Les problèmes nutritionnels se divisent, en gros, en deux catégories: ceux qui résultent dun apport inférieur aux besoins nutritionnels et ceux qui résultent de lapport excessif ou déséquilibré dun aliment ou dune composante particulière du régime alimentaire. Les problèmes principaux en Afrique et dans lensemble des pays en développement relèvent du premier groupe. Un des objectifs essentiels de léducation nutritionnelle consiste donc à fournir aux habitants des villes et des campagnes les informations, les aptitudes et les motivations dont ils ont besoin pour rechercher et consommer une nourriture appropriée. Cette éducation portera notamment sur lamélioration des disponibilités alimentaires familiales et sur lutilisation plus efficace des aliments et des ressources économiques disponibles, de sorte quil soit possible dassurer aux groupes les plus vulnérables une alimentation plus nourrissante et mieux soignée. Dans les couches plus aisées de la société où les maladies de labondance sévissent toujours davantage, léducation nutritionnelle sera centrée sur les choix personnels de nourriture, de modes de consommation et de style de vie.
Les programmes déducation nutritionnelle devraient comporter au moins trois composantes destinées aux différents groupes de la société.
Amélioration des connaissances nutritionnelles et de la prise de conscience du grand public et des décideurs. Cela peut se faire en fournissant des informations sur les points suivants: relations entre santé et nourriture; relations entre état nutritionnel et sanitaire, productivité individuelle et développement national; besoins nutritionnels de la population et des individus; importance de la qualité et de linnocuité des produits alimentaires; causes et conséquences des troubles nutritionnels; avantages de létiquetage et de la législation alimentaires.
Promotion de comportements alimentaires et de pratiques nutritionnelles souhaitables. Cela peut se faire en fournissant des informations sur les points suivants: valeur des aliments; composantes dune alimentation correcte; manière de bien choisir et acheter ses aliments, de les préparer et de les manipuler proprement; bonnes pratiques de stockage, de tranformation et de conservation; répartition équitable au sein de la famille, selon les besoins de chacun.
Augmentation de la diversité et de la quantité des disponibilités alimentaires de la famille. Cela peut se faire en fournissant des informations sur les points suivants: méthodes damélioration de la production alimentaire; sélection et diversification des cultures; perfectionnement du stockage, de la conservation et de la transformation; conservation des nutriments au cours de la préparation des aliments; prévention des pertes et du gaspillage.
Chacune de ces composantes apporte une contribution particulière à lamélioration de la situation nutritionnelle. Toutes les trois sont importantes et méritent de faire partie des programmes déducation et de formation en nutrition destinés aux personnels de lagriculture, de la santé et de léducation des pays africains. Au niveau communautaire, il faudrait que les personnes touchées par les problèmes nutritionnels participent à la détermination des composantes sur lesquelles il convient dinsister davantage pour obtenir des améliorations durables de la situation alimentaire et nutritionnelle locale.
La sécurité alimentaire des ménages, comme il a été dit aux chapitres précédents, est une condition préalable à la suffisance et à léquilibre des apports alimentaires des membres de la famille. Toutefois, les personnes naccéderont vraiment à des niveaux satisfaisants de santé et de nutrition que si elles disposent des connaissances et aptitudes nécessaires pour cultiver, acheter, transformer, préparer, consommer et partager en famille des quantités suffisantes et variées daliments et de combinaisons alimentaires. Cela suppose un minimum de connaissances sur ce qui constitue une alimentation nutritive et sur la façon dont les consommateurs peuvent satisfaire leurs besoins nutritionnels à partir des ressources disponibles. Les habitudes alimentaires ou autres pratiques nutritionnelles indésirables - qui sont souvent fondées sur des connaissances insuffisantes, sur des traditions et des interdits, ou sur une compréhension erronée des relations entre alimentation et santé - peuvent avoir un effet nocif sur létat nutritionnel. En revanche, les personnes peuvent bénéficier dune alimentation plus saine et restaurer leur bienêtre nutritionnel dès lors quelles modifient leur perception, leur savoir et leurs pratiques alimentaires et nutritionnelles, mais il faut quelles y soient poussées par une motivation suffisamment forte.
Léducation nutritionnelle a pour but de renforcer certains comportements et certaines pratiques se rapportant à lalimentation et à la nutrition, et de redresser ainsi les habitudes défavorables à la santé. Il sagit donc de susciter dans le public concerné une motivation en faveur du changement et de laccompagner dun comportement alimentaire propice à la promotion et à la protection de la bonne santé. Le public doit être aidé à prendre connaissance de nouvelles informations sur la nutrition et à développer lattitude, laptitude et la disposition qui conviennent à ladoption de pratiques alimentaires améliorées.
Léducation nutritionnelle dirige vers son public des informations correctes sur la valeur nutritionnelle des aliments, leur qualité et leur innocuité, sur les méthodes de conservation, de transformation et de manipulation des produits alimentaires, sur leur préparation et leur consommation, afin de lincliner à faire les meilleurs choix alimentaires. La fourniture dinformations exactes ne constitue pas, en soi, un objectif suffisant de léducation nutritionnelle. Dépassant la seule accumulation de connaissances, léducation nutritionnelle réussie conduit à laction positive. Ainsi, il y a changement de comportement orienté vers ladoption de pratiques nutritionnelles favorables, si par exemple quelquun se met à cultiver et à consommer des fruits et des légumes vert sombre, oranges ou jaunes, afin de renforcer la protection de son organisme contre les maladies infectieuses; ou encore, sil apprend à mieux stocker son maïs ou autre récolte, afin de réduire les pertes de nutriments et daugmenter dautant les réserves alimentaires de son ménage. Pour être prometteurs, les programmes déducation nutritionnelle doivent être planifiés et réalisés de sorte que leurs bénéficiaires soient incités à développer une aptitude et une disposition favorables à ladoption définitive de bonnes pratiques.
Une éducation nutritionnelle réussie comporte souvent la participation active des bénéficiaires, leur prise de conscience des problèmes nutritionnels et leur volonté de changement. Pour quun vaste programme déducation nutritionnelle soit suivi deffets, il doit bénéficier dune bonne coordination intersectorielle, assumée par les agents de lagriculture, de léducation, de la santé et de la communication. Il doit en outre se fonder sur une stratégie de communication bien conçue et qui se concrétise, le plus souvent, par une approche multimédia. On a pu montrer quen plus de lassistance technique certains autres facteurs contribuent au succès dun programme, notamment lappui politique et le support gouvernemental, le financement extérieur et la solidité des compétences locales et communautaires de gestion.
Les programmes déducation nutritionnelle ne fonctionnent pas de manière satisfaisante si les ressources mobilisables sont trop limitées. Par exemple, il ne serait pas judicieux de recommander la multiplication des potagers dans les régions sujettes à la sécheresse sil nexiste pas de système dirrigation. De même, il ne serait pas raisonnable de stimuler les mères à donner à leurs enfants des aliments riches en énergie auxquels elles nont pas accès.
Les sections qui suivent analysent les avantages et les limites des différentes approches éducatives appliquées à la nutrition - méthodes conventionnelles et autres comprises -, leur contenu et les aspects qui déterminent le succès des programmes déducation nutritionnelle.
Tout au long de ces 20 dernières années, les stratégies, les objectifs et les méthodes de léducation nutritionnelle ont fait lobjet de vifs débats (Andrien, 1994). Les méthodes éducatives traditionnelles consistaient surtout en causeries données dans les centres de santé. Aujourdhui, cette approche est considérée comme quasi inefficace, à moins quelle ne sinsère dans le cadre dune stratégie déducation nutritionnelle plus large. La stratégie traditionnelle a presque totalement fait place aux approches basées sur les sciences modernes de la communication.
Lapproche traditionnelle
Une analyse des programmes déducation nutritionnelle réalisés dans les pays en développement (Cerqueira, 1990) a débouché sur la conclusion que la plupart des efforts des années 70 et 80 nont induit que de faibles changements du comportement en ce qui concerne la nutrition et, à plus forte raison, la situation nutritionnelle. Léchec des programmes est imputable, pour une bonne part, à lemploi de méthodes de communication inefficaces et au manque de pertinence des messages, qui ignoraient souvent le contexte culturel propre aux communautés.
La plupart des activités déducation nutritionnelle ont eu lieu dans le cadre du secteur de la santé, en particulier au sein des unités de soins primaires. Centrées sur un contact direct avec le patient, les stratégies éducatives traditionnelles exploitaient des méthodes didactiques et le transfert unilatéral de linformation. Les messages nutritionnels étaient considérés comme des remèdes, à linstar des médicaments, donnés pour la guérison des probèmes de la nutrition. Dans ce contexte, la science nutritionnelle, plutôt que les soucis des participants, dictaient le contenu de léducation nutritionnelle. Un exemple typique de cette approche consistait à conseiller aux mères de manger plus de légumes verts ou dallaiter leurs enfants, et à enseigner les trois groupes daliments dans les centres de santé (voir le chapitre 7).
Aujourdhui, une telle approche directive de léducation nutritionnelle est considérée comme pratiquement inefficace pour de nombreuses raisons: elle nutilise souvent quun seul canal de communication, le face-à-face, plutôt que dappliquer une approche multimédia, avec le résultat quelle ne touche quun très petit nombre de personnes, surtout en Afrique où moins de la moitié de la population réside à lintérieur de laire datteinte dun service de santé; elle sadresse principalement aux femmes, qui ne sont pas toujours en mesure décarter à elles seules les causes des problèmes nutritionnels, du fait que leur mari et les autres membres de la famille influencent aussi les décisions dachat et de répartition des aliments au sein de la famille; elle privilégie le changement du comportement individuel plutôt que la participation communautaire active; elle met en valeur linformation technique et scientifique sur les nutriments et les carences spécifiques; elle ne prête que peu dattention au contexte social et culturel, au lieu de prendre appui sur le savoir autochtone en matière daliments locaux et de préparations culinaires et de promouvoir à partir de là des habitudes alimentaires plus saines.
Les approches actuelles
Des expériences plus récentes ont montré, par contraste avec lapproche traditionnelle, que léducation nutritionnelle nest pas seulement concernée par la transmission de connaissances, mais aussi par la recherche des moyens de travailler avec des individus ou des groupes issus de la communauté, dune manière systématique qui stimule leur participation au processus dapprentissage. Léducation nutritionnelle entreprise dans cet esprit est interactive; elle encourage léchange dinformations entre léducateur et la communauté; elle habilite les personnes à faire des choix judicieux, basés à la fois sur les connaissances scientifiques et le savoir local. De plus, elle mène à ladoption de comportements améliorés et contribue à lobtention de résultats et de changements durables.
Le marketing social. Le marketing social se définit comme la promotion de produits, de comportements et didées crédibles au plan social. Il se concrétise en stratégies qui visent à modifier le comportement humain par lapplication des principes du marketing commercial. Dans un premier temps, des études de marché sont conduites pour identifier les normes, les aspirations et les besoins culturels du groupe cible; vient ensuite la formulation de messages destinés à promouvoir des changements dattitude et de comportement qui seront socialement bénéfiques pour les individus et les groupes visés. Au cours de ces 20 dernières années, le marketing social a contribué de façon remarquable au développement des méthodes modernes de communication.
Au coeur de la philosophie du marketing social réside la conviction que les décisions du consommateur impliquent des choix entre différents types de comportement. Ces types se différencient par les bénéfices quils promettent et les sacrifices quils exigent. Devant tout dilemme, par exemple en faveur de lallaitement maternel ou du biberon, le consommateur devra mettre en balance les bénéfices attendus et les coûts, mesurés en termes déconomie, de temps, dénergie, ou de valeur personnelle ou sociale. Léducateur social est mis au défi de simaginer en personne dans la situation du groupe cible pour mieux comprendre comment il pourra rendre le type de comportement proposé plus attrayant que toute solution de rechange.
Lorganisation et la réalisation dun programme déducation nutritionnelle inspiré du marketing social sinscrivent dans une approche maintenant bien acceptée. Dans un premier temps, une enquête est menée sur le terrain pour servir à lévaluation de la situation nutritionnelle et des connaissances, des attitudes et des usages du consommateur en matière, par exemple, de conduite de lalimentation du nourrisson. Laccent mis sur la recherche dinformation concernant la communauté aide alors à identifier les besoins et les attentes spécifiques de cette dernière. Dans un deuxième temps, cette information sert à concevoir et formuler des messages orientés vers le public. Ces messages sont alors activés pour stimuler quelques changements clés de comportement au sein de groupes choisis de la population, dans les limites des ressources locales disponibles et compte tenu du contexte culturel.
La segmentation de laudience constitue un aspect important de la stratégie. Au lieu de considérer laudience comme un bloc uniforme, les spécialistes du marketing social divisent la communauté en plusieurs groupes, dont les membres respectifs partagent des intérêts similaires à propos du comportement dont il est question. Les avantages que le comportement proposé procurera à chacun des groupes dintérêt sont alors identifiés, en même temps que les «points de résistance», cest-à-dire les comportements qui nuisent à la sécurité alimentaire ou à la situation nutritionnelle du groupe. Ainsi, chaque secteur de la population est traité selon les caractéristiques, les besoins, les attentes et les prédispositions de ses membres. Lencadré 71 expose certaines circonstances perçues par les experts en marketing social comme des obstacles économiques et sociaux à ladoption dun comportement nouveau.
Le troisième temps de lapproche est occupé par la sélection des canaux de communication qui conviennent à la transmission des messages. Lemploi combiné de la communication interpersonnelle et des médias (radio, télévision et presse écrite) est souvent synergique et peut aider à rejoindre simultanément des objectifs multiples. Les médias peuvent apporter des idées nouvelles à de larges publics et stimuler la faveur et lappui des chefs de file de lopinion. La communication interpersonnelle peut créer cette qualité de contact intime et interactif quil faut pour amener linterlocuteur à modifier définitivement ses habitudes.
Les essais préalables et la mise en route forment le quatrième temps du marketing social et sont suivis de la surveillance et de lévaluation. Cette dernière mesure limpact global du programme de communication (degré de changement dhabitude, nombre de personnes adoptant la modification, etc.).
Un certain capital dexpérience commence à saccumuler en matière de marketing social appliqué à la protection vaccinale de lenfant, à lallaitement maternel, à lemploi des solutions de réhydratation orale. Bien évidemment, le marketing social a aussi ses limites, et les espoirs mis dans les médias ne se sont pas toujours traduits par des changements de comportement durables.
Lapproche communautaire. On a observé dans divers pays que le moyen le plus efficace déduquer un groupe consiste à combiner une approche interpersonnelle au niveau communautaire avec un support médiatique. Il est de mieux en mieux admis que limpact à long terme dune intervention risque de rester marginal, à moins que le public cible ne soit lui-même appelé à participer à la recherche de solutions pour ses problèmes nutritionnels.
ENCADRÉ 71 |
Pour pouvoir faire adopter un comportement nouveau, il est essentiel didentifier les obstacles au changement ou les «points de résistance». Le succès dune campagne déducation dépend dans une large mesure de la capacité du marketing social à surmonter les obstacles avec des méthodes appropriées déducation et de motivation. Les principaux obstacles que lon peut vaincre par léducation et la communication sont le manque de connaissances; le manque de compétences; les obstacles dordre idéologique ou culturel; les obstacles dordre social. Une longue période de pauvreté ou de privation peut conditionner les gens sur le plan psychologique. Le manque chronique de ressources et dopportunités peut les amener à accepter avec fatalité leur condition. Les personnes qui vivent dans une extrême misère attribuent fréquemment la chance ou linfortune à des facteurs externes incontrôlables et ne se jugent pas capables dentreprendre elles-mêmes les changements souhaitables dans leur milieu. Cette sorte de passivité ne peut être surpassée que par un long processus dapprentissage et déducation. Dun point de vue économique, il est parfois préférable de laisser en suspens certains problèmes, même si leur existence et leur nature ne font aucun doute. Il est malavisé, par exemple, de lancer une campagne pour apprendre aux gens à faire bouillir de leau sils ne disposent pas dassez de combustible. Dans de tels cas, il nest pas sage de tenter un changement par léducation. Il y a également des avantages économiques quil faut examiner soigneusement quand on veut encourager un changement de comportement. Pris en dehors de tout contexte, lallaitement maternel est sain et souhaitable. Cependant, il ne se développe que dans un certain milieu économique et social. Passer plus de temps à allaiter son enfant signifie probablement en passer moins à travailler dans le potager, à soccuper des autres personnes de la famille, ou à participer à des activités qui génèrent des revenus. Une mère qui tient véritablement à allaiter son enfant peut être amenée à renoncer à des possibilités demploi rémunéré, afin de pouvoir rester en permanence à proximité de lenfant. Beaucoup de mères, en particulier les mères célibataires chefs de famille, ne sont pas libres de faire ce choix. Il faut sattendre à ce que la plupart des personnes ne soient pas prêtes à accepter un changement de comportement quelles jugent contraire à leur intérêt. Dans de telles circonstances, les éducateurs qui se servent des techniques du marketing social ont deux choix: soit essayer de sensibiliser la communauté au bien-fondé dun objectif comportant un certain changement dattitude, soit promouvoir des stratégies qui opèrent à lintérieur dun contexte socio-économique donné (par exemple dans le cas de lallaitement au sein, convaincre les employeurs de prévoir des crèches ou daccorder de longs congés de maternité). |
Source: Adapté avec lautorisation de Unesco, 1987. |
Lapproche communautaire de léducation nutritionnelle, qui embrasse les meilleurs éléments des deux approches, met laccent sur la participation active de la communauté dans la prise de décisions et dans la recherche de solutions aux problèmes nutritionnels. Lapproche communautaire répond au problème de la couverture des programmes par la formation généralisée des travailleurs et des membres de la communauté; elle répond au problème de lexploitation optimale du savoir local par lassociation de membres de la communauté aux partenaires des programmes; elle sefforce aussi de répondre au besoin dactions qui tendent à modifier les caractéristiques économiques et sociales de la communauté (Cerqueira, 1992).
Si lapproche participative sexprime avec vigueur, léducateur en nutrition opère en quelque sorte comme un intermédiaire qui aide les communautés à identifier et analyser les facteurs de la malnutrition, et leurs membres à suggérer des solutions puis à développer des actions de lutte contre les problèmes nutritionnels. Loin dêtre une fin en soi, léducation nutritionnelle participative devient donc une composante dun programme beaucoup plus vaste dont le but est daméliorer la situation sanitaire et nutritionnelle dans le contexte du développement économique et social.
Dans lapproche communautaire, la stratégie de communication comporte une interaction groupale face-à-face entre les éducateurs en nutrition et les membres de la communauté. Toutefois, lapprentissage nest pas limité aux seuls moments où les messages sont délivrés; il a également lieu dans le contexte de beaucoup dautres activités. La part que prennent, à côté des éducateurs en nutrition, certains membres de la communauté dans la planification et la réalisation de ces activités, représente un important élément du processus dapprentissage. Par exemple, un programme dalimentation des enfants peut fonctionner, tandis quen parallèle un groupe de mères développe des activités génératrices de revenus, comme la production de légumes et dautres produits alimentaires pour la vente et la consommation.
Bien que la participation communautaire aux activités de nutrition et aux programmes déducation soit considérée comme importante pour leur succès et leur durabilité, cette approche a cependant aussi des limites bien connues.
Comme la participation communautaire modifie la structure et les rapports de force qui régissent les prises de décision relatives à lutilisation et à la maîtrise des ressources, on y voit souvent une menace pour les institutions établies et les groupes comme les ministères de lagriculture et de la santé ou les leaders villageois. Pour faire passer le leadership du style directif au style consultatif, il faut du temps et beaucoup de travail de formation de base. La participation a pour but détablir dans la communauté une capacité dappréhender ses propres problèmes et de commencer à les résoudre. Néanmoins, la participation doit elle-même recevoir une impulsion initiale, ainsi quun soutien constant, une assistance technique et un financement extérieur. Bien que certains ouvrages fassent état de la possibilité dobtenir des changements de comportement dans le court terme, la durabilité de ces changements reste sujette à caution. Les experts en éducation nutritionnelle reconnaissent de manière générale que les changements durables des comportements alimentaires et nutritionnels ne sobtiennent quau prix dun long processus fait de multiples étapes et de lintervention de multiples secteurs à différents niveaux. Une éducation nutritionnelle efficace doit être complète, étroitement coordonnée, participative et perçue par la communauté comme sa propre affaire.
Autant que pour tout autre programme, une planification correcte est indispensable au succès des programmes déducation nutritionnelle. Léducation nutritionnelle nest efficace que si elle est basée sur une analyse adéquate des problèmes nutritionnels et sur une définition claire et concise des objectifs et des méthodes de communication. Léducation nutritionnelle basée sur la communication sociale, préconisée par la FAO, combine des éléments du marketing social et de lapproche communautaire. La FAO met laccent sur la participation communautaire dans la planification et la mise en oeuvre des programmes et recommande lemploi de stratégies multimédias, cest-à-dire le recours à plusieurs canaux de communication, pour influencer les comportements indésirables concernant la nutrition. Comme le montre la figure 36, la planification de ces programmes comporte quatre phases: la conception, la formulation, la mise en oeuvre et lévaluation.
La collaboration intersectorielle et multidisciplinaire
Lanalyse des causes de la malnutrition montre que plusieurs facteurs contribuent à la production du résultat nutritionnel. Par conséquent, tout programme déducation nutritionnelle devrait idéalement être développé par une équipe multidisciplinaire comprenant un éducateur en nutrition, un spécialiste en communication, un leader de la communauté et quelques représentants des groupes bénéficiaires, qui joindraient leurs efforts respectifs. Lapproche multimédia elle-même appelle à la collaboration intersectorielle, car lutilisation de plusieurs canaux de communication implique généralement la participation de différents ministères. Les activités intersectorielles doivent être dûment coordonnées pour assurer que tous les groupes - tels les départements de la santé, de lagriculture et de léducation, les unités de nutrition et lindustrie alimentaire - et les médias émettent sur tous les problèmes des messages cohérents, tant au niveau national que régional et local. Il faut aussi que tous les partenaires collaborent les uns avec les autres: organisations non gouvernementales (ONG), ministères, institutions publiques, secteur privé et agences de lextérieur. Les ministères gouvernementaux occupent la meilleure position pour favoriser la coordination et la collaboration entre les différents partenaires; et cest dailleurs leur mandat. En outre, les gouvernements peuvent évaluer dans quelle mesure les activités nutritionnelles proposées cadrent avec leurs plans de développement et avec la composante déducation nutritionnelle du plan national daction pour la nutrition quils ont lancé à la suite de la Conférence internationale sur la nutrition, en décembre 1992.
FIGURE 36 |
Source: FAO, 1993f. |
Lidentification des problèmes
La planification et lélaboration dun programme déducation nutritionnelle doit commencer par lanalyse systématique des problèmes nutritionnels et sanitaires de la communauté. La contribution de groupes communautaires ciblés, tels que les femmes rurales en âge de procréer, les agents de santé ou les cultivateurs pratiquant une agriculture de subsistance, peut se révéler particulièrement utile à cette analyse[5]. En combinant des méthodes directes et des méthodes indirectes, il est possible de développer une analyse de situation qui passe en revue les facteurs responsables des problèmes nutritionnels. Ces méthodes éventuelles comprennent la revue douvrages; les enquêtes nutritionnelles pour lanalyse de lépidémiologie des problèmes nutritionnels; lévaluation nutritionnelle participative au cours de laquelle les personnes concernées, avec lassistance de léquipe des éducateurs en nutrition, identifient et analysent les problème alimentaires et nutritionnels dintérêt majeur pour lensemble de la communauté ou pour certains des groupes qui la composent. Les problèmes en question comprennent entre autres la malnutrition, la morbidité et la mortalité infantile, dont les taux sont particulièrement élevés.
Une fois les problèmes nutritionnels identifiés, léducateur en nutrition peut promouvoir la discussion sur les facteurs sociaux, économiques, culturels et autres qui concourent à leur explication. La discussion est un processus interactif entre participants et équipe éducatrice. Les participants sont invités à décrire les problèmes nutritionnels quils constatent et la façon dont ils perçoivent leur propre situation économique et sociale, avec les problèmes de revenu, demploi et de ressources qui la caractérisent. Ils sont également encouragés à dire ce quils savent de la sécurité alimentaire des ménages (y compris les problèmes de la faim, du manque dargent pour acheter des aliments, ou de terre et deau pour en produire) et quelles sont, à leur avis, les sections de la communauté le plus gravement affectées et pourquoi. Le groupe reconstruit alors et ordonne une chaîne des facteurs responsables et des comportements déterminants de létat nutritionnel (figure 37).
Parmi les différents facteurs susceptibles dinfluencer le cours des choses, il faut établir une distinction entre ceux que les personnes concernées peuvent ellesmêmes modifier et ceux qui échappent à leur contrôle. En tout état de cause, si lon veut influencer ou modifier certains types de comportement, il est essentiel de comprendre pourquoi les personnes se comportent comme elles le font. Il est possible dacquérir cette compréhension en se mettant à lécoute du public au travers dinterviews approfondies ou de discussions - soit individuelles, soit collectives -, destinées à mettre en lumière les facteurs qui poussent les personnes à se comporter dune certaine manière.
La formulation et la mise en oeuvre
Une fois que les facteurs et les comportements sur lesquels il faut agir ont été identifiés et discutés avec la communauté, létape suivante consiste à formuler un plan daction et une stratégie de communication. Les questions à considérer dans le développement dune stratégie de communication sont illustrées dans lencadré 72. Lorganisation dune stratégie est soumise à la définition dobjectifs clairs. Léquipe déducation nutritionnelle détermine les objectifs généraux et spécifiques dune campagne de communication, qui doivent être définis pour chaque groupe de bénéficiaires (encadré 73). Au cours de cette étape, les messages seront élaborés, le matériel sera testé sur le terrain, et les médias seront choisis (voir ci-après la section relative aux «Messages, médias et matériel dappui»). Intervient alors la formulation dun plan multimédia qui rassemble toutes les activités de communication.
La phase de réalisation commence par la production du matériel dappui. De plus, les personnels de terrain, ces «agents de changement» que sont les vulgarisateurs et les enseignants de santé et dagriculture, ont besoin dêtre formés de telle sorte que toutes les personnes engagées dans les diverses activités de communication remplissent bien leur rôle. Ils doivent se familiariser avec les activités de communication pour être en mesure de communiquer leurs messages efficacement. Comme un média isolé ne saurait modifier sensiblement les habitudes relatives à la nutrition, léducation nutritionnelle comporte normalement lusage de différents médias, ce qui implique la formation de tous les acteurs du processus et la coordination de leurs activités.
FIGURE 37 |
Source: FAO, 1993f. |
ENCADRÉ 72 |
Une stratégie globale de communication fournit un cadre pour développer et émettre des messages destinés à modifier les pratiques alimentaires. Une stratégie de communication devrait apporter des réponses aux questions suivantes:
La stratégie de communication doit être choisie en fonction de lintervention programmée. Le développement dune stratégie de communication appropriée doit faire suite à une enquête de terrain sur les connaissances, attitudes et pratiques de la population bénéficiaire. |
Source: Adapté avec lautorisation de IVACG, 1992. |
Une fois le matériel assemblé et la formation du personnel assurée, la communication avec la population peut être amorcée.
Lévaluation des programmes déducation nutritionnelle
Lévaluation dun programme de communication a son importance, mais elle est souvent mal faite. Lévaluation devrait être réalisée avec la participation de la population bénéficiaire et du personnel de terrain, puisque les actions à évaluer les concernent directement et que lévaluation peut les aider à améliorer leur performance. La participation des représentants du gouvernement est également souhaitable, afin quils puissent constater limpact des activités quils ont promues et prendre en considération les perspectives dextension du programme.
Une faiblesse majeure de lévaluation des programmes déducation nutritionnelle réside dans le fait que les changements quantitatifs sont rarement mesurés. Pourtant, le succès dun programme est mesurable si les objectifs ont été bien définis. Par exemple, si lobjectif était daugmenter le nombre des mères qui cultivent des légumes verts et les ajoutent à la bouillie de leurs enfants, lévaluation doit mesurer le nombre des mères acquises à ces pratiques par suite des activités de communication et de vulgarisation menées dans le cadre du projet. Il est également important danalyser pourquoi certains changements se sont produits ou non et quels aspects des activités de communication ou autres ont été les plus efficaces dans la promotion du changement, au moment où se pose la question délargir ou de continuer éventuellement le programme. Si lattitude dun nombre significatif de mères na pas changé, lévaluation devra déterminer si les mères avaient vraiment compris le message qui leur était destiné ou si elles sétaient heurtées à des difficultés pour trouver, cultiver et cuisiner les légumes recommandés.
ENCADRÉ 73 |
Objectif général Améliorer la santé et létat nutritionnel des jeunes enfants menacés par la malnutrition. Objectif spécifique Deux ans après le démarrage du programme nutritionnel dalimentation des jeunes enfants, augmenter de 50 pour cent le nombre denfants à risque de malnutrition, qui reçoivent avant lâge de six mois et sur une base journalière des aliments de sevrage riches en énergie. Résultats
Activités Par exemple, pour le troisième résultat ci-dessus:
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Il faut définir le seuil à partir duquel un changement de comportement sera considéré comme un succès. Si lobjectif du projet était daugmenter le nombre des mères qui donnent tous les jours des légumes à leurs enfants, et quelles ne le font quune ou deux fois par semaine, le but nest pas atteint.
Quels que soient les résultats atteints par le projet, il faut communiquer les conclusions de lévaluation aux bénéficiaires et les discuter avec eux pour les aider à améliorer et à renforcer les comportements nouveaux.
Les bénéficiaires de léducation nutritionnelle
La population bénéficiaire dun programme déducation nutritionnelle est généralement constituée dun ensemble de groupes. Il faut noter que le groupe vulnérable ne figure pas nécessairement parmi les groupes auxquels sadressent les messages éducatifs. Par exemple, les enfants en âge dêtre sevrés peuvent très bien constituer un groupe à risque de carence en vitamine A. Dans ce cas, lintervention éducative sadressera à toutes les personnes impliquées dans le soin et lalimentation de ces enfants, par exemple les mères, les grand-mères, les adolescents et autres membres de la famille.
Le groupe principal se compose des personnes dont il faut modifier le comportement. Le groupe secondaire comprend celles qui agissent comme intermédiaires, cest-à-dire qui transmettent les messages au groupe principal, comme les agents de santé, les nutritionnistes, les horticulteurs, les vulgarisateurs agricoles, les enseignants, les radio-reporters, les journalistes. La composition du groupe secondaire dépend du type de réseau de communication que lon veut utiliser. Le groupe tertiaire est fait de personnes qui peuvent contribuer, par leur influence et leur autorité, à assurer le succès du programme. On trouve parmi celles-ci des leaders de la communauté, des politiciens, des donateurs, ainsi que les membres de la famille élargie des enfants à risque (encadré 74). Un exemple illustrant la diversité des groupes qui bénéficient dactivités de prévention de la malnutrition protéino-énergétique figure à lencadré 75. Lapproche et le message varieront dun groupe à lautre, selon la langue, les intérêts, le niveau dinstruction et le statut socio-économique.
Limportance de la culture locale dans le développement des messages nutritionnels
Les messages visant des problèmes qui ne sont pas perçus comme tels par la communauté nauront guère dimpact, même si les nutritionnistes savent que ces problèmes sont bien réels. La différence de perception peut résulter dun manque dinformation de la communauté ou de croyances locales largement répandues. Par exemple, la sensation de fatigue et de vertige peut être si courante chez la femme enceinte quelle est considérée comme normale, alors que le manque de nourriture et lanémie sont peut-être les responsables de ces malaises. De même, certaines traditions concernant lordre de préséance dans la distribution familiale des plats ou des meilleurs morceaux sont parfois si solidement établies que le risque quelles font courir à la santé des enfants en âge dêtre sevrés ne sera jamais reconnu. En pareil cas, on ne saurait sattendre au moindre changement avant davoir expliqué de manière persuasive pourquoi ce changement est absolument nécessaire.
ENCADRÉ 74 |
De nombreux programmes de communication en nutrition se concentrent sur les mères de famille car, dans beaucoup de foyers, ce sont surtout elles qui procurent la nourriture et prennent soin des enfants. Cependant, dautres membres de la famille, notamment le père, influencent souvent les achats daliments et leur répartition au sein de la famille. Si cest principalement à la mère quincombe la responsabilité de nourrir la famille et de soigner les enfants, certains membres de la famille ou de la communauté jouent aussi fréquemment un rôle essentiel. Au Mali, par exemple, les hommes fournissent souvent le mil (laliment de base) à leur famille et achètent parfois dautres aliments au marché. Le projet de communication en matière de nutrition du Mali élabore des messages pour encourager les hommes à apporter à leurs femmes davantage de mil (quelles peuvent troquer contre dautres denrées), davantage daliments nourrissants provenant du marché et des aliments supplémentaires durant la grossesse. Les membres de la famille ont une influence sur les pratiques alimentaires non seulement par leurs opinions et leur contribution financière à lachat daliments, mais aussi par le temps quils consacrent aux tâches domestiques. Des changements de comportement dans le domaine de la nutrition entraînent souvent des modifications dans la répartition du temps des différents membres de la famille. Par exemple, si une femme passe beaucoup de temps à allaiter son enfant, dautres personnes du foyer devront peut-être assumer la corvée deau ou de bois. Il est donc important de leur adresser quelques messages et de les associer aux efforts visant à améliorer lalimentation familiale. |
Source: Daprès FAO/OMS, 1992f. |
Toute personne qui sengage dans la contestation de traditions bien établies doit soigneusement éviter dinsinuer que les autres avaient donné de «mauvaises» informations et de blâmer les mères et leur entourage pour la foi donnée aux idées «dautrefois». Le mieux sera de convaincre en premier lieu les personnes de lendroit, qui seront alors en mesure de discerner la nécessité du changement; ensuite, la communauté se manifestera vraisemblablement en faveur de la suggestion de changement qui sera formulée. Cependant, les nutritionnistes pourront souvent proposer dadapter les traditions, les habitudes et les coutumes existantes sans les bousculer totalement, si, au-delà de laction à entreprendre, ils comprennent bien les raisons profondes qui la justifient. Toutes les communautés ont développé leurs propres approches des problèmes de santé, de nutrition et dinsécurité alimentaire saisonnière, et certaines de ces méthodes sont à la fois pertinentes et efficaces. Par exemple, de nombreuses sociétés réservent à leurs jeunes accouchées et autres mères allaitantes des aliments spécialement nutritifs. Léleusine cultivée, Eleusine coracana, est la céréale préférée des mères allaitantes de culture Kikuyu au Kenya. Le sorgho est plutôt riche en protéines et contient aussi du calcium en grande quantité. Dans de nombreux pays dAfrique, la germination et la fermentation servent traditionnellement à la préparation de gruaux de céréales. Lutilisation de ces préparations de type traditionnel comme aliments de sevrage et lamélioration de la qualité nutritionnelle des grains germés et fermentés ont été discutés au chapitre 6. Les messages favorables au maintien de ces pratiques qui font partie de la culture locale trouveront une place légitime dans la communication nutritionnelle.
ENCADRÉ 75 |
Pour prévenir la malnutrition protéino-énergétique, les publics cibles bénéficiaires peuvent être définis comme suit:
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Source: Daprès FAO, 1993f. |
Les systèmes locaux dexploitation agricole comportent dautres pratiques issues du savoir populaire et valables autant sur le plan nutritionnel que sur le plan écologique, par exemple les cultures associées de céréales, de haricots et de courges. Les systèmes traditionnels de solidarité, comme le partage des vivres, lhospitalité et les strictes obligations dentraide familiale peuvent être mis à contribution pour faciliter lacceptation culturelle des messages de nutrition. Dautres aspects des effets des traditions et des coutumes locales relatives aux aliments et à leur consommation sont cités dans lencadré 76.
Pour éviter toute confusion, il convient détablir une distinction nette entre les concepts de message, de média et de matériel dappui. Le média est le canal de communication par lequel les messages sont transmis: par exemple, une causerie au centre de santé, une leçon scolaire par la radio. Le message est la formulation dune idée ou dun concept à transmettre à un public déterminé (par exemple, «le poisson est une bonne nourriture pour les enfants»). Le matériel dappui est le véhicule sur lequel le message transite (par exemple, une affiche, un programme radio, un tableau de conférence).
Lélaboration du matériel et sa mise à lessai
Quiconque élabore du matériel déducation nutritionnelle doit dabord avoir le souci de retenir lattention de laudience. Pour quun message touche son public, ce dernier doit désirer lécouter ou le regarder. Cet aspect présente une importance spéciale dans la conception de matériels qui doivent transmettre des messages par des moyens visuels. Les affiches, par exemple, comptent sur leur «pouvoir daccroche» pour attirer lattention, surtout lorsquelles sont exposées sans avoir été présentées par une communication face-à-face.
Les tests préalables forment une étape importante du développement des affiches, car une image peut offenser ou être mal interprétée, et les mots techniques comme «vitamine A» ou «nutriment» ne sont pas nécessairement familiers aux spectateurs. Cette mise à lessai des messages est centrée sur les cinq caractéristiques suivantes:
lattention (le message a-t-il un «pouvoir daccroche»?)
la compréhension (est-il bien compris?)
la pertinence (le message concerne-t-il cette audience?)
la crédibilité (le message et sa source sont-ils crédibles?)
lacceptabilité (le message est-il dépourvu de toute référence blessante?)
ENCADRÉ 76 |
Vieilles coutumes facilitant laccès à de bons aliments
Vieilles coutumes pouvant bloquer la filière alimentaire
Nouvelles pratiques qui améliorent la filière alimentaire
Nouvelles pratiques pouvant bloquer les filières alimentaires
Ce que vous pouvez faire
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Source: King et Burgess, 1993. |
Les tests auprès de familles sont utiles à la mise à lessai de messages relatifs aux activités pratiques, par exemple la meilleure manière de faire bouillir un aliment de sevrage. Dans ce cas, les résultats des tests serviront à sélectionner les meilleurs ingrédients et à ajuster les méthodes et les techniques aux conditions économiques des ménages, à la charge de travail des mères, aux habitudes alimentaires des familles, aux types dustensiles de cuisine et dappareils de cuisson disponibles, ainsi quau goût des jeunes enfants. Le développement dun produit commercialisable dans la communauté peut alors être entrepris.
Au Niger, le mini-projet vitamine A de Birni NKonni pour la promotion daliments saisonniers riches en vitamine A sest appuyé sur les jeux de rôle et le théâtre traditionnel pour aider les communautés à sexprimer sur la faisabilité des diverses options de changement comportemental qui leur étaient proposées (Academy for Educational Development, 1995). Le recours à lexpression théâtrale convient aussi particulièrement bien à la communication nutritionnelle par messages radiodiffusés. Dans la seconde phase du projet ci-dessus, les créations théâtrales de 42 communautés ont été radiodiffusées par un émetteur régional sur une période de dix mois.
Les messages radiodiffusés doivent être brefs et spécifiques, de sorte quils accrochent même lattention des auditeurs occasionnels. Assortis de refrains à la mode, les messages seront plus attrayants, et lemploi de deux ou plusieurs voix distinctes ajoutera à la variété et à lintérêt de lémission. Le message peut être incorporé dans un dialogue fictif entre une autorité crédible, comme un instituteur ou un médecin, et un «apprenant» avec lequel laudience peut sidentifier. Le message doit mettre en relief une ou deux phrases simples, comme «des feuilles vertes pour des yeux brillants» ou «lhuile de palme empêche la cécité». Ces messages devront être répétés souvent, en modifiant légèrement les dialogues et en alternant les locuteurs pour éviter de lasser les auditeurs. Lencadré 77 présente une publicité radio sur la prévention de la cécité crépusculaire.
Les idées de changement devront être présentées différemment, selon les préjugés des communautés visées. En effet, le message doit offrir un bénéfice visible et apprécié. Lencadré 78 décrit le processus initial délaboration dun message à partir dun fait et sa modification basée sur les résultats dun test préalable. Lencadré 79 présente des directives pour une élaboration correcte des messages. Une stratégie efficace de communication fera souvent appel à des messages différents aux diverses étapes dun programme déducation nutritionnelle. Au cours des étapes initiales, les messages serviront à susciter lattention et lintérêt; plus tard, quand lidée du comportement nouveau aura fait son chemin dans les esprits, des messages plus directs et plus incitatifs conviendront mieux.
Faire le bon choix dun ou de plusieurs médias
Les programmes de communication peuvent recourir à deux catégories distinctes de canaux de communication: le face-à-face et les médias.
La communication verbale face-à-face peut impliquer, par exemple, un vulgarisateur agricole et un cultivateur, ou bien un agent sanitaire et un groupe de discussion sur lalimentation infantile. La majorité du personnel des programmes de développement est impliquée dans la communication interpersonnelle et peut renforcer par cette voie les messages diffusés ou disséminés par la radio et autres médias. Lencadré 80 présente un choix de thèmes appropriés pour une communication face-à-face dans le développement agricole et rural.
ENCADRÉ 77 |
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Une fille: |
(récitant par coeur) Des carottes, de la papaye, de la citrouille, du saag (épinard)... |
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La maîtresse: |
Cest bien, Jyoti. Nous devons manger des carottes, de la papaye, du saag et de la citrouille. Ces fruits et ces légumes contiennent beaucoup de vitamine A, qui est nécessaire à notre santé. Que devons-nous faire pour éviter la cécité crépusculaire, la maladie des gens qui ny voient pas quand il y a peu de lumière? |
Un garçon: |
Nous devons manger des carottes, des papayes, des mangues et des légumes verts tous les jours. |
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La maîtresse: |
Oui, cest cela. Est-ce que vous mangez ces fruits et ces légumes tous les jours? |
Les élèves: |
Oui, madame, tous les jours. |
La maîtresse: |
Quand vous navez pas de fruits jaunes, vous devez manger des légumes à feuilles vertes. Les fruits jaunes et les légumes à feuilles vertes vous donnent de bons yeux et un corps robuste. Vous avez tous bien compris? |
Les élèves: |
Oui Madame, nous avons tous bien compris. |
La maîtresse: |
A partir de maintenant, vous mangerez ces fruits et ces légumes tous les jours, nest-ce pas? |
Les élèves: |
Oui madame, nous en mangerons tous les jours. |
(La cloche de lécole sonne) |
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Une voix: |
Pour éviter la cécité crépusculaire, chaque enfant doit manger tous les jours des légumes à feuilles vert foncé et des fruits jaunes. |
Le slogan: |
Pour la lumière des yeux, des légumes à feuilles vertes. |
Source: IVACG, 1992. |
ENCADRÉ 78 |
De nombreux jeunes enfants de la région ne grandissent pas bien. Cela tient notamment au fait que les aliments de sevrage sont trop bourratifs et pas assez énergétiques; les enfants manquent donc de calories pour leur croissance. Le message nutritionnel que les familles doivent recevoir est le suivant: «Quand on ajoute une matière grasse ou de lhuile à la bouillie dun enfant, il a plus dénergie et il grandit mieux.» Avec les nutritionnistes et les femmes de la communauté, il faut élaborer un message simple à partir de la situation réelle, par exemple: «Ajoutez de lhuile ou une matière grasse à la bouillie de votre enfant. Lhuile contient beaucoup de calories et aide les enfants à bien grandir.» Testez le message au préalable pour voir si les gens le comprennent bien et font ce qui leur est conseillé. Vous remarquerez peut-être les faits suivants:
Récrivez le message et testez-le de nouveau jusquà ce quil convienne. Le nouveau message pourrait être par exemple: «Mamans, vous voulez que votre bébé soit robuste et vigoureux? Ajoutez une cuillerée darachides pilées dans chacune de ses bouillies. Les arachides sont faciles à digérer et elles ne détraquent pas lestomac de votre enfant.» |
Source: Daprès King et Burgess, 1993. |
La communication en situation de groupe a longtemps constitué lapproche principale en éducation nutritionnelle. Jadis, ces rencontres étaient définies comme des «discussions», alors quelles se résumaient souvent à un simple monologue. Depuis lors, la communication en situation de groupe a fait des progrès. Un matériel considérable est maintenant disponible pour la formation des animateurs de discussions de groupe, y compris des méthodes pour la participation de groupe et des auxiliaires visuels et audiovisuels. La communication de groupe peut prendre la forme de démonstrations, de sessions de formation, dexpositions, de pièces de théâtre, ou de spectacles de plein air. Les exposés traditionnels ennuyeux sont désormais remplacés par la participation vivante et plaisante de laudience (encadré 81). Cette approche a plus de chances de déboucher sur des actions destinées à résoudre les problèmes de la communauté.
ENCADRÉ 79 |
Lors de la rédaction dun message, il faut veiller aux recommandations suivantes:
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Source: FAO, 1993f. |
Les médias comprennent la radio, la télévision et la vidéo, la presse écrite et les affiches. Les programmes de radio et de télévision peuvent adopter divers formats: conversations, débats, séries sentimentales, annonces publicitaires. La radio est un média très populaire dans le monde entier et peut constituer un instrument puissant de diffusion de messages et dinformations. Dans certains pays parmi les plus pauvres, de 2 à 4 pour cent de la population seulement auraient accès à la radio, selon les estimations. Cependant, dans la plupart des pays africains en développement, la proportion de la population qui se sert de la radio dépasse 10 pour cent et peut même atteindre 75 pour cent, par exemple au Kenya. La radio est principalement non interactive: en général, ses messages sont transmis dans un seul sens, du transmetteur à lauditeur, sans que le transmetteur ne soit en retour immédiatement informé de son impact sur le programme. Néanmoins, des expériences récentes ont montré que la radio rurale a la capacité de stimuler de vives interactions parmi les villageois. La radio est un excellent média tant quil sagit de motiver les gens et dattirer lattention sur des idées et des techniques nouvelles, mais elle ne convient guère pour transmettre un savoir détaillé ni pour la formation. Néanmoins, dans certains projets, lécoute de la radio, prolongée par une information et une formation données par le personnel de vulgarisation, peut sintégrer utilement dans une approche multimédia de plus grande ampleur.
ENCADRÉ 80 |
Les messages nutritionnels jouent un rôle clé en matière de développement. Les promoteurs du secteur alimentaire savent bien quinvestir dans léducation du consommateur et dans la publicité est une opération rentable. Sans messages nutritionnels, les acquis dun projet de développement, tels que les semences ou les aliments enrichis, risquent davoir peu ou pas deffet sur les pratiques alimentaires des groupes de personnes auxquels ils sont destinés. On peut distinguer deux catégories de messages nutritionnels: ceux qui ont pour thème lagriculture, et ceux qui concernent la santé et le développement de lenfant. Les thèmes du domaine agricole sont les suivants:
Les thèmes concernant la santé et le développement de lenfant sont les suivants:
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Source: FAO, 1983b. |
ENCADRÉ 81 |
Il est plus facile de modifier les habitudes alimentaires dune communauté lorsque tous ses membres y participent. Dans le cadre dun projet de nutrition de la FAO, un village du Niger a organisé un concours de plats préparés avec des aliments traditionnels riches en micronutriments. Les hommes, les enfants, les enseignants et les agents communautaires étaient invités à juger la qualité des plats. Beaucoup de publicité avait été faite à propos de ce concours, et les femmes étaient désireuses de faire de leur mieux. De nombreux villageois ont été surpris de voir quils aimaient vraiment certains plats quils navaient jamais goûtés auparavant. Ils ont donc accepté plus facilement les conseils qui leur étaient donnés de modifier leurs habitudes alimentaires. En faisant participer tous les membres de la communauté, les organisateurs du concours ont créé une ambiance favorable, dans laquelle le changement dattitude était devenu souhaitable. Comme lactivité en question a concerné différents groupes de population, outre le public cible primaire, ses résultats sont devenus une incitation à de nouveaux changements. |
Source: FAO, 1993b. |
La force de la télévision réside dans la combinaison dimages mobiles et de sons. Bien que les messages transmis par la télévision puissent revêtir une certaine force de persuasion, ce média nest pas aisément applicable au développement agricole et rural de la plupart des pays en développement, pour la simple raison quelle nest accessible quà une faible proportion de la population rurale. En revanche, la télévision exerce déjà une influence énorme dans les zones urbaines de la plupart des pays en développement.
La vidéo est devenue, dans lesprit de beaucoup, le média par excellence. En effet, les magnétoscopes sont très performants, mais leur emploi doit sappuyer sur une stratégie soignée, des producteurs capables et un bon accès aux moyens de post-production. En dépit de ses coûts élevés, la vidéo a largement supplanté les diapositives et les films fixes, qui avaient été naguère dune aide inestimable comme auxiliaires de formation pour le développement agricole et rural, mais qui navaient pas lattrait de la vidéo. La vidéo est semblable à la télévision, à cela près que la mise en mémoire des images et du son lui donne une grande souplesse de production et la possibilité dune relecture immédiate des enregistrements.
La presse écrite a aussi ses limites, liées à lillettrisme dune partie de la population et aux difficultés de distribution des textes. Les journaux ont leur place dans les projets de communication dont le but est de mobiliser des populations urbaines sachant lire et écrire. Les bulletins, brochures et dépliants, ainsi que les tee-shirts imprimés, peuvent être utilisés à bon escient pour la sensibilisation des professionnels de lagriculture, de léducation et de la santé. En outre, les affiches reproduisant des images sans texte peuvent former, à côté dautres médias, un moyen effectif de communication avec toutes sortes de gens, même illettrés.
Le choix des médias pour un programme de communication en nutrition dépend, en définitive, de nombreux facteurs, par exemple budget disponible, niveau dalphabétisation du public, disponibilité et niveau de formation du personnel de vulgarisation, couverture géographique du programme. Un état de fait dont limportance échappe quelquefois est que les femmes nont pas toujours accès à la radio, du moins au bon moment, même dans les ménages qui disposent dun récepteur. Bien quun poste de radio puisse être considéré comme la propriété du ménage, cest souvent le chef de famille qui détermine les moments découte et qui choisit les programmes.
Lapproche multimédia que réalise, par exemple, une campagne radio couplée avec une activité de communication face-à-face par une équipe de vulgarisateurs bien préparés à travailler au sein de la communauté est la meilleure manière de faire passer des messages nutritionnels. Les différents médias sépaulent lun lautre pour augmenter le nombre des personnes touchées, la fréquence avec laquelle un individu entend ou voit un message et le contenu des messages reçus en un laps de temps donné.
Le choix du moment est spécialement important pour les messages médiatiques, qui sont habituellement coûteux et souvent fort brefs.
La diffusion dun message radio à lintention dune communauté agricole à un moment de la journée où tout le monde est aux champs serait un pur gaspillage de ressources. De même, la projection de films ou de diapositives en plein air, ou une pièce de théâtre, rassemblera plus de monde en saison sèche, après la récolte principale, que pendant les premières pluies. Un exposé aux mères de famille sur les meilleurs aliments à se procurer pour les repas sera probablement plus efficace sil est présenté au marché du village où les femmes font leurs achats, plutôt que dans un centre de santé pendant une séance de pesée des bébés.
Les messages nutritionnels destinés aux communautés urbaines devront, de préférence, faire écho aux problèmes rencontrés par les nombreuses familles qui vivent la transition entre un système dapprovisionnement partiellement autosuffisant, basé sur la production domestique, et un système alimentaire urbain basé sur les achats payés en liquide. Lécart entre le taux de migration urbaine et la création demplois en ville est en train de sélargir, de sorte que la pauvreté urbaine augmente dans de nombreux pays. Les achats de produits alimentaires, la consommation daliments transformés et de conserves et les repas pris à lextérieur sont plus fréquents en ville quen zone rurale. Les messages nutritionnels porteront sur les problèmes dhygiène et dinnocuité des aliments, détiquetage, de casse-croûte et de boissons sucrées, dabus dalcool et de stupéfiants; ils seront également destinés à attirer lattention sur les avantages des subventions alimentaires ciblées et des programmes de distribution directe daliments. Les gouvernements devront sattaquer résolument aux défis et aux problèmes dorganisation urbaine, de sorte que les consommateurs soient en mesure de faire des choix alimentaires à leur portée et justifiés sur le plan nutritionnel.
La radio peut constituer un média de bonne qualité pour son prix quand il sagit de transmettre des messages nutritionnels ciblés sur les consommateurs urbains. Dans les grandes villes, il faut également penser à la télévision et proposer des messages pertinents en sappuyant, par exemple, sur des apparitions en direct de personnalités bien connues du public et sur des feuilletons enregistrés en vidéo. Lencadré 82 présente quelques directives de communication en nutrition, basées sur lanalyse de programmes couronnés de succès.
Les écoles constituent un média spécialement intéressant pour léducation nutritionnelle et pour les interventions en faveur de létat sanitaire et nutritionnel des enfants. Lobjectif de base est daider les écoliers à acquérir des connaissances en nutrition et de développer chez eux de saines habitudes de choix alimentaires et de consommation. Les enfants peuvent aider à promouvoir un changement de comportement alimentaire dans leur propre famille en réclamant des aliments nutritifs; quand ils seront parents à leur tour, ils pourront inculquer de bonnes habitudes alimentaires à leurs enfants. Cest pourquoi lune des maximes les plus courantes sur la manière dobtenir un véritable changement des habitudes alimentaires nest autre que: «Allez à lécole!».
ENCADRÉ 82 |
Suite à lanalyse des programmes de communication en nutrition dont les résultats ont déjà été constatés, les neuf généralisations suivantes peuvent être énoncées:
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Source: Daprès FAO/OMS, 1992f. |
Les observations disponibles sur lefficacité des programmes déducation nutritionnelle à lécole montrent que le progrès des connaissances y est dautant plus remarquable que lenvironnement lui-même est porteur et que léducation nutritionnelle va de pair avec des activités pratiques relatives aux aliments et à la nutrition (Lytle et Achterberg, 1995). Les programmes scolaires dalimentation, de jardinage et de santé offrent des occasions très favorables à lenseignement pratique de la nutrition. La participation des écoliers et des étudiants au jardinage scolaire, à la composition des menus, à la sélection des produits alimentaires - dorigine locale si possible - et à la préparation des repas, donne à ces jeunes gens une expérience de première main dans lapprentissage de pratiques alimentaires saines et correctes. Les locaux scolaires peuvent donc servir de «laboratoire» de démonstration et dexercices pratiques de comportements alimentaires corrects. Une autre bonne façon détablir un environnement favorable à léducation nutritionnelle consiste à impliquer les parents. Ainsi, certains programmes sont basés sur le concept de lenfant qui sert déducateur social et de transmetteur direct de messages destinés à ses parents. Dans ces programmes, il est important de mêler autant que possible les parents et autres membres de la famille aux activités et aux expériences dapprentissage. Par exemple, les parents peuvent être associés aux activités de production daliments, particulièrement dans le cadre des jardins scolaires.
Dans la province orientale de la Sierra Leone, la réforme du programme de formation des maîtres de lécole normale de Bunumbu a conduit à ladoption dune approche innovatrice en éducation nutritionnelle, avec la coopération du Ministère de léducation et lassistance de lOrganisation des Nations Unies pour léducation, la science et la culture (Unesco). La réforme avait pour objectif de former un nouveau type dinstituteurs, capables dassister les communautés locales dans lidentification, lanalyse et lamélioration de leur propre situation nutritionnelle et daménager un programme plus pertinent et mieux approprié pour lenseignement de léconomie ménagère à lécole primaire. Des exemples du type de matériel pédagogique préparé pour cet enseignement sont cités dans lencadré 83.
Les programmes scolaires ont des effets plus importants et plus durables sils sont associés à des activités communautaires. Le jardinage scolaire fournit de bonnes opportunités de participation communautaire, lorsque la disponibilité en eau ne pose pas de problème et que les services de vulgarisation agricole sont en mesure de fournir au programme les intrants et les conseils voulus. Ce type de programme contribue à remplacer graduellement «léducation en nutrition» par la promotion dun «environnement nutritionnel» où chacun se retrouve impliqué, depuis les autorités pédagogiques jusquà la communauté villageoise. La finalité de ces programmes nest donc pas seulement de transmettre des connaissances aux enfants, mais aussi daméliorer la qualité de lécole et de la vie au village.
Les écoles donnent à la communication sociale en nutrition la possibilité de changer la situation à long terme. En effet, les messages propagés à partir des centres sociaux, des dispensaires et dautres structures trouveront un terrain fertile chez les adultes de demain, dès lors que les écoles auront entrepris de les former en nutrition quand ils étaient jeunes.
ENCADRÉ 83 |
Le matériel pédagogique suivant, destiné à léducation nutritionnelle, a été préparé pour des élèves de luniversité, afin de les aider pendant leur formation et leurs stages:
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Source: UNESCO, 1983. |
Les sections précédentes ont attiré lattention du lecteur sur la nature interdisciplinaire des problèmes nutritionnels et montré les avantages dune planification des interventions qui prend en compte la chaîne alimentaire toute entière, depuis le producteur jusquau consommateur. De même, la réalisation dun programme de communication sociale en nutrition demande la collaboration de spécialistes de différents secteurs, dont lagriculture, léducation, la communication, la nutrition et la santé, chacun dentre eux devant avoir une notion claire de son rôle dans léquipe.
Exception faite des agents de santé et des nutritionnistes, la plupart des professionnels ignorent presque tout de la nutrition humaine et devront recevoir une formation de base dans cette matière pour participer valablement aux activités déducation nutritionnelle. Il importe que cette formation comprenne aussi une préparation à lévaluation participative des problèmes et à la participation aux activités multidisciplinaires. En effet, le succès dun programme dépend pour une bonne part de la capacité du personnel à impliquer les membres des communautés dans un vrai dialogue sur leurs problèmes alimentaires et nutritionnels et à maintenir la meilleure coordination entre les divers secteurs et les différents niveaux concernés par les activités du programme.
Les vulgarisateurs agricoles
La plupart des vulgarisateurs agricoles entretiennent des contacts étroits et réguliers avec les cultivateurs et les cultivatrices de la communauté. Voilà pourquoi le personnel de vulgarisation de lagriculture et de léconomie ménagère jouent un rôle crucial dans la diffusion des informations nutritionnelles et des messages concernant les programmes déducation et de communication en nutrition. Les agents de vulgarisation agricole sont bien placés pour promouvoir la production et la consommation daliments variés et améliorer ainsi la sécurité nutritionnelle des ménages agricoles. De même, les gains de productivité agricole, qui conduisent à lamélioration du revenu et à la création demplois, particulièrement dans le secteur de la conservation et de la transformation des produits agricoles, apporteront toutes sortes de bénéfices aux communautés agricoles.
Le rôle de lagent de vulgarisation agricole est de travailler en association avec les agents de santé et de nutrition à lorientation et à lencouragement de la communauté agricole en vue du meilleur usage de ses richesses et de ses opportunités agricoles. Les vulgarisateurs agricoles peuvent aider par leurs conseils à formuler des messages sur les cultures les mieux indiquées et les plus prometteuses pour la région. Ils peuvent également aider les agriculteurs locaux à sélectionner les variétés et les lignées de semences locales les mieux adaptées aux contraintes qui prévalent dans la région et faire passer, à la communauté, par le réseau de communication pour léducation nutritionnelle, des conseils sur la propagation et la distribution de ces graines et semences. A travers les groupes agricoles et leurs organisations de crédit, ils peuvent orienter et aider les agriculteurs dans les procédures demprunt et dacquisition dintrants, et formuler des messages pour disséminer ces avis et cette information auprès dun plus vaste public.
Les vulgarisateurs agricoles peuvent concevoir des messages techniques pour encourager les agriculteurs à produire et commercialiser des cultures plus variées et mieux étalées dans le temps. Ils peuvent aussi développer et promouvoir, avec la collaboration des agriculteurs locaux, une extension des surfaces exploitées en cultures mixtes, de façon à maximiser lutilisation des terres disponibles. Se mettant à lécoute des exploitants, les vulgarisateurs sauront identifier les contraintes et les problèmes de lagriculture locale et, par suite, veiller à la pertinence, au réalisme et à la faisabilité des messages nutritionnels. Ces agents sont donc en bonne position pour orienter le secteur de la nutrition vers les problèmes alimentaires prioritaires et perçus comme tels par la communauté.
En Afrique, les économistes ménagères, qui travaillent souvent aussi dans le cadre du Ministère de lagriculture, forment un groupe important pour lamélioration de la sécurité alimentaire et de la nutrition des ménages, particulièrement en zones rurales. Elles conseillent les ménages sur la manière daugmenter leurs ressources et dutiliser plus efficacement les moyens dont ils disposent. Elles apprennent aux familles à cuisiner en préservant la valeur nutritionnelle des aliments et en économisant le combustible, à améliorer les méthodes traditionnelles de conservation et de stockage des vivres, à nourrir chacun selon ses besoins nutritionnels et à rendre plus gratifiants de multiples autres aspects de la vie commune. La formation en économie ménagère inclut dordinaire une forte composante denseignement de la nutrition, mais il est important de veiller à ce que cet apprentissage comporte aussi des expériences de terrain et quil soit vraiment orienté vers la pratique, de sorte que les diplômées aient la compétence voulue pour affronter les situations de lAfrique rurale.
Les vulgarisateurs agricoles et les économistes ménagères qui ont acquis une plus large compréhension de la sécurité alimentaire et nutritionnelle se rendent bien compte de lutilité des messages de promotion des jardins domestiques orientés vers la nutrition, et particulièrement vers la prévention des carences en micronutriments. Ils encourageront les communautés à adopter une approche productiviste dans lélevage de petits animaux et linstallation de viviers à poissons, non seulement pour le commerce mais aussi pour lautoconsommation. En effet, en soutenant ces activités, les vulgarisateurs contribueront à augmenter, varier et régulariser le flux des produits alimentaires mis à la disposition des ménages.
Les communautés villageoises servies efficacement et régulièrement par des équipes complètes dagents de proximité pour la santé, la nutrition, la pisciculture, lagriculture, léducation et le planning familial nexistent le plus souvent que dans lidéal. Dans la réalité, «lhomme de la situation» ou quelquefois «la femme de la situation», qui est souvent un agent agricole, est régulièrement appelé à donner des avis sur une gamme très étendue de problèmes. Cest pourquoi les autorités qui assurent au personnel agricole de terrain une formation comprenant une expérience des problèmes humains, malnutrition comprise, en plus des problèmes de production animale et végétale, réalisent un précieux investissement en ressources humaines au plus grand bénéfice du public.
La réciproque est tout aussi valable, en ce sens que les nutritionnistes aussi doivent sinitier à certains aspects de lagriculture et connaître de près les problèmes des familles qui se nourrissent essentiellement des produits de leur terre. Il peut donc savérer souhaitable dintroduire la nutrition humaine parmi les matières enseignées en agriculture et de former les agents de développement rural à certains aspects pratiques de la nutrition, du développement communautaire et de lagriculture, en privilégiant, dans cet apprentissage de la réalité rurale, une approche centrée sur les personnes et pas seulement sur les produits. Dans certains pays dAfrique, les ministères de lagriculture et de léducation ont nettement pris conscience de la nécessité dintégrer à la nutrition les aspects de production et de consommation des aliments; ils appliquent une pédagogie de promotion de cette intégration tant dans les programmes de formation quau niveau de la vulgarisation.
Dans plusieurs pays sahéliens, le département de linformation agricole du Ministère de lagriculture organise des programmes spéciaux dont lobjectif est dassurer à la population un état de nutrition satisfaisant, en lencourageant à augmenter et à diversifier la production alimentaire et à mieux utiliser les aliments dont elle dispose. Des équipes nationales de nutritionnistes et de communicateurs sont formées à lusage de programmes de radio rurale et de films sur la vie villageoise pour transmettre des messages nutritionnels aux communautés agricoles (encadré 84).
Le personnel de santé publique
Le personnel de santé publique soccupe plus spécifiquement que tout autre des mères et des enfants qui sont les plus vulnérables à la malnutrition. Ce personnel a de longue date placé léducation nutritionnelle au premier plan de ses activités. Toutefois, cest seulement depuis peu que la formation de ces agents a été modifiée pour quau-delà du simple traitement des maladies ils sachent privilégier la promotion de la nutrition, de la santé et de lhygiène. En Afrique comme ailleurs, la prévention de la malnutrition et la promotion de bonnes habitudes alimentaires devrait lemporter sur le traitement curatif. Il faut donc que les programmes de formation des agents de santé accordent plus dimportance à lalimentation, de telle sorte que ces agents soient plus aptes à recommander la consommation daliments nutritifs disponibles sur place, à expliquer comment les introduire dans un régime alimentaire et comment les utiliser dans la confection des plats. La collaboration avec des vulgarisateurs agricoles aidera le personnel de santé à mettre au point des messages et des techniques réalistes.
ENCADRÉ 84 |
Les interventions en matière de nutrition sont particulièrement délicates et nécessitent une intégration de toutes les approches: sanitaire, agricole, éducative et sociale, à tous les échelons dun pays. La communication en nutrition joue un rôle capital dans la mobilisation sociale et encourage les modifications du comportement nécessaires pour améliorer létat nutritionnel. La communication, qui suppose le partage du savoir, des idées et des techniques, constitue un aspect important de la vie quotidienne. Sur la base de cette analyse, la FAO a décidé de mettre en oeuvre un projet régional dappui à la communication, intitulé «Soutien aux programmes sahéliens de lutte contre la malnutrition et lavitaminose A en matière de communication». Dans chacun des cinq pays - Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad -, des équipes intersectorielles ont été formées pour appuyer la mise en oeuvre de campagnes de communication sociale, éducative et institutionnelle. Les instruments privilégiés de ces campagnes sont la radiodiffusion, les auxiliaires audiovisuels et la vidéo, lobjectif final étant de faire des communautés villageoises les principaux acteurs de lamélioration de létat nutritionnel des familles. Lactivité principale du projet est la formation des équipes intersectorielles de communication, qui consiste en trois ateliers participatifs: radio rurale, supports audiovisuels et vidéo. Le projet regroupe les représentants nationaux et les représentants des autres partenaires. Un important acquis du projet a été létablissement dune liste de 10 thèmes prioritaires pour la campagne multimédia de lutte contre la malnutrition et lavitaminose A dans le Sahel, notamment: mettre en évidence les liens qui existent entre alimentation et maladies nutritionnelles; encourager la production, la diversification, la conservation et la transformation daliments locaux toute lannée, en vue dassurer la sécurité alimentaire au sein du ménage; amener les groupes à risque à consommer suffisamment daliments riches en vitamine A et en fer; associer la communauté villageoise à lidentification et à la prise en charge des problèmes nutritionnels. |
Source: Daprès Rokia Ba Touré, 1993 (résumé en anglais). |
Les spécialistes en communication et les journalistes
Les spécialistes en communication sont importants dans le monde moderne où les systèmes de communication sont complexes. Ils ont un rôle spécial à jouer dans la conception et la formulation des messages nutritionnels et dans leur traduction en documents appropriés. Les techniciens en communication ont la responsabilité du matériel audiovisuel et des questions de son et dédition. Les journalistes sont également nécessaires, mais ils sont encore trop peu nombreux dans les pays en développement, notamment pour travailler avec les ministères de la santé, de lagriculture et de léducation. Les journalistes ont dordinaire une formation de généralistes, et peu sont ceux qui détiennent lexpertise nécessaire pour communiquer correctement au public des informations sur la santé et la nutrition. Cest pourquoi les programmes de formation, comme celui qui est présenté dans lencadré 84, sont indispensables pour promouvoir une éducation nutritionnelle efficace et promise à la réussite.
Linformation et la formation des hauts responsables
Les responsables politiques et les décideurs forment une autre catégorie de personnel ayant besoin dinformations en matière de nutrition. Les fonctionnaires dEtat responsables du développement sont les plus puissants des acteurs, car les décisions quils prennent et leurs propres actions déterminent le bien-être de leur nation. Il est donc très important quils comprennent les implications nutritionnelles de leurs politiques et de leurs plans. Linformation nutritionnelle de la classe politique et la formation spécialisée ou la «prise de conscience» du personnel de planification devraient donc faire partie intégrante de tout programme national, y compris des programmes nationaux déducation nutritionnelle.
Il est nécessaire que les planificateurs et les décideurs aient une bonne connaissance des besoins nutritionnels de la population, des difficultés quéprouvent en particulier les communautés pauvres à trouver une nourriture suffisante, saine et appropriée. Il faut que les conséquences de la surconsommation leur soient également bien connues. Cette compréhension leur permettra, au moment délaborer les plans nationaux de production, de transformation, dimportation et dexportation des produits alimentaires, de prendre les mesures voulues pour que les groupes les plus vulnérables de la population bénéficient dun meilleur accès à la nourriture. Ils partagent aussi la responsabilité dapprouver les normes de composition nutritionnelle et dinnocuité des produits de lindustrie alimentaire. Ils doivent reconnaître les effets négatifs que les politiques et les programmes dajustement structurel et la suppression des subventions agricoles peuvent avoir sur létat nutritionnel des groupes vulnérables.
ENCADRÉ 85 |
Les responsables politiques représentent une audience influente pour la communication en nutrition. Au Brésil, le soutien des hauts-responsables a été indispensable lors de la grande campagne nationale dallaitement maternel en 1981 et 1982. Pour sassurer de leur soutien, les défenseurs de lallaitement au sein ont préparé une présentation de diapositives qui, sans complaisance, mettaient laccent non seulement sur les bienfaits de lallaitement au sein pour la santé et la nutrition, mais aussi sur le coût et les pertes de devises fortes liés à lutilisation de produits de remplacement du lait maternel. La présentation des diapositives a amené les ministres et dautres hauts-fonctionnaires du gouvernement central et des différents états à encourager fortement lallaitement maternel. Il est évident que les responsables politiques décident des priorités budgétaires, mais ils ont aussi le pouvoir de faire de vastes réformes législatives qui peuvent avoir des répercussions importantes sur le comportement nutritionnel. Par exemple, les politiques concernant le congé de maternité, les services de soins aux enfants, les installations permettant lallaitement maternel sur le lieu de travail, ainsi que les pauses dans le travail des femmes, peuvent aider les mères qui travaillent à continuer dallaiter leur enfant plutôt que de recourir à des laits artificiels. En même temps, des lois exigeant lenrichissement daliments spécifiques (par exemple, liodation du sel ou lenrichissement en vitamine A) peuvent grandement aider à résoudre le problème de ladjonction de micronutriments aux régimes qui en manquent. Au Guatemala, par exemple, suite aux efforts déployés par des spécialistes en nutrition pour faire pression sur les pouvoirs publics, une loi a été votée dans les années 70, qui exigeait que tout le sucre fabriqué au niveau national soit enrichi en vitamine A. Cette mesure a énormément simplifié le problème de la distribution. La communication en nutrition peut jouer un rôle même après la promulgation des lois, en assurant que ces dernières sont bien appliquées. Ainsi, dans létat de Santa Catarina, au Brésil, la proportion dusines équipées dinstallations de soins pour enfants est passée en un an de moins de 10 pour cent à 85 pour cent, suite à une campagne publicitaire menée de 1982 à 1983, qui rappelait les obligations légales. Un autre volet sous-utilisé des programmes de communication en nutrition est linformation des responsables politiques en ce qui concerne limpact nutritionnel dautres politiques de développement relatives à la production et aux problèmes agricoles, aux facteurs macro-économiques, à la croissance démographique, à la répartition géographique de la population, ainsi quà la qualité de lenvironnement. |
Source: Daprès FAO/OMS, 1992f. |
Quelques exemples de programmes de communication en nutrition destinés à la classe politique sont décrits dans lencadré 85. Linformation de ce public doit inclure des messages concernant létendue et le coût économique des problèmes nationaux de la malnutrition et des conséquences de cette dernière, telles que la cécité crépusculaire, les infirmités physiques et larriération mentale. Ces messages doivent, dune part, souligner les effets nuisibles des carences nutritionnelles sur le budget de la nation et, dautre part, démontrer comment la prévention de ces problèmes est possible au moindre coût et donc avantageuse pour le développement national.
[5] Une discussion
thématique de groupe réunit habituellement de 6 à 12
personnes. La discussion sur un certain thème est lancée par un
animateur qui dispose d'un plan bien établi, puis elle se déroule
aussi librement que possible. Le but est que les participants se stimulent l'un
l'autre, tandis que l'animateur, assis à l'arrière, prend note des
principaux points de vue énoncés et des opinions qui
émergent. Un animateur entraîné réussira à
conduire les participants vers une prise de conscience plus nette de leur
comportement et de leurs motivations. |