
Cette étude de cas vise à décrire et
analyser comment s'organise la distribution alimentaire à Cotonou en
fonction de la dynamique des styles alimentaires. L'hypothèse centrale de
cette étude est que l'organisation de la distribution alimentaire urbaine
ne peut être réduite à la seule fonction de rendre les
aliments accessibles dans un espace étendu et dense de population. La
structuration des circuits de distribution est en effet liée au statut
des différents produits dans la consommation et aux pratiques
alimentaires des consommateurs.
Cette étude, structurée en trois parties,
présente d'abord les principales caractéristiques des styles
alimentaires des Cotonois, présente ensuite les caractéristiques
et modes de fonctionnement des différentes structures de distribution et
analyse enfin les relations entre les styles alimentaires et l'organisation des
structures de distribution par l'identification de leur perception par les
consommateurs.
L'analyse des styles alimentaires fait apparaître
quelques caractéristiques importantes de la consommation:
- l'importance des produits vivriers locaux dans
la consommation et la faible part des produits importés;- l'importance de la consommation de produits
transformés locaux, adaptés aux modes de vie urbains;
- l'importance de la consommation hors du domicile qui
concerne aussi bien certains repas pris dans les petits restaurants que le
grignotage entre repas dans la rue;
- le rôle croissant de la femme dans la contribution au
budget alimentaire;
- la répartition à part égale dans les
approvisionnements entre les achats en demi-gros destinés au stockage
à domicile et les achats au détail ou
micro-détail;
- la part non négligeable des approvisionnements non
marchands, par le biais des relations intra-familiales entre ville et campagne
et par les pratiques de redistribution à l'intérieur de la
ville;
- l'importance des achats réalisés hors des
marchés, notamment dans la rue ou auprès de vendeuses ambulantes
ou à domicile;
- la faible importance des achats en boutiques ou
magasins.
L'analyse de la structuration des circuits de distribution
fait apparaître quelques caractéristiques
intéressantes:
- L'extension du système de distribution au fur et à mesure
de l'extension de la ville s'est faite, à Cotonou, par la création
de marchés de quartiers, relais d'un marché de gros situé
au centre de la ville: le marché Dantokpa. Parallèlement se
sont multipliées, dans les différents quartiers, les activités
de vente de rue et de vente ambulante.
- Le marché de Dantokpa est à la fois un marché de gros,
de demi-gros et de détail pour la totalité des produits alimentaires
et une grande partie des biens de consommation non alimentaires. Son rôle
n'est cependant pas uniquement commercial mais aussi social.
- Les marchés de quartier sont essentiellement des marchés
de revente au détail mais quelques uns tendent à se spécialiser
dans certains produits et assurent alors une fonction de marché de
gros complémentaire de celle du marché Dantokpa.
- La distribution hors des marchés regroupe quatre types d'activités:
la vente de rue fixe, la vente ambulante, la vente permanente à domicile
et la vente occasionnelle à domicile. Ce micro-commerce est souvent
associé à une activité de transformation des produits
ou de petite restauration.
Le fonctionnement des circuits commerciaux présente
plusieurs caractéristiques importantes:
- Les relations entre agents d'une filière ne sont pas d'ordre purement
commercial. Dans un contexte d'incertitudes et de risques, la confiance pour
réaliser les transactions s'établit notamment par le biais de
réseaux sociaux, par l'appartenance des acteurs à de mêmes
groupes lignagers, ethniques, géographiques ou religieux.
- Ce mode de relations n'est cependant pas pour autant exclusif. Les acteurs
ne sont pas uniquement reliés par des relations interpersonnelles.
Ils partagent des règles de mesure des poids et volumes communes à
de nombreux réseaux. Ils sont, dans certains cas, en véritable
situation de concurrence.
- Nombre de commerçants ne sont pas exclusivement spécialisés
sur un type de produit. Les grossistes comme les détaillantes diversifient
leurs activités pour faire face aux risques et tirer partie des décalages
de calendrier de la production agricole.
L'analyse des relations entre les styles alimentaires et la
structuration des différents circuits de distribution permet de tirer,
pour chacun d'eux, certaines conclusions:
- Le marché Dantokpa est fréquenté régulièrement
mais plus ou moins fréquemment par tous les Cotonois. Il est d'abord
perçu comme un marché offrant une diversité, une qualité
et des prix permettant des achats en demi-gros de produits destinés
à être stockés à domicile. Son rythme de fréquentation
dépend de la disponibilité monétaire des familles qui
doit être suffisante pour justifier le coût du transport entre
le domicile et le marché, de la capacité de stockage des familles
et du temps disponible.
- Les marchés de quartier sont surtout fréquentés pour
des achats d'appoint et pour des achats de produits périssables. Ils
constituent aussi un des principaux lieux d'achat des populations défavorisées
dont les revenus sont trop faibles ou trop fractionnés et qui résident
souvent trop loin du centre de la ville pour accéder régulièrement
au marché Dantokpa.
- Les vendeuses de quartier assurent à la fois une fonction de vente
au détail pour les produits d'appoint et de vente des produits transformés
pour lesquels les exigences de qualité des consommateurs sont fortes.
La confiance dans la qualité est alors assurée par des relations
de proximité non seulement géographique mais aussi sociale.
En conclusion de cette étude de cas sont
proposées des recommandations pour la conception de programmes d'actions
visant à améliorer les systèmes de distribution alimentaire
des villes. Ces programmes doivent être replacés dans le cadre des
stratégies visant à améliorer la sécurité
alimentaire des populations, notamment défavorisées, à
accompagner le rôle d'entraînement que jouent les villes sur le
développement agricole local et à favoriser la création et
la durabilité des emplois et des revenus.