JEAN LE RAY
II - Travaux de construction' emploi et entretien du matériel
LE DÉFORESTAGE constitue la première phase des travaux de construction des routes forestières. Le travail est d'autant plus compliqué que la grande forêt tropicale est composée de plusieurs étages de végétation et d'arbres de tous diamètres. Le travail est effectué en général en plusieurs étapes soit par un tracteur-bulldozer opérant seul, soit par un bulldozer précédé d'équipes qui abattent au moins partiellement la forêt. Nous envisageons d'abord l'emploi du bulldozer de puissance nominale 130 à 160 ch (type D7-HD16 - TD15 - CD8 suivant les marques), puis nous signalons les accessoires indispensables pour équiper ces bulldozers et pour terminer nous indiquons quelques accessoires spécialisés.
L'implantation du tracé est en général matérialisé sur le terrain par un layon jalonné par des piquets et débroussé sur une largeur de 2 m; mais il arrive aussi que l'implantation du tracé se traduise sur le terrain par le nettoyage d'une bande de 10 m de large destinée à guider le chauffeur du tracteur. Sur cette bande sont coupés les divers arbustes, lianes et gaules jusqu'à 10 cm de diamètre. Cette bande correspond en fait à la largeur d'emprise de la route projetée.
L'équipage du tracteur comporte en général trois hommes, le chauffeur et deux aides. Ces aides contribuent à l'entretien du tracteur et au réglage de la pelle en angledozer ou en tiltdozer. Leur rôle principal consiste à couper les lianes qui gênent le conducteur, à retirer des branchages qui se fichent dans le protège-radiateur ou autour des galets et surtout à couper les racines sortant du sol et à glisser le câble du treuil autour des souches.
PRINCIPES DU DÉFORESTAGE
Deux méthodes s'affrontent:
1. Abattre à la hache ou à la scie mécanique tous les arbres petits et gros à la hauteur de 1 à 2 m au-dessus du sol puis dessoucher au bulldozer.2. Attaquer directement la forêt au bulldozer qui se fraie un chemin au milieu de la végétation.
Première méthode
Le déforestage se fait en deux étapes: abattage manuel puis déblaiement.
L'abattage à la main, au moyen de haches ou de scies, est un travail qui peut être considéré comme un gaspillage de main-d'œuvre. Il faut remarquer qu'il correspond presque toujours chez les populations forestières à un travail traditionnel s'apparentant étroitement aux travaux préparatoires aux plantations vivrières traditionnelles. Cet abattage préalable peut intéresser tous les arbres ou seulement les gros arbres de diamètre supérieur à 50 cm lorsque les tiges de diamètre compris entre 10 et 50 cm sont abattues ensuite au bulldozer. Dans tous les cas, on s'efforce de faire tomber les arbres de part et d'autre de l'axe du tracé vers l'extérieur de l'emprise. Les cimes et les troncs sont débités en tronçons plus courts pour faciliter le travail ultérieur de nettoiement par le tracteur; l'équipe d'abattage opère soit avec des haches et des scies du type passe-partout soit avec des scies à chaîne.
Le déblaiement est effectué au bulldozer qui repousse vers l'extérieur de l'emprise les troncs et les branches préalablement débités. Il semble plus efficace et plus rapide de procéder en deux séries de passes à raison d'une série par moitié de route; cette précaution demande des manœuvres moins nombreuses et évite au conducteur d'être gêné par l'enchevêtrement des troncs abattus. Le tracteur opère en poussée avec sa pelle ou en traction au treuil pour le halage des gros troncs.
Deuxième méthode
Certains chefs de chantiers estiment que le tracteur peut se charger de la totalité du travail d'abattage et de déblaiement. Le chauffeur opère par coups de pelle distincts pour le déblaiement de la brousse et l'abattage des arbres. Cette méthode demande de la part du chauffeur une grande habileté de conduite et une excellente connaissance des possibilités de l'engin. Cette méthode est certainement préférable lorsque la forêt à traverser contient peu de gros arbres. Il n'y a pas lieu de distinguer les deux phases d'abattage et de déblaiement: les deux opérations sont intimement mêlées.
Quelle que soit la puissance du tracteur, le conducteur peut en tirer un parti différent suivant son expérience. L'expérience montre que s'il est assez facile de recruter un conducteur de tracteur, un conducteur habile et confirmé capable d'obtenir un bon résultat constitue un atout majeur sur un chantier.
Dans les cas de broussailles ou de petits bois, le bulldozer avance en laissant traîner sa pelle au niveau du sol de façon à entraîner tout ce qu'elle rencontre. Au cours de cette passe, le dozer couche la végétation et la repousse devant lui. Au cours d'un second passage, le dozer nettoie le sol de ses racines et enlève la majeure partie de la terre végétale laissant ainsi la place nette pour les terrassements éventuels. Ces travaux sont exécutés en première vitesse.
Pour déraciner les arbres moyens de diamètre de 20 à 40 cm le tracteur s'approche en levant la pelle le plus haut possible pour pousser les troncs et les renverser; dès que l'arbre a amorcé son mouvement de chute, le chauffeur doit reculer pour dégager la souche et les grosses racines qui se soulèvent; ainsi la chute n'est-elle pas freinée. Dans un second mouvement en avant, le chauffeur baisse la pelle, l'engage sous les racines et pousse la souche en relevant quelque peu la pelle pour soulever l'ensemble et achever le déracinement. Le chauffeur doit prendre la précaution de travailler par poussée sur le tronc et non par choc: un choc risque de sectionner la tige tandis que la cime tend à se rabattre sur le tracteur. Si les arbres sont mélangés à une souille épaisse de broussailles, il est préférable de déblayer d'abord cette souille pour y voir plus clair et faciliter ensuite le déblaiement des arbres de diamètre moyen qui ne s'enchevêtrent plus dans les broussailles.
Pour le dessouchage des gros arbres, on peut opérer soit au bulldozer seul, soit à l'aide d'explosifs.
Bulldozer. - Pour les gros arbres de diamètre supérieur à 40 et 50 cm il est en général plus économique de déraciner l'arbre entier non abattu plutôt que d'abattre l'arbre avant de le dessoucher; on peut ainsi utiliser le poids de la cime pour aider au renversement après sectionnement des racines. De façon générale, il n'est pas recommandé d'essayer de renverser l'arbre en l'attaquant directement comme pour les arbres de diamètre moyen. Le meilleur résultat est obtenu en sectionnant au préalable les racines sur les côtés. Sauf si l'arbre est très gros, il n'est pas nécessaire de sectionner les racines, du côté de la chute. Voici la succession des manœuvres recommandées (fig. 26):
a) placer la pelle en tiltdozer;
b) creuser un fossé devant l'arbre pour sectionner les racines du côté opposé à la chute;
c) creuser à droite et à gauche un fossé de 50 cm de profondeur environ;
d) construire une petite rampe au pied de l'arbre pour pouvoir attaquer le tronc le plus haut possible avec la pelle levée;
e) agir par poussées successives (non par chocs) pour faire osciller l'arbre déjà déséquilibré;
f) reculer pour éviter que la souche en se déterrant ne soulève l'avant du tracteur.
Il faut à tout prix éviter d'opérer par chocs surtout contre les gros arbres fortement ensouchés. Le bois est élastique et encaisse les chocs sans qu'un résultat appréciable soit obtenu. Par contre ces chocs sont dangereux pour l'engin qui est construit essentiellement pour pousser ou tirer.
Lorsque l'arbre à été abattu au préalable, le dessouchage des gros arbres consiste à sectionner les racines de tous côtés, puis à basculer la souche en la renversant à l'aide du treuil forestier.
Emploi des explosifs. - Une grosse souche provenant d'un arbre de diamètre de 0,80 m à 1,50 m qui a été abattu constitue presque toujours un obstacle bien gênant. Son enlèvement peut demander au moins une à deux heures de travail éprouvant pour le bulldozer. Aussi, dans la mesure du possible, est-il préférable de choisir un tracé évitant cet obstacle. Lorsque le dessouchage ne peut être évité, la méthode la plus efficace consiste à utiliser quelques kilogrammes d'explosif brisant dans le dessein: (i) de déchausser la souche du sol environnant; (ii) éventuellement, de fendre la souche en deux ou plusieurs parties.
La charge d'explosif souffle le sol de façon que le collet et les grosses racines se trouvent dégagés. Après l'explosion, on retrouve souvent la souche plus ou moins divisée par une ou plusieurs fentes verticales. L'effet obtenu dépend des facteurs suivants: nature du sol, diamètre et résistance mécanique du bois de la souche, nature de l'enracinement.
FIGURE 27. - Emploi des explosifs: diviser la charge en deux (à gauche); placer les charges sous la souche (à droite).
Plus le sol présente une forte cohésion, plus forte doit être la charge nécessaire pour une souche donnée. Un enracinement superficiel et traçant offrira moins de résistance que des racines profondes et un pivot central. Dans la pratique, et selon les résultats obtenus sur plusieurs chantiers, on obtiendra les effets désirés avec des charges correspondant aux valeurs indicatives du tableau 5.
TABLEAU 5. - NOMBRE DE FOURNEAUX ET CHARGES D'EXPLOSIF NÉCESSAIRES POUR LE DESSOUCHAGE DES GROS ARBRES
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Diamètre des troncs à la base |
Nombre de fourneaux |
Charge totale (dynamite gomme) |
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(cm) |
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(kg) |
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60 |
2 ou 3 |
0,8-1,0 |
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80 |
2 ou 3 |
1,5-2,0 |
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100 |
3 ou 4 |
3,0-3,5 |
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120 |
3 ou 4 |
5,0-6,0 |
Sur chaque chantier, il est indispensable de procéder à quelques tatonnements en employant des charges croissantes pour un sol et une essence donnés.
Voici quelques tours de main faciles à suivre:
1. On s'efforcera de placer les pétards toujours à la même profondeur, soit à environ 70 à 80 cm, ce qui correspond à la longueur du bras.2. Avec les essences à racine pivotante, on s'efforcera de creuser le trou du fourneau non verticalement mais en inclinant l'axe du trou pour se rapprocher de la racine principale.
3. Lorsque la charge est assez importante pour pouvoir être divisée, on obtient un meilleur résultat avec deux charges de 800 g placées de part et d'autre de la souche plutôt qu'avec une charge de 1,5 kg placée dans un seul trou (fig. 27).
Après l'explosion, lorsque la souche est bien dégagée, et si possible fendue, on peut l'extraire par morceau, par des tractions effectuées au treuil du tracteur; il est commode d'essayer de la brûler sur place. A cet effet on comble la cavité créée autour de la souche, qui sert de foyer et auquel on mettra le feu. Le cas échéant, on peut, avant d'allumer le foyer que l'on remplit de bois sec, répandre un ou deux litres de gasoil pour faciliter l'embrasement. Plus la souche est fendue, mieux elle brûle; chaque fente joue le rôle de cheminée et provoque un appel d'air qui active la combustion. Au bout d'un jour, il ne reste plus de la souche que quelques moignons attenant aux racines latérales. Le treuil du tracteur peut alors en avoir rapidement raison.
Au total, toutes opérations comprises, on peut extraire, avec une équipe comprenant un artificier, un bulldozer avec chauffeur et élingueur, 15 à 20 grosses souches par journée de travail. Du point de vue économique, compte tenu du prix des explosifs et de la mise en œuvre par rapport au coût horaire d'un gros tracteur à chenilles, on peut admettre que l'utilisation systématique des explosifs entraîne une économie d'emploi des tracteurs correspondant aux deux tiers du temps que demanderait l'extraction de ces mêmes souches avec le seul bulldozer.
Les rendements que l'on cite quelquefois pour le déforestage sont excessivement variables pour deux raisons. D'une part, la forêt a une consistance très différente d'un point à un autre: l'abondance de la souille, la densité des tiges à l'hectare, l'enracinement différent, sont autant de variables difficiles à repérer. D'autre part, le déforestage est une opération qui requiert une grande habileté de la part du conducteur. Nous ne donnerons qu'un chiffre qui ne peut être qu'un ordre de grandeur. Dans une forêt dense tropicale de type fermé avec des broussailles abondantes et peu de grands arbres, le défrichement au bulldozer sur une largeur totale moyenne de 10 m représente une cadence de 20 h/km, soit trois jours de travail par kilomètre défriché.
LE TRACTEUR DE DÉFRICHEMENT
Le tracteur à chenilles doit être équipé essentiellement d'un bulldozer et d'un treuil forestier ou treuil de traction à tambour unique. On a toujours avantage à choisir des tracteurs aussi puissants que possible pour effectuer le déforestage. C'est ainsi qu'il est souhaitable d'utiliser des tracteurs de puissance nominale supérieure à 80 ch, mais dans la pratique, un souci permanent de standardisation du matériel fera choisir le même type de tracteur pour le forestage, le terrassement et le débardage. L'expérience montre que ce sont les tracteurs de 130 à 150 ch qui conviennent le mieux. Seule une entreprise très importante ayant un programme spécial de construction de routes aura intérêt à choisir des tracteurs plus puissants. La quasitotalité des travaux de défrichement peut être exécutée avec un tracteur en bulldozer, c'est-à-dire avec la pelle droite, perpendiculaire à l'axe du tracteur. La vitesse utilisée est toujours la première vitesse. Pour tous les travaux en forêt, le tracteur doit recevoir obligatoirement des aménagements spéciaux (fig. 28):
a) un blindage sous-carter;
b) une calandre protège-radiateur;
c) un ventilateur soufflant;
d) une cabine de protection;
e) un relevage hydraulique.
Une plaque de blindage inférieure est destinée à protéger toute la partie inférieure du tracteur: carter, boîte de vitesse et embrayage principal contre les chocs et à empêcher qu'un morceau de bois se relevant après passage sous la pelle puisse atteindre des organes fragiles. Cette doit être très enveloppante pour apporter une protection efficace.
La calandre, qui se place devant le radiateur, a pour rôle d'écarter les branches ou petits bois coupés en biseau qui risquent de détériorer gravement le radiateur. Le protègeradiateur est en général constitué par une tôle très épaisse perforée, fixée au châssis et placée à une quinzaine de centimètres en avant du radiateur. Certaines calandres montées sur charnière peuvent pivoter pour faciliter le nettoyage.
La plupart des tracteurs ont des ventilateurs qui aspirent l'air de l'extérieur vers le radiateur. Sous forêt cette disposition contribue à colmater les orifices du protègeradiateur par les feuilles qui sont plaquées contre cet organe par le courant d'air. Aussi préfère-t-on souvent installer un ventilateur soufflant qui envoie à travers le radiateur l'air chaud qui environne le moteur. Cette disposition, qui empêche le colmatage des ailettes, est plus agréable pour le chauffeur dans l'ambiance chaude, humide et mal ventilée des zones forestières.
FIGURE 28. - Cabine de tracteur avec aménagements spéciaux.
Cabines de protection
Aucun tracteur à chenilles ne devrait être employé en forêt s'il n'est pas doté d'une cabine de protection du type renforcé (heavy duty) capable d'apporter une bonne sécurité au conducteur. Une bonne cabine doit protéger contre: les branches mortes ou vives tombant sur le toit, les tiges qui viennent fouetter le tracteur et les ruptures de câble du treuil. Elle doit présenter des qualités: de robustesse, pour résister aux chocs et de souplesse, pour résister aux trépidations continuelles.
Une cabine comprend essentiellement:
a) un toit destiné à protéger le conducteur contre les objets tombant du dessus;b) des montants, en général quatre, qui supportent le toit et protègent contre les branches pouvant atteindre latéralement le chauffeur;
c) deux longerons inclinés reliant le toit de la cabine à l'avant; du tracteur et destinés à écarter les branches et tiges au cours du mouvement en avant;
d) un grillage en gros fil ou en tôle déployée à placer entre les deux montants arrière, pour protéger le dos et la nuque du chauffeur;
e) le toit peut également avoir une échancrure garnie de tôle déployée pour donner un champ de vision vers le haut.
Pour résister aux chocs, les éléments constituants doivent avoir des dimensions suffisantes: longerons en tube d'acier de 75 mm - toit en tôle épaisse de 7/10. L'assemblage des éléments doit présenter un certain degré de souplesse pour résister aux trépidations continuelles. Les assemblages sont souvent réalisés par chapes et axes sur la calandre et coulissement des montants sur des embases fixées au tracteur. Une forme générale en voûte ou en arceaux résiste mieux aux chocs et aux vibrations.
Un montage très souple facile à exécuter sur place rencontre une grande vogue aux Etats-Unis. Sur les ailes du tracteur sont soudés quatre tubes verticaux longs de 50 à 60 cm renforcés par des équerres; dans ces tubes sont enfilés de gros câbles de 75 mm de diamètre formant arceaux. Les longerons avant, la tôle du toit et les arceaux sont reliés par des serre-câbles judicieusement placés. L'ensemble allie heureusement les qualités de souplesse et de solidité.
La commande de relevage des pelles de bulldozer peut être réalisée par deux dispositifs différents: soit à l'aide de câbles s'enroulant sur un treuil spécial, soit à l'aide de deux vérins hydrauliques alimentés par une pompe.
Le dispositif de commande du treuil ou de la pompe doit être placé de préférence à l'avant, de fauçn à laisser l'arrière du tracteur disponible pour un treuil forestier et à pouvoir fonctionner en dehors de l'action de l'embrayage principal, le tracteur n'étant pas en mouvement. La commande à câble a l'avantage de permettre une course plus grande: un relevage de la pelle à une plus grande hauteur et son abaissement bien au-dessous du niveau d'appui des chenilles. Par contre la commande hydraulique permet de reporter une partie du poids sur le tracteur et, par conséquent d'obtenir une meilleure pénétration de la pelle dans lé sol et surtout sous les racines. La commande hydraulique est plus précise mais plus lente. La commande hydraulique rencontre de plus en plus d'adeptes, compte tenu des travaux très divers confiés au tracteur niveleur.
QUELQUES ACCESSOIRES SPÉCIALISÉS POUR TRACTEURS A CHENILLES
Nous avons vu que le tracteur avec lame de bulldozer et treuil est l'engin qui peut effectuer tous les travaux de défrichement. Cependant, on peut obtenir un meilleur rendement si le tracteur est équipé d'accessoires spécialisés.
Ces accessoires se montent le plus souvent à la place du bulldozer; leur mise en place et leur démontage sont en général rapides, ce qui permet de ne les employer strictement qu'au travail pour lequel ils ont été conçus. Leur utilisation à d'autres fins amènerait en effet une baisse sensible du rendement du tracteur. Nous les examinerons rapidement en les classant selon les types de travaux auxquels ils sont destinés: (a) les engins de scarification; (b) les clearing dozers et les root rakes; (c) les engins de défrichement divers.
FIGURE 29. - Mode d'actiondes dents scarificatrices.
FIGURE 30. - Le dozer router Esco.
Les engins de scarification
Les scarificateurs tractés ou portés sont destinés à préparer le travail du bulldozer. Ils ameublissent les sols trop compacts, disloquent les croûtes ou les revêtements superficiels trop durs, coupent et arrachent les racines, etc. Le travail ultérieur des bulldozers, pelles ou autres appareils, en est facilité d'autant; on distingue: les scarificateurs tractés ou portés , les dents scarificatrices placées en avant de la lame, les dents scarificatrices placées en arrière de la lame du bulldozer.
Le scarificateur appelé «rooter» ou «ripper» est l'engin type de cette catégorie. Il peut être remorqué ou tracté. S'il est remorqué, il est muni de roues qui supportent un châssis porte-outil réglable en hauteur grâce à un système de câbles. S'il est porté par le tracteur, les dents travaillantes sont montées sur un châssis fixé sur le tracteur et qui peut être abaissé ou relevé (fig. 29).
Le scarificateur porté paraît plus efficace que le scarificateur tracté mais a l'inconvénient d'exiger un délai de mise en place plus long. Les constructeurs de scarificateurs tractés ou portés sont nombreux, mais les modèles diffèrent peu.
Les dents sacrificatrices qui se montent sur bulldozer ont un rôle identique à celui du rooter, mais leur constitution est beaucoup plus simple puisque c'est le bulldozer et son châssis qui leur servent de support. Elles ne travaillent pas non plus de la même manière; en effet, la barre d'attelage du tracteur exerce sur le scarificateur tracté un effort dirigé légèrement vers le haut, ce qui tend à faire sortir les dents du sol dès que la résistance devient trop importante: seuls leur profil et le poids du scarificateur les maintiennent enfoncées. Le tracteur est libre de se cabrer ou de patiner quand l'effort à fournir devient trop grand.
Au contraire l'effort de pression exercé par le tracteur sur les dents fixées sur le bulldozer est dirigé vers le bas et tend à maintenir les dents enfoncées quelle que soit la résistance du sol: c'est le câble ou les vérins du bull qui les retiennent. Le tracteur ne peut plus se cabrer, son adhérence est accrue et sa puissance s'en trouve utilisée au maximum (fig. 30). Passons maintenant en revue les fabrications existantes à notre connaissance.
Dents scarificatrices placées à l'avant de la lame de bulldozer. - Les dents sacrificatrices sont constituées d'un robuste croc réglable en profondeur dont l'extrémité travaillante est interchangeable. Ce croc est maintenu par une gaine, elle-même fixée sur le bulldozer par deux sabots qui enserrent la lame à sa partie supérieure et à sa partie inférieure: il n'y a aucun trou à percer. La mise en place est simple et rapide. Ces dents effectuent leur travail de scarification pendant que la pelle du bull agit. Le sol se trouve ainsi ameublé à mesure de l'avancement du travail.
On peut installer à volonté une ou deux dents sur la lame de bull. Pour les enlever, il est recommandé d'enforcer les dents dans le sol avant leur démontage; elles restent ainsi fichées en position de travail prêtes à être remontées sans aucune manutention. Ces dents ont pour caractéristiques communes de pouvoir être rapidement mises en place pour effectuer un travail donné et enlevées une fois le travail effectué. Elles peuvent être réglées en profondeur.
Le back ripper Preco. - Son rôle est identique à celui des appareils ci-dessus et il se monte aussi sur bulldozer. Mais il travaille lorsque le tracteur recule et utilise ainsi les temps morts entre deux coups de pelle.
Le back ripper (fig. 31) est constitué de quatre dents scarificatrices tournées vers l'arrière et montées sur pivot. Quand le tracteur avance, les dents s'effacent automatiquement et glissent sur le sol. En marche arrière, elles reviennent d'elles-mêmes en position de travail et labourent le terrain. Le tracteur utilise ainsi alternativement sa pelle et son scarificateur, sans manœuvre spéciale du conducteur. Deux modèles de back ripper existent: l'un se monte sur l'arrière de la pelle du bulldozer, l'autre sur le châssis porte-pelle. Dans chaque cas, un dispositif est prévu pour maintenir les dents effacées quand on ne désire pas utiliser l'appareil.
Le back ripper est d'un emploi très commode et il y aurait sans doute intérêt à s'en servir très souvent: il travaille pendant les temps morts du tracteur, c'est-à-dire qu'il n'en perturbe absolument pas la marche. Le temps de travail ainsi récupéré permet d'effectuer une opération qui facilite grandement le travail au bull. Des études faites par l'armée américaine ont montré un accroissement de rendement du tracteur atteignant 100 % dans des conditions difficiles. Dans des conditions moyennes ou faciles, la production peut être augmentée de 30 %. Dans de nombreux cas, le back ripper peut éviter l'emploi d'explosifs ou de marteaux piqueurs.
Les bulldozers débroussailleurs
Ces accessoires sont en pratique des bulldozers de forme spéciale munis de dents et spécialisés dans le défrichement. Le clearing dozer est préférable au bulldozer classique chaque fois que le transport de terre n'est pas recherché. Le transport de terre qu'effectue automatiquement le bulldozer demande un effort inutile qui agit, de façon sensible sur le rendement du tracteur. Le clearing dozer est donc là aussi préférable d'autant plus que certains modèles ont une capacité nettement supérieure à celle des bulldozers classiques.
Le clearing dozer se monte sur le châssis des bulldozers classiques aux lieu et place de leur lame. Suivant les constructeurs, il se présente sous la forme d'une pelle munie de dents à sa partie inférieure ou d'un énorme rateau formé de dents amovibles fixées sur deux poutres (root rake). Des rallonges amovibles et flexibles placées sur les côtés au-dessus de la pelle en augmentent la capacité.
Bulldozer défricheur (root rake) et bulldozer épierreur (rock rake) Fleco. - L'un et l'autre se présentent sous la forme d'un énorme rateau constitué de robustes dents amovibles fixées sur deux poutres transversales. Les conditions d'utilisation de l'un et de l'autre appareil peuvent être améliorées par la mise en place des dispositfs suivants:
a) top guards ou barres supérieures: ce sont des dents dirigées vers le haut qui se fixent sur la poutre supérieure du châssis porte-dents; elles accroissent la capacité de production et protègent le tracteur;b) wearing caps ou pointes d'usure: ce sont des extrémités de dents amovibles qui se fixent par un simple boulon sur les dents standard et en évitent l'usure;
c) shoes ou sabots: ce sont également des extrémités de dents amovibles mais de formes adaptées à différents types de travaux particuliers.
Autres accessoires de défrichement
Arrache-souche (stumper): cet outil est constitué d'un croc en acier, coulé d'une seule pièce, qui se fixe sur le châssis en U des bulldozers orientables. Le bord d'attaque est formé de quatre dents recouvertes d'acier à haute résistance. Grâce à sa faible largeur et à sa forme concave, le stumper rentre facilement dans le sol. Il attaque ainsi les souches à extraire assez bas, tandis que ses dents pénètrent profondément dans le bois. Tout l'effort du tracteur se trouve en effet concentré sur la faible largeur des dents, y réalisant des pressions très élevées. Le conducteur du tracteur, tout en continuant à pousser, soulève le stumper grâce aux vérins ou au treuil du bull. Le mouvement d'arrachement et de bascule ainsi produit permet d'extraire les souches dans les meilleures conditions. Le montage et le démontage du stumper sont très simples. Avant d'enlever ces engins, on enfonce leurs parties travaillantes dans le sol; puis on ôte les goupilles qui les maintiennent sur le châssis porte-bulldozer, et on fait reculer le tracteur. Les appareils restent ainsi fichés en position de travail et leur remontage peut se faire en quelques instants sans aucune manutention (fig. 32).
Bigue arrache-souche (pull stumper): cet outil est accroché à la barre porte-outil du tracteur. Il est constitué essentiellement d'un robuste croc d'acier fixé sur un châssis relevable par treuil. Il peut pénétrer jusqu'à 20 cm dans le sol. Ce croc peut être utilisé (fig. 33):
a) soit pour couper les racines autour d'un arbre à abattre au bulldozer ou autour d'une souche à extirper;b) soit pour arracher les souches elles-mêmes; les mouvements de traction et de bascule ainsi provoqués viennent facilement à bout des souches importantes.
FIGURE 32. - L'arrache-souche amovible Fleco.
Bulldozer forestier (treedozer): cet appareil est spécialisé dans l'abattage des arbres. Il se compose de deux pièces essentielles: une poutre massive surélevée et un bulldozer en forme de V. Ces deux parties sont commandées indépendamment par câble et treuil à double tambour.
Dans une brousse de hauteur moyenne, le treedozer agit par son bull en V à la manière d'une étrave qui arrache la végétation et la repousse à droite et à gauche. Les arbres sont couchés par la poutre horizontale.
Tandis que la poutre appuie le plus haut possible sur le fût de l'arbre à abattre, la pointe du bull pénètre dans la souche et la soulève grâce à l'action du treuil de relevage. L'avancement de l'engin peut être rapide.
Gyrodozer 7G Caterpillar ce bulldozer est destiné à être monté sur les tracteurs à chenilles D7. Il est constitué d'une lame de bulldozer (et non d'angledozer) munie à sa partie inférieure de quatre grosses dents. Les bras obliques de poussée, à vis sur la plupart des pelles, sont remplacés ici par des vérins (fig. 34). Ces vérins assurent à la pelle:
a) un mouvement de tilt important; on peut obtenir une différence de niveau vers le haut ou vers le bas de 45 cm entre le centre et le bord de la lame (angle de 15° vers le haut ou vers le bas);b) un mouvement de basculement vers l'avant ou l'arrière selon un angle total de 16° 30'; le basculement est exécuté autour des attaches des bras de poussée horizontaux.
La pelle est munie de quatre dents démontables. Ces dents du gyrodozer agissent comme des coins et comme des dents de ripper. En basculant la pelle vers l'arrière, elles peuvent permettre de déplacer des souches ou des blocs de rocher à la manière d'une grosse fourche. En travail particulièrement difficile, le gyrodozer peut agir par une seule de ses dents sur laquelle est alors appliquée toute la puissance du tracteur.
La commande des vérins exige une pompe hydraulique placée en bout de vilebrequin du moteur. La commande de relevage du bull doit être solidaire du centre de celui-ci en raison des fortes inclinaisons que subit la pelle.
Ce relevage est à câble avec treuil (cable-control) arrière.
Ce bulldozer, très maniable puisque toutes les manœuvres que nous avons décrites sont commandées au siège du conducteur, est spécialement adapté aux travaux de dérochement et de dessouchage: il améliore le rendement du tracteur dans tous les travaux de débroussaillement; comme un ripper, il peut pénétrer dans les sols les plus durs.
Pour les défrichements limités que demande la construction des routes forestières, ce sont surtout les rooters tractés, les dents scarificatrices ou rippers, les stumpers, qui présentent le plus d'intérêt.
FIGURE 33. - La bigue arrache-souche Fleco.
FIGURE 34. - Le Gyrodozer 7G Caterpillar. Basculement de la lame.
Le matériel utilisé pour la construction des chaussées est le matériel classique des chantiers de travaux publics. L'utilisation de gros engins mécaniques a réduit considérablement le prix des terrassements dont l'incidence, dans la construction des chaussées, se trouve ainsi sensiblement diminuée. Le tracteur-niveleur ou angledozer est de loin le type de matériel le plus utilisé sur les chantiers de routes forestières. On peut même dire qu'il est considéré à juste titre comme capable d'exécuter la majeure partie des travaux. C'est donc lui qui va retenir notre attention.
Les tracteurs-niveleurs à chenilles se sont répandus dans tous les pays du monde entier depuis les années 1940-45. Leur silhouette est devenue familière sur de très nombreux chantiers et de nombreux conducteurs se sont exercés à la conduite de ces engins.
L'emploi de ces engins en terrassement pour la construction des routes forestières diffère peu de leur emploi sur les chantiers de travaux publics. On peut cependant signaler les différences suivantes:
1. Sur un chantier de route forestière le tracteur ne peut guère être employé que par unité isolée. Aussi son rendement reste-t-il relativement faible par rapport aux rendements observés sur des chantiers de travaux publics importants.2. Sur une route forestière les terrassements sont toujours très limités, car nous avons vu que le plus court chemin n'était pas à rechercher; une route forestière dont le rôle est de desservir des parcelles peut avoir un trajet allongé surtout quand il s'agit de contourner des accidents du terrain avec une faible pente.
Nous donnons ci-dessous quelques indications sur l'emploi des tracteurs dans les travaux de:
a) déplacement des matériaux;
b) construction de remblais;
c) construction de fossés;
d) travail à flanc de coteau;
e) épandage de matériaux et finitions.
Ainsi que nous l'avons vu précédemment tout terrassement doit commencer par le décapage de la terre végétale ou couche supérieure du sol qui contient des débris végétaux; ce résultat est pratiquement obtenu au cours du déforestage.
FIGURE 35. - A gauche: tiltdozer; au centre: bulldozer; à droite: angledozer.
DÉPEACEMENT DES MATÉRIAUX
Le déplacement des matériaux est l'opération la plus simple à la quelle se ramènent les autres cas particuliers. Les tracteurs-niveleurs ou dozers sont essentiellement faits pour transporter rapidement de grandes quantités de matériaux à une courte distance (50 à 80 m). Notons en passant que lorsque l'on désire effectuer des transports sur une plus longue distance, sur un chantier important, il est plus intéressant d'utiliser d'autres engins. Suivant la distance, on emploie un scraper tracté, un scraper automoteur, un dumper ou un camion benne.
Suivant les circonstances d'emploi, on peut disposer la pelle du bulldozer dans trois positions principales, en bulldozer, en angledozer, en tiltdozer.
La pelle est en bulldozer lorsqu'elle est perpendiculaire à l'axe de marche du tracteur; le bulldozer convient au refoulement des matériaux. La pelle est en angledozer lorsqu'elle peut être inclinée par rapport à l'axe de marche du tracteur, de façon à former un angle de 25 à 30° par rapport à la position bulldozer. La pelle peut donc prendre trois positions: en bulldozer, en angledozer à droite, en angledozer à gauche. Dans ces deux dernières positions l'engin peut répandre les matériaux vers la droite ou vers la gauche en les refoulant; il peut aussi attaquer un point plus résistant avec la pointe qui se trouve placée en avant. La pelle peut être mise en tiltdozer lorsqu'elle peut être inclinée dans le plan vertical jusqu'à 20° environ par rapport à l'horizontale, soit à droite, soit à gauche. Dans cette position la lame présente une pointe plus basse que l'autre pour attaquer un sol plus dur. Actuellement tous les tracteurs-niveleurs sont construits de façon à pouvoir disposer la pelle soit en angledozer, soit en tiltdozer (fig. 35).
Dans le terrassement, la manœuvre élémentaire s'effectue comme suit: le tracteur est mis en mouvement en avant en première vitesse; l'opérateur descend la pelle de quelques centimètres; sous l'action du poids du tracteur la pelle entre dans le sol et repousse le matériau qui s'accumule devant elle jusqu'à ce qu'elle soit pleine. La poussée des terres peut être continuée en deuxième vitesse jusqu'au lieu de dépôt où la terre peut être accumulée ou répandue par levage de la pelle. Pendant toute la manœuvre, le conducteur doit contrôler étroitement la position de la pelle en compensant la tendance à remonter (dépôt) ou à descendre (excavation) du nez du tracteur par une légère correction en sens inverse de la position de la pelle. Il doit opérer par petites actions rapides. Chez un conducteur confirmé, le contrôle permanent est réalisé de façon instinctive par des mouvements réflexes.
Chaque fois que la configuration du terrain le permet, le terrassement doit être exécuté en descendant, de façon que la pente augmente la puissance du tracteur. A la descente, le débit des matériaux déplacés augmente par rapport au travail en palier de plus de 5 % pour chaque % de pente; à titre d'exemple, précisons qu'un tracteur-niveleur qui descend une pente de 8 % en repoussant des matériaux a un débit supérieur de 30 à 50 % à celui qu'il obtiendrait dans une opération sur terrain horizontal.
FIGURE 36. - Construction de chaussée en plaine (remblai par apport transversal).
FIGURE 37. - Travaux à flanc de coteau. A gauche: forte pente; à droite: faible pente.
CONSTRUCTION DE REMBLAIS
Autrefois on utilisait uniquement la voie Decauville (voie de 60 ou 40 cm) avec wagonnets de 300 litres remplis à la pelle et poussés à la main sur des distances pouvant atteindre 200 m. Le rendement, suivant les déblais, la distance et l'entraînement de la main-d'œuvre, variait entre 1,5 et 3 m³ par homme/jour. Cette méthode a été abandonnée en raison du nombre d'hommes qu'elle demandait. Elle avait l'inconvénient de ne pas produire de compactage, l'avancement d'un remblai par talus successifs est donc à proscrire.
Le tracteur-niveleur permet un remblayage par couches successives épaisses de 30 à 40 cm environ. Aussi le tracteur à chenilles est-il amené à effectuer de nombreux parcours sur le remblai en refoulant les matériaux devant lui jusqu'au bord du remblai. Arrivé en fin de parcours, le conducteur relève la lame pour constituer un épaulement le long de la ligne de décharge. Ce rebord est repoussé à chaque parcours; il évite le risque d'une culbute de l'engin sur le talus frontal du remblai en cours d'exécution. Ces parcours sur le sol foisonné provoquent un compactage appréciable par le seul effet du poids et des vibrations produites par le tracteur. Un remblai construit selon cette méthode ne présente par la suite qu'un tassement réduit.
Dans la pratique, un remblai de route peut être exécuté de deux façons différentes selon la topographie locale. Lorsque le remblai fait suite à un déblai, notamment pour franchir un thalweg ou préparer les accès d'un pont, on a intérêt à effectuer le remblai dans sa longueur pour utiliser les matériaux de la fouille. Il est rare sur une route forestière que l'on doive procéder à une tranchée importante suivie d'un remblai élevé, aussi l'emploi d'un scraper ne se justifie que rarement; on est quelquefois amené à effectuer des transports sur une distance dépassant la longueur la plus économique, mais l'emploi du tracteur isolé sans scraper constitue souvent une simplification intéressante.
En terrain peu accidenté, le tracteur doit excaver sur les bas-côtés et remonter les matériaux sur la plateforme de la route. La chaussée doit être construite en léger remblai au-dessus du niveau du terrain environnant pour faciliter l'évacuation des eaux hors de la chaussée (fig. 36).
CONSTRUCTION DE FOSSÉS
L'angledozer peut exécuter un fossé peu profond sur les côtés de la chaussée. C'est pour les exutoires latéraux que l'angledozer est particulièrement efficace. Notons en passant que c'est au moment même de l'exécution des terrassements que les exutoires doivent être ouverts entre les fossés latéraux et les thalwegs qui drainent la zone voisine de la route en construction. Chaque fois que l'ouverture de ces exutoires est différéee après la fin des terrassements, sa réalisation est incomplète ou onéreuse surtout lorsqu'elle est exécutée à la main pour éviter le déplacement d'un tracteur-niveleur. Ce travail d'ouverture peut être réalisé soit par passages perpendiculaires à l'axe du fossé avec une lame en bulldozer, soit par passages dans l'axe du fossé avec la lame inclinée en tiltdozer.
TRAVAUX A FLANC DE COTEAU
Nous avons vu en étudiant le tracé des routes que celles-ci devaient être souvent établies à flanc de coteau. Le profil de la route est mixte et comprend une partie en déblai et une partie en remblai. Une section de route à flanc de coteau doit être commencée par le haut, autant que possible, pour bénéficier de l'avantage du travail en descente. En chaque point, l'amorce des travaux présente quelques difficultés. Le premier résultat à obtenir consiste à créer une plate-forme sensiblement horizontale sur laquelle le tracteur puisse évoluer. Deux méthodes peuvent être utilisées suivant la raideur de la pente du versant (fig. 37).
Fortes pentes: travail par en haut
Le tracteur équipé en bulldozer (pelle droite) est placé audessus de l'assiette de la route en position de descente suivant la ligne de plus grande pente. En abaissant la lame au maximum le conducteur creuse et pousse la terre vers le bas du versant, de façon à réaliser une plate-forme mixte midéblai mi-remblai. Cette plate-forme doit avoir une largeur au moins égale à la longueur de la pelle, soit 4 m, et une lon gueur au moins égale à une fois et demie la longueur du tracteur, soit 10 m environ. Une fois cette plate-forme établie, l'engin y est amené pour continuer le travail en suivant le profil en long de la route à construire.
Faibles pentes: travail par en bas
Le tracteur est placé au-dessous de l'assiette de la route en position de montée. Le conducteur laisse reposer la pelle sur le sol et fait avancer l'engin en pivotant autour d'une chenille. La pelle balaie une surface horizontale et prend plus de terre vers le haut que vers le bas de la zone de pivotement. Cette opération doit être recommencée jusqu'à ce que la plate-forme de départ soit réalisée. On peut opérer avec la lame en bulldozer ou mieux en angledozer.
Dans les zones à climat tropical humide, l'expérience montre qu'on a avantage à réaliser des profils de déblai à, pente très forte pour éviter la dégradation par les pluies. On constate très souvent en surface une évolution des sols qui conduit à la formation d'une couche durcie sur une faible épaisseur et qui contribue au maintien des terres. Pratiquement on a très souvent avantage à réaliser une face de déblai presque verticale.
Une fois réalisée une plate-forme de départ de dimensions suffisantes (environ 4 × 10 m), le travail peut être continué en suivant le profil en long de la route, de préférence en descendant. Le conducteur doit chercher à réaliser un profil en travers comportant un léger dévers vers le talus, de façon à prévenir une tendance au glissement vers l'extérieur et à prévoir une marge de tassement.
EPANDAGIE DE MATÉRIAUX - FINITION
Le tracteur-niveleur peut répandre des matériaux approvisionnés en tas ou en cordons le long de la route. Ces travaux ne peuvent titre confiés qu'à un conducteur confirmé connaissant bien son engin. Il pourra obtenir une surface acceptable avec une pelle en angledozer, à condition de pousser peu de matériaux, en deuxième ou troisième vitesse avant. Un bon résultat peut être obtenu en opérant à la fin un passage en marche arrière, la pelle reposant sur le sol pour tasser les petites irrégularités. Il est toujours recommandé d'arrêter un chantier en fin de journée en laissant une surface extérieure régulière, de façon à éviter les dégâts dus à l'érosion et à l'imbibition profonde du sol remanié et en cours de compactage.
Confier les travaux de régalage de nivellement et de finition exécutés à un tracteur-niveleur ne constitue qu'un pis aller; ces travaux sont normalement réalisés à l'aide de niveleuses tractées ou automotrices.
RENDEMENT DES TRACTEURS-NIVELEURS
Le rendement d'un tracteur s'exprime en mètres cubes déplacés à l'heure. 11 dépend d'un grand nombre de conditions: habileté du conducteur, nature du terrain, humidité du matériau, état du matériel, organisation du chantier.
Voici quelques chiffres à titre indicatif. Il appartient au chef de chantier de les interpréter et de les réduire en fonction des conditions locales.
TABLEAU 6. - RENDEMENT DES TRACTEURS NIVELEURS
|
Puissance du tracteur |
Transport à 30 m |
Transport à 60 m |
||
|
Retour à 4 km/h |
Retour à 8 km/h |
Retour à 4 km/h |
Retour à 8 km/h |
|
|
(ch) |
(mètres cubes) |
|||
|
150/180 |
95 |
175 |
50 |
60 |
|
100/125 |
80 |
150 |
45 |
50 |
|
75/85 |
60 |
105 |
35 |
40 |
Le rendement d'un angledozer est supérieur de 15 à 25 % à celui d'un bulldozer.
Les effets du compactage sont recherchés lors des terrassements dans la construction des remblais et dans la construction des chaussées, chaussées à assises stabilisées dites familièrement routes en terre.
Dans la construction des remblais on s'en remettait autrefois à l'action du temps et des pluies pour laisser se réaliser un tassement qui restait très sensible durant deux à trois années. Les remblais étaient poursuivis à l'avancement par talus successifs formés de couches non horizontales. Actuellement on apporte les terres par couches minces sur toute la longueur des remblais. Ces couches minces de 20 cm d'épaisseur environ sont réglées au bulldozer ou à la niveleuse et peuvent subir un compactage mécanique régulier qui est obtenu par la circulation des bulldozers et le cas échéant quelques passages de rouleau compacteur.
Pour la réalisation des chaussées en terre, les différentes couches mises en place sont compactées sous l'action successive des pluies, des engins de terrassement (tracteurs et camions) et aussi d'engins spéciaux de compactage. La seule circulation sur les remblais ou la plate-forme des chaussées produit un compactage appréciable. Les tracteurs à chenilles, bien que n'exerçant qu'une faible pression sur le sol (0,5 à 0,8 kg/cm²), lui transmettent leurs vibrations. Les camions jouent également un rôle utile surtout quand on les fait circuler sur l'ensemble de la plate-forme en évitant les passages répétés sur le même circuit. Les effets ainsi obtenus peuvent s'ajouter à ceux des principaux engins spéciaux utilisés que nous allons décrire sommairement: les rouleaux à pieds de mouton; les rouleaux à pneus; les rouleaux compresseurs lisses; les engins vibrants.
LE ROULEAU A PIEDS DE MOUTON
C'est essentiellement un cylindre de tôle épaisse portant sur sa surface extérieure des fouloirs ou pieds en forme de tronc de cône de 20 cm environ ou de pyramide ayant une longueur de 20 cm environ. Ces pieds donnent une pression au sol qui varie suivant les cas de 10 à 20 kg/cm². Le nom de pieds de mouton donné à ces fouloirs rappelle la similitude entre leur action sur le sol et celui du piétinement d'un troupeau de moutons. Les cylindres sont creux, de façon à pouvoir recevoir un lest constitué par du sable ou de l'eau (fig. 38).
Les rouleaux à pieds de mouton sont utilisés soit isolés, soit groupés par deux ou trois. Seul le tambour isolé convient à un chantier forestier pour une raison évidente d'économie. Les cylindres qui portent les pieds ont une largeur suivant une génératrice de 1,20 à 1,80 m; cette dimension correspond à la largeur utile des passages. Les engins pouvant peser avec lest 3, 7 ou 10 tonnes sont les seuls qui intéressent les chantiers forestiers.
L'action d'un rouleau à pieds de mouton s'exerce de bas en haut. Dans une couche de sol épaisse de 20 à 25 cm, les pieds commencent par compacter la partie inférieure, puis, peu à peu, les parties médianes. Le rouleau finit par porter sur la partie supérieure de cette couche; les quelques centimètres supérieurs (5 cm environ) restent non compactés et ne peuvent l'être que par un autre engin: rouleau à pneus ou rouleau lisse.
Les meilleurs résultats sont obtenus sur des couches de sol homogène, désagrégé, ne contenant plus de mottes et ayant une humidité convenable (15 à 20 % du poids de terre sèche). Les cylindres ou tambours sont utilisés en solo ou groupés en duo, en tandem, etc. Le rouleau est remorqué généralement par un tracteur à chenilles. On opère par passes de grandes longueurs, avec des virages à grands rayons à la vitesse de 6 km/h ou 100 m/mn.
L'effort au crochet nécessaire à la traction de ces rouleaux, d'après Caterpillar, serait de 225 kg par tonne brute remorquée. D'autres auteurs indiquent une puissance de 4 à 5 ch par tonne brute remorquée. Dans des conditions d'humidité optimum, il faut prévoir une dizaine de passes pour compacter une couche de 25 cm.
Le rouleau tourne-pieds mérite une mention spéciale. Cet appareil comporte des pieds inclinables auxquels on peut donner trois positions successives permettant un compactage profond avec une pression moyenne théorique de 33 kg/cm², un compactage intermédiaire de 12,5 kg/cm² et un compactage superficiel de 4,5 kg/cm² seulement. On peut ainsi réaliser jusqu'à la surface un serrage uniforme de la couche à compacter.
Le rouleau à pieds de mouton convient essentiellement aux sols argileux. Il ne constitue pas un équipement absolument indispensable à l'exploitant forestier, constructeur de routes, mais lui rendra service, notamment dans les remblais importants qui doivent être mis en service peu après leur construction.
FIGURE 38. - Rouleau à pieds de mouton Albaret. En bas: plaque amovible suportant les pieds de mouton.
FIGURE 39. - Rouleaux à pneus.
LE ROULEAU A PNEUS
Un rouleau à pneus est essentiellement composé d'une caisse pouvant recevoir un lest, supportée par un ou deux essieux comportant des pneus à bande de roulement lisse. Lorsqu'il y a deux essieux, chaque essieu a un nombre de roues différent, par exemple 3 et 4, ou 6 et 7, de façon que les roues soient décalées les unes par rapport aux autres et que leurs traces se chevauchent. Seuls les modèles tractés correspondent aux besoins des chantiers forestiers (fig. 39). Ces engins ont une largeur de 1,60 à 2,70 m qui correspond à une largeur de compactage de 1,50 à 2,10 m. Leur poids avec lest maximum varie de 8 à 11 tonnes. Ces rouleaux peuvent être tractés par des tracteurs agricoles à pneus de puissance moyenne.
Divers dispositions et modes de suspension sont réalisés pour améliorer l'action des roues. Sur certains modèles, les roues sont montées volontairement voilées par rapport à l'essieu, de façon que chaque roue soit animée d'un mouvement de lacet qui donne une trace sinusoïdale sur le sol. On a attribué à cette disposition la production d'un certain massage du sol, il semble préférable de n'utiliser que des cylindres à montage droit. Le problème de la bonne répartition des charges est résolu par divers dispositifs sur les roues. Elles sont montées par paire sur un axe oscillant. Dans d'autres types (Isodyne), chaque roue est portée par un berceau oscillant relié au berceau voisin par un câble et solidaire de la caisse par une poulie. Cette suspension compensée assure une répartition uniforme de la charge entre les roues, par un rapprochement optimum des roues qui augmente l'action en profondeur. Le poids lesté des rouleaux compacteurs à pneus varie de 8 à 15 tonnes.
Seule la gamme des rouleaux à poids modéré intéresse l'exploitant forestier constructeur de routes pour lequel de tels rouleaux constituent un équipement souvent indispensable, mais dont l'emploi est presque toujours limité.
Pour les rouleaux de type courant la pression du gonflage des pneus varie de 1,5 à 3,5 kg/cm² suivant les types et la nature du sol; la pression exercée au sol par les rouleaux est légèrement supérieure à la pression de gonflage des pneus. Les rouleaux sont tractés à une vitesse modérée comprise entre 5 et 15 km/h.
La puissance nécessaire à la traction par tonne brute remorquée varie de 7 ch par tonne pour les rouleaux ordinaires a 5 ch par tonne pour les rouleaux à suspension compensée.
Les rouleaux à pneus conviennent bien aux sols silicoargileux non plastiques, à l'exclusion des sols très argileux et des sols sableux. Leur action intéresse une couche mince de 10 cm environ qui peut être compactée à la fin de 2 à 4 passes seulement. Le compactage effectué au rouleau à pieds de mouton doit toujours être complété par quelques passages de rouleau à pneus pour compacter la couche supérieure sur les cinq derniers centimètres.
LE ROULEAU COMPRESSEUR LISSE
Les cylindres routiers de type classique à jante métallique lisse donnant une pression uniforme peuvent être utilisés faute de mieux pour le compactage. Leur action sur :le sol s'exerce de haut en bas et n'intéresse qu'une très mince pellicule de quelques centimètres d'épaisseur: ils tendent à déformer et cisailler les couches de terrain sur lesquelles ils circulent. En fait, ils ne conviennent bien qu'au serrage de matériaux pierreux, graviers ou pierre concassée.
Sauf cas exceptionnel, notamment la présence de gros graviers et faute de rouleaux à pneus, la présence d'un rouleau compresseur lisse ne se justifie pas sur un chantier forestier.
LES ENGINS VIBRANTS
Ce sont des cylindres légers à jantes lisses. Un moteur spécial communique à l'ensemble des jantes des vibrations dont la fréquence est donnée. La vibration n'intéresse que des grains dont la dimension est d'autant plus petite que la fréquence des vibrations peut être réglée en fonction du sol à compacter. Comme les engins vibrants n'agissent que sur des grains dont la dimension est celle des sables, ils sont spécialement efficaces pour le compactage des sols sableux, notamment les sables contenant peu de fines. Leur action présente l'avantage d'être assez profonde (jusqu'à 50 cm).
En pratique, ces engins ne sont pas encore employés sur les chantiers forestiers.
Pour mémoire, nous citerons les dames automatiques ou grenouilles sauteuses utilisées pour le compactage de surfaces de faibles dimensions: fondations, cours, sols de hangars ou d'ateliers, zone d'accès d'un pont.
FIGURE 40. - Niveleuse tractée de 700 kg.
Lorsque les terrassements principaux ont été effectués au tracteur-niveleur, cet engin cède la place à la niveleuse pour la réalisation des travaux de finition, le profilage ou mise en forme de la chaussée, la construction des fossés. La niveleuse constitue aussi l'engin presque indispensable pour l'entretien des routes forestieres.
Nous examinerons ici la constitution des niveleuses et leur emploi dans les travaux de finition. Les travaux d'entretien seront examinés plus loin (sect. 9).
LES NIVELEUSES
L'aspect de cet engin est devenu familier à tous ceux qui ont visité des chantiers de construction de routes. Qu'elle soit du type tracté ou du type automoteur, une niveleuse comporte essentiellement quatre parties: un châssis en tôle forte présentant un grand empattement pour permettre les déplacements de la lame; des dispositifs d'orientation qui font prendre à la lame des positions très varices, plus ou moins inclinées sur l'axe de l'engin et par rapport à l'horizontale; les trains de roulement à deux ou trois trains de roues, équipées de pneus à basse pression; une lame d'acier ou partie travaillante longue de 2,50 à 4 m, haute de 40 à 60 cm, suspendue au châssis par l'intermédiaire des dispositifs d'orientation.
FIGURE 41. - Croquis schématique d'une niveleuse automotrice.
A l'origine, toutes les niveleuses étaient tractées, mais, actuellement, on ne fabrique plus que des engins tractés de petite dimension destinés aux travaux agricoles ou aux travaux d'entretien loger sur les routes en terre à faible trafic. Une niveleuse tractée (fig. 40) est plus robuste mais moins précise et plus lente qu'une niveleuse automotrice. Elle doit être tractée par un tracteur agricole ordinaire d'une puissance de 40 à 60 ch; on admet couramment que le poids du tracteur doit être double du poids de la niveleuse. La niveleuse tractée n'est pas réversible; l'attelage tracteur et niveleuse ne peut tourner qu'à des emplacements prévus pour l'exécution de cette manœuvre. Malgré ses inconvénients, lenteur relative, présence de deux conducteurs, difficulté de tourner, la niveleuse légère tractée, peu chère à l'achat, est adaptée aux besoins d'un chantier forestier où le réseau routier est en général relativement peu développé.
Les entreprises de travaux publics préfèrent actuellement les niveleuses automotrices dont il existe de nombreux types (fig. 41). Ceux-ci se distinguent par: le nombre de roues arrière, le nombre de roues motrices, le nombre de vitesses, les orientations possibles de la lame, la puissance du moteur, les accessoires.
Les roues arrière sont au nombre de deux ou de quatre; les engins à quatre roues arrière en tandem sont considérés comme plus robustes, moins sujets aux vibrations et plus précis. Les engins à deux roues arrière sont plus maniables et tournent sur un rayon un peu plus faible. Certaines niveleuses à quatre roues, dont deux roues arrière, ont leurs quatre roues motrices, ce qui leur assure à la fois une adhérence totale et une bonne maniabilité. Les roues avant peuvent être inclinées sur l'essieu pour compenser les efforts transversaux dus à la lame.
On dispose, en général, d'une gamme de cinq à huit vitesses avant allant de 2 à 20 km/h pour le travail et de 25 à 40 km/h pour le déplacement et deux vitesses arrière (2 à 5 km/h). Certains engins sont totalement amphidromes et ont le même nombre de vitesses arrière et avant, ce qui facilite l'organisation du chantier: une niveleuse irréversible doit agir sur un chantier de grande longueur (300 à 500 m), sinon les pertes de temps dues au changement de sens de marche et au réglage de la lame sont très sensibles.
La lame peut prendre des positions plus ou moins excentrées, en translation, en inclinaisons transversales et en rotation: avec un engin amphidrome et une lame à rotation totale, on peut travailler aussi bien en marche arrière qu'en marche avant. La commande des mécanismes d'orientation est du type mécanique avec pignons, axes et cardans ou plus souvent du type hydraulique.
De plus en plus, les constructeurs offrent avec leurs niveleuses des accessoires qui élargissent leur champ d'action. Un scarificateur ou défonceuse à dents peut être monté en avant de la lame pour des travaux en carrière. Une petite lame de bulldozer peut être placée en avant de l'essieu avant, tandis qu'un godet chargeur placé à l'arrière permet de charger les camionsbennes.
La puissance des moteurs, le plus souvent moteurs Diesel, s'échelonne de 40 à 200 ch. Les engins les plus puissants à grande capacité ne conviennent qu'aux chantiers de construction importants. La plupart des exploitations forestières peuvent se contenter d'engins de petite ou moyenne puissance, 40 à 70 ch qui, sont d'un coût modéré et conviennent à leurs besoins.
EMPLOIS DES NIVELEUSES
On peut distinguer les travaux de construction et les travaux d'entretien. Comme nous l'avons déjà précisé, les travaux d'entretien feront l'objet de la section 9.
Les travaux de construction sont essentiellement le nivellement de la chaussée, sa mise en forme par déplacement transversal des matériaux, la construction des fossés d'assainissement, le répandage des matériaux d'amélioration.
Nivellement et mise en forme
Lorsque le tracteur-niveleur a terminé les terrassements, la plate-forme des déblais et remblais présente une surface pratiquement plane ou présentant une légère pente vers les côtés. La régularité de cette surface serait rapidement détruite sous l'action du roulage des véhicules et du ruissellement des eaux de pluies Nous avons vu auparavant que le profil en travers normal de :la plate-forme comporte une forme en toit comprenant deux versants en pente légère descendant vers les fossés latéraux.
Le nivellement proprement dit consiste à raboter les monticules et à combler les creux avec les matériaux enlevés: s'il reste un surplus de matériaux, ceux-ci sont rejetés sur le côté sous la forme d'un cordon. Deux ou trois passes sont nécessaires pour obtenir une surface bien régulière. Au premier passage, on dispose la lame de façon à faire un angle ou direction de marche de 50° environ avec l'axe de la machine. Au dernier passage, on place la lame presque perpendiculairement à l'axe de la machine. Le mode opératoire est sensiblement le même qu'il s'agisse de nivellement ou d'épandage de matériaux. Le nombre de passes dépend de l'adresse du conducteur.
Déplacement transversal des matériaux
Pour obtenir un profil donné, on peut être amené à déplacer des matériaux déposés en cordons plus ou moins réguliers. Ces matériaux sont déplacés dans le sens transversal des côtés de la plate-forme vers l'axe pour réaliser le bombement définitif. A l'occasion de ce déplacement transversal, on peut réaliser un certain mélange de matériaux différents répandus en cordons parallèles ou en couches superposées. Par exemple, en déplaçant l'ensemble des matériaux du côté droit vers le côté gauche, on réalise le malaxage, puis, en déplaçant une partie des matériaux mélangés du côté gauche vers le côté droit, on procède à l'épandange du mélange obtenu.
Ouverture des fossés
Lorsqu'il s'agit de terrains préalablement déforestés et dessouchés ou de terrains ne comportant que quelques broussailles sans souches et sans grosses pierres, une niveleuse de moyenne puissance peut ouvrir les fossés latéraux des routes forestières. Les matériaux excavés sont rejetés vers La plate-forme et constituent un léger remblai qui facilite les drainages ultérieurs de la chaussée. Pour le creusement des fossés, la lame est orientée selon un angle de 35° par rapport à l'axe de marche et inclinée de façon à pénétrer dans le sol de 10 à 15 cm au maximum. Le creusement complet du fossé est ainsi obtenu à l'aide de plusieurs passes successives, de façon à atteindre le profil caractéristique en V ouvert des fossés ouverts à la niveleuse. Les passages de creusement sont effectués en première vitesse à 2 km/h; les passages de déplacement latéral des terres sont effectués en deuxième vitesse à 4 km/h environ; lorsque le sol est durci ou qu'il comporte quelques pierres, il peut être indispensable d'effectuer un léger piochage à l'aide des dents de scarificateur montées à l'avant de la lame. Si l'accotement est gras ou si le fossé est profond, il peut être utile d'atteler la niveleuse à un tracteur ou à un camion pour éviter le patinage.
Répandage des matériaux d'amélioration
Nous avons, dans la section 2, distingué le sol naturel et la couche d'amélioration. Cette couche est très souvent constituée de tout-venant graveleux extrait de gisements naturels choisis et directement transporté sur le sol naturel compacté et nivelé. Les camions-bennes qui assurent ces transports déversent leur chargement en petits tas disposés régulièrement sur les accotements de la chaussée. Ces matériaux graveleux sont souvent du tout-venant latéritique riche en gravillons de moins de 40 mm de diamètre. Dans certains cas, on observe devant la lame une ségrégation ou triage des matériaux par grosseur décroissante qui nuit à l'homogénéité de la couche mise en place. Les conducteurs confirmés évitent ce triage en respectant les précautions suivantes:
a) éviter de répandre des matériaux trop secs;
b) incliner la lame le moins possible sur l'axe de marche;
c) tenir la lame chargée au maximum des matériaux à répandre;
d) éviter de laisser sous la lame un espace correspondant à la grosseur des matériaux;
e) éviter les passages laissant un espace triangulaire à une extrémité de la lame;
f) effectuer le minimum de passes.
Notons qu'il est souhaitable de stabiliser ces couches d'amélioration par quelques passes d'un rouleau à pneus, surtout lorsque l'épaisseur des matériaux d'amélioration dépasse 10 à 15 cm.
Nous avons vu précédemment comment l'eau se comportait comme l'agent principal de destruction des chaussées; c'est pourquoi il nous paraît indispensable de rassembler sous une même rubrique les données pratiques qui concernent le drainage, c'est-à-dire en fait les fossés.
Le rôle des fossés consiste à recueillir les eaux de ruissellement qui tombent sur la route et à les évacuer vers les ruisseaux ou rivières qui sont les exutoires naturels. On peut distinguer plusieurs catégories de fossés dont chacun répond à un besoin différent et joue un rôle bien défini (fig. 42).
a) les fossés latéraux;
b) les exutoires vers les thalwegs;
c) les fossés de protection ou fossés de crête;
d) les dalots sous chaussée.
LES FOSSÉS LATÉRAUX
Les fossés latéraux recueillent les eaux de ruissellement tombées sur la plate-forme de la route. Nous avons vu que la forme bombée donnée à la chaussée a pour rôle essentiel de faciliter l'écoulement rapide des eaux vers les fossés latéraux.
FIGURE 42. - Schéma de réseaux fossés.
Ces eaux ne doivent pas stagner dans les fossés pour éviter qu'elles ne pénètrent dans le sol même de la chaussée et contribuent inévitablement à en diminuer la résistance. Pour assurer leur rôle, les fossés doivent avoir le plafond placé à un niveau nettement inférieur à celui des accotements.
Nous avons déjà vu à la section 1 (voir partie I) que, pour évacuer les eaux vers les exutoires, les fossés doivent avoir une pente longitudinale supérieure à un minimum pour éviter les dépôts, mais inférieure à un maximum pour éviter les ravinements. Pratiquement, la pente minimum est comprise entre 0,5 et 1 %; la pente maximum est définie par la nature du terrain naturel qui est plus ou moins affouillable; elle est comprise le plus souvent entre 2 et 4 %.
Sous les climats tropicaux, les précipitations sont souvent brutales, de sorte que les fossés devraient avoir un débouché ou une section permettant l'évacuation d'un débit instantané considérable. En zone de forêt dense, il tombe souvent plus de 100 mm par jour. Dans la pratique, on conserve aux fossés une section quasi constante, mais on multiplie les exutoires qui permettent de déverser les eaux circulant dans les fossés latéraux vers l'extérieur de l'emprise. Faute de prévoir des exutoires assez nombreux, les fossés latéraux risquent d'être rapidement ravinés jusqu'à atteindre des profondeurs considérables. Leur plafond se situe alors au-dessous du niveau du terrain voisin et rend leur vidange difficile sinon impossible. Des éboulements sont à craindre qui peuvent entamer les accotements ou la chaussée elle-même (fig. 43).
Nous avons vu dans la section précédente comment les fossés pouvaient être creusés à l'aide d'une niveleuse. Lorsque l'emploi de la niveleuse n'est pas possible, il faut se résoudre à creuser les fossés à la main, ce qui constitue une assez lourde sujétion. Les fossés doivent être creusés aussitôt que possible et au plus tard à la fin des travaux de terrassement. En différer l'exécution constitue toujours une faute grave.
FIGURE 43. - En 1, 2, 3: érosion de fossés de bords vifs; en 3: le fossé est trop creusé pour se vider dans le dalot. Le niveau primitif du dalot est indiqué par une flèche.
LES EXUTOIRES VERS LES THALWEGS
Ces exutoires ont pour rôle d'évacuer les eaux des fossés latéraux vers les thalwegs naturels ou plus simplement sur les versants d'où ces eaux gagneront les thalwegs naturels par ruissellement.
On peut avancer que les exutoires sont rarement assez nombreux pour assurer leur rôle d'évacuation. Il est évident qu'ils doivent être d'autant plus nombreux que la pente en long de la route est plus forte. Leur espacement ne peut être prévu par aucune règle.
Il a pratiquement pas d'inconvénient à les faire trop nombreux; l'observation directe suffit à définir les besoins réels; une inspection rapide passée lors des premières tornades qui interviennent à l'issue des travaux de terrassement et de nivellement permet de définir les travaux complémentaires qui s'imposeraient, le cas échéant.
Nous noterons deux observations importantes. On rencontre quelquefois des exutoires nombreux et rapprochés à partir du fossé latéral pour aboutir à une petite fosse quelquefois assez profonde pouvant contenir 100 ou 200 litres. Ces travaux ont parfois demandé plusieurs jours de travail. Ils sont malheureusement inefficaces: une telle fosse se remplit dans les toutes premières minutes des chutes de pluies qui peuvent compter 50 à 150 mm de hauteur totale.
Pour éviter autant que possible l'ensablement d'un exutoire, il est souhaitable de lui donner une pente supérieure à celle du fossé latéral contigu et une pente qui croît du fossé vers le versant ou le thalweg. Lorsque ces conditions ne sont pas réalisées le courant d'eau ralentit en passant du fossé dans l'exutoire et laisse déposer les matériaux qu'il entraîne, l'exutoire se comble et ne peut plus jouer son rôle.
La construction des exutoires s'effectue en même temps que celle des fossés. En terrain peu accidenté, lorsqu'un exutoire artificiel doit être ouvert entre la route et le thalweg voisin, il est toujours préférable d'utiliser le tracteur niveleur affecté aux terrassements principaux de la route lorsqu'il opère à la hauteur de ces exutoires. Nous avons vu à la section 5 comment effectuer cette opération; le tracteur niveleur présente l'avantage d'ouvrir largement un exutoire, ce qui en facilitera l'entretien ultérieur.
LES FOSSÉS DE CRÊTE
Lorsque la route est construite en tranchée ou en déblai à flanc de coteau le long d'un versant, elle coupe la direction habituelle des eaux qui ruissellent sur ce versant. Elle constitue souvent un lieu de rassemblement pour ces eaux sauvages qui risquent d'affouiller les talus de déblais.
Il est souvent facile d'établir au-dessus du déblai un fossé de crête qui arrête les eaux du versant et les conduit au thalweg voisin en les empêchant d'atteindre la route. Ces fossés de crête sont établis dans des conditions comparables à celles des fossés latéraux. Leur importance dépend de l'importance du versant situé au-dessus d'eux.
Une précaution s'impose, c'est de les établir à une distance minimum de la crête du talus de déblai pour éviter qu'ils ne donnent lieu à des infiltrations dangereuses pour la stabilité du talus qu'ils protègent. Cette distance minimum doit être au moins égale à 4 à 5 m.
LES DALOTS SOUS CHAUSSÉE
Lorsque la route est bordée par un talus de déblai, le fossé latéral ne peut souvent se déverser dans un thalweg ou vers la partie basse du versant que si les eaux traversent la chaussée au moyen d'un dalot. Ces dalots sont; d'autant plus nécessaires que les eaux qui ne peuvent être évacuées compromettent la stabilité de la chaussée Faute de dalot, au moment de l'averse, les eaux passent par dessus la chaussée qui joue le rôle de déversoir, ce qui aboutit inévitablement à une coupure de la route; en outre, l'eau qui stagne dans le fossé à la fin de la tornade contribue à l'imbibition du sol et diminue la résistance de la chaussée.
Lorsque la route d'exploitation doit rester en service plus d'une année, il est indispensable d'établir un dalot à chaque point bas du profil en long. Ces petits ouvrages sous la chaussée sont indispensables le long d'une rampe serpentant le long du flanc d'un coteau dont le versant en pente douce peut amener beaucoup d'eau au fossé latéral du côté amont.
Suivant la durée de service prévue pour la route, suivant les moyens dont dispose l'exploitation, ces dalots seront construits à l'aide de divers matériaux plus ou moins durables tels que de vieux arbres creux, des planches de rebut provenant d'une scierie voisine, des fûts métalliques sans valeur ou des buses en ciment.
Lorsqu'on dispose à bon compte de planches de rebut ou de croûtes comportant une partie de bois de cœur assez durable, on peut opérer comme suit: dans une tranchée creusée dans la route à la profondeur voulue, on place des cadres en bois de 50 × 50 cm ou 60 × 60 cm régulièrement espacés à des intervalles de 1,50 à 2 m. Ces cadres servent d'étais aux planches de rebut disposées autour de ces cadres comme un coffrage. On remblaie ensuite la tranchée en damant la terre. Ces dalots peuvent assurer un service efficace pendant deux ou trois ans (fig. 44).
Les buses en ciment, notamment les buses en ciment non armé, constituent un matériau économique pour la réalisation de ces dalots. On peut les construire à proximité immédiate du lieu de mise en place, à l'aide de moules démontables, en tôle ou en planches. Elles peuvent être fabriquées et mises en place par une main-d'œuvre non spécialisée à condition que soient respectées les quelques précautions suivantes.
Ces buses en ciment doivent être recouvertes d'une épaisseur de terre au moins égale à 0,60 m pour arriver au niveau de la chaussée. Etant donné qu'il est préférable de n'employer que des buses de 0,60 m de diamètre pour faciliter leur surveillance et leur nettoyage, le fond de la tranchée de pose doit être au moins à 1,40 m au-dessous du niveau de la chaussée. Les buses doivent être posées sur une fondation en béton maigre bien nivelée. Il arrive que des ouvriers aient la mauvaise habitude de bourrer les côtés de la buse avec des pierres auxquelles ils attribuent une résistance supérieure au sol bien pilonné. Dans ce cas, l'eau se fraie un passage à travers les pierres placées le long de la buse et affouille le terrain en le détrempant; lorsque la buse est dégarnie, elle s'écrase sous l'effet des vibrations dues au roulage. Le remblayage de la fouille doit être effectué avec la meilleure attention en réalisant un bourrage des côtés avec un sol homogène régulièrement pilonné.
Pour la fabrication sur place de tuyaux de ciment on pourra appliquer les dosages suivants:
|
Tuyaux |
Ciment: 1 sac ou 50 kg ou 42 litres |
|
Fondations |
Ciment: 1 sac de 50 kg |
Plutôt que de donner les règles pour l'espacement des dalots, il suffit de se référer à l'expérience qui montre que ces dalots doivent être installés à tous les emplacements où l'évacuation des eaux est possible. On n'oubliera pas que les débits instantanés des précipitations au cours des tornades sont souvent considérables.
L'ENTRETIEN DES FOSSÉS
L'entretien des fossés fait partie des travaux confiés aux équipes spécialisées affectées à chaque tronçon de route (voir sect. 9). Ces travaux ont pour objectif de maintenir en permanence à leur maximum les capacités d'évacuation des fossés de drainage: fossés latéraux, exutoires, dalots ou ponceaux.
La végétation herbacée envahit plus ou moins rapidement ces fossés et entrave l'écoulement de l'eau. Cependant, cette végétation doit être plus contrôlée que totalement détruite, car elle tend à diminuer le ravinement des fossés. Les dépôts de sable et de limons bouchent les fossés.
On se contente souvent de ne surveiller que les fossés latéraux sans porter la même attention aux exutoires artificiels. Ceux-ci sont souvent encombrés de végétation et ne jouent plus leur rôle. Leur visite et leur nettoyage éventuel s'imposent au même titre que ceux des fossés latéraux.
En conclusion, le bon drainage d'une chaussée en sol naturel fait appel avant tout au bon sens et à l'observation plus qu'à des connaissances techniques difficiles à acquérir. Il convient d'acquérir un véritable «sens de l'eau», pas de stagnation mais pas de ravinement est la règle d'or; il faut savoir placer un fossé partout où l'eau s'accumule, partout où l'eau ruisselle, de façon à la recueillir, à la diriger et à l'évacuer sans risque d'affouillement.
Nous avons vu à la section 2 que les routes d'exploitation forestière subissent des dégradations d'autant plus graves qu'elles sont soumises à un service plus intensif. On observe une tendance générale à utiliser des grumiers de poids total roulant de plus en plus lourd, à faire rouler ces trains grumiers aussi bien en saison sèche que pendant la saison des pluies. Aussi, les travaux d'entretien correspondent-ils à une nécessité de plus en plus impérieuse. C'est du bon entretien des routes que dépend la régularité des transports forestiers.
Nous allons rappeler brièvement les dégradations constatées, puis les moyens à mettre en œuvre pour y remédier. Dans la section précédente ont été déjà examinés les travaux d'entretien à réaliser en matière de fossés d'assainissement. La section ci-dessous sera limitée aux travaux à exécuter sur la chaussée propre. ment dite.
LES DÉGRADATIONS DES ROUTES EN SOL NATUREL
Pratiquement, les effets constatés sont:
1. La formation bien connue de la «tôle ondulée».2. La formation d'ornières et d'épaulements surtout sensibles sur les routes et pistes à une voie de circulation.
3. L'arrachement des graviers imputable aux efforts tangentiels des roues des véhicules.
4. La formation de ravines transversales ou longitudinales.
5. L'entraînement des parties fines argileuses par les eaux superficielles depuis la chaussée vers les accotements et les fossés latéraux.
Nous avons vu à la section 2 que le profil en travers bombé que l'on donne à la chaussée est destiné à s'opposer aux dégradations ou mieux à les ralentir. Tout l'entretien a pour objectifs de maintenir un drainage efficace (sect. 8) et de maintenir ou rétablir le profil bombé de la chaussée.
Tôle ondulée
Ce phénomène est bien connu de tous ceux qui sont amenés à circuler en zone tropicale sur des routes en sol naturel. Lorsqu'elles sont établies en terrain latéritique ou améliorées en surface par une couche de gravillons ou tout-venant latéritique, les routes forestières sont sujettes à la formation de tôle ondulée malgré le petit nombre de passages journaliers et la vitesse modérée des véhicules qui y circulent.
FIGURE 44. - Dalots. A gauche: en planches; à droite: en buses.
On sait que le nom de «tôle ondulée» est donné à l'ensemble des stries parallèles entre elles et sensiblement perpendiculaires à l'axe de la chaussée. cement entre deux crêtes atteint couramment 60 à 70 cm. La dénivellation entre une crête et le fond d'un creux consécutif est souvent de 4 à 5 cm. Pour franchir les zones de tôle ondulée et réduire les violentes secousses auxquelles sont soumis véhicules et chauffeur, il faut atteindre une vitesse minimum à partir de laquelle le parcours du véhicule s'effectue sur les crêtes des ondulations; la partie suspendue du véhicule, roues, ressort, essieux, n'a pas le temps de suivre le profil des ondulations et de descendre d'une crête au creux suivant. L'importance de la dénivellation croît avec le nombre de passages en même temps que le pilonnage des roues produit un compactage des parties saillantes des ondulations qui durcissent peu à peu.
Ornières et ravinement
Sur les routes à une seule voie de circulation, les roues des véhicules passent presque toujours au même emplacement. Ce passage :répété tend à provoquer sur les bandes de roulement un compactage plus intense que sur le surplus de la surface de la route et les roues des véhicules tendent à détacher de la chaussée et chasser vers l'extérieur les graviers. Ces deux effets s'ajoutent pour provoquer la formation d'ornières sur les bandes de roulement et de bourrelets ou épaulements latéraux limitant les ornières. Ces ornières et ces épaulements s'opposent à l'évacuation transversale des eaux de pluies vers les fossés; tout au contraire, les eaux pluviales sont canalisées et provoquent dans l'axe de la route des ravines dangereuses pour la chaussée.
Sur une forme bombée parfaitement régulière, les eaux pluviales tendent à s'évacuer uniformément sous la forme d'une lame d'eau. En fait, un gravier, une touffe végétale, un léger creux constituent autant d'obstacles qui favorisent le rassemblement de l'eau en un réseau de filets: ces filets creusent des ravines ou pattes d'araignées que l'érosion approfondit à chaque pluie.
En saison des pluies, chaque averse provoque un lavage intensif de la chaussée et des accotements et produit un entraînement plus ou moins important des parties fines (argile) des couches superficielles. Ces éléments fins constituent le liant et contribuent à la cohésion aux couches compactées de la chaussée.
En période sèche, la cohésion diminue et ces parties fines sont transformées en poussière et sous l'effet des routes sont, repoussées hors de la chaussée. En empêchant leur dispersion et en les ramenant sur la chaussée, l'entretien courant a pour effet de limiter les pertes de matériaux et de rendre possible un certain recompactage par le seul trafic.
LE MATÉRIEL D'ENTRETIEN
A l'expérience, la seule attitude actuellement possible consiste à se contenter de supprimer les stries avant qu'elles ne deviennent trop gênantes. Ces mesures d'entretien aboutissent à un reprofilage léger pour rétablir la forme bombée. Quel que soit l'engin adopté pour cette opération, il est essentiel de veiller à ramener sur la chaussée des matériaux en quantités égales à celles qui ont été rejetées vers les accotements par la circulation et l'érosion. Il faut nourrir la chaussée en la reprofilant et non pas obtenir un nouveau profil en sculptant les couches en place et en rejetant les matériaux détachés en un cordon extérieur à la plate-forme. La solution optimum consiste à effacer les dégradations dès qu'elles se forment avant qu'elles n'aient atteint une dénivellation gênante pour la circulation et qu'elles ne se durcissent.
On dispose de deux catégories de moyens: soit raboter les stries bien formées et durcies au moyen d'une niveleuse automotrice, engin puissant et assez coûteux; soit effacer les stries naissantes avant leur durcissement en utilisant un traîneau ou «rabot léger» de fabrication locale, engin léger et peu coûteux.
Le recours à la niveleuse automotrice demande un conducteur confirmé doué d'une bonne habileté, dont le recrutement pose encore un problème quelquefois malaisé à résoudre.
L'utilisation des engins légers que sont les rabots intervient après une première mise en forme effectuée lors de la construction ou après un reprofilage général, si possible avec apport de gravillons ou de tout-venant et compactage effectué peu de temps avant la fin de la saison des pluies. L'entretien aux engins légers suppose une cadence d'emploi très régulière.
Traîneaux
Les techniciens aux prises avec le problème de la lutte contre la tôle ondulée ont imaginé plusieurs types d'outils ou de matériels faciles à construire avec les moyens locaux.
Au Soudan, a été progressivement mis au point un appareil dit «Tolard n° 5» (fig. 45). Sur un châssis en madriers sont fixées des lames de niveleuse inclinées sur l'axe de l'engin. Le châssis supporte également une caisse permettant un lestage que l'on dispose selon les résultats cherchés sur chaque tronçon de route. L'inclinaison des lames tend à ramener les matériaux roulants vers l'axe de la chaussée.
FIGURE 45. - Traîneau du Tolard N° 5.
Au Ghana, des traîneaux ou drags étudiés par le Service des travaux publics sont employés dans toute l'étendue du pays depuis 1951. Ces traîneaux sont construits avec des profilés IPN (poutrelle ou profilé en profil normal) de récupération, de 30 à 35 cm de hauteur, coupés à la longueur de 3 m. Ces fers, pesant entre 270 et 310 kg sont tractés à plat, de façon que les ailes rabotent les irrégularités de la chaussée. Des blocs de béton peuvent être placés entre les ailes pour alourdir ces traîneaux jusqu'à un poids total de 540 kg environ (fig. 46).
Emploi des traîneaux
L'emploi des traîneaux a été très sérieusement étudié, notamment au Ghana où l'on recommande les réglages suivants:
1. Le lestage avec des blocs de béton est maximum lors du premier passage lorsqu'il s'agit de niveler les ondulations. Lors des passages ultérieurs, le traîneau est utilisé après délestage pour prévenir l'apparition de nouvelles stries. Il est toujours possible de concentrer les masses de béton sur la partie extérieure du traîneau pour maintenir ou même améliorer le bombement de la chaussée.2. Pour corriger une tôle ondulée développée, les chaînes ou câbles de traction sont ajustés de façon que l'extrémité extérieure du traîneau par rapport à l'axe de la route précède l'extrémité intérieure d'une distance égale à une ondulation et demie, soit 1 m environ. Le traîneau ainsi déplacé en biais attaque mieux les stries et les matériaux roulants sont déplacés vers l'axe de la route. Pour les passages ultérieurs destinés à un entretien léger, l'angle doit être diminué jusqu'à placer le traîneau perpendiculaire à la route.
3. En saison pluvieuse, il est évident que l'on n'opérera que plusieurs heures après la fin de chaque pluie pour laisser à la chaussée le temps de se ressuyer et éviter la formation de boue abondante.
On conçoit que ces drags s'usent plus ou moins rapidement suivant la nature des routes qu'ils «rabotent». La durée utile d'un appareil, quel qu'en soit le type, serait d'environ 4 mois sur les routes en latérite, ce qui correspondrait à une longueur de parcours de 3 000 à 5 000 km. Il semble que l'usure est plus rapide dans les zones sableuses à gros grain de quartz.
Ces divers traîneaux doivent être traînés par des tracteurs agricoles d'une puissance de 30 à 40 ch ou à la rigueur par des camions-bennes. La vitesse d'avancement dépend du travail effectivement réalisé. Elle varie de 6 km/h pour un premier rabotage à 10 km/h pour un travail d'entretien régulier. Lorsqu'on veut obtenir un effet plus léger, il est préférable de réduire la charge plutôt que d'augmenter la vitesse de passage.
La fréquence des passages dépend de la saison, du type du sol, de l'intensité de la circulation puisque l'on sait que les ondulations se forment d'autant plus vite que la circulation est plus importante. En outre, pour une circulation réduite, il est préférable d'agir avant que ne se produise le durcissement des ondulations qui intervient, comme on sait, au bout d'un délai de deux à trois semaines.
Sur la plupart des routes forestières, compte tenu de la faible circulation, il suffit d'un passage léger par semaine ou par quinzaine pour obtenir l'entretien désiré. En tout état de cause, la cadence adoptée doit avant tout tenir compte des circonstances locales du sol et du trafic suivant la saison.
Un des avantages essentiels de ces rabots de divers types concerne leur faible aggressivité vis-à-vis des routes en terre sans revêtement. Le rabotage provoque une légère perte de matériaux en surface qui s'ajoute aux pertes de matériaux dues à la circulation et à l'érosion. Il est indispensable de limiter au minimum possible cette usure de la couche de roulement et de ramener les matériaux désagrégés, sable et graviers, vers l'axe de la route au lieu de former des cordons à l'extérieur au voisinage des fossés. :Nous avons vu qu'en agissant sur la répartition des masses d'alourdissement, on facilite la remise en forme de la chaussée. Les épaulements dus au roulage sont effacés au même titre que la tôle ondulée. En saison des pluies, les ravines latérales sont comblées. Sur les accotements, la végétation herbacée maîtrisée. Toutes ces actions aboutissent à maintenir ou à rétablir la, forme bombée de la route et à favoriser le ruissellement lamellaire qui ravine peu la chaussée et les accotements.
La niveleuse d'entretien
Une niveleuse automotrice de petite puissance ou même une petite niveleuse tractée constitue un engin excellent pour les travaux d'entretien courant des routes en terre ou l'épandage de couche d'amélioration en tout-venant latéritique. Lors des travaux d'entretien, il arrive souvent que les passages de niveleuse provoquent, un rejet des matériaux vers l'extérieur et une usure accélérée de la chaussée. Il est souhaitable au contraire de ramener de l'accotement sur la chaussée les parties fines entraînées par l'érosion. Rares sont les conducteurs qui admettent dans les travaux d'entretien que la lame de leur engin ne doive attaquer que les crêtes des ondulations ou les épaulements latéraux que provoque la circulation. Il est cependant essentiel que la lame n'entame en aucun point la couche cohérente et stable de la chaussée. :Le recrutement et la formation des conducteurs de niveleuse et la surveillance des travaux qui leur sont confiés méritent toujours une attention vigilante. En outre, les travaux d'entretien ne doivent être exécutés que lorsque le besoin s'en fait réellement sentir et suivant les cadences prévues. Aussi les niveleuses d'entretien doivent-elles ne sortir du garage qu'à' bon escient et non pas niveler pour le plaisir de niveler. Un chef de chantier est souvent obligé d'occuper l'équipage de l'engin en dehors des travaux d'entretien et de construction.
Le parti que l'on peut tirer d'une niveleuse automotrice de petite puissance ne doit pas faire perdre de vue qu'il existe sur le marché des niveleuses tractées beaucoup moins onéreuses qui peuvent rendre des services comparables. En outre, les ateliers des chantiers forestiers peuvent construire à peu de frais de simples traîneaux ou rabots en s'inspirant des données précisées plus haut.
Nous avons indiqué le parti que l'on peut tirer non seulement des niveleuses d'entretien automotrices ou tractées mais encore d'engins tels que de simples traîneaux ou :rabots. L'emploi de ces traîneaux, très économique, évite presque à coup sûr les dégâts intempestifs et souvent assez graves qu'un conducteur de niveleuse insuffisamment formé risque de causer aux chaussées qu'il s'efforce de reprofiler.
Trous ou nids de poule
En certains endroits apparaissent des creux en forme de cuvette aux bords évasés qui recueillent les eaux de pluies. Alors que l'ensemble de la chaussée arrive à sécher et à permettre le roulage des véhicules, la quantité d'eau ainsi rassemblée est trop abondante pour pouvoir s'évaporer entre deux averses. Les roues des véhicules en passant dans chaque trou effectuent un malaxage du sol de la chaussée et de l'eau qui favorise la pénétration de l'eau en profondeur. Toute la zone voisine de ce trou devient plastique: la chaussée se ramollit et des ornières graves se développent au bout de quelques passages de véhicules.
Les travaux d'entretien doivent intervenir aussitôt que possible après l'apparition des nids de poule pour éviter la destruction de la chaussée. La première opé ration consiste à assécher le nid de poule par une rigole dirigée vers le fossé latéral le plus proche et creusée au niveau du fond du trou. Puis, une fois le trou bien asséché, on le remplit de matériaux ayant une composition et une dureté comparables aux couches voisines de la chaussée, afin de rétablir une chaussée aussi homogène que possible.
Vouloir boucher les nids de poule sans les assécher au préalable est une opération inefficace, car l'eau qu'ils conservent détrempe les couches de la chaussée et en détruit rapidement la résistance.
Lorsque les trous sont bouchés à l'aide de pierres ou de morceaux de latérite dure, ces éléments durs sont en contact avec des couches détrempées qui n'offrent plus de résistance et s'enfoncent dans les couches profondes de la chaussée.
LES ÉQUIPES D'ENTRETIEN
Les travaux d'entretien doivent toujours être exécutés par des équipes spécialisées opérant d'une façon permanente. Un entretien continu à l'aide d'équipes peu importantes est toujours plus économique qu'un entretien discontinu effectué par une équipe plus nombreuse opérant à intervalles plus ou moins longs. En raison de l'évolution rapide des dégradations de la chaussée, un entretien discontinu intervient trop tard et contraint à exécuter des travaux de reconstruction partielle plutôt que de simples travaux d'entretien.
La formation du personnel d'exécution spécialisé dans l'entretien est quelquefois négligée à tort. (jette formation technique fait appel à des notions simples; elle s'appuie essentiellement sur le développement des facultés d'observation et sur le bon sens.
Le principe du cantonnement conduit à affecter chaque équipe spécialisée à un tronçon de route. (Jette équipe est chargée des travaux courants faciles à exécuter avec des outils manuels: brouette, pelle, pioche, dame, hache. Les travaux importants sont confiés à une équipe chargée de l'ensemble du réseau forestier et disposant de matériel mécanique et motorisé.
Les divers travaux d'entretien que nous venons d'examiner sont des mesures correctives apportées aux déformations subies par les chaussées. Il nous faut souligner que rien ne remplace une stricte discipline de roulage pour obtenir le meilleur service d'une route en sol naturel compactée. Toute exploitation forestière peut produire en saison des pluies, car il n'est guère de mois où l'on ne dispose d'un nombre suffisant de jours secs permettant un transport correspondant à une production assez régulière malgré les sujétions du climat.
LE CHOIX DU MATÉRIEL
Sans être très nombreux, les machines et engins indispensables dans les travaux de construction et d'entretien des routes forestières sont en général des unités puissantes et coûteuses. Ils opèrent le plus souvent dans des conditions difficiles. La conduite peut en être confiée à des conducteurs débutants dont la formation se poursuit «sur le tas». L'entretien, comme nous le verrons plus loin, ne peut pas toujours répondre aux normes établies par le constructeur. Pour toutes ces raisons, le choix du matériel pose presque toujours des problèmes ardus au maître-d'œuvre. Nous allons examiner successivement: les éléments de décision d'achat; la constitution d'un parc type de base.
Les éléments de décision d'achat
Nous nous placerons d'emblée dans un cas très général pour envisager l'ensemble des différents éléments. Dans la pratique, il est évident que les situations particulières posent des problèmes plus simples en réduisant le nombre des solutions possibles.
Il est vain d'évoquer de prétendues qualités intrinsèques des engins. Il ne peut y avoir de matériel mécanique qui soit adapté à tous les travaux. La construction mécanique aboutit à des solutions différentes, mais les modèles construits ne sont que des solutions de compromis entre plusieurs exigences qui peuvent être contradictoires.
C'est ainsi qu'on peut apprécier les matériels sous les angles suivants:
a) entretien périodique plus ou moins astreignant;
b) démontage plus ou moins facile en vue de réparations;
c) conduite par un personnel peu entraîné;
d) robustesse des organes de fatigue.
Les chantiers d'exploitation forestière sont souvent isolés et doivent ne compter que sur leurs propres moyens d'entretien et de réparations mécaniques. Ce souci entraîne à choisir, même au prix d'un coût plus élevé, les matériels disposant d'une réserve de poids ou de puissance, plutôt que des engins qui seraient amenés à travailler sans réserve de puissance.
Lorsqu'un engin, par exemple un tracteur-niveleur, doit être présent en plusieurs exemplaires, l'exploitant doit avoir un souci permanent d'homogénéité de son matériel; ce souci le conduit à s'équiper de tracteurs de même type et de même puissance. Il est préférable de s'équiper avec trois tracteurs de 100 ch, plutôt qu'avec un tracteur de 60 ch, un tracteur de 100 ch et un tracteur de 140 ch: les réparations seront plus faciles à exécuter par un personnel connaissant mieux le matériel, les pièces de rechange seront mieux approvisionnées, les engins pourront éventuellement se remplacer les uns les autres.
Les incidents mécaniques sont inévitables, notamment dans les conditions de travail souvent très rudes qui sont celles de l'exploitation forestière. Le recours au service après-vente est une préoccupation presque quotidienne. L'assurance d'un service après-vente efficace constitue pour un matériel donné une référence de premier ordre
Du point de vue du personnel de conduite et d'entretien, il est souvent difficile de s'attacher les services d'hommes à compétence étendue connaissant et ayant pratiqué des matériels de toutes les marques. Lorsqu'un exploitant emploie un personnel bien habitué à une marque donnée, il est quasi certain que ce personnel obtiendra le maximum de résultats avec le matériel qu'il connaît. Cette circonstance peut être d'un grand intérêt pour guider l'acquisition de tel ou tel engin.
La constitution d'un parc type
Tracteur-niveleur. - Dès que l'importance du chantier le permet, l'engin de base indispensable est le tracteur-niveleur. Ce tracteur doit être équipé en angledozer et doté d'un treuil forestier à l'arrière. En raison des conditions de travail en forêt, le tracteur doit avoir reçu les organes de protection nécessaires: une cabine renforcée pour protéger le conducteur, des tôles de protection du radiateur et des carters.
Nous avons vu aux sections 4 et 5 les travaux de déforestage et de terrassement qui étaient confiés à cet engin. Ce sont en général les tracteurs de puissance moyenne qui conviennent le mieux. Cette puissance doit être choisie en fonction de la forêt à mettre en exploitation, de l'importance du chantier. Il ne faut pas perdre de vue que le tracteur affecté à la construction de route travaille seul et non au sein d'une nombreuse équipe comme sur un chantier de travaux publics. Le même tracteur peut être affecté par la suite à des travaux de débardage qui requièrent en fait moins de puissance et plus de maniabilité. Le souci d'homogénéité du parc doit être pris en considération.
Un programme annuel de construction de routes correspondant aux spécifications de la section 1, de 8 à 15 km de route principale, peut être assuré par un seul tracteur angledozer de puissance nominale 120-140 ch conduit par un personnel entraîné. Ce résultat est basé sur le fonctionnement de 1500 h dans l'année et sur une dépense de 100 à 200 h par km de route dessouché et terrassé. Ces données ne sont ici avancées qu'à titre indicatif; les conditions naturelles sont tellement variables qu'il est impossible de donner davantage de précisions.
Autres engins. - Un rouleau à pneu tracté de moins de 10 t en charge convient parfaitement au compactage des remblais et de la chaussée. Seul un chantier très important aura besoin d'un rouleau à pieds de mouton.
Une niveleuse automotrice de moyenne ou petite puissance rendra les meilleurs services. Sur un chantier peu important, une niveleuse tractée constitue une solution économique.
Un tracteur à pneus de type agricole de 40 à 60 ch est nécessaire pour assurer la traction du rouleau à pneu, de la niveleuse tractée et des remorques-ateliers. Ce tracteur sera si possible à adhérence totale, c'est-à-dire à quatre roues motrices et doté d'un godet pour le chargement des matériaux d'amélioration de la chaussée (graviers ou toutvenant latéritique).
Un ou deux camions-bennes de modèles courant (2 à 3 m³) sont indispensables pour le transport des matériaux d'amélioration.
Un scraper remorqué pourra se révéler très utile lorsque le chantier important est établi dans une zone accidentée où les travaux de routes s'accompagnent de terrassements importants.
Des engins coûteux tels que rouleau à pneu automoteur, niveleuse automotrice de grande puissance, scraper automoteur, remorque porte-char, ne conviennent qu'à un chantier équipé de plusieurs tracteurs et devant assurer une production importante.
Les travaux accessoires de terrassement ou d'amélioration peuvent justifier la présence d'un tracteur à chenilles de petite puissance (50 ch), facile à déplacer sur un camion de 5 t. Son transport pour un travail de courte durée dispense de recourir au déplacement d'un gros tracteur sur la remorque spéciale type portechars.
L'énumération des matériels utiles sinon indispensables à la constitution du parc amène à envisager des dépenses importantes; c'est pourquoi une relation étroite existe entre l'importance du parc et la capacité de production du chantier qui rend la présence de ce matériel justifiée et rentable.
L'ENTRETIEN DU MATÉRIEL
Le succès de tout chantier dépend de la bonne marche et du rendement de tous les engins. Tout arrêt intempestif d'une machine paralyse l'activité de tout ou partie du chantier sur lequel opère cette machine. Pour réduire au minimum ces arrêts intempestifs, le personnel de conduite et les cadres du chantier doivent conserver présents à l'esprit les quelques principes suivants qui sont consacrés par l'expérience de nombreux chantiers.
1. L'entretien du matériel est toujours payant, à tous les échelons. L'entretien est payant pour le conducteur, comme pour le contremaître et le chef de chantier; détériorer le matériel c'est engager l'avenir du chantier à une échéance rapprochée.2. L'entretien doit être préventif. L'entretien régulier réduit la durée des immobilisations pour réparations intempestives. Une heure consacrée à l'entretien journalier évite souvent une réparation qui peut demander une journée.
3. Tout travail d'entretien et de réparation doit être confié à l'échelon le mieux adapté à cette tâche, de façon à réduire au minimum l'immobilisation du matériel.
4. Le livret de conduite et d'entretien de chaque engin fourni par le constructeur est un document précieux qui est rédige pour être lu et dont les prescriptions doivent être suivies. C'est le guide du bon usage pour obtenir les meilleurs résultats.
5. Il n'y a, pas d'entretien ni de réparation possibles sans un. magasin approvisionné en pièces de rechange indispensables.
Echelonnement des travaux d'entretien et de réparation
«A chacun selon ses moyens». Ce dicton pourrait définir les divers échelons successifs chargés des travaux d'entretien ou de réparation; on distingue: l'entretien journalier effectué par le conducteur, l'entretien courant exécuté sur le chantier même, les réparations partielles confiées à l'atelier central de l'entreprise, les réparations générales confiées aux ateliers spécialisés (extérieurs).
Entretien journalier. - C'est au conducteur lui-même qu'incombent les opérations journalières d'entretien:
a) plein de carburant effectué chaque soir de préférence pour éviter les condensations dans un réservoir à moitié vide;
b) niveau d'eau du radiateur;
c) nettoyage des ailettes;
d) niveaux d'huile du moteur et des carters;
e) graissage journalier, exécuté de préférence à chaud
f) pression des pneumatiques;
g) tension des chenilles.
Entretien courant. - Il correspond aux opérations de station-service et est souvent confié à un mécanicien dépanneur constituant un échelon volant. Celui-ci visite chaque jour les engins qui ne peuvent rentrer au garage; il assiste si possible à la mise en route matinale; il vérifie les consommations de carburant et lubrifiant; il contrôle les opérations d'entretien journalier, le serrage des boulons; il observe l'état des pièces d'usure: galets porte-chenilles, bagues de train de chenilles, pneus de tracteur; il assure les dépannages.
Il dispose essentiellement d'outillage à main et des quelques rechanges consommables: filtres, boulons courants. Chaque fois que possible, il est préférable de mettre à sa disposition une unité transportable de graissage sous forme de remorque légère, éventuellement un poste de soudure électrique.
Atelier central. - C'est le poste de l'entreprise où l'on effectue les réparations partielles. Cet atelier fixe est situé suivant les commodités soit sur le chantier principal, soit au centre géométrique de plusieurs chantiers, soit dans un centre urbain, de façon que les déplacements de matériel soient effectués dans les meilleures conditions. Cet atelier:
a) assure les réparations accidentelles;
b) remet en état les ensembles partiels;
c) poursuit les revisions générales périodiques;
d) est équipé de machines-outils nécessaires;
e) comprend un magasin principal de pièces de rechange.
Suivant l'importance de l'entreprise, l'atelier central affectera des emplacements ou des locaux différents aux travaux suivants:
a) poste pour le lavage indispensable avant toute réparation;
b) travées de réparation: installées à raison d'une travée par engin ou véhicule avec entrée et sortie indépendante;
c) travées spécialisées: engins et véhicules éventuellement séparés;
d) large établi dans chaque travée pour les remontages partiels;
e) travée pour le stockage des ensembles partiels;
f) travée des machines-outils, avec leur magasin séparé pour l'outillage;
g) compresseur fixe (ou semi-fixe) avec plusieurs postes de nettoyage ou de gonflage;
h) groupe électrogène nettement séparé (sécurité);
i) forge nettement séparée (incendie);
j) magasin à pièces de rechange avec zone ou travée spécialisée par type d'engins ou véhicules;
k) magasin à pneus spécialisé.
La soute à essence et ingrédients est installée en contrebas ou à défaut séparée de l'atelier par un fossé et un talus formant protection.
Le personnel de réparation qualifié est affecté à l'atelier central.
Selon l'importance du chantier, la qualification du personnel dont on dispose, la distance qui sépare les différents échelons, la facilité de communication, tel travail sera attribué à l'atelier volant de forêt ou à l'atelier central de réparations, par exemple la réparation des pneus.
Il arrive souvent que l'on puisse recourir aux services de bons ateliers spécialisés extérieurs à l'entreprise forestière. Cette méthode présente l'avantage de soulager l'atelier de réparation de travaux longs et délicats qui risquent d'absorber une grande part de son activité au détriment des réparations moins importantes qui constituent son rôle essentiel.
Pièces de rechange
L'approvisionnement régulier de pièces de rechange constitue un problème majeur délicat à résoudre pour deux raisons. D'une part, la plupart des constructeurs spécialisés se trouvent souvent dans un autre pays. D'autre part, les engins travaillant en exploitation forestière ou en construction de routes sont soumis à un service très rude qui entraîne une consommation élevée de pièces de rechange.
La qualité du service après-vente fourni par un constructeur constitue toujours une référence essentielle pour guider le choix d'un utilisateur, car c'est un gage de meilleur rendement pour le matériel représenté. Maintenir un magasin de pièces de rechange en état de satisfaire tous les besoins constitue une gageure qui exige beaucoup de qualités de ceux qui assument la charge.
Voici quelques indications concrètes qui peuvent aider à la passation des commandes:
1. Commander en temps voulu pour tenir compte des délais d'expédition, de façon que les pièces commandées soient disponibles au moment de l'utilisation et qu'ainsi l'arrêt des engins soit limité au seul temps nécessaire à la réparation effective.2. Décrire les pièces commandées; les nommer d'après le livret de l'engin; en préciser le numéro d'identification.
3. Mentionner le type, le modèle, le numéro de l'engin à réparer. Pour une pièce destinée à un organe important, indiquer également le type, le modèle et le numéro de cet organe (moteur, démarreur, etc.).
4. Mentionner la désignation complète du document qui sert de base à la commande (titre, date, édition, page).
5. Donner des instructions précises pour l'expédition: adresse du destinataire, mode de transport, emballage, délai.
6. Rédiger toute commande en vue de faciliter la tâche du ravitailleur qui peut ne pas être mécanicien et qui doit s'occuper de nombreuses pièces.
La construction des routes est une science autant qu'un art. Mais la construction des routes forestières requiert à un haut degré, tant à la conception qu'à l'exécution, des qualités propres. Des connaissances variées, une grande expérience, un dynamisme de tous les jours sont indispensables pour faire face aux difficultés dues à l'éloignement, à l'isolement et aux moyens limités des chantiers. C'est cependant une activité essentielle car on peut dire que sans routes forestières il n'y a pas d'exploitation forestière. Nous serions heureux si nous avons pu apporter au lecteur quelque aide pour poursuivre une tâche difficile.
