...Des hommes sécroulaient dans la rue en gémissant et en se tordant, dautres tombaient de tout leur long en bavant dans des accès dépilepsie, dautres encore vomissaient et montraient des signes de folie. Beaucoup dentre eux criaient Au feu! je brûle!. Cétait comme un feu invisible qui séparait la chair des os et la consumait. Des hommes, des femmes et des enfants mouraient dans des douleurs atroces....
Cest ainsi quun chroniqueur du dixième siècle décrivait une maladie qui sévissait dans de nombreuses contrées dEurope en lan 943 de notre ère. On donna à cette maladie le nom de mal des ardents à cause de la sensation dêtre en feu ressentie par ses victimes, qui se rendaient en grand nombre sur la tombe de Saint Antoine en France dans lespoir dêtre guéries. Nous savons maintenant que le mal des ardents (lergotisme) était provoqué par la consommation de seigle contaminé par des alcaloïdes de lergot produits par la moisissure Claviceps purpurea (Bove, 1970; Beardall et Miller, 1994), et quil avait atteint les proportions dune épidémie dans de nombreuses parties de lEurope du dixième siècle. On désigne les métabolites secondaires toxiques tels que les alcaloïdes de lergot, qui sont produits par certaines moisissures, par le terme de mycotoxines et les maladies quils provoquent par celui de mycotoxicoses.
Selon la définition quen a donné récemment Pitt (1996), les mycotoxines sont des métabolites de champignons qui, quand ils sont ingérés, inhalés ou absorbés par la peau altèrent les capacités de réaction et provoquent des maladies ou la mort chez lhomme ou lanimal, y compris les oiseaux.
Il est probable que les mycotoxines ont été un fléau pour lhumanité depuis les premiers temps de la culture sédentaire. On a, par exemple, émis lhypothèse que le dépeuplement important de lEurope occidentale au treizième siècle serait dû au remplacement du seigle par le blé, qui constituait une source importante de mycotoxines de Fusarium (Miller, 1991). Le développement de ces toxines dans les céréales ayant passé lhiver a aussi été à lorigine de la mort de milliers de personnes, décimant des villages entiers de Sibérie pendant la Seconde guerre mondiale. Les mycotoxicoses, connues plus récemment sous le nom daleucie toxique alimentaire provoquent des vomissements, une inflammation aiguë du tube digestif, une anémie, une défaillance circulatoire et des convulsions.
Les mycotoxines sont présentes dans toute une série de produits de lalimentation humaine et animale et provoquent de nombreuses maladies chez lhomme et lanimal (Mayer, 1953; Coker, 1997). Le contact avec les mycotoxines peut être à lorigine de toxicités aiguës et chroniques allant de la mort à des effets délétères sur le système nerveux central, lappareil cardiovasculaire et lappareil respiratoire, ainsi que sur lappareil digestif. Elles peuvent aussi avoir des effets carcinogènes, mutagènes, tératogènes et immunosuppresseurs. Le pouvoir quont certaines daltérer les réactions immunitaires et, ainsi, de réduire la résistance aux infections, est maintenant largement considéré comme leur effet le plus important, surtout dans les pays en développement.
Les mycotoxines retiennent lattention dans le monde entier en raison des pertes économiques importantes qui sont liées à leurs effets sur la santé de lhomme, la productivité animale et le commerce national et international. On a estimé, par exemple, (Miller, communication personnelle) que les pertes annuelles aux États-Unis et au Canada dues à leffet des mycotoxines sur les aliments du bétail et les industries de lélevage étaient de lordre de 5 milliards de dollars. Dans les pays en développement, où les vivres (par exemple le maïs et les arachides) sont susceptibles dêtre contaminés, il est probable quil faille y ajouter des pertes importantes dans la population humaine en raison de la morbidité et des décès prématurés associés à la consommation de mycotoxines.
Un système peut être considéré comme un ensemble déléments en interaction dont les interactions sont aussi importantes que les éléments eux-mêmes (daprès Open University, enseignement par correspondance, 1987). Lapproche par systèmes de la maîtrise des mycotoxines fait appel (Coker, 1997) à des modèles conceptuels dinteraction entre les sous-systèmes que sont le produit, laltération, la mycotoxine et lintervention, ainsi quà lintérieur de chacun deux. Au sein dun système, les sous-systèmes peuvent interagir librement, autrement dit lactivité dans un sous-système peut influer sur ce qui se passe dans un ou plusieurs autres.
Une meilleure connaissance des interactions et des éléments que comportent ces systèmes permettra de mieux comprendre létiologie de la production des mycotoxines et de définir les interventions appropriées pour maîtriser les mycotoxines et les mycotoxicoses.
LE SYSTÈME DU PRODUIT
Tout système de produit se compose de nombreux processus techniques et socio-économiques sinfluençant mutuellement, qui comprennent par exemple la lutte contre les ravageurs et les maladies, la récolte, le séchage, la transformation, la commercialisation, les politiques de prix et de crédit, ainsi que des questions culturelles, pour nen citer que quelques uns. La figure 1 représente un système de marchandises généralisé et simplifié et les interactions entre certains processus qui en constituent les sous-systèmes.
Figure 1 - Le système du produit
En tout point du système de produit, létat du produit est déterminé par un milieu complexe comportant une multitude dinteractions entre la culture, le macro environnement et le micro environnement et toute une série de facteurs biologiques, chimiques, physiques et socio-économiques. Tout changement dans un processus entraînera invariablement des changements dans un ou plusieurs des autres processus. Les mesures prises avant la récolte pour prévenir les dégâts des ravageurs ou pour augmenter la production (par exemple sélection de variétés, planification de la récolte) peuvent avoir des effets sensibles sur la qualité du produit récolté. Le maïs blanc hybride, par exemple, a des rendements bien supérieurs à ceux de variétés traditionnelles mais il a des caractéristiques médiocres en ce qui concerne son stockage sur lexploitation. De même, étant donné quil est très rare quun système de produit existe de manière isolée dans une région agroclimatique donnée, il ne faut pas perdre de vue que les activités dans un système peuvent influer de manière déterminante sur ce qui se passe dans les autres systèmes. Les ressources des agriculteurs étant limitées, une augmentation de limportance dun produit entraîne souvent la diminution des ressources affectées à dautres produits.
LE SYSTÈME DALTÉRATION
La détérioration biologique est le résultat net des interactions entre de nombreux agents daltération que lon peut grosso modo classer dans les catégories biologique, chimique, physique, macroenvironnementale et microenvironnementale (figure 2). Toutefois, les effets relatifs de ces agents dépendent souvent dans une large mesure de la nature et du degré de lintervention humaine.
Figure 2 - Le système daltération
Les facteurs qui contribuent au premier chef à la biodétérioration (dont fait partie le développement de moisissures) dun écosystème sont lhumidité, la température et les ravageurs. Les moisissures se développent à des températures très étalées et, en général, le rythme de développement de la moisissure diminue en même temps que la température et lhumidité. Dans les céréales, les moisissures utilisent la vapeur deau présente dans les interstices entre les grains dont la concentration est déterminée par léquilibre entre leau libre contenue dans le grain (la teneur en eau du grain) et leau présente sous forme de vapeur autour du grain. La concentration de leau interstitielle est désignée soit par les termes dhumidité relative déquilibre (exprimée en pourcentage), soit par ceux de facteur dhumidité (ou activité de leau, aw). Ce dernier désigne le rapport entre la tension de vapeur de leau contenue dans le grain et celle de leau pure dans les mêmes conditions de température et de pression. Le degré hygrométrique déquilibre correspond au facteur dhumidité exprimé en pourcentage. Pour un degré dhumidité connu, le facteur dhumidité varie selon les céréales, qui favorisent donc des types et des rythmes différents de développement de moisissures. Les valeurs caractéristiques du facteur dhumidité qui sont nécessaires pour permettre le développement des moisissures séchelonne de 0,70 à 0,99, le facteur dhumidité et la propension au développement des moisissures augmentant avec la température. Le maïs, par exemple, peut se conserver relativement bien pendant un an dans une humidité relative de 15 pour cent et à une température de 15°C. Stocké à 30°C, le même maïs sera sévèrement détérioré par des moisissures en lespace de trois mois.
Les insectes et les mites (arthropodes) peuvent aussi contribuer notablement à la biodétérioration des céréales par les dégâts physiques et les pertes de nutriments causés par leur action, et aussi en raison de leur interaction complexe avec les moisissures et les mycotoxines. Lactivité métabolique des insectes et des mites provoque une élévation à la fois de la teneur en eau et de la température des céréales infestées. Les arthropodes font aussi office de porteurs de spores fongiques, lesquelles peuvent utiliser leurs matières fécales comme source de nourriture. Enfin, les moisissures peuvent servir de nourriture pour les insectes et les mites mais, dans certains cas, être pour eux des agents pathogènes.
Lautre facteur susceptible dinfluer sensiblement sur le développement des moisissures est la proportion de grains brisés se trouvant dans un lot de céréales. Ces grains, endommagés par la manutention ou les insectes, se prêtent à linvasion de lendosperme exposé par les moisissures.
Le développement des moisissures est aussi fonction des proportions doxygène, dazote et de dioxyde de carbone présents dans latmosphère interstitielle. De nombreux champignons se développent malgré des teneurs très faibles en oxygène; la croissance linéaire nest divisée par deux, par exemple, que lorsque la teneur en oxygène est réduite à moins de 0,14 pour cent. Les interactions entre les gaz et lhumidité influencent également le développement des moisissures.
Les interactions que nous venons de décrire au sein dun écosystème granulaire favorisent le développement de micro-organismes, parmi lesquels les moisissures toxinogènes, qui se succèdent selon lévolution avec le temps de la nourriture disponible et du microenvironnement. Dans le champ, les céréales sont principalement attaquées par les moisissures qui ont besoin pour leur croissance dun facteur dhumidité élevé (de 0,88 au moins) tandis que pendant le stockage, les moisissures qui se développent supportent des degrés dhumidité moindres.
On saccorde à reconnaître que les principaux facteurs qui influent sur la production de mycotoxines sont le facteur dhumidité et la température, mais, en raison de la complexité des écosystèmes propices à leur apparition, les conditions dans lesquelles des moisissures toxinogènes engendrent des mycotoxines restent mal connues et ont récemment fait lobjet dune étude de grande ampleur (ICMSF, 1996).
LE SYSTÈME DES MYCOTOXINES
Le système des mycotoxines (figure 3) peut être étudié sous langle de trois sous-systèmes en interaction: métabolisme et toxicologie; santé et productivité; et richesse. Après entrée en contact (par ingestion, inhalation ou par lépiderme), la toxicité dune mycotoxine dépend dune série dévénements (métabolisme) comprenant ladministration, labsorption, la transformation, la pharmacocinétique, les interactions moléculaires, la distribution et lexcrétion de la toxine et de ses métabolites. Par la suite, la toxicité de la mycotoxine se manifeste par des effets sur la santé et la productivité des cultures, de lhomme et de lanimal, et ces effets se répercutent sur la production de richesse associée à lactivité humaine et à la production agricole et animale.
Figure 3 - Le système des mycotoxines
On trouvera dans le tableau 1 les moisissures et les mycotoxines actuellement considérées comme ayant une importance à léchelle mondiale (Miller, 1994).
Sont considérées comme importantes les mycotoxines qui ont montré quelles pouvaient avoir des effets sensibles sur la santé humaine et la productivité animale dans divers pays.
Tableau 1 - Moisissures et mycotoxines dimportance mondiale
Espèce de moisissure |
Mycotoxines engendrées |
Aspergillus parasiticus |
Aflatoxines B1, B2, G1, G2 |
Aspergillus flavus |
Aflatoxines B1, B2 |
Fusarium sporotrichioides |
Toxine T-2 |
Fusarium graminearum |
Déoxynivalénol (ou nivalénol) |
|
Zéaralénone |
Fusarium moniliforme (F. verticillioides) |
Fumonisine B1 |
Penicillium verrucosum |
Ochratoxine A |
Aspergillus ochraceus |
Ochratoxine A |
Le facteur dhumidité optimal pour le développement de A. flavus est élevé (environ 0,99). Il est au maximum de 0,998, mais le minimum na pas été déterminé précisément. Selon Pitt et Miscamble (1995), il serait de lordre de 0,82. En général, la production de toxines semble être favorisée par une forte humidité. Daprès ce que lon sait dA. flavus, elle se développerait à une température comprise entre 10 et 43°C. Le rythme de développement optimal, pouvant atteindre 25 mm par jour, est observé à une température légèrement supérieure à 30°C. A. flavus produit des aflatoxines lorsque la température est au moins comprise entre 15 et 37°C. Il nest pas possible daffirmer quelle est la température optimale pour la production des toxines, mais on a signalé quelle était sensiblement plus élevée dans la fourchette de 20 à 30°C quà des températures soit inférieures, soit supérieures.
Leffet du facteur dhumidité et de la température sur le comportement dA. parasiticus est analogue à ce qui vient dêtre décrit pour A. flavus. Pitt et Miscamble (1995) rapportent un minimum de 0,83 pour le développement de la moisissure et de 0,87 environ pour la production daflatoxine. On ne dispose que de peu de données en ce qui concerne leffet de la température sur le développement de A. parasiticus et la production daflatoxines. Selon certaines sources, les températures optimales pour le développement et la production daflatoxines seraient respectivement de 30 et 28°C.
Le terme aflatoxine a été forgé au début des années soixante lorsque la mort de milliers de dindes (maladie de la dinde), de canetons et autres animaux domestiques a été attribuée à des toxines dA. flavus présentes dans la farine darachides importée dAmérique latine (Austwick, 1978).
Quelques mycotoxines importantes
(Bien que les aflatoxines soient les principales toxines associées à cette mycotoxicose, une autre mycotoxine, lacide cyclopiazonique semble avoir joué un rôle (Bradburn et al., 1995) dans létiologie de la maladie de la dinde). Les effets chroniques de lingestion de faibles quantités daflatoxines (en parties par milliard) par le bétail ont aussi été abondamment étudiés (Coker, 1997) et comprennent une diminution de la productivité et une propension accrue à la maladie.
Les moisissures qui engendrent des aflatoxines sont très répandues dans le monde entier, sous les climats tempéré, subtropical et tropical, et les aflatoxines peuvent être produites avant comme après les moissons, sur de nombreux aliments de lhomme et de lanimal et plus particulièrement sur les oléagineux, les fruits comestibles en coque et les céréales (Coker, 1997).
Bien que les aflatoxines soient principalement associées à des denrées dorigine subtropicale ou tropicale, on a aussi signalé leur présence (Pettersson et al., 1989) en climat tempéré sur des céréales traitées à lacide.
Laflatoxine B1 est un agent cancérogène pour lhomme (CIRC, 1993a) et constitue lun des plus puissants facteurs de cancer du foie que lon connaisse. Des décès chez lhomme ont aussi été provoqués (Krishnamachari et al., 1975) par des intoxications aiguës par laflatoxine en 1974, par exemple, lorsque des pluies hors de saison et une pénurie alimentaire ont poussé la population à consommer du maïs fortement contaminé. Si leffet immunosuppresseur des aflatoxines chez le bétail se manifeste de la même façon chez lhomme, il est possible que les aflatoxines (et autres mycotoxines) jouent un rôle important dans létiologie de certaines maladies humaines dans les pays en développement, où lon rapporte que le risque de contamination est très élevé.
Lubulwa et Davis (1994) ont étudié les pertes économiques imputables à la présence daflatoxine dans le maïs et les arachides dans les pays du sud-est asiatique (Thaïlande, Indonésie et Philippines). Ils ont conclu que le maïs contaminé représentait environ 66 pour cent des pertes totales, tandis que les pertes imputables à laltération et aux effets délétères sur la santé humaine et animale étaient respectivement de 24, 60 et 16 pour cent du total. Létude na cependant tenu compte que de pertes liées à la morbidité et au décès prématuré par cancer. Il est donc probable que, lorsque lon y ajoute les incidences sur la santé humaine de leffet immunosuppresseur des aflatoxines (et dautres mycotoxines), le chiffre des pertes dues aux aflatoxines est beaucoup plus important.
On sait étonnamment peu de chose des effets de lhumidité et de la température sur le comportement des moisissures du genre Fusarium, et, entre autres, sur la production de mycotoxines.
Dans le cas de F. graminearum, les limites de température dans lesquelles la croissance est possible nont pas été rapportées, mais la température optimale a été estimée entre 24 et 26°C. Le facteur dhumidité minimal est de 0,9, et la limite supérieure dépasserait 0,99. On ne dispose daucune information sur leffet de lhumidité et de la température sur la production de déoxynivalénol, de nivalénol et de zéaralénone.
Le facteur dhumidité minimal nécessaire au développement de F. sporotrichioides est de 0,88, et la limite supérieure dépasserait 0.99. Les températures minimale, optimale et maximale sont respectivement de -0,2°C, 22,5 à 27,5°C, et 35°C. Comme pour les autres espèces de Fusarium, on ne dispose daucune information sur les conditions requises pour la production de toxine T-2.
La toxine T-2 et le déoxynivalénol se rattachent à un vaste groupe de sesquiterpènes de structure apparentée connu sous le nom de trichothécènes.
La toxine T-2, produite sur les céréales dans de nombreuses parties du monde, est particulièrement associée à une période prolongée dhumidité pendant la moisson. Elle est probablement à lorigine de laleucie toxique alimentaire, maladie (CIRC, 1993b) qui a touché des milliers de personnes en Sibérie pendant la Seconde guerre mondiale, effaçant de la carte des villages entiers. Les symptômes de la maladie comprennent la fièvre, les vomissements, linflammation aiguë du tube digestif et divers désordres sanguins. La toxine T-2 est responsable dépidémies de maladie hémorragique chez les animaux et associée à la formation de lésions orales et à des effets neurotoxiques chez la volaille. Leffet le plus significatif de la toxine T-2 (ainsi que dautres trichothécènes) est son effet immunosuppresseur, qui a été clairement démontré dans des expérimentations animales et qui est probablement lié à linhibition par cette toxine de la biosynthèse de macromolécules. Quelques résultats expérimentaux permettent de penser que la toxine T-2 peut être cancérogène chez lanimal.
Le déoxynivalénol (DON), mycotoxine de Fusarium probablement la plus répandue, contamine diverses céréales, en particulier le maïs et le blé, dans les pays développés comme les pays en développement. Les syndromes émétiques et le refus de nourriture provoqués chez le bétail par la présence de DON dans les aliments ont conduit à donner à cette mycotoxine le nom de toxine émétique.
Lingestion de DON a provoqué des accès aigus de mycotoxicoses chez lhomme en Inde, en Chine et dans les campagnes japonaises (CIRC, 1993c; Bhat et al., 1989; Luo, 1988). Lépisode qui a eu lieu en Chine en 1984-1985 était déclenché par du maïs et du blé moisi; les symptôme, apparus dans les cinq à trente premières minutes, se présentaient sous la forme de nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée, vertiges et céphalées.
Jusquà présent, il ny a quau Japon que des isolats de F. graminearum produisant du nivalénol aient été observés sur le riz ou dautres céréales et associés à la maladie de la moisissure rouge (Akakabi-byo) qui se manifeste par une anorexie, des nausées, des vomissements, des céphalées, des douleurs abdominales, de la diarrhée et des convulsions (Marasas et al., 1984).
La zéaralénone est une mycotoxine oestrogène que lon trouve en faibles quantités, principalement dans le maïs, en Amérique du Nord, au Japon et en Europe. Elle peut être présente en grandes quantités dans les pays en développement, particulièrement lorsque le maïs est cultivé dans des conditions plus tempérées, par exemple en altitude.
La zéaralénone, coproduite avec le déoxynivalénol par F. graminearum, est associée, avec le DON, à des épisodes aigus de mycotoxicoses chez lhomme.
Le contact avec du maïs contaminé est à lorigine (Udagawa, 1988) dune hyperoestrogénie chez le bétail, principalement chez le porc, qui se caractérise principalement par une tuméfaction vulvaire et mammaire et une infertilité. Quelques éléments recueillis dans des expérimentations animales permettraient de conclure à un effet carcinogène de la zéaralénone.
Les fumonisines sont un groupe de mycotoxines récemment caractérisées produites par F. moniliforme, une moisissure présente dans le monde entier et fréquemment retrouvée sur le maïs (CIRC, 1993d). La fumonisine B1 a été observée dans le maïs et les produits en contenant dans diverses régions agroclimatiques comprenant les États-Unis, le Canada, lUruguay, le Brésil, lAfrique du Sud, lAutriche, lItalie et la France. Ces toxines sont observées principalement en présence de maïs cultivé sous un climat chaud et sec.
Le facteur dhumidité minimal nécessaire au développement de F. moniliforme est de 0,87, la limite supérieure se situant au delà de 0,99. Les températures minimale, optimale et maximale pour son développement sont respectivement de 2,5 à 5,0°C, de 22,5 à 27,5°C et de 32 à 37°C. On ne dispose daucune information sur les conditions nécessaires à la production de fumonisine B1.
Le contact avec la fumonisine B1 du maïs provoque une leucoencéphalomalacie chez le cheval et un oedème pulmonaire chez le porc. Cette maladie a été signalée dans de nombreux pays parmi lesquels les États-Unis, lArgentine, le Brésil, lÉgypte, lAfrique du Sud et la Chine. La fumonisine B1 est aussi toxique pour le système nerveux central, le foie, le pancréas, les reins et les poumons de plusieurs espèces animales.
La présence de fumonisine dans le maïs a été liée à lapparition de cancers oesophagiens chez lhomme dans le Transkei, en Afrique australe, et en Chine. Le rapport entre le contact avec du maïs de culture familiale contaminé par F. moniliforme et lincidence de cancers oesophagiens a été étudié au Transkei pendant la période 1976-1986 (Rheeder et al., 1992). Le pourcentage de grains contaminés par F. moniliforme était sensiblement plus élevé dans la zone à haut risque de cancer pendant toute la période, et les quantités de fumonisine B1 et B2 étaient notablement plus importantes dans le maïs moisi cultivé dans les zones à haut risque en 1986.
Avant cela, le Centre international de recherche sur le cancer avait réalisé une étude dans laquelle il concluait que les expérimentations animales avaient fourni des preuves suffisantes du pouvoir cancérogène de cultures de F. moniliforme contenant des quantités significatives de fumonisines; en revanche, il ny avait que peu déléments prouvant, sur des animaux, le pouvoir carcinogène de la fumonisine B1 (CIRC, 1993d). Pourtant, les résultats dune étude récemment achevée sur la toxicité et le pouvoir carcinogène de la fumonisine B1 ont fait lobjet dun rapport du National Toxicology Program du Ministère de la santé et des services humains des États-Unis (NTP, 1999). Quoique encore à létat de projet, le rapport conclut que leffet carcinogène de la fumonisine B1 chez les rats mâles F344/N a été démontré sans ambiguïté par laugmentation de lincidence des néoplasmes des tubules rénaux, de même que son effet carcinogène chez la souris femelle B6C3F1 par laugmentation de lincidence des néoplasmes hépatocellulaires. Il nexiste pas de preuves du pouvoir carcinogène de la fumonisine B1 chez les rats femelles ou les souris mâles.
A. ochraceus se développe plus lentement que A. Flavus et A. parasiticus, mais peut se développer dans un facteur dhumidité aussi faible que 0,79. Sa température de développement serait comprise entre 8 et 37°C avec un optimum variant, selon les rapports, entre 25 et 31°C. Lochratoxine A est produite dans une fourchette de températures de 15 à 37°C, avec une valeur optimale à 25-28°C.
P. verrucosum se développe à des températures comprises entre 0 et 31°C et dans une humidité de 0,80. Lochratoxine A est produite à toutes les températures de la gamme. Des quantités importantes de toxines peuvent être produites à une température aussi basse que 4°C et une humidité aussi faible que 0,86.
Le contact avec lochratoxine A (CIRC, 1993e) semble se produire essentiellement dans les régions tempérées de lhémisphère nord où poussent le blé et lorge. Les quantités dochratoxine A rapportées dans ces produits vont des traces à des concentrations de 6000 µg/kg dans le blé canadien. Au Royaume-Uni, les teneurs signalées vont de moins de 25 à 5 000 µg/kg pour lorge et de moins de 25 à 2 700 µg/kg pour le blé. On la trouve aussi dans le maïs, le riz, les pois, les haricots, les doliques, le raisin et ses produits dérivés, le café, les épices, les fruits à coque et les figues.
Le passage de lochratoxine A de lalimentation animale aux produits animaux a été démontré par la présence de cette toxine dans les produits à base de viande de porc et dans le sang de porc en Europe.
Bien que les grains de céréales soient considérés comme la principale source dochratoxine A dans lalimentation humaine, lidée a été émise (CIRC, 1993e) quelle pouvait aussi se trouver dans la viande de porc. On en a retrouvé dans le sang (et le lait) dhabitants de plusieurs pays européens parmi lesquels la France, lItalie, lAllemagne, le Danemark, la Suède, la Pologne, la Yougoslavie et la Bulgarie. Lun des taux les plus élevés que lon ait mesurés était de 100 ng/ml retrouvés dans le sang en Yougoslavie (Fuchs et al., 1991), tandis que lon enregistrait, en Italie, un taux de 6,6 ng/ml dans le lait (Micco et al, 1991).
Des mesures réglementaires concernant lochratoxine A ont été adoptées ou proposées dans au moins onze pays pour limiter les teneurs admises dans la nourriture, comprises entre 1 et 50 µg/kg, et dans les aliments du bétail, comprises entre 100 et 1000 µg/kg. Au Danemark, lacceptabilité des produits à base de viande de porc issus dune carcasse donnée dépend de lanalyse de la teneur en ochratoxine A présente dans le rein. La viande et certains organes du porc peuvent être consommés si la teneur en ochratoxine A du rognon nest pas supérieure respectivement à 25 et 10 µg/kg (van Egmond, 1997).
Le Comité mixte dexperts de lOMS et de la FAO sur les additifs alimentaires, le JECFA, recommande à titre provisoire de limiter labsorption hebdomadaire dochratoxine A à 100 ng/kg de poids corporel, ce qui correspond à une absorption journalière denviron 14 ng/kg de poids corporel (JECFA, 1996a).
Lochratoxine A a été rattachée à la néphropathie endémique balkanique, maladie chronique mortelle des reins survenant dans des régions délimitées de Bulgarie, de lancienne Yougoslavie et de Roumanie. Lochratoxine A provoque une toxicité rénale, une néphrite et une immunosuppression dans de nombreuses espèces animales, et montre des effets cancérogènes dans les expérimentations animales.
Les expérimentations sur les animaux ont suffisamment démontré le pouvoir carcinogène de lochratoxine A (CIRC, 1993e).
La patuline est un antibiotique produit par plusieurs moisissures. Elle apparaît dans les pommes pourries contaminées par Penicillium expansum et, peut donc être présente dans le jus de pomme et autres produits à base de pommes.
Les études expérimentales montrent que la patuline est une neurotoxine et quelle produit des altérations pathologiques sévères dans les viscères. Bien que, selon les rapports existants, elle induise des sarcomes locaux, la plupart des études à court terme nont pas permis de déceler une activité mutagène.
Le JECFA a fixé provisoirement labsorption journalière maximale à 400 ng/kg de poids corporel (JECFA, 1996b).
Lécologie complexe du développement des moisissures et de la production de mycotoxines peut aboutir à la présence de mélanges de mycotoxines dans la nourriture de lhomme et de lanimal, en particulier dans les céréales. La présence concomitante de mycotoxines peut influer à la fois sur la quantité de mycotoxines produite et sur la toxicité de la matière contaminée (Miller, 1991). La production des aflatoxines dans les céréales pendant le stockage, par exemple, peut être accrue par la présence de trichothécènes, mais la toxicologie de combinaisons de mycotoxines présentes à létat naturel serait, selon les expérimentations menées chez lanimal (Schiefer et al., 1986), fonction dinteractions synergiques. Une étude chez le porc, par exemple, montre que leffet du déoxynivalénol sur la prise de poids et la conversion des aliments est potentialisé par la toxine T-2. On a également rapporté (Dowd, 1989) des interactions avec des métabolites fongiques non toxiques, parmi lesquelles une puissante synergie entre les métabolites non toxiques de F. graminearum (culmorine, dihydroxycalonectrine et sambucinol) avec le déoxynivalénol. À ce jour, cet aspect particulièrement important de la mycotoxicologie reste trop largement méconnu.
Il existe plusieurs mycotoxicoses qui, sans être très largement répandues, présentent de limportance pour la population susceptible dêtre contaminée dans les régions où elles sévissent. Les mycotoxicoses entrant dans cette catégorie (tableau 2) sont associées à des moisissures se développant à la fois dans les cultures sur pied et dans le fourrage entreposé. Les moisissures et les mycotoxines en question sont associées à diverses maladies du bétail dont lergotisme, la tétanie due au paspalum, la tétanie due au ray-grass, leczéma facial, le pied de fétuque, la lupinose, le syndrome de la bave et la stachybotryotoxicose (Lacey, 1991).
Tableau 2 Moisissures et mycotoxines importantes à léchelle régionale
Espèce de la moisissure |
Mycotoxines produites |
Mycotoxicose |
Claviceps purpurea |
Alcaloïdes de lergotamine |
Ergotisme |
Claviceps fusiformis |
Alcaloïdes de la clavine |
Ergotisme |
Claviceps paspali |
Paspalinine |
Tétanie due au paspalum |
Acremonium loliae* |
Lolitrem |
Tétanie due au ray-grass |
Balansia spp? |
Alcaloïdes? |
Pied de fétuque |
Pithomyces chartarum |
Sporidesmine |
Eczéma facial |
Phomopsis leptostromiformis |
Phomopsine |
Lupinose |
Rhizoctonia leguminicola |
Slaframine |
Syndrome de la bave |
Stachybotrys atra |
Satratoxines |
Stachybotryotoxicose |
Diplodia maydis |
Diplodiatoxine |
Diplodiose |
La plupart des animaux délevage se nourrissent de fourrage, soit dans des pâturages, soit sous forme de foin ou densilage. Pendant toute cette période, les cultures peuvent être envahies par des moisissures dont le développement dépend de lécosystème ambiant, de même que la production de champignons. Les cultures sur pied abritent des micromilieux différents. Les feuilles sommitales dune plante, par exemple, sont soumises à des fluctuations extrêmes de température et dhumidité relative, tandis que les feuilles proches de la base de la plante ont un environnement plus ombragé, plus tempéré et plus humide. La texture de surface de la feuille a aussi un effet sur le micromilieu.
LE SYSTÈME SOCIO-ÉCONOMIQUE
Le système socio-économique décrit les facteurs sociaux (culturels, politiques) et économiques (macro et micro-économiques) qui exercent une influence notable sur ce qui se passe dans le système mycotoxicologique et dont il faut tenir compte intégralement dans toute action visant à lutter contre le développement des moisissures et des mycotoxines. Dans certains cas, en raison de la complexité et du caractère imprévisible du comportement humain, il peut savérer très difficile dintervenir avec succès dans le système socio-économique. Pourtant, les interventions techniques destinées à réduire laltération nont de chances de réussir que si elles peuvent être aménagées et exploitées dans le cadre socio-économique existant. Chaque fois que des mesures sont prises pour améliorer la qualité des aliments destinés à lhomme et à lanimal, il faut quil soit clairement établi quil est vraiment nécessaire daméliorer la qualité du produit et que la communauté est prête à supporter le coût de lamélioration du produit.
LE SYSTÈME DE CONTRÔLE
Pour réussir, la gestion de systèmes de produits en interaction (gestion de produits) nécessite lintervention coordonnée dune équipe interdisciplinaire qui permette de concrétiser tous les avantages que peut présenter la dynamique de léquipe en exploitant pleinement les interactions entre les compétences, les disciplines et la culture de chacun des membres de léquipe. Léquipe doit avoir les compétences nécessaires pour pouvoir opérer dans des systèmes de produits différents en repérant les facteurs qui compromettent la qualité des produits et en mettant en place les interventions appropriées.
Le système de contrôle (figure 6) présente, à titre dexemple, quelques interventions (mesures) préventives et curatives qui peuvent être employées pour lutter contre les mycotoxines lorsque la nature de la contamination a été correctement évaluée.
Les facteurs qui compromettent la qualité des produits du système de produits et entraînent la formation de moisissures et de mycotoxines peuvent être évalués en réalisant des études de surveillance soigneusement conçues, en utilisant des méthodes de contrôle biologique de conception récente pour mesurer le risque de contamination des personnes par les mycotoxines et en réalisant des études socio-économiques portant sur divers points dordre social, commercial et financier (Coker, 1997). La présence de moisissures et de mycotoxines peut être atténuée par diverses mesures de prévention appliquées avant et après la moisson, telles que des mesures appropriées de lutte contre les ravageurs et les maladies et des pratiques saines de moissonnage, de séchage et de stockage. Une fois que la contamination par les mycotoxines sest opérée, elle peut être atténuée par diverses mesures à mettre en oeuvre principalement après la récolte et comprenant une transformation, une décontamination et une ségrégation (Coker, 1997; FAO, 1999).
Dans la lutte contre les mycotoxines, lapproche doit être structurée et systématique, être axée sur la nécessité de prévenir et reconnaître les interactions intimes qui lient dun bout à lautre les systèmes de produits aux autres systèmes.
Figure 6 - Le système de lutte
INTÉGRATION DES SYSTÈMES
Lanalyse des risques et le points critiques pour leur maîtrise (HACCP) est un système de gestion de la sécurité sanitaire des aliments qui repose sur lidentification et lévaluation systématiques des risques dans les aliments et définit des moyens pour maîtriser ces risques Il sagit dun élément important dune approche intégrée de la sécurité sanitaire des aliments. Les relations entre le système HACCP et les autres instruments utilisés pour la sécurité sanitaire des aliments sont illustrées dans la figure 7.
Figure 7 - Instruments pour la sécurité sanitaire des produits: une approche intégrée
Daprès Food Safety Management Tools (Jouve, 1998).
Les chapitres 2 et 3 décrivent la mise en place du système HACCP comme moyen deffectuer un contrôle systématique des mycotoxines et se terminent par des études de cas portant sur la maîtrise de problèmes particuliers de mycotoxines.
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