Les systèmes agroalimentaires sont de grands pourvoyeurs d’emplois pour les femmes dans le monde et constituent une source de moyens de subsistance plus importante pour les femmes que pour les hommes dans de nombreux pays. Ainsi, les efforts visant à autonomiser les femmes et à réduire le fossé qui les sépare des hommes au sein de ces systèmes permettent d’améliorer le bien-être des femmes et de leurs ménages, de faire reculer la faim, d’accroître les revenus et de renforcer la résilience. Le présent rapport dresse un panorama complet de la situation des femmes dans les systèmes agroalimentaires. Il analyse les nombreuses sources d’inégalités qui les empêchent de jouer un rôle actif dans ces systèmes et qui restreignent leur bien-être et leur émancipation, décrit les politiques et les approches qui ont fait avancer l’égalité femmes-hommes et l’autonomisation des femmes, et explique en détail dans quelle mesure la participation des femmes aux systèmes agroalimentaires dans des conditions d’égalité avec les hommes peut influer de manière décisive sur les résultats aux niveaux individuel et mondial.
Malgré l’importance que revêtent les systèmes agroalimentaires pour leur subsistance et les conditions de vie de leurs familles, les femmes y occupent en général une place marginale et doivent composer avec des conditions de travail souvent plus difficiles que celles des hommes, dans la mesure où elles sont cantonnées à des emplois occasionnels ou à temps partiel, informels, peu qualifiés, à forte intensité de main-d’œuvre et par conséquent précaires. Les femmes doivent également assumer une plus grande part des soins non rémunérés, ce qui limite leurs perspectives de formation et d’emploi. Ce constat vaut aussi bien pour les femmes qui travaillent dans le secteur de la production agricole primaire, leurs salaires et leur niveau de productivité étant systématiquement inférieurs à ceux des hommes, que pour les femmes qui travaillent dans les segments non agricoles des systèmes agroalimentaires, où elles se voient confier le plus souvent des emplois moins rémunérateurs. Les femmes ne sont pas systématiquement exclues des filières lucratives tournées vers l’exportation ni de l’entrepreneuriat dans les systèmes agroalimentaires, mais leur participation est généralement entravée par des normes sociales discriminatoires et par des obstacles qui limitent leur accès aux connaissances, aux biens de production, aux ressources et aux réseaux sociaux.
En ce qui concerne l’accès à la terre, aux intrants, aux services, aux financements et aux technologies numériques – qui est indispensable pour travailler dans les systèmes agroalimentaires –, les femmes continuent d’accuser du retard par rapport aux hommes. Dans nombre de pays, il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à une situation où les femmes seraient aussi nombreuses que les hommes à posséder des terres et où leurs droits seraient protégés par des cadres juridiques. Il est alarmant de voir à quel point les disparités entre femmes et hommes sur les plans de l’accès aux services de vulgarisation et à l’irrigation et de la possession de bétail ont peu reculé au cours de la dernière décennie, même si la diminution des inégalités dans l’accès aux services financiers, à l’internet mobile et aux téléphones portables est encourageante.
Les normes sociales et les règles qui sont discriminatoires à l’égard des femmes et des filles sont au cœur des inégalités fondées sur le genre et n’évoluent pas rapidement. Les perceptions concernant le travail féminin en dehors du foyer et l’acceptabilité de la violence contre les femmes de même que d’autres normes pesant sur les moyens de subsistance des femmes dans les systèmes agroalimentaires demeurent dangereusement restrictives dans une grande partie du monde. De plus en plus, les contraintes et les inégalités auxquelles les femmes sont confrontées sont prises en compte dans les politiques et stratégies officielles, mais peu de politiques nationales établissent des objectifs précis pour remédier à ces problèmes. Et cela malgré les éléments qui montrent qu’une approche plus large de l’autonomisation des femmes – visant à réduire les obstacles et à faire évoluer les normes et les règles qui entravent leur participation – s’avère extrêmement bénéfique pour le bien-être des femmes et pour la société dans son ensemble. Une telle approche a également d’autres retombées positives importantes sur les moyens de subsistance, les revenus, la santé et la nutrition des femmes ainsi que sur la santé et la nutrition de leurs enfants.
Les mécanismes d’adaptation et la résilience face aux chocs et aux facteurs de stress sont influencés par les inégalités fondées sur le genre, et les chocs et autres crises pèsent plus lourdement sur les moyens de subsistance des femmes dans les systèmes agroalimentaires que sur ceux des hommes. Pendant la pandémie de covid-19, l’insécurité alimentaire des femmes s’est aggravée plus vite que celle des hommes, tandis que les pertes d’emplois dans le secteur agricole primaire comme dans les segments non agricoles des systèmes agroalimentaires ont été beaucoup plus marquées pour les femmes que pour les hommes. Les femmes ont été contraintes de puiser plus rapidement que les hommes dans leurs avoirs et leurs économies pourtant plus limités. Du fait qu’elles possèdent moins de ressources et de biens que les hommes, les femmes disposent aussi d’une capacité d’adaptation et de résilience moindre lors de chocs climatiques.
Ces obstacles qui limitent l’accès des femmes au plein emploi dans les systèmes agroalimentaires, sur un pied d’égalité avec les hommes, freinent la productivité des travailleuses et entretiennent les écarts de rémunération. Combler l’écart de productivité agricole et l’écart salarial dans les systèmes agroalimentaires entre les femmes et les hommes permettrait d’augmenter le PIB mondial de 1 pour cent (soit près de 1 000 milliards d’USD). Ces gains se traduiraient, à l’échelle mondiale, par un recul de l’ordre de 2 points de pourcentage de l’insécurité alimentaire, soit une diminution de 45 millions du nombre de personnes touchées par ce fléau.
L’autonomisation des femmes est aussi un facteur déterminant pour les résultats économiques et sociaux. Les projets qui visent spécifiquement à autonomiser les femmes ont des retombées plus importantes que les projets dans lesquels on se contente d’intégrer les problématiques liées au genre. Plus de la moitié des programmes d’aide bilatérale consacrés à l’agriculture et au développement rural intègrent déjà ces questions, mais seuls 8,5 pour cent en font un objectif fondamental. Par conséquent, si la moitié des petits producteurs bénéficiaient d’interventions de développement qui étaient axées en priorité sur l’autonomisation des femmes, cela permettrait d’accroître de manière notable les revenus de 58 millions de personnes supplémentaires et de renforcer la résilience de 235 millions de personnes supplémentaires.
Les systèmes agroalimentaires sont de grands pourvoyeurs d’emplois pour les femmes. En 2019, 36 pour cent des femmes et 38 pour cent des hommes au sein de la population active travaillaient dans les systèmes agroalimentaires. Pour les premières comme pour les seconds, il s’agit d’un recul de 10 points de pourcentage environ depuis 2005, qui s’explique presque exclusivement par une baisse de l’emploi dans le secteur de la production agricole primaire.
Les systèmes agroalimentaires constituent une source de moyens de subsistance plus importante pour les femmes que pour les hommes dans de nombreux pays. En Afrique subsaharienne, 66 pour cent des emplois occupés par des femmes le sont dans les systèmes agroalimentaires, contre 60 pour cent de ceux occupés par des hommes. En Asie du Sud, les femmes travaillent en grande majorité dans les systèmes agroalimentaires (71 pour cent des femmes contre 47 pour cent des hommes), bien qu’elles soient moins nombreuses que les hommes dans la population active. Les systèmes agroalimentaires représentent une source essentielle d’emploi pour les jeunes femmes, en particulier celles âgées de 15 à 24 ans.
En général, les femmes occupent une part plus grande des emplois agricoles dans les pays moins développés sur le plan économique, dans la mesure où elles n’ont que très peu de possibilités d’exercer un emploi non agricole, et ce en raison d’un manque d’éducation, d’un accès limité aux infrastructures essentielles et aux marchés, d’une lourde charge de travail non rémunéré et de piètres perspectives d’emploi rural en dehors de l’agriculture. Les femmes représentent largement plus de 50 pour cent de la main-d’œuvre agricole dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. Et dans plusieurs pays d’Asie du Sud-Est, dont le Cambodge, la République démocratique populaire lao et le Viet Nam, la moitié environ de la main-d’œuvre employée dans le secteur agricole est féminine.
Les femmes qui travaillent dans la production agricole le font généralement dans des conditions très défavorables. Ces travailleuses se concentrent essentiellement dans les pays les plus pauvres, où il n’existe pas d’autres débouchés, et doivent maintenir leur rythme de travail dans des contextes de choc météorologique dû au changement climatique ou dans des situations de conflit. Elles ont moins de chances d’accéder à l’entrepreneuriat ou au travail agricole indépendant et sont engagées dans la production de cultures moins lucratives. Souvent, les femmes sont cantonnées au travail familial non rémunéré ou à des emplois occasionnels dans l’agriculture. Les normes sociales peuvent aussi restreindre les possibilités qu’ont les femmes de se lancer dans la production agricole et de se livrer à des activités à dominance masculine. L’écart de productivité des terres entre des exploitations de même taille, selon qu’elles sont gérées par des femmes ou par des hommes, est de 24 pour cent. En moyenne, les femmes gagnent 18,4 pour cent de moins que les hommes dans le secteur agricole salarié; autrement dit, pour chaque dollar gagné par un homme, une femme ne reçoit que 82 centimes.
Le fait de délaisser la production agricole primaire au profit d’un emploi non agricole dans les systèmes agroalimentaires a toujours permis aux femmes comme aux hommes d’améliorer leurs conditions de vie. Cependant, les rôles dévolus aux femmes dans les segments non agricoles des systèmes agroalimentaires sont plus susceptibles d’être rattachés à des chaînes de valeur et des activités moins rentables ou d’être assortis de conditions moins favorables que pour les hommes en raison de normes sociales traditionnelles restrictives ou d’un accès limité aux biens et aux ressources.
Le fardeau plus lourd porté par les femmes s’agissant de la prise en charge des soins et des travaux domestiques non rémunérés, comme le nettoyage, la cuisine et les soins prodigués aux membres du foyer, contribue aux inégalités qu’elles subissent en matière de participation au marché du travail et de débouchés professionnels. Ce constat est particulièrement évident dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Dans les zones rurales, la charge de travail non rémunéré que les femmes doivent assumer est plus importante que celle des hommes, en grande partie à cause du temps qu’elles consacrent à la collecte de l’eau. La pandémie de covid-19 a mis en évidence le fardeau disproportionné que supportent les femmes dans la prestation non rémunérée de soins aux enfants et aux autres membres de la famille, ainsi que les conséquences de cette situation sur le temps dont elles disposent et sur leurs perspectives d’emploi.
Pour ce qui est de l’accès aux biens et aux ressources qui sont indispensables dans les systèmes agroalimentaires, comme la terre, les intrants, les services, les financements et les technologies numériques, les femmes continuent d’accuser du retard par rapport aux hommes. Les écarts directement liés à la production agricole restent considérables, mais les écarts dans les domaines de l’éducation, du financement et des technologies de l’information et de la communication – secteurs qui sont particulièrement importants pour la création d’emplois et d’entreprises non agricoles dans les systèmes agroalimentaires – se comblent plus rapidement. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire pour garantir un accès fiable et durable aux biens et aux ressources.
Les femmes dans les ménages agricoles demeurent fortement désavantagées par rapport aux hommes en matière de propriété foncière; dans la moitié des pays qui communiquent des données sur l’indicateur 5.a.2 des ODD, les droits fonciers des femmes font l’objet d’une protection juridique insuffisante. La part des hommes qui détiennent des droits de propriété ou des droits garantis sur des terres agricoles est deux fois plus élevée que celle des femmes dans plus de 40 pour cent des pays qui présentent des rapports sur la propriété foncière des femmes (indicateur 5.a.1 des ODD), et une proportion plus grande d’hommes que de femmes jouissent de tels droits dans 40 des 46 pays en question. Malgré tout, la proportion de femmes parmi les propriétaires fonciers a progressé dans 10 pays sur 18 au cours des dix dernières années, des avancées substantielles ayant été observées dans plusieurs pays en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud.
La réduction des disparités entre les femmes et les hommes au regard de l’accès à l’irrigation et de la possession de bétail progresse lentement. En moyenne, les hommes possèdent plus de bétail que les femmes et sont plus susceptibles que ces dernières de posséder du gros bétail, comme des bovins. Ces disparités ont peu évolué dans la dernière décennie, bien que les inégalités en ce qui concerne la propriété d’espèces plus petites (ovins et volailles, par exemple) aient tendance à s’amoindrir.
Les agricultrices ont encore beaucoup moins accès que les hommes aux intrants, notamment aux semences améliorées, aux engrais et aux machines agricoles. On notera cependant, avec un certain optimisme, que l’écart entre les femmes et les hommes dans l’accès à l’internet mobile dans les pays à revenu faible ou intermédiaire a reculé, passant de 25 pour cent en 2017 à 16 pour cent en 2021, et que l’écart dans l’accès aux comptes bancaires s’est aussi réduit puisqu’il n’est plus que de 6 points de pourcentage, contre 9 auparavant. Les femmes sont aussi susceptibles que les hommes d’adopter de nouvelles technologies lorsque les facteurs favorables nécessaires sont mis en place et qu’elles disposent d’un accès égal aux ressources complémentaires.
Les normes sociales discriminatoires dans les systèmes agroalimentaires créent des déséquilibres dans les rapports de force entre hommes et femmes et limitent les choix disponibles pour ces dernières, qui consacrent généralement une plus grande partie de leur temps aux soins et aux tâches domestiques non rémunérés. Ces normes restreignent généralement la mobilité des femmes ainsi que les possibilités qui s’offrent à elles de travailler en dehors du foyer et de se livrer à des activités commerciales, et limitent leur accès aux biens et aux revenus et le contrôle qu’elles peuvent exercer sur ceux-ci. La discrimination à l’égard des femmes dans les institutions sociales varie d’une région et d’un pays à l’autre, mais son ampleur reste inacceptable à l’échelle mondiale. Cette situation a pour effet de freiner le plein emploi productif des femmes dans les systèmes agroalimentaires (en tant qu’acheteuses, employeuses ou employées) et d’amoindrir leur capacité à accéder aux services, aux technologies et aux organisations rurales et à en tirer parti.
La promotion de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes est essentielle pour le bien-être des femmes et pour la société dans son ensemble, et présente par conséquent un intérêt en soi. Les vastes progrès accomplis dans l’évaluation de l’autonomisation des femmes au cours des dix années qui viennent de s’écouler montrent que le renforcement du pouvoir d’action des femmes dans les systèmes agroalimentaires a une incidence positive sur la production agricole, la sécurité alimentaire et la qualité de l’alimentation ainsi que sur la nutrition des enfants.
Œuvrer en faveur de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes suppose de s’attaquer aux contraintes imposées par les normes sociales et à la répartition rigide des rôles fondée sur le genre qui conditionnent la participation des femmes dans les systèmes agroalimentaires. On accorde une attention croissante à l’élimination des contraintes créées par les normes sociales discriminatoires et par les politiques et lois ne tenant pas compte de la dimension de genre dans les systèmes agroalimentaires. Les projets visent de plus en plus à accroître l’autonomisation des femmes et à mesurer les effets des interventions sur le pouvoir d’action et l’émancipation des femmes. Pour avancer efficacement dans cette voie, il faut amener les hommes, les garçons et les dirigeants communautaires à prendre part aux processus porteurs de transformation en matière de genre.
Au cours de la dernière décennie, les questions de genre ont pris une place plus importante dans les cadres d’action nationaux. Dans les politiques et budgets nationaux en Afrique de l’Est et en Amérique latine, par exemple, on met de plus en plus en évidence les écarts structurels qui existent en matière d’accès à la terre, aux intrants, aux services, aux financements et aux technologies numériques et on prévoit des mesures pour produire des résultats intégrant les enjeux liés à l’égalité des genres. Toutefois, les politiques agricoles ne traitent pas toutes de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes de la même manière. S’il est vrai que 75 pour cent des politiques agricoles que la FAO a analysées prennent en considération les rôles joués et/ou les difficultés rencontrées par les femmes dans l’agriculture, seulement 19 pour cent d’entre elles définissent l’égalité des genres dans l’agriculture ou les droits des femmes comme des objectifs explicites. Et 13 pour cent seulement encouragent la participation des femmes rurales au cycle d’élaboration des politiques.
Les mécanismes d’adaptation et la résilience face aux chocs et aux facteurs de stress sont influencés par les inégalités fondées sur le genre. Les chocs et les crises affaiblissent grandement les moyens de subsistance des femmes dans les systèmes agroalimentaires, d’autant que ces événements se multiplient et surviennent souvent simultanément. Dans de nombreux pays, ces chocs et ces crises se produisent dans des contextes où les inégalités entre les femmes et les hommes sont très marquées.
Les effets de la pandémie de covid-19 et de la crise économique qui en a suivi ont été influencés et intensifiés par les inégalités qui existent entre les femmes et les hommes en termes de moyens de subsistance au sein des systèmes agroalimentaires. À l’échelle mondiale, 22 pour cent des femmes ont perdu leur emploi dans le segment non agricole des systèmes agroalimentaires durant la première année de la pandémie, contre seulement 2 pour cent des hommes. L’écart entre les femmes et les hommes sur le plan de l’insécurité alimentaire s’est creusé, passant de 1,7 point de pourcentage en 2019 à 4,3 points de pourcentage en 2021. Les femmes ont également vu leur fardeau s’alourdir dans le domaine des soins à prodiguer à la famille: au Honduras et en Ouganda, par exemple, les mesures de confinement ont eu des répercussions plus importantes pour les filles que pour les garçons en ce qui concerne l’augmentation des tâches domestiques et de soins et la diminution de la fréquentation scolaire. Le nombre de cas et les niveaux perçus de violence fondée sur le genre ont augmenté considérablement, en particulier pour ce qui est de la violence domestique et de la maltraitance des femmes et des filles, et ce en grande partie à cause des tensions causées au sein des ménages par les confinements, les fermetures d’écoles et l’insécurité alimentaire et financière.
Les femmes sont souvent plus vulnérables aux chocs climatiques et aux catastrophes naturelles que les hommes et disposent de capacités de résilience différentes. Si les femmes ne sont pas foncièrement plus exposées au changement climatique et aux chocs, le manque de ressources et les autres contraintes auxquelles elles sont confrontées peuvent les rendre plus sensibles aux effets de ces phénomènes et moins aptes à s’y adapter, ce qui renforce leur vulnérabilité. Par exemple, la charge de travail des femmes, y compris les heures travaillées dans le secteur agricole, tend à diminuer dans une moindre mesure que celle des hommes lors de chocs climatiques, comme en période de stress thermique. Les normes discriminatoires liées au genre, qui restreignent la mobilité des femmes et leur accès aux services de vulgarisation et à l’information sur le climat, constituent des obstacles supplémentaires à l’adaptation au changement climatique. Les femmes sont par ailleurs souvent sous-représentées dans les processus décisionnels concernant les politiques climatiques, et ce à tous les niveaux.
Les conflits et l’insécurité restent des moteurs déterminants des crises et de l’insécurité alimentaires. Les femmes sont souvent plus exposées que les hommes à l’insécurité alimentaire aiguë du fait qu’elles sont confrontées à des risques, des obstacles et des handicaps supplémentaires. Les conflits violents ont également des incidences différentes pour les hommes et pour les femmes en ce qui concerne la mobilité, la violence fondée sur le genre, les résultats en matière de santé et d’éducation, et l’engagement politique et civique. En contexte de conflit, l’emploi dans l’agriculture progresse davantage pour les femmes que pour les hommes; cependant, si le temps de travail diminue aussi bien chez les hommes que chez les femmes, il diminue dans une moindre proportion chez ces dernières.
Réduire les inégalités qui existent entre les femmes et les hommes dans les systèmes agroalimentaires au regard des moyens de subsistance, de l’accès aux ressources et de la résilience est une stratégie de première importance pour promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes ainsi que la transition vers des systèmes agroalimentaires plus équitables et plus durables. De tels progrès sont possibles lorsqu’un environnement favorable existe et que les interventions mises en place sont bien conçues et permettent de remédier aux problèmes multidimensionnels et interdépendants auxquels les femmes et les hommes sont confrontés.
Les approches porteuses de transformation en matière de genre constituent un moyen prometteur pour faire évoluer les normes discriminatoires dans un large éventail de domaines. Les données dont on dispose montrent que ces approches offrent un bon rapport coût-efficacité et ont des retombées positives importantes. Des efforts supplémentaires sont cependant nécessaires pour élaborer des solutions qui permettront de déployer ces approches à plus grande échelle.
Il est également primordial d’améliorer la productivité et de réduire les disparités dans l’accès aux biens et aux ressources. Les interventions visant à accroître la productivité des femmes s’avèrent particulièrement efficaces lorsqu’elles permettent de remédier au problème des soins et des travaux domestiques non rémunérés, d’élargir les capacités des femmes par l’éducation et la formation, d’améliorer l’accès aux technologies et aux ressources et de renforcer la sécurité foncière. L’accès à des services de garde d’enfants a un effet positif important sur l’emploi des mères dans les systèmes agroalimentaires et sur leur retour au travail dans ce secteur d’activité.
Combler les écarts entre les femmes et les hommes en ce qui concerne la propriété foncière et la sécurité des droits fonciers est particulièrement important, car l’existence de droits fonciers sûrs a de multiples effets positifs. Il est possible d’y parvenir en combinant plusieurs mesures ayant pour objet de réformer le système d’enregistrement foncier, de sensibiliser à la question des droits fonciers tout en améliorant l’accès à l’assistance juridique communautaire, et d’accroître la présence des femmes dans les institutions foncières locales. Parallèlement, les services (de vulgarisation, par exemple) et les ressources (comme les technologies) doivent être pensés en tenant compte des besoins des femmes. Les outils numériques et les technologies de l’information et de la communication peuvent faciliter l’élimination des disparités dans plusieurs domaines.
Les approches de groupe jouent un rôle important dans l’autonomisation des femmes et le renforcement de leur résilience face aux chocs et aux facteurs de stress, tels que la pandémie de covid-19 et le changement climatique. Elles favorisent l’adoption des technologies et le développement des capacités d’adaptation. En outre, elles peuvent accroître la participation des femmes aux processus d’élaboration des politiques climatiques.
Les programmes de protection sociale ont permis de stimuler l’emploi des femmes et de doter ces dernières d’une plus grande capacité de résilience. Ils ont facilité l’adaptation aux effets du changement climatique, amélioré le bien-être dans des contextes où les risques liés au changement climatique sont élevés et contribué au redressement à la suite de la pandémie de covid-19 et d’événements météorologiques extrêmes résultant du changement climatique.
À l’avenir, il faudra miser sur trois éléments clés. Tout d’abord, la collecte et l’utilisation de données de qualité, ventilées selon le sexe, l’âge et d’autres facteurs de différenciation sociale et économique, ainsi que la conduite de recherches qualitatives et quantitatives rigoureuses sur les questions de genre seront d’une importance primordiale pour suivre, évaluer et accélérer les progrès en matière d’égalité des genres dans les systèmes agroalimentaires. Les dix dernières années ont certes permis des avancées, mais des lacunes importantes subsistent en ce qui concerne, d’une part, la disponibilité, l’étendue et le niveau de précision des données et, d’autre part, les éléments factuels permettant de déterminer quelles sont les approches qui fonctionnent – et dans quelles conditions – pour construire des systèmes agroalimentaires plus inclusifs.
Ensuite, les interventions mises en place au niveau local, qui s’attaquent à plusieurs inégalités et qui ont donné des résultats probants s’agissant de réduire les disparités fondées sur le genre et d’autonomiser les femmes dans les systèmes agroalimentaires, devraient être transposées à plus grande échelle de manière judicieuse. Il demeure certes essentiel d’œuvrer auprès des populations locales au moyen d’approches porteuses de transformation en matière de genre, mais il faut aussi que les pouvoirs publics, les acteurs du secteur privé, les organisations internationales et les organisations de la société civile s’efforcent de susciter des changements positifs à plus grande échelle en ce qui concerne les normes liées au genre et l’accès des femmes aux ressources, et ce en mettant en place, au niveau national, des politiques, des campagnes et des programmes intégrés de grande envergure. Ce n’est qu’en élargissant la portée de nos interventions que nous réaliserons de grandes avancées dans les conditions de vie des femmes et des gains importants en matière de croissance économique et de sécurité alimentaire.
Enfin, les interventions doivent être spécialement conçues pour éliminer les inégalités de genre et autonomiser les femmes. Les interventions ont plus de chances de combler les écarts entre les femmes et les hommes dans les systèmes agroalimentaires et d’améliorer durablement les conditions de vie des femmes lorsqu’elles intègrent des mesures explicitement axées sur l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes. Dans la mesure du possible, ces interventions devraient s’appuyer sur des approches porteuses de transformation au niveau local et national pour lutter contre les normes et les comportements discriminatoires liés au genre. C’est ainsi que l’on pourra améliorer considérablement les revenus et la résilience.
Les systèmes agroalimentaires constituent une grande source d’emploi tant pour les femmes que pour les hommes. À l’échelle mondiale, ils concentrent 36 pour cent de la population active féminine et 38 pour cent de la population active masculine.
Ces chiffres représentent, pour les femmes comme pour les hommes, un recul de 10 points de pourcentage environ depuis 2005, qui s’explique presque exclusivement par une baisse de l’emploi dans le secteur de la production agricole primaire.
Accroître l’autonomisation des femmes est essentiel pour leur bien-être et a un effet positif sur la production agricole, la sécurité alimentaire, l’alimentation et la nutrition infantile.