Malcolm Hadley28Les récents incendies de grande ampleur qui ont touché les terres forestières dans de nombreuses régions du monde - Sumatra, Kalimantan et d'autres parties de l'Asie du Sud-Est, Sibérie et autres régions orientales de la masse continentale eurasienne, Amazonie, Mexique et sud-est des Etats-Unis, régions situées autour du bassin méditerranéen, etc. - ont attiré l'attention du public et des responsables politiques sur les approches concernant la remise en état autant que sur la prévention. L'UNESCO possède une certaine expérience dans ces domaines, à la fois sous l'angle technique et sous l'angle opérationnel, comme le montrent les résumés ci-dessous.28 UNESCO, Division des sciences écologiques, 7 place de Fontenoy, 75352 Paris 07 SP, France.
INFORMATIONS TECHNIQUES SUR LA REMISE EN ÉTAT DES TERRES TOUCHÉES PAR LES INCENDIES
Les écosystèmes terrestres comprennent une proportion croissante de forêts secondaires, de zones dégradées et d'autres milieux marqués par les activités humaines, dans les régions tropicales, subtropicales, méditerranéennes et d'autres encore. On a accordé une attention relativement limitée à ces systèmes par rapport aux systèmes "intacts", et la nécessité d'améliorer les connaissances scientifiques susceptibles de servir de base à une gestion efficace (notamment la remise en état des zones dégradées) se fait de plus en plus sentir. Plusieurs initiatives sponsorisées ou soutenues par l'UNESCO ont cherché à rassembler et à comparer les informations existantes sur les processus et les pratiques de remise en état, et à programmer les activités à entreprendre en collaboration à l'avenir.
En ce qui concerne la région à climat méditerranéen, des synthèses ont été réalisées dans le passé, notamment un bilan de la gestion des incendies et des combustibles rédigé par plusieurs auteurs, publié en tant que Note technique du MAB n°11.
Plusieurs séminaires techniques régionaux de l'UNESCO sur la remise en état des forêts tropicales se sont déroulés en Asie du Sud-Est: à Kuala Lumpur (février 1992), à Hanoi (juin-juillet 1993) et à Brisbane (novembre 1991 et février 1997). En juillet 1993, un atelier régional de formation sur la remise en état des terres dégradées a eu lieu en Thaïlande, faisant suite à un voyage d'étude sur des sites de terrain en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande et au Viêt-Nam en avril 1993. Une bibliographie annotée de 468 pages publiée fin 1995 par le bureau de l'UNESCO à Djakarta avait pour but de rassembler les travaux publiés récemment sur la remise en état des terres dégradées.
COOPÉRATION ENTRE LE SECTEUR PRIVÉ ET LE GOUVERNEMENT POUR LA GESTION DES RESSOURCES À KUTAI, KALIMANTAN
Dans le Parc national de Kutai, à Est-Kalimantan (Indonésie), une association a été formée entre les autorités du parc et les sociétés privées engagées dans l'exploitation du charbon, du pétrole, du gaz naturel ou des produits forestiers dans le parc ou à proximité. Ces sociétés sont représentées par les Amis de Kutai, structure visant à mobiliser le soutien des entreprises privées à la gestion du parc national et au Projet de soutien à la gestion du parc national de Kutai, une initiative commune du Gouvernement indonésien, du PNUD et de l'UNESCO qui a démarré à la mi-1995.
Ses activités comprennent la remise en état des zones forestières dégradées, l'intégration du zonage du parc avec les plans régionaux d'utilisation des terres, un travail de vulgarisation agricole dans la zone tampon du parc, et la préparation de supports d'éducation en matière de conservation qui seront inclus dans les programmes des écoles locales. Les premiers succès ont été obtenus notamment grâce aux éléments suivants: les opérations ont démarré à une échelle relativement faible; le soutien actif d'une société au moins a été obtenu dès le début; on a évité la création d'une nouvelle bureaucratie; et les activités ont été basées sur une approche ascendante, de la base vers le sommet. A ce titre, le fonctionnement des Amis de Kutai a des répercussions sur la promotion de la coopération entre l'industrie et le gouvernement en matière de gestion des zones protégées et de remise en état des terres dégradées ailleurs en Indonésie et dans d'autres pays.
Un bilan du projet a été rédigé par le Conseiller technique principal de l'UNESCO (Raleigh Blouch) et deux experts indonésiens (Warsito et Yaya Mulyana) et publié; le rapport d'évaluation du projet PNUD-UNESCO de Kutai sur deux ans fournit des éléments de base et des informations complémentaires.
DONNÉES OBTENUES AU NIVEAU DES OCÉANS POUR LA PRÉVISION DES INCENDIES DE FORÊT
Les risques de déclenchement des incendies sont plus élevés lorsque les conditions sont exceptionnellement arides, comme celles provoquées en Asie du Sud-Est par les phénomènes El Niño qui se produisent en moyenne tous les quatre ans. Il est maintenant possible de prévoir les phénomènes El Niño avec un haut degré de précision, entre neuf mois et un an avant qu'ils ne se produisent, ce qui permet de mettre en place des mesures préventives et de prendre des mesures de sécurité. Les prévisions sont faites à l'aide de modèles numériques perfectionnés qui traitent l'atmosphère et l'océan comme un système couplé. Les données utilisées par ces modèles pour élaborer les prévisions proviennent de divers systèmes d'observation situés dans l'océan Pacifique et en Asie du Sud-Est, notamment:
· la grille d'environ 70 bouées déployées par le Japon et les USA dans la grille d'observation océan-atmosphère dans les mers tropicales (Tropical-Atmosphere-Ocean, TAO) dans l'océan Pacifique équatorial, qui mesure les propriétés de surface de la couche supérieure de l'océan, et de l'air au-dessus de l'océan;Ces divers systèmes d'observation forment les éléments du Système initial d'observation du Système mondial d'observation de l'océan (SMOO), sponsorisé par la COI, l'OMM, le PNUD et le CIUS (Conseil international des unions scientifiques).· les navires commerciaux du programme Ship of Opportunity (SOOP) géré conjointement par la Commission océanique internationale (COI) de l'UNESCO et l'Organisation météorologique mondiale (OMM), en tant qu'élément du Système mondial intégré de services océaniques (SMISO). Les bateaux utilisent des bathythermographes à usage unique pour mesurer les caractéristiques de la couche supérieure de l'océan le long de leurs sillages;
· les maréomètres du Système mondial d'observation du niveau de la mer (Global Ocean Sea Level System, GLOSS) de la COI, placés sur les côtes des continents et des îles autour du Pacifique et de l'Asie du Sud-Est. Les changements du niveau des mers mesurés par les jauges sont des indicateurs précis des phénomènes El Niño;
· les moyens de télédétection par satellite: altimètres mesurant les petites variations de hauteur de la surface des mers, et radiomètres mesurant la température de surface des mers.
LES VARIATIONS CLIMATIQUES ET LEURS EFFETS EN ASIE DU SUD-EST
Depuis plusieurs années, le bureau de l'UNESCO à Djakarta effectue des évaluations continues des variations climatiques de l'oscillation australe El Niño (ENSO) et de l'apparition des sécheresses en Indonésie et dans d'autres pays de la région comme les Philippines. Des exemples de séries de données à long terme qui ont été rassemblées et analysées sont celles des températures de l'air à Djakarta, de 1865 à nos jours. Les approches et les résultats ont été décrits dans une série de publications sur le thème "Contending with Global Change" ("Comment faire face au changement climatique planétaire) produites par le bureau de l'UNESCO à Djakarta, et dans des articles de recherche parus dans la littérature scientifique classique (voir par exemple deux articles de J.R.E. Harger dans la revue Atmospheric Environment, volume 29, Numéro 16, 1995, dont l'un est intitulé "ENSO variations and drought occurrence in Indonesia and the Philippines" ("Les variations d'ENSO et les sécheresses en Indonésie et aux Philippines").
APPROCHES UTILISÉES EN MATIÈRE DE PRÉVENTION ET DE GESTION DES INCENDIES
Les recherches de terrain ont souligné l'importance du couvert forestier qui remplit plusieurs fonctions écologiques, dont la prévention de l'érosion du sol et l'atténuation de la propagation des incendies. C'est ainsi que pendant les incendies de 1982-1983 dans l'est de Kalimantan, les zones brûlées se sont limitées essentiellement aux forêts totalement exploitées, tandis que les écosystèmes forestiers intacts étaient épargnés dans une large mesure. D'une manière plus générale, l'un des objectifs principaux des sites faisant partie du Réseau mondial des réserves de biosphère est de tester des approches intégrées pour un développement durable. Les réserves de biosphère contribuent à la conservation in situ de la biodiversité, tout comme plusieurs sites inscrits sur la liste du Patrimoine mondial de l'UNESCO. Dans un certain nombre de Réserves de biosphère et de sites du Patrimoine mondial spécifiques, les institutions nationales partenaires effectuent des recherches et des activités de gestion liées aux incendies: Kakadu (Australie), Cerrado (Brésil), Comoé (Côte d'Ivoire), Galapagos (Equateur), Cibodas (Indonésie), Amboseli (Kenya), Yellowstone (USA).
CONTRIBUTIONS À DES RÉUNIONS, ÉTUDES ET PROJETS
Des contributions d'ordre technique et autre ont été apportées dans le cadre d'un éventail d'activités récentes organisées par les institutions nationales en matière d'écologie du feu et de gestion des incendies, notamment sur les effets d'El Niño. En Indonésie, on peut citer les exemples suivants:
· La participation à la "Conférence internationale sur la science et la technologie pour l'évaluation du changement climatique planétaire et de son impact sur le continent maritime indonésien" (International Conference on Science and Technology for the Assessment of Global Environment Change and its Impact on the Maritime Continent of Indonesia) (Djakarta, 10-12 novembre 1997).PROJET SUR LES CAUSES PROFONDES ET LES IMPACTS DES INCENDIES EN ASIE DU SUD-EST· Un projet commun d'approvisionnement en eau intitulé "Programme eau propre" (Clean Water Programme) pour des villages situés en des lieux écartés de la vallée de Baliem et ses environs, dans la province d'Irian Jaya en Indonésie, pour faire face à la sécheresse touchant l'est de l'Indonésie. Ce projet est basé sur une collaboration entre l'UNESCO, l'UNICEF et les ambassades du Danemark et de l'Allemagne en Indonésie.
· Soutien de l'UNESCO à une "Etude préliminaire sur l'impact des incendies de forêt sur la biodiversité et l'écosystème dans la réserve de biosphère de Cibodas, Ouest-Java", (A Preliminary Study on the Impact of Forest Fire on the Biodiversity and its Ecosystem in Cibodas Biosphere Reserve, West Java) effectuée par l'Institut indonésien des sciences (LIPI).
· Soutien de l'UNESCO-COI à l'"Atelier national sur l'évaluation des impacts d'El Nino" (National Workshop on El Niño Impacts Assessment) (Djakarta, 7-14-26 mars 1998).
· Soutien et participation à l'exposition de photos et d'uvres d'art intitulée "Kalimantan en feu" visant à augmenter l'information du grand public et sa sensibilisation au problème des incendies de forêt (Djakarta, 20-30 avril 1998). Une version en ligne de l'exposition a été ouverte sur le site Web de l'UNESCO-Djakarta (http://www.un.or.id/unesco/forestfire).
· Renforcement de la capacité nationale d'information sur la gestion des incendies pour améliorer la conservation de la biodiversité en Indonésie, en coopération avec le MAB-Indonésie, l'Institut indonésien des sciences (LIPI) et le Ministère des forêts, conformément au Mécanisme d'échange d'informations (Clearing House Mechanism) pour la Convention sur la biodiversité. Un soutien a aussi été apporté à l'exécution de campagnes de sensibilisation du public diffusées par la télévision et la radio nationales ainsi que par l'Internet et des documents imprimés.
L'élaboration d'un projet sur les causes profondes et les impacts des incendies en Asie du Sud-Est a pris forme en 1997-1998. Ce projet est une initiative commune du Centre pour la recherche forestière internationale (CIFOR), du Centre international pour la recherche en agroforesterie (ICRAF) et de l'UNESCO. Il est bâti sur la coopération existante entre les trois organisations, comme par exemple dans un projet sur les "Solutions de rechange à l'agriculture sur brûlis" (Alternatives to Slash and Burn).
On envisage une approche à trois niveaux, comprenant: (1) un bilan général de la situation des incendies pour toute la région, (2) une évaluation plus détaillée à Sumatra et Kalimantan pour examiner dans quelle mesure les caractéristiques de leurs incendies sont représentatives de l'ensemble de l'Indonésie, et (3) une évaluation détaillée des causes et des conséquences à l'échelon spécifique du site avec plusieurs sites d'études approfondies à Kalimantan et Sumatra. Les recherches sont conçues de façon modulaire: chaque module est indépendant mais il complète et renforce les autres. L'évaluation générale permettra d'identifier les endroits et les moments où se sont produits les incendies en Indonésie, tandis que les évaluations spécifiques à l'échelon du site identifieront, au cours du temps, quels sont les acteurs et agents ayant provoqué certains types d'activité des feux et pourquoi ils l'ont fait.
Une proposition de projet a été élaborée en 1997 et a ensuite été révisée par une série d'approximations successives, à la lumière des discussions avec diverses institutions indonésiennes et bailleurs de fonds intéressés. Le soutien financier pour les deux premières parties de ce projet a été approuvé par l'USAID.
BIBLIOGRAPHIE
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Blouch, R.A.; Warsito; Yaya Mulyana. 1998. The Friends of Kutai National Park; partnership of a protected area with the private sector. Nature & Resources, 34 (1): 42-51.
Lamb, D.; Howell, S.; Read, T.; Broekstra, L. 1995. Rehabilitation of Degraded Tropical Forests: An Annotated Bibliography. UNESCO Office, Jakarta. 468 pp.
Stolle, F.; Dennis, R.; Byron, N.; Tomich, T.P. 1998. Fires, a review of the 1997-1998 fire event in Sumatra. (version préliminaire).