Felix Kogan27RÉSUMÉ27 Administration nationale des océans et de l'atmosphère (National Oceanic and Atmospheric Administration, NOAA), Services nationaux d'information et de données satellite sur l'environnement (National Environmental Satellite Data and Information Services, NESDIS), USA.
Les incendies de végétation sont l'une des catastrophes naturelles majeures qui endommagent d'immenses surfaces forestières et herbacées dans le monde entier. Plusieurs centaines de millions d'hectares de végétation brûlent chaque année dans le monde, avec des répercussions néfastes sur la situation économique, l'environnement, la sécurité, la santé humaine, et la faune et la flore sauvages des pays touchés. La prévention des incendies est l'une des tâches essentielles des politiques liées aux incendies, et elle exige avant tout une surveillance précise et effectuée au bon moment. Compte tenu des immenses superficies vulnérables au feu dans le monde et des observations limitées au niveau du sol, la surveillance du risque incendie par les satellites opérationnels est une tâche importante du système mondial d'observation. Cet article présente une nouvelle technique de surveillance du risque incendie à l'échelle planétaire par les satellites opérationnels NOAA en orbite polaire. Ces techniques ont été mises au point récemment et utilisées pour l'évaluation du danger d'incendie pendant la saison de défrichement par le feu en 1998 en Amazonie brésilienne. Les premières validations montrent que cette technique est utile pour l'alerte précoce et pour l'évaluation des surfaces susceptibles d'être touchées par les incendies et de l'intensité potentielle de ces derniers.
JUSTIFICATION
Les incendies sont les catastrophes naturelles les plus importantes menaçant les écosystèmes de la planète. Dans les zones forestières et boisées, ils détruisent plus d'arbres que n'importe quelle autre catastrophe naturelle (attaques par les ravageurs, tornades, gel, volcans, etc.). Dans les pays industrialisés et surtout dans les pays en développement, les incendies ont des répercussions néfastes sur la situation économique, l'environnement, la sécurité, la santé humaine et la faune et la flore sauvages.
Le nombre d'incendies et les superficies brûlées sur tous les continents sont stupéfiants. Chaque année, plusieurs centaines de millions d'hectares de terres forestières brûlent dans le monde entier. Pendant la période 1987-1996, on a recensé chaque année environ 66 000 incendies en Europe et 133 000 en Amérique du Nord. La superficie moyenne des zones touchées était d'environ 544 000 et 4 295 000 ha respectivement (FAO, 1997). En Amazonie brésilienne, les incendies brûlent chaque année une superficie équivalente au double de la surface du Costa Rica (Nepstad et al., 1999).
Les superficies touchées par les incendies sont multipliées par deux pendant les années de sécheresses intenses et prolongées, même dans les régions à climat tropical humide, comme le bassin amazonien. Les exemples les plus récents sont les graves sécheresses liées au phénomène El Niño de 1997-1998, qui ont provoqué des incendies immenses en Asie du Sud-Est, en Amérique centrale, en Amérique du Sud (Brésil) et en Russie orientale. Ils ont eu pour conséquences la formation d'une brume de pollution (smog) dense, des problèmes de santé publique, la destruction de ressources écologiques, des déplacements de population et des pertes en vies humaines.
OBJECTIFS
La prévention des incendies est l'une des tâches principales des politiques liées aux incendies, et elle exige avant tout une surveillance précise et effectuée au bon moment. Des indicateurs précoces d'incendies peuvent aider à préparer les moyens d'intervention bien avant l'éclosion des incendies, à utiliser ces moyens pleinement et plus efficacement, et à éveiller l'attention du public.
Compte tenu des immenses superficies vulnérables au feu dans le monde et des observations limitées au niveau du sol, la surveillance du risque incendie par les satellites opérationnels doit être une tâche importante du système mondial d'observation. Les Services nationaux d'information et de données satellite sur l'environnement (National Environmental Satellite Data and Information Services, NESDIS) de l'Administration nationale des océans et de l'atmosphère (National Oceanic and Atmospheric Administration, NOAA, USA) maintiennent des satellites environnementaux, recueillent des données et mettent au point des techniques de surveillance des terres, de l'atmosphère et des océans de toute la planète. Récemment, une nouvelle technique de surveillance du risque incendie a été mise au point et utilisée pendant la saison de défrichement par le feu en 1998 en Amazonie brésilienne. Cette technique permet l'alerte précoce et une évaluation des surfaces susceptibles d'être touchées par les incendies et de l'intensité potentielle de ces derniers. Les principes et les résultats de la surveillance des incendies pour l'année 1998 sont discutés ci-dessous.
CONTEXTE
L'utilisation de satellites environnementaux opérationnels permet d'aborder deux aspects de la surveillance des incendies: la surveillance des incendies actifs et la surveillance du risque incendie (incendie pouvant se déclarer si le matériel végétal est mis à feu). Les incendies actifs peuvent être surveillés par plusieurs systèmes de satellites: satellites NOAA en orbite polaire, satellites environnementaux opérationnels géostationnaires (GOES), programme de satellites météorologiques de défense (Defence Meteorological Satellite Program, DMSP), et ERS-1. La plupart des techniques sont élaborées en vue d'une surveillance active des incendies (Prins et Mensal, 1992; Cahoon et al. 1992; Kasischke et al. 1994; Roust et al. 1997).
Il existe très peu de techniques disponibles pour la surveillance du risque incendie. L'une d'elles, la Méthode opérationnelle d'évaluation des incendies de végétation (Operational Wildland Fire Assessment System) a été mise au point et utilisée aux Etats-Unis (Burgeon 1988). Ce système contient des modèles pour la simulation du danger d'incendie, de l'humidité des matériaux combustibles et de l'indice de sécheresse. Outre les données satellite, le système nécessite des observations au sol détaillées, fournies par un réseau de stations météo régulières et spécialisées. Malheureusement, il est difficile d'obtenir des données au sol pour l'ensemble de la planète. C'est pourquoi on s'est efforcé de mettre point un système d'évaluation du risque incendie par satellite.
PRINCIPES
Parmi les nombreux facteurs qui influencent le risque incendie, le taux d'humidité des végétaux et la température ambiante contrôlent le degré de sécheresse de la végétation. Une faible humidité disponible et de hautes températures peuvent induire une perte d'eau chez les végétaux, la dégradation de leur état sanitaire, leur dessèchement, et un stress. Une sécheresse persistante de la végétation associée à un temps sec et très chaud peuvent créer des conditions favorables à l'éclosion des incendies. L'évaluation de l'intensité et de la durée du stress subi par la végétation est donc un bon indicateur du risque incendie et de l'éventuel danger d'incendie sur une grande surface.
Le stress de la végétation est calculé à partir d'un nouvel outil pour l'évaluation de la sécheresse, basé sur les données AVHRR (Kogan 1997). Cet outil combine l'indice de végétation à différence normalisée (Normalised Difference Vegetation Index, NDVI) et les données thermiques, pour obtenir des indices évaluant l'état sanitaire de la végétation par des valeurs numériques. Les valeurs sont échelonnées d'un stress extrême (zéro) à favorable (100) sur la base des données collectées par l'AVHRR pendant 14 ans. Des indices inférieurs à 35 indiquent le début d'un stress environnemental, manifesté par une détérioration de la végétation qui perd de sa verdeur et de sa vigueur. Un stress de végétation continu et intense est un bon indicateur de danger d'incendie.
APPLICATION
Depuis juin 1998, cette méthode a été appliquée à l'évaluation du risque incendie en Amérique du Sud (centrée sur le Brésil). Au Brésil, l'été (année civile) est une saison sèche pendant laquelle les paysans brûlent la végétation pour préparer les terres aux prochaines récoltes. Lorsque cette saison est plus sèche qu'à l'habitude, les feux échappent au contrôle et détruisent la végétation sur de vastes surfaces. L'évaluation précoce du danger d'incendie est importante pour une prévention et une maîtrise efficaces des incendies.
Le produit comprend des cartes de l'état sanitaire de la végétation, des conditions d'humidité et de température et du risque incendie basées sur des codes-couleurs. Les évaluations sont produites chaque semaine et placées sur la page d'accueil de NOAA/NESDIS: http://orbit-net.nesdis.noaa.gov/crad/sat/fpm.
La carte de l'état sanitaire de la végétation fournit des informations sur l'état de la végétation, évalué à la fois par les conditions d'humidité et de température. La zone où l'état sanitaire de la végétation est mauvais est mise en évidence chaque fois que des conditions de stress, lié à la fois à l'humidité et à la température, sont détectées. Cependant, certaines zones peuvent subir uniquement un stress thermique, alors que les conditions d'humidité sont correctes ou favorables, et vice versa. Des conditions de stress pour un seul des indicateurs constituent un avertissement, surtout si le stress est lié à l'humidité. L'évaluation du risque incendie est basée sur la combinaison de l'intensité et de la durée des stress combinés liés à l'humidité et à la température. Si un stress sévère (indice inférieur à 15) dure pendant une semaine, le risque incendie est minimal, tandis qu'il atteint son maximum si ces conditions persistent pendant cinq semaines ou plus. Le risque incendie est plus élevé si le stress de la végétation est sévère et durable. Un haut niveau de risque incendie dû à la fois aux conditions d'humidité et de température peut être utilisé comme signal d'alerte au danger d'incendie.
VALIDATION
L'analyse des évaluations du risque incendie en 1998 dans l'Amazonie brésilienne a montré qu'au début de la période de brûlage de la végétation (juin), qui coïncide avec le début de la saison sèche, l'état sanitaire de la végétation était proche de la normale et similaire à celui des évaluations pour 1997. Cependant, l'état sanitaire de la végétation s'est détérioré au cours des trois mois suivants, essentiellement à cause d'un stress thermique sévère. A la fin du mois d'août, la superficie correspondant à un stress de la végétation s'est étendue à près de 480 000 km2, contre environ 300 000 km2 en 1997. Les rapports du Brésil ont signalé une augmentation de 30 pour cent des incendies actifs pendant la saison sèche de 1998 par rapport à celle de 1997.
L'année 1998 a été une année à haut risque incendie dans quelques autres régions du monde. Dans l'Extrême-orient russe et le nord de l'île de Sakhaline, une vaste zone (près d'un million de km2) à haut risque incendie était bien identifiée au mois d'août. Au cours des deux mois suivants, d'immenses incendies se sont déclarés, brûlant 15 millions de mètres cubes de bois d'uvre et entraînant le déplacement de nombreuses personnes sans abri. Un signe précoce de stress de la végétation était apparu sur les cartes satellite à la mi-juillet. Une activité importante du feu a aussi été relevée au Mexique suite à une sécheresse intense et étendue. Les indices satellite ont montré qu'un stress sévère de la végétation avait débuté au printemps 1998 et avait persisté pendant plusieurs mois. La zone touchée avait été classée comme potentiellement vulnérable à l'activité des incendies depuis le début du mois de mai. Pendant les premiers mois de 1998, un temps sec et très chaud a aussi entraîné un niveau élevé de risque incendie en Indonésie (surtout dans le sud de Bornéo) et en Malaisie. Des incendies très importants ont eu lieu quelque temps après dans la région, comme on l'a vu, détruisant près de 3 millions d'hectares de terres boisées et provoquant des problèmes de santé publique dus aux fumées.
CONCLUSION
Les nouveaux indices ont fourni des informations exactes et précoces sur le risque incendie. Leurs avantages apparaissent clairement car:
· ils permettent une alerte précoce et une vision à l'échelle planétaire pour une gestion efficace des incendies;Les travaux ultérieurs doivent comprendre la validation de ces résultats pour d'autres régions et sous des conditions météorologiques différentes de celles de 1998. Outre les rapports parus dans les médias utilisés pour la validation, il serait souhaitable de disposer de mesures réelles de l'activité des incendies, telles que la région touchée (incluant ses coordonnées ou les régions administratives) par les incendies, les moments du début et de la fin des incendies, et la superficie de la végétation brûlée. Ces mesures in situ aideront à étalonner les indices de risque incendie basés sur les données des satellites, et à les ajuster aux caractéristiques spécifiques des ressources environnementales et des pratiques de gestion à l'échelon local.· ils utilisent une approche universelle permettant la comparaison entre les écosystèmes;
· ils sont indépendants des mesures au sol, qui ne sont pas disponibles;
· ils fournissent des résultats de validation préliminaires satisfaisants.
Par conséquent, nous sommes prêts à coopérer avec la communauté mondiale sur ces problèmes.
BIBLIOGRAPHIE
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Kasischke E., L. Bourgeau-Chavez, et N. French. 1994: Observations of variations in ERS-1 SAR image intensity associated with forest fire in Alaska. I.E.E.E. Transactions on Geoscience and Remote Sensing, 32, 206-210.
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