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Résumé et recommandations

Les préférences commerciales en faveur des pays en développement constituent une caractéristique des politiques commerciales des pays industrialisés depuis près d'une quarantaine d'années mais, en présence d'un mouvement général à la libéralisation des échanges, les préférences tarifaires perdent peu à peu de leur importance, bien qu'elles demeurent potentiellement précieuses dans l'agriculture étant donné que les droits appliqués sur la base du principe de la nation la plus favorisée (droits NPF) sont souvent très élevés, même si eux aussi sont en voie de réduction. Néanmoins, en raison de la sensibilité de leurs politiques agricoles, les pays développés ont également répugné à accorder des préférences marquées pour les produits agricoles. Simultanément, il a été établi un certain nombre de régimes préférentiels spéciaux qui prévoient d'importantes concessions en faveur de groupes restreints de pays en développement pour des produits agricoles sélectionnés. Les préférences accordées par l'Union européenne (UE) aux importations de sucre en provenance de pays ACP sélectionnés en sont un exemple. Le traitement préférentiel applicable aux exportations agricoles des pays en développement est par conséquent extrêmement diversifié.

Cela étant, l'on peut se poser un certain nombre de questions touchant l'avenir des préférences commerciales dans le contexte du nouveau cycle de négociations de l'OMC. Les pays en développement devraient-ils défendre énergiquement leurs préférences commerciales et chercher à les améliorer? Quels sont les avantages et les coûts des préférences? Comment les préférences commerciales soutiennent-elles la comparaison avec d'autres formes d'aide au développement économique? Les pays en développement ont-ils beaucoup à perdre lorsque le commerce de produits agricoles continuera d'être libéralisé et les marges préférentiels seront érodées? Dans l'affirmative, ont-ils droit à indemnisation, et sous quelle forme? Quel rôle les préférences commerciales devraient-elles jouer dans le nouveau cycle de négociations de l'OMC sur l'agriculture? L'étude ci-après essaie de répondre, ne serait-ce qu'en partie, à ces questions. De plus, les droits NPF baissant, d'autres mesures qui affectent les échanges, comme les normes, gagnent en importance et il se peut que le traitement accordé dans les pays en développement dans de tels domaines devienne également plus important à l'avenir. Il s'agit cependant là d'une question qui sort du champ de la présente étude, même si mérite d'être analysée de manière plus approfondie.

S'agissant de la nature des arrangements préférentiels en faveur des pays en développement, l'on peut distinguer trois grandes catégories, c'est-à-dire le Système généralisé de préférences (SGP), les régimes préférentiels spéciaux accordés à des groupes de pays en développement (comme dans le cadre de la Convention de Lomé/Cotonou ou de l'Initiative pour le Bassin des Caraïbes) et les accords régionaux de libre-échange entre pays développés et pays en développement. Cette dernière forme de régime préférentiel, toutefois, qui repose sur des préférences réciproques, ne relève pas à strictement parler des préférences commerciales en faveur des pays en développement.

Lorsque les préférences commerciales sont conçues comme un élément des relations économiques entre pays développés et pays en développement, le slogan "commerce plutôt qu'assistance" ne manque pas d'un certain attrait du point de vue économique. Les préférences commerciales peuvent en effet aider les pays en développement à promouvoir un développement économique auto-entretenu. Elles peuvent se substituer, tout en les complétant aussi sans doute, aux transferts que les pays développés font, sous forme d'une assistance financière, aux pays en développement. Il y a cependant aussi des inconvénients, dont le plus évident est la résistance opposée par les producteurs des pays développés. Un inconvénient moins évident, mais important aussi, est que la structure de la production dans les pays en développement peut changer d'une manière qui n'est pas soutenable en présence d'un mouvement continu vers la libéralisation des échanges. En pareil cas, il faudrait envisager d'adopter des politiques de nature à "capturer" une partie de l'effet de rente produit par les régimes préférentiels pour les utiliser aux fins de programmes pouvant bénéficier aux agriculteurs, plutôt que de créer des schémas de production qui, à terme, ne seront pas rationnels lorsque les cours mondiaux diminueront à mesure que la libéralisation des échanges progresse. Enfin, le bien-être mondial risque de pâtir d'un détournement des échanges.

Les préférences commerciales peuvent avoir divers avantages pour les pays exportateurs intéressés. Il est difficile d'évaluer quantitativement l'ampleur de ces avantages, de sorte qu'il existe très peu d'estimations. La marge préférentielle est cependant un indicateur assez facile à calculer des avantages potentiels qu'elles apportent. Les estimations disponibles des marges préférentielles montrent qu'elles peuvent représenter une proportion significative de la valeur des exportations des pays en développement concernés. Toutefois, les marges préférentielles sont une mesure assez peu fiable des avantages économiques. Le surcroît de bien-être, pour les pays exportateurs intéressés, est habituellement bien moindre que la marge préférentielle. De plus, dans certaines conditions, la marge préférentielle bénéficie aux agents du pays importateur plutôt qu'aux pays exportateurs. En l'absence d'analyses approfondies des avantages apportés par les préférences aux divers pays bénéficiaires, il est assez difficile de se prononcer sur la question de savoir quels sont les groupes de pays en développement qui "méritent" le plus des préférences. Il existe néanmoins un certain nombre de raisons de bon sens qui permettent de soutenir que les préférences commerciales sont particulièrement importantes pour les pays les plus pauvres et pour les autres pays en développement vulnérables, comme les petits pays insulaires ou sans littoral.

Toutefois, les préférences commerciales peuvent également supposer des coûts. Pour améliorer et élargir les préférences, il faut disposer d'un "capital de négociation". Les séries successives de réduction des droits NPF ne manqueront pas de réduire la valeur des préférences, et il importe d'analyser soigneusement dans quelle mesure ce "capital de négociation" devrait être investi dans une affaire qui risque de ne pas être très rentable à longue échéance. En insistant sur la non-réciprocité des préférences, l'on risque aussi de nuire à l'influence des pays en développement en général dans les négociations commerciales multilatérales. Des préférences spécifiques et marquées peuvent se traduire dans les pays bénéficiaires par un schéma de production qui ne sera pas rentable lorsque les droits NPF diminueront. Les préférences tendent à entraîner un détournement des échanges, ce qui a des coûts pour les autres pays exportateurs. Enfin, les pays qui bénéficient des préférences risquent de ne plus s'intéresser aux réductions des droits NPF, ce qui est également un coût pour le régime commercial multilatéral dans son ensemble.

En ce qui concerne le statut des préférences commerciales à l'OMC, les préférences commerciales universelles en faveur des importations de tous les pays en développement, telles qu'elles sont appliquées dans le cadre du SGP, sont conformes au GATT en vertu de la Clause d'habilitation. Il en est de même des préférences accordées à tous les pays les moins avancés. Cependant, les pays développés ne sont pas juridiquement tenus d'accorder de telles préférences. Aussi peuvent-ils décider de manière multilatérale des marges préférentielles à accorder ou bien de retirer des préférences existantes sans pour autant violer les engagements pris dans le cadre du GATT/OMC. Des préférences commerciales spécifiques en faveur de groupes limités de pays en développement, comme celles qui sont accordées en vertu de la Convention de Lomé ou de la Loi relative au redressement économique du Bassin des Caraïbes, cependant, ne sont pas conformes au GATT. Néanmoins, l'OMC a, par le passé, accordé des dérogations qui ont permis aux pays intéressés de maintenir ces préférences spécifiques.

Lorsqu'il s'agit des options pouvant être envisagées pour ce qui est de l'avenir des préférences commerciales à l'OMC, plusieurs questions viennent à l'esprit. Plutôt que de s'employer à obtenir l'élargissement de préférences "superficielles" pour tous les pays développés dans le cadre de régimes comme le SGP, une formule intéressante pourrait être d'essayer d'obtenir des préférences "profondes" pour les PMA et les autres pays vulnérables. Dans ce contexte, la Clause d'habilitation pourrait être modifiée en incluant les petits pays et autres pays vulnérables, indépendamment des PMA, dans la catégorie des pays en développement qui peuvent bénéficier des préférences plus marquées que celles qui sont accordées dans le cadre du SGP. Le fonctionnement des systèmes généralisés de préférences existants, lesquels doivent indubitablement être maintenus, pourrait être amélioré en consolidant les préférences sous l'égide de l'OMC; en éliminant les conditionnalités; en fixant des droits préférentiels en se référant aux droits NPF (plutôt qu'en les définissant en termes absolus); en élargissant les contingents tarifaires; en simplifiant les règles d'origine; et en accordant des préférences plus favorables lorsque les droits NPF donnent lieu à des crêtes et à une progressivité.

La question du droit à indemnisation du fait de l'érosion des marges préférentielles est extrêmement complexe. Il n'est pas évident que toutes les réductions des droits NPF applicables aux produits bénéficiant de préférences se traduisent effectivement par une érosion de marges préférentielles (économiquement significatives). Dans certains cas, l'érosion est compensée (en tout ou en partie) par les effets favorables sur les marchés de la libéralisation des échanges. De plus, lorsque l'érosion des préférences entraîne manifestement un préjudice économique pour les pays exportateurs concernés, l'on peut avancer des arguments aussi bien pour que contre une indemnisation. En outre, si le principe d'une indemnisation est admis, l'on ne peut pas toujours dire clairement qui doit "payer" et qui doit "recevoir" cette indemnisation. Différentes formes d'indemnisation peuvent être envisagées sans qu'aucune n'apparaisse clairement comme devant être privilégiée. Enfin, il sera souvent difficile d'évaluer de façon fiable l'impact économique de l'érosion des préférences et par conséquent le montant de l'indemnisation qui pourrait être justifiée.

Tout cela n'est pas à dire que i) l'érosion des préférences ne pose pas de problème ou que ii) la question d'une indemnisation pour l'érosion des préférences ne peut pas être abordée dans des négociations commerciales multilatérales. Les considérations évoquées dans cette étude conseillent néanmoins de se méfier de solutions simplistes. En définitive, l'indemnisation sera une question de négociation. À titre d'approximation grossière, il peut être utile d'établir une distinction entre les deux catégories des références, c'est-à-dire les SGP, d'une part, et les préférences profondes et spécifiques accordées à des groupes limités de pays en développement, de l'autre. Lorsque les préférences accordées dans le cadre d'un SGP sont érodées par suite des réductions de droits négociées au plan multilatéral, la façon la plus logique de négocier une indemnisation est peut-être de chercher à obtenir une série de nouvelles réductions des droits NPF de nature à bénéficier aux exportateurs des pays en développement. D'un autre côté, lorsque des préférences très spécifiques et profondes sont accordées à des pays déterminés pour des produits spécifiques, comme c'est le cas du régime appliqué par l'UE aux importations de sucre provenant des pays ACP, l'idée d'une indemnisation en espèces est relativement défendable.

L'analyse présentée dans ce document conduit à formuler un certain nombre de recommandations touchant l'avenir des préférences commerciales dans le contexte du nouveau cycle de négociations de l'OMC sur l'agriculture:


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