ANALYSE COMPARATIVE
La plupart des accords porte exclusivement sur les pêcheries (pêche ou aquaculture). Il existe 10 exceptions [Traité de River Plate; Traité de Torres Strait; Accord Iles Féroé/Royaume-Uni; les sept traités de délimitation concernant lAmérique centrale et les Caraïbes].
Lobjectif préliminaire de chacun de ces 10 traités est détablir une ou plusieurs frontières maritimes. Les domaines couverts par ces 10 traités, en dehors des aspects de délimitation des frontières maritimes et de pêches, concernent également: a) la navigation; b) la pollution; c) la recherche; d) lexploitation des ressources minérales communes; e) la protection et la préservation de lenvironnement marin; f) les épaves; et g) la protection des coutumes et moyens dexistence des habitants.
COMMENTAIRES
En principe, il nexiste pas de problèmes concernant la pêche entre pays voisins lorsque la gestion de celle-ci fait partie dun agenda maritime au sens large. Dans la pratique, mis à part les traités de Torres Strait et de River Plate, les problèmes de pêche ont été considérés dans les huit autres traités au niveau général des principes. Toutefois, ce résultat est dû à la volonté politique manifestée dès le départ de trouver des solutions aux problèmes de frontières. Il nexiste pas dobstacles pour que deux États souhaitant formaliser leur relation maritime par un traité, incluant laménagement de stocks partagés, ne le fassent. En effet, une telle approche de gestion conjointe est à encourager.
ANALYSE COMPARATIVE
La manière dont les accords font allusion soit directement ou indirectement aux stocks partagés est illustrée au Tableau 2. En accord avec la définition du stock partagé adopté dans la Section 1.1 ci-dessus, il est à noter que les allusions aux stocks ou espèces, grands migrateurs, ne sont pas considérées dans ce tableau.
Des allusions directes aux «stocks partagés» sont faites seulement dans trois accords [Accord Australie/Indonésie; Traité sur le saumon du Pacifique; Convention de Mauritanie/Sénégal]. Une formulation similaire à celle de lArticle 63(1) est aussi utilisée uniquement dans deux accords [Accord Australie/Indonésie; Convention africaine de lAtlantique]. Onze autres font des allusions plus indirectes aux stocks partagés, et le reste nen fait aucune.
COMMENTAIRES
Le manque dallusion aux stocks partagés dans quelques cas est attribuable à: a) les textes de ces accords ne faisant pas particulièrement allusion aux stocks partagés dans leur esprit (par exemple Accord Féroé/Royaume-Uni et Traité Colombie/Jamaïque [orienté sur la délimitation], Convention CPANE [orienté sur les stocks chevauchants], Convention FFA [orienté sur les espèces hautement migratrices]); b) une supposition par les rédacteurs que la recherche de coordination pour la gestion conjointe des stocks partagés était le but fondamental de laccord (par exemple, Convention de la mer Baltique, Système de gestion du hareng, Traité de River Plate [Zone de pêche commune]) ou c) laccord en question est subsidiaire à un accord portant sur les stocks partagés dune façon ou dune autre.
Il est improbable quun problème soit créé lorsquun accord, qui cherche à assurer la coordination de la gestion de tels stocks, manque de faire allusion aux stocks partagés dès lors que les parties cherchent à accomplir le même but et que les divers mécanismes fournis par laccord aboutissent à une telle coordination. Cependant, il est toujours possible que des problèmes dinterprétation entre les parties surviennent à un moment durant le cours de vie de laccord. Dans une telle situation, il peut devenir très utile de recourir à lesprit dorigine de laccord, pour aider à linterprétation.
Tableau 2: Références aux stocks partagés
|
Accord |
Texte utilisé |
1 |
Déclaration commune Argentine/ Royaume-Uni |
Aucun |
2 |
Traité de River Plate |
Aucun |
3 |
ME Australie/Indonésie |
Aucun |
4 |
Accord Australie/Indonésie |
Préambule: «Reconnaissant que les États côtiers sont obligés de chercher, soit directement ou à travers des organisations sous-régionales ou régionales appropriées, à saccorder sur les mesures nécessaires pour coordonner et assurer la conservation et le développement des stocks partagés» |
5 |
Traité de Torres Strait |
Préambule: «Ressources halieutiques partagées» |
6 |
Accord Japon/Chine |
Préambule: «Ressources halieutiques partagées» |
7 |
Accord Japon/Corée |
Aucun |
8 |
Convention CPANE |
Aucun |
9 |
Système de gestion du hareng |
Aucun |
10 |
Système de gestion du maquereau |
Aucun |
11 |
Accord Féroé/Royaume-Uni |
Aucun |
12 |
Accord de 1975 Norvège/Russie |
Aucun |
13 |
Accord de 1976 Norvège/Russie |
Préambule: «une proportion substantielle des ressources vivantes de la Mer norvégienne et de la Mer de Barents représente un unique écosystème utilisé par les pêcheurs des deux pays» |
14 |
Accord de 1978 Norvège/Russie |
[Accord non vu.] |
15 |
Accord de Loophole |
Préambule: «une partie considérable des ressources marines vivantes de Norvège du Nord et de la Mer de Barents représente un seul stock biologique» |
16 |
Convention de la mer Baltique |
Aucun |
17 |
Accord méditerranéen |
Aucun |
18 |
Convention de la mer Noire |
Aucun |
19 |
Accord du Golfe |
Aucun |
20 |
Accord de mise en application Canada/ Etats-Unis |
Aucun |
21 |
Convention du flétan |
Aucun |
22 |
Traité sur le saumon du Pacifique (accord amendé en 1994) |
(a) Préambule: «la gestion des stocks constitue un
sujet dinquiétude commune» |
23 |
Convention FFA |
Aucun |
24 |
Accord Nauru |
Préambule: «stocks communs de poissons... dans les zones de pêche» (avec des mots similaires utilisés ailleurs dans le traité) |
25 |
Accord Nioué |
Aucun |
26 |
Accord Micronésie |
Aucun |
27 |
Traité Colombie/Jamaïque |
Aucun |
28 |
Accord Colombie/ République dominicaine |
Article V: «espèces qui vont plus loin que... [les parties]... zones marines respectives» |
29 |
Traité Colombie/Costa Rica |
Article IV: «espèces qui se déplacent au-delà... [chaque partie]... zone juridictionnelle» |
30 |
Traité Colombie/Panama |
Article V: «espèces qui se déplacent au-delà... [les parties]... régions marines respectives» |
31 |
Accord Colombie/Equateur |
Article 8: «espèces qui migrent de... [les parties]... zones juridictionnelles respectives» |
32 |
Traité Costa Rica/Panama |
Article V: «espèces migratrices» |
33 |
Traité Hollande/Venezuela |
Article 10: «ressources vivantes dans les eaux adjacentes des deux parties» |
34 |
Accord Trinité-et-Tobago/Venezuela |
Aucun |
35 |
Convention du lac Victoria |
Aucun |
36 |
Convention africaine de lAtlantique |
Article 2(d): «Les objectifs de cette Convention seront de permettre aux parties... de développer, et dharmoniser leurs efforts et capacités dans le but de conserver, exploiter, de valoriser et de tirer profit des ressources de la pêche, considérant en particulier les stocks de poissons qui se trouvent dans les eaux sous la souveraineté ou juridiction de plus dune partie» |
37 |
Convention sur les droits daccès de la CSRP |
Aucun |
38 |
Convention sur le droit de poursuite de la CSRP |
Aucun |
39 |
Convention Sénégal/Mauritanie |
Préambule: «Conscients de leur appartenance commune à la même région maritime et du caractère partagé de certains stocks exploités» |
ANALYSE COMPARATIVE
Neuf des accords ont comme caractéristique principale létablissement dun mécanisme consultatif formel [Déclaration commune Argentine/Royaume-Uni; Convention CPANE; Accord de 1976 Norvège/Russie; Convention de la mer Baltique; Accord sur la Méditerranée; Accord du Golfe; Traité sur le saumon du Pacifique; Convention FFA; Convention du lac Victoria].
Dix-neuf accords prévoient un mécanisme consultatif, mais plus de manière indirecte que directe. La formule typique de linstrument dans ces cas est a) plusieurs dispositions qui établissent des devoirs pour les parties dont quelques-unes exigent la coopération et dautres pas; et puis b) un dispositif sur un mécanisme consultatif. Ce mécanisme peut varier dun pouvoir d«appel pour les consultations» [Accord Féroé/Royaume-Uni] à un devoir détablir une commission.
Concernant deux autres accords, les consultations entre les parties se déroulent selon leur désir de se réunir annuellement [Système de gestion du hareng; Système de gestion du maquereau]; il nexiste pas de dispositions dans laccord lui-même pour de telles réunions. Dans les deux accords [Convention daccès de la CSRP; Convention sur le Droit de Poursuite de la CSRP], les parties se rencontrent à nimporte quel moment suivant un mécanisme préexistant. Le reste des sept accords ne prévoit pas de mécanisme consultatif pour la pêche.
COMMENTAIRES
La différence entre les accords qui établissent de manière directe une commission ou son équivalent et ceux établissant de manière indirecte un tel mécanisme peut être expliqué comme suit. Le premier type a moins de dispositions visant les parties comme individus mais comprend des dispositions portant sur les parties agissant collectivement à travers une commission. Le dernier type a plusieurs dispositions visant les parties comme individus, y compris portant inter alia sur la coopération; et lutilisation des dispositions portant sur la commission vise a) à modeler le degré de coopération, ou b) à spécifier certaines dispositions en détail ou c) orienter la coopération dans un domaine spécifique. Au moins dans ce dernier exemple, la différence nest pas simplement de style. Deux États peuvent souhaiter coopérer en matière de pêche à travers un traité généralement, mais peuvent souhaiter aussi réserver le traitement dun problème relatif à une région géographique ou à un stock à une commission spécialisée. Dans ce cas, un accord qui établit une telle commission avec cette seule tâche à traiter peut être plus approprié.
Des sept accords qui ne prévoient pas du tout de mécanisme consultatif, six sont des traités de lAmérique centrale/Caraïbes. Tous ces six incluent des dispositions sur la coopération en matière de pêche et ainsi on peut sinterroger sur le manque de clarté concernant les mécanismes de consultation. Le septième est lAccord de Loophole. Les différentes parties sont lIslande, la Norvège et la Russie. Un mécanisme consultatif a pu être omis pour des raisons politiques. Et il se pourrait quil ait été jugé inutile dès lors que les parties peuvent se réunir annuellement sur les sujets relatifs au Système de gestion du hareng et à la Convention CPANE.
ANALYSE COMPARATIVE
Il y a trois cas daccords portant sur une seule espèce [Système de gestion du hareng; Système de gestion du maquereau; Convention du flétan]. La plupart des autres accords couvrent lensemble des pêcheries dans la région concernée. Cependant, quelques-uns de ceux-ci mettent laccent sur certains types de pêche (particulièrement les accords du Pacifique sud qui, expressément ou implicitement, sont orientés sur les espèces hautement migratrices). Exemples daccords excluant des espèces sont le Traité de River Plate et la Convention CPANE. Le premier exclut expressément les mammifères marins et le dernier exclut «mammifères marins, espèces sédentaires... et, dans la mesure où ils sont négociés dans le cadre dautres accords internationaux, espèces hautement migratrices et stocks anadromes.»
COMMENTAIRES
Dans le cas où un groupe dÉtats sintéresserait à un stock (par exemple les cinq États du Système du hareng comparés aux trois États du Système de gestion du maquereau), ou quand la structure institutionnelle nécessaire est fondamentalement différente dun stock à un autre, un accord spécifique sur lespèce pourrait être plus approprié. Dans la plupart des accords, les problèmes dexclusions sont laffaire des différentes parties. Cependant, il peut être plus approprié dexclure déjà des stocks régis par dautres accords dont les États concernés sont contractants.
ANALYSE COMPARATIVE
Lobjet principal de plusieurs accords concerne les droits daccès. Dans certains cas, ceux-ci peuvent être concédés entre les parties, soit réciproquement ou à sens unique [Accord Japon/Chine; Accord Japon/Corée; Accord de 1976 entre Norvège/Russie; Accord de Trinité-et-Tobago/Venezuela]. Dans les autres cas la motivation principale pour laccord est la coopération entre les parties eu égard aux États se livrant à la pêche en haute mer [Accord Nauru; Accord Nioué; Accord Micronésie; Convention sur les Droits dAccès de la CSRP; Convention sur le Droit de Poursuite de la CSRP].
COMMENTAIRES
En principe, pour entretenir la coopération dans la recherche, la conservation et la gestion, ou le suivi, le contrôle et la surveillance de stocks partagés, il apparaît pertinent de développer une coopération sur les droits daccès ou dutiliser cette coopération comme plate-forme politique pour une coopération future.
ANALYSE COMPARATIVE
Un nombre de six accords traite de la coopération sur le Suivi, le Contrôle et la Surveillance (SCS) sans prévoir aucune coopération dans létablissement de mesures de conservation et daménagement [ME Australie/Indonésie; Accord Canada/Etats-Unis; Accord Nauru; Accord Nioué; Accord Micronésie; Convention sur le Droit de Poursuite de la CSRP].
Mis à part les deux exceptions [ME Australie/Indonésie et Accord de mise en application Canada/Etats-Unis], ces accords sont en rapport avec un traité préexistant. Donc lAccord Nauru, lAccord Nioué et lAccord Micronésie peuvent tous être mis en rapport avec la Convention FFA, et la Convention sur le Droit de Poursuite de la CSRP peut être reliée à la convention qui a établi la CSRP.
COMMENTAIRES
Un accord qui traite spécifiquement de systèmes de SCS peut être bien approprié si la coopération sur la conservation et la gestion a déjà été négociée dans le cadre dun instrument préalable ou sil ny a aucune possibilité daccord politique sur la coopération dans le domaine de la conservation et de laménagement. Par exemple, lAccord de mise en application entre Canada/Etats-Unis a été appliqué dans le Golfe du Maine où il y a peu de coopération en matière de conservation et daménagement entre les deux parties (avant ou depuis la Décision frontalière de 1984). Cependant, dans une atmosphère politique où la coopération est faible en matière de conservation et daménagement, la tenue de dispositions pour un accord sur le SCS est peu probable. Cest le cas avec lAccord de mise en application entre Canada/Etats-Unis et le ME Australie/Indonésie.
ANALYSE COMPARATIVE
Quatre accords ne prévoient pas de coopération en matière de Suivi, Contrôle et Surveillance (SCS), cependant ils ont des dispositions assez fermes sur la conservation et laménagement [Système de gestion du maquereau; Convention de la mer Noire; Traité sur le saumon du Pacifique; Convention du lac Victoria].
COMMENTAIRES
Dans le cas du Système de gestion du maquereau, il pourrait être retenu une certaine coopération pour le SCS dans le cadre de la Convention CPANE. Cependant, cela nexplique pas pourquoi le Système du hareng (où cinq participants sont aussi des parties contractantes de la Convention CPANE) dispose en revanche dune coopération en matière de contrôle. Dans le cas de la mer Noire et de la Convention du lac Victoria, lomission de la coopération sur le contrôle est en fait une lacune; dans le cas antérieur lexplication est à rechercher dans les raisons politiques. Le Traité sur le saumon du Pacifique, qui comprend des dispositions fermes et fort détaillées sur la conservation et laménagement et lamélioration des ressources, noffre pas de justification logique pour combler lomission de la coopération en matière de contrôle. Considérant la nature des aspects politiques liés au saumon, il se pourrait que la coopération sur le contrôle ait été perçue comme un objectif difficile à atteindre. Cependant, la coopération en matière de police de pêche est actuellement prévue dans lAccord de mise en application Canada/Etats-Unis, qui en principe sapplique à lensemble des pêcheries (et était en vigueur avant que lAccord de 1999 ne soit négocié).
Dans au moins deux des quatre cas précités, la politique ou lexistence dun accord alternatif est à la base de lexclusion dune coopération sur le contrôle. Dans les deux cas restant, la raison est difficilement explicable. Le système de SCS est un élément clé de laménagement des pêches. Toutefois, le recours à la coopération pourrait atténuer le manque dadoption dun système de SCS, qui a un certain effet sur le contrôle et léchange dinformation sur les captures (voir Section 2.11 ci-dessus). Cependant, lomission dune coopération significative en matière de contrôle dans les quatre accords de coopération cités doit être interprétée comme une faiblesse.