conjointement pour informer, former et promouvoir les capacités de la communauté à concevoir, organiser, gérer et décider des actions à entreprendre. Enfin, cette assistance peut se concrétiser matériellement lorsque certaines actions de correction de la dégradation des terres nécessitent des équipements, des matériels et des efforts dépassant les capacités financières et physiques de la communauté. I es services techniques décentralisés des administrations et organismes compétents doivent alors être en mesure d'intervenir pour aider les populations locales.