La nature et les causes des troubles dus à une carence en iode, goitre endémique et crétinisme inclus, ont été revues au chapitre 7 sous langle de lalimentation. La cause de ces troubles et les méthodes disponibles en principe pour les combattre et les éliminer sont connues depuis plusieurs dizaines dannées. Néanmoins, le goitre, souvent accompagné dans la communauté par ce triste état quest le crétinisme endémique affecte encore des millions de personnes dans le monde. Les caractéristiques de lhypothyroïdie sont décrites au chapitre 7.
La cause immédiate des troubles dus à une carence en iode est le décifit diode dans lalimentation. La cause sous-jacente est le déficit diode dans les sols locaux où pousse la végétation, où paissent les animaux, où sont faites les cultures vivrières et qui sont donc responsables du déficit en iode des aliments locaux. Les effets de ce déficit se manifestent le plus sévèrement pendant la grossesse et laccouchement. Les troubles dus à une carence en iode ont également des conséquences économiques et sociales sur le développement (encadré 64).
La sévérité des troubles dus à une carence en iode est classée selon la prévalence du goitre et le taux moyen diode urinaire de la population témoin. Dans de nombreuses régions du globe, particulièrement en Afrique, la carence en iode existe, mais son importance na pas encore été entièrement reconnue. Selon des estimations récentes du Système dinformation sur les carences en micronutriments, environ 1,572 milliard de personnes dans le monde courent le risque dune carence en iode: 486 millions en Asie du Sud-Est, 423 millions dans le Pacifique Ouest, 168 millions dans les Amériques, 181 millions en Afrique continentale, 141 millions en Europe et 173 millions en Méditerranée orientale (OMS/UNICEF/ICCIDD, 1993).
ENCADRÉ 63 |
En Tanzanie, plusieurs facteurs sont responsables de lanémie ferriprive: apport alimentaire insuffisant; faible biodisponibilé car le fer de la ration est essentiellement dorigine végétale; médiocre absorption à cause de la présence dans lorganisme de certains inhibiteurs comme les phytates, les tannins et la caféine; enfin, pertes de fer accrues en raison de la présence dans lorganisme de parasites suceurs de sang, tels que les ankylostomes. La carence en acide folique est due principalement à une augmentation des besoins pendant la grossesse - besoins qui ne sont pas suffisamment couverts par une alimentation adéquate - et à la forte prévalence du paludisme. Le programme de prévention et de contrôle de lanémie nutritionnelle en Tanzanie a une portée nationale, mais il sadresse surtout aux femmes enceintes et aux enfants de moins de cinq ans. Il sattaque aux causes principales de lanémie. Le volet alimentaire vise lanémie ferriprive et la carence en acide folique; il consiste à promouvoir la production et la consommation daliments riches en fer et en acide folique, en particulier des légumes à feuilles vertes et des aliments riches en vitamine C, comme les fruits, qui facilitent labsorption de fer. La consommation de produits animaux et de laitages est également encouragée chaque fois que possible. Sur le plan pharmaceutique, des comprimés de folate de fer sont distribués depuis plusieurs années aux groupes les plus vulnérables, en loccurrence les femmes enceintes. Des mesures de santé publique visant à renforcer la lutte contre le paludisme, la schistosomiase et les parasites intestinaux tels que les ankylostomes constituent un autre volet important du programme. Lintégration de ces mesures dans le programme sur la vitamine A et dans dautres programmes de santé et de nutrition actuellement en cours, ainsi quune collaboration étroite dans les domaines de la recherche, de linformation, de la communication, de léducation et de la gestion de linformation, assure la participation de la communauté et la durabilité du programme. |
Source: Kavishe, 1991. |
Pour la seule Afrique, 86 millions de personnes, soit 13,1 pour cent de la population totale seraient porteuses de goitre. La carte de la figure 34 illustre les estimations de prévalence des troubles dus à une carence en iode dans les pays de lAfrique continentale.
ENCADRÉ 64 |
Une carence en iode retarde le développement économique et social dune région pour plusieurs raisons:
|
Source: King et Burgess, 1993. |
En République-Unie de Tanzanie, 6,25 millions de personnes, soit le quart de la population, étaient affectées de carence en iode à la fin des années 80 (Kavishe, 1987). Les femmes enceintes et les mères allaitantes accusaient la plus forte incidence (52 pour cent); les enfants de moins de cinq ans, la plus faible (13 pour cent). En Ethiopie, la prévalence moyenne du goitre dans sept provinces de la région Shoa sélevait à 32,7 pour cent, et la population féminine de la province de Merhabete accusait lénorme incidence de 60 pour cent (tableau 55).
Les interventions contre les carences en iode
Le traitement et la prévention des carences en iode prennent appui sur laugmentation de lapport iodé des populations affectées, obtenue soit par supplémentation médicinale, soit par enrichissement dun aliment courant.
Liodation du sel a nettement réduit la prévalence du goitre en Argentine, en Colombie, au Mexique et au Guatemala, mais il nest pas toujours aisé de mettre une telle approche en pratique. La Tanzanie a choisi, comme mesure immédiate, de réaliser une distribution ciblée de capsules dhuile iodée. Lencadré 65 présente les résultats et les coûts de ce programme. Les besoins journaliers en iode ont été indiqués au chapitre 7, dans le tableau 45.
FIGURE 34 |
Source: OMS/UNICEF/ICCIDD, 1993. |
TABLEAU 55 |
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Prévalence du goitre, de la xérophtalmie (taches de Bitot) et de lanémie dans sept provinces de la région de Shoa, en Ethiopie |
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Province/sexe |
Nombre de personnes examinées |
Goitre |
Xérophtalmie |
Anémie |
|||
(Nombre) |
(%)a |
(Nombre) |
(%) |
(Nombre) |
(%) |
||
Chebona-Gurage |
|
|
|
|
|
|
|
Hommes |
3 705 |
928 |
25,0 |
14 |
0,4* |
960 |
25,9 |
Femmes |
1 457 |
582 |
39,9* |
1 |
0,1 |
288 |
19,8 |
Totalb |
5 162 |
1 510 |
29,3 |
15 |
0,3 |
1 248 |
24,2 |
Merhabete |
|
|
|
|
|
|
|
Hommes |
704 |
276 |
39,2 |
15 |
2,1 |
226 |
32,1 |
Femmes |
629 |
379 |
60,3* |
9 |
1,4 |
183 |
29,1 |
Total |
1 333 |
655 |
49,1 |
24 |
1,8 |
409 |
30,7 |
Selale |
|
|
|
|
|
|
|
Hommes |
493 |
61 |
12,4 |
16 |
3,2 |
153 |
31,0 |
Femmes |
374 |
81 |
21,7 |
4 |
1,1 |
86 |
23,0 |
Total |
867 |
142 |
16,4 |
20 |
2,3 |
239 |
27,6 |
Kembatana-Hadya |
|
|
|
|
|
|
|
Hommes |
1 063 |
296 |
27,8 |
4 |
0,4 |
275 |
25,9 |
Femmes |
773 |
395 |
51,1* |
2 |
0,3 |
168 |
21,7 |
Total |
1 836 |
691 |
37,6 |
6 |
0,3 |
443 |
24,1 |
Tegultna-Bulga |
|
|
|
|
|
|
|
Hommes |
698 |
116 |
16,6 |
5 |
0,7 |
2 |
0,3 |
Femmes |
676 |
195 |
28,8* |
3 |
0,4 |
6 |
0,9 |
Total |
1 374 |
311 |
22,6 |
8 |
0,6 |
8 |
0,6 |
Yifatna-Timuga |
|
|
|
|
|
|
|
Hommes |
1 878 |
533 |
28,3 |
44 |
2,3 |
217 |
11,6 |
Femmes |
1 885 |
799 |
42,4* |
16 |
0,8 |
165 |
8,8 |
Total |
3 763 |
1 332 |
35,4 |
60 |
1,6 |
382 |
10,2 |
Menzena-Gishe |
|
|
|
|
|
|
|
Hommes |
238 |
87 |
36,6 |
0 |
0,0 |
5 |
2,1 |
Femmes |
167 |
87 |
52,1 |
1 |
0,6 |
6 |
3,6 |
Total |
405 |
174 |
43,0 |
1 |
0,2 |
11 |
2,7 |
Total |
|
|
|
|
|
|
|
Hommes |
8 779 |
2 297 |
26,2 |
98 |
1,1* |
1 838 |
20,9* |
Femmes |
5 961 |
2 518 |
42,2* |
36 |
0,6 |
902 |
15,1 |
Total |
14 740 |
4 815 |
32,7 |
134 |
0,9 |
2 740 |
18,6 |
* La prévalence était nettement plus élevée que chez les individus de lautre sexe, P<0,001.
b Les pourcentages de prévalence pour le total hommes/femmes nont pas été corrigés en raison dun nombre différent dindividus de chaque sexe dans léchantillon examiné.
Source: Wolde-Gebriel et al., 1992.
Dans les régions isolées, linjection dhuile iodée peut se justifier comme mesure à long terme. Ce traitement a lavantage dexercer un effet prolongé -au moins trois ans -, mais il a linconvénient de coûter cher et de comporter un risque de transmission dinfections par la piqûre de laiguille.
A léchelle mondiale, il est estimé sur la base danalyses biochimiques que plus de 251 millions denfants dâge préscolaire sont exposés au risque davitaminose A; 2,8 millions dentre eux ont des signes cliniques de carence (OMS/UNICEF, 1995). En Afrique, 52 millions denfants sont menacés et on estime à 1,04 million le nombre de ceux qui présentent des signes cliniques de carence. La figure 35 montre la distribution géographique de lavitaminose A en Afrique en 1995.
Chaque année, de 250 000 à 500 000 enfants sont atteints de cécité partielle ou totale par carence en vitamine A, et les deux tiers dentre eux meurent après quelques mois de cécité. En plus de ces victimes, un nombre denfants de 10 à 20 fois plus élevé risque sa santé et sa survie du fait que lavitaminose A compromet la résistance à linfection.
Causes de lavitaminose A et de la cécité nutritionnelle
La xérophtalmie comprend une gamme de troubles caractérisés notamment par une sécheresse anormale des muqueuses de loeil. Elle est directement causée par un déficit en vitamine A dans lalimentation et peut conduire à la cécité à moins dêtre rapidement traitée. Plus de 50 pour cent des enfants atteints de xérophtalmie développent des infections très graves parce que lavitaminose A réduit leur résistance naturelle, et nombre dentre eux finissent par mourir. Les signes cliniques relevés pour estimer la prévalence de la xérophtalmie sont décrits dans lencadré 66.
La prévalence de lavitaminose A dans les communautés affectées peut également être estimée par analyse du taux de rétinol du sérum sanguin. Cependant, il est malaisé dinterpréter ce taux, car la plus grande partie de la vitamine est stockée dans le foie, et ce sont justement ces réserves-là quil faudrait estimer.
ENCADRÉ 65 |
La Tanzanie a décidé dutiliser lhuile iodée dans les régions encore en proie à de sévères troubles dus à une carence en iode (TCI), car il avait fallu beaucoup de temps pour mettre en oeuvre son programme diodation du sel. Lobjectif était déliminer les formes sévères de TCI avant 1993. Lavantage du traitement par voie orale est que même du personnel non médical peut ladministrer et que, vu labsence de seringues, tout risque de propagation de maladies telles que le sida et lhépatite B est écarté. Tous les individus âgés de 1 à 45 ans qui habitent dans des régions affectées par une forte carence en iode forment le groupe cible pour la distribution de capsules dhuile iodée. On a exclu les enfants de moins de 1 an, car ils sont presque tous nourris au sein et tirent donc leur dose diode du lait maternel. Les personnes de plus de 45 ans ont de faibles besoins en iode; par contre, elles sont plus sensibles que les personnes plus jeunes aux conséquences des doses excessives, et le programme voulait éviter ce risque. Pour le groupe cible, la dose administrée est de 380 mg diode, soit deux capsules, une fois tous les deux ans. Le critère pour le choix des régions sévèrement touchées était au départ un taux de goitres visibles dau moins 10 pour cent, mais suite aux pressions de la population et des hommes politiques, il a été fixé sur la base dune prévalence du degré 1b avec un taux de goitres visibles de 10 pour cent ou davantage. En fonction de ce critère, 30 districts ont été classés dans la catégorie des régions gravement affectées de TCI. Les districts ont en moyenne un taux de goitres visibles de 11 pour cent, un taux de goitres visibles + 1b de 31,3 pour cent, et un taux global de goitres de 57,1 pour cent. Il sagit dune population denviron à 5 millions dhabitants. Les capsules dhuile iodée sont distribuées par le biais du système de soins de santé primaires ou dune campagne utilisant les écoles de lenseignement primaire, le gouvernement et les infrastructures du parti politique Chama Cha Mapinduzi pour la mobilisation et ladhésion de la population. Le programme de distribution de capsules dhuile iodée a eu des effets positifs sur les troubles causés par une carence en iode. Par exemple, dans trois écoles primaires de Mahenge (région de Morogoro), le taux de goitres visibles a chuté de 71,7 pour cent et le taux global de goitres de 30,7 pour cent. Des études spécifiques ont également indiqué une normalisation de lexcrétion diode urinaire ainsi que des niveaux dhormones thyroïdiennes dans un délai de 56 jours après la prise de la capsule. Une estimation des coûts a montré que ces derniers sont modestes. En additionnant le prix dune capsule et les frais de distribution, de formation, de recherche, de suivi et évaluation, de conseils et de personnel, le coût sélève à environ 0,40 dollar EU par cas de TCI évité ou par personne traitée pour carence sévère. Il sagit là dun coût modeste pour éviter la naissance denfants atteints de crétinisme. |
Source: Daprès Kavishe, 1991. |
FIGURE 35 |
Source: OMS/UNICEF, 1995. |
ENCADRÉ 66 |
Les signes de la xérophtalmie apparaissent en général dans lordre ci-après. Cécité crépusculaire Lenfant ne voit pas bien dans la pénombre, à la tombée de la nuit. Les familles, qui donnent souvent un nom local à ce type de cécité, expliquent quil se heurte aux objets, quil tombe ou les renverse et quil ny voit pas clair pour manger. Il sagit là dun signe important parce que les familles reconnaissent la maladie, et on peut facilement la soigner. Pour savoir si un enfant souffre de cécité crépusculaire, il suffit de questionner son entourage. Avec de la vitamine A, la maladie guérit en deux ou trois jours. Taches de Bitot Les taches de Bitot sont de petites plaques blanchâtres, daspect mousseux, situées sur la partie blanche de loeil. Elles risquent de ne pas disparaître complètement après le traitement, surtout chez les grands enfants et les adultes, mais elles naffectent pas la vue. Xérosis de la conjonctive Xérosis signifie sécheresse. La conjonctive (membrane qui recouvre la partie blanche de loeil) semble sèche et légèrement rugueuse ou ridée, au lieu dêtre humide, lisse et brillante. Il est difficile de reconnaître la xérosis de la conjonctive sans formation appropriée. Les taches de Bitot, qui apparaissent en général au même moment, sont plus faciles à repérer. La vitamine A permet de guérir la xérosis conjonctivale en une ou deux semaines. Lésions de la cornée La cornée est la partie transparente de loeil à travers laquelle nous y voyons, devant liris brun. Une personne dont la cornée est abîmée ny voit pas bien et risque de devenir aveugle. Xérosis de la cornée La superficie de la cornée devient laiteuse et se dessèche. «Loeil est couvert décailles de poisson», comme disent certains. La xérosis de la cornée guérit en une semaine ou deux, mais elle peut aussi saggraver très rapidement, en quelques jours ou même quelques heures. Les lésions les plus graves sont incurables. Un enfant qui souffre de xérosis de la cornée doit immédiatement recevoir un traitement à fortes doses de vitamine A. Ulcères de la cornée Si la xérosis nest pas traitée à temps, des ulcères (perforations) peuvent apparaître à la surface de la cornée. La vitamine A permet de guérir les ulcères, mais en général il reste une cicatrice qui gêne parfois la vision. Si la xérosis ou les ulcères ne sont pas traités, toute la cornée devient laiteuse et molle. Elle peut même se perforer et laisser séchapper une partie de lintérieur de loeil. Lun des deux yeux est souvent plus atteint que lautre. Un traitement durgence à la vitamine A empêche la kératomalacie dempirer et peut permettre de conserver un peu de vision, surtout de loeil le moins atteint. Cicatrices cornéennes La cornée devient blanche, et lindividu ny voit pas beaucoup. Comme il existe plusieurs causes aux cicatrices cornéennes, il est parfois difficile de savoir de laquelle il sagit. Si la famille explique que les cicatrices sont apparues après que lenfant a eu une rougeole ou une autre infection, ou après une dénutrition, on peut alors penser quelles sont dues à une carence en vitamine A. |
Source: King et Burgess, 1993. |
Les techniques de laboratoire existent, mais elles coûtent cher. Si ces techniques ne sont pas disponibles, il vaut mieux procéder à lestimation par le biais denquêtes sur la consommation alimentaire dont on tire des données sur lapport de vitamine A et de bêta-carotène assuré par le régime alimentaire de groupes spécifiques de la population (GCIVA, 1989).
La cause des faibles niveaux de consommation de vitamine A varie dun pays à lautre. Il faut donc analyser la situation pour la comprendre et pour formuler ensuite et réaliser des programmes dintervention appropriés. Toutefois, la plupart des situations où lavitaminose A constitue un problème de santé publique partagent des caractéristiques communes. Le plus souvent, la cause profonde est la pauvreté; les états de carence en vitamine A se manifestent surtout dans les pays, les régions et les familles incapables de se procurer la quantité et la variété daliments nécessaires à la satisfaction de leurs besoins en vitamine A. Entre autres problèmes particuliers, il faut mentionner la pauvreté du régime alimentaire en lipides et en aliments dorigine animale contenant de la vitamine A, ainsi que les fluctuations saisonnières de la disponibilité de fruits et de légumes riches en bêta-carotène.
Les facteurs écologiques ont aussi leur importance, dans la mesure où les plantes riches en vitamine A ont besoin deau et de certaines conditions de température pour se développer. Un approvisionnement hydrique insuffisant limite le potentiel des jardins domestiques et communautaires et, par voie de conséquence, les quantités daliments riches en vitamine A dont les ménages pourraient disposer à peu de frais. Les pays où règnent une chaleur constante et de longues périodes sèches sont spécialement vulnérables aux problèmes de carence en vitamine A. Les conditions de vie misérables, le manque dhygiène et linsalubrité du milieu contribuent au développement de ces problèmes. De nombreuses études ont mis en évidence une baisse du taux sérique de vitamine A à la suite de maladies infectieuses; la cécité qui suit la rougeole peut aussi trouver sa cause dans une carence en vitamine A (OMS/UNICEF, 1995).
Les bilans alimentaires de la FAO montrent que les disponibilités en vitamine A ont augmenté dans la plupart des pays en développement au cours des 20 dernières années. A la fin des années 80, les pays du Proche-Orient, de lAfrique du Nord, de lAmérique latine et des Caraïbes étaient arrivés à des niveaux nettement supérieurs au besoin minimal par personne de 250 µg déquivalent de rétinol par jour et probablement même supérieurs à lapport de sécurité de 550 µg déquivalent de rétinol par jour. Pour estimer les disponibilités en vitamine A de lAfrique subsaharienne, il convient détablir une distinction entre les pays de lAfrique de lOuest, productrice dhuile de palme rouge, et le reste de la région. En Afrique de lEst, les disponibilités par personne en vitamine A sont généralement faibles et même en baisse. En Afrique australe, les niveaux sont inférieurs au niveau de sécurité par personne, qui est de 550 µg déquivalent de rétinol par jour. En Afrique de lOuest et au Sahel, les disponibilités en vitamine A sont importantes mais en baisse, et lavitaminose A est une réalité. Une des raisons majeures est que lhuile de palme nest pas commercialisée à grande échelle dans chacun de ces pays et quelle nest même pas présente sur les marchés de certaines zones spécialement pauvres en vitamine A (encadré 67).
De nombreuses activités de lutte contre les carences en micronutriments ont été récemment menées dans les pays en développement, mais elles ont surtout consisté en initiatives traditionnelles de santé publique centrées sur la supplémentation et la distribution de capsules et de pilules.
Les secteurs de lagriculture, de léducation et de la technologie alimentaire ont également mené des activités de prévention à long terme, mais la généralisation de ces interventions sest heurtée à lincompréhension des donateurs et des pays affectés eux-mêmes en ce qui concerne lefficacité et la durabilité de ces approches, doù des engagements financiers insuffisants en faveur de ces activités.
ENCADRÉ 67 |
La situation de la vitamine A en Afrique requiert un examen attentif. Tout dabord, il faut faire une distinction entre les pays producteurs dhuile de palme rouge - situés en Afrique de lOuest - et les autres pays. On saperçoit aisément que les pays de lAfrique orientale et de lAfrique australe ont de faibles disponibilités de vitamine A. En Afrique australe, les disponibilités se situent en moyenne au-dessous des besoins, de sorte que la carence en vitamine A y est vraisemblablement répandue. En outre, certaines indications font penser que les disponibilités globales sont en train de diminuer en Afrique orientale, ce qui devrait aggraver la situation. En Afrique de lOuest et dans les pays du Sahel, les disponibilités apparemment satisfaisantes nexcluent pas lexistence dune carence. Comme il a été mentionné ci-dessus, cela tient au fait que lhuile de palme rouge nest pas largement commercialisée dans un certain nombre de ces pays. Cependant, les disponibilités de rétinol telles quelles sont estimées dans les bilans alimentaires ne devraient être considérées que comme potentielles. Les niveaux réels dapport physiologique dépendent de nombreux facteurs, comme le degré de maturité de certains légumes et fruits, les effets des graisses ingérées sur labsorption intestinale de la vitamine A et la consommation daliments enrichis. De 1986 à 1988, les pays en développement trouvaient plus de 70 pour cent de leur apport en vitamine A dans les aliments dorigine végétale: légumes à feuilles vertes, carottes, différents fruits, patate douce, huile de palme. A lopposé, les pays développés nen tiraient que 45 pour cent. La proportion de vitamine A provenant des aliments dorigine animale a tendance à être plus forte dans les pays à revenu plus élevé. |
Source: Daprès ONU CAC/SCN, 1992. |
Une lutte efficace et soutenue contre les carences en micronutriments ne peut être envisagée sans que les gouvernements et les décideurs ne soient informés des différentes approches possibles. Le Sommet mondial de lenfance, organisé à New York en 1990, a attiré un surcroît dattention sur les carences en micronutriments et suscité lintérêt en faveur de nouvelles stratégies intégrées visant à résoudre ces problèmes.
En 1992, la Conférence internationale sur la nutrition a traduit cette prise de conscience en une stratégie cohérente que les participants se sont engagés à mettre en oeuvre au travers dun ensemble dactions à long terme dans le domaine alimentaire et agricole, afin dassurer aux groupes à risque un meilleur accès à la nourriture et laugmentation de leur consommation alimentaire. Pour concrétiser cette stratégie, il faut renforcer la coordination, allier les mesures de santé aux activités du domaine agricole et alimentaire et allouer des ressources suffisantes pour soutenir les activités de promotion de lalimentation.
La meilleure stratégie de lutte préventive et curative contre les carences en micronutriments est celle qui se fonde sur la production et la consommation daliments riches en micronutriments, sur la fortification des aliments et sur léducation nutritionnelle et les activités connexes. Il sagit là de la seule solution réelle et durable du problème. La supplémentation doit être considérée comme un élément de la stratégie applicable aux zones et aux populations affectées des formes cliniques de lavitaminose A; mais il doit être entendu que cet élément sera retiré (sauf dans des cas spéciaux, comme celui de réfugiés ou de populations déplacées qui dépendent dune aide alimentaire pauvre en micronutriments) dès que les activités du domaine alimentaire seront en place et quelles garantiront effectivement à la population à risque assez daliments riches en micronutriments pour prévenir et combattre les carences. Limportance relative de chaque élément de la stratégie dépendra de la situation qui prévaut dans le pays. Il faudra tenir le plus grand compte de la durabilité du programme, de la disponibilité du personnel et des coûts.
Promotion de la production et de la consommation des aliments riches en micronutriments
Au cours des 30 dernières années, les politiques agricoles de nombreux pays africains ont principalement visé laugmentation du revenu des agriculteurs, les gains en devises à lexportation des produits alimentaires et la sécurité alimentaire nationale (voir aussi le chapitre 2). Les politiques alimentaires ont surtout cherché à accroître la production des céréales de base. Certes, ces considérations sont importantes pour la nutrition, mais cependant les politiques alimentaires et agricoles ont peu fait pour améliorer la diversité de lalimentation et pour augmenter la consommation. Il reste beaucoup à faire à cet égard, spécialement pour favoriser le progrès nutritionnel par le biais dactions sur la propriété de la terre, la diversification de la production, laccès au crédit modeste et léducation nutritionnelle.
Les politiques alimentaires et nutritionnelles influencent directement la consommation daliments riches en micronutriments, en agissant sur leur disponibilité et sur leur prix. En particulier, ces politiques peuvent promouvoir les produits horticoles, les légumineuses, le petit élevage, le poisson, larboriculture fruitière et la foresterie sociale, les pratiques agricoles et les procédés de transformation qui réduisent les pénuries saisonnières et assurent aux ménages une disponibilité accrue et plus constante daliments riches en micronutriments (voir aussi le chapitre 5, sur la diversification alimentaire). Les objectifs nutritionnels devraient également figurer à lordre du jour de la recherche agricole. Ainsi, la recherche devrait explorer, dune part, les moyens de rendre les systèmes agricoles plus productifs en micronutriments, afin que les principales cultures contiennent davantage de micronutriments biodisponibles et, dautre part, les moyens de développer les petites exploitations agricoles intégrées qui maximisent la production des végétaux riches en micronutriments ainsi que les petites exploitations délevage durablement adaptées au milieu et les techniques agroforestières de production combinant aliments et combustible (Combs et al., 1996).
Le développement du secteur horticole peut servir à augmenter la production des fruits, des légumes, des légumineuses et des arbustes à feuilles comestibles. Dans les régions mal arrosées, il est possible de stimuler ce développement grâce à linstallation dun modeste équipement dirrigation ou de captage des eaux souterraines. Lencadré 68 contient une description des liens observés en Ethiopie entre les profils agricoles des régions et la prévalence de lavitaminose A, qui peut inspirer le choix des programmes dintervention dans le domaine alimentaire.
De nombreux ménages pourraient être encouragés à cultiver pour leur consommation des légumes à feuilles vert sombre, par exemple lamarante, et des fruits et légumes de couleur orange ou jaune, comme le potiron, la papaye ou la mangue. La promotion des jardins potagers, des bassins piscicoles et des poulaillers, ainsi que du petit élevage, peut être également considérée comme une stratégie viable pour augmenter à long terme la consommation de bêta-carotène et de rétinol. Les régions dAfrique de lOuest où lhuile de palme rouge est largement consommée ne connaissent pas de carence en vitamine A. La culture du palmier à huile devrait être encouragée dans les autres régions jouissant dun climat favorable.
ENCADRÉ 68 |
Les résultats cliniques et biochimiques de lenquête nationale ont révélé une très faible prévalence de carence en vitamine A dans les régions où lensete constitue laliment de base. Les enquêtes alimentaires précédentes avaient indiqué que lensete était consommée avec du chou et du fromage, qui apportent respectivement de la provitamine A et de la vitamine A. Les régions céréalières et les régions délevage connaissent les taux les plus élevés de carence en vitamine A. Un taux encore supérieur a été enregistré à Melkaye, un village de la région céréalière de Hararge. Ce village na pas la capacité de pratiquer des cultures commerciales, telles que le café ou le qat (Catha edulis), qui pourraient lui permettre davoir une économie monétaire. La prévalence de la carence en vitamine A dans cette région était élevée non seulement à cause du choix des cultures, mais aussi en raison dune période de sécheresse de six années, qui a rendu les habitants totalement tributaires des secours alimentaires. Les aliments distribués contenaient très peu de vitamine A. La conclusion qui peut être tirée de ces études est que la carence en vitamine A constitue un problème de santé publique dans les régions céréalières et les régions délevage du pays, et ce problème est plus grave dans les régions qui dépendent de laide alimentaire. En revanche, les régions productrices densete sont relativement à labri de cette carence. La distribution de capsules de vitamine A ne devrait pas éclipser dautres approches susceptibles dêtre utilisées pour lutter contre lavitaminose A. Jusquà présent, presque tous les efforts ont été dirigés vers lutilisation de capsules de vitamine A, mais des programmes dintervention fondés sur lalimentation conviennent mieux dans des pays comme lEthiopie. Le faible taux de carence en vitamine A dans les régions productrices densete, où le chou et le fromage sont largement consommés, indique quelle méthode pourrait être suivie pour lutter contre la carence en vitamine A. Par exemple, dans la région céréalière de Kobo et de Robi, la prévalence de cette carence nétait pas particulièrement forte, probablement à cause des petits projets dirrigation qui permettent de produire des légumes, qui sont de bonnes sources de provitamine A. |
Source: Wolde-Gebriel et al., 1992. |
On peut aussi cueillir périodiquement les feuilles vertes comestibles de certaines plantes sauvages. La végétation précoce peut constituer une source intéressante dherbes potagères, car elles poussent très vite avec les premières pluies et peuvent être récoltées avant dentrer en compétition avec les plantes cultivées. Outre ces variétés herbacées, divers arbres et arbustes sont couramment utilisés, notamment le baobab Adansonia digitata. Bon nombre de ces arbres et arbustes ne sont identifiés que par leurs noms vernaculaires, qui peuvent varier dun pays à lautre. Une étude a montré que dans le Haut Shaba la population mange les feuilles de 50 espèces darbres (Malaise et Parent, 1985), et plus de la moitié des adultes interrogés au Swaziland ont déclaré consommer des feuilles sauvages au moins deux fois par semaine en saison (Ogle et Grivetti, 1985). Le tableau 56 donne la composition nutritionnelle dun choix de légumes à feuilles vertes de lAfrique orientale.
Il faut augmenter la production, mais il est également nécessaire dapporter des améliorations à la conservation, à la transformation, à la distribution et à la commercialisation des aliments riches en micronutriments dans le but de réduire le gaspillage, les pertes après la récolte et les pénuries saisonnières. La commercialisation des aliments périssables doit retenir particulièrement lattention. Il est inévitable que, une fois récoltés, les légumes et les fruits perdent une partie de leur contenu vitaminique, surtout sils sont directement exposés à la lumière solaire pour de longues périodes. Lors de la cueillette des feuilles vertes des légumineuses et des espèces à tubercules, il faut éviter de réduire à lexcès la capacité de photosynthèse de la plante. Beaucoup dagriculteurs appliquent à la cueillette des feuilles des méthodes bien rodées qui leur permettent de réduire au minimum le risque de voir baisser le rendement de la plante.
TABLEAU 56 |
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Composition nutritionnelle de quelques légumes à feuilles vertes dAfrique orientale |
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Légume |
Energie |
Protéines |
Graisses |
Calcium |
Fer |
ß-carotènea |
Vitamine C |
(kcal) |
(g) |
(g) |
(mg) |
(mg) |
(µg) |
(mg) |
|
Amarante (feuilles crues) |
45 |
4,6 |
0,2 |
410 |
8,9 |
2 300 |
50 |
Manioc (feuilles crues) |
90 |
7,0 |
1,0 |
300 |
7,6 |
3 000 |
310 |
Dolique (feuilles crues) |
45 |
4,7 |
0,3 |
255 |
5,7 |
700 |
56 |
Citrouille (feuilles crues) |
25 |
4,0 |
0,2 |
475 |
0,8 |
1 000 |
80 |
Patate douce (feuilles crues) |
49 |
4,6 |
0,2 |
160 |
6,2 |
2 620 |
70 |
a 6 µg de bêta-carotène = 1 équivalent de rétinol (ER).
Source: West, Pepping et Temalilwa, 1988.
En règle générale, les méthodes traditionnelles de transformation, de conservation et de stockage des légumes entraînent des pertes sensibles de nutriments. De grandes quantités daliments sont gâchées faute de techniques villageoises de conservation appropriées. Pourtant, les fruits conservés et transformés avec soin, en particulier les mangues, gardent intacte une bonne part de leur activité vitaminique. Une étude au Sénégal a montré que les mangues séchées au soleil peuvent constituer une source excellente de bêta-carotène et de vitamine C, en même temps quune assez bonne source de fer (Rankins, Hopkinson et Diop, 1989). La rétention du bêta-carotène après séchage solaire, sur séchoir économique spécialement conçu, sest avérée bien supérieure à la rétention que permettent les méthodes traditionnelles de séchage (voir lencadré 24 au chapitre 5). Il est facile dadapter les méthodes de séchage solaire au niveau de développement du milieu. Le séchage solaire ouvre de réelles possibilités, tant pour améliorer la nutrition familiale, surtout lors des pénuries saisonnières de fruits et de légumes, que pour augmenter le revenu familial car les fruits séchés peuvent atteindre de bons prix de vente sur les marchés.
Léducation nutritionnelle est une activité complémentaire dune importance décisive pour assurer lefficacité de lapproche alimentaire. Le consommateur doit comprendre quil lui faut adopter certains principes sil veut acquérir une bonne santé et la conserver, par exemple manger des aliments variés, préparer et consommer des aliments conformes à ses besoins nutritionnels, veiller à linnocuité et à lhygiène des aliments quil prépare, se maintenir en forme et actif. Ces messages de base font partie des conseils que la FAO a rassemblés dans sa publication Profitons au mieux de notre nourriture, destinée à linformation et léducation nutritionnelles du grand public (FAO, 1997a). Cet ensemble de conseils tient compte du fait que les traditions culinaires et les habitudes alimentaires varient dun endroit à lautre, sans que cela empêche les systèmes alimentaires locaux dêtre pratiquement tous en mesure de fournir les aliments nécessaires pour prévenir les carences en micronutriments. Lencadré 69 donne une liste détaillée des approches et des activités alimentaires qui peuvent être mises en oeuvre pour augmenter la disponibilité et la consommation daliments riches en micronutriments. Le chapitre 9 fournit dautres précisions sur léducation nutritionnelle.
Lenrichissement des aliments
Lenrichissement des aliments consiste à ajouter des nutriments essentiels aux produits alimentaires. Il représente un élément de lapproche alimentaire visant à prévenir et à traiter les carences en micronutriments. Lenrichissement nest pas une solution applicable à toutes les situations; il doit donc, dans la plupart des cas, être combiné à dautres techniques pour donner les meilleurs résultats. Lenrichissement savère particulièrement utile et approprié dans les cas où les carences ne peuvent pas être corrigées par la production ou lachat daliments frais et très nutritifs, par exemple les fruits, les légumes, la viande et le poisson, ou bien dans les situations durgence. Lenrichissement est une des mesures qui influencent la qualité des aliments, à côté des pratiques agricoles améliorées, des méthodes de transformation et de stockage appropriées et de léducation du consommateur.
Divers produits alimentaires, comme les produits céréaliers, le riz, le sel, le sucre, le lait, lhuile et les condiments, ont été identifiés comme supports denrichissement. Dans les pays industrialisés, une grande variété daliments sont enrichis avec différents nutriments tels que la vitamine A, les vitamines du complexe B, le fer et liode. Liodisation du sel a eu beaucoup de succès pendant plusieurs dizaines dannées, tant dans les pays développés que dans les pays en développement. Lhuile de cuisine est un candidat évident pour lenrichissement, mais, comme indiqué au chapitre 7, la présence dhuiles et de graisses est ordinairement faible dans lalimentation africaine, surtout chez les consommateurs pauvres car ces produits sont chers. Lenrichissement du sucre en vitamine A a été réalisé avec succès au Guatemala où, après quelques années dinterruption, il a été repris. En République-Unie de Tanzanie, des tentatives sont en cours pour enrichir le thé en vitamine A. Le Programme alimentaire mondial (PAM), lUnion européenne (UE), lAgence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) et dautres agences nationales et internationales engagées dans laide humanitaire distribuent des aliments enrichis de divers nutriments. Il sagit principalement de lait écrémé en poudre enrichi en vitamine A et de divers mélanges, tels que le CSM (maïs/soja/ lait), destinés à une distribution ciblée sur les enfants et les femmes enceintes ou allaitantes.
Lenrichissement noblige ordinairement pas le consommateur à modifier ses habitudes alimentaires. Bien quil sagisse dune stratégie soutenable pendant de longues périodes, et souvent considérée comme une approche performante par rapport à son coût dans la lutte contre les carences en micronutriments (Banque mondiale, 1994), il convient de ladopter avec précaution car, dans le passé, le maintien des programmes denrichissement dans les pays en développement a souvent entraîné les gouvernements donateurs dans un effort financier à long terme.
ENCADRÉ 69 |
La liste ci-après énumère les approches et les activités alimentaires qui peuvent aider à combattre les carences en micronutriments. Les activités devront être choisies en fonction des caractéristiques géographiques, démographiques ou socio-économiques de la région. La participation active de la communauté dans lélaboration et la mise en route des programmes est la condition essentielle de leur succès et de leur durabilité. Agriculture
Education et formation
Marketing
Recherche
Industrie alimentaire, commerce et négoce
Considérations spéciales
|
Source: FAO/ILSI, 1997. |
Il nest pas simple dassurer la bonne marche et la viabilité dun programme denrichissement. Un programme de ce type ne fonctionne correctement que sil reflète des décisions bien fondées concernant divers aspects: choix du support denrichissement parmi les aliments consommés en quantités suffisantes par le public le plus large; nutriment que lon veut ajouter; procédé denrichissement, par exemple mélange, revêtement, infusion ou extrusion; taux de lenrichissement. Il importe également que laliment retenu comme support soit consommé en quantités assez constantes toute lannée par la population visée et que la densité de lenrichissement naffecte pas les qualités organoleptiques de laliment. Dans certains pays, il pourra savérer difficile, sinon impossible, didentifier un produit alimentaire qui convienne comme support denrichissement, spécialement dans les pays les moins industrialisés dAfrique, où seul le sel se prête à la distribution généralisée. Il faut considérer soigneusement la question du prix et de la commercialisation des aliments enrichis, car les groupes les plus pauvres et les plus exposés de la population doivent pouvoir se les procurer. Lencadré 70 donne une liste des étapes clés de la planification dun programme denrichissement.
Tout programme denrichissement doit comporter un contrôle attentif des effets quont sur la santé les fortifiants quun individu peut être amené à consommer. Dans de nombreux pays en développement, on fournit à certaines populations à risque, à savoir les enfants en bas âge et les femmes enceintes, des micronutriments sous forme de pilules ou de capsules, en diverses circonstances et dans le cadre de différents programmes. Il faut avoir la certitude que lapport cumulé ne dépasse pas le niveau de sécurité et ne cause pas dintoxication. En outre, il convient quelquefois de renforcer les programmes denrichissement par une éducation nutritionnelle pour faire barrière au risque de surconsommation de laliment de support. Tel est particulièrement le cas du sel et du sucre, dont la surconsommation peut contribuer à provoquer ou à aggraver certaines maladies non transmissibles liées à lalimentation dans les groupes à risque, telles les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires, dhypertension ou de diabète.
ENCADRÉ 70 |
La planification dun programme denrichissement des aliments comprend les étapes suivantes:
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Source: Lofti et al., 1996. |
Pour garantir le bon fonctionnement et la durabilité dun programme denrichissement, protéger la santé des consommateurs et garantir la qualité des aliments enrichis, il faut absolument établir un système de surveillance de lalimentation des consommateurs. Il faut aussi mettre en place un système de contrôle de la qualité des aliments, chargé dinspecter et danalyser officiellement les aliments enrichis et de vérifier leur conformité avec les normes nationales de qualité et dinnocuité. Tant que les systèmes de surveillance alimentaire et de contrôle de qualité ne fonctionnent pas, il est pour ainsi dire impossible de gérer correctement un programme national denrichissement en micronutriments.
Le renforcement des systèmes de santé et la supplémentation médicinale
Les mesures prises pour renforcer lefficacité et la couverture des systèmes de santé doivent normalement exercer un effet positif sur les carences en micronutriments, grâce à lamélioration générale de la santé et de lhygiène, à la prise en charge précoce des maladies et à la surveillance de la croissance et du développement. Un bon système de santé forme son personnel à la promotion des soins de santé préventifs, à la détection et au traitement des carences nutritionnelles, à la gestion efficace des produits pharmaceutiques et - plus important encore - au contact des groupes les plus vulnérables sur le plan économique. Pour faire face aux situations nutritionnelles sévèrement compromises, les agents de santé doivent être en mesure de diagnostiquer les carences, de fournir les remèdes et les matériels de soins et dinformation qui conviennent, et de référer à des services spécialisés les cas rebelles ou trop sévères.
Bien que lavitaminose A puisse être traitée par des capsules de vitamine A à forte dose, il faut considérer cette stratégie comme une intervention thérapeutique ou durgence réservée aux groupes à risque des zones affectées davitaminose
A endémique. Les hôpitaux et les dispensaires de ces zones peuvent fournir des suppléments de vitamine A à tous les enfants atteints de diarrhée, de malnutrition ou de rougeole. Conformément aux directives de lOMS, on peut également donner de la vitamine A immédiatement après laccouchement aux mères dénutries, à la fois pour leur propre santé et pour que leur lait soit, en toute certitude, suffisamment vitaminé (OMS/UNICEF/IVACG Groupe consultatif, 1997).
Il nest pas recommandé dorganiser de grands programmes de supplémentation par la vitamine A à forte dose pour prévenir lavitaminose A. Ces programmes ont tendance à coûter cher, à durer peu, à entretenir une dépendance à légard des donateurs et à détourner le soutien politique et gouvernemental des approches alimentaires, qui sont pourtant plus viables. Lemploi de fortes doses de vitamine A peut également entraîner de sérieuses complications de santé, depuis les malformations congénitales des nouveau-nés, si les femmes ont été traitées pendant leur grossesse ou peu avant, jusquà lintoxication des nourrissons - et peut-être le ralentissement de leur développement cérébral -, si le traitement leur est administré dans le tout premier âge (de Francisco et al., 1993).
Le coût réel des programmes de supplémentation dépasse de beaucoup le coût du seul supplément, estimé inférieur à 0,02 dollar des Etats-Unis par personne à la sortie dusine. Toutefois, peu détudes encore ont évalué le coût de la distribution des capsules dans les régions reculées où se trouve en général la population la plus exposée. Une évaluation de 1989 a montré quun programme de supplémentation à grande échelle initié au Bangladesh en 1973 comme mesure intérimaire de prévention et de contrôle de lavitaminose A na pas réussi à réduire les dimensions du problème (Greiner, 1992), et les taux davitaminose A sont encore très élevés dans ce pays. De nombreux autres pays dAsie et dAfrique ont tenté le même genre dexpérience que le Bangladesh et se sont heurtés aux mêmes problèmes. La couverture était souvent très large au début du programme, atteignant jusquà 75 pour cent de la population-cible, mais cette proportion diminuait considérablement après deux ou trois années dopération et finissait par ne plus dépasser 30 à 40 pour cent de la population cible. Ce déclin nest pas surprenant, surtout si lon considère que les grands programmes sont souvent subventionnés avec largesse au début par les donateurs ou les gouvernements, qui offrent gratuitement les capsules et fournissent un appui logistique sous forme de véhicules, de carburant et dindemnités pour le personnel. Une fois que cet appui diminue ou disparaît, les pays en développement se retrouvent souvent dépourvus des ressources et de linfrastructure nécessaires pour prolonger ces programmes à moyen ou long terme jusque dans les zones les plus reculées.
En privilégiant les stratégies basées sur la supplémentation médicinale, les donateurs ont souvent fourni aux techniciens et aux décideurs politiques une indication trompeuse concernant limportance cruciale des actions centrées sur laliment, prolongeant ainsi le retard des gouvernements à se réorienter vers les solutions alimentaires. A la longue, cela peut faire du tort.
Il importe désormais de mettre laccent sur les activités alimentaires, à savoir la production et la consommation daliments riches en micronutriments et lenrichissement des aliments, spécialement en fer et en iode. Les tableaux 57 et 58 résument les principaux types de stratégies de lutte contre les trois carences en micronutriments analysées dans ce chapitre, les interventions possibles et les aliments concernés par la diversification et lenrichissement.
Lapplication des connaissances actuelles couplée à la mobilisation dun volume suffisant de ressources permettrait déliminer presque totalement les principales maladies de carence en micronutriments, notamment lanémie ferriprive, le goitre endémique et la xérophtalmie. Il faut que lon sattaque également à la malnutrition énergétique et protéique, qui va souvent de pair avec les carences en micronutriments. Outre la mise en oeuvre de projets spécifiques de lutte préventive et curative contre les carences en micronutriments, il est nécessaire dentreprendre de vastes programmes de sécurité alimentaire et de promouvoir le développement agricole - pêches, forêts et industries agro-alimentaires comprises - afin daméliorer lensemble des ressources alimentaires et laccès de tous à la nourriture par le biais de laugmentation du revenu et de la multiplication des emplois. La prévalence des quatre principaux types de malnutrition pourrait fortement diminuer si lon accordait plus dattention, à léchelon politique, à la demande du consommateur ainsi quaux aspects de sécurité alimentaire des politiques et des programmes de recherche et dinvestissement agricoles.
TABLEAU 57 |
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Les principales stratégies pour combattre les carences en micronutriments |
||||
Carence |
Diversification de lalimentation |
Enrichissement |
Supplémentation |
Mesures de santé publique |
Carence en iode |
Promotion de la consommation daliments riches en iode |
Production, distribution et consommation daliments enrichis Contrôle de la qualité des aliments, législation et mise en application des lois et des règlements |
Distribution de suppléments alimentaires aux groupes de populations visés (par exemple aux réfugiés) |
Amélioration des soins de santé primaires Amélioration du traitement des aliments goitrigènes |
Carence en Vitamine A |
Promotion de la production et de la consommation daliments riches en vitamine A Education nutritionnelle Amélioration du système de distribution Amélioration de la conservation et du traitement |
Production, distribution et consommation daliments enrichis Contrôle de la qualité des aliments, législation et mise en application des lois et des règlements |
Distribution de suppléments alimentaires aux groupes de populations visés(par exemple aux réfugiés) |
Amélioration des soins de santé primaires Prévention des infections: - hygiène de lenvironnement - vaccination - thérapie de réhydratation orale - mesures anti-parasitaires |
Anémie |
Promotion de la production et de la consommation daliments riches en vitamine A Education nutritionnelle Amélioration du système de distribution Amélioration de la conservation et du traitement |
Production, distribution et consommation daliments enrichis Contrôle de la qualité des aliments, législation et mise en application des lois et des règlements |
Fourniture de suppléments alimentaires aux groupes de populations visés(par exemple aux réfugiés) |
Amélioration des soins de santé primaires Prévention des infections: - hygiène de lenvironnement - vaccination - thérapie de réhydratation orale - mesures anti-parasitaires(notamment contre ankylostomes et paludisme) |
Source: Daprès FAO/OMS, 1992e.
TABLEAU 58 |
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Les principaux types dinterventions contre les carences en micronutriments |
|||
Carence |
Diversification de lalimentation |
Enrichissement |
Supplémentation |
Carence en iode |
Aliments dorigine marine |
Sel |
Huile iodée |
Carence en vitamine A |
Légumes à feuilles vertes |
Sucre |
Capsule (dhuile) à faible ou à forte dose |
Anémie |
Légumes à feuilles vertes |
Sel |
Fer par voie parentérale |
Source: FAO/OMS, 1992e.