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1. PLAN D'ACTION INTERNATIONAL POUR LA CONSERVATION ET LA GESTION DES REQUINS


1.1 Origine du PAI-requins
1.2 Objectif du PAI-requins
1.3 Éléments du PAI-requins

1.1 Origine du PAI-requins

L'expansion des captures de requins et ses conséquences pour certaines populations d'espèces de requins qui sillonnent plusieurs zones des océans mondiaux préoccupe de nombreux responsables. L'opinion qui prévaut actuellement est qu'il convient de réglementer les pêcheries axées sur les requins et les pêcheries dans lesquelles les requins constituent une capture accessoire non négligeable.

À l'heure actuelle, peu de pays gèrent leurs pêcheries de requins et il n'existe pas de mécanisme international qui gère efficacement la capture des requins; toutefois, depuis le lancement de la procédure d'élaboration du Plan d'action international pour la conservation et la gestion des requins (PAI-requins), quelques organes régionaux ont commencé à encourager leurs pays membres à collecter des informations sur les requins.

Fondée sur la constatation que l'expansion des captures de requins et son impact négatif potentiel sur les populations de requins engendre des préoccupations croissantes, la résolution CITES (Conf. 9.17) a demandé à l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) de réunir les informations nécessaires sur les requins pour élaborer et proposer des directives devant déboucher sur un plan d'action pour la conservation et la gestion des requins. La décision CITES 10.126 a confirmé l'action de la FAO. Par suite, le Comité des pêches de la FAO (COFI) a proposé, à sa vingt-deuxième session, en mars 1997, que la FAO organise, en se servant de fonds extrabudgétaires, une consultation d'experts chargée d'élaborer des directives qui déboucheraient sur un plan d'action. Les gouvernements du Japon et des États-Unis ont accepté de fournir la contribution extrabudgétaire nécessaire et de collaborer avec la FAO à l'organisation de cette consultation.

Le PAI-requins a ensuite été élaboré par le Groupe de travail technique sur la conservation et la gestion des requins, réuni à Tokyo du 23 au 27 avril 1998, ainsi que par la Consultation sur la gestion des capacités de pêche, l'aménagement des pêcheries de requins et la capture accessoire d'oiseaux de mer dans les pêches à la palangre, qui a eu lieu à Rome du 26 au 30 octobre 1998, et lors de sa réunion préparatoire organisée dans la même ville, du 22 au 24 juillet 1998.

Le PAI-requins comprend 31 paragraphes et 2 annexes qui ont été adoptés par les pays membres du COFI, à la réunion du 26 au 30 octobre 1998. Le COFI a ensuite fait sien le PAI-requins à sa vingt-troisième session, tenue à Rome du 15 au 19 février 1999.

1.2 Objectif du PAI-requins

Le PAI-requins a pour but d'assurer la conservation et la gestion des requins et leur utilisation durable à long terme. La réalisation de cet objectif s'appuie sur trois principes directeurs.

Participation. Les États contribuant par leurs activités de pêche à la mortalité d'une espèce ou d'un stock devraient participer à la gestion de ces derniers.

Maintien des stocks. Les stratégies de gestion et de conservation devraient viser à maintenir les taux de mortalité liés à la pêche à un niveau qui ne compromet pas la viabilité de chaque stock, en appliquant le principe de précaution.

Considérations nutritionnelles et socio-économiques. Les objectifs et stratégies de gestion et de conservation devraient tenir compte du fait que, dans certaines régions et/ou pays à faible revenu et à déficit vivrier, les captures de requins représentent une source traditionnelle et substantielle de nourriture, d'emploi et/ou de revenu. Ces pêcheries devraient être gérées dans une perspective durable, afin de continuer à assurer nourriture, emploi et revenus aux populations locales.

La participation au PAI-requins est facultative. Il a été conçu dans le cadre du Code de conduite pour une pêche responsable, conformément à l'Article 2(d). Les dispositions de l'Article 3 du Code de conduite concernent l'interprétation et l'application du PAI-requins et son lien avec d'autres instruments internationaux. Tous les États concernés sont encouragés à le mettre en œuvre.

Le PAI-requins et ses annexes sont joints aux présentes directives. Le texte principal des 31 paragraphes ratifiés du PAI-requins est présenté en annexe I et les annexes de ce dernier sont reprises à l'annexe II (Contenu suggéré d'un Plan-requins) et à l'annexe III (Contenu suggéré d'un rapport d'évaluation des stocks de requins). L'annexe IV répertorie les différents types de pêche au requin.

Le PAI-requins n'est pas à proprement parler un plan stratégique mondial, il prescrit plutôt aux États, notamment aux États parties à des arrangements sous-régionaux régis par des accords bilatéraux et multilatéraux, et aux organisations régionales d'aménagement des pêcheries (ORAP) compétentes, une procédure leur permettant de recenser les problèmes nationaux, sous-régionaux et régionaux, puis d'élaborer des “Plans-requins” nationaux, sous-régionaux et régionaux pour traiter ces problèmes. Chaque État et chaque ORAP (et le cas échéant chaque entité sous-régionale) devraient évaluer régulièrement l'état de leurs stocks de requins faisant l'objet d'opérations de pêche, afin de déterminer s'il y a lieu d'élaborer un Plan-requins. Tous les quatre ans, au moins, les États et les ORAP qui mettent en œuvre un Plan-requins devraient dresser un bilan de cette mise en œuvre, afin de dégager des stratégies performantes par rapport à leur coût permettant d'accroître son efficacité. Chaque État et chaque ORAP devraient s'efforcer de préparer leur premier Plan-requins pour la session de février 2001 du COFI.

Le présent document intitulé “Directives techniques pour la mise en œuvre du Plan d'action international pour la conservation et la gestion des requins” fournit des conseils techniques concernant l'élaboration et l'application des Plans-requins et la préparation des rapports d'évaluation des stocks de requins. En plus de la préparation de ces directives, la FAO, dans le cadre de son Programme ordinaire, aidera les États à mettre en œuvre le PAI-requins, y compris les Plans-requins, et leur fournira une assistance technique sur place. Tous les deux ans, la FAO rendra compte des progrès enregistrés dans la mise en œuvre du PAI-requins, par le truchement du COFI.

1.3 Éléments du PAI-requins

Aux fins du présent document, le terme “requin” désigne toutes les espèces de requins, raies et chimères (classe des chondrichtyens) et le terme “capture de requin” se réfère aux captures visant les requins (ciblées), aux captures accessoires (non ciblées) rejetées ou non, à la pêche commerciale ou récréative ainsi qu'aux autres formes de captures de ces poissons.

Les quatre éléments du PAI-requins sont a) les besoins de conservation particuliers de certains requins et d'autres espèces de chondrichtyens, b) la nécessité de préserver la biodiversité en assurant la viabilité des populations de requins, c) la nécessité de protéger leurs habitats et d) les conditions de gestion des ressources halieutiques en requins qui permettent d'utiliser ces dernières sur un mode durable. L'application de ces éléments varie en fonction des espèces et obéit aux principes du “développement écologiquement viable” et de l'“équité intergénérationnelle”, en ce sens que les avantages qu'ils tendent à garantir devraient se transmettre d'une génération humaine à l'autre.

Conservation des espèces. Certaines espèces de requins appellent une “protection spéciale” (ou une “gestion particulière”), parce qu'elles ont une productivité particulièrement faible, des populations naturellement petites (rares), un territoire peu étendu, ou qu'elles sont distribuées dans des régions où les activités humaines ont un tel impact que leur survie est menacée ou que leurs populations ont déjà fortement décliné. Ces espèces peuvent requérir une protection spéciale impliquant des actions de gestion, telles que l'interdiction de leur capture, la prohibition d'engins de pêche déterminés, ou la création de zones où leur capture ou l'utilisation d'engins de pêche déterminés sont interdites.

Préservation de la biodiversité. La biodiversité est incarnée par la variété des organismes vivants, sous toutes leurs formes et se définit en termes de diversité génétique, spécifique, de diversité des écosystèmes et d'interrelations entre les gènes, les espèces et les écosystèmes. Le nombre d'espèces et la variabilité génétique infraspécifique des requins et d'autres espèces de chondrichtyens sont naturellement faibles comparés à ceux de bien d'autres taxons. La disparition d'espèces, l'extinction de certaines populations au sein d'une espèce ou la réduction de la variation génétique dans une espèce ou une population, et, par conséquent, la disparition de phénomènes écologiques, diminuent la biodiversité et ses bienfaits pour l'être humain. Le recul de la biodiversité peut être dû à un accroissement de la mortalité, à la destruction ou la dégradation des habitats, à la modification du milieu, et à une réorganisation de la compétition interspécifique provoquée par l'introduction d'espèces exotiques ou génétiquement altérées, ou à d'autres changements écologiques.

Protection de l'habitat. Les activités humaines, comme la pêche, l'aquaculture, l'écotourisme, le dragage, l'exploitation minière, les travaux liés au captage de l'eau, la mise en décharge, l'eutrophisation, la pollution, ou l'introduction d'organismes exotiques peuvent conduire à la dégradation à grande échelle de l'habitat d'une espèce ou à la destruction d'habitats essentiels, comme les nourriceries et les zones de reproduction ou les voies de migration d'une espèce. Une protection spéciale de l'habitat ou des programmes de restauration des habitats pourront s'avérer nécessaires si l'abondance ou le territoire d'une espèce ont régressé à cause de la dégradation de son habitat.

Gestion propre à assurer une utilisation durable. L'utilisation durable suppose une compréhension des systèmes biophysiques et écologiques et implique que l'on maintienne les stocks, ou qu'on les ramène, à des niveaux supérieurs à ceux qui peuvent produire le rendement durable maximal. Le concept de capture durable doit être envisagé dans sa dépendance à l'égard de l'équilibre dynamique des écosystèmes qui passent d'un état à l'autre, au gré des oscillations naturelles de l'environnement, telles que le phénomène El Niño, de pressions anthropiques comme la pêche et d'autres activités qui affectent les écosystèmes, et, probablement, du changement climatique. Gérer les ressources en requins en vue d'assurer leur utilisation durable requiert une maîtrise de la mortalité par la limitation de l'effort de pêche et/ou des captures et par des dispositifs biologiques comme la longueur légale minimale, la réglementation de l'ouverture des mailles des filets ou de la dimension des hameçons, l'instauration de saisons ou de zones fermées à la pêche.

Principe de précaution et PAI-requins

Le principe de précaution impose la prudence aux responsables des pêcheries lorsque l'état d'une ressource est incertain, notamment lorsque les données relatives à la pêcherie sont insuffisantes ou sujettes à caution. Face à de telles incertitudes, les responsables doivent faire en sorte que l'exploitation soit conduite à un niveau minimal. Le principe de précaution est intégré dans deux instruments internationaux: l'Accord aux fins de l'application des dispositions de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons grands migrateurs (1995) et le Code de conduite de la FAO pour une pêche responsable également daté de 1995.

La faible productivité des stocks de requins en général, la très faible productivité de certaines espèces de requins et les populations naturellement petites ou la rareté de certaines espèces de requins justifient pleinement l'application du principe de précaution à ce groupe de poissons. Leurs stocks peuvent souvent décliner rapidement jusqu'à des effectifs très limités et mettre du temps à se reconstituer après une surpêche. Les mesures de protection devraient être appliquées au début de l'exploitation des pêcheries de requins et d'autres espèces de chondrichtyens.


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