Hakan Romantschuk
Hakan Romantschuk, ingénieur chimiste, est directeur du plan de l'usine de produits chimiques Oy Tampella Ab à Tampere, Finlande.
La liqueur résiduaire provenant des usines de pâte au sulfite peut être maintenant transformée en un produit fourrager à base de protéines unicellulaires. L'auteur, étroitement associé à l'élaboration du procédé en Finlande, décrit en quoi il consiste et quels avantages il comporte.
Un procédé utilisant la liqueur résiduaire des usines de pâte au sulfite pour la fabrication d'un produit fourrager à base de protéines unicellulaires a été mis au point et commercialisé en Finlande. Dénommé procédé Pekilo d'après la désignation commerciale du produit, il peut être appliqué dans des unités de dimensions plus faibles que les usines de protéines unicellulaires utilisant les paraffines du pétrole et le méthanol. Le procédé Pekilo contribue aussi notablement à éliminer les problèmes de pollution de l'eau par les liqueurs résiduaires des pâtes au sulfite.
La première installation Pekilo à l'échelle commerciale vient d'entrer en activité à l'usine de pâte des United Paper Mills de Jämsänkoski. On espère que cette unité, dont la capacité annuelle est de dix mille tonnes, produira la protéine unicellulaire à des coûts sensiblement inférieurs à ceux des usines utilisant le pétrole d'une capacité annuelle de 100000 tonnes.
Bien que la liqueur résiduaire du procédé au sulfite soit le premier matériau employé dans la méthode Pekilo, cette technique ne se limite pas là. D'autres déchets d'hydrates de carbone, par exemple le lait de soja, ont été essayés avec succès à l'échelle du laboratoire et l'on projette de poursuivre les efforts pour élargir les possibilités d'application du procédé Pekilo dans l'avenir. L'hydrolyse des déchets agricoles pourrait être un moyen d'obtenir des matières premières pour la fermentation des hydrocarbones dans le procédé Pekilo.
Les pays qui importent de grandes quantités de protéines et cherchent des moyens d'accroître leur production nationale apprécieront l'utilité du procédé Pekilo.
La protéine unicellulaire Pekilo est dérivée principalement des xyloses. Les déchets des usines de pâte contenant des hydrocarbones sont rarement disponibles en quantités suffisantes pour assurer une production annuelle de protéine unicellulaire supérieure à 20000 tonnes. En raison de la nature de la matière première, elle peut être obtenue à un coût peu élevé - ou même gratuitement si les liqueurs résiduaires ne sont pas utilisées comme combustible. Cependant, le coût d'une unité travaillant à cette échelle ne peut pas justifier de grands investissements; c'est pourquoi en pareil cas la technologie doit rester relativement simple.
Le procédé Pekilo est fondé sur les observations d'Otto Cadd, de l'institut de recherche finlandais des pâtes et papiers, selon lesquelles certains microchampignons peuvent se développer dans des cultures submergées de liqueurs résiduaires de la fabrication au sulfite. La méthode classique utilisée pour la production de levure comme aliment du bétail à partir de liqueur résiduaire au sulfite est naturellement bien connue des fabricants de pâte, en particulier en Finlande. Cependant, les perspectives d'améliorer notablement ce procédé en utilisant un champignon ont paru des plus prometteuses étant donné la demande croissante d'aliments du bétail et le fait que la protéine unicellulaire est de mieux en mieux acceptée comme remplacement des produits fourragers classiques.
La recherche du microchampignon convenant à cet usage a démarré par le testage de plus de 300 variétés. Comme le coût de la recherche augmentait, la base de financement a été élargie; huit grandes compagnies finlandaises ont constitué un groupe dénommé SITU afin d'étendre le procédé Pekilo à l'échelle commerciale. La recherche s'est poursuivie à l'institut finlandais des pâtes et papiers.
On a finalement retenu le microchampignon Paecilomyces variotti, qui présente les caractéristiques favorables suivantes:
- Sa teneur en protéine brute est élevée, à savoir 55-60 pour cent (contre 25 à 40 pour cent, pour les microchampignons les plus communément rencontres).- Il présente un taux de croissance satisfaisant dans les conditions particulières à ce procédé.
- Il se sépare très facilement de la liqueur.
- Il ne provoque apparemment pas d'effets toxiques sur les animaux testés.
Une fois choisi le microchampignon, le procédé Pekilo fut étendu de la fermentation en laboratoire à la fermentation semi-industrielle. En opérant dans des fermenteurs de 0,45 et 1 mètre cube, on a pu établir que la fermentation pouvait être maintenue pendant des périodes de plusieurs semaines sans intervention d'organismes étrangers. A ce stade de l'élaboration du procédé Pekilo, il était important d'obtenir assez de produit pour commencer les essais d'alimentation au centre finlandais de recherche agricole, sur divers animaux, principalement des porcs, des veaux et des poulets. Ces essais prouvèrent que la protéine Pekilo pouvait remplacer partiellement la farine de soja et de poisson, ou le lait écrémé en poudre.
Dans le même temps, une étude technique préalable indiquait que le procédé Pekilo pouvait être commercialement compétitif et rentable. Se basant sur cette étude, l'une des sociétés du groupe SITU, les United Paper Mills Ltd., décida de construire une usine Pekilo d'une capacité de 10000 tonnes par an et de la rattacher à son usine de pâte de Jämsänkoski. dont la capacité de production annuelle est de 100000 tonnes de pâte au sulfite de calcium. Jusque-là, les liqueurs de cette usine étaient réduites par évaporation et servaient de combustible pour une chaudière.
COMPOSITION DE LA PROTÉINE UNICELLULAIRE PEKILO
|
|
Pourcentage d'extrait sec |
|
Protéine |
55-60 |
|
Lipides |
2-4 |
|
Acides aminés |
|
|
Thréonine |
4,6 |
|
Valine |
5,1 |
|
Cystéine |
1,1 |
|
Méthionine |
1,5 |
|
Isoleucine |
4,3 |
|
Leucine |
6,9 |
|
Tyrosine |
3,4 |
|
Phénylalanine |
3,7 |
|
Lysine |
6,4 |
|
Tryptophane |
1,2 |
|
|
mg/kg d'extrait sec |
|
Vitamines |
|
|
Thiamine |
6 |
|
Riboflavine |
66 |
|
Pyridoxine |
16 |
|
Niacine |
488 |
|
Acide panthoténique |
35 |
|
Biotine |
2 |
|
Acide folique |
12 |
Le procédé Pekilo - du début à la fin
Finalement, en 1973, un accord d'exploitation du brevet fut signé entre le groupe SITU et l'usine de produits chimiques Oy Tampella Ab, à Tampere. Cet accord concédait à Tampella l'exclusivité mondiale d'exploitation du procédé Pekilo et le droit de désigner des concessionnaires. Tampella s'engageait aussi à poursuivre la mise au point du procédé afin de le rendre plus largement applicable à l'échelle commerciale.
La méthode Pekilo est d'une remarquable simplicité: pour produire la protéine unicellulaire, on soumet d'ordinaire, avant fermentation, la solution d'hydrocarbones diluée constituant la matière première à un traitement préalable. Mais lorsqu'on utilise la liqueur résiduaire au sulfite comme source d'hydrocarbones, il suffit de la mettre en présence de vapeur dans une colonne afin d'éliminer le bioxyde de soufre. Après refroidissement, la liqueur va dans une cuve à fermentation, en mélange avec d'autres nutriments indispensables à la vie de l'organisme.
On utilise des compresseurs pour assurer un mélange énergique et un bon contact avec l'air dans la cuve à fermentation. Après 4 à 5 heures, on obtient environ 15 kilogrammes de microchampignon par mètre cube de liqueur.
Après la fermentation, l'organisme riche en protéines peut être aisément séparé de la liqueur au moyen d'un filtre à tambour. A ce stade, on peut réaliser un bon lavage du produit avec une très faible quantité d'eau. Afin de réduire le coût du séchage du produit, on a eu recours à l'essorage mécanique au moyen d'une presse à disques rotative. On a ainsi obtenu une augmentation de 30 pour cent de la quantité de solides secs avant que le produit n'arrive au séchoir.
Il est important de s'assurer que le seul organisme cultivé est bien Paecilomyces. Cela veut dire que tous les effluents introduits dans la cave à fermentation - y compris les quelques milliers de mètres cubes d'air par heure - doivent être exempts d'autres organismes capables de se reproduire à un rythme plus rapide que Paecilomyces.
L'unité de production doit fonctionner de façon continue pendant 5000 à 6000 heures, et le maintien de conditions d'asepsie sur une aussi longue période a été une préoccupation majeure pour les ingénieurs. L'expérience acquise dans l'unité pilote a été cependant encourageante. Elle a comporté une opération en continu dans un fermenteur de 15 mètres cubes pendant plus de 3000 heures sans infection. Au cours de la réalisation du projet pilote, plusieurs types de séchoirs, de presses pour l'essorage et d'autres machines ont été également essayés et sélectionnés en vue de leur utilisation dans l'usine à échelle normale.
Le Pekilo produit par le fermenteur pilote a aussi été envoyé, pour des tests d'alimentation animale, à l'institut de médecine vétérinaire de Norvège et à l'institut national de recherches en matière de laiterie du Royaume-Uni.
Avantages
Une fois surmontées les difficultés habituelles inhérentes à tout nouvel établissement industriel, et le procédé Pekilo devenu vraiment commercial, on s'attend à obtenir un produit présentant les avantages ci-après par rapport aux autres procédés de fermentation des hydrocarbones:
- Teneur en protéine de 55-60 pour cent avec une composition en acides aminés favorable.- L'opération, étant aseptique, fournit un produit final microbiologiquement bien défini.
- Le degré d'impuretés provenant de la matière première peut être maintenu très bas, grâce à la facilité du lavage dans le filtre.
